Notes
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[1]
Nous remercions Isabelle Morin pour sa lecture critique.
En 2011, des collègues se sont présentés sous l’intitulé, « Clinique moderne et scientifique », aux élections du conseil national des Universités, en psychologie (16e section) en France. Ils affichaient explicitement leur intention d’en finir avec la clinique du singulier : « Pour asseoir la cohérence au sein de la psychologie, nous nous engageons à défendre une clinique moderne et scientifique qui est examinée et qui avance grâce aux mêmes critères d’évaluation que ceux adoptés par les autres domaines de la psychologie. La psychologie clinique n’a besoin ni d’un traitement spécifique, ni de critères d’évaluation différents des autres domaines de la psychologie. Nous nous engageons à promouvoir cette position avec toutes les instances nationales et les partenaires impliqués dans l’évaluation ou la promotion de la recherche. » Le plus choquant est-il cette profession de foi, ou le fait qu’aucune organisation syndicale n’a protesté contre la première orientation de la psychologie qui s’érige en exterminatrice d’une autre, et que les listes de diffusion professionnelles l’aient largement diffusée avec un relatif succès aux élections ? -
[2]
Pour une analyse précise de l’histoire du libéralisme, voir Pierre Manent, 2012.
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[3]
Et parfois par d’autres voies : voir Joyce et les artistes en général. Cf. J. Lacan (1975-1976), Le séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, Paris, Le Seuil, 2005.
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[4]
Nous empruntons ici, en un sens différent, le beau titre de l’ouvrage de Bernard Sichère, 2004.
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[5]
« Le discours analytique se distingue du discours scientifique […] le truc analytique ne sera pas le truc mathématique », J. Lacan, 1972-1973, Le séminaire, Livre XX, Encore, leçon du 8 mai 1973, Paris, Le Seuil, 1975.
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[6]
Du point de vue qui nous occupe, voir surtout : Christopher Lasch, 2000.
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[7]
Cités par Cynthia Fleury, 2014, 23.
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[8]
Ibid.
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[9]
« […] l’avenir de la psychanalyse est quelque chose qui dépend de ce qu’il adviendra de ce réel, à savoir si les gadgets par exemple gagneront vraiment à la main, si nous arriverons à devenir nous-mêmes animés vraiment par les gadgets. Je dois dire que ça me paraît peu probable. Nous n’arriverons pas vraiment à faire que le gadget ne soit pas un symptôme, car il l’est pour l’instant tout à fait évidemment. Il est bien certain qu’on a une automobile comme une fausse femme ». (Ibid.)
1 En dehors du débat épistémique relatif à la dette de la psychanalyse à l’endroit de la science (Askofaré, 2013), les rapports entre les deux champs paraissent tendus : les psychanalystes sont accusés aussi bien d’ignorer et de mimer la science quand ils s’y réfèrent (Sokal, 1996 ; Sockal et Bricmont, 1997), que de diaboliser ses effets dans le champ social ; des scientifiques sont accusés en retour – les uns avec motifs, les autres moins – d’avoir déclenché une véritable chasse à la « sorcière métapsychologique », traquant celle-ci de leur haine aussi bien dans les politiques de la santé, dans les institutions de soin, qu’à l’université, avec la lutte ouverte contre la spécificité de la clinique [1], et dans la recherche académique, avec les critères prohibitifs de publication. Cet article se propose moins de décliner les pièces de ce débat que d’envisager ses raisons.
2 La psychanalyse appelle sujet (approximativement) ce qui parle dans l’individu. Elle s’inscrit parmi les disciplines qui voient dans le langage entendu comme pouvoir de symbolisation la caractéristique et la spécificité de l’humain. Grâce à celui-ci, à peine apparu à la surface de la planète, l’humain se découvre fragile devant les forces de la nature, faible au milieu de ses semblables, et, pour couronner le tout, mortel. Nous savons aujourd’hui sa néoténie, qui lui vaut de devoir demeurer longtemps sous la coupe de ceux qui l’ont accouché prématurément. Son incomplétude biologique ne lui permet de rivaliser avec aucun autre animal : sans doute arrive-t-il bon dernier de la classe si on le compare aux poissons pour la nage, aux oiseaux pour le vol, aux guépards pour la course, aux dauphins pour la plongée en apnée, aux singes pour la voltige dans les arbres, aux lézards pour l’escalade, aux éléphants pour la force, etc. Mais c’est précisément cette incomplétude, cette non-finitude, que vient compenser l’invention et l’adoption du langage.
