Couverture de CNX_108

Article de revue

La créativité des professionnels à l’épreuve du transgénérationnel dans les institutions

Pages 101 à 116

Notes

  • [1]
    Texte réécrit d’une intervention faite au colloque « Clinique des groupe et des institutions. Hommage à l’œuvre de Jean Claude Rouchy », organisé par l’association Transition à Paris le 23 Juin 2017.
  • [2]
    Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé au sein de Transition serait « absolument faite exprès ».

1Nous souhaiterions, dans ce texte, explorer une question posée par l’actualité des pratiques en institution et la vie des institutions aujourd’hui.

2Cette question prolonge un certain nombre de travaux dont l’un produit à l’occasion d’une rencontre entre le cirppa et plusieurs d’entre nous sur le thème des « rapports entre dispositifs et institution dans les structures de formation ». Chemin faisant, nous avions avancé un propos dans lequel les questions d’héritage, de filiation et de transmission concernaient un cercle bien plus étendu que celui de nos institutions/associations de formation. Il témoignait aussi de l’actualité des structures dans lesquelles, en tant qu’analystes de groupe, nous travaillons ou nous intervenons.

3La question qui nous occupe aujourd’hui est la suivante : qu’est-ce qui, dans le cadre institutionnel, rend possible – ou non – la créativité et l’instauration de nouveaux dispositifs ?

4Plus précisément, il s’agit d’interroger en quoi la dimension transgénérationnelle propre à l’histoire de chaque structure autorise, facilite, favorise ou non, la capacité que chaque membre d’une équipe a de rêver, d’imaginer et de faire évoluer ou de mettre en place de nouveaux dispositifs.

5Ce caractère nouveau est entendu comme tenant compte au mieux des articulations vivantes et actuelles entre des besoins du public, le projet institutionnel et la singularité d’une configuration d’équipe.

6Faire dialoguer la créativité et le transgénérationnel suppose de préciser au préalable comment nous concevons ces deux notions dans la filiation de la pensée de J.C. Rouchy.

7La créativité d’un clinicien en institution ne se déploie pas seulement dans ces potentialités de clinicien, dans la richesse de sa pensée interprétative, de sa souplesse associative, de ses capacités d’écoute de l’écoute et de son contre-transfert. Elle est convoquée, de fait, par la nécessité de concevoir des espaces de travail dont, dégagé d’une appropriation personnelle d’un dispositif « standardisé » comme peut l’être la cure-type, tout serait, pourrait-on dire, à penser : son projet, les besoins de la structure, les dispositifs existants déjà, ce dont il a hérité…

8Nous sommes bien ici dans un domaine cher à J.C. Rouchy, que R. Roussillon désigne comme une clinique du dispositif, et dans lequel se croisent des dimensions et des appartenances diverses (institutionnelles, groupales, personnelles…) mais dont l’articulation étroite et parfois contradictoire est un objet d’élaboration, dans un cadre de formation ou de supervision, et une condition de réussite du dispositif en question.

9« Rêver un espace » : nous pouvons le poser comme un préalable à toute création et avant que tout ne se complique, pas seulement dans la réalité externe mais aussi et surtout dans les obstacles internes correspondant le plus souvent à l’intériorisation de la structure, de la culture de l’équipe à laquelle le clinicien participe de l’intérieur et malgré lui.

10Cette activité de rêverie, qui emprunte à la transitionnalité une grande part de ses qualités, va ainsi rencontrer un certain nombre de points d’achoppement, d’obstacles, voire de processus pathologiques ou défensifs dont le professionnel se fait malgré lui l’agent, le porteur, le messager ou le porte-voix.

11Nous pouvons penser notamment au contre-transfert anticipé, mais nous nous arrêterons pour cette présentation à ces formes d’infertilité transmises équivalentes à un « tu n’auras pas d’enfants ! », c’est-à-dire ce qui arrêterait ou figerait une pensée sur les dispositifs et que l’on pourrait, à l’analyse, attribuer à des dimensions transgénérationnelles.

12Parler du transgénérationnel au sein d’une institution, c’est utiliser une métaphore pour figurer ce qui peut inconsciemment se transmettre, au sein d’une structure, entre les différentes « générations » de professionnels qui se sont succédé depuis sa création.

13Nous parlerons du transgénérationnel sans qu’il s’agisse de transposer ce que nous connaissons de la transmission psychique trans- et intergénérationnelle familiale.

14Dans les institutions, l’intergénérationnel concerne la réalité des différences d’âges et d’entrée dans la structure et, plus subjectivement, tous les rapports entre « jeunes et anciens ». On entendra dans des dénominations singulières (« jeunes », « nouveaux », « vieux », « dinosaures »), dans des mises en exergue (« Paul est de la génération de Jacques ») ou dans des omissions (parfois personne ne se repère vraiment), comment les différences d’âges ou d’entrée sont traitées sur le plan psychique : dans quelles configurations fraternelles elles s’insèrent (ambivalence à l’égard des plus jeunes frères), dans quelles logiques de remplacement elles s’inscrivent (on occupe souvent un poste en prenant la place de quelqu’un), enfin à quelles modalités de transmission elles donnent lieu.

