Notes
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[1]
Lev Vigotski, Pensée et langage, Les Éditions sociales, 1992.
-
[2]
Françoise Dolto, Tout est langage, Le Livre de poche, 1987.
-
[3]
Henri Wallon, De l’acte à la pensée, Flammarion, 1970.
-
[4]
Michèle Libratti ; Christine Passerieux, Les Chemins des savoirs en maternelle, Chronique sociale, 2000.
-
[5]
Jean Piaget, Six études de psychologie, Folio, 1964.
-
[6]
Encyclopédie Universalis.
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[7]
Bernard Defrance, Les Parents, les profs et l’école, Paris, Syros, 1990.
1Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles ; l’école ne garantit plus l’insertion dans la vie professionnelle ; les enseignants se sentent pressés de remplir des missions de plus en plus diversifiées pour lesquelles ils n’ont été ni préparés ni formés. Soumis, tant aux demandes des parents qu’à celles de l’institution, ils se vivent comme obligés de réparer les erreurs d’une société qui ne les gratifie plus d’une considération sur laquelle fonder leur identité professionnelle et personnelle. La dégradation de leur image sociale vient de ce que, de plus en plus diplômés à l’origine, ils se sentent impuissants à endiguer l’échec scolaire, quand ils n’ont pas le sentiment d’en être les instruments.
2Les non-dits qui pèsent sur les pratiques pédagogiques écartèlent les enseignant(e)s entre leur fonction d’accompagnement des élèves dans la construction de leurs savoirs autant que dans la transmission des valeurs et de la culture, s’illustrant par la recherche de techniques appropriées, et la formation des citoyens, formation qui suppose l’avènement du sujet et donne au métier sa dimension éthique. Ces non-dits occultent la dimension clinique de ces pratiques, la formation initiale comme la formation continue l’évacuent.
3Les fonctionnements institutionnels et les modalités traditionnelles d’enseignement s’avèrent dans l’impossibilité de traiter de nouvelles problématiques surgissant dans l’espace pédagogique. L’enseignant, renvoyé à une impuissance de plus en plus angoissante, ne trouve aucune instance au sein de l’Éducation nationale pour l’accompagner dans l’identification et l’analyse de ses pratiques et de ses difficultés. Dans le même temps, pourtant, apparaît l’urgence de rendre à l’éducation sa fonction instituante, de resituer et de ré-instituer la fonction symbolique de l’interdit, de la loi et de la parole comme condition pour que les sujets puissent exister, se parler et penser. Si l’on veut permettre à l’enfant de devenir un élève en exerçant sa citoyenneté, on ne peut aujourd’hui faire l’économie de l’examen des conditions nécessaires à l’existence du sujet et à son investissement de l’apprentissage. Dans cette perspective, il semble nécessaire de s’intéresser au plus près à la réalité de la relation pédagogique et de mettre en travail les préjugés, les désirs de fusion, les sentiments d’impuissance ou de rejet, très (trop ?) souvent en jeu dans cette relation.
4Les enfants, qu’ils soient en souffrance ou non à l’école, posent la question même du sens de la pratique enseignante, question qui renvoie directement tout pédagogue à la nécessité d’un positionnement éthique, voire politique. Soit celui-ci adopte le projet d’une normalisation dans laquelle l’élève devient « objet de transvasement » des connaissances acquises par lui, soit il prend le parti de se mettre à l’écoute de ce qui surgit dans la classe en refusant de réduire l’élève à ses comportements ou à ses résultats, en s’intéressant à la dynamique du groupe-classe et en interrogeant le sens de son enseignement et de ses effets, dans toutes ses dimensions.
5En ce sens, la scolarisation en maternelle pourrait être l’occasion première d’intégrer les enjeux psychiques à l’œuvre dans toute pratique enseignante afin de prendre en considération la dimension intersubjective qui doit toujours, dans l’espace pédagogique, se référer au savoir.
6C’est en nous appuyant sur le travail dans la formation des professeurs des écoles, sur les observations et les réflexions qu’elle a suscitées, que nous proposerons ici quelques points de repères qui nous semblent susceptibles d’éclairer les enjeux de la scolarisation en maternelle et le rôle central de la parole, qui introduit au sens civique en permettant de le formaliser et qui se fonde sur l’expérience vécue d’une relation conscientisée et responsable aux autres et au milieu de vie.
L’école joue un rôle de tiers
La maternelle, tiers social
7Elle est appelée maternelle, cette première école, indûment nommée quand sa fonction est de servir de tiers social dans la séparation d’un enfant et de sa mère. Cette position de tiers est une position éminemment paternelle. Celle qui permet à l’enfant de conscientiser et d’accepter qu’il ne peut être le tout de l’objet du désir de la mère ou du sien propre, qui soutient l’élaboration et le dépassement des relations incestueuses, c’est-à-dire l’impossibilité pour lui d’occuper toutes les places symboliques.
8L’école maternelle est le lieu d’un rituel initiatique d’intégration au corps social. Lieu à la fois de rupture et de transition entre l’univers familial familier et l’univers social et culturel universel. De membre d’une famille, l’enfant va devenir membre d’un groupe social. C’est le temps où, sortant de l’entre-soi qui a été à l’œuvre depuis sa naissance, un enfant est invité à rencontrer d’autres fonctionnements, d’autres codes, d’autres valeurs, d’autres modèles. Cette rencontre, de laquelle s’ensuit une désidéalisation des parents en tant que référents uniques, est un temps de conflits psychiques internes puissants que l’école maternelle ne peut qu’accompagner et soutenir. Ceci n’étant par ailleurs possible qu’à condition de donner à la fonction paternelle et à la triangulation symbolique leur rôle fondateur dans l’échange.
9Cette conscience d’une séparation nécessaire oblige l’enseignant à jouer à son tour le rôle de tiers s’interposant entre l’enfant, qu’il va accompagner dans son devenir d’élève, et la famille, préoccupée d’éduquer son descendant. Ce rôle l’amène à réactiver, voire à refouler, ses propres histoires de séparation au risque de se vivre comme tortionnaire ou, à l’inverse, d’alimenter ses pulsions sadiques et de ne pas pouvoir investir cette position avec la distance requise. Ainsi une stagiaire de seconde année que j’ai retrouvée un jour cachée derrière la porte de mon bureau, en larmes, revivant sa propre entrée à l’école maternelle et le sentiment d’abandon qui s’en était suivi, se sentant dans l’incapacité de faire vivre cette scène aux enfants.
Le savoir, tiers structurant
10Faute d’un travail sur lui-même, le futur professeur des écoles gagnerait à penser sa fonction en termes de « points d’appui instituants ». Entre l’enfant et l’enseignant, il y a deux objets tiers : le savoir et le mandat social qui lie l’enseignant à l’État.
11Le savoir donne sens au projet que l’enseignant fait pour l’enfant, lui assigne un contenant, une limite et lui évite de confondre son désir et sa mission. Son mandat de fonctionnaire lui intime d’agir en vertu de principes qui relèvent d’un ordre supérieur aux intérêts individuels et de se conformer au projet éducatif que la nation a établi.
12Sans doute le glissement opéré entre la fonction d’institutrice, celle qui institue, et la fonction de professeur des écoles, celle qui professe, n’est-il pas sans lien avec cette perte de repères.
