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Article de revue

Le fétiche comme condition de la perversion. Tout sujet pervers est-il fétichiste ? Exemples cliniques

Pages 227 à 241

Notes

  • [1]
    1J. Lacan, « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » (1960), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 682.
  • [2]
    J. Lacan, « La direction de la cure » (1958), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 610.
  • [3]
    Voir J. Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir » (1960), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 817.
  • [4]
    Voir les développements de ce concept dans le Séminaire de 1958-1959, Le désir et son interprétation (Paris, La Martinière, 2013).
  • [5]
    S. Faladé, « Repères structurels des névroses, psychoses et perversions » (1986), dans Clinique des névroses, Paris, Anthropos, 2003, p. 335.
  • [6]
    S. Freud, « Le fétichisme » (1927), dans Œuvres complètes. Psychanalyse, t. XVIII, Paris, Puf, 1994, p. 127.
  • [7]
    Ibid., p. 129.
  • [8]
    S. Freud, « Le clivage du moi dans le processus de défense » (1938), dans Résultats, idées, problèmes, Paris, Puf, 1985.
  • [9]
    S. Freud, « « Leçons d’introduction à la psychanalyse » (1915-1917), dans Œuvres complètes. Psychanalyse, t. XIV, Paris, Puf, 2000, p. 315.
  • [10]
    S. Freud, « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci » (1910), dans Œuvres complètes, t. X, Paris, Puf, 1993, p. 122.
  • [11]
    J.R. Freymann, « Le pervers et la lettre », Apertura, 5, 1991, p. 132.
  • [12]
    S. Freud, « De la genèse du fétichisme » (1909), Minutes n° 70, séance du 24 février, Revue internationale d’histoire de la psychanalyse, n° 2, 1998, p. 426.
  • [13]
    I. Bloch (1902-1903), Beiträge zur Aetiologie der Psychopathia sexualis, Dresde, H.R. Dohrn.
  • [14]
    On notera que déjà dans l’édition de 1923, la Psychopathia sexualis de Richard von Krafft-Ebing, reprise par Albert Moll, indique que si auparavant on avançait que le fétichisme pathologique n’avait pas de relation avec les organes sexuels proprement dit, on remarque toutefois que certaines parties du corps, comme les seins ou les organes génitaux féminins ou masculins, peuvent susciter l’intérêt exclusif du fétichiste. R. von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis (1923), 16e et 17e éd refondues, trad. fr. R. Lobstein, Paris, Payot, 1963, p. 314.
  • [15]
    Ibid., p. 315.
  • [16]
    S. Freud, « De la genèse du fétichisme », op. cit., p. 429.
  • [17]
    S. Freud, « Un cas de fétichisme du pied » (1914), dans Les premiers psychanalystes. Minutes de la société psychanalytique de Vienne, séance du 11 mars 1914, Paris, Gallimard, 1975, p. 280.
  • [18]
    S. Freud, « Leçons d’introduction à la psychanalyse », op. cit., p. 214-215.
  • [19]
    Par exemple l’ensemble du passage dont nous avons déjà évoqué la dernière partie : J. Lacan, « La direction de la cure », op. cit. : « Mes élèves sauront ici déplorer que l’enseignement de mon séminaire n’ait pu alors l’aider, puisqu’ils savent sur quels principes je leur ai appris à distinguer l’objet phobique en tant que signifiant à tout faire pour suppléer au manque de l’Autre, et le fétiche fondamental de toute perversion en tant qu’objet aperçu dans la coupure du signifiant. »
  • [20]
    H. Rey-Flaud, Comment Freud inventa le fétichisme et réinventa la psychanalyse, Paris, Payot, 1994, p. 201.
  • [21]
    J. Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir », op. cit., p. 825.
  • [22]
    H. Sachs, « Genèse des perversions » (1923), (préface et traduction par Jacques Adam), La cause freudienne, n° 25, septembre 1993, p. 79.
  • [23]
    Ibid., p. 80.
  • [24]
    S. Freud, « Trois essais sur la théorie sexuelle » (1905), dans Œuvres complètes. Psychanalyse, t. VI, Paris, Puf, 2006, note 1, p. 99.
  • [25]
    Ibid., p. 99.
  • [26]
    S. Freud, « Un enfant est battu » (1919), dans Œuvres complètes. Psychanalyse, t. XV, Paris, Puf, 1996.
  • [27]
    H. Sachs, op. cit., p. 80.
  • [28]
    Ibid., p. 80.
  • [29]
    Ibid., p. 81.
  • [30]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVI, D’un Autre à l’autre (1968-1969), séance du 26 mars, Paris, Le Seuil, 2006, p. 253.
  • [31]
    Ibid., séance du 30 avril 1969, p. 291.
  • [32]
    J. Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir », op. cit., p. 821.
  • [33]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, L’angoisse (1962-1963), séance du 27 février, Paris, Le Seuil, 2004, p. 178.
  • [34]
    R. von Krafft-Ebing, op. cit., p. 327.
  • [35]
    Ibid., p. 327.
  • [36]
    Ibid., p. 327-332.
  • [37]
    L. Sacher-Masoch, « La Vénus à la fourrure » (1870), dans G. Deleuze, Présentation de Sacher-Masoch, Paris, Éditions de Minuit, 1967.
  • [38]
    Voir note ci-dessus.