15Notre expérience des différents dispositifs d’intervention, quelle que soit leur centration, montre le caractère incontournable des questions intergénérationnelles dans la circulation des discours et dans les formes prises par le lien. En cela, ces formes reprennent le caractère direct des relations et des échanges que l’on peut observer dans les familles et que Serge Tisseron (1994) spécifie comme étant propre à l’intergénérationel.

16La différence des générations, tout comme la tension qu’elle mobilise et les modalités de régulation de la tension qu’elle induit, est un organisateur groupal. Elle lie autant qu’elle oppose, cristallise des conflits et des modalités toujours singulières de traitement de ces différences.

17Le transgénérationel n’obéit pas à ces règles puisqu’il désigne le plus couramment ce qui transite d’une génération à l’autre sur un mode indifférencié et pas ou peu transformé. Les manifestations du transgénérationnel relèvent d’un héritage silencieux et devenant bruyant en situation de crise, ou d’un « ça va de soi », faisant parti des lieux communs et n’appelant pas, par nature, d’interrogations ou de remises en question en dehors d’une nécessité impérieuse de l’interroger. « Ça va de soi » donc, et surtout « ça va sans dire ».

18À ce titre, le transgénérationnel participe à l’arrière-fond syncrétique, immobilisé dans le rapport que chacun tient au cadre institutionnel comme une condition de l’appartenance. Celui-ci étant un lieu de dépôt, on notera que l’interroger, c’est, de fait, prendre le risque de devenir persécuteur et donc d’être, quelle qu’en soit la forme, excommunié.

19Comme le souligne R. Käes (2007), le transgénérationnel appelle la question de la transmission dans un double versant :

20– le premier versant est celui des contenus transmis tant dans leur dimension structurante que pathologique : des valeurs, un mode d’organisation, des méthodes, des théories, des dispositifs, mais aussi les histoires qu’a pu connaître la structure, des histoires qui, comme dans les familles, participent aux positifs comme aux négatifs des liens et des appartenances. Nous noterons là la distinction majeure qui est faite entre ce qui est transformable et ce qui ne l’est pas ou peu, sans espace de diffraction, de résonance ou en écho pour donner une forme psychologique à ce qui n’en a pas initialement ;

21– l’autre versant est celui des modalités de transmission à travers la succession de générations. On notera la pluralité des voies d’ordre corporel, somato-psychique ou comportemental.

22J.C. Rouchy, en s’appuyant sur les conceptions de N. Abraham et M. Torok, met en évidence comment les groupes sont des espaces dans lesquels, de façon prévalente, des formations pathologiques issues de la famille se déploient et se transmettent. Sa dernière intervention à l’asm13 porte à ce propos sur les secrets en héritage (Rouchy, 2017).

23Qu’en est-il dans les institutions ? En quoi et comment des non-dits, des secrets, des expériences honteuses, des traumas non traités qui s’inscrivent dans les fondations (incorporats des fondateurs) ou dans l’histoire non élaborée de la structure peuvent-ils se transmettre, réapparaître sous diverses formes et emboliser ou tuer dans l’œuf la créativité des descendants ?

24Si J.C. Rouchy apporte des éléments quant aux contenus, auxquels répond la notion d’incorporat devenu institutionnel grâce à une génération suivante (Gaillard, Pinel, 2011), il a laissé, nous semble-t-il, un chantier plus vaste quant aux modalités de transmission et de transformation potentielle qui leur sont liées. S’il parle de « transfusion », par où ça passe et comment ça circule nous paraissent des questions restées très ouvertes.

25Pour y répondre, la clinique sur laquelle nous avons travaillé nous a montré que, dans les institutions, le transgénérationnel concernait plus particulièrement deux points (qui n’en excluent pas d’autres) :

26– les fondations et le rapport des différentes générations et de chacun aux fondateurs ;

27– les traumas que la structure a pu traverser et les traces qu’ils ont laissées.

28Nous allons plus spécifiquement nous intéresser à certains aspects anti-créativité de la transmission transgénérationnelle. Il s’agit de formations psychiques qui, en institution, embolisent en silence la créativité. Elles peuvent généralement être mises en lien avec un événement traumatique passé non élaboré et/ou être reliées au processus de fondation ou de refondation et se manifester de différentes manières. Nous étudierons principalement l’une d’entre elles : la rigidification, soit l’impossibilité de modifier, de s’approprier, de remettre en question certains aspects du cadre institutionnel.

29Nous tenterons d’explorer la rigidification du rapport à la théorie et/ou des échanges au sein d’une équipe, avant d’aborder, dans un second temps, celle des dispositifs.

La réification d’éléments théorico-cliniques

30Nous souhaitons ici saisir comment le langage théorico-clinique employé par une équipe peut servir prioritairement d’autres fins que la réalisation des objectifs du groupe de travail et être le signe d’une attaque de la créativité.

31Dans une institution de soin, le langage technique des cliniciens vient assurer une fonction de désignation référencée qui permet de penser ensemble la tâche primaire. On sait qu’il est souvent d’un usage bien difficile dans la clinique psychanalytique, tant la théorie est complexe. Dans les synthèses, les réunions cliniques qui sont des espaces institués pour élaborer la clinique ou les rapports entre dispositifs et clinique, ce langage ouvre en principe la possibilité aux professionnels de recourir à leurs propres expériences et références pour penser ensemble et instituer de nouveaux dispositifs.