La construction du rapport à la loi
Instituer la nécessité de la loi
13La loi a pour fonction de surseoir à l’immédiateté de l’impulsion. Instituer la loi dès l’école maternelle, c’est anticiper et assumer les frustrations que nous imposerons aux jeunes enfants en récusant le « tout, tout de suite ». Les aider à acquérir la capacité à différer la satisfaction de leurs désirs pour leur permettre de penser le futur et de s’y inscrire. Cela nous paraît d’autant plus urgent que tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale, vivent que demain n’est ni connu ni assuré, tant sont nombreux leurs référents adultes qui pensent ne pas pouvoir y contribuer. L’institution scolaire peut et doit participer à combattre la violence en restaurant des lieux de parole pour tous ses membres. Face aux situations de tension que vivent les enfants, il est indispensable de réintroduire la parole comme principe d’une société de droit.
14S’approprier la loi, y construire du sens, participer à l’élaboration et à la transformation des lois, c’est accéder au « commun » qui fait la cité et lui donne sens.
De la loi familiale à la loi sociale
15À l’école, les enfants découvrent des pôles affectifs différents de ceux du milieu familial et, si rien ni personne ne vient les aider à intégrer cette multiplicité de relations, ils peuvent les vivre comme incompatibles, se sentir écartelés et en dette à l’égard d’une mère, d’une famille, qui a parfois elle-même du mal à renoncer à la complétude de relation qu’elle connaissait avec son enfant avant son entrée à l’école. En occultant l’histoire familiale de l’élève en tant que démarche d’apprentissage ayant préexisté à la vie scolaire, l’enseignant ne peut réaliser le projet de construire avec lui un parcours d’initiation mais risque de conforter l’image de l’élève idéal dont il a plus ou moins conscience.
Les référents premiers
16En donnant à l’enfant sa place de fils ou de fille et son rang dans la fratrie, la famille le prend dans un discours qui l’identifie comme appartenant à un groupe restreint porteur d’une histoire qui a ses propres règles d’évolution, à savoir dits et non-dits, tabous, interdits et permis. L’enfant est imaginé, désiré, conçu par rapport à la façon dont sa famille s’est construit sa propre identité. Celle-ci s’articule sur des représentations du monde que l’enfant va recevoir en patrimoine. Ainsi, les explications que les parents donnent sur la naissance de l’enfant, sur la différence des sexes, sur la vie et la mort, seront autant de repères qui structureront son psychisme et son rapport au monde. Il ne suffit pas que la famille décide de mettre son enfant à l’école. Il lui faut encore accepter par là même de l’introduire à la langue en tant que culture et loi commune. Elle ne peut et ne doit demander à l’école de maintenir l’enfant dans le « charabia maternel » sans pour autant croire qu’il lui faut renier une langue d’origine différente de la langue parlée à l’école. C’est à travers l’apprentissage du langage et l’appropriation de sa fonction symbolique que l’enfant rencontre la loi dont l’enseignant doit accepter d’assumer d’être le représentant. Si l’école maternelle a reçu pour mission d’initier les enfants qui lui sont confiés au maniement de la langue, c’est que le langage est par essence une contrainte d’espèce qui unifie et constitue notre lien social. Son système est une loi symbolique qui impose les mêmes contraintes à tous. Nul ne pourra dire « je aime me » sans paraître délirer. Ainsi tout sujet est-il structuré par son rapport à la langue et à l’ordre symbolique, ordre dans lequel les places et les rôles ne sont pas interchangeables. « Tu » n’existes qu’en tant que différent et dissocié de « je ».
17Si l’enseignant entretient avec la loi des rapports flous ou conflictuels, s’il veut inconsciemment s’y dérober ou n’en pas mesurer le caractère structurant, il mettra en cause sa légitimité, la crédibilité de sa parole, et ne saura ni ne pourra instaurer des limites sans recours à un autoritarisme que, par ailleurs, il réprouve. L’enseignant qui arrive en retard sans s’excuser mais n’accepte pas le retard des élèves, celui qui donne une fessée tout en interdisant aux élèves de se frapper, est considéré par ces derniers comme un « hors-la-loi » qu’ils peuvent ou doivent prendre pour modèle.
L’autorité familiale
18Du côté familial, la « puissance paternelle » du code Napoléon s’est muée en « autorité parentale », élargissant la responsabilité de l’enfant à une parentèle souvent disséminée qui se voit octroyer des droits alors qu’elle ne peut pas toujours remplir ses devoirs. L’autorité n’est plus une. À l’obéissance aveugle s’est substituée la négociation permanente, faux dialogue entre des membres d’une communauté qui cohabitent sans réussir à trouver ce qu’ils ont de commun et à l’intérieur de laquelle les rapports de forces tiennent lieu de rapports humains. Le recours à l’autoritarisme, forme pathologique de l’autorité, est alors un aveu d’impuissance.
L’autorité maternelle
19La famille tout entière est concernée par ces rapports de force dans lesquels chacun est contraint de se positionner. L’autorité de la mère est rarement nommée comme telle; elle semble être de fait, compte tenu de la dépendance dans laquelle se trouve l’enfant vis-à-vis d’elle pour la satisfaction de ses besoins. La mère a sur l’enfant un pouvoir d’autant plus fort qu’elle peut accéder à ses désirs ou refuser d’y répondre et, par là, le soumet à son bon vouloir. En découvrant qu’il n’est ni son unique relation ni son unique objet d’amour, l’enfant fait l’expérience de la rivalité. Dépendance et soumission déclenchent à moyen terme des comportements agressifs de sa part à l’égard de sa mère, associés à un sentiment de culpabilité pour avoir osé réagir contre elle. De ce sentiment de culpabilité naît une angoisse à l’idée de perdre son amour. Pour apaiser cette angoisse et se faire pardonner ses comportements agressifs, l’enfant est prêt à se soumettre de nouveau à la volonté de sa mère, plus tard à celle de l’enseignant. Pour se dégager de l’obéissance manifestée, l’enfant sera amené à des comportements de résistance à l’autorité jusqu’à la rébellion, parfois même la révolte.
20Cette relation duelle ne peut avoir d’issue que dans l’intervention d’une tierce personne : le père.
L’autorité paternelle : rencontre avec l’interdit
21Le père est celui dont la parole doit faire loi. Cette parole structure chez les enfants l’appropriation de l’interdit. Obligés au deuil de leur toute-puissance, sous peine de rencontrer la solitude, ils ont vitalement besoin de se confronter à des limites, conditions pour se construire des repères, se positionner, se définir et exister. Plus ils veulent assumer leurs capacités d’indépendance et de socialisation, plus ils rencontrent des interdits. La difficulté est pour eux de distinguer les interdits fondateurs (interdit de l’inceste, interdit du meurtre, etc.) – et de les admettre comme indiscutables – d’avec des interdits plus conjoncturels, liés à des habitudes culturelles ou sociales. Mais l’image du père et de ses substituts (hommes politiques et, à travers eux, l’État) se trouble. Les difficultés économiques, l’exclusion sociale, autant que la compétitivité, ne laissent plus au père la place nécessaire pour instituer la loi. Il n’est pas toujours celui qui prend les décisions pour l’avenir de son clan.