 

1 Comment comprendre la phrase de Lacan : « Le fétiche dans la structure perverse [est la] condition absolue du désir [1] » ? Veut-il dire que le fétiche, si par hasard il est impliqué chez tel ou tel sujet pervers, serait alors la condition de son désir, ou bien cette affirmation soutient-elle que, dans l’organisation perverse, le désir est toujours conditionné par le fétiche, autrement dit que celui-ci est l’une des conditions sine qua non de toutes les perversions ? L’opinion de Lacan s’éclaire lorsqu’il dit ailleurs du fétiche qu’il est « fondamental de toute perversion en tant qu’objet aperçu dans la coupure du signifiant [2] », impliquant en cela la spécificité du sujet pervers par rapport à cette coupure qui marque néanmoins l’ensemble de l’expérience humaine :

2 – coupure induite par les bords des zones érogènes – lèvres, anus, méat urinaire, etc. – et leurs objets détachables, formes de l’objet petit a – mamelon, scybale, phallus, voix, regard, flot urinaire, etc. [3] ;

3 – coupure ou intervalle entre les signifiants – règle de l’opposition signifiante, en particulier opposition entre les signifiants « homme » et « femme », métaphore paternelle, effet castrateur de la loi, etc. [4]

4 C’est cet effet castrateur de la loi que le sujet pervers contourne par le biais de l’objet fétiche dans la mesure où ce dernier vient incarner le phallus maternel qui oppose un démenti à la castration : à l’endroit de la coupure signifiante venant séparer l’infans de la mère, la métaphore paternelle « ne fonctionne pas » pour le sujet pervers, comme l’indique très justement Solange Faladé [5]. Alors que le sujet névrosé se trouve confronté à la loi du père qui le fait passer de la position d’être le phallus de la mère à celle d’avoir ou de ne pas avoir le phallus, le sujet pervers quant à lui échappe à ce choix forcé par le fait qu’il pose un phallus bien particulier, grâce auquel il n’est plus question d’être ou d’avoir : l’objet fétiche est ce phallus garant d’une non-castration. Pour Lacan, cela fait du fétichiste la figure générique de tout pervers, et nous pensons que cette proposition est vérifiée dans la clinique, comme nous allons maintenant tenter de le montrer.

Le processus de fétichisation

5 L’article de Freud sur le fétichisme (« Le fétichisme », 1927) marque une rupture dans la définition précédente qu’il avait pu donner des perversions. Il y introduit en effet l’idée que la perversion n’est plus seulement due à une absence de refoulement ponctuelle (fixation) mais à un processus bien particulier, le démenti, die Verleugnung[6], de la représentation du sexe de la mère, processus rendu possible par un « clivage » (Spaltung) dans le moi [7], qui pour une part admet bien la réalité de la différence des sexes (castration), et pour une autre part n’en tient pas compte. On peut considérer que ces deux éléments, l’objet fétiche, qui représente ici le phallus maternel, et le clivage du moi, qui sera repris et développé dans le texte qu’il y consacre en 1938 [8], constituent l’essence même du fétichisme. Avant cette période, par exemple en 1915-1917, dans les Leçons d’introduction à la psychanalyse, Freud faisait du fétichisme une perversion parmi d’autres [9], et ce bien que déjà en 1910, dans « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci », il émît pour la première fois l’idée d’une équivalence entre le phallus de la mère, que le jeune enfant suppose, et la mise en place, plus tard, du fétichisme [10].

6 La question de la perversion est sans doute l’une des plus complexes du champ de la clinique psychanalytique car les divergences théoriques et les hypothèses parfois contradictoires sont à ce propos nombreuses. La place du fétiche dans ce que l’on appelle la « structure » perverse a été par le passé déjà évoquée comme étant centrale sans pour autant que cela soit vraiment développé. Jean-Richard Freymann écrit ainsi que « nous tenons pour quasi constant dans la désignation du pervers ce volet fétichiste [11] ». La place du fétichisme dans la dynamique perverse demande avant tout d’élargir la définition du fétiche comme objet et ainsi de prendre en considération ce que l’on peut appeler le processus de fétichisation qui porte certes sur des objets mais aussi sur des situations, des scenarii, des types de personnes, des parties du corps lui-même, etc.

7 Bien que Freud ait pu dire, en 1909 [12], qu’on ne pouvait, à l’instar de Bloch [13], décrire sous le nom de fétiche « tous les attraits de la femme (seins, cheveux, etc., c’est-à-dire tous les attraits authentiques) » car cela irait à l’encontre de la définition même du fétichisme, on peut être amené à infléchir cette opinion [14]. Quelle définition peut-on en effet en donner aujourd’hui ? Le fétiche est un objet venu à la fois démentir la castration et porter la signification phallique, en en déplaçant l’accent. Cet objet « touche » au corps de la mère, le concerne de toute manière et devient ainsi l’indice et la condition de la jouissance. Le fétiche, quel qu’il soit, n’est-il pas en effet une partie « phallicisée » du corps de la mère, et par la suite, de la femme, qui acquiert par là son attractivité et sa capacité à déclencher le désir : chaussure, sous-vêtement, mais également téton, pied ou chevelure, et aussi, comme nous le verrons, des objets spécifiques au sujet, moins concrets parfois que les précédents, mais tout autant indispensables au déclenchement du désir ? Le fétiche spécifie la mère et marque à jamais la seule modalité de jouissance que le sujet puisse assumer.

