1 Contrairement aux idées reçues propagées par les dogmatiques de l’intrapsychique et les ennemis de la discipline psychanalytique réunis dans un même déni, S. Freud a toujours inscrit sa démarche de recherche et ses prospectives thérapeutiques dans la contextualité culturelle et historique. Si son pessimisme réaliste l’a tenu à l’écart de tout militantisme révolutionnaire et que, face au malaise dans la civilisation, il a toujours investi la posture d’un humaniste critique et d’un libéral plutôt conservateur, l’ensemble de son œuvre, et plus encore sa correspondance, font apparaître une réflexion complexe. Par exemple, l’hystérie féminine est identifiée comme conséquence de la condition de répression sexuelle qui est socialement imposée, mais le féminisme des suffragettes, violemment critiqué ; la haine de la culture du Lumpen-proletariat, explicable par l’exploitation économique et par la misère sociale, ne légitime ni la violence ni l’illusion messianique présentes dans la révolution bolchevique, et, bien entendu, la réalité traumatique n’est jamais déniée sous prétexte de découverte de la réalité psychique et de prégnance du fantasme. Malgré ambivalences et ambiguïtés, dans la réalité pratique, et référée au contexte de l’époque, la psychanalyse fut objectivement plutôt progressiste et ouverte aux réalités sociales… Et S. Freud n’était pas ennemi des tentatives de diffusion et d’extension de la discipline analytique au champ social et politique, tant qu’elles ne remettaient pas en question l’axiomatique fondatrice et s’inscrivaient dans le vertex défini par l’inconscient psychosexuel et dynamique et la référence à l’Œdipe.
2 On peut donc s’étonner de la réduction psychologisante qui a trop souvent fait de la psychanalyse le vecteur involontaire sans doute, mais très efficace, d’une norme d’internalité théoriquement, éthiquement et idéologiquement fort problématique, parfois jusqu’au délire réactionnaire qui attribue à la victime du harcèlement, du viol ou de l’inceste la culpabilité du crime ou désigne le chômeur comme masochiste responsable de son malheur, voire attribue comme cause aux suicides des victimes du harcèlement sur les lieux de travail le fait qu’elles n’auraient pas bien, dans l’enfance, franchi le stade schizo-paranoïde ou vécu l’angoisse de l’étranger… Ces pensées tératologiques signent les dérives létales d’une communauté de déni érigée en norme de l’orthodoxie… Elles méconnaissent à la fois les transformations des conditions de la subjectivation et les développements de la psychanalyse qui a, depuis l’origine freudienne, étendu ses pratiques et théorisations aux pathologies narcissiques, au groupe, aux organisations, à l’acculturation et aux relations interculturelles. Le contexte social-historique de l’hypermodernité libérale, producteur de violence sociale et économique, mais aussi de souffrance au travail, de déqualification et de disqualification, d’acédie et de mésinscription, d’anomie et d’insignifiance, pose au clinicien, thérapeute ou intervenant de nouvelles questions théorico-cliniques et pratiques qui concernent le destin du collectif et du lien social, mais aussi de la subjectivation.
3 Il s’agit donc, selon la recommandation de D. Anzieu, non de répéter la vulgate freudienne, mais d’interroger ici et maintenant, en référence au paradigme analytique lui-même en transformation, les problématiques cliniques que les bouleversements à l’œuvre dans l’hypermodernité nous obligent à penser dans la relation d’inconnu et l’inquiétante étrangeté des mutations de la quotidienneté.
Anomie culturelle et mondes superposés
4 La mondialisation néolibérale structurée par les logiques de la marchandisation généralisée est un processus de déculturation mortifère, parfois conscient et volontaire comme instrument d’emprise géopolitique, économique et idéologique, mais toujours asservi aux logiques du marché désormais érigées en normes de référence et en lois de la nature.
5 On peut ainsi identifier la destruction programmée des cultures traditionnelles par les lobbies de l’industrie agro-alimentaire, ne reculant devant aucune violence pour imposer, notamment dans le Tiers Monde, la dissolution des socialités traditionnelles et imposer une dépendance sans recours à leurs produits au seul profit de leurs intérêts financiers. La destruction systématique des cultures du maïs et du riz mise en œuvre par les multinationales américaines et leurs valets politiques est, dans ce registre, aussi paradigmatique que révélatrice des logiques de la mondialisation. Le profit s’impose ici comme directement destructeur des fondements culturels de la socialité et du lien au collectif.
6 Les conditions de subjectivation permettant au « Je » d’exister, les fondements du lien social et de l’intersubjectivité groupale, les valeurs et les modalités de la transmission culturelle et intergénérationnelle, les principes et les valeurs d’une pensée rationnelle et critique sont désormais non seulement radicalement mis en cause, mais plus encore disqualifiés.
7 Il est désormais infamant d’avoir des états d’âme, de poser la question du sens ou de prendre l’humain en compte. Après la tempête Xynthia, la seule réaction du maire d’une commune dévastée et endeuillée par la mort de nombreux habitants noyés dans des zones qui eussent dû être déclarées non constructibles selon les prescriptions de la Région, fut de calculer le manque à gagner pour les commerçants et la commune que les destructions annoncées permettaient de prévoir… Il fit enlever les fleurs et la banderole commémorative des victimes sous prétexte que cela aurait nui au commerce…
8 Tout se passe comme si l’on se trouvait en présence d’une mutation qualitative du social-historique occidental poussant jusqu’à sa limite sa volonté de maîtrise, comme si, après le contrôle névrotique du capitalisme conquérant, après les folies totalitaires des états paranoïaques, s’imposait désormais la fascinante emprise de la perversion comme paradigme libéral de la personnalité modale, modèle de la gouvernance et structure du lien intersubjectif.
9 La destruction concertée de tous les repères et conteneurs symboliques au nom de la modernité et/ou de la technoscience triomphante entièrement instrumentalisée au service du profit avère la réalisation du nihilisme pronostiqué par F. Nietzsche et l’avènement du cynisme pervers comme modèle et comme idéal. La monstrueuse alliance de la perversion et du puritanisme identifiée par D.-R. Dufour, fait du Marquis de Sade le maître à penser et l’instigateur des attaques sur la pensée, les liens et les conteneurs que le néolibéralisme agit et légitime au quotidien.
10 L’apologie de la jouissance sans entraves et de la sexualité consommatoire, avec partenaires multiples, jetables et interchangeables s’est banalisée, notamment grâce au développement des sites de rencontre sur internet, doublet mercantile et « soft » des sites clairement pornographiques ou pédophiles omniprésents sur la toile.
11 Dans ce contexte délétère, il est plus que jamais nécessaire d’identifier les processus et les enjeux des logiques sociales et sociétales à l’œuvre dans la culture, et de repérer sans complaisance le travail de déliaison et de destruction qui s’opère au nom de la modernité. Aucune autorité symbolique n’est désormais censée pouvoir ni devoir s’opposer et résister au dieu Dollar, et toute référence à une histoire ou à un passé considérée comme un symptôme d’une très pathologique « résistance au changement », y compris et surtout lorsque le « changement » en question cumule d’évidence régression sociale, destruction institutionnelle, normalisation policière, asservissement subjectif, attaque sur les liens, disqualification du sens et de toute pensée critique. Le psychanalyste, quant à lui, ne saurait accorder une bienveillante neutralité à la pulsion de mort.
