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Article de revue

Malaises et mal-être dans la paternité

Pages 49 à 69

Notes

  • [*]
    Patrick De Neuter, 111 rue des Aduatiques, 1200 Bruxelles (Belgique) ; psychanalyste à Bruxelles, professeur de psychopathologie aux facultés de psychologie et de médecine de l’université catholique de Louvain.
  • [1]
    Lacan appelle parfois ces pères « pères réels ». Je préfère éviter cette dénomination car elle amène à confondre la fonction de père réel et son ou ses agents. De plus, auprès de certains lecteurs, cette dénomination peut faire croire que là se trouverait la vérité de la paternité alors que, pour Lacan, cette paternité-là n’est pas plus réelle que les autres, imaginaire et symbolique.
  • [2]
    Pour plus de détails, le lecteur peut se reporter à mon article « Fonctions paternelles et naissances du sujet », dans Cahiers Sciences familiales et sexologiques, Louvain-la-Neuve, 1992, 18, p. 105-127.
  • [3]
    Ce tableau s’inspire du tableau proposé par Lacan lors de son séminaire sur « la Relation d’objet » (séance du 13 mars 1957). Il tente de tenir compte des divers commentaires que Lacan a pu faire ultérieurement concernant ces diverses instances et fonctions paternelles.
  • [4]
    J. Lacan, Séminaire sur « La Relation d’objet », 1956-1957, leçon du 5 juin, édition afp, p. 298-299. Cf. aussi mon article : « Le père réel et la sexualité du fils », dans La Psychanalyse de l’enfant, 1993, 13, p. 65-80.
  • [5]
    T. Benedek, « Parehood as a developmental phase », dans Journal of the American Psychoanalytical Association, 1959, 7, p. 389-417.
  • [6]
    R. Ebtinger, « Aspects psychopathologiques de la paternité », dans Confrontation psychiatrique, 1978, 16, p. 149-188.
  • [7]
    L. Millet et coll., « Les psychonévroses de la paternité », dans Ann. Méd. psych., 1978, 136, 3, 417-449.
  • [8]
    G. Delaisi de Parseval, La Part du père, Paris, Le Seuil, 1981.
  • [9]
    D. Brun, « Maternité d’un homme », dans Études freudiennes, 21-22, 1983, p. 41-54. Republié dans La Maternité et le féminin, Paris, Denoël, 1990, p. 69-85.
  • [10]
    C. Revault d’Allones, Etre, faire, avoir un enfant, Paris, Plon, 1991 et Payot et Rivage, 1994.
  • [11]
    B. Mounier, « Jalousie paternelle », dans J. Clerget et M.P., Place du père, violence et paternité, Champs, pul, 1992.
  • [12]
    D. Naziri et Th. Dragonas, « Le passage à la paternité : une approche clinique », dans Psychiatrie de l’enfant, XXXVII, 2, 1994, p. 601-629.
  • [13]
    M. Dugnat (éd.), Devenir père, devenir mère. Naissance et parentalité, Arip, Toulouse, Érès, 1999.
  • [14]
    D. Dumas, Sans père et sans parole, Paris, Hachette, 1999.
  • [15]
    D’après Laplanche et Pontalis, Freud n’a jamais tout à fait abandonné le point de vue traumatique (cf. Le Vocabulaire de psychanalyse, puf, p. 502) et dans son Introduction à la psychanalyse (1916-1917), Freud lui-même affirme : « Le point de vue traumatique ne doit pas être abandonné comme étant erroné : il occupera seulement une autre place et sera soumis à d’autres conditions », Paris, Payot, 1959, p. 299.
  • [16]
    On se souviendra que l’ensemble des trois ronds présentifiant le sujet, ne tient que si aucun des trois ne fait défaut. On se souvient aussi que tout défaut de nouage entraîne soit psychose, soit sinthome. Que dire alors d’une théorie qui abandonne systématiquement l’une de ces trois dimensions du psychisme sinon qu’elle risque bien de rendre le sujet psychotique ou irrémédiablement dépendant de son sinthome ?
  • [17]
    Il y a tueuse dans incestueuse.
  • [18]
    À partir des livres de C. Revault d’Allones, op. cit. ; de D. Dugnas, op. cit. ; de B. This (1980) Le Père. Acte de naissance et de D. Dumas, Sans père et sans parole. La place du père dans l’équilibre de l’enfant, Hachette, 1999, ainsi que des articles de D. Brun, « La maternité d’un homme », dans Études freudiennes, n° 21-22, 1983, p. 41-42 ; de Chalmers, D. Bet Meyer, « What men say about pregnancy, birth and parenthood », dans J. Psychosom. Obstet. gynecology., 1996, 17 ; de R. Ebtinger, Aspects psychopathologiques de la paternité, op. cit. ; de L. Millet et coll. « Les psychonévroses de la paternité », dans Ann. Méd.-psych., 1978, 136, 3, 417-449 ; de W.H. Trethowan et M.F. Colon, « The couvade syndrome », dans Brit. J. Psychiat. (1965), III, p. 57-66 ; de K. Deater-Deckard et coll., « Family structure and depressive symptoms, dans Men Preceding and Following the Birth of a Child », dans Am. J. Psychiatry (1998), 155, 818-823 ; de P. Rivière, The Couvade, a Problem Reborn ; de W.H. Trethowan, « Le syndrome de couvade. Nouvelles observations », dans Revue de médecine psychosomatique, 1969 ; de A. Hartman et R. Nicoley, dans « Sexually deviant behavior in expectants father », Journal of Abnormal Psychology, 1966, tous trois cités par G. Delaisi de Parseval, La Part du père, Paris, Le Seuil, 1981.
  • [19]
    R. Ebtinger, op. cit., p. 162.
  • [20]
    M. Czermak, « Passion de l’objet », Études psychanalytiques des psychoses, J. Clims, Association freudienne, 1986, p. 87-108. À ce sujet, on lira aussi avec intérêt le cas proposé par R. Ebtinger, op. cit., p. 166.