8 Dans l’édition de 1923 de la Psychopathia sexualis, Krafft-Ebing, repris par Albert Moll, indique d’ailleurs que peuvent devenir fétiches : des parties du corps, une qualité corporelle, un objet touchant au corps, une action corporelle, une qualité psychique [15]. Dans ces conditions, on comprend déjà que, partie d’une modalité très particulière et étroite de la perversion en général, la définition du fétichisme est maintenant suffisamment élargie pour qu’il soit envisageable de la comprendre plutôt comme une composante intrinsèque de l’organisation psychique de tous les sujets pervers.

9 Nous aborderons ici la question de la place du fétichisme à travers deux cas cliniques principaux (et quelques autres issus de la littérature). Le premier est celui d’un fétichiste typique, tandis que le second, qui semble ne pas relever a priori du fétichisme, nous permettra en comparaison avec le premier d’expliquer notre propos.

Kal, l’homme aux petites culottes

10 Un homme d’une quarantaine d’années, marié, vient consulter tout en indiquant le cadre de l’injonction thérapeutique auquel il est soumis. L’homme, que nous appellerons Kal, est plutôt discret. Il nous confie les éléments de sa situation avec parcimonie. Sa voisine a porté plainte contre lui, l’ayant surpris au beau milieu de sa chambre à coucher, en train de fouiller dans sa commode pour récupérer quelques petites culottes.

11 Kal nous confie que cela faisait plusieurs fois qu’il s’introduisait chez cette voisine, afin de lui dérober ses culottes. Ensuite, la plupart du temps il les humait, et c’était la condition d’une satisfaction sexuelle masturbatoire. Il peut rapporter également d’autres vols de petites culottes, qui séchaient alors dans les jardins.

12 Il y a quelques années que ces pratiques ont débuté pour lui, tout d’abord en prenant les petites culottes de sa femme. Celle-ci ne désire plus avoir avec lui de rapports sexuels depuis une dizaine d’années, justifiant ce refus comme réponse à une certaine mésentente récurrente du couple, ainsi qu’aux alcoolisations répétées de son mari.

13 Kal peut préciser le mode opératoire de ce fétichisme : par l’entremise de cet objet, il peut accéder à la jouissance sexuelle, et « décharger dans la culotte », avant de la nettoyer ensuite.

Qu’est-ce qui est pervers chez Kal ?

14 Chez Kal, l’homme aux petites culottes, qu’est-ce qui est pervers ? Est-ce le simple fait d’aimer renifler les culottes des femmes, pièces de tissu le plus à proximité du sexe, culottes qui constituent alors son fétiche, dans la mesure où ces sous-vêtements voilent et représentent en même temps le supposé phallus maternel ? Pas seulement, car ceci n’est pas suffisant pour déterminer la perversion : il faut aussi que les culottes aient été en contact avec le corps, c’est-à-dire portées – même si elles sont lavées. Il faut donc que la petite culotte soit celle d’une femme en particulier. C’est cela qui entraîne pour lui la nécessité de s’introduire dans la chambre de sa voisine, et c’est ce fait, associé au précédent, qui constitue à proprement parler son positionnement pervers : fétiche et transgression sont en effet les deux composantes nécessaires à la perversion. Il s’agit bien ici du vol de l’objet fétiche, doublé de l’effraction dans la chambre : pénétration dans le lieu de l’intimité de la voisine qui induit l’idée d’un viol « symbolique ». Kal ne vole pas les culottes sales, bien au contraire il s’empare des sous-vêtements lavés, afin de les polluer lui-même avant de les relaver, dit-il, sans qu’on sache d’ailleurs si tel est bien toujours le cas. Car son but n’est-il pas après tout de mettre son sperme, par petite culotte interposée, en contact avec le sexe de sa voisine à l’insu de celle-ci ? Il n’est alors pas très étonnant qu’il se soit fait prendre, façon acte manqué, pour que celle-ci, en découvrant cette possibilité, puisse être à son tour sidérée par la jouissance comme il le fut lui-même, peut-être, par l’horreur de la castration.

15 Freud et les psychanalystes du cercle de Vienne, qui s’intéressaient à la castration, réfléchissaient en particulier sur le fétichisme des pieds, pensant pendant tout un temps que c’était leur odeur forte qui attirait ainsi le sujet pervers [16]. En 1914, Freud déclare : « La formule la plus brève pour le fétichiste du pied serait : un voyeur secret masochiste [17] », signifiant par là que la perversion s’origine dans la vision par le jeune garçon des organes génitaux féminins – et le démenti qui s’ensuit. Cette formule s’applique aussi à Kal, fétichiste des petites culottes, puisqu’en effet il est voyeur en secret (pénétration de l’intimité de la voisine) et masochiste : il insiste jusqu’à se faire prendre.

Le fétiche et la transgression

16 Dans les Leçons d’introduction à la psychanalyse, Freud, à propos de la perversion, souligne l’importance de la transgression des limites : limites de l’espèce (homme – animal), du dégoût, de l’inceste, de l’appartenance au même sexe, de la génitalité [18]. Cette notion de transgression constitue, avec le fétiche, une autre condition de la perversion, en ce qu’elle implique un certain rapport à la jouissance, en particulier celle de l’Autre dont le pervers se fait « objet ».