22Les jeunes enfants, tout en continuant à créditer leurs parents d’une autorité légitime, sont déstabilisés par leur image sociale défaillante. Leurs comportements sont d’autant plus atypiques, agressifs ou destructeurs qu’ils ne trouvent pas de partenaires éducatifs conséquents, capables d’être des modèles identificatoires stables, des rivaux compréhensifs aidant leur structuration. Leur socialisation primaire, qui, généralement, s’élabore à partir de la relation d’autorité paternelle, connaît alors un réel déficit.
La légitimité de l’enseignant
23Les parents n’ont pas tous les droits, selon la loi, garantissant à l’enfant sa position de sujet et non d’objet des désirs de ses parents. Sans en avoir le même statut, l’enseignant, par le choix politique qu’en a fait l’État, a une légitimité égale à celle des parents pour intervenir dans l’éducation de l’enfant. À l’école maternelle, les enfants découvrent des objets de convoitise, de conquête et de plaisir : les savoirs, le travail et la relation aux autres, différents des objets d’amour filial. Pour remplir une fonction de tiers symbolique, la relation pédagogique ou la situation d’enseignement ne peuvent se fonder sur la dimension affective au risque qu’enseignant et enseigné soient prisonniers de leur imaginaire et qu’alors l’arbitraire fasse loi : aucun enseignant ne pouvant aimer tous ses élèves de façon égale, il prend le risque d’être injuste et d’instaurer une discrimination entre eux. Aimer ou ne pas aimer les enfants, telle n’est pas la question, de celles qui donnent sens au fait d’avoir à être en un même lieu.
24D’autre part, l’enseignant ne peut uniquement bâtir sa légitimité sur ses capacités universitaires. D’autant que celles-ci peuvent l’éloigner des élèves en difficulté, les rendant étrangers aux codes qui font fonctionner l’école. Sans soutien réel, sans moments de réassurance, sans compagnonnage professionnel, l’enseignant est renvoyé à un sentiment d’impuissance qui le conduit à la paranoïa. Il lui faut apprendre à fonder sa légitimité et ses pratiques sur des choix éthiques, politiques et sociaux.
En finir avec les relations marchandes
25La question des relations humaines et de leur fondement peut et doit être travaillée avec les enfants, si jeunes soient-ils. Ils n’en reçoivent le plus souvent pour repère qu’un modèle de relation marchande : « Si tu me fais un bisou, je te donne un bonbon », qui donnera : « Si tu es sage en classe, si tu obéis à la maîtresse, tu travailleras bien », puis « Si tu as de bonnes notes, tu changeras de classe », tout échange qui dévie l’investissement de l’élève vers un bénéfice matériel immédiat et le détourne d’un bénéfice symbolique à long terme.
26« D’abord, j’suis pas sa copine ! », affirme Léna pour justifier son refus de travailler avec Myriam, alors que Julien demande à Kristofer : « Si je joue avec toi à la bagarre, tu seras mon copain, hein ? »
27C’est sur ce mode que, plus tard, l’adolescent va négocier ses devoirs filiaux.
28« Je vais huit jours chez mamie, d’accord, mais alors elle me paie ma mob’! »
29Encore un qui n’a pas intégré que tout ne se choisit pas (on ne choisit pas ses parents !), que vivre ensemble, c’est agir ensemble, travailler ensemble, c’est remplir ses devoirs pour pouvoir faire reconnaître ses droits sans qu’il soit toujours question d’amour.
30Marie est une fillette de 3 ans, si grande pour son âge et si éveillée sur le plan du langage que nous n’hésitons pas à la mettre en section mixte, petits et moyens mélangés. Après une semaine où Marie semble contente de venir à l’école et ses parents très fiers, la fillette annonce : « Lundi, je vais à la crèche pour voir “tata”. » Ses parents, inquiets sans doute de ce qu’ils évaluent comme une régression ou un refus de grandir, et désireux de valoriser Marie dans son nouveau statut, lui disent qu’elle est grande, maintenant, que les bébés de la crèche vont se moquer d’elle, etc. Marie ne dit rien mais passe son dimanche à tourner en rond, passive et déprimée. Le lundi, elle parle très peu et pleure chaque fois que l’enseignante s’approche d’elle. Elle prétend qu’elle ne sait pas dessiner, laisse tomber son feutre, refuse de découper parce qu’elle est « trop petite », traite l’enseignante de « pas belle » et de « méchante ».
31Les parents alertés nous racontent leur dimanche et nous font part de leur inquiétude de voir Marie refuser l’école. J’entends la blessure narcissique qui les a amenés à répondre si brutalement à leur fille (ils étaient si fiers ! leur petite fille, en section des moyens !). J’invite Marie à assister à l’entrevue et je peux ainsi lui dire ce que ses parents ont eu du mal à formuler :
- oui, elle pourra aller voir sa « tata de crèche », car personne ne lui demande de renoncer à ses relations anciennes pour pouvoir en établir de nouvelles ;
- non, nul ne peut à la fois être assez grand pour venir à l’école et trop petit pour ne pas pouvoir y faire du découpage, et elle est maintenant assez grande pour y parvenir. J’ajoute qu’elle n’est pas obligée de trouver la maîtresse jolie ou gentille pour faire ce qui lui est demandé.
32Aimer les enfants ou être aimé d’eux ne peut en aucun cas justifier, de façon saine et cohérente, qu’un adulte se destine au métier d’enseignant, à la rigueur peut-il en être en conséquence. C’est aimer enseigner, quels que soient les élèves, qui est nécessaire au futur enseignant, et aimer apprendre quel que soit l’enseignant qui est précieux pour l’élève.
33Parce qu’elle met en scène la séparation de l’enfant et de sa famille, l’école maternelle est un territoire qui expose et protège l’enfant. Elle l’expose au désir d’emprise qui traverse tout adulte (dont tout enseignant), mais en même temps elle instaure une dissociation des milieux de vie qui rend possibles d’autres identifications qui le protègent. L’école doit être ou redevenir un espace de sécurité organisé où l’enfant peut prendre des risques, notamment celui de l’engagement par la parole et par la pensée. L’équipe éducative est contractuellement garante d’un espace de liberté dans lequel les enfants peuvent déployer leurs capacités à penser et agir, à choisir et à décider, où ils peuvent apprendre à lier et à dissocier le penser, le dire et l’agir.
Pour une réelle socialité
34Une socialité réelle est à la fois reconnaissance de nos ressemblances ; par le fait qu’appartenant tous à l’humanité, nous avons tous les mêmes capacités à aimer mais aussi à souffrir. Elle est de plus reconnaissance de nos différences en ce que celles-ci constituent des manques. Ces derniers nous mettent dans le besoin de communiquer parce que nous avons des objets d’échanges possibles. Si nous étions tous identiques, nous n’aurions rien à nous dire et si nous étions tous différents, nous ne pourrions pas nous parler.
35L’espace pédagogique organisé, sécurisé, est indispensable aux enfants pour pouvoir réaliser les deux principes inaugurant leur processus de socialisation : s’individuer, s’identifier et se différencier.
