Notes
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[1]
R. Descartes, Discours de la méthode, Garnier Flammarion, 2000, p. 92.
-
[2]
Ibid., p. 95.
-
[3]
J. Offray de La Mettrie, L’homme machine, Paris, Denoël, 1981, p. 121.
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[4]
Ibid., p. 190.
-
[5]
Ibid., p. 178.
-
[6]
Ibid., p. 214.
-
[7]
J. Offray de La Mettrie, L’homme plus que machine, Paris, Payot, 2004, p. 95.
-
[8]
M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 138.
-
[9]
Ibid.
-
[10]
E. Zamiatine, Nous autres, trad. B. Cauvet-Duhamel, préface Jorge Semprun, Paris, Gallimard, 1971, p. 25.
-
[11]
R. Sennett, Le travail sans qualités, Paris, Albin Michel, 2000.
-
[12]
J.-B. Jeangène Vilmer, Éthique animale, Paris, PUF, p. 42.
-
[13]
Ibid.
-
[14]
M. Foucault, « Les anormaux » (1954-1975), dans Dits et écrits, I, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2001, p. 1857.
-
[15]
G. Le Bon, Psychologie des foules, Paris, PUF, 1964, p. 55.
-
[16]
« La masse est comme un animal qui obéit à ses instincts. Pour elle, la logique et le raisonnement n’entrent pas en ligne de compte… je n’ai jamais agi en contradiction avec la psychologie des foules. Cette sensibilité peut être primitive, mais elle a le caractère permanent et irrésistible d’une force de la nature… la masse ne possède qu’un appareil intellectuel et sensoriel très simple… je ne puis diriger la masse que lorsqu’elle est fanatisée. Une masse qui reste apathique et amorphe est un grand danger… si je me présente devant une masse avec des arguments raisonnables, elle ne me comprend pas. » H. Rauschning, Hitler m’a dit, Paris, Aimery Somogy, 1979, p. 281-287.
-
[17]
Z. Sternhell, Les Anti-Lumières, Paris, Fayard, 2006, p. 421.
-
[18]
Z. Sternhell, Maurice Barrès et le nationalisme français, Paris, Éd. Complexe, 1985, p. 57.
-
[19]
La cocarde, 23 octobre 1894.
-
[20]
G. Le Bon, Psychologie des foules…, op. cit.
-
[21]
H. Marcuse, L’homme unidimensionnel, trad. Monique Wittig, Paris, Les Éditions de minuit, 1968, p. 182.
-
[22]
M. Horkheimer et T.W. Adorno, La dialectique de la raison, trad. Eliane Kaufholz, Paris, Gallimard, 1974, p. 97.
-
[23]
G. Anders, L’obsolescence de l’homme, Paris, Éditions de l’encyclopédie des nuisances, 2002.
-
[24]
A. Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, t. 1, Paris, Albin Michel, 1964, p. 182.
-
[25]
Ibid., p. 183.
-
[26]
Ibid., p. 184.
-
[27]
J.-C. Milner, La politiques des choses, Paris, Verdier, 2011.
-
[28]
J. Semprun, Défense et illustration de la novlangue française, Paris, Éditions de l’encyclopédie des nuisances, 2005.
-
[29]
Le Monde du 5 novembre 2009
-
[30]
C. Salmon, Storytelling, Paris, La Découverte, 2007.
1En se séparant de l’environnement animal comme de sa propre animalité, l’homme n’a cessé de dire, croire, raconter, déclarer qu’il venait d’ailleurs. Qu’il y avait en lui une propriété intrinsèque qui ne pouvait se saisir que depuis un point d’exil. Cette étrangeté, cette hétérogénéité n’a cessé de s’exacerber depuis l’invention de l’outil qui a modifié tout son rapport au réel, au dévoilement du monde. Le monde ne lui a pas été donné, comme pour l’animal, l’homme a construit un monde avec l’outil, la machine, le langage. C’est cela qui habite l’homme, mais cette étrangeté n’a jamais cessé d’interroger l’homme sur l’hôte qu’il hébergeait, la machine à penser, à prier, à aimer. Entre les tenants d’un matérialisme qui réduit l’homme à un assemblage de molécules et de gènes, et ceux qui proclament l’exception humaine, il nous faut considérer des conséquences de l’une et de l’autre propositions.
L’homme-machine ou la passion automate
2Au XVIIe siècle, les automates font merveille. Jacques Vaucanson, héritier des mécanistes du XVIIe siècle, entreprit de construire des anatomies mouvantes où il espérait montrer toutes les « opérations de l’homme vivant », « un automate à circulation de sang », un « automate parleur », un automate « joueur de flûte » qui exécutait jusqu’à douze airs. On admire chez eux l’identité de mouvement qu’ils ont avec les hommes, leur ressemblance, leur proximité, ils ne les imitent pas, mieux, ils les réalisent, révèlent la complexité du vivant, leur capacité de s’autonomiser par le jeu des ressorts, des cordes et des poulies. Or, ce qui se passe là sous les yeux ébahis des premiers constructeurs d’automates, c’est la répétition dans laquelle les automates exécutent un mouvement, sans surprise, sans étonnement, un mouvement où ils sont déjà attendus. Car le prodige avec la machine, dont l’horloge fut probablement le mécanisme le plus envoûtant, c’est sa régularité, sa prédictibilité, samécanique qui déroule inlassablement, osons le mot : un programme. L’homme, semblable à une machine, reste une considération qui ne cessera de s’affirmer au cours du temps. Existe-t-il pour le vivant de semblables forces qui l’animent ou est-il mû par une force qui, radicalement, lui échappe ?
