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Article de revue

Fictions et destins des fictions : enjeux épistémologiques de la fiction chez Freud

Pages 75 à 92

Notes

  • [1]
    S. Freud (1900), Die Traumdeutung, Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt, 1991, p. 551, traduction française L’interprétation des rêves, Paris, puf, 1967, p. 477. Lorsque Freud développe les métaphores de l’« entrepreneur » et du « capitaliste », il commence par dire : « Um es in einem Gleichnis zu sagen… », soit : « S’il nous est permis de faire une comparaison… » Formule qui réouvre la parole en jeu sur une série de métaphores.
  • [2]
    S. Freud (1900), Die Traumdeutung, op. cit., p. 605, trad. fr., L’interprétation des rêves, op. cit., p. 525.
  • [3]
    S. Freud (1900), Die Traumdeutung, op. cit., p. 590, trad. fr., L’interprétation des rêves, op. cit., p. 513.
  • [4]
    S. Freud (1915), « Pulsions et destins des pulsions », dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, coll. « Folio essais », p. 17 : le concept de pulsion est posé comme un « concept limite » précisément du fait d’une relation d’inconnu.
  • [5]
    Nous retrouvons ces métaphores par exemple chez Descartes (1637), Discours de la méthode, Paris, Vrin, 1992, p. 59. Dans ce sens, Nietzsche file aussi la métaphore de la connaissance comme « construction », cf. F. Nietzsche (1873), « Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », dans Le livre du philosophe, Paris, Aubier-Flammarion Bilingue, 1969.
  • [6]
    F. Nietzsche (1873), « Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », op. cit., p. 195.
  • [7]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, Paris, puf, 2002, p. 127.
  • [8]
    F. Roustang, « Du chapitre VII », Nouvelle revue de psychanalyse, n° 16, « Écrire la psychanalyse », Paris, Gallimard, 1977, p. 95.
  • [9]
    S. Freud (1915), « Pulsions et destins des pulsions », op. cit., p. 11-12.
  • [10]
    Ibid., p. 12.
  • [11]
    T. Kuhn (1957), La révolution copernicienne, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1973. La mutabilité des concepts fondamentaux d’une science est un aspect central de l’épistémologie moderne.
  • [12]
    Cf. dans ce sens, G. Bachelard (1938), La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1989, p. 7. Bachelard fait un lien entre la relativité d’Einstein et la conception moderne du concept : « […] On ne peut se prévaloir d’un esprit scientifique tant qu’on n’est pas assuré, à tous les moments de la vie pensive, de reconstruire tout son savoir. »
  • [13]
    S. Freud (1933), Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1984, p. 129.
  • [14]
    S. Freud (1905), Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, 1962, coll. « Idées », p. 18.
  • [15]
    S. Freud (1913), Totem et tabou, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2001, p. 199 et suivantes.
  • [16]
    J. Lacan (1964), Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973, p. 151. Cf. aussi le mythe de la lamelle p. 187. Lacan va bien au-delà d’une « interprétation » ou d’une « réécriture » du mythe platonicien de l’androgyne : il crée un nouveau mythe pour pouvoir donner une représentation de la libido.
  • [17]
    S. Freud (1900), Die Traumdeutung, op. cit., p. 543, trad. fr., L’interprétation des rêves, op. cit., p. 471. Nous soulignons.
  • [18]
    Ibid., p. 446.
  • [19]
    F. Nietzsche (1873), « Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », op. cit., p. 194. Nietzsche évoque ce qui pousse à former des métaphores comme une pulsion, « Trieb zur Metapherbildung », qui se déploie dans l’acte de connaissance.
  • [20]
    P. Ricœur, « La psychanalyse confrontée à l’épistémologie », Psychiatrie française, n° spécial Entre théorie et pratique : fonctions de la pensée théorique, 1986, p. 19.
  • [21]
    Ibid., p. 19.
  • [22]
    F. Roustang, « Du chapitre VII », op. cit., p. 89.
  • [23]
    S. Freud (1937), « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin », dans Résultats, idées, problèmes, t. II, 1921-1938, Paris, puf, 2002, p. 260.
  • [24]
    S. Freud (1916), « Quelques types de caractère dégagés par la psychanalyse », dans Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1933, p. 115. Au cœur de son analyse de la « conscience morale » et de la tendance inconsciente à s’infliger de la « peine », Freud se réfère à Shakespeare…
  • [25]
    S. Freud (1919), « L’inquiétante étrangeté », dans L’inquiétante étrangeté et autres textes, Paris, Gallimard, 2001, coll. « Folio bilingue », p. 55.
  • [26]
    S. Freud (1920), « Au-delà du principe de plaisir », dans Essais de psychanalyse, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1981.
  • [27]
    Expression utilisée par Socrate pour définir le choix d’une autre « méthode », cf. Platon, Phédon, Paris, GF-Flammarion, 1991, 276d.
  • [28]
    S. Freud (1920), « Au-delà du principe de plaisir », op. cit., p. 106.
  • [29]
    Platon, Phédon, Paris, GF-Flammarion, 1991, 189c-193d.
  • [30]
    S. Freud (1937), « Constructions dans l’analyse », dans Résultats, idées, problèmes, t. II, 1921-1938, Paris, puf, 2002, p. 271-272.
  • [31]
    S. Freud (1918), L’Homme aux loups. À partir de l’histoire d’une névrose infantile, Paris, puf, 1990, coll. « Quadrige », p. 118. L’expérience subjective est articulée, par le biais des « fantasmes originaires », à une autre histoire plus profonde, qui dépasse l’histoire individuelle, et à l’énigme d’une transmission inconsciente. Ce thème était déjà présent dans S. Freud (1900), L’interprétation des rêves, op. cit., chapitre VII « Psychologie du rêve ».
  • [32]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, op. cit., p. 84 : Si Freud montre comment des sensations vécues au niveau du corps, sentir une odeur de brûlé par exemple, renvoient à ce qui s’est produit dans le passé, son souci est alors de « retrouver » par la remémoration de tels incidents et leur valeur pathogène.
  • [33]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, op. cit., p. 145. Freud remarque qu’une expression de la langue, comme « avaler quelque chose » qui a un sens métaphorique, peut prendre corps dans une dimension littérale. La formation des symptômes est liée au devenir inconscient de la langue et à des « conversions » du matériel symbolique dans le corps…
  • [34]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, op. cit., p. 30.
  • [35]
    S. Freud (1937), « Constructions dans l’analyse », dans Résultats, idées, problèmes, t. II, 1921-1938, Paris, puf, 2002, p. 271-272.
  • [36]
    Ibid., p. 273.
  • [37]
    Ibid., p. 278 : « […] Une analyse correctement menée le convainc fermement de la vérité de la construction, ce qui, du point de vue thérapeutique, a le même effet qu’un souvenir retrouvé. » Nous soulignons.
  • [38]
    S. Freud (1900), L’interprétation des rêves, op. cit., p. 437.
  • [39]
    Ibid., p. 438, nous soulignons.
  • [40]
    J.-B. Pontalis, Entre le rêve et la douleur, Paris, Gallimard, 1977, p. 22 : « Le travail du rêve, autrement dit la série de transformations qui s’opèrent à partir des déclencheurs – motions pulsionnelles et restes diurnes – jusqu’au produit terminal : le récit de rêve, le rêve consigné, mis en mots… »
  • [41]
    S. Freud (1900), L’interprétation des rêves, op. cit., p. 438.
  • [42]
    J. Lacan (1953-1954), Le Séminaire, Livre I, Les écrits techniques de Freud, Paris, Le Seuil, 1975, p. 19.
  • [43]
    Ibid., p. 20.
  • [44]
    Ibid., p. 20.
  • [45]
    S. Freud (1909), L’Homme aux rats. Journal d’une analyse, Paris, puf, 1996, p. 44.
  • [46]
    S. Viderman (1970), La construction de l’espace analytique, Paris, Gallimard, 1982.
  • [47]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, Paris, puf, 2002, p. 127 : « […] Je m’étonne moi-même, écrit Freud, de constater que mes observations de malades se lisent comme des romans […]. Je me console en me disant que cet état de choses est évidemment attribuable à la nature même du sujet traité et non à mon choix personnel. »
  • [48]
    C. Stein, « Préface », dans Psychanalyse à Vienne, 1934. Notes sur mon analyse avec Freud, Paris, Denoël, 1974, p. 9.
  • [49]
    M. Kohn, « “Je récite l’homme” : du récit dans la psychanalyse », Cliniques méditerranéennes, Toulouse, érès, n° 77, 2008/1, p. 209.
  • [50]
    M. Kohn, Le récit dans la psychanalyse, Toulouse, érès, 1998, p. 32. Nous soulignons.
  • [51]
    F. Roustang, « Du chapitre VII », op. cit., p. 66.
  • [52]
    Cf. M. Kohn, Le récit dans la psychanalyse, op. cit., p. 40-65.
« We are such stuff
As dreams are made on, and our little life
Is rounded with a sleep. »
W. Shakespeare, The Tempest, acte IV, scène 1.
« Sans doute, nous ne connaissons pas d’appareil psychique qui ne présente que des processus primaires, et à ce point de vue c’est une fiction théorique… »
S. Freud (1900), L’interprétation des rêves, Paris, puf, 1967, p. 513.