12 Le discours politique dominant qualifie désormais de « réforme » les régressions sociales, institutionnelles et démocratiques qu’il promeut et légitime au nom du libéralisme marchand, et récuse toute critique comme une « résistance au changement », afin d’empêcher toute interrogation du sens, des finalités et des conséquences des changements qu’il met en œuvre. Désormais, la notion d’intérêt général et le sens du collectif sont devenus obscènes dans l’espace politique asservi aux logiques de l’individualisme libéral.
13 Catastrophiques en de multiples sens, la mutation en cours et ses déliaisons mortifères n’autorisent, bien entendu, aucune idéalisation du passé, de ses errances et de ses crimes, mais elles exigent de prendre au sérieux les violences symboliques et réelles dont nous sommes les victimes, mais aussi, au moins indirectement, les acteurs ou les complices. La violence économique, le cynisme politique, la bêtise médiatique, la tyrannie des nouvelles technologies, les débilités du New-Age, l’obscénité publicitaire, les régressions intégristes, les revendications individualistes et les fascinations narcissiques constituent pour chacun et pour tous l’horizon de la quotidienneté. Comme la violence sociale, cette réalité-là ne doit ni ne peut plus être considérée comme extérieure aux préoccupations du clinicien. Dans les situations de crise et de barbarie programmée, le psychanalyste ne saurait protéger d’une bienveillante neutralité les crimes contre l’humanité, les génocides et les infanticides directs ou indirects qui se banalisent et se généralisent sous couvert de modernité, de réforme et de changement, ne serait-ce que parce qu’il en constate dans le quotidien de son écoute, les effets mortifères.
14 Outre ce qui se donne à entendre de la souffrance des professionnels maltraités dans leur travail lors des supervisions ou analyses de pratique, la clinique individuelle révèle désormais l’acédie ou le harcèlement moral, les souffrances narcissiques et les pathologies du lien comme les syndromes ethniques de l’hypermodernité. La souffrance psychique se trouve activée par le défaut d’étayage et de contenance caractéristique de l’anomie.
15 En fait, jusque dans la quiétude de son cabinet, le psychiste qui a encore des oreilles pour entendre est assailli par le bruit et la fureur du monde dont ses patients sont les témoins, les acteurs et les victimes. De la même manière, l’intervenant ou le professionnel institutionnel, aussi tentés qu’ils puissent être par l’instauration de communautés de déni et de clivages défensifs, se trouvent confrontés à la violence des situations, des agirs transgressifs ou aberrants, et des maltraitances qui se développent et se généralisent dans la contextualité hypermoderne, la nouveauté n’étant pas l’existence de ces dérives, de ces failles et de ces fautes, mais bien leur légitimation idéologique et la banalisation, voire l’idéalisation de leur destructivité…
16 La clinique du travail – comme les opuscules qui s’exposent dans les relais-librairies de gare – font désormais clairement apparaître que le stress, le chantage et la menace narcissique sont devenus des instruments banalisés du management, que leur maîtrise et leur emploi font aujourd’hui partie des « qualités » exigées des cadres. Ces méthodes de manipulation sont d’ailleurs désormais objets d’enseignement dans les écoles de commerce. Dans tous les champs et domaines de la vie sociale, l’emprise a remplacé l’autorité et le « diviser pour régner » l’appel au collectif et à l’intérêt général.
17 Dans ce contexte, l’instrumentalisation de la science et les très destructrices élucubrations scientistes, comme les régressions intégristes et les délires mystico-sectaires qui prétendent s’y opposer, doivent être identifiées comme les deux faces complémentaires de la même hybris archaïque…
18 La diffusion des méthodologies de normalisation comportementale en provenance des USA et souvent mises en œuvre par des officines sectaires dans les audits, procédures d’évaluations, actions de reengineering, formations permanentes et coachings personnalisés met en œuvre la complémentarité destructrice entre raison instrumentale et manipulation émotionnelle pour produire l’aliénation et la soumission des sujets réduits à l’état agentique. Dans leur conception comme dans leur réalisation, ces techniques visent l’invalidation de toute pensée du collectif.
19 La folie infanticide, dont le néolibéralisme est porteur dans sa volonté de normalisation idéologique indifférente à la destruction de l’œcoumène, à la disparition des peuples et des cultures qu’il opérationnalise pour étendre son règne, repose sur la disqualification des conteneurs et opérateurs symboliques nécessaires à la subjectivation, et singulièrement des organisateurs œdipiens différenciant les individus, les sexes, les générations et les cultures. À l’autorité symbolique inscrite dans l’histoire et la culture, se substituent progressivement les logiques sécuritaires de délation, de surveillance et de soupçon d’intention, à la transmission des valeurs la prescription et la proscription des comportements, jusqu’à prétendre définir de très normalisantes « bonnes pratiques », aussi désubjectivées que possible. C’est notamment le cas des procédures et méthodologies didactiques ayant pour finalité la production d’individus interchangeables et massifiés.
20 Les mesures et les projets de loi xénophobes et subtilement racistes qui tentent, dans le mépris des valeurs et textes constitutionnels, d’instituer le règne des logiques policières au nom de la sécurité et de la préservation de l’identité nationale, se substituent progressivement aux politiques d’accueil et d’intégration en effet mises en échec par l’abandon des valeurs et pratiques républicaines. Le délit de faciès est désormais légitimé au nom de la protection des citoyens ; la surveillance devient un idéal sociétal auquel les technologies modernes fournissent de formidables moyens. La répression se substitue à l’éducation et la peur des différences justifie la massification. La dissolution de la référence au collectif produit et sollicite les logiques et la violence paranoïdes comme organisateurs du (non) lien social. La bande, le clan, la secte, le gang deviennent les formes contemporaines d’une groupalité de fermeture et d’exclusion sur le modèle archaïque et totalitaire de la « culture d’entreprise ».
21 La normalisation opératoire des comportements écrase les espaces potentiels et les transitionnalités nécessaires à la vie subjective et intersubjective aussi bien dans le registre professionnel que personnel. Elle pèse directement sur toute tentative d’instauration de dispositifs voués à l’élaboration de la vie psychique ou relationnelle, notamment en interdisant la pensée du conflit, du manque et du négatif et en disqualifiant toute personne, tout processus ou toute institution qui pourrait produire du figurable, du pensable et du dicible là où doit continuer de s’imposer la violence muette des agirs impensés.
22 Le règne de l’image de marque a étendu le terrorisme de l’apparence, très au-delà du registre directement commercial, à l’ensemble des dispositifs institutionnels et associatifs désormais soumis à la loi du marché, à la gestion et aux évaluations commanditées par les financeurs publics ou privés, aux dépens de la relation fondatrice à la tâche primaire. Les apparences doivent être maintenues à tout prix – c’est le cas de le dire ! –, doutes, conflits et problèmes doivent être masqués ou déniés pour sacrifier à la politique illusoire du positif et du gagnant-gagnant des « petites entreprises qui ne connaissent pas la crise » et travaillent plus – n’importe comment – pour gagner plus.