3 Celui-ci révèle à l’humain sa précarité ontologique et la transforme en motivation à la traiter par les moyens du langage : ainsi crée-t-il dans tous les domaines – ontologique, religieux, philosophique, technique, scientifique, artistique, économique, politique… Bref, il invente la civilisation grâce à ce travail de culture comme traitement de la précarité ontologique. Pro(mé)thésé par le symbolique, l’humain se réalise par son travail. Faut-il le souligner ? La science est une invention humaine qui participe de la civilisation comme moyen de traiter sa précarité ontologique.
Le moment cartésien
4 La science s’est d’abord inventée comme un savoir garanti par le savant supposé l’arracher aux dieux : le savoir était vrai depuis toujours et incontestable, au point de s’accumuler dans des supports divers, des livres, des encyclopédies, des bibliothèques, des universités… Les humanistes s’en émeuvent qui tentent d’en protéger leurs concitoyens en limitant son poids : « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine » (Eyquem de Montaigne, 1580). Jusqu’à la découverte qui allait changer de façon radicale le rapport de l’humain au savoir en Occident : le réel est plus fort que le vrai. Bien des faits, dès lors que l’on déchiffre littéralement le monde physique en langage mathématique, viennent objecter au savoir accumulé jusque-là : un des plus célèbres est la découverte que les astres ne tournent pas rond ainsi que la cosmologie de Ptolémée l’enseignait ; mais encore, la Terre n’est pas le centre du monde, et le soleil ne tourne pas autour d’elle, l’humain n’est pas le primus inter pares des « créatures » mais un état de l’évolution… Il revient à Galilée d’imposer cette lecture du monde comme s’il s’agissait d’un grand livre mathématique. Sans doute l’effet de cette mutation du savoir fut comparable à ce que les modernes ont connu avec la chute du mur de Berlin ou la fin de l’apartheid !
5 Mais alors : comment être sûr du savoir si ni les dieux ni les savants ne peuvent en garantir la vérité ? C’est à cette question que Descartes apporte une réponse. Confrontant méthodiquement les savoirs au doute hyperbolique, force lui est de constater qu’aucun ne tient. Au lieu de sombrer dans le scepticisme, il prend acte du fait que les savoirs les mieux assurés deviennent inconsistants dès lors que le sujet s’y introduit avec le doute. On connaît sa conclusion : « Si de penser, de douter, le savoir s’effondre, alors il faut bien que le sujet du doute et de la pensée existe. » Ou : « Je pense, cela met la pagaïe dans le savoir : donc je suis. »
6 Cette expérience mentale devient la matrice de l’acte du savant, s’appuyant sur la cause formelle (si A, alors B) dès lors la seule privilégiée dans le champ de la science. Elle sépare le sujet qui fabrique la science, celui qui pense et doute, du sujet produit comme fait de discours et offert à l’étude. C’est cette distinction que Descartes reprend sous les espèces de la division entre l’âme, renvoyée à la métaphysique, et le corps (l’organisme), livré à la physique. Cette séparation est alors la condition de l’objectivité en même temps que de la généralisation des savoirs produits. À la fois la science ne peut pas se passer du sujet qui la fabrique, et à la fois le savoir qu’elle produit ne doit porter aucune trace de sa subjectivité qui en limiterait la portée. D’où la célèbre formule de Jacques Lacan, selon laquelle « la science s’avère définie par la non-issue de l’effort pour […] suturer » le sujet (Lacan, 1966b, p. 861). En ce sens, parler de forclusion du sujet par la science est abusif, puisqu’il est l’agent du discours scientifique. Par contre la science ne veut rien en savoir : rien savoir de ce qu’il est, rien savoir de son désir, forclusion de la vérité comme cause alors même qu’elle tirait l’idée de cause de l’expérience même du sujet avec son désir.
