Notes
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[1]
Très rares de nos jours, les grandes crises hystériques du temps de Freud à la fin du XIX e siècle manifestaient pour une bonne part, certes, de manière pathologique, l’éviction traditionnelle des femmes dans la dimension du pouvoir politique. Lesdites sorcières du Moyen Âge revendiquaient aussi que le féminin soit pris en compte ! Il a fallu attendre le XX e siècle pour que s’amorce la prise en compte des femmes et, à travers elles, le féminin qui, chez tous les hommes, ne subit pas heureusement un clivage trop radical, notamment chez les artistes et les créateurs d’une manière générale.
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[2]
Léo Kanner, découvreur de la psychopathologie autistique, caractérise celle-ci comme étant un trouble du contact affectif. En cela, il rejoint la définition freudienne de l’identification primordiale rapportée ci-dessous dans la note 3.
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[3]
Dans « Psychologie collective et analyse du moi », en 1921, Freud définit l’identification comme « expression première d’un lien affectif à une autre personne ».
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[4]
Terme employé par Freud dans « Esquisse… » pour désigner l’autre, source de « l’épreuve de satisfaction » et de la « compréhension mutuelle » en ses origines.
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[5]
On retrouve ici la distinction faite par P. Schilder et F. Dolto entre le schéma corporel, relevant du neurologique, et l’image du corps dérivée de la libidinisation de ce dernier. Au mieux, l’autiste accède seulement au schéma corporel de son propre corps.
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[6]
Cf. les cas de Januel et de Léo que j’ai présentés et théorisés dans mon ouvrage Au seuil du figurable, Paris, PUF, 1999, p. 119-153.
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[7]
S. Freud, « Esquisse d’une psychologie scientifique », dans La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1969, p. 336-337
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[8]
Pour Lacan, La Chose, « elle se présente toujours comme une unité voilée » (p. 142). […] Elle est « ce qui, du réel primordial, […] pâtit du signifiant » (p. 142) ; il précise qu’[…] « elle maintient la présence de l’humain » (p. 150) […] [et que] la pensée freudienne consiste à nous poser le problème de ce qu’il y a au cœur du fonctionnement du principe du plaisir, à savoir un au-delà du principe du plaisir […] » (p. 150). Bref, Lacan donne à entendre que l’homme s’évertue à façonner la Chose à partir du signifiant, alors qu’il nous est impossible de l’imaginer ! « C’est là que se situe le problème de la sublimation », précise-t-il. (p. 150).
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[9]
Cf. le cas « Ferdinand : du geste à la parole » que j’ai reconstruit dans mon ouvrage Au seuil du figurable, op. cit., p. 59-72.
1Le constat des anthropologues contemporains affirme que le matriarcat n’a jamais existé (Héritier, 2004), ce qui signifie que le gynocentrisme – à l’encontre du phallocentrisme – n’a jamais sévi au niveau du pouvoir politique. Et Jacques André de préciser, dans son ouvrage La révolution fratricide, « que l’irruption des femmes (des femmes, pas des mères), sur la scène politique, quand elle se produit, déplace moins le centre qu’elle n’en désorganise le principe – on ne parle pas ici, bien sûr, des “dames de fer”, grandes et petites, dont l’allégeance au phallus ne trouble en rien le primat de celui-ci » (André, 1993).
2Il ressort de ces deux ordres de recherches que le féminin vient plus ou moins perturber le masculin qui semble relever essentiellement du positionnement psychique phallique. Pourtant, depuis Charcot et Freud, la clinique de l’hystérie (Freud, 1895) est venue réactualiser et surtout théoriser la question de la bisexualité psychique comme donnée originelle. Mais, d’après cette clinique, on a découvert que le complexe d’Œdipe oriente normalement la bisexualité originelle vers le choix d’un seul sexe. Des différences de fonctionnement psychique en résultent selon le choix du sexe : par suite de la radicalité du refoulement nécessaire pour s’identifier au père et renoncer peu ou prou à la mère (l’objet d’amour primaire), le petit garçon s’appuie inconsciemment sur le renforcement du primat phallique, autrement dit du renforcement d’un moi séparé (donc unifié) de l’objet d’amour primaire (la mère en général) ; pour la petite fille et bien sûr pour la femme, d’une manière générale, le rapport au phallus est plus distancié. Sa capacité à s’identifier à l’objet primaire, c’est-à-dire à l’altérité (à l’autre en soi à partir duquel on se constitue), demeure plus importante, pour le meilleur (une grande sensibilité à l’autre) ou pour le pire (les fixations à des psycho-pathologies autistiques, somatiques, ou addictives) !
3Cette sensibilité à l’autre, dont l’essence est d’ordre poétique et qui relativise l’ordre phallique essentiellement moïque, c’est-à-dire narcissique, c’est ce que j’ai été amenée à théoriser, non pas à partir de la clinique de l’hystérie (qui a plus à voir avec la féminité phallicisée ou hystérisée [1] ) mais à partir de la clinique de l’autisme, comme étant le féminin élémentaire ou le féminin en son essence d’avant son élaboration œdipienne, et qui constitue l’assise narcissique des deux sexes. À partir de méthodologies différentes, d’autres chercheurs contemporains, que je mentionnerai plus loin, en arrivent avec quelques variantes à une conception analogue à la mienne quant à la question du féminin, que je vais présenter maintenant et qui ne mérite plus aujourd’hui l’appellation de « continent noir » que lui avait octroyée Freud.