17 En un sens parfois peu évident, le fétiche a d’ailleurs été rapproché de l’objet transitionnel et par là de l’objet contra-phobique, ce dont Lacan avait entrepris la critique au cours de ses séminaires ou dans ses Écrits[19]. Henri Rey-Flaud propose ainsi de distinguer l’objet transitionnel, relevant de la métaphore et du sein, du fétiche soutenu par la métonymie et le phallus maternel [20]. Nous pouvons ajouter ici une distinction supplémentaire : l’objet transitionnel induit, comme son nom l’indique, une transition et non pas une transgression, et ouvre sur le champ de la réalité imaginaire du plaisir-déplaisir, alors que le fétiche implique forcément une transgression ouvrant sur le champ du réel et de la jouissance. Cette transgression s’exprime souvent par le franchissement des limites de la jouissance, toujours repoussées plus loin, comme chez les héros de Sade, mais prend corps, aussi, dans l’objet fétiche qui est en lui-même une transgression des limites de la réalité : par exemple la chaussure féminine comme équivalente d’un objet de jouissance venu à la place du phallus maternel. Par le fétiche, le sujet pervers parvient à coup sûr à la jouissance, mais cette jouissance il ne la trouve que parce qu’il la déclenche chez l’Autre : de la sienne propre, il n’en sait vraiment rien. Pour reprendre les concepts lacaniens, plutôt que de sa seule jouissance phallique, il s’agit chez le pervers d’une mise en jeu de la jouissance de l’Autre, à la fois parce qu’il transgresse l’interdit qui la définit, et parce qu’il peut imaginer « être l’Autre pour assurer sa jouissance[21] ». Nous reviendrons sur ces points plus loin.

Structure perverse ?

18 Comment saisir à présent le rapport qui existe entre le fétiche et l’organisation – ou la structure – perverse ?

19 Dans le texte sur le fétichisme, Freud est amené à faire la distinction entre la perversion et la psychose. Il remarque en effet que dans la perversion, les deux courants contradictoires – admettre la castration et la démentir – subsistent au sein du moi, tandis que dans la psychose, le courant qui est conforme à la réalité est, selon le mot de Laforgue repris par Freud, purement et simplement scotomisé (Skotomisiert). Mais d’autre part, la distinction entre la névrose et la perversion est beaucoup moins évidente à faire dans la mesure où Freud a toujours pensé que fondamentalement les processus psychiques à l’œuvre dans la perversion étaient les mêmes que dans la névrose.

20 Dans un texte de 1923, Hans Sachs développe certains aspects du rapport entre les perversions et les névroses qui donnent au fétichisme une place précise, place qui nous intéresse tout particulièrement dans le questionnement qui est le nôtre. L’un des éléments intéressants mis en avant par Sachs réside dans sa conception d’une série continue entre la perversion et la névrose au sein de laquelle il intercale la toxicomanie comme chaînon manquant, puisque celle-ci est constituée « indiscutablement d’actes visant à obtenir une satisfaction [22] ». Cette série cohérente comprend « à l’une des extrémités, la satisfaction perverse et, à l’autre, le symptôme névrotique [23] », la névrose impliquant essentiellement des processus inconscients, alors que les pervers ont « des fantaisies clairement conscientes[24] ». Cette idée fait écho à ce que Freud disait en 1905 : « La névrose est pour ainsi dire le négatif de la perversion [25]. » La notion de « structure » perverse, comme on le sait est interrogée, surtout par Lacan sans qu’il tranche jamais radicalement, à partir de deux perspectives freudiennes, celle développée dans le texte « Un enfant est battu [26] », où Freud présente la genèse psychique de la perversion, et celle de l’article sur le fétichisme où est découvert l’élément fondamental de l’organisation perverse. Sachs dit que dans plusieurs formes de perversion, « la scène et les personnages des fantasmes peuvent changer – mais un élément très précis ou un petit groupe d’éléments survit à ces modifications et se présente alors comme le seul support du plaisir [27] ». Les autres éléments subissant alors le refoulement, ne subsiste dans la conscience que ce seul élément porteur de toute la charge de plaisir : « Exactement de la même manière – écrit-il – que le symptôme névrotique remplace les fantasmes inconscients [28]. » Ceci, selon lui, caractérise en particulier le fétichisme, et il ajoute que ce mécanisme est le même que celui du souvenir-écran. Il avance que « la perversion tire son origine du fait qu’un élément très particulier du vécu ou de la fantasmatisation infantiles a été soustrait aux bouleversements du développement, notamment à la puberté, en se maintenant conscient […] Doté d’une énorme prime de plaisir, cet élément s’avère parfaitement capable de concurrencer le primat du génital [29] ». On voit ici que la conception de Sachs souligne ce que nous avons posé dans la clinique comme un processus de fétichisation propre à la mise en place de l’organisation psychique perverse.

21 Mais d’autre part, Sachs, comme l’avait fait tout d’abord Freud (« Un enfant est battu »), considère que la perversion et la névrose sont dans un rapport de positif à négatif : il y a une continuité entre les fantasmes inconscients des névrosés, qui ne suffisent pas à protéger des symptômes, et les fantasmes des pervers, qu’ils assument en les agissant. Cependant, dire que les fantasmes sont névrotiques et pervers n’induit-il pas une confusion ? Ne devrait-on pas plutôt estimer que là où, dans la névrose, le fantasme fonctionne comme processus psychique en grande partie inconscient, on aura au contraire affaire, dans la perversion, à autre chose qu’au fantasme typique du névrosé ? Le fantasme « pervers » – positif de celui du névrosé – se place dans la réalité effective et en tant que tel est un fantasme réalisé. Un tel fantasme implique une mise en acte. À la place du fantasme de la réalité psychique (imaginaire, pourrait-on dire) tel qu’il se constitue dans la structure névrotique, il y a dans la perversion un agir qui procède toujours à partir d’un fétiche. De fait, le fétiche permet le passage du fantasme conscient ou inconscient (situé dans la réalité psychique) à l’acte réel (prenant place dans la réalité effective). Car le fétiche donne au fantasme une forme précise, unique, détentrice d’un pouvoir absolu de jouissance.