7 L’acte de Descartes ne s’arrête pas à ce constat. Il met fin à des siècles de quêtes ontologiques cherchant à toute force à attraper l’être des choses avec de la pensée. Or le langage ne peut faire que représenter, de sorte que le réel de ce dont il parle est raté. Sous réserve d’en séparer les traces du sujet qui fabrique la science, les mathématiques permettent un usage du symbolique qui ne « se » parle pas mais s’écrit et permet de mieux approcher le réel de la physique. Quant au sujet, il n’est pas à chercher ailleurs que dans l’acte par lequel il s’affirme : « Cogito, je pense, je suis. » Lacan en déduira que le Cogito doit être reformulé. Il y a d’abord cet acte du sujet qui s’affirme dans le « Je pense donc » et qui produit une pensée, « Je suis ».
8 Disons ici de façon carrée, que la science isole le sujet parlant (le sujet du doute, de la pensée, de la science elle-même), lequel se réduit à l’acte par lequel il s’affirme et s’effectue. C’est ce sujet qui inventera la psychanalyse – le rapprochement par Lacan du discours hystérique et de la science n’est pas de hasard –, et c’est de ce sujet que la psychanalyse va s’emparer, celui qui demeure aux prises avec les questions existentielles jusque-là traitées par les ontologies aujourd’hui disqualifiées faute de pouvoir rivaliser avec la rigueur paranoïaque de la science. La psychanalyse va s’en emparer justement parce que la science ne veut rien en savoir. La science veut si peu en savoir qu’elle ne dit pas au sujet ce qu’il convient de faire d’elle-même, l’abandonnant à son angoisse. Ce faisant est ainsi préparé le terrain pour que le sujet repère qu’il existe deux voies pour appréhender le réel : celle de la science et celle de l’angoisse. Le discours de la psychanalyse choisira précisément la voie de l’angoisse. En ce sens, la psychanalyse et son sujet sont bien fille et fils de la science moderne.
Le moment révolutionnaire
9 Sans doute l’émancipation du sujet de la science nous fait-elle oublier une autre condition du surgissement de la psychanalyse : la lutte des révolutionnaires pour assumer la responsabilité de leurs actes. Après tout, si à suivre Rousseau, l’humain était dénaturé par l’éducation et la civilisation, c’est bien qu’il n’était marié avec aucune des déterminations religieuses ou politiques. Il pouvait couper la tête au Roi et s’émanciper du Dieu qui en garantissait l’autorité.
10 C’est dans ce contexte que Saint-Just proclame au lendemain de la Révolution : « Le bonheur du peuple est une idée neuve en Europe » (Saint-Just, 2004). Certes les cataclysmes climatiques, les épidémies, la famine, les guerres, frappaient et frappent indifféremment riches et pauvres, toutes classes sociales confondues. Mais lorsqu’il s’agit des bénéfices de l’Ancien Régime, il n’en était plus de même. En outre, disait-on déjà, les pauvres sont habitués à la souffrance, ils la supportent mieux que les riches. Ils n’ont rien connu d’autre : « Ils sont heureux comme cela ! » Eh bien, maintenant, on peut penser que non.
11 Sous l’impulsion entre autres de Sieyès (Sieyès, 1999, 2007 ; Guilhaumou, 2002), la constitution de 1791 adopte le vote censitaire : seuls les plus riches qui contribuent à la bonne marche de l’économie nationale ont le droit de voter, puisque le pourcentage de leurs impôts dépasse une certaine limite – le cens. Avec le même esprit que Saint-Just, certains acteurs de la Révolution s’insurgent contre cette confiscation de la démocratie. Et c’est au cours de ce débat que Guizot prononce la phrase fameuse à l’intention de ceux que l’infortune empêchait de voter : « Enrichissez-vous ! » (Broglie, 1990), reprenant, version libérale, le « conseil » non moins fameux de Marie-Antoinette au peuple affamé – « Plus de pain ? Mangez de la brioche ! »
12 De la sorte, deux conceptions du « vivre ensemble » s’opposaient : pour aller vite, celle de Saint-Just (1767-1794) et celle de Guizot (1787-1874), pas tout à fait contemporains (que l’historien nous pardonne et ne retienne que la logique). Pour le premier, seule l’adoption des valeurs communes permettrait de construire une collectivité solidaire (« Liberté, égalité, fraternité »). Pour le second, rien ne doit limiter la liberté conquise, en particulier au plan économique et quel que soit son mode d’exercice. La vertu contre la canaillerie.