23 La destructivité à l’œuvre opère d’abord par déconstruction de toutes les institutions symboliques et la destruction des repères ayant valeur pour chacun et pour tous d’étayage et de conteneurs. Et c’est d’abord la représentation collective de la construction familiale de l’identité, de la subjectivation singulière et de l’appartenance symbolique qui est remise en question par l’interchangeabilité générale imposée par le paradigme marchand. Sous prétexte de lutter contre les abus de la famille patriarcale, la notion très ambiguë de « parentalité » a contribué à déstructurer la transmission intergénérationnelle, à dédifférencier, au nom d’une très problématique démocratisation, les places paternelle et maternelle, à effacer la différence des sexes, à nier la dette généalogique au nom des droits de l’enfant.
24 Les nouvelles possibilités d’inscription de l’identité par le libre choix du nom de famille et de sa composition tendent à produire une confusion des lignées et légitimer une conception incestuelle de la filiation. Il s’agit là d’une mutation structurale dont on n’a pas encore mesuré l’impact anthropologique. Elle implique notamment la récusation implicite d’une règle commune au profit du choix individuel de sa propre normativité et l’effacement du lignage paternel.
25 La confusion des rôles, parfois redoublée par une guerre des sexes fort utile à la propagation de l’individualisme libéral, se dramatise notamment dans les problématiques de la garde alternée, la multiplication des familles décomposées-recomposées, la paradoxalité sémantique des prétendues « familles monoparentales » ou la très problématique « parentalité homosexuelle ». Structurellement, la crise s’étend désormais à toute autorité symbolique désormais simultanément disqualifiée par les revendications de l’individualisme le plus archaïque et les préconisations mécaniques des technosciences et de la raison instrumentale. Dans cette évolution, l’idée d’une matrice collective s’imposant à tous comme référence symbolique partagée disparaît.
26 La déstabilisation du droit de la famille et de la filiation par les paradoxalités et l’équivocité des nouvelles parentalités, la multiplication des revendications fondées sur le déni des réalités biologiques et les progrès des biotechnologies posent au juriste comme au clinicien de multiples, inédites et embarrassantes questions quant aux critères et aux modalités des interprétations et des décisions pour lesquelles on les sollicite. Entre la lettre de la loi, l’imaginaire idéologique et la complexité des situations réelles, juges, experts, psychistes et éducateurs sont de plus en plus confrontés à des confusions, des clivages, des contradictions ou des paradoxalités sans possibilité de mise en sens, de hiérarchisation ou de mise en perspective. Le morcellement techniciste des interventions, la logique gestionnaire, le délire évaluatif et la normalisation procédurale se conjuguent pour produire une insignifiance dans laquelle personne ne peut trouver sa place. Que ces caractéristiques de l’hypermodernité soient les héritières directes de la logique concentrationnaire – « Hier ist kein Warum ! » –, cela demeure impensé et impensable puisque l’inversion perverse des significations présente la barbarie comme l’idéal, la régression comme le progrès, et la soumission agentique comme le summum de la réalisation personnelle… Il n’est dès lors pas étonnant de voir se développer simultanément et en miroir les régressions intégristes les plus réactionnaires et les fuites en avant les plus opératoires, à moins que l’acédie et la mélancolisation ne s’emparent des équipes débordées par la généralisation des mésinscriptions et la déshérence des métacadres.
27 Comme les obstacles épistémologiques, les positions idéologiques se construisent en doublets et en miroir dans une contradiction complémentaire qui leur permet, au-delà des apparences, de s’inscrire dans une même logique au service des mêmes intérêts. Le clivage masque et permet l’instauration de pactes inconscients et de communautés de dénis particulièrement destructeurs puisqu’à l’origine de renversements catastrophiques des significations et de la destruction de la figurabilité des processus à l’œuvre.
28 Les sujets, quant à eux, s’identifient, au gré des circonstances, au polymorphisme de leurs symptômes ou de leurs envies, attachés à leurs dérives comme à ce qui les constitue dans l’errance de leur « branchitude » hypermoderne. Désormais, il est souvent bien difficile, dans un monde structuré par l’imaginaire publicitaire, de donner un sens clinique effectif à ce qui, en bonne théorie, différencie et oppose besoin, demande et désir. Dès lors, la place, la position et la posture du psychiste se trouvent elles-mêmes affectées par le fading général des significations et des pratiques, et la question de sa légitimité à interroger la réalité psychique et les relations intersubjectives indéfiniment reposée, comme si toute mise en sens était déjà, en tant que telle, crime contre l’ordre opératoire, abus de pouvoir, maltraitance psychologique de l’individu souverain et de son narcissisme sacré.
29 L’érection du besoin socialement produit en objet de désir prescrit et leurre narcissique – les « marques » ou les gadgets technologiques à la mode – visent à faire de la consommation et de l’apparaître les références obligées de l’estime de soi, notamment pour les plus dominés de la classe dominée, pour lesquels le « bling-bling » des montres et des hôtels de luxe demeurera, même au-delà de leur cinquante ans, structurellement inaccessible. La frustration mécaniquement produite chez les plus démunis par le décalage entre l’incitation à la jouissance et les possibilités réelles de satisfaction n’est évidemment pas innocente des violences et des transgressions produites, dans les banlieues et ailleurs, par la désespérance sociale. « Les jeunes des quartiers » en sont évidemment les protagonistes, comme objets de victimisation et de stigmatisation, selon les doubles contraintes caractéristiques de la perversion médiatique. Ce qui rend possible l’effacement de la référence à la loi commune structurant en droit la collectivité des citoyens et semble légitimer les plus réactionnaires mesures sécuritaires…
30 Le commun et le général, complémentaires de l’individuel désarrimé, tendent à s’imposer comme substitut du collectif et du partageable dans la fétichisation des singularités idiosyncrasiques ou communautaires érigées en substituts narcissiques de l’être ensemble et du sens commun. L’abandon par l’École de sa mission unificatrice instituante est à la fois cause et symptôme de la généralisation prétendument démocratique de l’ordre néolibéral. Dans ce contexte, clivages et déliaison sont la règle des groupes sociaux et institutionnels et la normalisation procédurale impose sa ligature comme ersatz du lien intersubjectif. Dans un univers idéologique où l’expression immédiate des états d’âme et l’émotionnalité la plus primitive sont désignées comme le summum de la « branchitude » dans le même temps que l’investissement subjectif, la culture et la pensée réflexive ou critique sont radicalement disqualifiés, l’institution de dispositifs d’accueil, d’écoute et de dialogue élaboratif fait figure de gageure face aux débilités triomphantes de la communication. C’est que l’attaque sur les fondements de l’identité généalogique se redouble et se multiplie dans la création et l’imposition de « novlangues » ayant pour fonction et mission la débilisation générale des citoyens et des acteurs sociaux : l’emprise d’une langue qui détruit ou disqualifie le sens commun et l’histoire culturelle au profit de signifiants et de lexèmes idiomatiques qui s’imposent aux sujets, crée les conditions de l’état agentique et de toutes les aliénations nécessaires à la domination symbolique. Morcellement des idiomes et clivages ou destruction des lieux et moments de parole et d’échange renforcent et légitiment les ligatures procédurales qui les imposent et les naturalisent comme substituts délétères de la langue maternelle, des concepts scientifiques, du dialogue intersubjectif et du travail de copensée.