32Le langage utilisé entre collègues ne renvoie pas seulement au souci d’échanger au sujet de la tâche primaire. Ce langage parle aussi des liens d’appartenance, des affiliations, passés et actuels de chacun. Il renvoie ainsi aux rapports parfois très intimes que chacun entretient avec ses différents groupes d’appartenance, ceux notamment qui ont contribué à forger son identité professionnelle : les écoles, les universités, les groupes de recherche, les sociétés de psychanalyse, ses autres institutions professionnelles, etc.

33Il parle, en outre, du fonctionnement actuel de l’équipe, du rapport que les professionnels entretiennent entre eux et avec l’institution.

34Et, enfin, il porte les traces de l’histoire et des fondations. Derrière les mots employés, il y a des formations psychiques en rapport avec les valeurs, les fondations et ce qui unit.
Nous allons nous arrêter sur ce dernier point pour essayer de cerner comment le langage théorico-clinique peut traduire des difficultés de fonctionnement en lien avec l’histoire de l’institution. Nous le ferons à travers une réflexion sur la place de la théorie dans les fondations et son lien avec des éléments de langage figés qui pourraient constituer des incorporats institutionnels, c’est-à-dire un mode particulier d’intériorisation de certains éléments du cadre institutionnel.

35Cette notion a été introduite comme une extension du concept d’incorporat culturel de J.C. Rouchy. « Sur le plan clinique, l’incorporat institutionnel va surgir selon des énoncés qui se formulent de la manière suivante : “Ici c’est comme ça et on fait comme ça !” » (Gaillard, Pinel, 2011). Ils poursuivent : « Les équipes instituées sont ainsi confrontées à un ensemble d’incorporats dont la confrontation produit un télescopage intergénérationnel. Les anciens ont intériorisé certains éléments du cadre institutionnel qui se sont progressivement sédimentés. Les routines, les rituels et les habitudes se sont inscrits dans des automatismes partagés qui les rendent littéralement impensables. »

36Au niveau du langage théorico-clinique, ce type d’incorporat pourrait prendre des formes différentes. Nous en avons repéré deux :

37– dans la première, des notions sont utilisées sans être discutées, ni rapportées à une clinique ou à une théorie précises, au risque de se voir vider progressivement de leur sens et de leur scientificité ;

38– dans la seconde forme, des notions cliniques prennent la valeur d’un langage technique : le langage théorico-clinique paraît écarté dans ses aspects d’exploration et d’élaboration au profit d’un langage technique, c’est-à-dire un langage monosémique et monoréférentiel désignant des phénomènes objectivés. Comme pourrait le faire par exemple une équipe qui discuterait la clinique en reprenant systématiquement certains termes du dsm iv. Nous pensons là à un établissement prenant en charge des patients toxicomanes dans lequel les échanges cliniques – au sein de l’équipe sans psychiatre – étaient infiltrés de termes ayant valeur de diagnostic psychiatrique qui scellaient les conclusions cliniques.

39Le langage théorico-clinique partagé par une équipe peut venir nourrir un utile pôle d’isomorphie (le pôle imaginaire, indifférencié, narcissique conceptualisé par R. Kaës). En référence à Bleger, on dirait qu’il participe à la consolidation du cadre nécessaire pour asseoir les parties de nous les moins bien différenciées.

40Mais ces mots porteurs de consensus, de même, ne remplissent plus ces fonctions lorsqu’ils visent surtout à empêcher l’émergence du pôle homomorphique, c’est-à-dire d’une parole individuée, l’expression d’une différenciation porteuse de conflictualité, de subjectivité. Ils contribuent alors à sédimenter le fonctionnement d’équipe autour de la production d’un succédané d’élaboration.

41Cette « entente cordiale » sur certains termes ou sur des modes d’échange vise à ce que rien ne change. Elle se déploie au prix d’une mise en retrait d’une partie de la potentialité créative des professionnels. Nous précisons au passage que le contenu des échanges théorico-cliniques est d’autant plus difficile à interroger que les assises professionnelles sont bancales. On est alors dans l’impossibilité de s’appuyer sur sa propre expérience pour donner sens à sa pratique et rebondir sur les réflexions des collègues.

42Ces éléments théorico-cliniques semblent alors fonctionner comme un attracteur de négatif et concourir à l’établissement d’une apparente concorde qui s’avère plus défensive que constructive. On pourrait dire qu’ils agissent comme un mot d’ordre. Cette défense contre l’émergence du conflit, du désordre interroge : que s’est-il passé hier, et avant-hier, pour que les risques de désordre, de conflit ou de changement ne puissent pas être envisagés ?

43Nous voici peut-être ici sur les traces du traumatique transgénérationnel qu’une illustration clinique peut éclairer.