13 Commentant cet épisode de l’histoire, Jacques Lacan note que l’idée de bonheur du peuple non seulement n’était pas nouvelle, mais était capable de contribuer au retour de l’Ancien Régime. Le nouveau, c’est qu’ayant goûté à la liberté de désirer, un peuple se mobilise pour la défendre : « Sade, le ci-devant, reprend Saint-Just là où il faut. Que le bonheur soit devenu un facteur de la politique est une proposition impropre. 1l l‘a toujours été et ramènera le sceptre et l‘encensoir qui s‘en accommodent fort bien. C‘est la liberté de désirer qui est un facteur nouveau, non pas d‘inspirer une révolution, c‘est toujours pour un désir qu‘on lutte et qu‘on meurt, mais de ce que cette révolution veuille que sa lutte soit pour la liberté du désir » (Lacan, 1966a, p. 785). Sans l’avènement de ce sujet du désir, responsable de sa position – conséquence « éthique » autant que politique de l’apparition du sujet de la science – pas de psychanalyse.
Le moment libéral
14 Dans la suite des Sieyès, et devant les querelles idéologiques, s’invente le libéralisme (Mandeville, 2006 ; Smith, 2014, 1995. Pascal, 1998-1999) [2]. D’un côté, celui-ci renvoie la question du sens à la sphère privée (Weber, 2004), espérant mettre ainsi un terme définitif aux guerres de religion : la promotion de la laïcité s’inscrit dans ce processus. D’un autre côté, et pour se réaliser, il réduit les rapports entre les gens à leur valeur marchande, récuse la dimension du désir à laquelle il substitue besoin et caprice, et promet de guérir les sujets du manque en leur fournissant, grâce à la technoscience, l’objet dont ils ont besoin. Cette opération se solde par la forclusion (le rejet) de l’opération avec laquelle le sujet tentait de se penser comme manquant et désirant, la castration – on va l’apprendre avec Freud.
15 Le discours analytique est à la fois le dispositif qui convient pour recueillir le sujet que la science s’efforce en vain de rejeter (avec ses questions existentielles) ; il privilégie le sujet du désir (de la parole), il est le retour dans le réel de la castration dont le libéralisme (le discours capitaliste, en fait) ne veut rien savoir et pas même refouler.
16 Les sujets qui naissent après la science moderne, la Révolution française et l’avènement du libéralisme, se trouvent privés des réponses de la religion incapable de rivaliser avec la science en certitude. Le sujet ne pouvait trouver dans le langage – du fait même de sa structure et de ses caractéristiques – la réponse définitive à la question de ce qu’il est. Si le langage est apte à représenter, il est inapte à saisir le réel dont il « cause » et dont il « fait » alors la « cause du désir ». Du coup le sujet trouve dans cette cause le « moteur » qui le pousse à la recherche du « réel de son être » auprès de l’Autre sous la forme d’un Autre qu’il fabriquait lui-même tel les dieux… Cet Autre lui fournissait une réponse et des idéaux qui fondaient la modalité de « vivre ensemble » de ceux qui l’adoptaient. C’est tout cela qui est disqualifié et est enregistré comme la « fin des grands récits » (Lyotard, 1979) par la modernité, le discours capitaliste. Aussi le sujet rapatrie les dieux dans l’inconscient et se fabrique une religion privée : la névrose.
Le moment freudien
17 Historiquement, la science, la Révolution et le libéralisme président à l’invention du sujet pour vivre aux temps qui s’ouvrent. C’est cette « invention » assortie du fantasme et du symptôme de chacun que Freud recueille de ses analysants. Le fantasme interprète le manque du sujet et soutient son désir, tandis que le symptôme rappelle au sujet qu’il n’est pas qu’un être virtuel. Bien plus, ce dernier est de fait la solution adoptée pour faire tenir ensemble les dimensions dont le sujet est constitué : le Symbolique (le langage), l’Imaginaire (le sens, le corps), et le Réel (le bout de jouissance auquel il peut avoir accès…).
18 C’est cette « résolution » par le fantasme et le symptôme que Freud qualifiera de religion privée. Lacan pousse un peu plus loin en nous incitant à ranger côté religieux toute solution que le sujet emprunte à un Autre : à ce titre la solution par le complexe d’Œdipe, par le père, est une solution religieuse. À celle-ci s’oppose la solution que le sujet déduit de sa cure [3] et qu’il appelle le sinthome. Le sinthome suppose que le sujet « y mette du sien ». Il le fait à partir de la découverte de ce qu’il est comme objection à ce que l’Autre ait la réponse : il découvre dans la cure de quoi il est fabriqué – en prenant une vue sur un bout de réel, en vérifiant à partir de ce « bout » qu’aucun savoir ne sera jamais capable de réduire le réel à du savoir ainsi que la religion le prétend. C’est la fin du sujet supposé savoir sur ce point, fin qui produit un sacré allègement : la fin de la pression pour que l’Autre réponde ou pour lui répondre.
