Couverture de COHE_175

Article de revue

L'Allemagne, le désastre

Pages 17 à 27

1 Madame Daubigny m’a fourni mon début. Je ne connaissais pas du tout Georges Devereux, mais cette citation sur le meurtre d’âme m’a beaucoup frappé. En effet un écrivain allemand qui n’a hélas pas eu de postérité, Karl Philipp Moritz, qui a écrit l’un des plus grands romans européens, en 1796, Anton Reiser, que j’ai fait traduire aux éditions Fayard, a déjà parlé de ça : du malheur originel de l’Allemagne dont il est l’extraordinaire metteur en scène. C’est un des successeurs de Rousseau. Si on ne lit pas ce livre, on ne comprend rien à cet étrange pays, qui est le seul en Europe à ne pas avoir de désignation géographique mais à s’appeler « Deutschland » : le pays du peuple. Le peuple de l’ethnie pure. Et le malheur de l’Allemagne vient peut-être aussi de cette étrange désignation non géographique. C’est le seul pays d’Europe qui ne soit pas désigné par un nom de peuplade mais par un nom d’authenticité. Et c’est par là que commence probablement – je dis toujours « probablement » – la tragédie allemande. Si je m’autorise à parler ici, c’est parce que Judith Dupont a bien voulu m’éviter – m’inviter, pardon ; étrange lapsus ! – et parce que je suis le seul ici (je vois que je suis le plus âgé) à avoir vécu le nazisme de l’intérieur.

2 Quel est cet étrange pays qui a d’abord servi de poubelle à l’Europe ? Je ne serai pas long sur l’histoire et la géographie, mais c’est indispensable. L’Allemagne est le pays d’Europe le plus divisé qui existe (366 États jusqu’en 1806) et il n’a connu que des dictatures absolues puisque les souverains vendaient leurs sujets à qui en voulait, notamment pour la guerre d’Amérique en 1774. L’Allemagne naît le 21 janvier 1871 à Versailles. Formidable paradoxe dont elle ne se remettra jamais. L’Allemagne est un pays hanté par sa propre impossibilité. On parle d’une sorte de nation idéale, représentée par Frédéric Barberousse endormi devant une table de marbre, dont la barbe pousse à travers la table – ce qui est très important – et qui ne se réveillera que quand l’unité allemande sera faite. C’est un vieux rêve qui parcourt l’histoire allemande – qui n’existe pas, puisqu’il n’y a pas d’histoire allemande. Elle est beaucoup trop compliquée pour qu’on puisse l’enseigner aux élèves. Dans les lycées allemands, on ne fait donc pas d’histoire de l’Allemagne. C’est donc un rêve. C’est resté un rêve inaccessible. D’où cette folie nationale que l’on voit en 1806 dans les discours de Fichte, « Reden an die deutsche Nation », « Discours à la nation allemande », disant que seule l’Allemagne est capable de penser, que seule la langue allemande est capable de philosophie. Le rêve allemand glisse donc du politique vers le philosophique.

3 Cela commence, paradoxalement, par la constitution de la langue allemande par un acte arbitraire : le thuringeois, la langue de Thuringe, la langue de Luther, devient la langue allemande. Luther, qui est un immense écrivain, est le fondateur de la langue allemande. Aujourd’hui, l’admirable traduction de la Bible par Luther a été mise au rancart et remplacée par un ignoble allemand de pasteur trouillard, frelaté, ce qui est un scandale absolu. La langue de Luther est morte. Mais, en même temps, Luther est aussi celui par qui tout commence, notamment par le livre que tout le monde a oublié aujourd’hui – et ce n’est pas par hasard – qui s’appelle Die Juden und ihre Lügen (Les juifs et leurs mensonges), où il dit : « Il faut les brûler. Il faut les exterminer. Jusqu’au dernier. »

4 Pourquoi ? Parce qu’ils ont refusé de se convertir au protestantisme au moment de la Réforme, vers 1530, comme il l’avait espéré. Il s’en est fallu d’un cheveu, d’ailleurs, que ça se fasse.