3Descartes distinguait l’homme de l’animal mais non l’animal de l’automate. Les bêtes agissent naturellement par des ressorts ainsi qu’une horloge. S’il y avait des machines « qui eussent des organes et la figure d’un singe, ou de quelque animal sans raison, nous n’aurions aucun moyen pour reconnaître qu’elles ne seraient pas en tout de même nature que les animaux [1] ». Les animaux sont comme les automates, pour la raison qu’ils ne sont pas dotés de parole ni doués de raison. Quelle que soit leur perfection, les bêtes n’agissent pas par connaissance mais par disposition de leurs organes. L’avantage métaphysique de l’homme est là, il est d’une nature autre que celle de l’animal par sa capacité de parler, de penser. Tout ceci, poursuit Descartes, pour réfuter l’erreur de ceux qui nient l’existence de Dieu et qui imaginent que l’âme des bêtes soit de même nature que la nôtre, que notre espérance et notre crainte après la vie ne soient guère différentes de celles des mouches ou des fourmis. Et de conclure à l’immortalité de l’âme [2].
4Un siècle plus tard, La Mettrie (1709-1751), après dissection des cerveaux, abolit le privilège métaphysique de l’homme ainsi que les frontières qui distinguent l’homme de l’animal. « Vous serez persuadé que l’imbécile ou le stupide sont des bêtes à figure humaine, comme le singe plein d’esprit est un petit homme sous une autre forme [3]. » Il est le premier à affirmer une vision matérialiste du monde. Sa divergence avec Descartes tient à son athéisme qui annonce celui de Nietzsche, de Feuerbach et de Freud. L’homme reste une machine dont on saisit la preuve dans les chairs qui palpitent encore après la mort, comme le cœur d’une grenouille continue à battre sur une assiette, et les muscles, de se rétracter.
5La Mettrie, par son athéisme, confirme la seule prépondérance de la matière et réduit l’âme à un vain mot qui désigne seulement ce qui pense en nous [4]. L’homme ne saurait prétendre à aucun privilège car il n’est pas « pétri d’un autre limon plus précieux ». La Nature n’a employé qu’une seule pâte « dont elle a seulement varié les levains [5] », il n’a manqué aux animaux qu’un degré de fermentation pour égaler celle des hommes. « Concluons donc hardiment que l’homme est une machine, et qu’il y a dans tout l’univers qu’une seule substance diversement modifiée [6]. »
6La Mettrie admire toutefois cet homme-machine qui a fabriqué des machines à son tour, machines mécaniques, machines d’illusions,machines de rêves, L’homme plus que machine [7] reste une machine, aucun abri métaphysique ne saurait l’en distraire. La machine ne tarde pas à s’imposer comme modèle de dressage de l’humain, d’obéissance, de discipline. « Le grand livre de L’Homme-machine, écrit Michel Foucault, a été écrit simultanément sur deux registres, celui anatomométaphysique, dont Descartes avait écrit les premières pages […] celui technico-politique qui fut constitué par tout un ensemble de règlements militaires, scolaires, hospitaliers, et par des procédés empiriques et réfléchis pour contrôler ou corriger les opérations du corps… L’Homme-machine de La Mettrie est à la fois une réduction matérialiste de l’âme et une théorie générale du dressage, au centre desquelles règne la notion de “docilité” qui joint au corps analysable, un corps manipulable. Est docile qui peut être soumis et utilisé, qui peut être transformé et perfectionné. Les fameux automates, de leurs côtés, n’étaient pas seulement une manière d’illustrer l’organisme ; c’étaient aussi des poupées politiques des modèles réduits du pouvoir [8]. »
7À partir d’un corps informe, il s’agit de fabriquer une machine adaptée, performante, à l’usine comme à l’armée ou à l’école. Le soldat, nouvel automate, voit son corps soumis à une contrainte calculée qui parcourt chaque partie de son corps. Il en va de même pour l’ouvrier à l’usine ou l’élève à l’école. Les attitudes, les mouvements, répétés, précis, ordonnés, assurent que le corps obéira à la logique de l’automate, pour une plus grande utilité, une plus grande rentabilité, des forces de production [9]. L’accumulation du capital est inséparable de la multitude humaine et celle-ci d’un appareil technique de production. La discipline est le procédé technique par lequel la force du corps est astreinte à des gestes, des tâches, des attitudes, au moindre frais. Elle réduit l’homme comme « force politique » et le maximalise comme force économique utile par l’obéissance, la contrainte et l’astreinte. Mais d’où vient cette étrange docilité, cette soumission consentie, cette obéissance acceptée ? Dire que l’homme est une machine, c’est aussi concevoir que le machinisme se fonde sur la jouissance. Jouissance liée au capital, qui, dans son accroissement continu et infini vise toujours plus, l’accumulation qui asservit les hommes aux machines, et les rend homologues à elles. Les temps modernes, merveilleux film de et joué par Charlie Chaplin, dépeint la réalité de ce corps-machine, devenu objet de production qui ne s’arrête jamais. L’homme-machine annonce l’idéal des sociétés