Individuation et identification
36S’individuer, parvenir à dire « je », est la condition première de l’autonomisation de l’enfant. Au début, choses et gens ne sont que prolongements de lui-même. L’enfant a l’impression que son comportement et celui des autres fonctionnent comme un tout. Il se perçoit et perçoit l’autre dans une démarche d’action-réaction et procède par transfert. C’est dans la façon dont autrui va traiter le monde, dans sa conduite, que l’enfant va repérer et trouver l’Autre. En observant comment sa mère agit et en comparant cette observation avec sa propre manière d’agir, il finit par identifier et discriminer ce qu’il fait lui-même de ce que sa mère fait. Il donne du sens à ses actions, en observe les effets et parvient à dissocier ses propres conduites de celles de sa mère.
37Le petit n’imite pas une personne, mais d’abord les actions de la personne qu’il choisit pour référent. De ce fait, le jeune enfant perçoit son corps non pas comme isolé mais comme partie intégrante du milieu, de l’espace dans lequel il évolue. Cette prise de conscience de son « corps propre », comme le nomme Wallon, n’est pas achevée à l’entrée en maternelle, d’où l’importance de l’exercice de sa motricité. Le souci d’un comportement social « calme » ou « sage » est, on le voit, incompatible avec les besoins physiologiques des jeunes enfants mais nécessaire dans leur démarche d’identification à une posture favorisant l’intériorisation de l’apprentissage.
38En prenant de plus en plus conscience de son « corps propre », le petit s’identifie et identifie ce qui n’est pas lui comme autre. Sans relations diversifiées, il ne pourra le faire, d’où l’importance de sa sortie du milieu familial. « Les fonctions supérieures de l’homme ne s’enracinent ni dans les profondeurs du cerveau, ni dans les hauteurs de l’esprit, mais hors de lui, dans sa relation avec les objets et les personnes, au sein de la vie sociale. Le sujet n’est ni un reflet passif de son milieu ni un esprit solitaire face au monde : il est le fruit de la relation [1]. »
L’enfant et son corps
39En entrant à l’école maternelle, « l’enfant doit être propre », disent les textes officiels. Admettre un enfant propre à l’école, c’est s’assurer qu’il est prêt à « incorporer » et retenir en lui ce que l’école lui propose, comme il est capable de retenir ses matières fécales. Car tant qu’il laissera échapper ces dernières, sans contrôle, donc sans relation à lui-même, il aura de grandes difficultés à apprendre, c’est-à-dire à prendre en lui et à garder pour lui la connaissance, non comme une nourriture à digérer et à expulser, mais comme moyen de nourrir son intelligence. De plus, cette absence de maîtrise sphinctérienne en tant qu’absence de lui-même risque d’entraver ses relations aux autres, le laissant collé à la mère (ou à ses substituts).
40La même dépendance sera obtenue si l’apprentissage de la propreté n’est pas intégré par l’enfant lui-même comme participant de son désir de grandir. Les enfants ayant subi cet apprentissage dans l’aliénation au désir de la mère refusent très souvent de « lâcher » leurs matières à l’école, les lui réservant comme une dîme indispensable à la survie de leur relation. C’est pour cette raison que je demande aux mamans d’emmener elles-mêmes leur enfant aux toilettes en compagnie de l’agent de service lors de la traditionnelle visite de l’école. Ainsi peuvent-elles à la fois reconnaître devant l’enfant que ses besoins physiologiques sont indépendants de leur présence et peuvent-elles passer le relais à l’agent de service qui sera chargée de cet accompagnement dans les premiers temps. Un enfant qui n’investit pas son corps, qui ne parvient pas à le déprendre de celui de sa mère, ne peut pas constituer son Moi de façon bénéfique. Il ne pourra pas non plus investir le langage, et son Moi social sera construit sur des fondations peu stables. Peu ou rarement sollicité pour exprimer ses sensations (de froid, de faim) et ses émotions (peur ou plaisir), il ne peut les métaboliser, en élaborer une analyse de laquelle il tirera les moyens de son autonomie physique mais aussi mentale qui le conduira vers la liberté. « La tétine au bébé, le bonbon à l’enfant, pour qu’il ne parle pas, qu’il n’observe rien, qu’il soit centré sur son tube digestif. Et puis c’est tout. C’est là qu’on met le désir au niveau du besoin, puisqu’on le satisfait. Résultat : cet enfant est obligé de chercher de plus en plus, d’une façon farfelue, et sans langage, à satisfaire un désir sans entrer dans la culture, qui est le langage, qui est la représentation ou la fabrication de ce qu’on n’a pas [2]. »
41L’école aide bien souvent à dénouer la situation quand, acceptant de rencontrer la maman et de nommer le renoncement nécessaire pour que l’enfant puisse développer son désir d’apprendre, elle lui restitue sa fonction éducative comme fonction de négociation incontournable entre son désir et celui de son enfant. Apprendre demande que nous nous fassions violence, que nous acceptions de perdre (ici, le lien à la mère vécu dans la dépendance corporelle), perdre ses repères, ses habitudes, ses certitudes. Nous y gagnons de devenir autre, différent, transformé, sans nous perdre totalement.
Groupe d’appartenance et filiation : « l’album de famille »
42S’identifier, reconnaître son groupe d’appartenance (sa famille, sa communauté ethnique, etc.), c’est s’insérer dans une histoire, recevoir un patrimoine de valeurs et de principes, toutes racines qui ancreront l’exercice futur de sa citoyenneté dans le réel. Aussi est-il impératif d’instruire les enfants des rapports qui les lient anthropologiquement à l’histoire de l’espèce. L’enfant, dans son fantasme de toute-puissance, a du mal à intégrer que le monde ne s’origine pas en lui, d’une part, et d’autre part que la décision, le choix, de sa venue au monde ne lui appartiennent pas, lui échappent. Ces limites communes à tout être parlant relèvent de l’ordre symbolique et sont pour chacun d’entre nous constitutives de la loi.
43Si l’école maternelle a pour mission de socialiser les enfants, elle ne peut ignorer sa responsabilité dans ce processus d’identification que doit activer chaque enfant. Mais cela s’enseigne-t-il ? Certainement pas sous la forme d’un cours magistral, même pas en se contentant de le dire et de le répéter.
44Peut-être pouvons-nous prétendre modestement y contribuer quand nous travaillons à ce que nous appelons, dans l’école, l’album de famille. La démarche, entamée de façon concertée cette année, est celle de l’anthropologue recherchant des traces sur lesquelles il va émettre des hypothèses. Elle se déroulera sur trois ans pour les mêmes enfants (ce qui n’implique pas forcément la même enseignante) et constituera un des points communs de la participation des familles à la vie de l’école. Pour cela, nous les invitons à nous confier des photos, des objets, des récits comme autant de témoignages de l’existence de la lignée.
45La première étape consiste à réassurer chaque enfant dans sa propre ascendance en recevant ces objets comme lui appartenant. Chacun parle et situe l’objet dans une histoire qu’il connaît déjà ou sur laquelle il est curieux de s’informer. La « version de l’histoire », elle aussi, est un bien propre à la famille et à l’enfant, et notre intervention ne peut en aucun cas relever de l’inquisition. Nous recevons les récits comme ils nous sont présentés.
46Admettre un enfant à l’école, c’est s’engager à y admettre sa famille, telle qu’elle est, sans préjugés normatifs. Il n’est pire violence que de disqualifier ses parents aux yeux d’un enfant, si loin ou si étrangers soient-ils aux modèles idéaux que notre société s’est donnés. Quelle que soit notre opinion sur les pratiques sociales et culturelles des parents, nous avons pour mission d’instruire les enfants qui nous sont confiés de la reconnaissance et du respect de leur filiation.