44Lors d’une séance d’exploration dans une structure de la petite enfance travaillant dans une orientation analytique, un psychologue d’orientation lacanienne explique qu’il se sent interdit d’utiliser ses concepts en réunion d’équipe, même des « termes plutôt courants, comme le Nom-du-père ou le Grand Autre » car, relate-t-il sans être contredit, il se fait aussitôt vertement tancer : « C’est incompréhensible. Ici on parle la langue de tout le monde, celle que tout le monde comprend. » « Pourtant, poursuit-il, les autres psychologues utilisent bien certains de leurs concepts ! » Nous n’allons pas discuter ici le fond du problème : la langue parlée dans cette réunion devrait-elle être celle d’un langage plus commun ?, mais son sens. En effet, ce qui nous a interpellés, c’est la violence de la réaction : pour quelles raisons les collègues ne pouvaient-ils tout simplement pas demander à ce psychologue d’expliciter ses propos ? Pourquoi ces références-là en particulier étaient-elles bannies ? Quels étaient les enjeux ? Par la suite, nous avons exploré les valeurs de l’institution, les référents théoriques de ceux qui ont pu apparaître comme des figures importantes. L’un des éducateurs a rappelé qu’à son arrivée, il y a plus de vingt-cinq ans, l’établissement était encore dirigé par un énergique médecin lacanien qui avait nommé quelques collègues affiliés à son école de psychanalyse. Ils formaient dans les réunions une sorte de sous-groupe qui monopolisait la pensée et bloquait les échanges. De vifs conflits étaient apparus au sein de l’équipe du fait des sentiments d’exclusion et d’envie générés par ce sous-groupe qui semblait produire ensemble, et avec plaisir, de la pensée. Ce médecin était parti. Ses collègues aussi. Depuis, deux responsables lui avaient succédé. Traumatisée par ces clivages, l’équipe s’était rassemblée autour d’un langage commun excluant implicitement et comme naturellement certaines références.

45Quand le nouveau prend la parole – grâce à l’alliance avec d’autres nouveaux, il est porteur d’autres affiliations, appartenances à des groupes secondaires dont la présence menace de faire rompre le pacte inconscient qui unissait l’équipe. Elle peut s’en défendre en attaque/fuite en désignant un bouc émissaire et tenter ainsi de régler (à défaut de résoudre) ce qui pourrait n’apparaître que comme un problème actuel. Un directeur administratif pourrait penser qu’il s’agit là d’un problème transitoire d’intégration du nouveau… Mais nous avons vu que, dans cette vignette, le « on parle comme ça » vient de loin. L’équipe s’est ressoudée en faisant disparaître, puis en tentant d’interdire le recours à l’ancien objet manifeste de dissension (les expressions lacaniennes) pour essayer de suturer les blessures causées par les douloureux vécus d’allégeance et de bannissement non élaborés, non traités, provoqués par une refondation charismatique. Le médecin chef avait imposé sa langue et ses fidèles. Ses successeurs ne pourront la lui couper qu’après coup… et ce, dans un mouvement d’identification à l’agresseur : le faire taire comme ils avaient eux-mêmes dû se taire. Mais l’arrivée d’un nouveau psychologue, embauché des années après ce conflit, a fait réapparaître ce qui avait tenté d’être mis sous le boisseau : non pas l’agressivité mais les mouvements honteux de trahison, de jalousie et d’envie qui avaient gravement menacé la cohésion de l’équipe. Ce qui se joue, ce n’est pas tant l’intérêt clinique du concept que les rapports conflictuels qu’il y a par rapport à Lacan, c’est-à-dire le rapport de chacun à ses maîtres.

46On peut aussi tenter de suivre une autre piste et faire remonter notre enquête jusqu’aux origines : le temps des fondations. Ce temps où le ou les fondateurs commencent, à partir de leurs valeurs, de leur monde interne mais aussi des contraintes matérielles, légales, à donner une forme à leur projet et à travailler ensemble.

47Les fondations portent les premières traces de la problématique qui va se déployer dans l’institution à travers notamment son système d’organisation.

48J.C. Rouchy (2004), reprenant les travaux de Bleger, disait : « La tendance à reproduire les mêmes problèmes que ceux qu’elle a à traiter est déjà présente dans les valeurs fondatrices. » Il ne s’agit pas seulement des valeurs en soi mais aussi du rapport que les fondateurs entretiennent avec elles et de la manière dont ils vont les faire vivre. Ont-ils un rapport militant avec elles ? Les défendent-ils sans pouvoir les mettre en œuvre ?

49Il nous semble possible de mettre en lien ce rapport figé à la théorie avec le traitement de la conflictualité lors d’un temps instituant de l’institution. Celui de la fondation ou d’une refondation. Comme P. Fustier, nous appelons refondateurs ceux qui ont tenté de s’approprier psychiquement l’institution et qui, dans l’esprit de l’équipe, ont été des agents de changement.

50On peut ainsi se demander si la conflictualité des valeurs instituantes a pu s’articuler et comment ces articulations ont évolué, si la conflictualité a pu s’exprimer et de quelle manière au sein de la première génération et en repérer les répercussions sur les suivantes ; s’il est possible de se représenter les termes des pactes et contrats narcissiques fondateurs ; si les fondateurs ou refondateurs ont pu intégrer la diversité des identités professionnelles, des pratiques et des théories du soin ; s’ils ont pu assurer à chacun une place et instituer des espaces dans lesquels cette diversité peut se mettre au travail. On l’a vu, certaines institutions se fondent ou se refondent à partir d’un monisme théorique qui rend incompatibles l’intégration ou le dialogue avec d’autres références. Ce n’est pas la théorie qui est totalitaire mais le rapport que ces fondateurs ont avec elle.