totalitaires où règne la raison faite ordre et mécanique, où les sentiments sont expulsés, où ne subsistent que les performances de la machine qui fait l’homme à son image remarquablement décrite par Eugène Zamiatine, précurseur d’Orwell : « Tous les matins, avec une exactitude de machines, à la même heure et à la même minute, nous, des millions, nous nous levons comme un seul numéro. À la mêmeheure, à la même minute, nous, des millions à la fois, nous commençons notre travail et le finissons, avec le même ensemble. Fondus en un seul corps aux millions de mains, nous portons la cuillère à la bouche à la seconde fixée par les Tables, tous au même instant, nous allons nous promener, nous nous rendons à l’auditorium, à la salle des exercices de Taylor, nous nous abandonnons au sommeil [10]. » Échapper à la machine, c’est échapper à la production. C’est la répétition des mêmes gestes qui interdit à la pensée de se libérer, qui fait de l’homme une machine dans les tâches répétitives qu’il doit accomplir. C’est à cette époque que les usines s’automatisent, et que Taylor institue le travail à la chaîne. La révolution industrielle a très tôt fixé ses normes de production, sur une rationalisation extrême du temps de travail. Standardisation des machines, des objets de production, des hommes. L’individu s’effaçait dans l’entreprise, seule compte la production. L’homme devenu robot, la routine devint autodestructrice, coupait l’ouvrier de sa tâche, du sens même de son travail. Le traitement avilissant du travail à la chaîne menaçait, non seulement l’homme, mais aussi le travail qu’il effectuait et cela s’en ressentait sur la productivité. Les méthodes du Taylorisme calculaient à la fraction de seconde près, le temps qu’il fallait pour installer un phare de voiture. Dans les années 1950, note Richard Sennett [11], l’usine de General Motors de Willow Run, dans le Michigan, était un bâtiment long d’un kilomètre et large de 400 mètres. Toute la chaîne de fabrication était centralisée, depuis l’acier jusqu’au cuir des sièges. Le travail était coordonné par une bureaucratie hautement disciplinée. Dans cette immense usine, le temps était calculé avec minutie de sorte que tous les dirigeants savaient ce que chacun faisait à un instant donné. Henry Ford révèle que sa chaîne d’assemblage a été pensée et créée sur le modèle des abattoirs de Chicago dont l’efficacité lui faisait forte impression [12]et, pour Paterson, le fordisme avait eu une influence non négligeable sur la manière dont les nazis ont pensé la solution finale [13]. Le massacre de masses ne pouvait être effectué sans une bureaucratie et une technologie particulièrement développées. Il fallait à la fois planifier les trains, calculer les coûts du transport, la rapidité d’exécution…
8Très vite, on s’aperçut, à maintenir les hommes dans cette condition avilissante du travail, que la productivité s’en ressentait. Il y avait là l’expression d’une résistance passive. Des spécialistes en psychologie industrielle, comme Elton Mayo, ont tenté de réhabiliter la dignité individuelle pour accroître la productivité. Les émotions et les sentiments venaient de faire leur entrée dans la production industrielle. Les ouvriers, invités à parler de leurs problèmes, sous le sceau de la confidentialité, trouvaient là une reconnaissance nouvelle. L’intime, le proprese trouvait captif de l’entreprise. Ce qu’on aimait dans cette captivité, c’était cette part de soi qui s’était abîmée dans le travail et que l’on se réappropriait, restaurée du seul fait qu’elle avait été écoutée et recyclée en force de travail. Les ressources humaines venaient de naître.
9Toutefois, la question demeurait de savoir qui habite le corps, l’homme gouvernait-il sa vie ou était-il gouverné par elle ? Était-il acteur de sa vie ou spectateur ?
Qui habite le corps ?
10L’homme-machine ne saurait à lui seul épuiser la question du déterminisme. Au XIXe siècle, une autre figure, inconnue, irréductible à ce déterminisme apparaissait sous le jour du dégénéré, du vagabond, du chômeur qui échappe à toute maîtrise, à toute assignation et qu’on appelait les « anormaux [14] ». Cette figure qui échappait à tout ordre, composée par les « insensés » et les « incorrigibles », était contemporaine des techniques de discipline et de surveillance. Le chômeur, cette force inutilisée qui s’abîme en pure perte, menace tout un système de production. Le vagabond qui ne sait où il va, marche machinalement, sans but, sans contraintes, ni règles, sans astreintes ni obligations, représente tout autant une force de travail gaspillée, inutilisée ; tout comme le somnambule, mû par des forces étranges, semble être sous la domination d’un pouvoir qui lui échappe, et l’hystérique qui défie les lois de l’anatomie désigne une présence qui excède le corps. Contre-figures de la machine, ces figures demeurent des machines dont il faut percer le secret. Elles désignent dans l’homme un refus de toute organisation, de toute discipline, de toute production. Sous quelle emprise, sous quelle influence vivent-ils ?