19 En principe tous les analystes devraient avoir fait cette expérience, les conduisant à penser qu’ils pourraient à la fois partager ce soulagement et leur solitude avec quelques autres – jusqu’à cette folie, prendre la place d’analyste. Ce devrait être un collectif de personnes guéries de la tentation religieuse. C’est sans compter sur le fait qu’il y a apparemment moins d’analysants parvenus au terme de leur cure que d’analystes, et que ceux qui pratiquent la psychanalyse sont sans doute des malades du transfert (après des années de cure). C’est pourquoi la question associative est importante. Est-on dans une Église au service d’une orthodoxie ou fait-on École de servir le discours analytique ? Certes on doit travailler les concepts, mais ceux-ci n’ont d’intérêt que s’ils nous aident à saisir qu’il y a un réel qui échappe de toutes les façons, et que c’est sur lui que la cure s’oriente.
Le moment lacanien
20 Sans doute le moment lacanien [4] est-il celui où la découverte freudienne reçoit son nom propre. Après tout, rien de ce qui précède n’aurait pu être écrit sans l’enseignement de Lacan ! On sait son effort pour fournir le mathème de ce qui s’enseigne et pour produire la logique du discours analytique dans des termes dignes de la science. On sait encore que cet effort débouchera sur l’objet a comme invention propre, et celle du symptôme, l’index de ce réel qui met en échec non seulement le langage à saisir le réel dont il parle, mais celui des mathématiques et de la science elles-mêmes. C’est pour quoi « le truc analytique ne sera pas le truc mathématique [5] », et que la psychanalyse ne saurait être la science de l’objet a. Néanmoins, ce que Lacan nous a légué nous permet d’interroger la signification de la psychanalyse dans le monde contemporain.
21 De fait, nous avons assisté au mariage de la science et du marché pour accoucher finalement du néolibéralisme (Sauret, 2009). Le néolibéralisme secrète une idéologie, le scientisme, qui donne à croire que la science peut non seulement répondre aux questions qui sont les siennes (descriptions, démonstrations, explications physiques) mais qu’elle donnerait également accès aux questions existentielles comme le prouvent le surgissement de sectes et de mouvements d’allure scientistes : Raëliens, Scientologie, Église de la science chrétienne, Transhumans, Design intelligent… À dire vrai, avec le néolibéralisme, ce n’est plus le droit qui préside à l’organisation de la Cité, mais le calcul : là où Freud fondait la civilisation dans la substitution du droit à la force animale, la nouvelle organisation sociale substitue le calcul au droit. Le scientisme suscite, lui, une anthropologie également idéologique avec laquelle il invite chacun à se penser : machine, organisme, entreprise de soi-même – utile, rentable, économique, durable, flexible, et, dans tous les cas, évaluable.
22 Cette évaluation généralisée entérine la soumission de la politique à l’économique. Alors que la civilisation a été inventée par les humains pour traiter leur précarité ontologique, nous l’avons rappelé, voilà que pour la première fois dans l’histoire celle-ci se retourne contre elle-même et rajoute une précarité matérielle : sdf, sdp, chômeurs, pauvres et grands pauvres, exclus de toutes catégories…
23 Sans doute chacun peut-il constater la mutation que le régime de l’évaluation et la subordination au calcul imposent : les savoirs deviennent inaptes à répondre aux questions existentielles, parce que celles-ci interrogent la vérité du sujet (ce que le langage ne peut fournir) et que lui est préférée l’exactitude mathématique. Les disciplines académiques sont réquisitionnées pour fabriquer la théorie de l’individu que nécessite le fonctionnement du capitalisme. C’est particulièrement lisible dans le champ de la psychologie et de la psychiatrie où les accidents, troubles, dysfonctionnement, et autres pannes prennent la place jusque-là dévolue aux symptômes (cf. le dsm). La transformation de l’université et plus largement de l’Éducation nationale en entreprise libérale est en cours. Même de nombreux parents exigent que la maternelle devienne un lieu d’apprentissage au sens plein et que l’école s’avère déjà un lieu de « lutte pour la vie » et non plus un espace transitionnel où les enfants sont libres d’essayer les « sets de vies » mis traditionnellement à leur disposition (Freud, 1914, p. 227-231).