  • [21]
    Pour Freud, le rite de la couvade serait une tentative « qui vise vraisemblablement à combattre le doute, jamais entièrement surmontable, concernant la paternité » (cf. « Les théories sexuelles infantiles », 1908, dans La Vie sexuelle, Paris, puf, 1969, p. 25.
  • [22]
    Freud a évoqué le fantasme de grossesse et l’envie d’un bébé chez l’homme dans son article de 1908 sur « Les théories sexuelles infantiles », dans La Vie sexuelle, Paris, puf, 1969, p. 14-27. Cependant, il évoque là, non pas l’identification à la mère mais la conception anale de la grossesse et de l’accouchement, ce qui évite de faire appel à une tendance féminine, précise-t-il. (p. 22). Cf. aussi « Sur la transposition des pulsions et plus particulièrement dans l’érotisme anal », ibidem.
  • [23]
    D. Brun, « La maternité d’un homme », dans La Maternité et le féminin, op. cit., p. 69-85.
  • [24]
    Pour D. Stelios de Naziri et Th. Dragonas, ce désir est tout à fait conscient : « Je voudrais ressentir ce que la mère ressent… je ne pourrais pas supporter d’être absent à ce moment-là (de l’accouchement) », op. cit., p. 618.
  • [25]
    Cité par R. Ebtinger, op. cit., p. 163.
  • [26]
    J. Lacan, 1938, Les Complexes familiaux dans la formation de l’individu, Navarin, 1984, p. 35-49.
  • [27]
    C. Bergeret-Amselek, Le Mystère des mères, Desclée de Brouwer, 1977.
  • [28]
    D. Bastien, Le Plaisir et les mères, Paris, Imago, 1997.
  • [29]
    C. Garnier-Petit, Mal de mère, mal d’enfant, Albin Michel, 1999.
  • [30]
    S. Freud, 1910, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Gallimard, 1991, p. 217.
  • [31]
    La même mère n’a pas allaité, à cause de son mari : « Si je faisais cela, il n’y en aurait plus que pour le bébé… C’est comme si j’avais deux enfants, dit-elle, un grand qui sait marcher et l’autre pas. Et je ne sais pas lequel est le pire. »
  • [32]
    L. Roegiers écrit encore : « Toute naissance se présente également comme un joker pour le couple. De nouvelles voies de communication et d’équilibre s’ouvrent pour le meilleur et pour le pire. »
  • [33]
    D. Bastien, Le Plaisir et les mères, op. cit., p. 136.
  • [34]
    Sans pour autant tout à fait exclure la possible identification du rêveur à l’enfant.
  • [35]
    S. Freud, Malaise dans la civilisation (1929), trad. franc., Paris, puf, 1981, p. 67.
  • [36]
    J. Lacan, Seconde conférence aux facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles, 10 mars 1960), Archives internes de l’Association freudienne internationale.
  • [37]
    Cf. P. de Neuter, « L’agressivité paternelle. Étrange destin d’un concept », dans Logos et Anankè, 2, 2000, p. 77-104.
  • [38]
    F. Hurstel, La Déchirure paternelle, op. cit., p. 78-79.
  • [39]
    Millet et coll., op. cit., p. 429.
  • [40]
    F. Hurstel, op. cit., p. 72.
  • [41]
    Une fois de plus, gardons-nous des généralisations indues. Certains grands-pères se trouvent plongés comme dans un bain de jouvence par la présence sous leur toit de petits-enfants dont les babillements, les cris et les demandes de soins évoquent ceux qui habitaient la maison quelque 20 ou 30 ans plus tôt.
  • [42]
    Ch. de Montesquieu, Les Essais, cité par Millet et coll., op. cit., p. 417.
  • [43]
    Cité par M. Safouan, Études sur l’Œdipe, Paris, Le Seuil, 1974, p. 209.
  • [44]
    Et plus précisément son hypothèse indiquant que les troubles hystériques d’un fils ou d’une fille auraient pu être causés par le comportement séducteur du père.
  • [45]
    P. de Neuter, « Père réel, inceste et devenir sexuel de la fille », dans Le Bulletin freudien, Bruxelles, Association freudienne de Belgique, 1991, 16-17, p. 111-137.
  • [46]
    J. Clerget, « Comment un petit garçon devient-il un papa ? » dans M. Dugnat, Devenir père, devenir mère, op. cit., p. 114.
  • [47]
    Selon le mythe, il s’agissait-là d’une punition divine du père de son rapport pédophilique avec le fils d’un homme qui lui avait offert l’hospitalité.
  • [48]
    S. Freud, Totem et tabou (1912), Petite bibliothèque Payot, 9, 1965, p. 212-219.
  • [49]
    S. Freud, L’Interprétation des rêves (1900), Paris, puf, 1976, p. 477.
  • [50]
    Certaines statistiques indiquent que 60 % des enfants ne voient plus leur père après six ans de séparation.
  • [51]
    Ou encore, de la réalisation d’un vœu de mise à l’écart voire d’un règlement de compte avec leur propre père.
  • [52]
    P. Castoriadis-Aulagnier, La Violence de l’interprétation, Paris, puf, 1975, p. 95 et 171.
  • [53]
    Millet et coll., op. cit., p. 421. Deux des vingt observations de ces auteurs aboutissent au suicide.
  • [54]
    A. Aubert-Godard, dans M. Dugnat, op. cit., p. 136-142.
  • [55]
    Ces noms prénoms sont évidemment fictifs.
  • [56]
    La haine vise l’être du sujet. Cf. notre contribution intitulée : « Agressivités, haines et conjugo », dans Cliniques méditerranéennes, 1997, 53-54, p. 47-65.
  • [57]
    V. Hugo, Les Feuilles d’automne, 1881.
Boiter n’est pas pécher