1Si les relations entre l’œuvre de Freud et le champ de la fiction sont à la fois décisives et complexes, elles se réfractent à la surface d’un vocabulaire qui témoigne de la multiplicité des fictions possibles en psychanalyse. Notre réflexion entend ainsi souligner, à partir des différents « noms » de la fiction chez Freud (comme ceux à l’œuvre dans la Traumdeutung : « Theoretische Fiktion », « Gleichnis [1] », « Mythologie [2] »…), une pluralité de sens et de champs dans cette problématique.

2Il y a bien plusieurs registres de fictions chez Freud, et ce que nous désirons interroger dans ce texte ce sont les destins, autrement dit le devenir de ces fictions dans le corpus freudien. Plus fondamentalement, si Freud utilise des fictions hétérogènes (mythes anciens, langage métaphorique, références littéraires…), en même temps, il ne cesse d’interroger les différents champs du savoir et de la culture qu’elles impliquent, ce qui touche au statut de la « vérité » et de ses expressions dans l’art et les mythes.

3Dans l’élaboration freudienne des processus psychiques liés au rêve par exemple, la « fiction théorique » est posée explicitement comme l’artifice d’hypothèses et de notions qui ne peuvent être confondues avec un objet qui demeure fondamentalement inconnu [3]. Une « fiction théorique » désigne aussi bien la dimension « construite » d’une connaissance que sa « limite » irréductible [4].

4Dans le contexte de la Traumdeutung, le mot « fiction » vise à la fois la fabrication de représentations par l’activité théorique et l’altérité de ces représentations par rapport à leurs objets. La fiction est en l’occurrence une représentation qui est posée dans sa différence avec la réalité qu’elle donne à penser (les « processus primaires », le « travail du rêve »…). La fiction est ici le « nom » d’un artifice qui se reconnaît comme tel et distingue deux sphères différentes : la connaissance et son objet comme énigme.

5Notons d’emblée que cette notion de « fiction » s’appuie elle-même sur les métaphores classiques de la connaissance comme « construction » ou « édifice [5] ». De ce point de vue, l’épistémologie proposée par Freud rejoint la conception de Nietzsche sur, au moins, deux points précis : d’une part, la connaissance ressemble à un édifice en construction, où se fabriquent toujours de nouveaux concepts, et, d’autre part, il y a une différenciation entre la « vérité » scientifique et d’autres formes de « vérités » qui échappent au champ de la rationalité objectivante [6].

6Nous allons montrer en quelle mesure, dans le mouvement de sa conceptualisation, Freud recourt à des métaphores et à des mythes comme des noyaux narratifs qui soutiennent l’émergence et la création de concepts, comme si le développement théorique en passait nécessairement par le champ des fictions. En outre, force est de constater que, pour Freud, la fiction intéresse à la fois le processus psychanalytique dans la cure, notamment sous le registre des « constructions », et l’écriture de « cas », dans sa dimension potentielle de « roman [7] ». Là encore, c’est le mot fiction qui nous semble approprié pour marquer la différence entre une subjectivité qui « crée » et des objets qui demeurent toujours autres que leurs représentations.

7La notion de fiction représente bien cette altérité de la représentation dans la relation à son objet, posé au-delà de toute saisie « complète » ou « adéquate ». Afin de distinguer différents champs, nous allons poser les bases d’une réflexion en suivant les destins de la fiction dans l’élaboration de la théorie, dans la dynamique de la cure et dans le registre de son écriture, tout en sachant que ces trois domaines ne sont pas séparables. Parler de destins de la fiction, c’est aussi saisir les liens, les passages possibles entre ces trois champs.

8Ainsi, l’écriture théorique, disons le style de Freud dans la Traumdeutung a pu être comparé aux « associations » de l’analysant allongé sur le divan : « La constitution progressive de l’appareil psychique telle qu’elle est effectuée au cours du chapitre VII n’est rien d’autre qu’un discours d’analysant dont on aurait seulement élagué la complexité ou que l’on aurait simplifié pour faire bref [8]. » Le devenir de l’élaboration théorique aux confins de la métaphore et du mythe s’apparente parfois à une suite d’images et de trouvailles qui semblent en effet « surgir » comme les « associations » sur le divan.

9Au-delà de cette remarque, il semble que le recours freudien à la fiction implique, sous des modalités différentes, le franchissement d’un seuil entre le savoir « scientifique » et la connaissance comme procès de subjectivation et de création par la parole. L’enjeu des fictions freudiennes serait-il celui du passage de la « science » à la « connaissance » ?