31 Le jargon franglais qui s’impose dans tous les milieux professionnels et l’univers technologique transforme progressivement la domination économique et l’impérialisme géopolitique en domination symbolique en infiltrant tous les domaines et registres de la quotidienneté. Ce faisant, il transforme profondément les manières de voir, de sentir et de penser en imposant, contre les assises subjectivantes de la langue maternelle, le fonctionnement opératoire d’une langue réduite, comme le proclament les très délirants nouveaux pédagogues, à la fonctionnalité utilitaire d’une « boîte à outils » !
32 Très au-delà des jargons professionnels et des dialectes claniques, très au-delà des stratégies de la distinction, la communication prône et promeut le règne d’un langage désubjectivé et désincarné dont l’informatique est le support, le vecteur et, plus encore, le fondement méconnu. La création délibérée de l’insignifiance est désormais ce qui soutient la promotion des logiques opératoires asservies aux seules dynamiques gestionnaires, véhiculées et transmises par les nouvelles technologies et les normes qu’elles actualisent. La perversion du langage caractéristique de la gouvernance, du management, du discours politique et médiatique sape les fondements mêmes du lien social et les conditions du dialogue intersubjectif. Elle est redoublée et actualisée par la destruction méthodique et quotidienne des codes de la langue (phonétique, sémantique, grammaire, orthographe) dont textos et sms sont les vecteurs privilégiés.
33 La sortie du code est ici directement légitimée par la communication. Mais, du même coup, c’est la valeur du nécessaire travail psychique de secondarisation, avec ce qu’il exige d’acceptation des limites et des contraintes culturelles, qui se trouve déniée. Il n’y a dès lors pas à s’étonner de la violence brute des expressions pulsionnelles qui explosent en tératologiques écritures, borborygmes délétères et irrépressibles éructations. De très pervers intellectuels fétichiseront d’ailleurs, avec tout le cynisme des privilégiés de la culture, comme le signe d’une liberté subjective ou d’une spontanéité créatrice, ces maladroites et souvent consternantes productions où ne se donnent pourtant à lire ou à entendre que les misérables symptômes de l’a-culturation. Que cela puisse s’imprimer ou s’enregistrer, et donner lieu à une fructueuse commercialisation de la débilité et de la régression programmée qui trouve dans le – surtout pauvre et jeune – public qu’elle aliène le soutien dont elle a besoin, est révélateur des logiques du néolibéralisme.
34 Il n’y a donc plus qu’à choisir entre le discours de la séduction perverse et l’idiolecte incestuel. Quelle parole subjective – et plus encore interprétative – pourrait trouver sens et efficience dans un tel contexte ? Quel sujet peut advenir et penser quand les lois du langage sont bafouées ? L’espace pédagogique lui-même se trouve, sous prétexte de didactique ou de modernité, structurellement asservi aux logiques de la déculturation et aux fantasmes d’auto-engendrement, tandis que les médias ligaturent la société des individus par la diffusion et l’imposition de fantasmatisations régressives de la culture de masse. Or, la masse, c’est l’ersatz archaïque du collectif, sa forme régressive et tératologique…
35 Lorsque les promesses n’engagent que ceux qui les croient, lorsqu’un massacre de civils est un dégât collatéral, lorsqu’un chômeur licencié est un demandeur d’emploi, lorsqu’un plan social ou une mesure de redéploiement ou de reengineering désignent de manière euphémisée la destruction programmée des sites de production et des emplois, que la mutualisation des moyens couvre les stratégies de privatisation commerciale que l’étranglement financier des services publics et des associations s’effectue consciencieusement dans le silence feutré propice aux crimes de bureau, que l’inquiétante vidéosurveillance se transforme en vidéo-protection pleine de sollicitude, c’est l’assise même de la pensée qui est atteinte, comme lorsque un sujet est confronté aux incohérences, aux paradoxalités et aux non-sens de la parole d’une mère folle. Ou aux séductions d’un père pervers. Que l’affolement induit puisse ici apparaître trop souvent comme volontairement produit à des fins d’emprise et d’assujettissement idéologique, que « le grand n’importe quoi » s’avère parfaitement adapté aux logiques de la société néolibérale, que les prétendus effets pervers s’avèrent de fait parfaitement inscrits dans les logiques socio-économiques et sociétales de l’hypermodernité, nous incite à interroger dans de nouvelles perspectives les processus et configurations de l’inconscient surgissant dans ce contexte.
36 Confronté à la misère du monde et à la souffrance en France, à l’usure du travail et au harcèlement moral, aux violences sociales et interculturelles et à la généralisation de la perversion narcissique, à l’acédie et aux régressions opératoires, à la mélancolisation du lien social et, de manière générale, aux effets des mutations à l’œuvre dans le social-historique, le clinicien ne peut éviter les résonances contre-transférentielles de ces réalités qui viennent interférer dans le travail clinique, mettent en cause ses perceptions, ses repères et sa légitimité, concernent, et parfois directement, son existence personnelle et professionnelle. En effet, ce sont les conditions de sa pratique qui sont désormais en question : les changements des valeurs, théories et pratiques de référence, les mutations des modalités organisationnelles, l’omniprésence de l’évaluation, le souci de l’image et de l’avis des usagers-clients et financeurs, l’évolution des structures et dispositifs de prise en charge, et, sans doute plus encore, les mutations anthropologiques à l’œuvre dans la subjectivation, les relations interpersonnelles, les souffrances et les pathologies et la façon de les identifier, les évaluer et les traiter, remettent en cause les manières traditionnelles de considérer la maladie, le travail et la relation au travail, l’identité professionnelle et la pratique du métier.
37 On peut d’ailleurs considérer que la souffrance engendrée par la remise en cause et la délégitimation sociale de leurs repères éthiques et théoriques est une des origines des dénis mis en place par beaucoup de psychanalystes et de cliniciens, et plus généralement de tous les professionnels de la relation, effaçant et niant, pour survivre, la perversion culturelle actualisant la pulsion de mort dans le social-historique. La régression à des positions dogmatiques réduisant la psychanalyse au seul travail sur l’intrapsychique et au seul registre œdipien – comme d’ailleurs, en miroir, leur abandon – traduit la difficulté à maintenir ouverts l’espace élaboratif et interprétatif et l’écoute de l’inconscient dans sa complexité multidimensionnelle lorsque la contextualité culturelle est dominée par les logiques opératoires ou perverses.