Larry le séducteur

22 Larry est un homme de 45 ans qui connaît son pouvoir de séduction et le met en œuvre systématiquement, à la condition que les femmes qu’il charme aient un mari. Il se présente en disant qu’il vient de quitter un autre analyste qui ne lui convenait plus, balaye toute idée d’y penser encore mais accepte quand même le délai qui lui est demandé afin qu’il y réfléchisse. Il dira par la suite avoir très souvent changé d’analyste. Larry a deux filles, et une épouse – plus mère qu’épouse, dit-il – qu’il décrit comme rangée, exigeante et moraliste. Elle ne supporte plus qu’il la « trompe » sans arrêt, mais elle refuse pourtant le divorce qu’il lui propose de façon d’autant plus insistante qu’il la sent opposée à cette éventualité. D’autre part Larry se plaint d’une mère maltraitante, qui l’aurait abandonné jusqu’à ses 4 ans avant de l’arracher à ceux qui l’élevaient à sa place. Cette mère est particulièrement dangereuse dans la mesure où elle s’est toujours présentée à lui plus comme une femme que comme une mère (au contraire de son épouse). Sa mère l’a plusieurs fois accueilli dans sa chambre à moitié nue, dit-il, et il avoue avoir entretenu à son endroit des pensées incestueuses jusqu’à la mort de son père quelques mois avant qu’il ne nous contacte. De plus, il nous dira avoir eu des relations sexuelles avec sa sœur, actuellement mariée mais malheureuse en ménage, et me confiera qu’ils se désirent encore aujourd’hui. D’ailleurs sa mère et sa sœur, chacune de leur côté, lui ont proposé de venir vivre avec elles, ce qu’il refuse de faire. Le risque incestueux est donc très présent pour Larry, au point qu’il ne peut aller rendre visite à sa mère sans éprouver un profond et insurmontable malaise sexuel qui le contraint à fuir sa présence au plus vite. Larry pense que sa femme, qu’il dit n’avoir jamais aimée, est pour lui une mère et se considère elle-même comme telle. C’est entre autres pour cette raison qu’il souhaite si fort s’en séparer. Enfin, Larry entretient avec les hommes des relations extrêmement difficiles et conflictuelles, sur le modèle, comme il le dit lui-même, de celles qu’il a connues avec son père, qui le battait : se mesurant en permanence aux autres hommes, il les place d’emblée en position de rivaux, désire systématiquement leurs femmes, combat leur autorité, commence par dénier tout penchant homosexuel avant d’en admettre l’existence peu de temps après.

23 Larry entretenait au début de son analyse une relation extra-conjugale avec une femme mariée et mère de plusieurs enfants, dont il dira qu’elle lui aurait fait découvrir le plaisir sexuel. Cette affirmation sera néanmoins souvent contredite par le récit d’aventures antérieures à celle-ci et présentées toujours comme l’occasion de révélations amoureuses ou sensuelles, la première de toutes ayant été celle impliquant sa propre sœur. Larry nous raconta que les relations avec son actuelle maîtresse avaient brutalement changé lorsqu’elle lui avait avoué qu’elle pensait quitter son mari pour se rapprocher de lui. Elle fut surprise alors par la violence de la réaction de Larry et le retournement de situation que cela engendra, transformant son ancienne attirance pour elle en aversion difficilement contrôlable. Larry plaçait en quelque sorte cette femme devant sa jouissance de mère « incestueuse » comme lui-même avait été confronté par sa propre mère à une jouissance sidérante.

24 Ajoutons un fait important : le fantasme incestueux en tant que tel est absent chez Larry ou en tout cas fort mis à mal. À la place de ce fantasme incestueux, qui devrait en principe se situer au plan de la réalité psychique – consciente ou inconsciente –, surgit dans la réalité effective un agir incestueux. Cet agir s’accomplit pleinement quand les partenaires sont seulement des substituts de la mère, mais reste encore entravé lorsqu’il s’agit vraiment de sa propre mère. On peut enfin dire que Larry cherche néanmoins à retrouver une figure maternelle interdite en la personne de sa femme, ce qui peut sembler pour le moins paradoxal si ce n’est que cette situation vient nouer pour lui la relation perverse : sa femme est ainsi mise malgré elle en position incestueuse et se voit en même temps explicitement trompée.