Le devenir fiction du concept

« La théorie des pulsions est, pour ainsi dire, notre mythologie. Les pulsions sont des êtres mythiques, formidables dans leur imprécision. »
S. Freud (1933), Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1984, coll. « Folio essais », p. 129.

10Qu’est-ce qu’un concept ? À propos des pulsions, Freud définit cette notion d’une façon explicite : un « concept fondamental » est d’abord une « convention [9] ». Sur le plan épistémologique, il y a un devenir du concept dans ce sens, abordé au début de « Pulsions et destins des pulsions » ; les « concepts fondamentaux » sont l’expression d’une pensée en mouvement, ils reflètent l’aspect dynamique de la connaissance comme suite de « conventions » : « […] Le progrès de la connaissance ne tolère pas non plus de rigidité dans les définitions. Comme l’exemple de la physique l’enseigne de façon éclatante, même les “concepts fondamentaux” qui ont été fixés dans des définitions voient leur contenu constamment modifié [10]. » Ce texte sur les pulsions comme « concept fondamental » commence ainsi par une sorte de mise au point épistémologique où Freud fait l’éloge de la pensée scientifique comme un devenir qui pousse tout concept-convention vers sa propre modification [11]. La « convention » est déjà une référence à l’artifice et à l’altérité du savoir, soit à la fiction comme telle.

11Pour Freud, un concept s’apparente à un contenu « conventionnel », soit un savoir en devenir. Nous pourrions condenser cette logique en ces termes : « Là où était le concept, sa modification doit advenir. » Un concept est « scientifique » dans la mesure où il n’est pas figé, comme s’il était toujours susceptible d’être réouvert dans une relation d’altérité par rapport à lui-même [12]. De fait, un « concept fondamental » comme le concept de « pulsion » n’a cessé d’être repris, affiné et modifié par Freud lui-même, notamment jusqu’aux Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse où il est exprimé ceci d’étonnant : « La théorie des pulsions est, pour ainsi dire, notre mythologie. Les pulsions sont des êtres mythiques, formidables dans leur imprécision. Nous ne pouvons dans notre travail faire abstraction d’eux un seul instant et cependant nous ne sommes jamais certains de les voir nettement [13]. » À ce moment-là du devenir du concept de pulsion, Freud semble prendre acte d’une longue trans-formation du concept en « mythologie ». Qu’est-ce que cela implique ?

12« Notre mythologie » est une formule qui condense le rapatriement de la théorie des pulsions dans la sphère des mythes. Le mythe n’est plus une « illustration » ou un « matériel » pour accompagner la théorie, il est sa dimension proprement créatrice. Dans ce contexte, le mot « mythologie » ne désigne pas une « référence » à une fiction antérieure et extérieure à la théorie freudienne, il renvoie à la créativité de l’activité théorique comme productrice de mythes. La relation de Freud aux mythes n’est donc pas réductible à une « lecture » ou un « déchiffrement » de mythes déjà existants.

13Il y a là deux temps logiques par rapport aux mythes : le temps de la « référence » qui traite le mythe comme un matériel de la culture, et le temps de la « création » qui engendre de nouveaux mythes. Il faut noter en ce point que, dès le début de son élaboration, le concept de pulsion est façonné au plus près de la sphère des fictions, où les mythes anciens peuvent rejoindre les contes et les légendes populaires, ne serait-ce que par la référence initiale de Freud au mythe de l’androgyne [14]. Le parcours de Freud correspond en quelque sorte à un dépassement de la relation de « référence » aux mythes déjà existants par une relation de « création » de nouveaux mythes.

14Mythes et théorie ne sont donc pas à opposer mais à articuler comme la possibilité de créer des représentations qui touchent à l’Inconnu, comme les récits qui racontent les origines. C’est bien ce que Freud a fait dans Totem et tabou, avec le mythe du père de la horde [15]. Si Freud crée ce mythe c’est que l’origine comme telle échappe à l’histoire « scientifique » : toute origine renvoie nécessairement au mythe comme récit de fiction.

15Dans cette logique de création de mythes, bien au-delà du mythe du père de la horde, de nouveaux récits fictifs ont ponctué le questionnement psychanalytique comme des créations inattendues au sein de la théorie. Ainsi Lacan évoquait-il la question du « but » de la pulsion en ces termes : « Le fauve sort de son trou querens quem devoret, et quand il a trouvé ce qu’il a à se mettre sous la dent, il est satisfait, il digère. Le fait même qu’une image semblable puisse être évoquée montre assez qu’on la laisse résonner en harmonique à la mythologie, à proprement parler, de la pulsion [16]. » L’image « mythologique » d’un « fauve » qui rôde et cherche à dévorer serait-elle à même de nous donner à penser le « but » de la pulsion ? La métaphore peut-elle soutenir la connaissance ?

Métaphore et théorie dans L’interprétation des rêves

16Pour être déployée dans toute sa complexité, l’expression « devenir fiction du concept » doit repérer la résurgence de fictions au cœur de la théorie freudienne. Dans le chapitre VII de la Traumdeutung, Freud évoque ainsi le mythe grec des Titans pour parler des désirs inconscients et de leur force :

17

« En apparence, seul le désir conscient se réalise, mais un petit détail de l’aspect du rêve permet de découvrir l’auxiliaire puissant venu de l’inconscient. Ces désirs refoulés, mais toujours actifs, pour ainsi dire immortels, de notre inconscient sont, comme nous l’apprend l’étude psychologique des névroses, d’origine infantile. Ils sont, comme les Titans de la légende, écrasés depuis l’origine des temps sous de lourdes masses de montagnes que les dieux vainqueurs roulèrent sur eux : les tressaillements de leurs membres ébranlent encore aujourd’hui parfois ces montagnes [17]. »

18Le processus de théorisation du « travail du rêve », des désirs infantiles et de leur vecteur pulsionnel pousse Freud vers une écriture ponctuée par la référence à des mythes grecs et par la tendance à la métaphorisation. Tout se passe comme si Freud parvenait dans son écriture à « laisser venir », au-delà des références mythologiques, des images dans un je(u) créatif qui ne recule pas devant la métaphore. Le langage dans ses ressources métaphoriques n’est-il pas la médiation la plus pertinente pour que le sujet de la parole exprime les « vérités » relatives au rêve et à l’inconscient ?