51Toutes ces questions se reposent à chaque fois qu’un changement d’organisation intervient et risque de bouleverser la structure : fusion, changement de tutelle, départ d’un chef charismatique, etc. Il peut faire réémerger des formations défensives contre des angoisses de désinscription institutionnelle (se sentir mis sur la touche), de perte de sens ou de désaffiliation dans certaines associations (se sentir rejeté de la filiation). Dans une équipe, ces formations défensives peuvent se traduire par un rapport figé à certains éléments présents dans les fondations : une forme d’organisation, des valeurs, ou une conception de la tâche primaire qui n’est pas remise en question. Cela peut notamment s’exprimer par des revendications ouvertes (l’envie de rester fidèle aux origines) ou se manifester par des conduites non mentaliséees, des automats.

52Prenons comme autre exemple une institution fondée par et autour d’un leader charismatique qui a créé et enseigné divers concepts théorico-cliniques [2]. Le rapport à la théorie est évidemment pris dans les fondations.

53Le temps passe. Le leader disparaît mais il a transmis ses concepts à ses élèves, à ses successeurs. L’utilisation de ces concepts fait référence pour chacun à ses liens avec ce fondateur ; elle vient notamment dire : « Je me suis approprié sa langue, je la parle, je suis son fils/sa fille théorique. » Parler la langue du fondateur disparu qui a été connu et estimé témoigne qu’il vit en chacun sous la forme enrichissante pour le moi d’introjects et d’identifications. C’est la dimension positive, libidinale de la transmission. Nous parlons ici de liens intergénérationnels. Les successeurs peuvent-ils interroger ensemble la pertinence des concepts hérités, dans un rapport vivant et porteur de conflictualité ? Ou ont-ils besoin de les laisser tels quels ? comme un Totem en surplomb ? pour travailler ensemble… Au risque de les transformer en dogme, en « blason » ou en « emblème ». Par exemple, pourrions-nous dans nos échanges, dans nos interventions, utiliser le concept d’incorporat de manière non créative, c’est-à-dire en nous souciant – sans même nous en rendre compte – moins de sa richesse, de sa pertinence que de son sens, de sa fonction dans l’institution ?

54Si l’on envisage un traitement figé, non créatif, de l’héritage, les théories et les manières de travailler du fondateur peuvent connaitre plusieurs destins :

55– devenir des incorporats institutionnels (« on pense comme ça, on fait comme ça… », pour reprendre la formule de G. Gaillard et J.-P. Pinel) ;

56– donner lieu à une sorte de fétichisation (« on ne touche pas à ce qui répond à tout ») ;

57– provoquer, au contraire, un grand coup de balai qui pourrait prendre la forme d’un « tout ça est dépassé, il est temps de se mettre au goût du jour ! » ;

58– ou, enfin, générer un contre-modèle : « ne surtout pas recommencer les erreurs du passé ».

59On peut enfin se demander comment va évoluer la structure de l’institution. En effet, le chef charismatique disparu, demeure le type de structure intériorisée par les héritiers. S’il s’agit d’une structure charismatique, qu’en sera-t-il des rapports d’autorité, des décisions, des liens qui étaient régis par l’affectivité ou l’identification au fondateur ?

60Pour pouvoir se faire une idée de l’héritage transgénérationnel dans cette institution, dans ses aspects créatifs et éventuellement anti-créatifs, il faudra probablement attendre les générations suivantes…

L’incorporat institutionnel post-traumatique

61Dans ce second point, nous souhaitons réfléchir au mécanisme de rigidification des dispositifs : comment un professionnel peut se trouver empêché d’instituer un nouveau dispositif ou de modifier certains éléments de dispositifs préexistants au nom de la coutume, de l’usage : « ici, on fait comme ci, pas comme ça » ?

62L’incorporat institutionnel affecte cette fois non pas le langage théorico-clinique mais le dispositif dans sa dimension opératoire, c’est- à-dire « les éléments qui délimitent le rapport au temps et à l’espace : durée, nombre de séances, rythme, lieu de réunion, règles énoncées, cadre institutionnel, etc. » (Rouchy, 1998).

63Le fait qu’au nom de la culture institutionnelle, un clinicien ne puisse pas proposer un nouveau dispositif appelle plusieurs observations. D’abord, qu’on est loin d’une conception analytique du dispositif : celle-ci intègre, d’une part, la dimension instituante, le cadre interne et le contre-transfert anticipé du clinicien et, d’autre part, le rapport entre cadre et processus. Nous renvoyons ici aux travaux de R. Roussillon et de J.C. Rouchy. Aurions-nous affaire à une vision « pantoufle » du dispositif ? Tous les invités peuvent se glisser dedans, l’essentiel n’est pas de trouver chaussure à son pied et à sa marche mais de ne pas rayer le parquet. Nous ne nous attarderons pas sur ce point qui n’est pas ici l’objet de notre travail. Quoique… N’y aurait-il vraiment que le chausson du maître de maison qui empêche les rayures ?