4Après un bref rappel concernant la psychopathologie autistique, j’évoquerai un fragment de l’analyse de celle que j’ai appelée Zéline, laquelle m’a permis de saisir ce qu’il en était du féminin élémentaire à partir d’un mouvement psychique de transfert positif : son positionnement autistique a pu dès lors laisser place à une inscription positive de l’autre en elle, source de bien-être et d’un profond désir d’échange aussi excessif que son précédent refus autistique. J’en viendrai à partir de là à définir le féminin élémentaire et, par suite de ses caractéristiques, à en dégager les conséquences pour les rapports entre le masculin et le féminin.
L’autisme ou l’échec du désir féminin en ses origines
5Par son incapacité à l’échange inter-humain, notamment à partir d’un contact de l’ordre du moi-corps [2] (Kanner, 1942 dans Berquez, 1983), l’autiste manifeste l’échec de l’opération première de libidinisation (ou d’érogénéisation) du corps (voix comprise). Une telle opération s’instaure normalement avec l’établissement du premier lien affectif (ou identification primordiale) à l’autre [3] (Freud, 1921), à savoir l’autre primordial (der Nebenmensch [4] [Freud, 1895]). Autrement dit, la pulsion ne se développe psychiquement et ne devient désir, c’est-à-dire affect et signifiance à partir de son état premier d’excitation, que sur le fond d’une rencontre avec l’autre avec qui je me sens en suffisante sécurité et en accord (notamment ici, du point de vue économique, ce qui suppose que la pulsionnalité de l’autre primordial est suffisamment pondérée par la castration symbolique). Sans cette rencontre initiale, la pulsion n’est que le peu qu’elle est : elle reste excitation sous tension au lieu de se glisser hors de l’organisme et prendre appui sur le corps et la psyché de l’autre pour pouvoir effectuer le double retournement de son activité en passivité et de l’autre sur soi, selon les deux premiers destins des pulsions théorisés par Freud en 1915.
6Un troisième temps est nécessaire, précise Freud un peu plus loin dans « Pulsions et destins de pulsions », celui de la découverte d’un « nouveau sujet » (Freud, 1915, p. 174) pour que la pulsion constitue une zone érogène qui fasse trace et qui, en l’absence de l’autre, permettra de l’halluciner, puis de le fantasmer. Ce « nouveau sujet » est l’autre qui m’assiste, me touche, me regarde, me parle… avec tendresse, l’« autre secourable » capable de fournir une « action spécifique » écrivait Freud dans l’« Esquisse… » (Freud, 1895, p. 136). Plus poétiquement, Bion parlera à ce propos de « la capacité de rêverie » ou de « la fonction alpha » de la mère (Bion, 1962, p. 53). Ayant trouvé ainsi une présence (Darstellung) à l’autre et à soi, le sujet émerge psychiquement à même la surface de son corps. Le corps, rendu ainsi figurable à la manière d’un rêve (en cas de pathologie, à la manière d’un cauchemar ou d’un délire) (Allouch, 1992), devient sensible et expressif au travers de signes et de signifiants plastiques et sonores, qui disent à même sa surface, son espace et ses prolongements gestuels et vocaux, le plaisir, le déplaisir, voire la souffrance : « Le moi-sujet (Ich-Subjekt) coïncide avec ce qui est empreint de plaisir, le monde extérieur avec ce qui est indifférent […] » (Freud, 1915, p. 180).