11Au XIXe siècle, le cerveau est au centre de toutes les études. Grâce aux progrès de l’anatomo-pathologie, le modèle de la machine s’impose davantage. L’introduction du terme d’inconscient comme fait linguistique par les neurophysiologistes dans la description de l’esprit humain, écrit Marcel Gauchet, s’établit sur la base d’une unification de l’axe cérébrospinal et d’une extension au cerveau des phénomènes réflexes, d’une réalité automatique de l’inconscient. On reste dans l’idée que l’homme participe toujours de la machine dans la mesure où les effets sont ramenés aux causes. Il y a en lui des actes qui échappent à sa volonté, des actes réflexes qui s’imposent à lui. En 1810, Gall publie son Anatomie et physiologie du système nerveux général et du cerveau en particulier. Il soutient l’innéité dans le cerveau des qualités morales et des valeurs intellectuelles. Broca et Charcot confirment la localisation de la fonction du langage dans les lobes antérieurs du cerveau. Henri Piéron, en 1923, publie Le cerveau et la pensée qui fait du cerveau le siège de la pensée. Wilhem Griesinger (1817-1869) affirme « queles maladies mentales sont des maladies du cerveau » dont il attendait des élucidations par les progrès de l’anatomopathologie. Il introduit dans sa théorie des maladies mentales la conception physiologique des réflexes. En neurologie, l’automatisme trouve de nouvelles résurgences de l’homme machine dans la théorie de l’arc réflexe de Jackson. Pour ce dernier, l’organisme et l’organisation psychique constituent un édifice dynamique et hiérarchisé résultant de l’évolution, de la maturation des fonctions nerveuses de la conscience et de la personne. La maladie mentale est l’effet d’une dissolution et d’une déstructuration ou d’une anomalie du développement de cet édifice structural. Le processus organique est l’agent de cet accident. La régression de la maladie à tel ou tel niveau donne à la maladie mentale sa physionomie clinique. Les maladies mentales sont des dissolutions des centres supérieurs du cerveau qui se sont constitués les derniers dans l’évolution humaine. Ceux-ci sont plus complexes, plus volontaires et moins organisés, que les centres nerveux inférieurs, plus simples, plus automatiques, plus organisés. La folie est la désorganisation des centres supérieurs. Jackson se situe dans une perspective évolutionniste et non dans une conception lésionnelle. Dans cette perspective, la maladie mentale est directement liée à l’évolution humaine. Pierre Janet, en 1889, décrit l’automatisme psychologique et oppose l’habitude à la volonté. C’est l’homme lui-même qui est un vivant-machine, car, derrière tous ces automatismes, on reconnaissait que quelque chose échappait radicalement à l’homme, que celui-ci était habité par un intrus dont il commençait à peine à connaître le nom. Freud, en 1900, introduit le concept d’appareil psychique, sans renoncer à la topologie des localisations.
12Cette étrangeté qui habitait le corps de l’homme, la psychiatrie tentait de l’exorciser avec Messmer en appliquant deux aimants sur le corps pour faire circuler le fluide magnétique. Il s’agit dans cette opération de retrouver un corps fluide, débarrassé de ses impuretés, un corps propre. Dans son Traité des maladies mentales, Luys souligne que « les somnambules cessent d’être en conflit avec le milieu ambiant, les actes qu’ils accomplissent aveuglement sont revêtus du triple caractère des actions réflexe type, en ceci qu’ils sont involontaires, automatiques et inconscients ». Certains neurologues soutiennent que les hypnotisés sont « des automates imitatifs », réduits quasiment à l’état d’animal spinal agissant seulement par des réflexes dont les stimuli sont fournis par l’hypnotiseur. Charcot en faisait la démonstration avec les hystériques, machines sous influence, qui obéissaient aux ordres. Dès lors, la question était de savoir qui habite ce corps, qui obéit aux ordres, quelle pensée contrôle cette pensée ? L’homme était-il maître de sa parole ou bien sa parole parlait en lui, voire le parlait ? Tout au long du XIXe siècle, la question du sujet est réfutée. Dire je pense ne peut être une fonction autonome d’un sujet responsable. Moritz Schiff note l’impropriété du langage à désigner l’individualité. Il y voit une nécessité linguistique à laquelle il doit se résoudre. Il doit se servir, dit-il, d’une langue qui ne permet pasde parler du processus idéationnel sans le personnifier. Les expressions « je pense », « je sens » seraient plus rigoureuses, propose Exner, si on disait « il pense en moi » ou « il sent en moi ». Ceci pour la raison qu’il se forme en nous un jugement plus que nous nous le formons. Ceci jusqu’au moment où le « je » est destitué par le « ça ». On devrait direça pense, ou il pense en moi étant entendu que ce « il » ne peut être un autre, mais la fonction du cerveau qui sécrète la pensée. En somme, il se forme un jugement en nous pour lequel le poids de notre volonté est nul et celui de notre désir inconnu jusqu’à la célèbre formule freudienne : « Wo Es war soll Ich werden. » Le symptôme devient alors l’expression d’un langage qui échappe au sujet lui-même et qui est constitué de forces contraires. La conflictualité devient l’expression d’un désir qui n’est pas reconnu, qui n’a pas trouvé place dans la parole du sujet, ou plutôt qui est une parole pleine encore en souffrance.