64Ensuite, on peut se demander ce qu’un aménagement du dispositif viendrait remettre en cause dans l’institution. À quoi sert cette fixité ? Quand est-elle apparue ? Quelle est sa fonction institutionnelle ? Protège-t-elle quelque chose dans l’institution ? Une fidélité à la théorie ou à la pratique d’un fondateur… Un avantage accordé à certains… L’enterrement de conflits terribles… L’enfouissement d’un trauma… On peut chercher à analyser cette immobilisation forcée de bien des manières mais émettre l’hypothèse qu’elle tient toujours sa force de sa longue vie : l’inscription dans le marbre prend du temps.

65À partir d’une autre vignette clinique, nous allons ici nous attarder sur une de ces voies qui conduit à la formation d’un incorporat institutionnel concernant les dispositifs : celle d’un moment de crise institutionnelle non élaborée, un moment de « rupture dans le cours des choses » (Kaës, 1979).

66Une psychologue met en place un groupe thérapeutique à médiation pour enfants dans un service pluridisciplinaire dirigé par un médecin au sein d’une institution ambulatoire pour enfants. Elle demande à disposer d’une clé pour pouvoir fermer la salle de groupe pendant la séance. Elle pense que cela va de soi étant donné, d’une part, le profil dysharmonique des enfants et, d’autre part, l’horaire de la séance : le groupe se déroule en fin de journée dans une partie désertée de l’établissement.

67Le groupe démarre… Nous sommes à la quatrième séance… Les enfants ont du mal à jouer ensemble. Ils explorent le mobilier, les stores, les chaises, les murs. Ils font le tour de la pièce, ils touchent à tout. Jessica veut ouvrir le robinet et faire couler de l’eau. Elle s’énerve que la psychologue ne la laisse pas faire. Elle demande à sortir de la salle. La psychologue refuse. Jessica sort quand même, suivie par les autres enfants. Ils ont devant eux les couloirs vides de l’établissement, la salle d’attente déserte avec tous ses jouets.

68L’équipe s’agace de la demande de clé. « Non, vraiment, cela ne s’est jamais fait… Mais que fais-tu ? Pourquoi n’interdis-tu tout simplement pas aux enfants de sortir ? Avec une porte fermée à clé, ce ne serait pas de la contenance, mais de la contention ! » La direction confirme : pas question de fermer à clé.

69On peut ici se demander pour quelle raison la demande de clé n’a pas pu faire l’objet d’une discussion théorico-clinique. Le refus d’imaginer des enfants et un thérapeute derrière une porte fermée à clé pourrait être la mise en œuvre d’une fonction défensive d’une institution s’appuyant sur un organisateur œdipien. Probablement une défense contre le fantasme d’une thérapeute de groupe/imago maternelle prégénitale qui aurait les enfants pour elle seule, sans tiers – en l’occurrence sans cadre interne, ni tiers institutionnel. Ce fantasme est particulièrement inquiétant pour une institution ambulatoire, pluridisciplinaire et fondée en référence à la psychanalyse – théorie qui donne une place essentielle à la présence du tiers, à la différence des générations et à la fonction des limites pour la structuration psychique.

70Mais, là encore, ce qui alarme et fait signal d’appel à chercher ailleurs, plus loin, ce qui pourrait demeurer impensé, c’est la vivacité du refus d’argumenter. La psychologue apprendra plus tard qu’il y a longtemps un psychothérapeute avait fermé à clé la porte de la salle de thérapie sans prévenir les parents qui s’étaient plaints de savoir leur fils enfermé avec un adulte. Un fantasme de séduction avait enflammé l’équipe. Le responsable médical n’avait pas pu l’endiguer en l’inscrivant dans une pensée théorico-clinique. Le directeur administratif de l’époque avait clos le débat par un avertissement et l’interdiction de fermer les portes à clé.

71Cette vignette illustre les effets d’après coup d’un événement qui a bouleversé l’institution et est venu figer pour longtemps certains paramètres des dispositifs thérapeutiques du fait de l’absence de reprise élaborative.

72L’incorporât s’installe où l’intermédiaire ne peut se loger. Il nous semble que plusieurs facteurs peuvent contribuer à renforcer sa formation. Ils sont, bien entendu, toujours à mettre en lien avec la structure, le fonctionnement de l’institution. Pour ce travail, nous avons tenté de préciser ce qui concerne plus directement la portée fantasmatique de l’événement traumatique au regard de l’organisation psychique de l’institution ainsi que de la nature de la réponse apportée.

73Commençons par ce dernier point. Étant donné l’actuelle prévalence du pôle administratif dans les institutions (et dans le métacadre), tous les événements potentiellement désorganisants, traumatiques donnent lieu à une réponse – sinon à une lecture – administrative. Ils sont a minima recensés comme « événement indésirable » et génèrent, à ce titre, des « conduites à tenir ». Ces froides expressions administratives (registre bureaucratique) peuvent recouvrir des situations brûlantes, à forte charge affective, porteuses d’angoisses et de représentations restées en jachère élaborative. Elles contribuent à inscrire l’événement dans le champ de la réalité administrative en même temps qu’à le faire disparaître de la scène psychique si elles sont vraiment considérées comme un aboutissement.