24 Nous connaissons les limites de cet état de fait pour celui qui se laisse ainsi suggestionner. Il ne disposera pas de l’appui de la castration et son symptôme sera pré-interprété dans les termes du politiquement correct. Il ne pourra ni s’appuyer sur le génie de sa structure (névrose, psychose ou perversion) ni développer la solution sinthomatique autrement à sa portée. Sans reprendre ici le débat autour de la « nouvelle économie psychique » (Melman, 2002), il se présentera sous la forme que d’aucuns ont épinglé du terme d’état limite (Bergeret, Reid et coll. 1986 ; Green, 1983 ; Kernberg, 1997 ; Kohut, 2004) [6].
25 Il n’est pas rare de voir des étudiants en train de vérifier sur Internet, via leurs mobiles, l’exactitude de telle ou telle information ou référence au fur et à mesure que l’enseignant déroule son cours. Il suffit d’ailleurs à quelques-uns d’entre eux de s’assurer que les données sont ainsi disponibles pour ne plus prendre de notes. Non seulement les big data ne visent pas à apprendre à un ordinateur à penser comme un être humain, mais certains êtres humains arrêtent l’exercice de la pensée (Cukier, Mayer-Schrönberger, 2014) [7]. Ces derniers croient que l’ordinateur travaille à leur place, alors qu’au mieux, il applique « des règles mathématiques à des ensembles de données pour en inférer des probabilités ». Mais les données recueillies de cette façon relèvent de corrélations (la masse de donnée permet un perfectionnement infini) qui n’ont rien à faire avec la causalité habituellement à l’œuvre dans le champ de la science : que la science ne veuille rien savoir de la vérité comme cause, ne signifie pas qu’elle ne veuille rien savoir de la cause. Or, il se pourrait que « le déluge de données rende la méthode scientifique obsolète [8] ».
26 Sans doute tenons-nous là l’une des raisons de la promotion de la psychopathologie biologique, de la psychopathologie expérimentale, des théories cognitivo-comportementales, de la psychologie de la santé – autant de théories construites sur des corrélations et des calculs de probabilités : sans aucune idée de la cause, laquelle est rabattue sur la croyance préexistante dans une détermination mécanique qui rendrait compte a priori de toutes les corrélations. Vous avez dit : psychologie scientifique ?
Une solution mathématique
27 Pourquoi nos contemporains et peut-être nous-mêmes (psys en tout genre et leurs associations, universitaires, praticiens et administratifs institutionnels du champ), nous laissons-nous capturer et formater par le discours capitaliste ? Pour le saisir, il convient de s’arrêter sur la structure du sujet telle que Lacan l’a énoncé : « Le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant. » Le premier signifiant, parce qu’isolé, est inapte à produire le moindre sens, sauf à être rapproché d’un second. Mais celui-ci ne contribue au sens que du fait de cette articulation. De sorte que celui qui chercherait à le saisir pour lui-même tomberait sur un nouvel S1 en quête de S2. D’où le déploiement infini de la chaîne signifiante sans pouvoir saisir le dernier mot : S1->(S1->(S1->(…->S2))). À ceci près que le savoir (articulation de signifiants), comme le signifiant, est toujours aussi incapable de saisir le réel dont il s’agit et que Lacan indexe de la lettre a.
28 Ce fonctionnement du signifiant, aux prises avec ce réel qui le transcende, explique qu’il soit disponible pour les questions existentielles, à la différence de la lettre (et du nombre) mieux apte à chiffrer le réel. C’est aussi pour cela que celui qui parle – celui qui porte le signifiant « vivant » dans le réel, en est affecté : marqué d’une perte de substance (à n’être que représenté), celle-là même qu’il symbolise via la castration. Cette substance « jouissante », nous savons qu’elle peut être épinglée par la lettre du symptôme, non sans que le sujet ne se mette en quête de la récupérer.