13Néanmoins, la conception réflexe de l’arbre cérébrospinal gardait de beaux jours devant elle avec les conceptions de Le Bon. L’idée d’inconscient devient synonyme d’automate. Le Bon parle du caractère involontaire, inconscient et automatique des manifestations collectives. Il caractérise les bas-fonds de la société comme des forces aveugles de l’automatisme et de l’irréflexion. Hitler emprunte à Gustave Le Bon ses conceptions relatives à la puissance de l’instinct et de l’irrationnel qu’il place sous la dépendance de la moelle épinière plus qu’à celle du cerveau. L’arc réflexe spinal est ce qui nous rapproche des hommes primitifs qui « ne sont capables ni de réflexion ni de raisonnement [15] ». Cette primitivité de l’homme lui paraît comme la véritable force de l’homme, le gage de son intégrité, parce qu’elle n’est altérée par aucun jugement, aucun apprentissage, aucune morale, mais soumise seulement à « l’instinct » et au pulsionnel [16]. L’inconscient en 1900 subit le renversement de la raison en forces pulsionnelles et instinctives. L’inconscient identifié à l’immémorial est le pouvoir sans limites des absents, le culte de la Terre et des Morts de Barrès qui fait de la France une nation « prosternée devant ses églises et ses cimetières [17] », le pays « d’un milliard de morts ». L’homme n’est pas libre mais déterminé par sa race, sa culture, sa langue, sa religion. La notion de « patrie psychique [18] » désigne chez Barrès cette part de l’inconscient de laquelle sont exclus le déraciné, l’intellectuel, le naturalisé, le juif, le protestant et les étrangersqui « n’ont pas le cerveau fait de la même façon que le nôtre [19] ». Les théories de Le Bon et de Jung insistent sur la dimension antirationnelle de l’homme. L’immémorial tient lieu d’identité inaliénable, l’émergence d’un Moi que rien ne peut modifier ou altérer est héréditaire. L’homme n’en est pas le propriétaire, mais le dépositaire seulement. L’homme n’est pas déterminé par la raison mais par « l’inconscient » qui contient les puissances spontanées de force et de violence. « La raison est chose trop neuve dans l’humanité et trop imparfaite encore pour pouvoir nous révéler les lois de l’inconscient et surtout le remplacer. Dans nos actes, la part de l’inconscient est immense et celle de la raison très petite [20]. » Cet éloge de l’instinctif et du pulsionnel est l’autre nom de l’automate, de l’animal-machine. L’homme n’est rien, il n’est qu’un rouage de l’immense mécanique sociale, où le sang qu’on apporte en naissant est celui que l’on doit laisser en mourrant. Une conception de l’homme indissolublement liée à la machine devient le nouveau paradigme d’une biopolitique.
La quatrième humiliation
14L’École de Francfort avec Adorno, Horkheimer, Marcuse, a très tôt critiqué les dérives d’une raison instrumentale, instrument de domination et d’assujettissement politique. « La rationalité technologique ne met pas en cause la légitimité de la domination, elle la défend plus tôt et l’horizon instrumentaliste de la raison s’ouvre sur une société rationnellement totalitaire [21]. » La technologie, identifiée à une nouvelle forme de gouvernement politique, légitime cette rationalité instrumentale comme l’expression de la science, un « arraisonnement » du réel, dit Heidegger, qui exclut l’homme de son ek-sistence, de sa capacité de se dépasser, d’accéder à un dévoilement plus originel. Un « ordre totalitaire installe le penser calculateur dans son plein droit et s’en tient à la science en tant que telle [22] ». Dans L’Obsolescence de l’Homme [23],Günther Anders parle de la honte prométhéenne que l’homme ressent face aux machines, honte qu’il qualifie de quatrième humiliation, après Copernic, Darwin et Freud. Honte de n’être pas aussi parfait qu’elles, aussi fiable, précis et performant, lui, simple créature, condamné à se reproduire sexuellement depuis la nuit des temps, là où il est créateur d’objets infiniment plus performants que lui. La fable de Samuel Butler,Erewhon ou de l’autre côté des montagnes (1872) raconte l’histoire d’un homme égaré, de nulle part (Nowhere) qui, de passage dans laVille de Trappellune, est incarcéré au motif qu’il portait une montre sur lui. Il découvre ahuri que les lois locales interdisent l’introduction des machines car celles-ci pourraient être soumises aux lois de l’évolution darwinienne qui les rendraient supérieures aux hommes. Que dit cette fable ? Que le pouvoir n’est plus entre les mains de l’homme mais des machines, qu’elles sont plus habiles, plus intelligentes à gérer notre vie mais aussi plus dangereuses. Dans le roman de Butler, le héros déclare ne redouter aucune machine mais c’est la rapidité de leur devenir qui est inquiétante, en ce sens qu’aucune classe d’animaux ou de végétaux n’a fait de progrès aussi rapides. La tentation obscurantiste qui se dégagerait de cette conception serait d’arrêter la marche de la science pour les raisons que nous serions détruits par elle. Les choses étaient-elles bien différentes il y a un siècle ? Max Nordau ne voyait-il pas dans le téléphone et les chemins de fer les conditions de la dégénérescence, le mal civilisationnel qui nous guettait ?