5 Les Juifs étaient présents avant les Romains, avant même qu’il y ait un empire. Des villages entiers avaient des communautés juives dans le Wurtemberg, à la limite de la Thuringe, notamment – des enquêtes nombreuses ont été faites là-dessus – et où ça se passait très bien. Il faudra les croisades pour que les choses se troublent et seulement assez tardivement, au Moyen Âge – après que la France les a exclus –, si bien que l’on a commencé à utiliser des vêtements discriminatoires. Pas encore l’étoile jaune – mais ça ne saurait tarder – mais des vêtements différents. Que se passe-t-il à ce moment-là ? Les juifs n’ont plus le droit d’être propriétaires terriens. Ils n’ont pas le droit d’être forgerons, le métier principal de l’Allemagne. Ils n’ont même plus le droit d’être aubergistes. Il ne faut pas oublier qu’en Allemagne le terme « économie politique » veut dire « auberge ». L’auberge a joué le rôle central, le rôle moteur de l’histoire allemande parce que les déplacements se faisaient de petit pays à petit pays. Les juifs ont le droit d’être chiffonniers, d’être maquignons, curieusement, et surtout prêteurs d’argent. D’où la légende de l’usure. C’est le problème central sur le plan économique. Ils ont été les percepteurs de l’empereur et ils étaient obligés de prendre un taux usuraire supérieur. Par exemple, en Alsace, le taux usuraire pratiqué par l’empereur d’Allemagne était – pour des raisons que je ne connais d’ailleurs pas – de 3 % supérieur à l’ensemble de l’Empire. Probablement parce que c’était près de la France. Alors les juifs sont accusés, évidemment, d’être des usuriers, d’où le fameux terme… Je ne peux pas ici faire d’allusion à la philosophie allemande bien-aimée. Certains philosophes s’émerveillent de la lutte d’un philosophe nazi contre les changeurs. En allemand, « changeur », c’est toujours « Wechsler », qui entraîne « Wucherer », « usurier ». Donc, usure. Quiconque sait l’allemand sait ce que les mots veulent dire. L’usure est forcément juive, puisque les juifs étaient les seuls à avoir le droit de faire le commerce de l’argent.

6 En France, les juifs sont intégrés à la nation par la Révolution. Ils sont des citoyens comme les autres. Ils ne le deviennent en Allemagne qu’en 1869, quatre ans avant la naissance de mon père. Pourquoi je vous parle de lui ? Parce que ce sera un haut fonctionnaire allemand, qui s’est converti, d’ailleurs, au protestantisme, parce que les juifs allemands – là, on est au cœur du sujet – avaient tellement honte de leur judéité, de leurs origines, qu’ils sont devenus les meilleurs auxiliaires de l’hitlérisme. Sans les Juifs allemands, il n’y aurait pas eu d’Empire ! Il ne faut pas oublier que c’est un financier juif du nom de Bleichröder qui prête à Bismarck les premiers fonds – et, je crois, avec un intérêt réduit – pour qu’il puisse faire la guerre de 1870 contre la France. Sans les juifs, il n’y avait pas d’Empire allemand. Ce sont eux les fondateurs, sur tous les plans ; par leur dynamisme extraordinaire avec cette émancipation de 1869, ils creusent leur propre tombe. C’est un des grands paradoxes. Très allemand, d’ailleurs puisque l’Allemagne, c’est le pays de l’Apocalypse. Les historiens allemands ont fait un travail fantastique. On ne dira jamais assez l’effort qu’a fait ce pays depuis 1962, depuis le procès de Francfort, jusqu’à aujourd’hui. Je suis béat d’admiration – je l’ai d’ailleurs écrit dans Le Monde – devant l’effort extraordinaire fait par les Allemands pour mettre leur histoire au clair, pour la décrire. Et si, dans les notes de préparation de ce colloque, je parle de Goldhagen, c’est parce que c’est justement l’exemple contraire. Tout le monde a fait ça. La description de l’horreur, elle est faite. L’inventaire est totalement fait. Et surtout par les Allemands. Mais que s’est-il passé en réalité ? Nous ne le savons pas.

7 Si vous me permettez de sortir du domaine politique, en Allemagne a circulé avec un immense succès le livre d’un Américain qui s’appelle Sie mich auch. En Allemagne, on dit : « Leck mich am Arsch », « Lèche-moi le trou du cul », et on répond : « Sie mich auch », « j’en ai autant à votre service. » Ce livre, qui a eu un immense retentissement dans les années 1970 en Allemagne, écrit par Allan Dundes, s’appelle en américain : Life is like a chicken coop ladder. Et il montre que l’Allemagne n’est pas aujourd’hui encore sortie d’une analité fondamentale. Par exemple, si vous allez en Allemagne vous promener, – moins qu’avant dans les hôtels, parce que ce sont des chaînes à l’américaine maintenant, mais dans les familles –, vous verrez que dans les toilettes il y a toujours un petit replat pour que vous puissiez voir votre production. C’est le seul pays d’Europe où ça existe. C’est quand même extraordinaire ! Il y a une fixation à l’analité. Il y a des restaurants où les sièges des toilettes – vous voyez que les lapsus sont intéressants – où les sièges des tables sont des petites toilettes. Le livre est bourré d’anecdotes tout à fait extraordinaires et tout à fait révélatrices, que tout le monde en Allemagne connaît mais qui n’avaient jamais été rassemblées.