Le fétiche comme condition de la jouissance de l’Autre

25 Pour Larry, la figure de la femme mariée, dotée d’un mari rival et d’enfants, est une condition de déclenchement du désir, mais qu’est-ce qui, plus précisément, constitue chez lui un fétiche ? Le désir chez Larry est orienté par l’œdipe, ce qui n’est certainement pas en soi un trait caractéristique de la perversion, sauf que dans son cas, la mise en œuvre de ce scénario œdipien ne se fait pas seulement par voie métonymique – autrement dit être attiré par les femmes qui évoquent la mère – mais peut suivre une voie beaucoup plus directe : le rapport à la mère réelle est très sexualisé et une relation incestueuse a eu lieu avec la sœur. D’autre part, Larry est attiré par des femmes dont le mari devient l’équivalent d’un père dont il se venge mais auquel il est également homosexuellement attaché. Dès que les femmes envisagent de refaire leur vie avec lui, il les rejette en éprouvant à leur encontre une alternance d’attirance sensuelle et de dégoût violent. « Les femmes ont vocation à régner », dit-il, « ont vocation araignée », faudrait-il entendre, les femmes font la loi et cette loi s’oppose à la Loi, celle que le registre du signifiant impose aux humains. La loi de ces femmes se met au-dessus de la loi de l’Autre, celle du langage, et ce faisant se met aussi au-dessus du principe du plaisir, incitant le sujet à transgresser cette limite au-delà de laquelle il est confronté à la pulsion de mort et à la jouissance comme absence absolue de toute limite.

26 Pour Larry, ce qui est fétichisé apparaît évidemment beaucoup plus complexe que chez Kal, puisque le fétiche n’est dans son cas pas un simple objet, tel un sous-vêtement, mais bien plutôt un ensemble situationnel particulier. L’objet fétiche, car malgré tout objet – phallique – il y a, dote ces femmes d’une attractivité spéciale en ce qu’elles « règnent » sur un autre, une famille, qu’elles appartiennent à une sphère interdite comme la sœur, qu’elles sont aussi parfois presque insaisissables (ainsi d’une femme séduite « à la volée » dans une station-service). Elles acquièrent une puissance spéciale qui les rend certes attirantes pour lui, mais surtout qui les fait succomber à son charme à lui puisque celui-ci les pare d’une qualité que sinon elles n’auraient pas. Le statut interdit de ces femmes les phallicise : le rôle des maris, les interdits familiaux, les quasi-impossibilités liées au contexte, leur caractère « à régner », etc., donnent à ces femmes une allure de toute-puissance qui déclenche son désir.

27 Mais ceci ne serait pas suffisant si l’on n’y ajoutait que ces femmes doivent être, dans la relation mise en place par Larry, confrontées à une jouissance qu’elles n’attendaient pas : là où aurait dû s’imposer une jouissance phallique, tout simplement sexuelle par exemple, surgit à la place une jouissance Autre : rejet violent ou dégoût subi par elles d’une position incestuelle, laissé tomber brutal (comme un déchet), situations de déstabilisation familiale, etc. C’est qu’il faut ici définir le fétiche non pas seulement par rapport au désir, mais aussi comme l’objet par lequel le sujet pervers rend possible la jouissance de l’Autre – « le pervers est celui qui se consacre à boucher le trou dans l’Autre [30] », dit Lacan, en lui restituant l’objet (a) qui lui manque [31] – et lève l’interdit qui la désigne. En effet, le pervers réalise ce qui est interdit pour les autres. La jouissance est « interdite à qui parle comme tel », dit Lacan [32], elle représente ce que l’on doit sacrifier pour pouvoir devenir humain, la « livre de chair » qui est le prix à payer du fait que l’on parle. Car la jouissance est interdite à l’humain dans la mesure où le fait même qu’il parle, ce que l’on peut appeler le registre du signifiant, met entre lui et le monde la barrière de la représentation. C’est le signifiant qui barre à jamais pour l’humain la jouissance du monde, mais en même temps – c’est le plus important – qui la fait surgir dans la conscience : connaître la jouissance, avoir conscience de son existence, n’est en effet possible qu’à la condition du langage, mais cette conscience la pose en même temps comme inter-dite et impossible. C’est justement ce à quoi le sujet pervers, de par le démenti et le clivage, ne se résout pas. La jouissance interdite, c’est aussi celle de la Chose maternelle, qui fait du tabou de l’inceste un interdit lié à la structuration psychique et non un simple arbitraire moral ou juridique : l’inceste maternel, le seul véritable inceste du fantasme, implique le retour à la Chose maternelle, voire ce que Ferenczi évoque comme retour au sein maternel, la perdition du sujet dans sa supposée origine.

28 Le fétiche joue donc dans la perversion un rôle central dans la mesure où d’une part il agit comme déclencheur du désir, et où d’autre part il constitue une porte ouverte sur une modalité particulière de jouissance. « Le pervers ne sait pas qui jouit », dit Lacan [33], ce en quoi il indique que la jouissance du pervers n’est pas la sienne mais celle de l’Autre. Le sujet pervers, par le biais du fétiche, ne met pas en jeu sa propre jouissance, qui est jouissance phallique, parce que dans la perversion, le phallus est toujours celui de l’Autre, en l’occurrence celui de la mère, comme le disait Freud.

Kal avec Larry, et d’autres

29 En quoi Kal et Larry se ressemblent-ils ? Pour tous les deux la sexualité passe maintenant par la condition du fétiche, sous-vêtement pour l’un, situation complexe de phallicisation de la femme pour l’autre : Kal et Larry n’ont en effet plus de relations sexuelles avec leurs épouses respectives. À cela s’ajoute l’aspect transgressif de l’acte, violation de domicile pour le premier, situation incestueuse ou incestuelle pour le second : tous deux se situent de fait dans une position paradoxale d’excentricité « en secteur » par rapport à une loi qu’ils connaissent pourtant fort bien et par rapport à laquelle ils agissent, position qui caractérise l’organisation psychique perverse.