1 Depuis la découverte du rôle interdicteur du père en 1887, la théorisation freudienne s’est significativement complexifiée. Sous la plume de Freud tout d’abord, puis sous celle de Lacan qui a apporté les concepts tout à fait essentiels de fonction paternelle, de père symbolique et de métaphore paternelle.

2 Ce n’est pas de cela qu’il sera question ci-après – si ce n’est à titre d’introduction – mais bien de la paternité réelle, de la paternité des pères de la réalité, ceux que Lacan appelle parfois les pères « concrets [1] ». Autrement dit, ceux qui incarnent, dans la réalité de la vie d’un sujet, les fonctions ou les instances de père symbolique, de père imaginaire et de père réel. Ces fonctions paternelles, les pères concrets les effectuent en effet selon leur propre réalité, c’est-à-dire notamment, en fonction de leur structure, leurs identifications et leurs symptômes. Précisons encore que les pères de la réalité, dont je parlerai aujourd’hui, ont ceci de particulier qu’ils sont aussi les pères géniteurs. Comme chacun sait, ce n’est pas toujours le père géniteur qui incarne les diverses fonctions paternelles tout au long du développement d’un sujet. C’est même de moins en moins souvent le cas.

3 Pour tenter d’atténuer les malentendus qui surviennent fréquemment à ce sujet, commençons par dresser, à l’aide du tableau suivant, construit après un examen approfondi de l’enseignement de Lacan, la toile de fond de mes propos [2].

Pères réel, imaginaire et symbolique

Les instances de la fonction de père symbolique[3]

A. Instance du père réel
  • Agent : le(s) père(s) de la réalité
  • Don : la castration symbolique
  • Exigence : renoncement au phallus imaginaire
B. Instance du père et de la mère symboliques
  • Agent : le(s) père(s) et mère(s) de la réalité
  • Dons :
    1. la frustration du sein
    2. le nom et l’adoption
    3. la langue
C. Instance du père imaginaire
  • Agent : l’enfant
  • Support : le(s) père(s) de la réalité

Les instances de la fonction de père symbolique[3]

4 Les pères de la réalité sont donc, pour Lacan, amenés à donner corps au Père réel, cette instance qui apporte à l’infans la castration symbolique.