8 Goethe, dans Poésie et vérité, décrit exactement ça. Il a fini lui-même par s’en indigner. Quand on entrait jadis à Francfort, il fallait traverser le Main, je crois, à cette époque, par un pont couvert. Et, à l’entrée de la ville proprement dite, il y avait un poste de garde. Il fallait donc montrer son passeport comme du temps de Staline. En Allemagne, on ne pouvait pas circuler librement, on devait montrer son passeport. Je vous rappellerai simplement les aventures de Chateaubriand traversant l’Allemagne, et, bien qu’ambassadeur, ayant oublié son passeport : il attend quinze jours qu’on le lui envoie ! C’est un pays où l’on ne peut pas voyager, et tout le monde, pourtant, voyageait. À l’entrée, donc, du poste de garde, il y avait une gravure assez grande, que j’ai vue – de trente centimètres à peu près – qui est aujourd’hui dans le musée de la ville. On y voit un porc en train de faire ses besoins naturels ; et en dessous on voit un rabbin en train d’ouvrir la bouche pour en recueillir la production pendant que d’autres rabbins sont en train de téter la truie. Tout voyageur qui entrait dans Francfort voyait nécessairement cette gravure, qui a fini même par indigner Goethe. Et ce n’est pas le seul endroit ! Wittenberg ! Je peux vous en citer d’autres. Le porc était la figuration du Juif, mais un porc en train de se livrer à une activité naturelle. Ce qui montre à quel point la présence de l’analité est forte.

9 Il existe des textes français où l’on voit des généraux français s’étonner de ça. Dans toutes les villes, c’est la grande surprise de voir ce genre de gravures qui, probablement, n’existaient pas en France.

10 Et cette fixation sur l’analité est au centre même de l’obsession antisémite allemande qui ne s’explique pas sans ça. Il y a eu peu de travaux là-dessus. Sauf, paradoxalement… C’est là que les choses deviennent intéressantes… Je l’ai rencontré une fois, un bavard impénitent, le fils d’un des grands nazis, Werner Sombart, le théoricien, l’économiste préféré de Hitler, qui a essayé de faire marche arrière, d’aller en sens contraire de manière pathétique et maladroite. Je vais être un peu indiscret. À la suite de mon livre sur Freud, Quand Freud voit la mer, j’ai ajouté un supplément qui avait d’abord paru – et j’en suis très fier – dans Le Coq-Héron et qui s’appelait « Comment s’en débarrasser ». Ce texte m’a paru avoir une certaine importance et je l’ai mis en annexe de ce petit livre. Sombart l’a lu et ça l’a mis sur la voie. Sur le problème de la sexualité. Dans un livre qui s’appelle en allemand Les hommes allemands et leurs ennemis, mal traduit en français par Les mâles vertus des hommes allemands – ce qui est une curieuse traduction –, Sombart montre très bien – et nous ne sommes pas très loin de l’infantilité, donc de l’analité – que l’Allemagne est traversée par l’obsession de la castration et de la circoncision.

11 Ma famille est une des familles de la très grande bourgeoise juive allemande. La circoncision n’y était plus pratiquée depuis la révolution de 1848, pour que leur germanité, leur intégration soit plus grande. Sombart montre très bien, donc, l’obsession fondamentale de la circoncision, les Juifs ayant cette particularité inconnue en Allemagne puisque l’Allemagne n’a jamais vu d’Arabe. Il n’y a jamais eu de musulmans en Allemagne, ou extrêmement peu. Ils étaient là comme des bêtes de luxe dans les grandes cours : on avait parfois son musulman à son service. Mais le peuple n’en savait rien. Donc il y a déjà une première fixation là-dessus.

12 D’autre part, c’est en Allemagne que l’on met le plus longtemps et le plus tôt les enfants sur le pot de chambre en les forçant. C’est une donnée très importante. Tous les Allemands que j’ai rencontrés, enfants à cette époque, ont connu ça. J’ai vécu ça aussi. Les petits Allemands, on les met sur le pot dès qu’ils ont 1 an. L’obsession de la propreté date probablement des années 1870. Probablement avec l’invention de l’eau courante. L’hygiénisme est donc une donnée fondamentale. Ce qui est juif est sale. Excusez-moi d’être pédant, mais il y a un livre fondamental là-dessus, qui s’appelle en français Les marginaux, livre du grand sociologue Hans Mayer, où il montre que les Tziganes, avec les juifs et les homosexuels, sont traités de la même manière par l’évacuation de la saleté.

13 Il y a aussi le problème de l’homosexualité – qui est la grande tentation allemande. Il ne faut pas oublier. Aujourd’hui, l’Allemagne est un pays européen et complètement intégré à l’Occident, mais moi, j’ai encore connu le temps où vous ne pouviez pas vous balader en Allemagne sans voir de grandes vierges de 18 ans. Je parle de jeunes garçons non pubères à cet âge. Car il y a aussi le problème du déplacement de la puberté en Allemagne, qui était extraordinairement tardive, probablement pour des raisons de nourriture. Ça ne se passait pas avant 17 ou 18 ans, ce qui fait que les jeunes Allemands avaient l’air de grands enfants impubères montés en graine. Avec des culottes aussi courtes que possible. Le sport allemand consistait à avoir des Lederhosen, des culottes de cuir qu’on retroussait à l’extrême. Il y a donc une espèce de fascination de l’homosexualité. Toute la peinture allemande que vous pouvez voir à la pinacothèque de Munich, les Khnopff, Von Marees et autres, représente toujours de jeunes adolescents efflanqués et féminins.