74Que se passe-t-il lorsqu’un événement traumatique se produit dans un dispositif et que ce dernier est modifié sur décision administrative pour empêcher la répétition de cet « indésirable » ? Comment ce changement d’origine administrative, décidé dans un contexte de crise, va-t-il infiltrer le cadre interne des cliniciens, colorer les autres dispositifs dans l’institution ? On pourrait se demander si ces éléments du setting vont conserver une fixité particulière liée au caractère impératif de la réponse administrative. L’incorporat institutionnel pourrait avoir force de coutume, au sens fort du terme, c’est-à-dire un usage établi devenu une règle.

75Il nous semble que le poids de la coutume risque d’être d’autant plus lourd qu’il porte sur les éléments du dispositif qui paraissent garants de l’organisateur psychique institutionnel, c’est à dire l’imago ou le fantasme inconscient qui compose « l’infrastructure imaginaire de l’institution » (Fustier, 1989). Les événements traumatogènes sont ceux qui menacent le pare-excitation institutionnel par leur violence dans sa valence sexuelle ou agressive, qu’il s’agisse d’un accident matériel, d’une hétéro ou auto-agression, réelle ou fantasmatique. Si un « événement indésirable » vient mettre en cause ces éléments structurants du dispositif, il agit comme un activateur de fantasmes incompatibles avec l’organisateur psychique de l’institution. Dans le cadre d’une institution qui s’organise autour des marqueurs de la différence des sexes et des générations, cette irruption fantasmatique transgressive télescope les fondements institutionnels mais aussi le cadre interne de tous les professionnels. Dans la vignette ci-dessus, on peut penser que la demande de clé a, des années après, re-présenté, réactivé la menace d’alors : le risque de désorganisation des « organisateurs » de l’institution, « d’ébranlement des signifiants œdipiens » nichés dans le cadre institutionnel (Fustier, 1987).

Quel traitement à ces obstacles ?

76Nous terminerons notre propos en abordant la question du traitement de ces obstacles ou de ces infertilités transgénérationnels. Comment un professionnel peut-il soutenir une créativité de ses propres dispositifs et faire évoluer les conditions nécessaires à cette créativité ? Quelle participation peut avoir un membre d’une équipe à l’évolution de cette dernière ? Quel degré de « tiers inclus » peut-il exercer au sein même de l’équipe à laquelle il appartient ?

77Enfin quel dispositif d’intervention en équipe est le plus à même de traiter ces obstacles ?

78Toutes ces questions appellent plusieurs formes de singularité.

79La première est celle des situations et du cadre dans lesquels ces obstacles peuvent être posés et traités. La situation d’un professionnel en supervision n’est pas celle d’une équipe demandant une intervention. Si ces différentes situations appellent des réponses différentes, il serait intéressant d’en dégager quelques invariants.

80La seconde forme a trait au caractère contemporain de ces obstacles. Car nous croyons qu’il nous faut les élaborer, non pas dans le contexte historique dans lequel J.C. Rouchy s’est appuyé pour construire ses propres théorisations, mais dans le contexte actuel qui doit être en soi un objet d’analyse.

81Nous avons déjà souligné par exemple (Bittolo, 2016) comment l’expérience de l’informe dans le travail d’équipe était la conséquence d’une désorganisation des collectifs de travail et des organisateurs groupaux qui, jusqu’alors, offraient une forme et une cohérence de l’expérience des liens de travail. Des équipes qui ne savent plus « à quel sein se vouer », ou qui connaissent une sorte d’errance qu’aucun projet collectif ne rassemble, sont les symptômes du « détricotage » très puissant auquel les institutions sont soumises depuis maintenant quelques années.

82Nous avons, par exemple, à penser des liens d’équipes construits sur des « organisateurs paradoxaux » où ce qui fait lien est la menace de disparition des collègues. Il ne s’agit pas d’une absence de lien mais d’un lien qui repose sur sa précarité, sa fragilité dont le « turn over » est le signe le plus manifeste et la confirmation répétée de la réalité de la menace. « L’amour est précaire, le travail est précaire, pourquoi les liens à l’intérieur même du travail ne le seraient pas ? », pourrait-on dire en paraphrasant H. Parisot.

83Une des caractéristiques majeures de cette actualité est le manque, l’écrasement, quand ce n’est pas l’effacement, des espaces de lien et de pensée dans lesquels la clinique, les dispositifs, les rapports de travail peuvent être pensés. Or, nous le savons, il n’y a pas de processus sans cadre et pas d’activité interprétative entendable sans qu’existe d’abord, et avant toute chose, un espace pour « penser des penser », sans quoi les pensées restent flottantes et ne s’incarnent pas dans une expérience de lien, et les interprétations sont persécutantes, intrusives, attaquantes, contusionnantes.

84Nous terminerons donc notre propos en interrogeant les qualités potentielles d’un espace d’élaboration de ces obstacles transgénérationnels.