5 Avec Lacan, on peut évoquer par exemple le père impuissant de Dora, celui du jeune homosexuel qui a trop fait l’amour à sa femme à laquelle le fils compatissant va s’identifier et enfin le « bon » père du petit Hans, qui lui, au contraire, ne comble pas suffisamment la mère, trop occupé qu’il est de la place qu’il tient auprès de sa propre mère. Le père de la réalité du petit Hans, c’est un père qui laisse son fils n’en faire qu’à sa tête et qui ne manifeste pas assez sa jalousie ou son courroux.

6 Le Père réel, précise encore Lacan, c’est celui qui doit répondre à l’enfant. Il interdit, mais plus essentiellement, il dit. Et il importe qu’il dise de telle sorte que son dire ait des effets. Sur l’enfant comme sur la mère. Parmi ces effets, signalons l’entame de la toute-puissance maternelle. C’est ainsi que le Père réel apporte, offre, donne à l’enfant, la castration symbolique. Autrement dit, c’est tout cela qui va permettre à un enfant, au petit Hans par exemple, d’accéder au renoncement à être le phallus imaginaire de la mère. Et Lacan d’ajouter à propos du petit Hans que, sans ce renoncement, celui-ci ne pourra rencontrer les femmes sans les redouter. Et que, ce qui nous intéresse davantage aujourd’hui, il ne pourra avoir d’enfant autre qu’imaginaire. Lacan établit donc un lien direct entre l’accès possible d’un sujet aux paternités réelle et symbolique et la façon dont ce sujet a traversé, enfant, l’épreuve œdipienne.

7 Le Père imaginaire est au contraire, comme son qualificatif l’indique, le fruit de l’imagination de l’enfant : le Père que l’enfant imagine à partir de ses fantasmes, de ses désirs, de ses expériences concrètes et sans doute aussi, à partir de l’imaginaire culturel concernant le Père. Qu’il le veuille ou non, le père concret – le père de la réalité – va endosser ce manteau du Père imaginaire. Le père imaginaire est aussi, quoique Lacan n’ait pas insisté sur cette facette du père, sauf dans de brefs passages comme celui que nous venons d’évoquer, le Père qu’un père s’imagine être pour l’autre, qu’un père veut incarner pour l’autre : le Père tout-puissant, par exemple, ou encore tout bon ou tout despotique.

8 Quant au Père symbolique, Lacan a varié dans sa définition. Après une longue fréquentation de ses textes, je vous propose de considérer ce Père symbolique comme une instance qui apporte à l’enfant la frustration du sein, la langue (dite maternelle) et le nom signe de l’adoption. Remarquons que la Mère symbolique participe elle aussi à cette instance, notamment par la place réservée au père dans sa parole. Mais l’on trouve aussi chez Lacan une conception du Père symbolique englobant les trois instances précédentes équivalant au concept de Nom-du-Père.

9 L’instance, comme la fonction du Père symbolique, protège l’enfant de la psychose. Elle « prescrit », disait Lacan, la castration symbolique par l’intervention de la fonction Père réel, elle-même incarnée par le ou par les pères de la réalité. Elle informe, elle inspire, elle guide la parole de la Mère symbolique, qui apporte à l’enfant notamment, la frustration qui concerne l’objet sein.

10 Elle est en relation d’interdépendance avec la fonction de Père imaginaire qui donne à l’enfant la privation et qui, dans une certaine mesure, apporte son appui à l’effectuation de la fonction de Père symbolique.

11 Elle permet en effet que s’inscrivent dans le sujet et le signifiant du Nom-du-Père et celui du phallus, moyennant quoi le sujet échappe à la psychose et aura, devenu adulte, un accès pas trop problématique à la sexualité, à la paternité et à la maternité.

12 La fonction du Père réel se trouve donc incarnée par divers « pères de la réalité » et l’on sait qu’il faut entendre par là tout parlêtre qui dans telle culture s’interpose en tiers entre la mère et l’enfant. Ce père vient leur faire entendre – par ses paroles comme par ses actes – que l’enfant ne peut être phallus imaginaire maternel et que ce phallus qui fait désirer et jouir la mère c’est lui, le père, qui l’a.

13 Dans son séminaire sur « La Relation d’objet », Lacan fait bien sentir la différence entre Père symbolique et père de la réalité.

14 Après avoir précisé le rôle essentiel du Père symbolique comme médiateur du monde symbolique et du Nom-du-Père comme barrage contre la psychose, Lacan poursuit en affirmant que, pour ce qui se rapporte à l’entrée dans l’assomption de la fonction sexuelle virile, la clinique nous montre que c’est le père de la réalité qui « joue vraiment le jeu ».