38 Dans ces conditions, le clinicien, parfois lui-même menacé dans son emploi ou les conditions de sa pratique, se trouve dans la nécessité d’accorder son dispositif de travail non seulement à la tâche primaire qui structure son intervention (soin, évaluation, accompagnement, formation) mais également à un contexte souvent paradoxal ou du moins traversé ou soutenu par des logiques différenciées, voire contradictoires, et, le plus souvent dans la plus complète méconnaissance de la complexité en jeu, puisqu’elle fait l’objet de dénégations massives, voire fomente une communauté de déni. La convocation, la référence ou l’idéalisation invoquant et évoquant des valeurs, des principes et des pratiques passés peuvent solliciter le partage de chaleureuses nostalgies et de très régressives illusions d’un paradis perdu dont le clinicien et ses patients ou clients demeureraient les sujets fascinés dans l’évitement d’un présent sinon toujours traumatique, du moins vécu comme opaque, indifférent ou de moindre valeur.
39 En réalité, pour chacun et pour tous, le pluralisme contradictoire des valeurs et des injonctions, des préconisations et des interdictions, des prescriptions et des proscriptions est d’abord une réalité interne, souvent douloureuse, objet d’ambivalence, de clivages et de projections dans la mesure où les conteneurs et organisateurs culturels qui en permettraient la métabolisation, la hiérarchisation et l’articulation se trouvent en déshérence et ne permettent pas une identification suffisamment claire et consensuelle des enjeux et des finalités à élaborer. Faute d’un partageable suffisant, soupçon d’intention et sentiment de menace tendent à s’imposer comme paradigme des relations interpersonnelles et professionnelles. Dans ce registre, les récentes lois sur les droits des usagers constituent la menace comme paradigme du lien, ouvrant la voie à la généralisation de la violence paranoïde au lieu de soutenir les processus d’identification projective nécessaires à tout travail dans le lien et sur le lien.
40 L’effondrement de la référence républicaine, de sa croyance au progrès, à la raison et à l’universel, a notamment, permis la destitution de l’enseignant et de sa fonction de transmission initiatique. La médiation du savoir idéalisé ayant disparu, la relation pédagogique, elle-même disqualifiée, se trouve désormais soumise à la violence de l’imaginaire, entre soupçons d’intention, revendication narcissique et omniprésence de la fantasmatique pédophile qu’aucun investissement culturel ne travaille plus à contenir ni sublimer.
Observation 1
Dans cette association prenant en charge des enfants placés par la justice, le groupe des éducateurs n’a pas su, pas osé, pas pu intervenir pour soutenir une collègue à l’autoritarisme problématique. Lorsqu’à la suite d’une maltraitance avérée et d’une dénonciation par une stagiaire, l’éducatrice en question est soumise à une enquête interne, puis licenciée pour faute grave, les professionnels, par ailleurs confrontés aux difficultés et aux incohérences du travail en réseau, développent un vécu paranoïde groupal. Ils se demandent si leurs façons de faire sont adéquates aux définitions des « bonnes pratiques », craignent de s’exposer dans la supervision, se méfient les uns des autres et accusent la chef de service et la direction de duplicité et d’arbitraire. À l’analyse, il s’avère que la question de la légitimité de l’intervention éducative est mise en cause par les relations aux partenaires institutionnels, aux usagers et aux financeurs, et que l’image à préserver – face notamment à l’institut de formation – prend le pas sur l’ancrage dans l’effectuation de la tâche primaire. L’ouverture par le directeur du dialogue sur les enjeux de la confiance dans les relations professionnelles et la mise en travail de cette question dans les séances de supervision a pu permettre le dépassement des blocages consécutifs à l’agir maltraitant, à sa sanction et à l’état de menace développé dans la fantasmatique groupale par le licenciement décidé par la direction.
42 Le manque d’un consensus suffisant, la flottaison hasardeuse des références et des valeurs, la disqualification du sens commun dont le discours culturel et politique assurait l’étayage dans le temps et l’espace, sapent la sécurité de base indispensable au lien social et au dialogue intersubjectif. Faute de repères partageables et de lieux communs investissables, les sujets, renvoyés aux dérives idiosyncrasiques de l’individualité libérale risquent de ne plus avoir le choix « qu’entre la jungle et le zoo » pour reprendre ici l’éclairante formulation de Jean Ferrat, à fomenter les gargouillis narcissiques du troupeau des individus, à se perdre dans le désert aride des jouissances consommatoires.
43 Il faut ici prendre la mesure des terreurs non dites, des angoisses impensées, des phobies indicibles qui ont peu à peu envahi l’espace pédagogique, professionnel et social et donné aux régressions sécuritaires et à leur instrumentalisation leur enracinement psychosocial. La déshérence ou l’évanescence des principes et des repères est, pour chacun et pour tous, source d’inquiétude et de déstabilisation. Elles sont aussi, de manière très inquiétante, à l’origine du retour des positions les plus réactionnaires et des nostalgies vichyssoises toujours présentes dans l’intergénérationnel pétainiste, ou de passages à l’acte incontrôlés et incontrôlables.
Observation 2
Confrontée à des jeunes victimes d’abus et de maltraitances graves, cette équipe d’éducateurs doit répétitivement contenir physiquement les sujets qui « pètent les plombs ». Elle se vit abandonnée par la direction, et plus encore par les partenaires institutionnels : la police, lasse d’intervenir, les renvoie à leur professionnalité ; les urgences psychiatriques leur renvoient, après quarante-huit heures, des adolescents qu’on a dû leur confier à la suite d’une tentative d’autolyse, d’une crise de violence ou d’un raptus anxieux. Face à ces incasables et au « grand n’importe quoi » institutionnel, les professionnels, soumis aux injures et aux agirs, craignent d’être eux-mêmes débordés par leur violence pulsionnelle, ne savent pas comment contenir et cadrer les sujets sans limites dans une institution qui n’assume plus les inévitables et nécessaires conflits de l’action éducative, et dont les valeurs et principes fondateurs apparaissent incertains. Malgré le tissage de solides liens d’équipe, ils vivent dans la crainte d’être désavoués, notamment par l’institution de référence qui leur confie les prises en charge en urgence et se posent la question des fondements, de l’étayage et des limites de leurs interventions dans les situations de crise.
Observation 3
Cette équipe accueille le week-end des adolescents intégrés en IME, IMPro ou ITEP pendant toute la semaine. La plupart des éducateurs, sans formation, travaillent dans un statut précaire. Insistant sur leur solidarité professionnelle, alors que les conflits de personnes sont patents, ils décrivent une situation d’isolement et d’impuissance qu’ils s’attachent farouchement à dénier en objectivant toutes les difficultés (psychiatriques, organisationnelles, partenariales, économiques, administratives auxquelles ils doivent faire face). Enfermés dans une communauté de déni bétonnée par les revendications individualistes, les professionnels en souffrance se sont résignés à leur sort en s’enfermant dans l’opératoire et en refusant toute interrogation ou mise en sens de leur situation et de leur pratique. Après s’être épuisé à tenter de les soutenir dans une position quelque peu maternante, le chef de service finit par démissionner, alors qu’un remaniement prévoit une réorganisation intégrant l’équipe dans un autre département institutionnel. Dans le même temps, l’équipe décide d’arrêter le travail d’analyse de pratique qu’elle avait investi de manière paradoxale pour se conforter dans son vécu persécutif d’impuissance/toute-puissance. Elle procède ainsi, pour la quatrième fois, au rejet d’un superviseur, n’ayant pu réussir avec aucun à dépasser sa défense paranoïaque ou accepter la moindre mise en cause de son fonctionnement opératoire et clivé, en miroir des pathologies prises en charge.