19La métaphore est à la fois art de la comparaison, sens de la ressemblance, franchissement de seuils et « déplacement » de la pensée vers des images ; elle révèle la force créatrice propre au langage. Le chapitre VII développe ainsi plusieurs métaphores, notamment celle de « l’ombilic » : « Les rêves les mieux interprétés gardent souvent un point obscur ; on remarque là un nœud de pensées que l’on ne peut défaire, mais qui n’apporterait rien de plus au contenu du rêve. C’est “l’ombilic” du rêve, le point où il se rattache à l’Inconnu. Les pensées du rêve que l’on rencontre pendant l’interprétation n’ont en général pas d’aboutissement, elles se ramifient en tous sens dans le réseau enchevêtré de nos pensées. Le désir du rêve surgit d’un point plus épais de ce tissu, comme le champignon de son mycélium [18]. » Tout se passe comme si Freud se lançait vers une connaissance de l’ordre de la Metapherbildung[19].

20Des comparaisons figuratives étayent la théorie du rêve ; celle-ci se voit donner, par le biais de la métaphore, des images où elle prend toute sa profondeur. Comment penser cette relation de la théorie et de la métaphore chez Freud ? Deux pôles opposés seraient sans doute à distinguer dans la façon d’approcher cet enjeu.

21Un premier pôle consiste à mettre en question la « scientificité » de la théorie freudienne du fait de sa proximité avec les mythes et les métaphores. Ainsi, la présence de fictions au cœur de la théorie freudienne a pu conduire à questionner son statut épistémologique : Paul Ricœur remarquait, à propos de la théorie du rêve, que « Freud a recours à toutes sortes de métaphores quasi physiques pour rendre compte de cette déformation dont il dit qu’« elle ne pense, ne calcule, ni ne juge d’aucune façon que ce soit ». Nous avons déjà mentionné la condensation et le déplacement comme des métaphores quasi physiques pour le travail du rêve. […] Une autre métaphore quasi physique d’égale importance est celle d’investissement, dont Freud ne cache pas la parenté avec l’opération d’un capitaliste qui investit ses fonds au service de l’entrepreneur [20]… » Il est évident que, à certains moments de la production théorique, l’écriture freudienne entre dans un jeu de fictions où la métaphore semble advenir au plus près du concept. Ricœur s’étonnait de cette proximité du concept et de la métaphore : « Pourquoi Freud s’engage-t-il dans de telles complications, en usant de concepts qui demeurent semi-métaphoriques [21] […] ? »

22Pour Ricœur, l’opposition semble irréductible entre concept et métaphore : est-ce le concept qui demeure « semi-métaphorique », comme la promesse d’un concept inaccompli qui stagne dans un bain d’images, ou bien est-ce la métaphore qui ne parvient pas à s’accomplir comme concept en dépassant la pensée par images ? Dans l’approche de Ricœur, la voie de la métaphore semble éloigner Freud de la « science » ; mais il y a ici un présupposé qui oppose, de façon rigide, le savoir et le recours à la métaphore, comme si la connaissance ne pouvait se déployer au travers des fictions métaphoriques. « Appliquer », comme tend à le faire Ricœur, une modélisation scientifique basée sur l’existence de « faits » à « vérifier », aux « vérités » que la théorie freudienne construit n’a aucun sens dans la mesure où Freud se décale précisément des « sciences » pour rejoindre ce qui leur échappe : la dimension du rêve et le circuit des pulsions… À cet égard, nous pensons que la rigueur de la pensée freudienne consiste à subvertir l’ordre du connaître en élevant des fictions au rang de représentations dignes d’être assumées comme « connaissance » de l’inconscient. L’enjeu épistémologique sous-jacent est : « Qu’est-ce que penser ? » Ou encore : la rationalité scientifique est-elle le seul mode possible du penser ?

23Un deuxième pôle consisterait dès lors à réinterroger l’acte de penser et de reconnaître la valeur de la métaphore dans la connaissance. Par la métaphore, l’acte de parole donne naissance à des images où du sens prend forme : « co-naissance » où un sujet, en quête de « vérité », peut penser autrement en faisant naître des images.

24Si l’écriture de Freud s’approfondit par le décentrement de l’activité théorique vers le je(u) des métaphores, n’est-ce pas dans la mesure où elle se laisse ainsi conduire par la matière même qu’elle tente d’approcher ? À partir de sa lecture du chapitre VII, François Roustang dégageait une hypothèse intéressante : l’écriture freudienne qui s’efforce de « connaître » le rêve dérive vers un style particulier, au plus près de la logique du rêve [22]. Freud se laisse en quelque sorte dériver le long de métaphores qui sont autant d’images qui se projettent à la surface de son écriture. L’écran de l’écriture devient un lieu possible pour penser en images. D’où la proximité entre le connaître freudien, le langage métaphorique et la sphère poétique [23].

25La métaphore semble pouvoir devenir une des modalités privilégiées de la théorie du rêve, de par sa proximité avec la logique du rêve qui pense en images. Pourquoi ne pas assumer pleinement la métaphorisation comme acte de connaissance ? Freud ne cessera de différencier des champs dans le savoir afin de ne pas réduire la connaissance de l’humain à une dimension « scientifique ». C’est l’objet même de ses investigations – le psychisme inconscient – qui pousse Freud vers le mythe, la métaphore et l’art, qu’il s’agisse d’explorer le rêve, la pulsion, le sentiment de culpabilité [24] ou encore le vécu d’« inquiétante étrangeté [25] »…

La « seconde navigation » dans Au-delà du principe de plaisir

26L’épistémologie de Freud travaille à différencier le savoir des « sciences » et la connaissance de l’inconscient qui relève d’une autre logique. Ainsi, dans Au-delà du principe de plaisir, la problématique des pulsions et du vivant travaillé par la compulsion de répétition amène Freud à se déplacer progressivement du discours « scientifique » (G. Th. Fechner…) vers Goethe, Schiller, Schopenhauer et le mythe de l’androgyne du Banquet de Platon [26]. Là encore le même mouvement de pensée se repère, comme si la possibilité de développer le concept de pulsion était étroitement liée au champ de la littérature et des mythes.

27Dans l’écriture du texte de Au-delà du principe de plaisir, il y a bien ce qu’il faudrait appeler, par métaphore, une « seconde navigation [27] ». Par « seconde navigation », nous entendons le choix explicite de Freud de passer des discours de la « science » à un autre champ du savoir ; il s’agit d’emprunter une nouvelle voie, celle des mythes anciens, précisément dans la mesure où le discours scientifique n’atteint pas les images et récits nécessaires à la représentation de la pulsion. Tout au long de Au-delà du principe de plaisir, Freud recherche le logos approprié pour pouvoir penser la pulsion, en particulier dans sa dimension de répétition.