14 En plus, l’allemand est la seule langue – et Freud n’emploie pas d’autre mot – qui mette la femme au neutre : Das Weib. Ce qui est tout à fait extraordinaire. Freud ne parle jamais de « die Frau ». D’autant plus que le mot avait un autre sens. Mais il parle toujours de « das Weib ». C’est intéressant. De même, il n’y a pas de littérature érotique en allemand. Il n’y avait pas de femmes dans la littérature allemande, ou alors des tentatrices destructrices et meurtrières. Le vocabulaire érotique allemand est infâme et grossier. On ne peut pas dire cet admirable mot de « baiser ». Il y a un joli mot, le seul, « Vögeln » : faire le petit oiseau. Ou sinon, c’est « ficken, bumsen », ce qui en dit long sur le rapport d’un peuple avec sa sexualité. Là, j’enfonce des portes ouvertes que les Allemands ont largement ouvertes avant moi. Et il me semble que c’est cela la problématique fondamentale telle qu’on peut l’exposer en quelques minutes sans dépasser le temps de parole.

Discussion

15 Eva Landa : J’ai pensé que, dans la question de l’appartenance, nous pourrions aborder la question de la langue.

16 Georges-Arthur Goldschmidt : C’est d’autant plus juste que l’allemand est une langue infantile. L’allemand est aussi la seule langue qui est autogénérée : elle tire son vocabulaire d’elle-même. En réalité, l’allemand vient du latin et du français, mais elle n’en a pas l’air. Donc les Allemands croient que leur langue est la Ursprache : la langue sans dérivation, donc la langue de l’enfance.

17 Eva Landa : J’aime bien rappeler toujours que les questions que nous traitons aujourd’hui sont assez complexes et demandent une approche multifactorielle. Ce que nous apporte Monsieur Goldschmidt et les rapports qui sont faits à la question de l’inconscient sont donc très intéressants. Je ferai quelques ajouts. D’abord Bettelheim qui, étudiant les préjugés racistes, a observé les phénomènes de projection d’aspects inacceptables, comme la saleté, ou ce qui est considéré comme inférieur, attribué à certains groupes, à certains sous-groupes de la société. Il a aussi observé la projection d’aspects de contrôles, c’est-à-dire qu’un groupe apparaît comme persécuteur. Cela concernait d’autres groupes, en Allemagne, après la Première Guerre mondiale, mais tous ces éléments ont finalement été projetés sur un seul groupe, les Juifs, ce qui a provoqué une sorte de concentration du malheur. Autre question : la valeur attribuée à l’originalité. Par rapport à cette « histoire inexistante » dont vous parlez, cette nouvelle Allemagne hantée par le nazisme avait absolument besoin que cette identité soit originelle. Donc il fallait l’imitation des autres pays européens, eux-mêmes identifiés à une Grèce classique, et, en même temps, originalité. Ce paradoxe a été résolu, si l’on veut, par une identification à une Grèce archaïque. De cette façon, on aurait eu l’originalité tout en gardant cette racine grecque qui était d’une importance fondamentale. C’est la thèse défendue par Jean-Luc Nancy et Philippe Lacoue-Labarthe dans leur livre, Les mythes nazis.

18 Georges-Arthur Goldschmidt : Le problème est bien antérieur à la guerre de 1914. Il y a des tas de livres là-dessus. Notamment je vous renvoie à un livre – excusez-moi d’être toujours pédant mais je suis vieux, hélas, donc j’ai lu un certain nombre de livres, et je suis dans les deux langues à la fois – de Benno Müller-Hill, Science de mort (chez Odile Jacob) qui restitue parfaitement l’histoire de la psychiatrie allemande, laquelle avait prévu l’extermination ou du moins l’élimination des « ungesunde Elemente » (des « éléments malsains ») avant la guerre de 1914. La théorie de la trahison ne fait que venir s’ajouter. Le texte du Protocole est de 1912, fait par la police tsariste. Mais c’est déjà en germe : les médecins allemands avaient déjà prévu, dès 1906, des mesures d’élimination des malades mentaux. Car, avant les Juifs, c’est les malades mentaux. Les « Geistekranken ». Et les enfants. N’oubliez pas que 80 000 enfants ont été exterminés avant 1938 dont personne ne parle : un colloque, à l’institut Goethe, là-dessus était très intéressant. Sinon, en gros, je suis tout à fait d’accord avec vous. Les Juifs ne viendront qu’après. Excusez-moi d’avoir l’air de vous corriger, vous avez tout à fait raison, mais c’est d’abord les socialistes, le spd. N’oubliez pas que l’Allemagne avait le plus important parti socialiste d’Europe. Qui a d’ailleurs été incapable de s’allier aux communistes pour empêcher Hitler de prendre le pouvoir, mais ça, c’est un autre problème. Mais dès avant 1914, ils ont combattu la guerre qui se préparait et ils ont été, eux, considérés, avant les Juifs, comme les traîtres. Ce n’est pas tout de suite que cette théorie naît en Allemagne puisqu’il y a eu beaucoup d’anciens combattants juifs morts. Je ne veux pas dire de bêtises mais je crois que cette accusation ne viendra qu’à partir de 1924-1925, avec l’apparition du nsdap. Mais elle est issue, me semble-t-il, du nsdap.