45 Face à ces pathologies du vide pour lesquelles la désubjectivation de masse constitue un très illusoire mais très accessible recours, que peut-on entendre et interpréter de ce qui se donne à (non) vivre et à (non) penser, à (non) éprouver dans le (non) lien (non) transférentiel ? La généralisation des logiques de l’opératoire efface toute possibilité d’exploration intensive du sens au profit de l’expansion sans limites des discours performatifs du pouvoir technocratique.
46 Avec l’idéalisation sociétale de l’indifférence axiologique, ce sont désormais les fondements mêmes de la relation clinique qui se trouvent remis en question par de nouvelles subjectivités constituées sur l’apparence et l’image, le conformisme et la honte, l’immédiateté et l’agir, le droit à la jouissance et le refus de la limite. La normativité socio-culturelle déploie désormais son emprise paradoxale entre perversion et puritanisme, obscénité publicitaire et ordre moral du politiquement correct, tandis que jour après jour, l’ordre symbolique du langage est subtilement mais systématiquement détruit par les nouvelles technologies et l’idéologie de la communication qui instaurent la négociation généralisée et l’interaction immédiate comme modèles de la relation intersubjective désormais désarrimée de tout fondement axiologique autre que l’utilité ou l’efficacité.
47 Le paradoxe et la double contrainte sont désormais la norme cognitive imposée non seulement par le discours publicitaire, mais aussi par les incohérences et les contradictions des politiques – de gauche comme de droite –, la démagogie électoraliste et les rivalités narcissiques ayant désormais remplacé toute réflexion ou projet politique au seul profit de la barbarie économique, les diktats des multinationales et les intérêts privés toute pensée du collectif et de l’intérêt général.
Observation 4
Même lorsqu’il s’agit de financements publics d’associations psycho-médico-sociales clairement au service des populations et de l’intérêt général, les normes évaluatives et les modalités de leur mise en œuvre s’avèrent purement comptables et directement dictées par les intérêts immédiats définissant les politiques locales. Les logiques gestionnaires sont ainsi convoquées pour l’évaluation d’une « Maison Verte » : le quantitatif de la cohorte, la normalisation des comportements, le taux de fréquentation, l’origine géographique des usagers (habitants ou non de la commune) et surtout le prix de l’heure de prise en charge fonctionnent comme des critères objectivants au mépris de la tâche primaire, de sa spécificité, des valeurs et des théories qui la fondent.
49 Dans ce contexte, la pensée du détour, l’analyse de la complexité, la mise en histoire et en sens apparaissent comme d’obsolètes, inutiles et dangereux artifices, anamnèse, questionnement et dialogue comme de superflus bavardages qu’une grille évaluative disséquant le comportement peut remplacer sans aucun inconvénient… Le comment de la raison instrumentale s’impose comme seule légitime référence, la normalisation comportementale se substitue à l’écoute du sujet, le formatage adaptatif à l’élaboration subjective, la gestion du stress à l’interprétation de l’angoisse. Bien entendu, dans le même temps, développement personnel, management et psychothérapies de supermarché, souvent directement ou indirectement diffusés par des groupes sectaires agents, très actifs du prosélytisme ultralibéral américain, envahissent le champ des pratiques relationnelles désormais réduit à un espace commercial et idéologique particulièrement rentable. Jusque dans les kiosques de gare, les « poubellications » (Lacan) diffusent l’idéologie dominante du profit et de la performance monstrueusement enrobée de guimauve New-Age.
Une destructivité anthropologique à l’attaque des liens intersubjectifs
50 L’hypermodernité libérale ne peut s’imposer que sur les ruines de toutes les symbolisations traditionnelles. Ce pourquoi les logiques marchandes et l’idéologie dominante ont, depuis le plan Marshall redoublé par le traité de Maastricht, progressivement disqualifié puis attaqué directement les valeurs républicaines instituantes du lien social. Quelles qu’aient pu être les ambiguïtés des réalisations concrètes se réclamant des valeurs républicaines, celles-ci étaient, depuis la révolution de 1789, porteuses d’une revendication d’universalité et de rationalité structurant le lien social et donnant un sens éthique et citoyen à la référence au collectif. La redéfinition « moderne » de la liberté (de vendre et d’acheter), de l’égalité (formelle devant les lois du marché), de la fraternité (dans les pactes pervers et les communautés de déni) et de la laïcité (désormais définie comme droit à la différence dans le grand marché communautariste des biens de salut) détruit toute possibilité de référence identifiante à la nation. La destruction systématique de la matrice symbolique républicaine, la désinstitutionalisation du service public et la généralisation des privatisations, la déconstruction systématique des acquis sociaux, la mise au pas gestionnaire des associations préparant leur marchandisation, sont désormais des réalités que l’opium médiatique travaille au quotidien à faire oublier par l’apologie sans nuances de la « réforme » libérale et la diffusion permanente d’un discours sécuritaire. Ainsi se développe et s’affirme la gouvernance de l’hypermodernité libérale sur les décombres de la cité républicaine.
51 La barbarie – pas toujours douce – qui s’y déploie se manifeste donc par une attaque méthodique, mais souvent subtile, des conteneurs symboliques et institutionnels : le politique et la politique, les lois et les règles administratives, les référents fondateurs des identités professionnelles et des métiers sont non pas rationnellement critiqués mais radicalement et arbitrairement disqualifiés au nom de la modernité et de la liberté de l’individu. Tout appel ou référence à une règle commune autre que strictement opératoire est abus de pouvoir, toute invocation ou évocation du collectif est désignée comme position totalitaire, tout rappel de la tâche primaire et de sa finalité est désigné comme une obscène ringardise…
52 Les injonctions opératoires sous emprise évaluative mettent en place interdits et surtout empêchements de penser. La débilité magnifique de l’efficacité immédiate et athéorique récuse en pratique les démarches réflexives et les élaborations dialectiques ; les procédures mécaniques destituent le recours à l’expérience et le débat conflictuel. Il n’est plus de conférence que de consensus, et toute analyse de la complexité autre que formelle doit être récusée. Désormais, sous couvert de technicité, les discours, médical ou psychiatrique notamment, s’inscrivent dans la même matrice de formatage prescriptif que le marketing et sacrifient le sens partageable aux logiques de la gestion et aux intérêts des multinationales de l’industrie pharmaceutique.