7L’être autiste n’a pu entrer dans cette dynamique première du désir. Point (ou si peu) de constitution de zones érogènes qui fassent traces pour présentifier (darstellen et non vorstellen) l’objet de la pulsion, cet entre-deux-corps/psyché, source de plaisir ou de déplaisir. Son corps sensible, gestuel et vocal, c’est-à-dire sa corporéité, demeurera lettre morte pour l’autre, les autres et lui-même, à moins qu’une situation de transfert/contre-transfert tenue par un « autre secourable » en permette la réouverture et la relance. Il est réduit à être auto sans éros. Dans le meilleur des cas, son corps sera agi par une instance issue de ce que Freud désigne comme le « moi-réel initial », qui relève de l’autoconservation (ibid., p. 181) à l’encontre du « moi-plaisir purifié », développé à partir de l’étayage des pulsions sexuelles sur l’autre et les fonctions du corps, ainsi que de la prime de plaisir que cet étayage suscite. Toutefois, le « moi-réel initial » est capable sinon de « différencier intérieur et extérieur selon un bon critère objectif [5] » comme le moiplaisir purifié, mais par désinvestissement de l’autre (l’autre est placé sous forme d’hallucination négative) (Allouch, 2000). L’autiste, à la différence du psychotique de l’enfance, dispose en effet d’un être-corps qui distingue bien un dedans d’un dehors, mais au profit d’un retranchement ou d’un retrait au dedans, au détriment du dehors. Au lieu de devenir sensible et expressif, le corps de l’autiste est au mieux fonctionnel, quand il ne développe pas un « phénomène de seconde peau », tel que l’a décrit Esther Bick citée par F. Tustin (1972). Il s’agit d’une hypertension musculaire, véritable mur ou carapace musculaire [6] qui, certes, apporte à l’autiste une illusion de contenant et de protection, mais qui emprisonne sa pulsionnalité – et par là même, sa vie psychique sensible – dans l’organisme. Dès lors, celle-ci ne trouvera à se décharger qu’au travers de crises clastiques faisant office de soupapes et d’échappées, écrit l’autiste allemand Birger Sellin, dans l’ouvrage réalisé alors qu’il a 19 ans grâce à la « communication facilitée » par ordinateur, ouvrage intitulé en français « une âme prisonnière » (Sellin, 1993). Par ailleurs, il est privé de toutes les expressions corporelles (ou de toutes manifestations d’un moi-corps), telles que parler, pleurer, rire…
8Non érotisée, la voie du contact le plus direct, l’identification primordiale, que j’ai définie comme la voie des sensations et de l’affect de l’identification primaire (Allouch, 1998) (qui correspond assez à la voie directe des « deux voies de pénétration du ça dans le moi » (Freud, 1923, p. 271), demeure assujettie à l’ordre autoconservatif, qualifié d’autosensuel par F. Tustin (1981). Birger Sellin se plaint d’ailleurs de cette autosensualité qui lui confère « une hypersensibilité [qui] existe tout simplement sur tous les plans puisque je peux entendre un peu trop et voir trop » (Sellin, op. cit., p. 120). Ainsi, la voie des sensations et de l’affect n’est pas pondérée par le processus de psychisation de la pulsion à même le corps, en présence d’un autre inscrit dans le symbolique, processus qui origine le sentiment-sensation de consubstantialité, du familier ou de l’intime (soit le féminin élémentaire), lequel prépare la mise en place de l’auto-érotisme ou de l’objet a selon Lacan.
9La deuxième voie de pénétration du ça dans le moi, la voie de l’idéal (ainsi que je l’ai nommée après Freud), est celle de l’identification au père de la préhistoire personnelle (elle correspond à l’identification phallique ou bien encore à celle des valeurs et du contact par similitude, précise S. Freud [1912-1913, p. 204]). Elle est réduite en cas d’autisme à celle d’une épure abstraite, désaffectée ou désincarnée, qui parfois se développe, mais ne permet qu’une activité intellectuelle, gestuelle et verbale, opératoire et efficace (le masculin en son essence, soit totalement clivé du féminin), ainsi qu’en témoignent Temple Grandin dans son ouvrage Ma vie d’autiste (1988), mais aussi Zéline. Dans le cas de ces autistes dits « intelligents » (ou d’Asperger), la relation amoureuse ou affective ne peut même pas être imaginée. Ainsi, l’autisme nous permet de saisir que, lorsque la rencontre libidinale entre l’enfant et l’autre primordial ne peut avoir lieu, quelles qu’en soient les raisons, le corps (voix comprise) et les autres modes d’expression de l’enfant échappent largement au désir, c’est-à-dire à la vie fantasmatique ou figurable qui sous-tend et détermine l’échange sensible inter-humain sur fond de féminin élémentaire.
Moment critique de l’analyse de Zéline
10Ainsi, lors de sa venue en analyse, Zéline était torpillée par un syndrome autistique présentant des dérivés addictif (anorexie) et somatique (cancer du sein). Le moment critique de son analyse que je relate est propre à illustrer, me semble-t-il, l’accès à la mise en place du féminin élémentaire sur fond de psychopathologie.
11À 42 ans, Zéline, hypersensitive, ne supportait de s’allonger sur le divan que lorsque avait disparu tout reste de chaleur laissé par le corps de la personne qui la précédait. Elle se mettait alors à marcher nerveusement de long en large dans la pièce en attendant que le divan ait refroidi. Donner une poignée de main la faisait se raidir au point de secouer sèchement la main qui lui était tendue plutôt que de la serrer avec mesure. Se déplacer dans la rue l’insécurisait au point qu’elle recourait à son compagnon, grand et très gros, pour se sentir rassurée. Elle lui attribuait, disait-elle, plutôt un statut de « nono » (de nounours) que d’homme, avec un désir sexuel affirmé. Lorsqu’elle put accepter de faire l’amour avec lui, elle imposait, précisa-t-elle, qu’il se place dans des positions où il ne la touchait pas, hormis avec son sexe lors de l’intromission, mais elle fut assez vite affectée de vaginisme. Au début de la cure, elle considérait que son compagnon lui servait d’écran de protection concret vis-à-vis du monde, qu’elle trouvait terrifiant et dont elle se défendait sur le ton de la plaisanterie, avec un humour à la fois acerbe et sophistiqué qui, remarquait-elle, échappait la plupart du temps aux autres, presque tous persuadés de son tempérament enjoué, ce qui accentuait encore son sentiment de décalage. Mais, si elle reconnaissait sa profonde insécurité sur le plan corporel, se plaignant de son impression profonde « d’être (disait-elle) extérieure à son propre corps » ou encore d’« être une construction-sur-un-sans-fond » qui la faisait se sentir étrangère à elle-même et aux autres, elle ne doutait pas de l’exactitude et de la toute-puissance de sa pensée. Toute petite déjà – bien avant peut-être que son père ne quitte le foyer – elle jouait le rôle de figure de référence pour sa mère et sa sœur, de cinq ans sa cadette : elle raisonnait pour le groupe, qui s’appuyait sur elle. Plus tard, cinq ans environ avant d’entreprendre son analyse, elle se trouva là encore figure de référence dans son milieu professionnel. Mais, comme par rapport au groupe familial, c’est elle qui fut et se retrouva en situation d’échec : grave dépression à l’adolescence, plus tard, faillite financière et affective qui manqua de l’entraîner hors du monde et, ultérieurement, la conduisit en analyse pour, dit-elle, ne pas aller vers l’irréversible. Elle avait jusque-là utilisé sa force de pensée pour pallier son positionnement psychique « de côté », répétait-elle.