19 Quant à l’histoire de la Grèce, nous en avons beaucoup parlé à un colloque célèbre à Cerisy qui s’appelait « Mythes et psychanalyse », dont certains qui sont ici se souviennent. Le dionysiaque et l’apollinien, c’est une vieille tarte à la crème de l’Allemagne après Goethe. Le philosophe Fichte a dit : seuls les Allemands, comme les Grecs présocratiques, sont capables de penser. Pourquoi ? Parce que l’allemand a en effet cette faculté extraordinaire d’une combinaison illimitée. Excusez-moi encore d’être anecdotique. À Darmstadt, qui est le siège de l’académie de poésie et de littérature allemandes, on a demandé à un ordinateur, dans les années 1975, de composer des mots. Et les chercheurs n’en pouvaient plus : il en avait fait, je crois, 450 millions. Parce que vous pouvez faire n’importe quoi avec la langue allemande, absolument n’importe quelle combinaison impossible. Ce sont des mots qui n’ont aucun sens mais qui attendent leur sens. Il y a donc une mystification philosophique – je ne fais allusion à personne, croyez-moi – fondamentale nourrie par le mythe grec. De cette masse linguistique est née l’obsession de l’authentique – « die Eigentlichkeit » – qu’un autre philosophe nous a assez tartiné pendant trente ans. Mais je ne fais allusion à personne. Vous pensez bien. Surtout pas à Heidegger.

20 Corinne Daubigny : Il me semble que vous avez situé pour une part le problème de la langue allemande comme celui d’une langue travaillée par une espèce de désymbolisation – les processus primaires affleurent en permanence.

21 Ainsi, à propos de ce que vous dites : « Ce qui est important, par exemple, c’est l’analité », il faut dire qu’avec l’analité on peut faire des choses extraordinaires ; l’analité n’est qu’un aspect de la vie psychique, ce n’est pas en soi un problème. J’ai l’impression que le problème que vous cernez relève d’un autre point à mettre en rapport avec ce féminin neutre et qui relèverait d’une non-symbolisation de la différence (ou qui témoignerait de la fragilité de cette symbolisation). Il faudrait alors parler de quelque chose qui n’arrimerait plus les mots et les affects au corps, comme dans certains usages psychotiques de la langue.

22 Et cette langue se présenterait en même temps comme une langue de l’originel, très infiltrée de processus primaires, avec des termes très imagés, évoquant tout de suite le corps. J’aurais tendance à rapprocher cela du fait que le luthérianisme, dont vous avez rappelé l’importance fondamentale, est pétri d’un déni de filiation par rapport au judaïsme : le protestantisme luthérien, se donnant pour le « Nouvel Israël », se donne comme religion originaire sur fond d’un projet profondément destructeur – Raphaël Draï l’a assez bien cerné comme reposant sur le déni de l’Autre : « Je suis toi » / « tu n’es pas ».

23 Georges-Arthur Goldschmidt : Vous avez mille fois raison. C’est le grand problème de la langue allemande et ce n’est pas moi qui le dis. Même dans la vie courante. Par exemple, ma femme qui est helléniste a fini par m’expliquer ce que « pancréas » voulait dire. En allemand, ça s’appelle « die Bauchspeicheldrüse » : « La glande de la bave du ventre. » Vous comprenez immédiatement n’importe quoi sans barrière. Il n’y a pas de symbolisation en allemand. Vous retrouvez cela autrement chez les contes de Grimm où la symbolisation, justement, est forte mais par le récit, pas par le vocabulaire. D’où le recours permanent de la langue allemande aux termes étrangers qui ne gênent pas du tout, qui sont son armature fondamentale. Ouvrez un journal allemand. Aujourd’hui, vous comprenez un journal allemand sans savoir un mot d’allemand, en gros. Parce que l’effort de symbolisation est dans l’importation des Fremdwörter, des « mots étrangers », que la philologie allemande avait violemment rejetée. Madame Jeanine Chasseguet-Smirgel est venue faire un exposé tout à fait passionnant lors d’un colloque sur le nazisme à l’institut Goethe, où il y avait Wolfgang Benz qui travaille sur l’extermination des enfants. Madame Chasseguet-Smirgel a montré comment le nazisme était l’harmonie plate, le plat : l’unité, l’harmonie totale. Suicidaire, naturellement, et qui n’existe pas, qui est un leurre absolu. Et en effet l’autre n’existe pas. En allemand, on ne peut pas dire « moi », ce qui est très révélateur. La fameuse phrase « Le coupable, c’est moi », qui établit déjà, dans l’individualité, un double, vous ne pouvez pas la dire en allemand. Vous ne pouvez dire que « Ich bin der Schuldige » ou « Der Schuldige bin ich » : vous pouvez mettre ça à la première personne mais pas à la troisième.