Observation 5
Le morcellement technocratique des lieux et des pratiques est la règle dans les réorganisations en cours. Dans cette institution vouée à l’enfance maltraitée, les éducateurs font état de leur difficulté dans l’accomplissement de leur mission et évoquent avec nostalgie le temps où ils étaient régulièrement consultés pour définir la politique institutionnelle, où les modalités de prise en charge leur permettaient d’avoir une vision globale du parcours et de la situation des usagers dont ils avaient la responsabilité. Aujourd’hui, ils se trouvent souvent isolés, sans possibilité de rencontrer suffisamment leurs collègues pour assurer continuité et cohérence dans le suivi éducatif, et se vivent déresponsabilisés et disqualifiés, réduits au statut d’agents interchangeables et sans possibilité d’initiative, simples exécutants de décisions qui leur échappent totalement. À l’analyse, les restrictions de budget et les suppressions de postes, origines du malaise éprouvé, renvoient les professionnels à un sentiment d’impuissance et le morcellement des tâches dans le nouveau fonctionnement est vécu comme une perte narcissique et une disqualification professionnelle.
54 Dans ce contexte où se perd l’étayage sur le collectif, l’émotionnalité est instrumentalisée au service de l’opératoire et l’invocation du droit à la différence programmée comme vecteur de la soumission volontaire. Dans le même temps, la normalisation marchande produit en miroir la résurgence ou l’émergence des intégrismes communautaristes, culturels et religieux comme tentatives et tentations de résister au nouvel ordre mondial au service des multinationales, des grandes puissances et du marché.
55 Il est en effet remarquable que la raison instrumentale mobilisée dans les logiques de rentabilité économique à court terme suscite en réaction le surgissement de résistances irrationnelles et régressives opposant les pratiques et les croyances claniques les plus réactionnaires au mouvement uniformisateur de la mondialisation libérale. Les intégrismes religieux peuvent ainsi être compris comme tentatives de recréer, dans l’archaïque, le lien collectif détruit dans l’espace politique et social, même si, par nature, les religions demeurent l’origine et le moyen des dépolitisations nécessaires au maintien de l’ordre établi. La récente évocation de la religion – opposée à l’école – comme seule à même de produire et transmettre les valeurs, la haine de la culture classique et la bienveillance présidentielles à l’égard du néosectarisme américain ont récemment révélé qu’au sommet même de l’état, la destruction programmée des valeurs et références républicaines, et singulièrement de la laïcité comme conteneur symbolique, est désormais à l’ordre du jour.
Observation 6
Dans cette grande structure médico-sociale accueillant de jeunes adultes en déshérence, une équipe composée essentiellement de professionnels issus de l’immigration, embauchés à titre provisoire et sans formation, se trouve déchirée entre ceux qui, à l’occasion d’un transfert, ont demandé et obtenu du chef de service la mise en place d’une restauration halal et ceux qui, d’origine arabe mais non musulmans, ou musulmans non intégristes, adhérent à la norme institutionnelle de la laïcité inscrite dans le règlement intérieur. Le chef de service complaisant a changé de poste après le conflit avec la directrice de la structure engendré par sa transgression. Le conflit idéologique et institutionnel demeure, et s’avère d’autant plus difficile à élaborer qu’il est en résonance directe avec les problématiques d’appartenance de la majorité des accueillis et qu’un nouveau chef de service doit prendre ses fonctions dans ce contexte conflictuel.
57 À l’unidimensionnalité déculturative libérale et à sa violence désubjectivante s’oppose l’investissement fanatique de l’acculturation antagoniste ou de l’agir terroriste qui concourt à détruire un peu plus les conditions nécessaires au lien intersubjectif et à la subjectivation. Le cynisme pervers de la classe dominante organise le champ politique et économique dans le déni de toutes les réalités humaines et sociales : à la violence subie, les dominés réagissent souvent par une régression endémique, complémentaire obligé de la désublimation régressive et expression immédiate de leur aliénation. Le discours compassionnel ou sécuritaire travaille ensuite à mobiliser angoisse et/ou culpabilité pour empêcher le travail critique de la pensée, l’interrogation de l’origine et du sens des événements traumatiques, la mise en question de l’idéologie victimaire.
Observation 7
Dans cette équipe confrontée aux transgressions répétées de jeunes violents, aux crises et aux fugues que l’institution hésite à sanctionner clairement, les professionnels, soucieux de préserver les groupes dont ils ont la charge, ne savent comment réagir face à des comportements visiblement et massivement pathologiques. Faute de la fermeté d’un cadre conteneur s’imposant à tous sans ambiguïté, ils oscillent entre un laxisme de découragement, des réactions jugées par eux-mêmes disproportionnées et inadéquates et des tentatives de construction groupale de protocoles adaptés à la violence qu’ils doivent affronter. En analyse de pratiques, les éducateurs expriment leur sentiment de déréliction et leur crainte d’être désavoués par une direction vécue comme ignorante des difficultés de la pratique.
59 En lieu et place des anciens statuts, rôles et fonctions, qui, avec la rigidité propre au système bureaucratique, donnaient à chacun et à tous une identité professionnelle et une légitimité dans la pratique, la lutte des places impose la perpétuelle négociation de son droit à exister et survivre dans l’exécution de tâches de plus en plus morcelées, contrôlées et évaluées dans l’effacement des finalités de la pratique… La lutte de tous contre tous, la mise en rivalité systématique ou l’imposition d’une responsabilité désindividualisée par rapport aux résultats d’une équipe massifiée sont désormais les modalités hypermodernes des relations au travail, y compris dans les institutions de soin, d’aide ou d’éducation. La référence au collectif comme support d’un partage de valeurs tombe en déshérence, tandis que le morcellement des tâches couplé à l’individualisation des pratiques dans les logiques de la performance et de l’évaluation constitue progressivement un univers totalitaire dans lequel la relation d’emprise s’impose comme la logique dominante. Et ce d’autant plus que les références axiologiques, techniques et pratiques qui soutenaient et étayaient les liens et identités professionnels ont perdu leur évidence, lorsqu’elles ne sont pas radicalement disqualifiées ou forcloses, ou simplement détruites par les logiques gestionnaires.
Observation 8
Dans ce CHRS, une supervision est demandée pour permettre à l’équipe des éducatrices d’élaborer l’expérience traumatique qu’a été pour elles l’expérience de la destructivité d’une infiltration sectaire dans l’institution, la culpabilité qu’elles ressentent d’avoir longtemps voulu ignorer le problème et couvert les agirs de leur collègue, et la désorganisation du travail qui s’en est suivi. Le travail permet assez rapidement une analyse des enjeux personnels et intersubjectifs de cette expérience partagée, mais fait apparaître l’effet d’analyseur institutionnel de cette histoire qui révèle les failles, les incohérences, les manques de lien entre les différents lieux et équipes, alors que pour des raisons politiques et gestionnaires, une réorganisation est en préparation. Inquiètes du changement à venir, mais prêtes à s’en saisir pour s’investir dans l’organisation de leur mission, les professionnelles commencent à s’engager dans l’analyse de l’institution et de son fonctionnement, en revenant sur son histoire. À la fin de l’année scolaire, et alors que l’équipe et l’intervenant s’étaient mis d’accord pour un travail d’analyse de la structure et d’accompagnement de la réinstitutionnalisation, la direction décide de ne pas renouveler le contrat d’intervention.