15 Il ajoute ensuite la participation du Père imaginaire à cette effectuation de la fonction de Père symbolique.

16 Car c’est dans la mesure « où le père, tel qu’il existe, remplit sa fonction imaginaire dans ce qu’elle a, elle, d’empiriquement intolérable, si vous voulez de révoltant, dans le fait qu’il fait sentir son incidence comme castratrice et uniquement sous cet angle, c’est dans cette mesure que le complexe de castration est vécu par l’enfant [4] ».

17 En effet, apporter la castration symbolique, induit une imago tyrannique. Mais cette imago n’est pas inutile. Elle contribue à l’effectuation de l’opération subjectivante de castration symbolique. Ce qui pose la question de savoir ce qu’il advient de cette opération lorsque le père de la réalité, celui du petit Hans par exemple, éprouve quelque difficulté à endosser le manteau du Père imaginaire et, corrélativement sans doute, à parler à sa femme et à son fils, de telle sorte que sa parole soit entendue et suivie d’effet. Et l’on peut aussi se demander ce qu’il advient de ce processus lorsque l’imago paternelle sociale ne soutient plus cette imago paternelle tyrannique et autoritaire.

18 Néanmoins, ce n’est pas de ce malaise-là dont il s’agira ci-dessous mais bien de celui qui affecte les hommes devenant pères, lorsqu’ils sont par là convoqués à soutenir, à incarner, à se faire agents, de ces diverses fonctions et instances paternelles que nous venons de décrire.

Du devenir-père dans la réalité

19 Curieusement, les psychanalystes ont peu écrit à ce sujet. Comme s’ils éprouvaient une réticence certaine, voire un certain malaise, à envisager la paternité sous cet angle.

20 Chez Lacan et chez les élèves, on trouve de nombreux développements théoriques concernant le Père symbolique, la Métaphore paternelle et le Nom-du-père.

21 Mais, concernant les difficultés rencontrées par les pères de la réalité dans leur office de Père, les écrits des psychanalystes sont plutôt rares. Mis à part Benedek qui, en 1959, dans le champ de la psychanalyse, étudia le devenir-père en le considérant comme une crise [5], c’est du côté de la psychologie et de la psychiatrie qu’il faut chercher. Et là encore, les écrits sont peu nombreux. Des auteurs comme R. Ebtinger [6] et comme L. Millet [7] et leurs collaborateurs soulignent en effet que, dans ce champ-là aussi, les décompensations psychotiques, névrotiques et psychosomatiques favorisées par la survenue de la situation de paternité semblent plus fréquentes que ne le laissent supposer le petit nombre de publications à ce sujet.

22 En 1981, dans son livre La Part du père, G. Delaisi de Parseval, après une étude plus large des ouvrages de puériculture et de conseils aux parents, en vient à conclure à une absence semblable dans ce champ théorique du père de la réalité, comme s’il s’agissait là, dit-elle, d’un sujet tabou [8]. L’absence du père de la réalité dans la littérature analytique et notamment de l’univers fantasmatique dans lequel le père accueille ses enfants et les malaises somatiques et/ou psychiques paternels induits par leur survenue, ne feraient donc qu’emboîter le pas à cette oblitération sociale de cet aspect de la paternité. Cela étant, on trouve dans cet ouvrage un premier abord consistant de cette problématique paternelle. En 1983, D. Brun, une autre femme, notons-le, publiait un article intitulé « Maternité d’un homme [9] ». Il faut alors attendre 1991 pour voir réapparaître cette problématique du père. Cl. Revault d’Allonnes y consacrait sa contribution au livre collectif Être, faire et avoir un enfant[10]. En 1992, B. Mounier publie un chapitre intitulé « Jalousie paternelle » [11]. En 1994, D. Naziri et Th. Dragonas l’abordent à nouveau dans un article intitulé « Le passage à la paternité : une approche clinique [12] ». Tout récemment, cette problématique du père de la réalité est réouverte par J. Clerget, A. Aubert et A. Moreau dans l’ouvrage collectif édité par M. Dugnat sous le titre Devenir père, devenir mère[13] et par D. Dumas dans son livre Sans père et sans parole[14].

23 Freud et Lacan ne sont évidemment pas pour rien dans cette mise à l’écart du père de la réalité dans la théorie psychanalytique.

24 On se souvient comment Freud abandonna sa théorie de la séduction paternelle comme cause de la névrose, notamment parce qu’il était, à ses yeux, impossible qu’autant de pères, oncles et beaux-pères soient ainsi défaillants eu égard à leur fonction. En 1924, il affirmait néanmoins que cette théorie de la séduction par le père ne devait pas être tout à fait abandonnée [15].