24 Et ce saut que fait la langue française est tout à fait étonnant. On est là au cœur de ce que vous dites. Il n’y a pas d’autre. Et dans toute la littérature allemande, que j’ai pas mal pratiquée, c’est le problème fondamental. Les Allemands le disent eux-mêmes aujourd’hui. Le Reich millénaire, si vous me permettez de revenir à ce que vous disiez, n’était pas allemand. Il était hitlérien. Hitler, en 1944, fait un discours en disant : « Die Deutschen sind meiner nicht würdig » (« Les Allemands ne sont pas dignes de moi »). Et, les derniers mois, des opérations ont consisté à faire se suicider l’Allemagne. La première victime du nazisme, ne l’oublions pas, c’est la malheureuse Allemagne.

25 Voix féminine, de la salle : Il n’était d’ailleurs pas Allemand.

26 Georges-Arthur Goldschmidt : Absolument, il était Autrichien. Il sera naturalisé Allemand assez vite.

27 Autre voix féminine : Quand les éliminations d’enfants ont-elles commencé : avant la Première Guerre ?

28 Georges-Arthur Goldschmidt : Pas avant 1914. Avant 1914, il y a eu de vagues projets de mise au pas, d’enfermement. Mais les premiers massacres d’enfants débiles ou soi-disant débiles commencent en 1940, et il y en eut à peu près au total 80 000.

29 Voix masculine : Ce qui m’a intéressé dans votre intervention, c’est quand vous parlez de la langue allemande où tout est possible. Ça, on pourrait l’articuler avec la femme, le féminin comme neutre. On se trouverait face à la chute du symbolique virtuel. Parce que, au fond, quand la femme est neutre, il n’y a pas de castration. C’est donc une langue où tout est possible.

30 Georges-Arthur Goldschmidt : La femme est neutre. La mère est féminine.

31 Voix masculine (même) : Bien sûr. Ce que vous dites m’a fait penser au scientisme : tout sera possible. Il n’y a plus de castration. On invoque le pur et on va vers les particularismes.

32 Georges-Arthur Goldschmidt : Je ne peux pas vous répondre. Je ne suis pas du tout analyste. J’ai mêlé mon grain de sel sur la langue de Freud mais je ne connais rien aux problèmes de la psychanalyse. Mais, oui, je comprends très bien ce que vous voulez dire.

33 Autre voix féminine : On a parlé de symbolisation, mais comment comprendre cet énorme passage à l’acte, ou plutôt ces séries de passages à l’acte ? Comment a-t-il pu y avoir ce processus ?

34 Georges-Arthur Goldschmidt : Vous êtes au cœur de ce problème que tout le monde cherche à expliquer. Je vous disais qu’il y a eu des descriptions multiples. Les Allemands ont fait un travail fantastique. Mais qu’est-ce qui s’est passé ?

35 Goldhagen n’a strictement rien inventé. Deux Allemands, Ernst Klee et un autre, ont écrit un récit – traduit en français : C’était le bon temps pour eux ou quelque chose comme ça – sur ces bons pères de famille qui exterminent et qui écrivent textuellement : « Ce matin, on a tué une quarantaine de Juifs. À midi, on a eu des pommes de terre sautées et des saucisses. » Dans la même phrase. D’où vient-il, au fond, ce tout est possible ? Je ne suis pas analyste, mais ça, c’est le grand problème. Voyez la mise au pas des Allemands. Quand j’allais à l’école, j’étais obligé de dire : « Heil Hitler ! » Si j’avais dit « Bonjour », on aurait dit : « C’est qui, ça ? Qu’est-ce qu’il veut, le petit morveux ? » Vous n’aviez pas le droit de dire « bonjour » ni « bonsoir ». Il fallait lever le bras et crier « Heil Hitler ! ». Et ça suffit pour anéantir un peuple. Toute résistance était désormais impossible. Il y a un mot qui s’appelle le « Drill », qui est le dressage. Ils ont été dressés à n’importe quoi. Tout est possible. L’obéissance est à ce point inscrite dans la soumission, instituée, d’ailleurs, hélas, par les gens eux-mêmes.

36 Ce sont les officiers français qui ont institué la dernière articulation. Tous les termes militaires sont français : Infanterie, Régiment, Kommandeur, Général, Artillerie… La mise au point ultime de la « prussianisation » est l’œuvre des troupes du duc de Rohan. C’est un des nombreux paradoxes. À partir de la révocation de l’édit de Nantes, en 1685, la soumission est totale… Et, à partir de ce moment-là, l’Allemagne est mise en cartes. N’oubliez pas que c’est le pays des châtiments corporels. À l’école, en France, ça existait aussi mais c’était un peu pervers et marrant – tandis que, en Allemagne, c’était la mise à mort. Le nombre d’enfants qui ont été mentalement tués… Vous parliez très bien, madame Daubigny, de « meurtre d’âme ». Ce n’est pas par hasard que vous avez employé ce terme. Encore une fois, au xviii e siècle, les Allemands ont été un peuple moralement exterminé. Ils ont été éduqués, au xix e siècle, à ne pas avoir de sentiments. C’est une tragédie, et c’est probablement cela l’explication. Qu’est-ce qui s’est passé et d’où vient-il que le monstrueux soit à ce point possible ? C’est le problème que personne n’a résolu. L’obéissance collective… Je ne peux pas répondre, Madame, à votre question parce que ça, justement, c’est la question centrale.