29 La différence sexuelle s’offre très tôt à la fois comme identification, selon que le sujet consente à se ranger sous le signifiant Femme ou le signifiant Homme, et comme promesse de récupérer un peu de ladite substance avec le partenaire. Le partenaire est ici celui qui promet de me confirmer, grâce à la restitution d’un peu de substance, dans mon identité masculine ou féminine. À dire vrai, Lacan nous a appris à désigner comme se rangeant sous le S1 Homme le sujet parlant, celui qui fait confiance au langage et qu’il inscrit dans la partie gauche du tableau de la sexuation, mettant le sujet qui se range sous le signifiant Femme du côté du S2. Le sujet rangé sous Homme espère récupérer cette part perdue à parler au travers de la jouissance sexuelle que lui permettrait le sujet rangé sous le signifiant Femme quand il (elle) consent à causer son désir. Or, la jouissance qu’elle éprouve lui est inaccessible : il s’en trouve, tout maître qu’il soit (S1), castré. Sa substance (a) le fuit. Quant au sujet rangé sous le signifiant Femme, loin de récupérer ainsi le réel qui dirait ce qu’est La Femme, « elle » rencontre une jouissance qui la fait Autre à elle-même. De la sorte, lui est révélé le vide de la place de la femme, puisqu’aucun « signifiant congru » n’est capable de nouer femme et jouissance.
30 Quel rapport avec la question qui nous occupe ? Tout d’abord il s’agit de la démonstration logique du fait qu’il n’y a pas de rapport sexuel inscriptible tel que sa réalisation rendrait à chacun des partenaires la substance qui lui donnerait sa consistance d’homme ou de femme. Ensuite, non sans surprise, Lacan nous indique que c’est précisément dans le lieu vide de la femme que la science vient s’installer et où elle tient lieu désormais de désir de savoir (Lacan, 1991, p. 182). La science prend la fonction de la curiosité sexuelle infantile. Elle retient des aventures du sujet l’idée même de cause ainsi que nous l’avons déjà avancé. Et à cet endroit elle fabrique les objets dont la technoscience est capable et que le marché propose comme susceptible de fournir cette substance et consistance que le langage ordinaire et la structure du sujet dérobe.
31 Dans le chapitre qu’il consacre aux lathouses, Jacques Lacan propose d’écrire 1 la marque que le sujet reçoit du signifiant S1, et d’écrire 1+1 le couple qu’il cherche à former (homologue au S1->S2). Il valide cette écriture pour l’acte par lequel le sujet s’effectue et s’affirme dans le Cogito. Cette proposition lui permet d’écrire le rapport du sujet au couple sous la forme d’une fraction : 1/1+1. Mais du coup, si l’on cherche à saisir le second 1 (de la ligne inférieure), il est lui-même rapport de 1/1+1, le dernier 1 étant encore 1/1+1 à l’infini. Si l’on commence le calcul par la dernière fraction, on trouvera ½, puis 1/3, puis 1/5, soit… une suite de nombres (au dénominateur) qui n’est autre que la série de Fibonacci (1, 2, 3, 5 tels que chacun est la somme des deux précédents). Et si l’on a poursuivi le dépliement suffisamment loin, le résultat global tend au nombre d’or. Au-delà de ces particularités mathématiques, l’essentiel pour Lacan est de noter que ce rapport ne tombe pas juste : il y a toujours un reste non intégrable au signifiant, et c’est ce reste qu’il convient de noter a – comme ce qui est rebelle à tout calcul en un sens, ce qui met en échec les mathématiques.
32 Dès lors peut-être pouvons-nous saisir comment les objets fabriqués par la technoscience et proposés par le marché capitaliste sont contaminés par l’objet cause du désir. Tel est le sens de la remarque de Lacan concernant le fait que l’on puisse avoir une voiture comme une « fausse femme » (Lacan, 1975). Pour autant il juge improbable que le sujet se réduise à une machine ou à un objet parmi les objets [9] – du fait même de l’irréductibilité de la cause du désir.