12Je pus repérer ce positionnement « de côté » et le mettre en correspondance avec sa plainte d’« être une construction-sur-un-sans-fond », que j’entendais comme un échec du contact direct ou du figurable propre à l’autisme. Des éléments de son anamnèse, qu’elle rapportait, venaient renforcer mon diagnostic de traits de fixation de la pulsion de mort totalement désintriquée d’éros : selon le discours familial, ses parents eurent au moment de sa naissance le fantasme de se suicider ensemble ; d’autre part, bébé, elle fut très vite affectée de troubles anorexiques et, surtout, de troubles du toucher, au point que l’un des médecins consultés en arriva à la faire mettre dans une coquille orthopédique. Elle-même dit à maintes reprises que « l’angoisse de sa mère la faisait éclater ».
13À partir de ce repérage, le travail de l’analyse, longue perlaboration de cette souffrance, allait permettre de donner sens et de dépasser ce « sans fond » qui l’empêchait d’aborder la réalité, sinon « de côté », c’est-à-dire exclusivement par la voie du contact indirect ou de l’idéal, voie désintriquée de celle du contact direct, produisant une pensée géométrale (hors affect) sur fond d’un vide de représentation plastique et figurative. Toutefois, ce travail ne fut pas possible directement. En effet, jusqu’à la fin de la première année, Zéline tenta sans cesse de transgresser le cadre de l’analyse en modifiant puis, souvent, en supprimant les rendez-vous habituels ou dont la modification avait été convenue. L’ayant invitée à s’asseoir en face de moi, je lui signifiai avec le plus de tact qu’il m’était possible que je ne pouvais cautionner les conditions dans lesquelles nous étions amenées à travailler et que, par là même, je lui proposais d’arrêter sa cure où elle risquait de perdre son temps. Sa réaction fut immédiate : « Je respecterai dorénavant les conditions fixées », dit-elle. Elle précisa à la séance suivante que, pour la première fois, sa méfiance en l’autre était tombée. Ma manière de lui parler lui avait permis de saisir que je n’étais ni une « tueuse » comme sa mère ni « perverse » à la manière de son père. Je compris une telle mutation psychique de la part de Zéline comme un acte de foi issu d’un mouvement transférentiel de l’ordre de « la source première de tous les motifs moraux [7] », ainsi que Freud qualifie dans l’« Esquisse » l’effet de l’« action spécifique (die Aktion) » de la « personne secourable », et que Lacan désigne comme le premier temps du transfert (Lacan, 1964, p. 231). Dès lors, la chaleur laissée par le corps d’un autre sur le divan ne l’incommoda plus, sortir seule dans la rue avait cessé d’être dangereux. Elle s’étonna d’entrer au sein d’une communauté et même de s’y incorporer au point, dit-elle, de s’y « adosser » et de s’y trouver bien. Simultanément, elle prit conscience du caractère défensif de ses raisonnements et elle n’eut plus besoin d’occuper une position dominante dans le groupe. Elle prit de la distance par rapport à son groupe familial, son couple, et établit un autre réseau relationnel où, d’après elle, elle pouvait enfin « se nourrir » et se « laisser porter ».
14Pour elle, il s’est bien agi d’accéder, à partir de la situation transférentielle, « au sentiment corporel du moi » (Federn, 1952, p. 48-49), soit au sentiment de se sentir incarnée, que procure le bon fonctionnement de la voie du contact direct ou voie des sensations et de l’affect de l’identification primordiale, ou bien encore de l’« expression première du lien affectif à une autre personne » : elle a pu enfin « se laisser porter », c’est-à-dire avoir confiance en un autre qu’elle a pu mettre à la place non pas d’un Autre supposé-savoir, mais de l’Autre primordial en qui on peut croire, avec qui on est en sécurité et avec lequel on peut s’abandonner (être passif) et ce sans coquille ou « nono » de protection, à même la surface de son corps « adossé » au divan. À partir de l’établissement du transfert positif, le divan a apprésenté pour elle la corporéité accueillante et contenante de l’analyste, c’est-à-dire de l’Autre primordial. Dans ce climat de confiance, une sorte d’étayage des pulsions de vie a pris le pas sur celui des pulsions de mort. Conjointement, le « sentiment corporel du moi » relevant de l’hallucination positive (donc établi à partir de la voie du contact direct ou du figurable) est venu à la place de la « construction-sur-un-sans-fond », c’est-à-dire de l’état d’hallucination négative de son corps en ses origines, dont elle se plaignait auparavant. Comme son corps, sa parole s’est aussi libidinalisée et, par là même, engagée dans l’échange avec l’autre, lui faisant renoncer à attaquer sans cesse celui-ci afin de ne pas se laisser « toucher ». Ultérieurement, elle m’apprit que sa parole était même devenue prière (parole d’amour) et que des poussées d’érotisation pouvaient venir perturber sa rencontre avec Dieu !