37 Si vous me permettez une dernière anecdote, il y a quelques années, j’allais de Hambourg à Kiel en tortillard et, dans une petite gare, le train s’arrête et j’entends du compartiment d’à côté – il y avait encore des compartiments séparés – quelqu’un qui parle du chef du gouvernement du Schleswig-Holstein, dans le Nord, en parlant de « père du pays », « Landesvater ». Alors je suis allé dans le compartiment d’à côté et j’ai dit : « Messieurs, mesdames, de quoi parlez-vous ? ». Et j’ai essayé de leur faire comprendre qu’il était scandaleux de parler d’un homme politique comme « père du pays ». C’est invraisemblable : « Landesvater », « notre papa » ! C’est tout juste si on ne lui adresse pas une prière. C’est le problème de la présence constante en Allemagne de la référence à Dieu, qui est le comble de l’hypocrisie, introduite encore plus par les protestants que par les catholiques.

38 Voix masculine de la salle : Qu’en est-il de l’éducation allemande et de l’interdit du corps ?

39 Georges-Arthur Goldschmidt : C’est une question passionnante. Goethe, qui n’était pas absolument idiot, haïssait littéralement deux types : ce sont deux pédagogues – et il savait de quoi il parlait – qui s’appelaient Basedow et Campe. Basedow a inventé un appareil pour empêcher – à la suite du fameux livre de Tissot sur l’onanisme – les jeunes garçons de se tripoter. Toute la pédagogie allemande vient de cela et elle a envahi l’Europe. Car aujourd’hui, en France, cette horreur que sont les iufm (instituts universitaires de formation des maîtres) sont les derniers vestiges de l’occupation allemande. La pédagogie est une invention allemande et pas du tout américaine. L’horreur a déferlé sur l’Europe quand la philosophie a atteint le trottoir, à savoir la pédagogie. Je peux vous citer des dictionnaires entiers de pédagogues allemands qui ont été les grands préparateurs du nazisme. Je ne veux pas vous accabler. Mais c’est là que ça commence : l’horreur du corps. Cela semble une donnée protestante. Dans la peinture, c’est très révélateur : il n’y a plus de figuration de nus. Et ça recommencera à l’extrême fin du xix e siècle avec Feuerbach, Khnopff ou Paul von Marees. Le corps est interdit. Mais absolument. C’est le grand problème. L’érotisme est complètement interdit. Il ne faut pas oublier qu’en 1906 un écrivain allemand un peu connu en France, Franz Widekind, a été condamné par un tribunal parce qu’il a écrit une pièce, L’éveil du printemps, où on dit à une petite fille : « Ce ne sont pas les cigognes qui apportent les petits enfants mais c’est comme ça et comme ça que ça se passe. » Il n’y a jamais eu de littérature érotique. Il y a eu de la pornographie, que, naturellement, on vendait sous la table… Mais il n’y a jamais eu la moindre littérature érotique. Et les Allemands n’ont jamais pu transgresser joyeusement l’interdit… C’est ça qui a sauvé les Français : la littérature érotique. Nercia, tous ces gens, au xviii e siècle, que tout le monde lisait. Heureusement. Et les Allemands les premiers, mais en français : l’érotisme était réservé à la noblesse et à la grande bourgeoisie – qui, d’ailleurs, parlait français. Mais nous sommes au cœur du problème. C’est l’interdit du corps. Est-ce le protestantisme ? En tout cas, c’est le phénomène central de l’histoire allemande du xix e siècle.

40 Rudolf Hoess, le commandant du camp d’Auschwitz, a écrit un livre hélas fondamental avant d’être exécuté : ses mémoires. Où il dit textuellement : « Wir müssen den Schweinehund in uns abtöten » : il fallait « tuer le chien de cochon à l’intérieur de nous ». Le « chien de cochon » : c’est sale, l’histoire – toujours – de la crotte. L’analité qui recouvre le sexuel. C’est terrible. Terrible. Et il ne faut pas oublier le rôle de la sexualité retournée dans l’univers concentrationnaire. Je ne parle même pas d’Auschwitz. À Buchenwald, il y a le fameux Bock, le chevalet, où on battait les déportés comme s’ils étaient des enfants. Et n’oubliez pas que les uniformes des ss et des sa sont totalement infantiles. C’est du scoutisme : le baudrier et les culottes courtes. L’Allemagne ne se débarrasse des culottes courtes qu’en 1974 avec la suppression de l’article 175 du Code pénal qui réprimait d’un minimum d’un mois de prison tout adulte surpris dans des relations homosexuelles. Pensez que l’incendie du Reichstag était censément fait par un jeune homosexuel hollandais. Là, on est en plein symbolique, mais le symbolique retourné.