15La méfiance au regard des machines est celle que notre modernité génère, qui rend l’homme d’autant plus étranger et éloigné de lui-même que celles-ci lui apparaissent comme infiniment plus proches. Leroi-Gourhan remarquait que notre corps est resté sensiblement le même, que « le dispositif plafonne depuis peut-être un million d’années » avec l’acquisition de la station debout, la main, l’outil, le développement du langage [24]. Comment l’homme peut-il continuer dans le futur ? C’est vers les remaniements de l’édifice crânien qu’on s’oriente inévitablement mais les différents remaniements ont déjà eu lieu et « le progrès dans cette direction ne saurait être indéfini ». Pour rester homme au sens où nous le concevons mentalement et physiologiquement, « on ne peut guère admettre un jeu considérable… Nous n’avons encore que trente mille ans d’âge et il en faut beaucoup plus pour que la dérive des espèces se fasse vigoureusement sentir [25] ». L’évolution majeure de l’homme serait la perte de la main et de la denture réduisant le squelette à sa plus simple expression. Une humanité anodonte qui vivrait couchée en utilisant ce qui lui resterait de ses membres pour appuyer sur des boutons n’est pas complètement inconcevable. On peut se demander, écrit Leroi-Gourhan, « ce qui restera de l’homme quand il aura imité tout en mieux ». Dans mille ans, l’homo faber ayant fini de s’extérioriser, l’homme se trouvera embarrassé d’un appareil loco moteur désuet, hérité du paléolithique.
16L’homme est probablement appelé à disparaître dans quelques dizaines de milliers d’années. « On peut aussi admettre que par une action volontaire, il utilisera les lois génétiques pour suspendre au moins pendant un certain temps, le cours de son évolution ; on ne voit, de toute manière, pas de quoi il pourrait se “libérer” sans changer en même temps d’espèce [26]. »
17L’humanité de l’homme est impensable sans l’outil, la machine, la technique, son être au monde est là. La pierre fut, comme le proclament les anthropologues, le premier outil de l’homme car elle avait produit une alternative à la fuite devant un danger en tenant l’adversaire à distance, en préservant le corps d’une confrontation directe. Elle fut le premier outil qui permit d’anticiper sur un résultat, une des premières opérations symboliques dont l’usage distingue l’homme de l’animal. De la pierre, il fabriqua un silex en le faisant jaillir du choc avec une autre pierre, montrant de ce fait déjà que l’outil fabrique l’outil. C’est la néoténie de l’homme qui lui a permis de sortir de son environnement pour entrer dans un monde, c’est son être immature, inachevé et inaccompli au regard des animaux qui lui a permis de faire du monde une nouvelle matrice sociale. C’est parce qu’il a échoué à survivre comme animal qu’il a construit le monde.
18Cette consubstantialité de l’homme et de la machine est la figure de plus en plus en plus complexe de notre modernité. Il s’agit d’y entrer pleinement et de nous questionner sur ce que nous attendons d’elles, mais aussi sur ce que nous faisons d’elles.
Humaniser les machines ou machiner les humains ?
19Penser la biopolitique, c’est penser tout un rapport à l’homme qui calcule, prévoit, prédit, anticipe. Il faut pour cela que l’homme puisse être étalonné sur des comportements, des chiffres, des courbes statistiques qui le signifient. Les troubles psychiques n’apparaissent pas tant comme des désordres psychologiques que comme l’expression du marché de la pharmacologie en pleine expansion. La naissance de l’hyperindividualisme, rejeton de l’ultra-libéralisme, a contribué à la formation d’une société plus permissive que libre, plus surveillée que contrainte. La destitution de la norme au profit des troubles, disorders, a engendré une multitude de comportements dont on tolère les déviances, car les déviances inoculent l’idée de l’effondrement d’une norme établie pour la raison que toute attitude est potentiellement déviante, donc potentiellement curable, donc potentiellement commercialisée sous la forme de produits pharmacologiques. Plus on multiplie les troubles, plus on multiplie les molécules, et si les molécules supposées être efficaces sur un trouble ne le sont pas, alors on produira une sous-catégorie du trouble qui est un autre trouble. Ainsi, le trouble lui-même se trouve être un véritable filon pour des troubles à venir. Rien d’autoritaire, rien d’arbitraire ni de contraignant ne sera imposé au citoyen de cette cité radieuse. Plongé dans un univers de signes, de choses codées et codifiées, diffusées, propagées par des torrents d’images et de marketing, il lui suffira seulement de se reconnaître, de s’identifier, de s’aliéner en eux. Et puisque la norme a été déconstruite, il s’agira de produire toujours plus d’adéquation des hommes et des objets, une identité des choses et des hommes, de convertir leur langage en langage-machine. Jean-Claude Milner, dansLa politique des choses [27], remarque que les gouvernants font croire que ce sont les choses qui décident, les faits parlent d’eux-mêmes, pourquoi les faire parler autrement ? Cette fatalité qui pèse sur les hommes est la même que celle qui pèse sur les choses devenues objets de calculs, d’évidences incontournables secrétées par des machines statistiques qui sont aussi des machines idéologiques. Entre les hommes et les choses, ce sont les rapports d’équivalence qui gouvernent. Dans la société hyper moderne, il n’y a plus de maîtres dans la mesure