30 Qu’en est-il alors de ces cas qui, assez nombreux dans la littérature classique, ne paraissent pas mettre en jeu cet élément transgressif ? Par exemple l’observation 147 de la Psychopathia sexualis, qui relate le cas d’un homme qui ne pouvait avoir de relations sexuelles avec sa femme qu’à la condition que celle-ci portât une perruque et qu’elle en changeât régulièrement [34]. La conclusion de cette courte observation : « Le bilan de ce ménage se solda, au bout de cinq ans, par deux enfants et une collection de soixante-douze perruques [35] », insiste sur l’intégration de ce couple dans la normalité sociale, ce qui pourrait conduire à penser que certaines formes de perversion sont plutôt protectrices pour le sujet et pour son partenaire. Mais s’agit-il encore là de perversion ? Certes chez cet homme la mise en jeu de la sexualité semble dépendre du port de la perruque, mais loin d’aboutir à une transgression ou à une victimation du partenaire, cela permet au contraire que le désir de chacun soit satisfait. Dans la vie sexuelle, l’existence de tels déclencheurs du désir est fréquente, mais ils sont parfois moins « monomaniaques » que les perruques chez cet homme, et parfois plus fantasmatiques et intérieurs, gardés pour soi, qu’agis et partagés avec le partenaire. Sans doute l’exigence du port d’une perruque lors de l’acte sexuel est-elle une bizarrerie. Pour autant la fonction de cette perruque comme fétiche au sens strict peut être mise en cause, car cet objet, manifestement admis par l’épouse, apparaît plutôt comme un fantasme mis en scène entre deux partenaires que comme un acte qui serait la manifestation d’une relation perverse entre un acteur et sa victime. Cette perruque, bien que réelle, en reste au niveau du fantasme « névrotique ». En effet, les actes pervers ne sont pas simplement des fantasmes mis en scène, mais s’inscrivent différemment dans le psychisme, et leur fonction est tout autre. Si nous comparons le cas de cet homme aux perruques à ceux de Kal et de Larry ou encore aux cas suivants relatés par la Psychopathia sexualis, ceux des coupeurs de nattes [36], on saisit la différence en ce que dans ces dernières observations, la relation qui se noue met en présence un « bourreau » et sa « victime », restant à savoir ensuite, dans la subjectivité, qui est bourreau et qui est victime. La fonction du fantasme chez le névrosé n’est pas la fonction du fétiche chez le pervers, même si les deux processus peuvent être déclencheurs du désir : le fantasme du névrosé se situe dans la réalité psychique et régule l’obtention du plaisir, tandis que le fantasme du pervers, supporté par le fétiche, se situe dans la réalité effective et ouvre sur la jouissance de l’Autre. L’agir pervers résultant du fétiche met l’autre, en tant que victime, face à son propre fantasme inversé, terrifiant, sorte de formation de l’inconscient dans laquelle le caractère xénopathique serait ici doublement accentué, d’abord par la surprise générée par l’acte pervers, ensuite par le fait que « la victime » est bien forcée d’y reconnaître les traces – même inversées – de son propre désir qui se révèle dans la culpabilité qu’elle ressent si souvent (« J’aurais pu l’éviter », « Je le savais bien au fond », etc.). Au contraire, dans le cas de l’homme aux perruques, le comportement et la relation des époux indiquent que ce qui est mis en jeu relève bien plutôt de la fonction du fantasme partagé.

31 Un autre exemple peut être pris dans la mise en scène de fantasmes entre partenaires sexuels consentants, comme dans le « sado-masochisme ». Si l’on compare les jeux – même et y compris s’ils sont parfois violents – entre ces partenaires et le scénario du masochisme tel qu’il se déroule dans la Vénus à la fourrure de Sacher-Masoch [37], on saisit bien où finit le territoire du fantasme névrotique et où commence celui de la perversion. Dans le roman de Sacher, le héros, Séverin Kusiemski, parvient difficilement à convaincre Wanda de Dunajev d’assumer à son « égard » le rôle de la maîtresse sévère. Lorsque Wanda s’y résout on pourrait penser que l’équilibre entre les deux partenaires a été trouvé et que chacun réalise ainsi son propre fantasme qui serait l’exact inverse de celui de l’autre. Il n’en est rien, comme la chute du roman nous l’indique et comme l’argumente le commentaire qu’en fait Gilles Deleuze [38]. En effet, Wanda, après avoir demandé à Séverin qu’il favorise sa relation avec un beau Grec aperçu dans la rue, en vient à faire mine de le quitter. Séverin ne le supporte pas et la supplie alors de lui revenir, coûte que coûte, ce qu’elle accepte. Elle l’invite alors chez elle afin de lui prodiguer une fois encore – sans doute la dernière – les soins masochistes qu’il réclame. Elle l’attache et ouvre alors une porte par laquelle entre le beau Grec qui, sur les instances de Wanda et alors qu’il y répugne, fouette sauvagement Séverin. Wanda, sur ces entrefaites, abandonne Séverin et part avec son nouvel amant, franchissant par là une limite où se dessine le passage du fantasme partagé à la relation perverse entre un bourreau et une victime.

32 La fonction du fantasme dans la névrose est donc à distinguer clairement de celle du fantasme supporté par le fétiche dans la perversion. Tous deux occupent une place centrale dans l’organisation psychique mais ne s’équivalent pas, car si le fantasme dans la névrose noue la relation d’un sujet avec son objet (objet a dira Lacan), le fétiche dans la perversion inscrit celle d’un sujet qui se fait objet (a) pour un Autre qu’il confronte malgré lui à une jouissance sidérante.