25 On se souvient aussi comment Lacan et surtout un certain nombre de lacaniens accentuèrent l’importance du langage comme tiers symbolique, et celle du rôle de la parole de la mère dans l’effectuation ou non de la métaphore du Nom-du-Père. Ce qui est très adéquat à notre clinique mais qui risque de donner à penser que le rôle du père de la réalité dans cette opération de coupure se réduit à très peu de chose.

26 Par contre, des difficultés des hommes devenant pères dans la réalité, il est, dans ces textes, rarement sinon jamais question. Sauf celles du psychotique – de l’autre donc – dont furent bien repérées les décompensations possibles lors de la venue de l’enfant. Ceci est d’autant plus significatif que les difficultés des femmes devenant mères furent par contre l’objet de très nombreuses publications : je pense non seulement aux écrits sur l’autisme mais aussi à tout ce que les psychanalystes ont pu dire et écrire sur les désirs mortifères des mères à l’égard de leurs enfants.

27 Comme si, en ce qui concerne le père, les concepts, par ailleurs tout à fait importants de fonction paternelle et de Nom-du-père, avaient été utilisés dans un mouvement d’oblitération des dimensions réelles et imaginaires de la paternité, opérant ainsi un dénouage de l’essentielle intrication du réel de l’imaginaire et du symbolique dans la clinique comme dans l’enseignement de Lacan [16].

28 Et cependant, si l’on y prête quelque attention, la conception d’un enfant, son arrivée réelle dans le couple, ses désirs œdipiens, et son cheminement vers l’adolescence, vers l’âge adulte ensuite et enfin vers la maternité et la paternité, ne sont pas sans engendrer quelques malaises pour l’homme devenant père, malaises plus ou moins importants et plus ou moins durables selon les cas. Ce qui dépend tout à la fois de la structure de ces pères, de leurs identifications inconscientes, de leurs fixations œdipiennes, et enfin des événements qui ont marqué leur passé ou qui surviennent dans l’actualité de leur histoire.

29 Ainsi, les auteurs consultés signalent comme pouvant se trouver associés à la paternité, d’une part, un certain nombre de déclenchements de psychoses, d’autre part, l’éclosion de divers symptômes comme des délires de filiation, des phénomènes dits de couvade, des grossesses nerveuses, divers types de troubles psychosomatiques (prise de poids, troubles gastriques, perte de l’appétit, maux de ventre, nausées et vomissements, insomnies, maux de tête et le fameux goitre de Groddeck), des troubles sexuels (impuissance, disparition du désir, passages à l’acte homosexuels, exhibitionnistes, pédophiliques et incestueux et viols), toute une série de phénomènes dénotant une agressivité plus ou moins importante à l’égard de la mère ou de l’enfant (peur de leur faire mal, crainte qu’il ne leur arrive malheur, rêves d’agression et d’infanticide, maltraitances diverses y compris meurtrières et séduction incestueuse qui relèvent tantôt de l’agressivité [17], tantôt de l’amour ou de désir sexuel) et enfin, un certain nombre de comportements d’évitement et de fuite qui peuvent prendre les formes les plus diverses : fuites dans le travail, dans la phobie ou la mélancolie, dans une relation extraconjugale, dans le divorce, dans l’abandon de l’enfant et, parfois même, dans le suicide [18].

30 Remarquons ici avec D. Dumas que les hommes devenant pères n’établissent, la plupart du temps, aucun lien entre ce dont ils souffrent et la grossesse de leur femme et qu’il en va de même pour leur médecin.

31 La paternité réelle, cette expérience de vie souvent espérée, ce changement de statut plutôt valorisant dans notre social, cette arrivée d’un nouvel être, fêtée avec joie et annoncée avec fierté, cette possibilité pour le père de s’accomplir s’avèrent donc être pour un certain nombre d’hommes une crise existentielle plus ou moins importante et pour certains autres une épreuve infranchissable.

32 Comment comprendre cela ?

Quand survient le signifiant père

33 Évoquons d’abord brièvement l’épreuve que représente la paternité pour le psychotique.

34 Pour que se déclenche la psychose, disait Lacan, il faut que le Nom-du-Père, verworfen, forclos, c’est-à-dire jamais venu à la place de l’Autre, (autrement dit jamais inscrit dans l’inconscient) y soit appelé en opposition symbolique au sujet. Pour cela, poursuit Lacan, il faut qu’un père réel advienne, autrement dit un père de la réalité. Pas nécessairement son père, précise-t-il, mais un père. En l’occurrence lui-même lorsque l’homme devient père.

35 Remarquons qu’à la différence de la psychose puerpérale féminine, ce n’est pas seulement l’accouchement qui constitue le moment du déclenchement. L’annonce qu’il va être père peut aussi faire office de déclencheur : ce qui confirme la thèse lacanienne comme quoi c’est le surgissement, dans la réalité du sujet, du signifiant père – forclos au lieu de l’Autre (de l’Autre scène) qui est le véritable déterminant. C’est ainsi que Lacan interprète la décompensation psychotique de Schreber et que Laplanche a interprété le déclenchement de la psychose d’Hölderlin.