où les choses sont équivalentes, seul le marché donne une valeur aux hommes et aux choses. Le maître mot est celui d’évaluation. On évalue partout, au travail, dans les entreprises, les assurances, la santé, les ministères, les écoles maternelles où on demande d’évaluer les enfants à haut risque et à bas risque, de repérer les délinquants dès la crèche, des nourrissons voleurs, agressifs, au sens moral bas. Le sujet de l’inconscient, jeté aux orties, a perdu toute valeur puisqu’il échappe de par sa singularité aux machines calculantes de toutes sortes et dans ce monde biopolitique, il est comme le vagabond du siècle passé, il échappe à toutes sortes de machines calculantes. Car rien, on l’aura bien compris, rien ne saurait résister à ce scientisme qui prétend faire de l’homme un sac génétique et un automate comportemental. Les évaluations engendrent un système de surveillance et de contrôle permanents. Il en résulte une vulnérabilité de l’individu face à des machines calculantes qui ont le pouvoir de sceller le destin d’un individu. Comment faire, demande Jean-Claude Milner, pour que le plus faible ait des droits par rapport au plus fort ? Les garanties juridiques et institutionnelles semblent être un habillage. Elles fonctionnent elles-mêmes bien souvent comme des machines aveugles. Les différentes institutions pour enfants sont confrontées à des logiques juridiques décapantes qui destituent le sujet de sa singularité, en faisant de son trouble la cause de sa destitution et non la tentative de sa restauration dans sa parole. Il faut un acharnement, une constance, une rigueur pour restituer un enfant dans sa parole, pour laisser exprimer un trouble sans le réduire, être à l’écoute d’une souffrance qui reste radicalement sans mesure, hétérogène à toute échelle d’évaluation. Les machines communiquent avec d’autres machines, elles se relaient les unes les autres en un vaste système d’informations qui convertit la parole en information et la souffrance en trouble. Mais quoi, nous dit-on, comment mesurer ? Comment prévenir ? Comment anticiper et prédire ? Poser de telles questions suppose qu’on puisse traiter les hommes comme des objets. La question reste de savoir ce que mesurent les machines, qui servent-elles ? À quoi servent-elles ? Elles ne disent rien qu’on ne veuille déjà entendre.
20La liberté cède le pas à la sécurité. Le slogan politique s’énonce sous la forme : plus de sécurité et moins de liberté. Il s’agit toujours de calculer plus, de préciser, de définir, d’établir de nouvelles échelles de cotation, et de faire du monde un univers hanté par le fantasme d’une transparence du réel qui réduirait l’opacité de l’homme. Il s’agit toujours d’avantagede croiser les fichiers, de recouper les informations, de les corréler entre elles, de réduire toute possibilité d’indétermination. Il s’ensuit que deux principes corollaires gouvernent aujourd’hui nos sociétés : la sécurité et le commerce. Le traitement informatique de nos traces électroniques, véritable mine d’informations, étudie nos penchants, nos habitudes, nos intérêts, nos mouvements, nos opinions, nos comportements dans un but de les corréler toujours davantage aux intérêts commerciaux et sécuritaires. Les profils des individus dégagés par le calcul algorithmique ne se contentent plus de produire des populations homogènes comportant tel ou tel autre risque ou tel ou tel autre intérêt commercial, mais définissent des comportements et des attitudes individuels qui permettent de mieux cibler et de mieux orienter le marketing en entretenant l’illusion d’une individualité dans le calcul de masse.
21Le contrôle est le moyen d’articuler le singulier à la masse. Il engendre de manière subtile et sournoise une soumission pernicieuse par le biais de la langue. Celle-ci n’est plus la novlangue d’Orwell, où la langue technicisée des nazis dont traite Klemperer, mais celle dont parle Jaime Semprun [28], à laquelle nul n’échappe, qui infiltre notre quotidien, le façonne par le traitement informatique. C’est la langue qui a rendu le monde à l’usage de la technique. Les choses fabriquées demandent pour fonctionner que d’autres machines soient créées, et celles-ci imposent leur langue pour être utilisées. La langue fonctionne autour des aptitudes des machines et engendre aussi dans notre manière de penser un langage analogue. Les machines parlent à la place des hommes et ceux-ci ont appris à parler comme les machines.
22Aujourd’hui, les machines traitent plusieurs milliards d’opérations par seconde. La langue est impuissante à en rendre compte et c’est la science positive acquise par ses machines qui se substitue à notre langage mais aussi à notre compréhension. Car la connaissance et les résultats produits par de telles machines ne nous sont plus accessibles. Les fulgurantes innovations techniques ne sont plus comprises hors d’un recours à une pensée mythique. Dans un entretien au Monde [29], Claude Lévi-Strauss notait le fossé abyssal qui se creuse entre les équations du réel que les savants décryptent, que nous sommes incapables de comprendre, et la perception que nous avons du monde. Pour expliquer ce qu’ils font, pour traduire ce qu’ils perçoivent du monde, les savants ont recours à des récits qui restaurent des vieux modes de pensée, analogues aux récits mythiques. Nous sommes incapables de les comprendre de l’intérieur et c’est par la fonction imaginaire si proche des mythes que nous tentons d’en saisir quelque chose.