47Ce respect peut parfois prendre l’apparence d’une remise en cause de la parole familiale. Mehdi refuse de mettre son manteau alors que son père (qui arrive du dehors) affirme qu’il fait très froid, ce que confirme la maîtresse en insistant pour que Mehdi se couvre.
48« Laissez, va ! dit le père. Il a dit non et si on l’oblige, il va pleurer ! »
49Et voilà Mehdi enfermé dans son désir de toute-puissance. Parce qu’il refuse d’assumer lui-même le « non » structurant, ce père demande à son fils d’en porter la responsabilité et inverse par là même la filiation. C’est participer au rétablissement d’un ordre structurel que de répondre comme l’a fait la maîtresse.
50« Oui, Mehdi, tu vas mettre ton manteau parce que ton papa te le demande et que ton papa a raison, il ne veut pas que tu sois malade. »
51Les représentations que nous avons des familles en difficultés agissent sur la réalité telle que nous la vivons. Elles constituent pour nous des « attentes » articulées à notre volonté plus ou moins importante de transformer cette réalité. Cela peut nous conduire soit à identifier les enfants à leurs origines et à collaborer à l’idéologie du handicap socio-culturel, soit à créer des espaces du possible soutenant nos exigences du pari de la réussite de ces enfants prétendument voués à l’échec.
Se différencier sexuellement pour s’identifier garçon ou fille
52Telle est la deuxième démarche que l’enfant construit et dans laquelle l’école a un rôle à jouer. La différenciation sexuelle est une question qui préoccupe les tout-petits et dérange les adultes, qui ne savent comment la traiter. L’école maternelle, devenant de plus en plus maternante, confond choc nécessaire et traumatisme et, à ce titre, semble vouloir ignorer sa responsabilité dans l’accompagnement auquel l’enfant a droit pour s’approprier la connaissance de la différence des sexes. Elle développe une attitude plus qu’ambivalente, traitant de manière indifférenciée filles et garçons et ne réussissant qu’à tenter d’annuler cette différence. Sur cette question, les avis se rejoignent dans leur conséquence : l’affaire est trop intime pour en faire un objet scolaire d’apprentissage, ou alors, traiter de cette question serait faire preuve de sexisme. Conséquence non dite mais largement consensuelle : l’école n’a pas à traiter de cette question.
53Par cet évitement, elle participe de la confusion entre le vrai et le juste, à la façon dont le nomme Annick Davisse – « Le vrai du côté du réel, le juste du côté de l’idéal » –, confusion entre égalité et égalitarisme, confusion qui peut conduire jusqu’au déni des différences entre les individus. La maternelle risque ainsi de collaborer au maintien de tabous hérités de la religion plutôt qu’à l’avènement d’une éducation réellement républicaine. Comment prétendre instruire les élèves de l’égalité entre les hommes et les femmes quand filles et garçons sont traités par l’école comme des enfants, asexués, donc amputés d’une partie de leur identité, ou quand, pire encore, sont notoirement associés à chacun des sexes des comportements normatifs déterminants ? Les garçons ne sont-ils pas vécus comme « normalement » plus agressifs que les filles, et les filles comme « naturellement » plus bavardes que les garçons ? S’ils ne l’expriment pas explicitement, les enseignants ne cessent pourtant de parler de sexe (et non de sexualité) : au moment par exemple de constituer les classes, le critère impératif et premier invoqué est « l’équilibre » entre le nombre de filles et celui des garçons. Ici, l’annulation de la différence sexuelle se fait par le biais du quantitatif. Jusqu’au moment où une collègue réfute l’admission de Nathalie, qualifiée de « garçon manqué », dans sa classe. Il s’agit toujours d’un point de vue quantitatif : « En avoir ou pas », comme dit l’autre !
54« Mais, lui répond sa collègue, Maxime, tu en veux bien, il est calme, lui ! Maxime ne serait-il pas une “fille manquée” ? »
55Notre résistance à prendre en compte la différenciation sexuelle à l’école est d’autant plus affirmée qu’elle rencontre le désir de toute-puissance des enfants.
56« Après, je serai un garçon, dit Stéphanie, ajoutant dans un soupir : mon papa, il m’appelle Fanfan et des fois Fane, comme mon cousin (Stéphane). »
57L’enfant est dans le fantasme du tout-être (fille et garçon à la fois) et l’y laisser, c’est lui permettre de nier la nécessité de l’Autre en tant que dissocié et différent de lui. Pour grandir, les enfants ont besoin de se confronter au manque, à la frustration, à l’absence, à l’opposé. C’est la reconnaissance de ce manque qui les ouvrira au besoin et à la reconnaissance de l’altérité. Certes, c’est le père qui, le premier, leur apparaîtra symboliquement comme autre en instituant l’interdit de l’inceste comme loi.
58Inter-dit : ce qui se dit et se transmet entre les humains, édifiant la loi, ce qui se partage entre ceux qui la respectent ou la transgressent.
59L’école doit permettre aux enfants de faire l’expérience d’une relation nouvelle au monde, frustrante, différente de la relation fusionnelle et spéculaire dans laquelle ils étaient pris précédemment. À ce titre, nous ne pouvons faire moins que de les instruire de la différence sexuelle, d’accepter qu’ils s’y intéressent sans porter de jugement moral dévalorisant, d’éviter de les enfermer dans la recherche de comportements sexués socialement déterminés.
60Cet engagement à enseigner le vrai en même temps que le juste exige sûrement de nous la reconnaissance de nos propres tabous, de nos propres représentations et de nos propres projections. Que l’école traite la question de l’identification et de la différenciation sexuelle est une façon pour elle de créer un espace politique, socialisant, dans lequel les enfants pourront se structurer avantageusement.
La fonction anthropologique de l’école maternelle
61L’enfant, « être génétiquement social » comme l’affirmait Wallon [3], n’est pas pour autant socialisé. Plus ou moins pris dans la relation fusionnelle avec sa mère, il vit l’autre comme le même et n’envisage de liens que dans l’amour ou le plaisir, ou la perte d’amour et le déplaisir. Toutes ses actions, tous ses choix en découlent. L’école, elle, est un lieu de socialisation où un enfant peut apprendre à travailler avec les autres sans être obligé pour autant de les aimer, comme ne cesse de le répéter Bernard Defrance. En ce qu’elle permet aux enfants de renoncer à la satisfaction directe de leurs pulsions et d’investir des objets culturels comme objets de sublimation, l’école maternelle remplit une fonction anthropologique. Le processus de socialisation requiert de s’éloigner, de sortir de sa communauté affective pour entrer dans des fonctionnements institutionnels relationnels, distanciés, structurés par des règles qui ne relèvent pas de l’affectif mais des lois, qui conduisent au-delà de son origine et de ses particularismes.
62À l’école, c’est l’enseignant qui institue les règles, rend la justice, organise les conditions de la vie sociale. Il délimite un espace de sécurité où les élèves et lui abordent les questions fondatrices des savoirs et les resituent dans des préoccupations communes à tous les humains, et même si la pratique pédagogique vise à la coopération des élèves, il en reste le garant et l’ultime recours.