28Le fait est qu’il rencontre des paroles essentielles du côté des mythes, il s’agit alors de se dégager du « discours scientifique » pour atteindre d’autres représentations. Freud écrit ceci qui marque une ligne de fracture entre « science » et « mythes » :

29

« La science nous en apprend si peu d’ailleurs sur l’apparition de la sexualité que l’on peut comparer ce problème à une nuit obscure où n’a pas même pénétré le rayon de lumière d’une hypothèse. Dans un tout autre domaine, sans doute trouvons-nous une telle hypothèse mais elle est d’un genre si fantastique – certainement plus proche du mythe que de l’explication scientifique – que je n’oserais pas en faire état ici si elle ne satisfaisait précisément à la condition que nous cherchons à remplir : elle fait dériver une pulsion du besoin de rétablir un état antérieur [28]. »

30La « seconde navigation » est celle de Freud vers le mythe en tant que lui seul peut rendre possible la représentation de ce qui échappe à la science. À partir de ce pivot épistémologique, Freud se lance dans la narration du mythe raconté par Aristophane dans le Banquet : c’est un récit de récit, ce qui est l’essence même de la référence aux mythes, y compris dans l’œuvre de Platon. Le récit mythique est en quelque sorte le devenir de l’écriture théorique vers une parole plus lointaine que celui qui la transmet, ce qui situe d’emblée ce récit dans l’horizon de la fiction. Le mythe en question se présente comme un récit relatif à la fois à la complétude originaire perdue et au désir de « rétablir » cet état antérieur [29]. L’enjeu, pour Freud, est en l’occurrence la possibilité de trouver des représentations de la pulsion sexuelle. Si l’« objet » du discours psychanalytique – le psychisme inconscient, le rêve, les pulsions… – tend à impliquer le passage vers des fictions littéraires ou mythiques, qu’en est-il du destin de la fiction dans la cure ? De quelle(s) forme(s) de « vérité » les paroles prononcées en séance relèvent-elles ?

Constructions et sens-fictions en analyse

« Le vaisseau plein de rêves échoue sur les récifs de la veille. Robinson s’efforce d’en ramener quelque chose de prix sur le rivage. Il peine. »
P. Valéry, Œuvres, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, volume I, 1957, p. 379.

31Dans la dynamique de la cure, l’articulation entre processus psychanalytique et fictions se joue à différents niveaux. Nous allons nous concentrer ici sur les notions de « récits » et de « constructions ». Cette notion de « constructions » marque la radicalisation de Freud à la fin de son œuvre ; les « constructions » réfractent en quelque sorte la créativité du psychanalyste dans un « travail » dont la métaphore est celle d’un archéologue qui invente des représentations pour faire le récit de cet X que la remémoration ne peut retrouver [30].

32Le paradigme freudien s’est progressivement déplacé de l’idéal d’une narration-remémoration du passé à la reconnaissance du récit comme événement psychique. La notion même d’événement s’en trouve modifiée, il ne s’agira plus de chercher un objet transcendant l’acte de parole, que cet objet soit « le passé », « la scène primitive » ou « le rêve », mais d’élever la narration au rang d’événement étonnant par les modifications, les déplacements, les fantasmes qu’elle exprime. Cet objet a été en quelque sorte décentré du champ de la mémoire vers le domaine de la narration comme lieu de déformations, de fantasmes et de fictions.

33L’idée initiale de « retrouver » l’histoire effective, ou du moins une scène primordiale ou un événement traumatique, va laisser progressivement place à la reconnaissance des fantasmes et des désirs comme vecteurs de la « mise en récit ». Ce qui tend à être écarté, c’est la « réalité événementielle » au profit de la narration comme actualisation des fictions (rêves, désirs, fantasmes…) de la « réalité psychique ».

34À propos du rapport de « l’Homme aux loups » à la scène originaire par exemple, Freud en viendra à introduire la notion de « fantasmes originaires [31] ». Si la narration était un mouvement de subjectivation vers une scène plus ou moins « fantasmatique » ou vers un fantasme « mis en scène » dans le récit, disons vers un point où se pose la question du « réel » comme irreprésentable, elle n’en finirait pas d’« approcher » ce qui lui échappe, comme si ce point demeurait un X hétérogène à l’ordre de la représentation. Le moteur de la narration serait alors l’impossible à raconter. Ne faut-il pas dès lors consentir à un écart irréductible entre les récits et le point vers lequel ils s’acheminent ?

35Deux moments dialectiques peuvent donc être repérés dans les rapports que Freud a su tisser avec les récits de ses patients : dans cette dynamique, le moment inaugural de l’idéal d’une remémoration du passé sera dépassé par l’enjeu d’une subjectivité au « travail » dans la narration : ce qui est raconté peut être alors conçu comme une « fiction », au sens de ce qui est façonné par une subjectivité – avec ses fantasmes, ses désirs… – qui reconstitue ce qu’elle raconte. À sa naissance, la psychanalyse s’était caractérisée par la prise en compte de la dimension d’un passé à la fois refoulé et présent : ainsi le symptôme hystérique était conçu par Freud comme un « symbole mnémonique [32] ». En ce sens, le symptôme est approché dans sa valeur historique : il demeure, à plus d’un titre, une des formes vivantes par laquelle une mémoire inconsciente prend corps, comme la mémoire d’un regard « perçant » qui s’actualise dans un malaise vécu dans le corps propre. Un tel symptôme peut être comparé à la fois à une résurgence d’une scène passée et à un texte crypté qu’il s’agit de déchiffrer par la parole du sujet. Avec ses patientes hystériques notamment, Freud tend à utiliser la narration comme une corde de rappel qui pourrait assurer les retrouvailles avec les temps les plus anciens. Dans ce paradigme de la narration-remémoration, le symptôme est lui-même une scène passée et présente à la fois, voire une métaphore du langage qu’il s’agit de traduire [33].

« Vérité historique » ou « fiction narrative » ?

36Au début, il s’agissait pour Freud de viser une « vérité historique » au sens d’une remémoration, plus ou moins « complète », des conditions pathogènes ayant conduit à la mise en place d’un symptôme. Dans cette perspective, le récit poursuivait la mise en mots d’un fait qui a déjà eu lieu. Même si ce modèle se voit rapidement mis à mal, une hypothèse importante est à repérer ici.

37Cette hypothèse implique une rupture essentielle avec les pratiques cliniques précédentes : les mots de la narration ont un effet sur le devenir des maux et ce qui a été noué dans la mémoire inconsciente du sujet peut être dénoué à l’occasion d’un récit. La notion de talking cure est fondée sur la connexion entre une histoire racontée-retrouvée en séance et une disparition corrélative du symptôme [34]. Ce récit « historique », qui vise les origines du symptôme, va être mis en question par une dimension rebelle qui échappe à la remémoration : le récit se révèle à la fois lacunaire et incertain.