15Plusieurs mois plus tard, en effet, Zéline me fit savoir non sans appréhension – persuadée du caractère laïc de la psychanalyse – qu’elle s’était insérée dans une communauté catholique fortement axée sur la liturgie (support privilégié de la dimension du sacré). Je pensai qu’elle se réconciliait ainsi avec sa filiation paternelle, sa tante paternelle étant supérieure de couvent. Elle-même commença à faire des retraites régulières dans des carmels où elle devint assez vite contestataire : il apparut que ce qui l’intéressait était moins la codification institutionnelle religieuse qu’une exigence mystique, qui lui faisait désirer de toutes ses forces une union avec ce qu’elle nommait Dieu. Aussi bien, comment ne pas penser que le sexuel du transfert permettait à Zéline de découvrir « l’étrange et intime ressourcement dans le pulsionnel » (Gomez Mango, 1989) – pour elle, une intense et irradiante révélation d’être. On rejoint ici la définition du mysticisme donnée par Freud : « Mysticisme, l’autoperception obscure du règne, au-delà du moi, du ça » (Freud, 1938). Autrement dit, en percevant en elle une résonance tout aussi étrange que fascinante – l’investissement pulsionnel de l’Autre identifié à Dieu –, Zéline n’a-t-elle pas accédé par la voie de la sublimation à la dimension du désir, à un désir de vivre aussi intense que l’étaient ses symptômes pour se détruire ? Dieu, l’objet de son désir est, certes, figure du tout ou rien, mais source d’une jouissance toute qui la porte cependant à rechercher un ancrage dans la réalité, celle du milieu religieux. Dès lors, sa vie va s’organiser à travers une recherche spirituelle s’appuyant sur des études universitaires en théologie. Elle pouvait enfin se recueillir en elle-même et quitter un positionnement psychique de l’ordre d’une réaction thérapeutique négative renvoyant à ses figures parentales. La prière, langage d’amour chez les mystiques, qui rejoint bien souvent le poétique, constituait le moyen de trouver les mots pour essayer de capter ses émois à la limite du corps et du psychique, lorsque le pulsionnel (l’excitation) se transmue en psychique au cours d’un effet de rencontre avec un Autre (groupe ou individu).
16Ma surprise passée concernant la résolution mystique de Zéline, qui était pour le moins imprévisible, il m’importait de saisir dans l’aprèscoup ce passage de l’autisme au mysticisme, passage dont je ne donnerai ici qu’une insuffisante esquisse, mais qui introduit à l’essence même du féminin.
17Ainsi que j’y ai fait allusion plus haut et l’ai déjà développé en 2000, j’ai soutenu l’idée qu’à l’encontre du processus d’hallucination positive du rêve, du fantasme, du symptôme hystérique et du délire, l’autisme relève d’une sorte d’arrêt sur le vide d’un état figé d’hallucination négative, état que j’ai nommé un géométral hallucinatoire. Il se traduit par un grave défaut de la figurabilité de la symbolisation primaire, de par l’échec de ce que j’ai appelé la voie des sensations et de l’affect de l’identification primaire (ou voie du contact direct étayé sur l’Autre et les fonctions corporelles). Il ne s’agit pas d’un phénomène de dépersonnalisation comme dans la psychose (au sens de Federn), mais d’un phénomène plus radical, celui d’une non-personnalisation ou d’une non-subjectivation, par suite de l’impossibilité du bouclage de la pulsion selon les trois temps de ses premiers destins, constitutifs de l’auto-érotisme ou de l’objet a. Le deuxième temps, en particulier, celui de la réceptivité passive-active à l’impact de la libido de l’autre – le féminin élémentaire – n’a pu s’accomplir. Dès lors, il y a non-figurabilité du corps et de la parole, même s’ils peuvent fonctionner, avec en corollaire, comme pour Zéline, une importante perturbation du sentiment-sensation d’exister en son corps (par contre, elle parlait sept langues !).