36 Pour le dire comme R. Ebtinger : « Qu’un événement comme la paternité vienne à le solliciter (le sujet) à une place qu’aurait dû garantir une insertion symbolique préalable, non seulement il ne peut que faire défaut, mais il se trouve encore privé des repères qui lui servaient de béquilles [19]. »

37 Dans son étude « Sur le déclenchement des psychoses », M. Czermak souligne lui aussi une série d’incidences du signifiant père mais aussi de certains signifiants associés comme ceux d’héritage, de nom propre, de filiation et encore de perte et de vol, évoquant la castration qui, comme nous le savons, n’est pas sans rapport avec le signifiant paternel [20].

Couvade et autres effets d’une identification maternelle

38 Quittons les psychoses et les ravageants malaises qu’engendre l’advenue du signifiant père et tournons-nous vers les névroses, et tout d’abord vers ce syndrome de couvade c’est-à-dire la simulation par le père d’une grossesse ou de l’accouchement par le biais de douleurs symptomatiques, de prise de poids, de troubles gastriques, d’opérations ou d’extractions dentaires [21]. Sous ce même terme de couvade, notons que l’on englobe parfois divers comportements du père maternant, comportements – non symptomatiques – qui trouvent probablement leur origine dans l’identification archaïque du petit homme à sa mère. « Le biberon de nuit, c’est mon affaire, dit ainsi un interviewé de Claude Revault d’Allonnes. J’aime cela. Ma femme se repose, elle récupère et moi, je l’ai dans les bras, c’est le seul moment où je l’ai à moi tout seul. »

39 Pour tout petit d’homme, l’amour pour la mère entraîne une identification dont il doit se déprendre pour devenir un homme [22]. Que sa compagne ou son épouse soit enceinte et accouche d’un enfant va inévitablement solliciter ces identifications maternelles inconscientes, plus ou moins radicalement refoulées. L’article de D. Brun est tout à fait parlant à cet égard [23]. L’homme est en outre confronté à la différence des sexes et à cet impossible auquel le confronte son anatomie masculine [24] (pour quelque temps encore en tout cas tant que la technique médicale ne pourra pas remédier à ce manque masculin !).

40 Syndrome de couvade, ou grossesses nerveuses et phénomènes psychosomatiques comme l’apparition d’un goitre peuvent trouver leur genèse dans ces tendances à satisfaire l’identification maternelle refoulée et à tenter un dépassement imaginaire de cet impossible masculin concernant la procréation.

41 Ainsi dans Le livre du ça, Groddeck écrit que son ventre enfle sous certaines influences et dégonfle subitement. Ce qu’il appelle sa grossesse. Et plus loin, parlant d’un goitre qui l’affectait depuis dix ans avant de disparaître suite à son auto-analyse, il écrit : « À mon avis, le goitre a disparu parce que mon ça a appris à entrevoir que j’ai vraiment une double vie, et une double nature sexuelle et qu’il devenait inutile de prouver l’évidence par ma tumeur [25]… ».

42 Notons que Th. Reik, dans Le rituel, a soutenu que la couvade pourrait aussi être une façon pour le père de se protéger contre ses impulsions à nuire à l’enfant ou à le tuer, agressivité du père sur laquelle nous reviendrons ci-dessous.

L’intrusion du rival

43 Dans un certain nombre de cas, et probablement dans tous les cas, c’est le complexe d’intrusion [26] qui se trouve réactivé.

44 L’arrivée d’un enfant dans un couple, c’est l’arrivée d’un rival qui vient transformer le lien, qui vient frustrer l’homme de sa femme et ceci d’autant plus que celle-ci orientera toute sa libido sur le nouveau venu, ou qu’elle éprouvera certaines difficultés quant au rapport sexuel, ce qui est fréquemment le cas, comme l’ont bien illustré de récents livres. Je pense à celui de Catherine Bergeret-Amselek (Le mystère des mères) [27], à celui de Danielle Bastien (Le plaisir et les mères) [28] et à celui de Catherine Garnier-Petit (Mal de mère, mal d’enfant) [29].

45 L’émergence de cette jalousie « fraternelle » se retrouve dans la plupart des travaux consacrés à la paternité réelle.

46 Même Freud, plutôt taiseux à ce sujet, affirme dans son essai sur Léonard de Vinci : « Dans le plus heureux des jeunes ménages, le père a le sentiment que l’enfant, particulièrement le jeune fils, est devenu son rival, et une hostilité, s’enracinant profondément dans l’inconscient, prend dès lors naissance contre le favori [30] ».