41 Voix féminine : Comment les enfants sont-ils traités en Allemagne ?

42 Georges-Arthur Goldschmidt : C’est une question passionnante. Les Allemands parlaient avec l’enfant avec ce qu’ils appelaient « Kindersprache » : sur un ton de voix plus haut que la normale, une espèce de langue mièvre – aujourd’hui beaucoup moins utilisée que dans mon enfance. On parle avec les enfants autrement qu’avec un individu normal, ce qui est bizarre et c’est une façon de les mettre à part. Par ailleurs, les enfants, comme je vous le disais, étaient contraints d’être propres très vite. Il y avait aussi une répression, même protestante, sur la nourriture : « Trockenbrot macht Wangen rot », « le pain sec rend les joues rouges ». Je ne vois pas du tout un Français inventer un proverbe pareil. Il y avait un contrôle de la nourriture dans les milieux bourgeois et petits-bourgeois. Un auteur contemporain, un journaliste, Wilms, vient d’écrire un livre qui s’appelle La maladie allemande, où il dit que la grande maladie de l’Allemagne, c’est cette mentalité intermédiaire entre la classe ouvrière et la bourgeoisie où on restreint l’alimentation, où l’on fait la prière à table en songeant à autre chose, où il y a un contrôle permanent sur la nourriture. Et, surtout, ce qui était absolument capital, encore une fois, c’est que les châtiments corporels étaient largement pratiqués. Ça s’appelle « der gelbe Onkel », « l’oncle jaune ». On battait les enfants avec une espèce de bambou, comme en Angleterre. Hélas pour moi, je n’ai pas le moindre rudiment de culture anglaise mais je crois que les public schools étaient des écoles aristocratiques, tandis qu’en Allemagne cela s’appliquait à tous les enfants. Vous connaissez probablement le grand dessinateur Wilhelm Busch, l’auteur de Marx und Moritz – qui se vend à un million d’exemplaires par an en Allemagne, en livre de poche. Il était à la fois dessinateur et conteur, et il a fait des poèmes sur les instituteurs qui battent les enfants. Il y a toute une littérature spécialisée, qui s’appelle Les feuilles volantes, Die fliegenden Blätter, ou bien, aujourd’hui encore, un journal pornographique qui se prétend éducatif et qui s’appelle Freies Forum für Erziehungsfragen, Libre forum pour l’éducation. Il y a une énorme littérature là-dessus. Ce n’est pas un hasard si Freud a écrit « Ein Kind wird geschlagen », « On bat un enfant » – qui aujourd’hui, d’ailleurs, se traduit autrement : « Un enfant est battu », ce qui ne veut rien dire. Ce fameux texte, « Ein Kind wird geschlagen », « On bat un enfant », je ne crois pas qu’on en aurait écrit un comme ça en France parce que, heureusement pour les Français, ça n’existait pas, ou alors dans le domaine privé de la famille. Cela n’avait pas ce côté méthodique et exécutoire, militaire, que ça avait en Allemagne. Le Lehrer, l’instituteur, était le représentant, l’officier. Le germaniste français Robert Minder écrit des textes magnifiques là-dessus, hélas en allemand. Par ailleurs, il y a toutes ces littératures enfantines admirables et prodigieuses des frères Grimm. J’ai été élevé avec les contes de Grimm. Ma mère me lisait chaque soir un conte épouvantable. Et plus c’était épouvantable, plus, évidemment, c’était merveilleux. Cela a joué un rôle formidable dans la constitution de l’imaginaire allemand.

43 Mais, aujourd’hui, tout est changé. Aujourd’hui, les enfants allemands sont les plus libres du monde. Le rapport Pisa montre que l’Allemagne occupe la vingt et unième position dans cette fameuse enquête sur le niveau d’éducation dans le monde, où la Finlande, le Japon, la Corée du Sud viennent au premier rang, et la France au sixième. Parce que, aujourd’hui, comme toujours en Allemagne, qui est le pays de l’Apocalypse, on retombe d’un excès dans l’autre. Aujourd’hui, c’est une formidable liberté intérieure qui est inversement proportionnelle à la répression antérieure de l’enfance.

44 Jacques Letondal : Nous pourrions vous écouter toute la journée et ce serait passionnant. Mais je vais maintenant donner la parole à René Major qu’il est presque inutile de présenter. Pour moi, René Major est un peu un homme de « confrontations » dans le domaine de la psychanalyse, et je citerai son ouvrage, De l’élection, où il a écouté la puissance du mythe du peuple élu, aussi bien chez Hitler que chez Staline et même chez le président Wilson. Je donne la parole à René Major qui nous explique : « Je veux être chez moi. »

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