18L’acte de transfert élémentaire et positif qui a saisi Zéline, non pas pour ce que je lui avais dit à propos de la perspective de l’arrêt de notre travail de recherche en commun, mais à cause, a-t-elle précisé, de la tonalité de ma voix, a fait virer son fonctionnement psychique vers le « poétique » de l’Autre. Autrement dit, le deuxième temps du bouclage de ses pulsions a pu s’accomplir, lui permettant d’accueillir de l’autre en soi. L’hallucination négative (sorte de clivage du moi-corps précoce pour Zéline) qui la fermait à l’autre primordial a sans doute pu être levée en partie et laisser advenir en elle des traces du féminin élémentaire. Ainsi que Michel de Certeau le relève à propos du Président Schreber (Freud, 1911) quant à l’effet bienfaisant produit sur les nerfs par « l’énonciation directe d’une affectivité réelle » émise par la langue fondamentale, Zéline a pu lâcher sa défense autistique, me faire confiance et s’abandonner à l’autre sur le divan, mais aussi à l’extérieur, parce qu’elle a pu croire qu’il y avait « quelque part quelque chose qui ne trompe pas » (Certeau, 1986).
19Après cette expérience, je soutiendrais volontiers, toujours avec Michel de Certeau, que « la croyance (la foi en l’autre) est fondée sur le toucher d’une voix et (qu’) elle fait croire qu’on est reconnu, connu, voire aimé » (à l’encontre de Narcisse qui ne veut ou ne peut rien entendre de sa part féminine, apprésentée dans le mythe, par la voix d’Écho). Une telle réceptivité indifférenciée, sorte de passivité active que j’appelle le féminin élémentaire, qui correspond assez à la notion freudienne de Bejahung (du prendre en soi), mais aussi bien à celle de la jouissance Autre (jouissance au-delà du phallus ou de l’objet a [Lacan, 1972]) théorisée par Lacan, constitue les assises de l’altérité et de la créativité et, sur cette base, détermine l’accès à la féminité sexuée, dont Zéline était si dénuée. Sans l’inscription de cette opération basique du féminin élémentaire, l’autre sera perçu comme dangereux et rejeté hors soi, au mieux, tenu à distance.
20Jusqu’à sa conversion mystique, Zéline s’appuyait essentiellement sur un fonctionnement de la voie de l’idéal désintriquée de la voie primaire des sensations et de l’affect. Avec la possibilité de se laisser toucher par la libido (c’est-à-dire le rythme, la présence mélodique…) d’un autre hautement symbolisé, celle de l’analyste en l’occurrence, cette dernière voie, source d’hallucinations et de représentations positives, s’est trouvée réactivée, au moins en partie, pour lui permettre de se dégager de son état figé d’hallucination négative et d’accueillir l’autre comme son hôte. Toutefois, si cet hôte l’ouvre au désir, ce désir est paradoxal dans la mesure où il est « comble du désir » (Sésé, 2002) : il est désir de Dieu, c’est-à-dire quasi sans objet, paroxysme de l’absence, du manque de l’autre perçu comme le reflet de l’invisible, de l’infigurable (Dieu ou bien encore le chant des sirènes dans la mythologie). Cependant, même pour Jean de la Croix, qui rend compte de la contemplation ou de la rencontre avec Dieu en référence à la notion de forme, forme vide de toute vie sensible soutient-il, Dieu est Présence, toute-présence où on s’annihile de soi en lui, ce qui n’est pas non-être, mais pur excès, pure jouissance : « le sujet est l’objet ». Dans son poème « La vive flamme d’amour », Jean de la Croix dit aux limites de la langue cette exploration intense des « cavernes profondes du sens […] parce que lorsqu’on sent Dieu, on sent toute chose » (1577), ou « la chose », au sens freudien du terme et plus encore au sens lacanien (Lacan, 1959-1960) [8]. Hadewijch d’Anvers, mystique et poète du XIII e siècle, écrit que le désir de Dieu « n’habite nulle part. Il est habité […] par un noble je ne sais quoi ni ceci ni cela, qui nous conduit, nous introduit et nous absorbe en notre origine » (1954). Mais, plus proche encore de notre propos, Edmundo Gomez Mango écrit : « L’union mystique, qui découvre l’infini dans l’individu, Dieu dans le moi, est jouissance de l’autre en tant qu’abîme, comme l’insondable, ce qui n’a pas de fond ; dans son extase verbale, le mystique, en prononçant le nom, devient la chose » (1989, p. 38). À propos de la quiétiste Jeanne Guyon, Catherine Millot développe la même idée : « Au plus profond, au plus intérieur, pour rejoindre l’extériorité pure de la divinité […] cela suppose […] que notre intérieur soit troué en son fond » (Millot, 2006).
21La « construction-sur-un-sans-fond » de Zéline me semble s’être transmuée (sublimée) par « ressourcement pulsionnel » des mots en ce pas-de-fond inouï de l’expérience mystique. Avec E. Gomez Mango encore, je préciserai que cette expérience ne constitue que l’une des formes du poétique – au sens de « poïein », de ce qui se fabrique, de ce qui se fait – de l’activité de la langue et de la vie de l’esprit (op. cit., p. 45). Zéline ne manquait pas d’esprit, mais celui-ci relevait surtout du régime de la voie idéale ou phallique sur fond de pulsion de mort, lequel provoquait une sorte de rebroussement auto-érotique destructeur de ses pulsions, sur fond d’hallucination négative de l’Autre et de son corps.