61 La perte de toute perspective axiologique commune fait disparaître l’engagement partagé dans la pratique au profit de l’assignation à des contrats d’objectifs désubjectivés et désubjectivants structurés par la seule technicité opératoire sans mise en représentation ni valorisation d’une possible solidarité dans l’action. La procédurisation opératoire banalise et justifie, dans la pure lignée des techniques totalitaires, tous les crimes de bureau, notamment lorsqu’ils visent, sous couvert de préservation de l’ordre public, les jeunes, les immigrés et les étrangers. Dans toutes ces interventions, la dimension collective est non seulement méconnue, mais essentiellement déniée, au nom de l’efficacité ( ?) immédiate et de la volonté de répression consubstantielle à l’ordre nouveau.
62 Dans ce contexte, le déni du collectif, l’empêchement de son advenue ou sa destruction, lorsqu’il subsiste, sont au premier rang des préoccupations des dominants et de leurs lieutenants indoxiqués par le management libéral. La procédurisation, les supervisions policières et les contrats d’objectifs, comme le harcèlement et la mise sous terreur désormais légitimés comme moyens de diriger les hommes et de finaliser les actions, séparent les sujets en les soumettant individuellement et mécaniquement aux impératifs de la raison instrumentale. L’illusion de la maîtrise anale et de la revendication phallique organise, en même temps que la dérision de l’autorité paternelle, le rejet du féminin comme ce qui pourrait rappeler les limites et convoquer les sujets à faire lien dans la dette et la castration. L’opératoire s’impose dans les logiques de l’antœdipien et de l’antiœdipien ; l’histoire et la dette symbolique sont destituées de leur fonction identifiante et l’adaptation immédiate aux exigences de l’instant posée comme l’idéal imposé à l’ensemble, sans préoccupation de la complexité des réalités humaines et des situations à traiter. Et dans le mépris affiché de toute éthique.
63 Dans ces conditions, le serial se substitue au collectif et seule la violence des ligatures procédurales peut faire tenir ensemble la collection des individus désubjectivés attachés à la même tâche par le contrat d’objectifs et la pression gestionnaire. La mutilation psychique et la répression pulsionnelle deviennent les organisateurs des échanges entièrement asservis à l’opérativité instrumentale pour détruire toute possibilité de protestation. La contrainte formelle isole chacun dans la masse des identiques anonymes et interchangeables sans qu’aucun « Nous » puisse se tisser entre sujets semblables et différents. Le renforcement policier des évaluations totalitaires, morcelantes et individualisantes est alors nécessaire pour masquer l’irrationalité, l’inconsistance et souvent l’incohérence des actions engagées, l’absence de lien organique entre les personnes, les pratiques et les finalités et rendre impossible tout questionnement des processus réellement à l’œuvre, de leur sens, de leur pertinence et de leur légitimité… L’impersonnalité de la violence à l’œuvre redouble sa destructivité dans l’innommé de l’irreprésentable inscrit dans la réalité des agirs. L’indoxication méthodique de l’illusion technocratique redouble la jouissance consumériste, idéal et leurre du fétichisme de la marchandise, tandis que les rivalités narcissiques sont suscitées et instrumentalisées par les logiques entrepreneuriales et l’état de terreur entretenu par le chantage économique et le chômage endémique nécessaires au nouvel ordre mondial.
64 Les valeurs, représentations et pratiques de solidarité – autrefois notamment étayées sur la conscience de classe et le combat syndical en relation dialectique avec le conteneur symbolique républicain – sont désormais représentées et vécues comme obsolètes, dépourvues de sens et d’efficacité, chacun étant renvoyé dans la déréliction de sa pratique à l’infinie culpabilité de sa responsabilité subjective… L’effacement ou la disqualification des valeurs fondatrices et instituantes de la tâche primaire et de l’identité professionnelle délégitiment les pratiques et l’expérience et détruisent l’espace du partageable comme les conditions d’une possible transmission. Renvoyée au seul éprouvé idiosyncrasique du professionnel, l’expérience n’est plus objet de transmission mais sujet de suspicion, origine possible de problématiques résistances à l’ordre opératoire en cours d’installation.
65 Dans ce contexte, toute référence à une possible référence culturelle partagée, à l’espace du politique, à un collectif institutionnel, à un partageable d’équipe, à une groupalité de dialogue ne se réduisant pas à la gestion technocratique ou à la résolution immédiate des conflits ou des problèmes actuellement présents dans la crise avérée, est aussitôt stigmatisée comme position idéologique, illusion idéaliste, ringardise théorique. Sans histoire, contexte, conflit ni inconscient, il s’agit de positiver à tout prix, l’euphémisation plus ou moins subtile du pire permettant sans vergogne de promouvoir l’adaptation acéphale à l’ordre dominant comme un idéal inquestionnable. Le plus surprenant étant de devoir constater comment les religions – ce qui est dans leur logique d’aliénation – et plus encore les partis et groupes progressistes s’empressent de soutenir et de valoriser des discours et des pratiques aussi contraires aux valeurs qu’ils prétendent défendre. En ce sens, la perversion libérale fait, pour ceux qui auraient eu encore quelques illusions « progressistes », effet de vérité quant aux positions véritables des groupes religieux et idéologiques prétendument défenseurs des valeurs humanistes et des Lumières.
66 C’est pourquoi il n’est pas surprenant que le cynisme pervers, désormais figure dominante de l’imaginaire social-historique et ouvertement revendiqué par les politiques et le patronat, ait pour conséquence une mélancolisation du (non) lien social, la généralisation de l’acédie, la désespérance politique et la dépressivité subjective. Les moins fous sont les plus touchés, les plus idéalistes les plus blessés, les plus compétents les plus attaqués, les plus lucides les plus persécutés… Face à une telle situation, le clinicien se trouve bien désarmé s’il persiste à maintenir, au nom d’une très idéologique représentation de la pureté théorique, un idéal de neutralité qui l’amène à cautionner – qui ne dit mot consent – les pires exactions produites par l’anomie contemporaine.
67 Avec toute la prudence nécessaire, et sans prétendre à une position messianique, il semble désormais indispensable que le clinicien et, singulièrement, le psychanalyste osent, autant que nécessaire, s’investir dans le combat éthique et politique indispensable pour résister, autant qu’il est possible, aux déliaisons mortifères de la déculturation néolibérale. Ce qui n’implique aucune idéalisation de l’idée républicaine du collectif, mais exige pourtant une prise en compte des valeurs éthiques, humanistes et universelles dont ce paradigme était, avec ses imperfections, malgré tout, porteur comme d’une tâche à accomplir dans, par et pour le collectif. Il s’agit pour cela, et pour ce qui nous concerne, dans tous les espaces où l’inconscient peut se donner à entendre de (re)créer les conditions du travail d’élaboration permettant aux sujets d’échapper aux effets de la déliaison à l’œuvre dans la réalité sociale-historique et de travailler à maintenir le travail de la culture dans une éthique de la subjectivation soucieuse du collectif.
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Mots-clés éditeurs : déliaison, Anomie, République, individualisme, perversion, déculturation, néolibéralisme, hypermodernité
Date de mise en ligne : 24/02/2011
https://doi.org/10.3917/cnx.094.0061