38Alors que Freud est bien obligé de prendre acte à la fois de la résistance à l’hypnose et à la suggestion et de la force du refoulement, il se voit contraint de modifier progressivement le contenu de la « vérité historique » pour se décaler vers la question de la « reconstruction » du passé. En 1937, Freud assumera pleinement cette limite irréductible de la narration-remémoration du patient et tentera de la dépasser avec la part de fiction qui incombe à l’analyste [35]. À ce moment-clé du parcours de Freud, le paradigme de la narration se radicalise en s’appuyant sur la métaphore de l’archéologue : le passé n’est pas à retrouver mais à reconstituer dans une narration-fiction. Si l’objet de l’analyste-archéologue est à la fois enseveli et incertain, le psychanalyste peut produire une « construction » à partir des traces, des restes, des indices découverts dans la cure. Freud introduit des guillemets dans son texte pour illustrer ce que l’analyste pourrait dire au sujet : « Jusqu’à votre nième année vous vous êtes considéré comme le possesseur unique et absolu de votre mère ; à ce moment-là un deuxième enfant est arrivé [36]… » Cette forme de « construction » s’actualise sous les traits d’un « récit » que l’analyste raconte au sujet : cette narration se révèle in fine comme une simple fiction. L’essentiel, pour Freud, ce n’est plus de dire la « vérité historique » ou de trouver une « garantie » de la concordance entre le récit et son objet, c’est l’effet d’une fiction sur celui qui peut y adhérer [37]. L’effet, comme modalité du devenir intrapsychique de la fiction, dépend de la relation subjective entre le sujet en analyse et les constructions proposées par l’analyste. Ce qui est en jeu dans ce devenir, c’est le degré de conviction du sujet dans son rapport à la fiction.

39Force est de constater que cette évolution vers le récit comme fiction est amorcée très tôt dans le corpus freudien, elle est particulièrement nette lorsque Freud interroge le récit du rêve comme une activité prise entre deux lignes de force : la visée potentielle de la remémoration et la logique propre de la narration. Une question épistémologique se concentrait dès la Traumdeutung sur ce point : l’objet d’un récit peut-il être « restitué » ou bien est-il « déformé » par le narrateur ? Le détail fondamental qui était reconnu par Freud à cette occasion était le suivant : le récit de rêve n’est pas la « description » d’un événement, il en est sa « déformation [38] ». Le seuil freudien se situe entre récit de description et déformation par le récit ; il implique à la fois le passage de l’un (« le rêve » comme événement accessible dans un récit) au multiple (des récits comme traces variables qui s’acheminent dans l’altérité des versions) et le passage de « l’objectivité » à la fiction. En relançant la narration d’un rêve, Freud montre qu’il ne saurait y avoir un seul récit possible de l’objet autour duquel il tourne, et c’est dans ce rapport d’altérité des récits entre eux que se révèlent à la fois le champ de la fiction et le « travail du récit ».

Le « travail du récit »

40À propos de la « déformation », Freud ajoute ceci d’essentiel : « Il est exact que nous déformons le rêve lorsque nous le reproduisons : nous retrouvons alors ce que nous avons appelé l’élaboration secondaire, souvent capable de méprise, par l’insistance de la pensée normale. Mais cette déformation fait partie de l’élaboration secondaire à laquelle sont soumises régulièrement, par suite de la censure, les pensées du rêve […]. Or il n’y a là rien d’arbitraire[39]. » Le « travail du récit » n’est donc pas une recomposition arbitraire de son objet, il est connecté aux lois qui opèrent dans le « travail du rêve ». J.-B. Pontalis intégrait en ce sens le récit au « travail du rêve [40] ».

41Lorsque l’analysant « peine » à retrouver des fragments oniriques dans ses récits, il s’engage en réalité dans de nouvelles fictions. Cette conception dynamique de narration-fiction met en relief à la fois l’altérité des récits successifs, d’une part, et l’absence d’arbitraire dans ces fictions narratives, d’autre part. Il y a une logique inconsciente qui surdétermine le récit ; la théorie freudienne de la narration trouve ici son noyau épistémologique. La narration s’inscrit dans un « travail du récit » qui, à l’instar du « travail du rêve », ne peut que représenter autrement ses pensées et ses images du fait de la censure. La subtilité de Freud consiste à montrer que le récit qui « manque » son objet n’a pas seulement une fonction défensive, il est aussi un lieu où se réfractent et se transforment des « pensées inconscientes » par le jeu d’un déterminisme qui irrigue le flux narratif et les « associations » du rêveur éveillé [41]. Si les processus narratifs semblent, par ce « travail » de déformation, du même ordre que certains mécanismes du rêve, c’est bien la narration qui peut être élevée au rang d’un événement psychique de premier plan.

42La portée d’une telle position épistémique est essentielle sur le plan clinique dans la mesure où elle touche aussi bien à la direction de la cure qu’au statut de la « vérité ». Lacan soulignait l’opposition fondamentale entre le passé et son historisation, autant dire la différence entre ce qui a eu lieu et ses « fictions » dans l’actualité transférentielle d’une narration : « L’histoire n’est pas le passé. L’histoire est le passé pour autant qu’il est historisé dans le présent [42]… » Parler du passé dans un récit, c’est essentiellement reconstruire et ré-interpréter ce qui a eu lieu : « Ce dont il s’agit, c’est moins se souvenir, disait Lacan, que réécrire l’histoire [43]. » La « vérité » d’un passé se constitue dans les histoires que le sujet raconte en séance : il n’y a pas une histoire « objective » mais des fictions subjectives. Lacan situait ainsi la question du sujet dans son rapport à son histoire en ces termes : « Le fait que le sujet revive, se remémore, au sens intuitif du mot, les événements formateurs de son existence, n’est pas en soi-même tellement important. Ce qui compte, c’est ce qu’il en reconstruit […]. Je vous parle de ce qu’il y a dans Freud […]. Il n’a jamais abandonné quelque chose qui ne peut se formuler que de la façon que je viens de dire – réécrire l’histoire – formule qui permet de situer les diverses indications qu’il donne à propos des petits détails dans les récits en analyse [44]. »

43Narrer un événement du passé, comme parler d’un rêve nocturne, c’est en même temps modifier des détails, à l’instar de l’écrivain qui travaille à « réécrire » un texte, c’est « reconstruire » des scènes, des faits et du sens. « Raconter sa vie », c’est ainsi faire surgir des fantasmes, c’est façonner du sens, c’est « trans-former » un objet toujours autre au sein d’une narration-palimpseste.

44Le récit d’un événement n’est alors qu’une version, parmi d’autres possibles, qui apporte des nuances langagières et des variations subtiles, si bien qu’il serait vain de chercher la version du « fait », de « l’événement » en question ou sa résolution dans un récit plus « objectif » que les autres. Si l’idéal de remémoration a laissé la place à un récit d’un nouveau genre : il s’agira dès lors en analyse de « raconter une histoire » : erzälung et non geschichte[45]. Serge Viderman radicalisera cette ligne de réflexion en proposant de penser toute « interprétation » comme une création du psychanalyste [46] : le « sens » n’est-il pas l’archétype de la fiction créée en analyse ? Cette question conduit indirectement à un autre champ de fictions : l’écriture de « cas ». Le cas n’est-il pas une forme de « reconstruction » et de « mise en sens » liées à l’activité créatrice de l’analyste ?