L’issue analytique
33 Une seule question intéresse alors Lacan : ce sujet ainsi élevé au biberon capitaliste sera-t-il capable d’entrer en analyse, d’aller à son terme logique et de prendre la place de l’analyste ? Alors seulement nous tiendrions la réponse à la question de ce qui prendra le relais du psychanalyste (et non de la psychanalyse) à l’avenir. Prendre le relais aura supposé que l’analysant ait pu dissocier l’objet cause du désir et l’objet manufacture, ou, pour le dire avec Pierre Bruno, qu’il ait disjoint le plus-de-jouir et la plus-value qui écartèlent celui qui se laisse suggestionner (Bruno, 2010). Cela éclaire d’un autre point de vue ce que peut signifier le discours analytique constituant une sortie du discours capitaliste (Lacan, 1974, p. 520) : mettre le capitalisme hors de soi parce que l’on aurait remis l’objet à sa place…
Bibliographie
- Askofaré, S. 2013. D’un discours l’Autre. La science à l’épreuve de la psychanalyse, Toulouse, pum, collection « Psychanalyse & ».
- Bergeret, J. ; Reid, W. et coll. 1986. Narcissisme et états-limites, Paris, Dunod.
- Broglie, G. de. 1990. Guizot, Perrin, 2002.
- Bruno, P. 2010. Lacan, passeur de Marx. L’invention du symptôme, Toulouse, érès, coll. « Point hors ligne ».
- Cukier, K. ; Mayer-Schrönberger, V. 2014. Big Data. La révolution des données est en marche, Paris, Robert Laffont.
- Eyquem de Montaigne, M. 1580. Les essais, disponible en ligne (2015) en version intégrale et originale.
- Fleury, C. 2014. « Le probabilisme, nouveau dogme ? », L’Humanité, 12 mars, p. 23.
- Freud, S. 1914. « Sur la psychologie du lycéen », dans Résultats, idées, problèmes, t. 1, Paris, Puf, 1984, 227-231.
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Mots-clés éditeurs : lien social, discours analytique, Descartes, discours capitaliste, désir de l’analyste, science, libéralisme, symptôme
Date de mise en ligne : 24/02/2016
https://doi.org/10.3917/cm.093.0263Notes
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[1]
Nous remercions Isabelle Morin pour sa lecture critique.
En 2011, des collègues se sont présentés sous l’intitulé, « Clinique moderne et scientifique », aux élections du conseil national des Universités, en psychologie (16e section) en France. Ils affichaient explicitement leur intention d’en finir avec la clinique du singulier : « Pour asseoir la cohérence au sein de la psychologie, nous nous engageons à défendre une clinique moderne et scientifique qui est examinée et qui avance grâce aux mêmes critères d’évaluation que ceux adoptés par les autres domaines de la psychologie. La psychologie clinique n’a besoin ni d’un traitement spécifique, ni de critères d’évaluation différents des autres domaines de la psychologie. Nous nous engageons à promouvoir cette position avec toutes les instances nationales et les partenaires impliqués dans l’évaluation ou la promotion de la recherche. » Le plus choquant est-il cette profession de foi, ou le fait qu’aucune organisation syndicale n’a protesté contre la première orientation de la psychologie qui s’érige en exterminatrice d’une autre, et que les listes de diffusion professionnelles l’aient largement diffusée avec un relatif succès aux élections ? -
[2]
Pour une analyse précise de l’histoire du libéralisme, voir Pierre Manent, 2012.
-
[3]
Et parfois par d’autres voies : voir Joyce et les artistes en général. Cf. J. Lacan (1975-1976), Le séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, Paris, Le Seuil, 2005.
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[4]
Nous empruntons ici, en un sens différent, le beau titre de l’ouvrage de Bernard Sichère, 2004.
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[5]
« Le discours analytique se distingue du discours scientifique […] le truc analytique ne sera pas le truc mathématique », J. Lacan, 1972-1973, Le séminaire, Livre XX, Encore, leçon du 8 mai 1973, Paris, Le Seuil, 1975.
-
[6]
Du point de vue qui nous occupe, voir surtout : Christopher Lasch, 2000.
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[7]
Cités par Cynthia Fleury, 2014, 23.
-
[8]
Ibid.
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[9]
« […] l’avenir de la psychanalyse est quelque chose qui dépend de ce qu’il adviendra de ce réel, à savoir si les gadgets par exemple gagneront vraiment à la main, si nous arriverons à devenir nous-mêmes animés vraiment par les gadgets. Je dois dire que ça me paraît peu probable. Nous n’arriverons pas vraiment à faire que le gadget ne soit pas un symptôme, car il l’est pour l’instant tout à fait évidemment. Il est bien certain qu’on a une automobile comme une fausse femme ». (Ibid.)