Le féminin élémentaire
22Les résolutions métaphorisantes (mystique, poétique ou artistique) (telle celle de Zéline) secrétées par des analysants affectés par de graves traumatismes de « l’expression première » de l’identification, ou bien encore par l’accès à une parole pleine chez un autiste [9], m’ont permis de repérer plus précisément les perturbations de l’alchimie qui entraînent un sujet à être fasciné par la mort ou, pour le moins, par une auto ou hétérodestructivité telle que Zéline la manifestait à travers ses symptômes (anorexie, syndrome autistique, pensée suicidaire). Il s’agit, comme je viens de l’indiquer, des perturbations de l’un des deux premiers destins des pulsions théorisés par Freud en 1915, c’est-à-dire du renversement en son contraire, notamment le renversement du but actif de la pulsion en un but passif. Dans les cas contraires de non-psycho-pathologie, cette opération appelle un état de passivité active qui rend particulièrement réceptif à la libido de l’Autre. Aussi bien, elle initie l’« expression première du lien affectif à une autre personne », c’est-à-dire le sentiment-sensation de l’intime, du familier, qui introduit au sens du réel (Allouch, 1999, p. 173-175). Le produit d’un tel processus de réceptivité passive-active à l’autre est (comme je l’ai signalé rapidement plus haut) ce que je désigne comme étant le féminin élémentaire.
23Un autre chercheur l’exprime en des termes relativement proches : M. Schneider évoque une réalité psychique analogue à propos de ce qu’elle désigne comme le féminin élémental, en référence à Levinas et à sa conception de l’élémental : « on y baigne. À l’élément, je suis toujours intérieur […]. L’élément nous offre comme l’envers de la réalité, sans origine dans l’être, bien que s’offrant dans la familiarité – de la jouissance – comme si nous nous tenions dans les entrailles de l’être » (Schneider, 2004). Un tel discours n’est-il pas en proximité avec ceux des poètes et des mystiques, et plus généralement de la capacité de penserrêver, c’est-à-dire d’une pensée imprégnée du figurable des origines ?
24Aussi bien, le féminin élémentaire ne peut être confondu avec une position féminine pathologique relevant d’un processus de séduction traumatique, comme celle subie par l’Homme aux loups (Freud, 1918). Le but passif de la pulsion n’est pas en soi pathologique mais peut bien entendu le devenir lorsque l’effet de rencontre avec l’autre relève de « la confusion de langue » (Ferenczi, 1933). Le féminin élémentaire ressort avant tout au « prendre en soi », c’est-à-dire à ce que Freud a appelé la Bejahung (Freud, 1925), affirmation primitive qui ouvre à un premier corps de signifiants, c’est-à-dire à la symbolisation primordiale. Inscription première de la fonction de signifiance sans accéder pour autant au statut du refoulement ni à celui des masochismes érogène et féminin (Freud, 1924) qu’il amorce, le féminin élémentaire constitue le premier mouvement psychique de révélation d’être, corrélatif de la prévalence d’Éros dans le jeu de l’intrication pulsionnelle. Il soutient la lancée de la créativité sur la destructivité et sur le retour à l’inanimé. Winnicott parle à ce propos d’« élément féminin à l’état pur » ou « distillé » : le bébé devient le sein (ou la mère), l’objet est alors le sujet (Winnicott, 1971). Soutenir, comme Winnicott, qu’il n’y a là nulle motion pulsionnelle me paraît cependant contraire à l’esprit de la métapsychologie, dans la mesure où le psyché-soma primitif (la pulsion à l’état d’excitation) ne peut se différencier (devenir affect et représentation) qu’en fonction de l’impact libidinal (des signifiants énigmatiques) de l’autre.
25Le féminin élémentaire apparaît ainsi comme produit de « la séduction généralisée » telle que l’a théorisée Jean Laplanche (1987). Il correspond aussi au deuxième temps (sur les trois théorisés par Freud) du bouclage de la pulsion (Freud, 1915, p. 174) concernant la constitution normale de l’auto-érotisme ou de l’objet a selon Lacan. C’est aussi le lieu de création du lien entre le somatique et le psychique, celui de l’« incarnation » ou comment l’esprit vient au corps ! Un tel mouvement psychique, de l’ordre de la révélation d’être, s’accompagne d’un sentimentsensation de ravissement, d’illumination ou d’« inouï » (Didier-Weil, 1998). Si ce mouvement psychique a pu s’inscrire, on peut le retrouver entre autres dans l’extase mystique, l’inspiration poétique ou artistique et l’état amoureux. Il a à voir avec ce que Lacan désigne comme la « jouissance Autre », Autre qu’il dit justement « symbolisé par le corps » (Lacan, 1972-1973, p. 39).