85Nous avons dégagé quatre points :

86Le premier est la présence d’au moins trois générations réunies. « Transmettre, c’est mettre en terre ! » Cette formule que l’on doit à J. Falguière dans le cadre de la fapag, nous amène à penser combien la présence de trois générations tempère, module, transitionnalise l’exacerbation narcissique mortifère contenue dans les rapports duels entre deux générations directes qui peuvent être amenées à se demander laquelle va enterrer l’autre dans la succession. À ce titre, si la créativité des nouveaux ne s’autorise que dans le soutien des anciens, cette créativité doit s’appuyer sur une reconnaissance de la dette et non sur le meurtre (sauf à être encore un adepte de la rupture ou nostalgique de l’ère Sarkozy).

87Le second point concerne les processus d’historicisation. Les changements contemporains auxquels les institutions sont aujourd’hui soumises tendent à nous faire croire qu’il n’y a pas d’histoire des structures, pas de mémoire des institutions, pas d’histoires plurielles. « Circulez, il n’y aurait rien à voir ! » Or, il existe toujours une conflictualité des mémoires, chacun et chaque génération ayant des représentations et des expériences différentes de l’histoire d’une équipe et de son travail.

88Des incorporats institutionnels inscrits dans le langage ou dans des pratiques, immobilisant la créativité, nous invitent donc à redonner vie à des concepts, à réanimer des pratiques en reprenant la pluralité de ces histoires.

89Le troisième point concerne l’articulation entre cliniques, théories, cadres et dispositifs. Nous avons fait apparaitre, dans notre dialogue, combien ces quatre points étaient noués, combien rediscuter le sens d’un dispositif de travail appelait l’histoire de ces dispositifs et de l’institution. C’est en cherchant une pertinence des dispositifs par rapport à la clinique actuelle qu’apparaissent des mémoires mortes, contenues dans ces « maîtres mots », ces « mots d’ordre » ou ce langage stérilisé et pasteurisé dont nous avons cherché à rendre compte.

90Nous sommes ainsi tentés de penser que la créativité des dispositifs passe par des formes de refondation et, inversement, que tout processus de refondation appelle à repenser des dispositifs très différemment.

91Enfin, et c’est là le quatrième point, nous pensons qu’un équilibre doit être trouvé entre le respect de l’intimité d’une équipe et tout l’intérêt de l’exogamie, du don et contre-don, de l’apport de l’étranger contre le « ça va de soi » partagé de l’histoire officielle et des pratiques convenues.

92L’entre-soi n’étant jamais très fécond à terme, comment des nouveaux ou des étrangers peuvent-ils interroger, dans des conditions entendables pour les autres, des prérequis théorico-cliniques ou des pratiques ritualisées ou fétichisées, ininterrogeables sans quelqu’un qui soit accepté comme Tiers ?

93Comment un psychologue en interne peut-il occuper cette fonction-là ou pas ? Un intervenant, quel que soit son dispositif, ne tiendrait-il pas, d’abord et avant tout, cette fonction, on le sait parfois très difficile à tenir ? Plus que des réponses inscrites dans un corpus théorico-technique, J.C. Rouchy nous a laissé, nous semble-t-il, les moyens de penser et repenser collectivement ces questions-là.

Bibliographie

  • Bittolo, C. 2016. « À quel sein se vouer ? : la forme, l’informe et la dynamique de groupe », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 66, 2016/1, p. 173-186.
  • Fustier, P. 1987, Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychiatrique, Paris Dunod, 2000.
  • Gaillard, G. ; Pinel, J.-P. 2011. « L’analyse de la pratique en institution : un soutien à la professionnalité dans un contexte d’emprise gestionnaire », Nouvelle revue de psychosociologie, « Les groupes d’analyse des pratiques », n° 11, 2011/1, p. 85-103.
  • Kaës, R. 1979. « Introduction à l’analyse transitionnelle », dans R. Kaës et coll., Crise, Rupture et dépassement, Paris, Dunod, 1997, p. 1-83.
  • Kaës, R. ; Faimberg, H. 1993. Transmission de la vie psychique entre générations, Paris, Dunod.
  • Kaës, R. 2007. « Le deuil des fondateurs ou de chefs de service dans les institutions publiques », dans L’institution en héritage, Paris, Dunod, p. 45-73.
  • Rouchy, J.C. ; Soula Desroche, M. 2004. Institution et changement. Processus psychique et organisation, Toulouse, érès.
  • Rouchy, J.C. 2017. « Crypte et fantôme en héritage », Psychanalyse et psychose, n° 17, « Secret et transgénérationnel », p. 49-62.
  • Tisseron, S. 1995. « La psychanalyse à l’épreuve des générations », dans Le psychisme à l’épreuve des générations, Paris, Dunod.

Mots-clés éditeurs : Transgénérationnel, incorporats, dispositifs, transitionnalité, fondations, créativité

Date de mise en ligne : 10/01/2018

https://doi.org/10.3917/cnx.108.0101

Notes

  • [1]
    Texte réécrit d’une intervention faite au colloque « Clinique des groupe et des institutions. Hommage à l’œuvre de Jean Claude Rouchy », organisé par l’association Transition à Paris le 23 Juin 2017.
  • [2]
    Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé au sein de Transition serait « absolument faite exprès ».

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