Questions d’autorité
63La construction de la socialisation est l’objectif principal de l’école maternelle. Mais « apprendre à vivre ensemble » n’est pas un objectif en soi. En effet, la raison fondamentale pour laquelle certains enfants sont réunis dans une même classe est non, a priori, qu’ils doivent vivre ensemble – aucun lien, ni biologique, ni affectif ne le justifie –, mais qu’ils doivent y recevoir un enseignement dans une même unité de temps et de lieu. Si nous adoptons pour postulat qu’un humain ne peut apprendre seul mais toujours dans des interactions, des échanges et des confrontations avec l’autre (même si cet autre est représenté par l’auteur du manuel scolaire), « apprendre à vivre ensemble » devient une des conditions « d’apprendre ensemble ». L’école participe dans cette optique d’un système éducatif dont la mission même est d’instaurer (sinon de restaurer) et de maintenir une cohésion entre les futurs citoyens et ne peut transmettre ce sentiment d’appartenance à la communauté humaine sans remettre le savoir et la culture comme objets tiers dans la relation pédagogique.
64Privés de perspectives, soumis à des tensions de plus en plus fortes, éduqués et éducateurs sont fragilisés et peuvent être nostalgiques d’un renforcement d’une autorité (un Deus Ex Machina) qui imposerait de vivre et d’apprendre ensemble à défaut d’en donner les moyens. Les jeunes ont besoin de se reconnaître dans la société des adultes pour se respecter et les respecter. Mais le « caïd » dans sa cité comme l’enseignant omnipotent dans sa classe sont dans une impasse où, isolés, ils appellent au secours. Ils ne parviennent même plus à ressentir la violence qui les habite. Elle ne représente plus rien puisqu’elle ne vise plus personne précisément, l’autre n’étant plus identifié comme quelqu’un à qui l’on peut réellement s’adresser et qui peut répondre, mais fantasmé comme tous ceux qui représenteraient un danger.
Rapports de domination et ordre social
Se situer au sein de sa famille
65Savoir de qui l’on vient, c’est se construire une formidable capacité
à être. Cette activité, qui peut prendre la forme de la construction d’un
jeu de cartes, doit permettre à chaque enfant de donner nom et statut aux
personnes ayant pour lui existence et importance. J’ai pu constater à
cette occasion qu’un grand nombre d’enfants investissent un animal
(réel ou inventé) d’une relation affective puissante, rassurante, leur permettant de se rattacher à un être vivant. Au cours d’une telle recherche,
nous sommes amenés à discuter de la fonction de la « nounou » et de sa
non-appartenance à la filiation, de la relation transgénérationnelle entre
parents et grands-parents, du statut de « l’ami de maman qui n’est pas
mon vrai papa », etc. Il est nécessaire d’aider les enfants à identifier et
différencier les liens biologiques, familiaux, affectifs et amicaux, sans
imposer de normes morales mais en les instruisant de connaissances
justes :
« Mon chien, c’est mon petit frère, parce que ma maman, elle veut
plus de bébé » doit être nommé par l’enseignant comme biologiquement
impossible, alors que « Quand je serai grande, je me marierai avec mon
papa » relève de l’interdit fondateur qui assure la perduration de l’espèce.
Rapports de dépendance et désir de domination
66Quand chaque enfant a réalisé le jeu de sa famille, je l’invite à hiérarchiser les cartes dans la relation « qui commande qui ?» Aucun commentaire ne sera fait sur ce rangement, mais j’observe que les relations sont perçues comme ambivalentes et contextualisées. En règle générale, l’enfant se vit comme dominé, définitivement pris dans des relations où « il ne gagne jamais ». Gagner, pour lui, c’est gagner l’autre et non gagner quelque chose, car il lui semble immuable que les grands dominent les petits, que les hommes sont plus forts que les femmes, et que la maîtresse décide de tout. J’utilise le théâtre pour permettre aux enfants de prendre conscience de leurs relations de dépendance, de leurs tentatives de domination et de séduction, afin de les dépasser. Je propose de trouver des exemples de situations de domination dans la vie de la classe, et notamment lors de la récréation. « C’est comme quand Larry, il veut m’obliger à jouer à l’attaque sinon il ne veut plus être mon copain ! »
67En jouant la scène, un enfant insiste sur l’influence que Larry prétend exercer sur un autre. Les enfants reconnaissent bien le leitmotiv en vigueur dans les cours de récréation : « Tu es, ou tu n’es plus, mon copain ou ma copine. » À l’âge où les enfants instaurent des relations choisies, ils ont besoin d’être aidés pour mettre à distance leurs relations affectives. La camaraderie, l’amitié, l’amour sont des sujets dont nous pouvons parler avec les petits en les amenant à sortir de ce qu’ils vivent comme des relations aléatoires, et parfois subies. Dans les cours de récréation se déploie un ordre social que certains enseignants tentent d’ignorer, dans une vision angéliste de la petite enfance. Et pourtant, les conflits traduisent la revendication d’un territoire ou la rivalité entre « chefs de bande ». Les pouvoirs sont établis et les règles implicites ne doivent pas être transgressées. Les insultes et moqueries ponctuent les règlements de comptes et les rapports entre enfants sont souvent le reflet des attitudes observées dans le groupe social auquel ils appartiennent. Comme les adultes, ils peuvent faire preuve d’un esprit de solidarité mais aussi de sexisme, d’élitisme et même de racisme. Passées les portes de la classe, ils n’affichent plus les mêmes attitudes, à moins d’être rapidement « contenus » par la discipline imposée par l’enseignant. Organiser la socialisation ne peut se comprendre sans la prise en compte de cet « ordre social » élaboré par les enfants entre eux. Initier les enfants à des comportements civiques passe par la mise en questionnement des expériences vécues afin que leurs conduites, qui ne sont en rien déterminées, évoluent selon des principes de coopération, de confiance et de respect mutuel.
68Après discussion sur le jeu de rôles, pendant laquelle j’insiste sur la nécessité de trouver une issue, nous essayons de rejouer la scène sur ce principe. Et la menace précédemment évoquée se transforme en argumentation, qui rencontre elle aussi ses limites.
69« Mais s’il ne veut quand même pas jouer avec moi… comment je fais ? »
70« Et toi, comment fais-tu lorsque cela t’arrive ? Montre-nous en le jouant. »
71Les spectateurs rient énormément, reconnaissant une scène familière. Ils échangent leurs stratégies, qui pour se débarrasser d’un importun, qui pour se faire respecter ou instaurer de nouvelles relations. Les enseignantes de l’école leur ont déjà affirmé qu’il est peu probable que personne ne trouve de lien à tisser dans un groupe de près de trente individus. Nous les invitons à y travailler, lorsqu’il est prévu de prendre la photo de classe par exemple : à côté de qui se mettre, comment nous souviendrons-nous des prénoms de tous les enfants, et de celui de la maîtresse ? L’attention à l’autre s’acquiert par l’éducation, elle n’est pas innée.