« Comme des romans… »

45Au moment même où Freud inventait la méthode psychanalytique, il s’interrogeait sur le statut épistémologique de la narration à l’œuvre dans l’écriture de cas, Freud s’étonnant lui-même du fait que ceux-ci peuvent se lire « comme des romans [47] ». Les récits cliniques de Freud s’apparentent d’une certaine façon à des fictions qui assument par ce biais la subjectivité d’une reconstruction « après-coup ». Un récit clinique ne pouvant être une retranscription « objective » de ce qui a eu lieu, il est un témoignage fragmentaire et inventif, une fiction dont l’objet (la cure comme ensemble d’événements et de paroles…) est perdu.

46Un récit de cas relève essentiellement d’une création à la fois subjective et contingente, de même que, du point de vue de l’analysant, la naissance d’une œuvre à partir de l’expérience analytique. Ainsi, comme le soulignait Conrad Stein : « Les séances de Dora ont été à l’origine, quel qu’ait été le destin de cette patiente, de la création du cas Dora qui appartient à l’analyse de Freud. À l’opposé encore, il est des patients de Freud dont les séances ont donné lieu à une œuvre de leur part où rien n’atteste une création de Freud [48]. » Ces réflexions de Conrad Stein nous rappellent aussi bien l’implication de la subjectivité du psychanalyste dans ses récits que l’hétérogénéité des potentialités créatrices à partir d’une cure.

47Cette reconnaissance du récit de cas comme fiction rejoint le statut de l’événement en psychanalyse, celui-ci étant à « reconstruire » dans l’acte de parole. Le cas ressemble en ce point à une « reconstruction », voire une « sublimation » dans l’écriture du psychanalyste de ce qui a été « vécu », « dit », « construit » dans la cure. Ce mouvement de « mise en récit » de la cure demeure complexe.

48En effet, si un cas est un récit de récits, s’il peut représenter le devenir de la cure du côté de la sublimation dans l’écriture du psychanalyste, il peut aussi être sa « réduction » du côté de la parade théorique, de la séduction rhétorique ou de la défense dans la forme « maîtrisée » de l’écriture.

49Max Kohn en arrive à souligner, à propos de l’attitude potentielle du psychanalyste, que « la précipitation dans le récit est défensive. Je crois pouvoir fixer par un récit le temps qui passe, ce qui fait événement. La constitution du récit me sollicite. Notre récit de psychanalyste raconte ce qui arrive quand on essaye d’être analyste. Il prouve malheureusement souvent que nous ne le sommes pas. L’appartenance à une institution, à un code, à une doctrine, même pas une théorie, est le plus souvent l’enjeu [49]… »

50Le récit clinique échoue alors sur les rivages complaisants du « récitatif », au détriment de l’étonnement. De ce point de vue, de quelle « vérité » l’écriture d’un « cas » est-elle le témoignage ? Max Kohn propose une autre articulation possible entre cas et fiction : « Les Cinq psychanalyses […] nous permettent de voir comment s’organisent les rapports entre narration et conceptualisation à l’intérieur de la psychanalyse. Le récit n’est pas vraiment la preuve de la vérité de la théorie, il est un prétexte à faire de la théorie une fiction, pour parler de la clinique[50]. »

51La question de la valeur de « vérité » d’une écriture en psychanalyse semble renouer avec le fil rouge de notre texte : s’il y a une vérité potentielle d’un récit clinique, elle s’exprime par la créativité propre du psychanalyste. Or, l’histoire des récits de « cas » montre qu’il y a sans doute autant de styles que de psychanalystes, et il y a parfois plusieurs styles dans une œuvre [51]. Les styles en psychanalyse sont pluriels et hétérogènes, cela peut aller du « bombardement interprétatif » où l’écriture devient pure rhétorique destinée à réduire la part d’énigme au récit comme espace de jeu : le « cas » demeure donc une question ouverte et, comme le suggère Max Kohn, « au fond, personne ne sait comment faire [52]… »

52Ainsi, à travers notre parcours, nous avons essayé de suivre quelques fictions en passe de devenir les fils de trames narratives en quête de vérité. Ces différents fils peuvent nous aider à saisir en quel sens l’approche freudienne subvertit les rapports entre vérité et fiction, comme si l’enjeu était de reconnaître une dimension créatrice à l’acte de parole, acte qui peut produire une vérité qui échappe à la rationalité scientifique. Il s’agit pour Freud, comme pour Nietzsche, de ne pas réduire la vérité de l’humain au domaine scientifique, disons que l’enjeu est de renouer avec un rapport « esthétique » au langage et au vrai, en se laissant guider par les ressources créatrices de la parole.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : narration, mythes, fiction, constructions, concepts métapsychologiques