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Mots-clés éditeurs : fantasme, structure, Fétiche, fétichisation, jouissance phallique, transgression, jouissance de l'Autre

Date de mise en ligne : 07/05/2014

https://doi.org/10.3917/cm.089.0227

Notes

  • [1]
    1J. Lacan, « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » (1960), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 682.
  • [2]
    J. Lacan, « La direction de la cure » (1958), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 610.
  • [3]
    Voir J. Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir » (1960), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 817.
  • [4]
    Voir les développements de ce concept dans le Séminaire de 1958-1959, Le désir et son interprétation (Paris, La Martinière, 2013).
  • [5]
    S. Faladé, « Repères structurels des névroses, psychoses et perversions » (1986), dans Clinique des névroses, Paris, Anthropos, 2003, p. 335.
  • [6]
    S. Freud, « Le fétichisme » (1927), dans Œuvres complètes. Psychanalyse, t. XVIII, Paris, Puf, 1994, p. 127.
  • [7]
    Ibid., p. 129.
  • [8]
    S. Freud, « Le clivage du moi dans le processus de défense » (1938), dans Résultats, idées, problèmes, Paris, Puf, 1985.
  • [9]
    S. Freud, « « Leçons d’introduction à la psychanalyse » (1915-1917), dans Œuvres complètes. Psychanalyse, t. XIV, Paris, Puf, 2000, p. 315.
  • [10]
    S. Freud, « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci » (1910), dans Œuvres complètes, t. X, Paris, Puf, 1993, p. 122.
  • [11]
    J.R. Freymann, « Le pervers et la lettre », Apertura, 5, 1991, p. 132.
  • [12]
    S. Freud, « De la genèse du fétichisme » (1909), Minutes n° 70, séance du 24 février, Revue internationale d’histoire de la psychanalyse, n° 2, 1998, p. 426.
  • [13]
    I. Bloch (1902-1903), Beiträge zur Aetiologie der Psychopathia sexualis, Dresde, H.R. Dohrn.
  • [14]
    On notera que déjà dans l’édition de 1923, la Psychopathia sexualis de Richard von Krafft-Ebing, reprise par Albert Moll, indique que si auparavant on avançait que le fétichisme pathologique n’avait pas de relation avec les organes sexuels proprement dit, on remarque toutefois que certaines parties du corps, comme les seins ou les organes génitaux féminins ou masculins, peuvent susciter l’intérêt exclusif du fétichiste. R. von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis (1923), 16e et 17e éd refondues, trad. fr. R. Lobstein, Paris, Payot, 1963, p. 314.
  • [15]
    Ibid., p. 315.
  • [16]
    S. Freud, « De la genèse du fétichisme », op. cit., p. 429.
  • [17]
    S. Freud, « Un cas de fétichisme du pied » (1914), dans Les premiers psychanalystes. Minutes de la société psychanalytique de Vienne, séance du 11 mars 1914, Paris, Gallimard, 1975, p. 280.
  • [18]
    S. Freud, « Leçons d’introduction à la psychanalyse », op. cit., p. 214-215.
  • [19]
    Par exemple l’ensemble du passage dont nous avons déjà évoqué la dernière partie : J. Lacan, « La direction de la cure », op. cit. : « Mes élèves sauront ici déplorer que l’enseignement de mon séminaire n’ait pu alors l’aider, puisqu’ils savent sur quels principes je leur ai appris à distinguer l’objet phobique en tant que signifiant à tout faire pour suppléer au manque de l’Autre, et le fétiche fondamental de toute perversion en tant qu’objet aperçu dans la coupure du signifiant. »
  • [20]
    H. Rey-Flaud, Comment Freud inventa le fétichisme et réinventa la psychanalyse, Paris, Payot, 1994, p. 201.
  • [21]
    J. Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir », op. cit., p. 825.
  • [22]
    H. Sachs, « Genèse des perversions » (1923), (préface et traduction par Jacques Adam), La cause freudienne, n° 25, septembre 1993, p. 79.
  • [23]
    Ibid., p. 80.
  • [24]
    S. Freud, « Trois essais sur la théorie sexuelle » (1905), dans Œuvres complètes. Psychanalyse, t. VI, Paris, Puf, 2006, note 1, p. 99.
  • [25]
    Ibid., p. 99.
  • [26]
    S. Freud, « Un enfant est battu » (1919), dans Œuvres complètes. Psychanalyse, t. XV, Paris, Puf, 1996.
  • [27]
    H. Sachs, op. cit., p. 80.
  • [28]
    Ibid., p. 80.
  • [29]
    Ibid., p. 81.
  • [30]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVI, D’un Autre à l’autre (1968-1969), séance du 26 mars, Paris, Le Seuil, 2006, p. 253.
  • [31]
    Ibid., séance du 30 avril 1969, p. 291.
  • [32]
    J. Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir », op. cit., p. 821.
  • [33]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, L’angoisse (1962-1963), séance du 27 février, Paris, Le Seuil, 2004, p. 178.
  • [34]
    R. von Krafft-Ebing, op. cit., p. 327.
  • [35]
    Ibid., p. 327.
  • [36]
    Ibid., p. 327-332.
  • [37]
    L. Sacher-Masoch, « La Vénus à la fourrure » (1870), dans G. Deleuze, Présentation de Sacher-Masoch, Paris, Éditions de Minuit, 1967.
  • [38]
    Voir note ci-dessus.

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