L’enseignant et les questions d’autorité : autorité et discipline
72L’autorité de l’enseignant repose sur une légitimité de pouvoir issue, d’une part, de son savoir et de sa capacité à le transmettre et, d’autre part, du fait qu’il reçoit de l’État mandat pour éduquer et instruire les enfants de la nation. Mais les connaissances évoluent très vite, leur transmission n’est plus directe et ne relève plus de sa seule intervention, et les réformes successives n’ont pas toujours éclairé sa mission. La perte de cette maîtrise et de confiance en lui a fragilisé l’enseignant dans l’image irrécusable qu’il avait de lui-même. En cherchant à faire de la discipline, il avoue son impuissance alors qu’il tente par tous les moyens de préserver le lien qui l’unit encore à l’élève. L’autorité de l’éducateur repose sur le respect de soi et des autres, s’affermit de la volonté de transmettre un patrimoine de valeurs plutôt qu’une somme de connaissances dont le caractère opératoire est de moins en moins maîtrisé.
Travailler les conflits pour éviter les passages à l’acte
73« Le conflit est généralement assimilé à la violence, peut-être parce que ce qui fait violence dans l’idée même d’un conflit, c’est que l’on s’y retrouve doublement seul : face aux autres, mais aussi dans une bataille avec et contre soi-même pour affirmer sa conviction ou son désir plutôt que de se laisser dominer par ses pulsions, par l’immédiateté de ses réactions. Accepter le conflit, c’est se mettre en déséquilibre en reconnaissant de la violence en soi, une violence qui devra être médiatisée par la parole sans laquelle c’est l’angoisse mortifère qui est à l’œuvre, ou bien la barbarie. Mais en même temps, faire surgir les difficultés sous forme de conflit, c’est trouver la seule voie possible entre la démission et l’autoritarisme, l’une et l’autre positions particulièrement brutales car elles évacuent les élèves en tant que sujets responsables [4]. »
Qui commande à l’école ?
74La connaissance des institutions et de leur fonctionnement fait partie de l’éducation du citoyen. Pourquoi ne pas en faire une initiation dès la maternelle ? Pour de nombreux enfants, le pouvoir de l’adulte est polymorphe, insaisissable, dans la confusion entretenue entre autorité, autoritarisme et responsabilité. Ainsi, quand je les interroge sur ma fonction de directrice, répondent-ils spontanément : « Toi, tu commandes les maîtresses ! »
75Interrogés sur leurs projets en cours, ils acceptent de convenir que je n’y ai pas participé directement par des ordres donnés à l’enseignante ; « On a décidé avec la maîtresse », reconnaît Claire. Ils s’interrogent néanmoins sur mon titre de directrice et ma légitimité : je dirige quoi, je commande qui ? Je les informe que ma fonction m’amène moi aussi à commander… les repas de cantine, les produits d’entretien nécessaires à la vie de l’école, etc. J’indique qu’elle implique la prise de responsabilités. J’ai à répondre devant différentes instances (leurs familles, l’institution, mes collègues et eux-mêmes) de mes choix et de mes décisions.
76« Qu’est-ce que tu ferais si tu voyais une maîtresse taper tout le temps les enfants ? » susurre Claire. Je rappelle alors que l’interdit à frapper les enfants ne m’est pas une décision personnelle, je n’ai pas eu à en donner l’ordre aux enseignantes. Elles l’ont reçu d’une loi valable pour tous dont je dois garantir l’application. J’ajoute que, comme les enseignantes mais encore plus qu’elles, je suis responsable de la sécurité physique, morale et affective de tous les enfants de l’école. Que cette responsabilité, je l’ai choisie, et qu’elle constitue la base d’un contrat implicite avec leurs parents et avec eux-mêmes. J’explique que, lorsqu’un enfant frappe les autres, je ne fais pas que protéger les autres de ses coups au moment où je l’éloigne : je le protège aussi de lui-même, qui ne peut pas encore se contrôler. J’ajoute que je serai obligée de le faire tant qu’il ne se sera pas rendu responsable de lui-même.
77Et c’est Vincent qui conclut en s’écriant : « Je sais ! C’est madame L. (la gardienne) qui commande l’école, parce que c’est elle qui commande les portes ! »
78Manifestation d’un prestige ou exercice d’une responsabilité, comment les enfants perçoivent-ils les rapports d’autorité ?
79C’est en section de grands, lorsque les enfants se sont approprié le fonctionnement de l’école, qu’ils ont expérimenté, examiné, comparé et jugé, une multiplicité de relations aux adultes que cette question peut faire l’objet d’une réflexion collective qui permet d’aborder des notions de morale, pour tenter de dissocier le bien du mal, le permis du défendu en le différenciant de l’interdit – le défendu procédant d’une règle, d’une convention locale, propre à une communauté, un pays, l’interdit provenant d’une loi conditionnant la pérennité de l’espèce.
80En même temps qu’ils reconnaissent à leurs parents le droit de « commander » dans ce que ce droit rejoint leur devoir d’éduquer, les enfants ressentent l’aspect arbitraire du pouvoir des adultes quand ces derniers ne les considèrent pas capables de comprendre les raisons de leurs décisions et de leurs choix, et ne prennent même pas la peine de les leur expliquer. La mise à plat de leurs représentations mentales concernant le pouvoir permet la levée de certaines angoisses ou incompréhensions et les autorise à interroger l’organisation des structures sociales dans lesquelles ils évoluent.
L’interdit et le droit
81« Je veux pas lui prêter le camion ! J’ai pas envie ! Et puis d’abord, j’ai le droit ! »
82Le jeune enfant n’arrive pas encore à instaurer une hiérarchie dans la valeur de ses désirs et de ses actions, se les représente de même nature, et lorsqu’il se sent impuissant à imposer sa volonté, « Je vais le dire à mon père » est la formule magique qui est censée le placer sous la protection d’une puissance indiscutable.
83Dans cette section de moyens, les enfants ont l’habitude de tenir un conseil hebdomadaire. Au-delà d’une simple autorégulation de leurs comportements, le conseil est le lieu où s’élabore une réflexion collective distanciée. La question des droits est centrale pour les enfants de cet âge. Elle rejoint un désir de justice de plus en plus conscient. Il leur faut apprendre que le désir ne donne aucun droit. Un adulte, quel qu’il soit, a-t-il tous les droits ? L’enseignante a-t-elle le droit de ne pas faire classe si elle n’en a pas envie ? A-t-on le droit de ne pas travailler à l’école ? Les droits sont-ils négociables, qui les détient et comment ? Ces questions, les enfants se les posent, à leur manière, avec leurs mots, et ils attendent que nous les aidions à construire des éléments de réponse, même provisoires.
84Aborder la question du droit, c’est forcément s’interroger sur le sens et l’origine des interdits. Une année, la classe des grands est chargée d’expliquer aux classes des moyens le fondement des interdits qui fonctionnent dans l’école : « On n’a pas le droit de frapper les autres enfants, mais même les maîtresses, elles ont pas le droit ! »
85Le droit, c’est le fait que celui qui est victime ne peut se faire justice lui-même. C’est l’interdit de régler un conflit à deux sous peine d’avoir à en répondre devant la société qui institue le droit. En cela, la maîtresse est l’égale de l’élève, elle ne peut exercer « sa » justice au détriment de la justice. Cela équivaudrait à assimiler justice et vengeance. C’est ce qui fonde la loi. Nous devons tous nous référer à un principe extérieur qui décontextualise nos actes et nous permet de les penser pour ne pas avoir à les reproduire sans cesse.