23Les investissements libidinaux sont détournés de toute activité créatrice vers des activités marchandes ou sécuritaires. La question de la démocratie se trouve ici interpellée car une société qui a sacrifié saliberté pour la sécurité peut-elle être capable de transformation et d’innovation, de créativité et d’originalité ? Si, comme nous l’avons dit, la valeur est le centre de gravité de notre société, qu’en est-il de ce qui reste sans valeur qui est, comme l’écrit Bataille, la valeur même, ce qui relève de l’incalculable, de la justice, de l’art, de la liberté ? Qu’en est-il de ceux, prétendus sans valeur, les oubliés, les chômeurs, les SDF et autres indignés de la République qui s’appauvrissent à mesure que les autres s’enrichissent, deviennent plus vulnérables à mesure que les autres sont plus protégés car, nous dit-on, seul le marché est maître. Mais qui a voulu d’un tel maître qui n’est d’ici ni d’ailleurs, qui n’obéit qu’aux seuls chiffres qui l’animent ? Que reste-t-il du politique sinon ces vertus compassionnelles qu’on trouve sur les marchés de l’émotion, de la pitié, de la religion ? Dans un monde qui a vu s’écrouler les grands récits, qui se moque des récits freudiens du roman individuel (investissement au long terme pour une jouissance à court terme), il ne reste plus que ce que Christian Salmon désigne sous le nom de Storytelling [30], une vision duPetit Prince, revue et corrigée par la raison utilitaire et les marchés.
Conclusion
24Que derrière une machine il y ait une machine, c’est ce que l’homme a toujours contesté, récusé, refusé, au nom de l’exception humaine, ni bête ni machine. Il a pour cela opposé d’autres machines, religieuses, philosophiques, politiques, sociales qui ont toujours et d’avantage complexifié le monde dans lequel il évoluait. Aujourd’hui, des machines génétiques, comportementales, cognitives, biologiques, cybernétiques tentent de réduire les désirs, les émotions, la vie à un ensemble de paramètres, d’algorithmes qui se substituerait à l’homme, parlerait pour lui, comprendrait pour lui jusqu’à le rendre superflu, déterminé, machiné. Cette dérive scientiste s’attaque à la question de fond qui ne cesse de se poser dans toute communauté humaine, celle du politique, du vivre ensemble, de savoir de quel type d’hommes nous avons besoin demain.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : aliénation, raison, sujet, Machine, automate, langue, inconscient, calcul, communication, cybernétique
Mise en ligne 15/06/2012
https://doi.org/10.3917/cnx.097.0041Notes
-
[1]
R. Descartes, Discours de la méthode, Garnier Flammarion, 2000, p. 92.
-
[2]
Ibid., p. 95.
-
[3]
J. Offray de La Mettrie, L’homme machine, Paris, Denoël, 1981, p. 121.
-
[4]
Ibid., p. 190.
-
[5]
Ibid., p. 178.
-
[6]
Ibid., p. 214.
-
[7]
J. Offray de La Mettrie, L’homme plus que machine, Paris, Payot, 2004, p. 95.
-
[8]
M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 138.
-
[9]
Ibid.
-
[10]
E. Zamiatine, Nous autres, trad. B. Cauvet-Duhamel, préface Jorge Semprun, Paris, Gallimard, 1971, p. 25.
-
[11]
R. Sennett, Le travail sans qualités, Paris, Albin Michel, 2000.
-
[12]
J.-B. Jeangène Vilmer, Éthique animale, Paris, PUF, p. 42.
-
[13]
Ibid.
-
[14]
M. Foucault, « Les anormaux » (1954-1975), dans Dits et écrits, I, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2001, p. 1857.
-
[15]
G. Le Bon, Psychologie des foules, Paris, PUF, 1964, p. 55.
-
[16]
« La masse est comme un animal qui obéit à ses instincts. Pour elle, la logique et le raisonnement n’entrent pas en ligne de compte… je n’ai jamais agi en contradiction avec la psychologie des foules. Cette sensibilité peut être primitive, mais elle a le caractère permanent et irrésistible d’une force de la nature… la masse ne possède qu’un appareil intellectuel et sensoriel très simple… je ne puis diriger la masse que lorsqu’elle est fanatisée. Une masse qui reste apathique et amorphe est un grand danger… si je me présente devant une masse avec des arguments raisonnables, elle ne me comprend pas. » H. Rauschning, Hitler m’a dit, Paris, Aimery Somogy, 1979, p. 281-287.
-
[17]
Z. Sternhell, Les Anti-Lumières, Paris, Fayard, 2006, p. 421.
-
[18]
Z. Sternhell, Maurice Barrès et le nationalisme français, Paris, Éd. Complexe, 1985, p. 57.
-
[19]
La cocarde, 23 octobre 1894.
-
[20]
G. Le Bon, Psychologie des foules…, op. cit.
-
[21]
H. Marcuse, L’homme unidimensionnel, trad. Monique Wittig, Paris, Les Éditions de minuit, 1968, p. 182.
-
[22]
M. Horkheimer et T.W. Adorno, La dialectique de la raison, trad. Eliane Kaufholz, Paris, Gallimard, 1974, p. 97.
-
[23]
G. Anders, L’obsolescence de l’homme, Paris, Éditions de l’encyclopédie des nuisances, 2002.
-
[24]
A. Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, t. 1, Paris, Albin Michel, 1964, p. 182.
-
[25]
Ibid., p. 183.
-
[26]
Ibid., p. 184.
-
[27]
J.-C. Milner, La politiques des choses, Paris, Verdier, 2011.
-
[28]
J. Semprun, Défense et illustration de la novlangue française, Paris, Éditions de l’encyclopédie des nuisances, 2005.
-
[29]
Le Monde du 5 novembre 2009
-
[30]
C. Salmon, Storytelling, Paris, La Découverte, 2007.