Date de mise en ligne : 09/11/2011

https://doi.org/10.3917/cm.084.0075

Notes

  • [1]
    S. Freud (1900), Die Traumdeutung, Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt, 1991, p. 551, traduction française L’interprétation des rêves, Paris, puf, 1967, p. 477. Lorsque Freud développe les métaphores de l’« entrepreneur » et du « capitaliste », il commence par dire : « Um es in einem Gleichnis zu sagen… », soit : « S’il nous est permis de faire une comparaison… » Formule qui réouvre la parole en jeu sur une série de métaphores.
  • [2]
    S. Freud (1900), Die Traumdeutung, op. cit., p. 605, trad. fr., L’interprétation des rêves, op. cit., p. 525.
  • [3]
    S. Freud (1900), Die Traumdeutung, op. cit., p. 590, trad. fr., L’interprétation des rêves, op. cit., p. 513.
  • [4]
    S. Freud (1915), « Pulsions et destins des pulsions », dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, coll. « Folio essais », p. 17 : le concept de pulsion est posé comme un « concept limite » précisément du fait d’une relation d’inconnu.
  • [5]
    Nous retrouvons ces métaphores par exemple chez Descartes (1637), Discours de la méthode, Paris, Vrin, 1992, p. 59. Dans ce sens, Nietzsche file aussi la métaphore de la connaissance comme « construction », cf. F. Nietzsche (1873), « Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », dans Le livre du philosophe, Paris, Aubier-Flammarion Bilingue, 1969.
  • [6]
    F. Nietzsche (1873), « Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », op. cit., p. 195.
  • [7]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, Paris, puf, 2002, p. 127.
  • [8]
    F. Roustang, « Du chapitre VII », Nouvelle revue de psychanalyse, n° 16, « Écrire la psychanalyse », Paris, Gallimard, 1977, p. 95.
  • [9]
    S. Freud (1915), « Pulsions et destins des pulsions », op. cit., p. 11-12.
  • [10]
    Ibid., p. 12.
  • [11]
    T. Kuhn (1957), La révolution copernicienne, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1973. La mutabilité des concepts fondamentaux d’une science est un aspect central de l’épistémologie moderne.
  • [12]
    Cf. dans ce sens, G. Bachelard (1938), La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1989, p. 7. Bachelard fait un lien entre la relativité d’Einstein et la conception moderne du concept : « […] On ne peut se prévaloir d’un esprit scientifique tant qu’on n’est pas assuré, à tous les moments de la vie pensive, de reconstruire tout son savoir. »
  • [13]
    S. Freud (1933), Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1984, p. 129.
  • [14]
    S. Freud (1905), Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, 1962, coll. « Idées », p. 18.
  • [15]
    S. Freud (1913), Totem et tabou, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2001, p. 199 et suivantes.
  • [16]
    J. Lacan (1964), Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973, p. 151. Cf. aussi le mythe de la lamelle p. 187. Lacan va bien au-delà d’une « interprétation » ou d’une « réécriture » du mythe platonicien de l’androgyne : il crée un nouveau mythe pour pouvoir donner une représentation de la libido.
  • [17]
    S. Freud (1900), Die Traumdeutung, op. cit., p. 543, trad. fr., L’interprétation des rêves, op. cit., p. 471. Nous soulignons.
  • [18]
    Ibid., p. 446.
  • [19]
    F. Nietzsche (1873), « Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », op. cit., p. 194. Nietzsche évoque ce qui pousse à former des métaphores comme une pulsion, « Trieb zur Metapherbildung », qui se déploie dans l’acte de connaissance.
  • [20]
    P. Ricœur, « La psychanalyse confrontée à l’épistémologie », Psychiatrie française, n° spécial Entre théorie et pratique : fonctions de la pensée théorique, 1986, p. 19.
  • [21]
    Ibid., p. 19.
  • [22]
    F. Roustang, « Du chapitre VII », op. cit., p. 89.
  • [23]
    S. Freud (1937), « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin », dans Résultats, idées, problèmes, t. II, 1921-1938, Paris, puf, 2002, p. 260.
  • [24]
    S. Freud (1916), « Quelques types de caractère dégagés par la psychanalyse », dans Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1933, p. 115. Au cœur de son analyse de la « conscience morale » et de la tendance inconsciente à s’infliger de la « peine », Freud se réfère à Shakespeare…
  • [25]
    S. Freud (1919), « L’inquiétante étrangeté », dans L’inquiétante étrangeté et autres textes, Paris, Gallimard, 2001, coll. « Folio bilingue », p. 55.
  • [26]
    S. Freud (1920), « Au-delà du principe de plaisir », dans Essais de psychanalyse, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1981.
  • [27]
    Expression utilisée par Socrate pour définir le choix d’une autre « méthode », cf. Platon, Phédon, Paris, GF-Flammarion, 1991, 276d.
  • [28]
    S. Freud (1920), « Au-delà du principe de plaisir », op. cit., p. 106.
  • [29]
    Platon, Phédon, Paris, GF-Flammarion, 1991, 189c-193d.
  • [30]
    S. Freud (1937), « Constructions dans l’analyse », dans Résultats, idées, problèmes, t. II, 1921-1938, Paris, puf, 2002, p. 271-272.
  • [31]
    S. Freud (1918), L’Homme aux loups. À partir de l’histoire d’une névrose infantile, Paris, puf, 1990, coll. « Quadrige », p. 118. L’expérience subjective est articulée, par le biais des « fantasmes originaires », à une autre histoire plus profonde, qui dépasse l’histoire individuelle, et à l’énigme d’une transmission inconsciente. Ce thème était déjà présent dans S. Freud (1900), L’interprétation des rêves, op. cit., chapitre VII « Psychologie du rêve ».
  • [32]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, op. cit., p. 84 : Si Freud montre comment des sensations vécues au niveau du corps, sentir une odeur de brûlé par exemple, renvoient à ce qui s’est produit dans le passé, son souci est alors de « retrouver » par la remémoration de tels incidents et leur valeur pathogène.
  • [33]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, op. cit., p. 145. Freud remarque qu’une expression de la langue, comme « avaler quelque chose » qui a un sens métaphorique, peut prendre corps dans une dimension littérale. La formation des symptômes est liée au devenir inconscient de la langue et à des « conversions » du matériel symbolique dans le corps…
  • [34]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, op. cit., p. 30.
  • [35]
    S. Freud (1937), « Constructions dans l’analyse », dans Résultats, idées, problèmes, t. II, 1921-1938, Paris, puf, 2002, p. 271-272.
  • [36]
    Ibid., p. 273.
  • [37]
    Ibid., p. 278 : « […] Une analyse correctement menée le convainc fermement de la vérité de la construction, ce qui, du point de vue thérapeutique, a le même effet qu’un souvenir retrouvé. » Nous soulignons.
  • [38]
    S. Freud (1900), L’interprétation des rêves, op. cit., p. 437.
  • [39]
    Ibid., p. 438, nous soulignons.
  • [40]
    J.-B. Pontalis, Entre le rêve et la douleur, Paris, Gallimard, 1977, p. 22 : « Le travail du rêve, autrement dit la série de transformations qui s’opèrent à partir des déclencheurs – motions pulsionnelles et restes diurnes – jusqu’au produit terminal : le récit de rêve, le rêve consigné, mis en mots… »
  • [41]
    S. Freud (1900), L’interprétation des rêves, op. cit., p. 438.
  • [42]
    J. Lacan (1953-1954), Le Séminaire, Livre I, Les écrits techniques de Freud, Paris, Le Seuil, 1975, p. 19.
  • [43]
    Ibid., p. 20.
  • [44]
    Ibid., p. 20.
  • [45]
    S. Freud (1909), L’Homme aux rats. Journal d’une analyse, Paris, puf, 1996, p. 44.
  • [46]
    S. Viderman (1970), La construction de l’espace analytique, Paris, Gallimard, 1982.
  • [47]
    S. Freud, J. Breuer (1895), Études sur l’hystérie, Paris, puf, 2002, p. 127 : « […] Je m’étonne moi-même, écrit Freud, de constater que mes observations de malades se lisent comme des romans […]. Je me console en me disant que cet état de choses est évidemment attribuable à la nature même du sujet traité et non à mon choix personnel. »
  • [48]
    C. Stein, « Préface », dans Psychanalyse à Vienne, 1934. Notes sur mon analyse avec Freud, Paris, Denoël, 1974, p. 9.
  • [49]
    M. Kohn, « “Je récite l’homme” : du récit dans la psychanalyse », Cliniques méditerranéennes, Toulouse, érès, n° 77, 2008/1, p. 209.
  • [50]
    M. Kohn, Le récit dans la psychanalyse, Toulouse, érès, 1998, p. 32. Nous soulignons.
  • [51]
    F. Roustang, « Du chapitre VII », op. cit., p. 66.
  • [52]
    Cf. M. Kohn, Le récit dans la psychanalyse, op. cit., p. 40-65.

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