Principe de réalité et apprentissage de la contrainte
86Pourquoi j’arrive pas à faire rentrer ce morceau ? Il est pas bon, le puzzle, il est cassé ! Le principe de réalité n’est pas l’exact contraire du principe de plaisir. Il en est un aménagement constant. Il constitue le champ rationnel des contraintes nécessaires à la vie intellectuelle et sociale. Les contraintes doivent être au cœur même de l’activité. Faire un puzzle, c’est parvenir à faire coïncider les morceaux pour réaliser une image. Faire autrement n’est pas faire un puzzle. Toute expérience est-elle nécessaire à la compréhension des choses ? Éduquer à la responsabilité n’est certainement pas engager l’enfant, quel que soit son âge, à tout redécouvrir par lui-même, mais organiser des situations problèmes qu’il est capable d’affronter et de résoudre. C’est lui permettre de développer ses potentialités en intégrant un patrimoine de savoirs et de culture, pour qu’à la fois il s’adapte à la société qui lui préexiste et contribue à sa transformation.
Contrainte cognitive
87Si le savoir est, de nos jours, élevé au rang de moyen propre à émanciper l’individu, loin de nous l’idée d’en évacuer toute affectivité, qui est un puissant ressort à la réflexion. « [… ] C’est l’affectivité qui assigne une valeur aux activités et en règle l’énergie. Mais l’affectivité n’est rien sans l’intelligence, qui lui fournit ses moyens et éclaire ses buts [5]. »
88Suzanna ( 3 ans et demi) associe des formes géométriques « parce qu’elles sont jolies », dit-elle à la maîtresse qui lui a demandé d’en rechercher les propriétés identiques. Parce que cela l’arrange, parce qu’elle veut que son désir fasse loi et peut-être parce qu’elle ne sait comment faire, Suzanna se dérobe à la consigne, décide d’un autre critère, rejoue son fantasme de toute-puissance. La laisser faire « comme elle veut » serait là générateur d’angoisse, d’un sentiment d’insécurité et d’une perte de confiance en soi. Cela serait, en outre, la marque d’un mépris de ses capacités, que d’aucuns pourraient confondre avec de la tolérance. Perte de confiance en l’adulte aussi qui, après avoir énoncé une consigne, en accepte la modification sans demander à l’enfant d’en rendre compte. L’enseignante invite donc Suzanna à recommencer, répétant la consigne comme une parole tenue. En l’amenant à dissocier ses désirs de ses obligations – « Une autre fois, tu associeras les formes comme tu le souhaites » – elle permet à l’enfant d’intérioriser la fonction structurante de la consigne. La consigne introduit au pertinent et à l’inopérant et, par-là, au possible et à l’impossible. Elle participe de l’apprentissage lui-même et, au-delà de la discipline à laquelle elle s’applique, elle enseigne le rapport à la normativité. Il y a nécessité pour Suzanne à comprendre en quoi il y a contradiction entre la consigne donnée et le résultat obtenu pour qu’elle puisse s’interroger à sa manière sur l’activité mentale qu’elle a menée, faute de quoi elle est renvoyée à du vide (au tout-possible équivalent d’un rien), à une tâche à accomplir sans qu’elle s’y implique.
89La consigne qui contraint se différencie de celle qui soumet quand elle libère l’imaginaire de l’enfant, permet une multiplicité de stratégies, stimule l’envie de savoir. Si la consigne est investie comme condition réfléchie d’une liberté de penser et d’agir, elle permet à l’enfant d’oser apprendre.
Contrainte et liberté
90Dans cette section de grands, Aimad, enfant maghrébin, refuse d’apprendre à danser. « La danse, c’est pour les filles ! » Soumis à la prégnance des représentations culturelles dont il a hérité, en même temps qu’angoissé à l’idée de risquer de changer de sexe, Aimad entraîne dans son refus bon nombre de garçons de la classe. Pourtant, enthousiasmé par un spectacle de hip-hop, il consent à reconnaître : « C’est de la danse, peut-être, mais c’est plus sport, c’est pour ça qu’il y a des garçons dans le spectacle. »
91L’enseignante se sert de cette observation pour leur demander à tous d’intégrer au moins une cabriole dans le parcours d’EPS du jour. Piqué au vif, Aimad a appris à vaincre son obésité pour être plus fort que les autres et faire trois roues et non une seule. Lui qui est si souvent fatigué de travailler, il se plie à toutes les contraintes qu’un tel projet suppose, accepte les efforts à fournir, soufflant, tombant, mais recommençant. Il demande à intégrer sa prouesse dans la chorégraphie collective. Il est prêt à accepter les règles et la discipline qu’exige un tel spectacle : ne pas entrer en scène selon son bon vouloir mais quand le moment est venu, s’obliger à réaliser ses fameuses trois roues même s’il est fatigué, même s’il n’en a pas envie, parce que le spectacle entier en dépend.
92De l’apprentissage des règles, du fonctionnement social à la contrainte librement acceptée, la liberté est l’apprentissage de limites que chacun doit rencontrer comme conditions mêmes de sa liberté.
L’autorité dans tous les sens
93« L’autorité est le pouvoir d’obtenir, sans recours à la contrainte physique, un certain comportement de la part de ceux qui lui sont soumis [6]. » Elle a la particularité d’être universelle et polymorphe. Elle est institutionnalisée dans les rapports sociaux, et constitue un aménagement des relations humaines. C’est dire si l’utopie d’une société constituée d’égaux est constamment à confronter avec notre représentation de l’autorité. Autorité, discipline, soumission, pouvoir sont des systèmes d’organisation et/ou des objets de convoitise qui caractérisent toutes les espèces vivantes socialement organisées. C’est un pouvoir qui ne se comprend que dans une relation entre deux individus ou deux groupes d’individus, une relation d’influence qui suppose compétence, hiérarchie et soumission volontaire.
94Soumission volontaire à des règles de vie collective dont on a d’autant plus reconnu la nécessité qu’on a participé à leur élaboration. Reconnaissance d’une compétence réelle ou imaginaire qui donnera confiance en celui qui la possède. L’enseignant doit avoir la capacité d’exercer « un pouvoir qui donne pouvoir à retrouver le sens premier de l’autorité, c’est-à-dire autoriser l’élève à s’élever lui-même, à devenir acteur, auteur de sa propre formation, pas seulement pour un futur imprévisible, mais dans le présent même de la classe [7] ».
Repères bibliographiques
- BOIMARE, S. 2000. L’Enfant et la peur d’apprendre, Paris, Dunod.
- DIET, Emmanuel. 1994. De culpabilité en responsabilité, revue Autrement, n° 14, janvier.
- JEAN, G. 1993. Enseigner, ou le plaisir du risque, Paris, Hachette Éducation.
- KAËS, R ; ANZIEU, D.; THOMAS, L-V. 1984. Fantasme et formation, Paris, Dunod.
Notes
-
[1]
Lev Vigotski, Pensée et langage, Les Éditions sociales, 1992.
-
[2]
Françoise Dolto, Tout est langage, Le Livre de poche, 1987.
-
[3]
Henri Wallon, De l’acte à la pensée, Flammarion, 1970.
-
[4]
Michèle Libratti ; Christine Passerieux, Les Chemins des savoirs en maternelle, Chronique sociale, 2000.
-
[5]
Jean Piaget, Six études de psychologie, Folio, 1964.
-
[6]
Encyclopédie Universalis.
-
[7]
Bernard Defrance, Les Parents, les profs et l’école, Paris, Syros, 1990.