26La condition élémentaire de l’accès à cette opération du féminin élémentaire, qui est réactivée toute la vie durant chez un individu non figé en ce point, réside avant tout dans la qualité de présence de l’autre de l’auto-érotisme, notamment de sa capacité hautement symbolique dans la rencontre, laquelle me paraît relever du poétique. Et le poétique fait advenir de l’être, dont il est l’expression vraie (Allouch, 1999, p. 239-241). Dans ce cas, l’autre n’a pas le statut de supposé-savoir, mais celui d’un supposé-y-croire, en qui on a foi, auprès duquel on se sent en confiance et en sécurité. Un tel sentiment-sensation continu d’exister en un corps et au monde peut aller, comme je l’ai déjà signalé, jusqu’au ravissement. L’inscription de telles expériences de jouissance poussera le sujet à jouer sa vie avec audace et pugnacité pour tenter d’y retrouver, à partir d’épreuves de réalité, des équivalents de cette jouissance d’être hors finitude. La recherche toujours reconduite d’un perfectionnement dans un champ quelconque (sportif, artistique, scientifique…) procède d’une telle démarche, qui va bien au-delà de la réussite sociale…, vers le symbolique ou, en termes freudiens, vers « l’unité supérieure du contact chez l’homme » (Freud, 1912-13, p. 204). Il me semble que pour Zéline, quelque chose de cet ordre du féminin élémentaire a pu se mettre en place au profit de la dissolution de son syndrome autistique, négatif extrême en quelque sorte du féminin élémentaire.
Conclusion : la dangerosité du féminin
27L’approfondissement du féminin élémentaire conduit ainsi à le situer non pas sous l’ordre du principe de plaisir sous-jacent au principe de réalité, mais sous le régime de la jouissance, qui a à voir avec l’extase, le hors-limite, le hors-la-loi et l’annihilation dans l’autre. C’est pourquoi le féminin est ressenti comme dangereux. Au contraire, le phallique, de si forte valence pour l’élaboration de l’identité masculine ainsi que je l’ai évoqué en introduction, tend vers la limite, l’individué, la maîtrise du réel et le sens. Dès lors, on peut saisir comment le féminin peut être une menace d’anéantissement pour le masculin phallique, tant sur le plan intrapsychique que sociétal : individuellement, chaque sujet, homme ou femme, est tributaire de l’alchimie identificatoire qu’a pu subir sa bisexualité originelle jusqu’à sa résolution œdipienne. Socialement, beaucoup moins clivé par le refoulement phallique, moins rigoureux chez les femmes, les homosexuels, les minorités opprimées entre autres, car plus réceptifs à l’autre en soi que la norme, le féminin tout à la fois fascine et a été l’objet historique d’une oppression constante jusqu’à nos jours, même si on peut relever quelques ouvertures ces cinquante dernières années dans les pays dits « démocratiques ». Pourtant, il semble bien que ce soit l’alliance subtile de ces deux pôles du féminin et du masculin qui permette à l’espèce humaine de produire ses plus grandes créations et inventions, alors que la désintrication de ces deux pôles au profit du phallique constitue bien le pire (criminalité, génocides, mutilations des femmes…) de son histoire.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Très rares de nos jours, les grandes crises hystériques du temps de Freud à la fin du XIX e siècle manifestaient pour une bonne part, certes, de manière pathologique, l’éviction traditionnelle des femmes dans la dimension du pouvoir politique. Lesdites sorcières du Moyen Âge revendiquaient aussi que le féminin soit pris en compte ! Il a fallu attendre le XX e siècle pour que s’amorce la prise en compte des femmes et, à travers elles, le féminin qui, chez tous les hommes, ne subit pas heureusement un clivage trop radical, notamment chez les artistes et les créateurs d’une manière générale.
-
[2]
Léo Kanner, découvreur de la psychopathologie autistique, caractérise celle-ci comme étant un trouble du contact affectif. En cela, il rejoint la définition freudienne de l’identification primordiale rapportée ci-dessous dans la note 3.
-
[3]
Dans « Psychologie collective et analyse du moi », en 1921, Freud définit l’identification comme « expression première d’un lien affectif à une autre personne ».
-
[4]
Terme employé par Freud dans « Esquisse… » pour désigner l’autre, source de « l’épreuve de satisfaction » et de la « compréhension mutuelle » en ses origines.
-
[5]
On retrouve ici la distinction faite par P. Schilder et F. Dolto entre le schéma corporel, relevant du neurologique, et l’image du corps dérivée de la libidinisation de ce dernier. Au mieux, l’autiste accède seulement au schéma corporel de son propre corps.
-
[6]
Cf. les cas de Januel et de Léo que j’ai présentés et théorisés dans mon ouvrage Au seuil du figurable, Paris, PUF, 1999, p. 119-153.
-
[7]
S. Freud, « Esquisse d’une psychologie scientifique », dans La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1969, p. 336-337
-
[8]
Pour Lacan, La Chose, « elle se présente toujours comme une unité voilée » (p. 142). […] Elle est « ce qui, du réel primordial, […] pâtit du signifiant » (p. 142) ; il précise qu’[…] « elle maintient la présence de l’humain » (p. 150) […] [et que] la pensée freudienne consiste à nous poser le problème de ce qu’il y a au cœur du fonctionnement du principe du plaisir, à savoir un au-delà du principe du plaisir […] » (p. 150). Bref, Lacan donne à entendre que l’homme s’évertue à façonner la Chose à partir du signifiant, alors qu’il nous est impossible de l’imaginer ! « C’est là que se situe le problème de la sublimation », précise-t-il. (p. 150).
-
[9]
Cf. le cas « Ferdinand : du geste à la parole » que j’ai reconstruit dans mon ouvrage Au seuil du figurable, op. cit., p. 59-72.