47 Une mère interviewée par Revault d’Alonnes l’affirme sans détour : « Je crois bien qu’il est jaloux du bébé : un enfant, un grand enfant, qui va avoir un petit frère »… « C’est comme si j’avais deux enfants, un grand qui sait marcher, et l’autre pas. »

48 Et son mari de le confirmer tout aussi explicitement : « C’est dur ! On ne s’entend plus si bien avec ma femme, c’est très dur depuis qu’elle est enceinte, c’est tout pour le bébé et maintenant c’est le bouquet. Voici qu’elle est malade. » Et le mari inquiet de poursuivre par un lapsus significatif : « Est-ce que ça va aller, ma mère, Euh… ma femme et le bébé [31] ? »

49 Quant à Arnaud, dont Danielle Bastien parle plus longuement dans le prochain numéro de cette revue, il avoue sans ambages : « Benoît, quoi qu’on fasse, il est là… on aurait bien envie d’être à deux, de se retrouver, mais l’enfant est là. C’est la liberté qui disparaît. Elle vit plus pour son fils que pour moi. »

50 Et ceci n’est pas que fantasme masculin. Comme je viens de le dire, la femme devenue mère apporte souvent, dans la réalité, une justification à ce mouvement de jalousie [32].

51 D’après D. Bastien, la description par les mères de leur sexualité après la naissance s’exprime souvent en ces termes : « Je n’ai pas envie, je pourrais m’en passer mais ne plus avoir de relation sexuelle serait affirmer qu’avant je n’étais intéressée par la sexualité que pour avoir un enfant. » La sexualité devient alors pour la femme contrainte et dévouement, mais détachée du désir [33].

52 Qu’une hostilité survienne donc chez l’homme à l’égard de la femme perdue, enlevée par l’enfant, ou à l’égard de l’enfant rapteur de la compagne en sexualité, semble donc difficilement évitable. Ce qui peut s’exprimer chez l’homme, dont le désir est ainsi laissé pour compte, par de symptomatiques refus de conception, par des craintes de faire mal à l’enfant ou à la mère, par des angoisses qu’il ne leur arrive malheur, par des rêves agressifs ou infanticides, par la perte du désir sexuel à l’égard de sa femme, par l’impuissance, par la recherche d’une relation extraconjugale ou par les diverses fuites hors du cocon conjugal (travail, sortie, alcoolisme, séparation, ou abandon par exemple).

53 Parfois, c’est dans les rêves que le désir infanticide se trouve exprimé.

54 Dans une récente publication, L. Roegiers, pédopsychiatre, psychothérapeute de famille, attaché à un service de gynécologie, rapporte le rêve d’un père après l’avortement décidé pour anomalie fœtale, perte qu’il avait accueillie avec une étonnante indifférence. Il s’agissait pourtant d’une grossesse qu’il avait explicitement souhaitée. « Cette nuit, j’ai rêvé qu’une superbe nana me draguait puis me montrait un tout petit nouveau-né ; elle voulait savoir si je serais capable d’écraser sa tête avec mon talon. Je lui ai demandé pourquoi et elle m’a répondu parce que ce serait si beau. » Nous ne disposons pas des associations du rêveur, mais il me semble que l’on peut à tout le moins faire l’hypothèse qu’un désir infanticide s’associe ici au désir de procréation explicite [34].

55 Remarquons que cette agressivité paternelle n’est nullement extraordinaire : l’amour est toujours doublé d’une hostilité au moins inconsciente à l’égard de ceux qu’on aime. Ce qui fit dire à Freud – c’est un extrait de Malaise dans la civilisation – que « l’agression constitue le sédiment qui se dépose au fond de tous les sentiments de tendresse et d’amour unissant les êtres humains à l’exception peut-être, ajoutait-il, du sentiment d’une mère pour son enfant mâle [35] ». Ce thème que Lacan a plus d’une fois repris, notamment lors d’une conférence à Bruxelles au cours de laquelle il affirma que « la haine suit comme son ombre cet amour pour ce prochain qui est aussi de nous ce qui est le plus étranger [36] ».

56 Étrange donc – être ange ? – que les psychanalystes ne parlent pas plus souvent de l’agressivité et de la haine des pères pour leurs enfants [37].

Confusion de la femme et de la mère

57 On l’a vu il y a quelques instants, l’homme, devenant père, peut s’identifier à la mère ou encore au frère aîné du nouveau-né.

58 D’autres identifient leur femme à leur mère, voire à La Mère. Est-il si rare d’ailleurs que les conjoints devenus parents se désignent ou s’appellent l’un l’autre « papa » et « maman » ? C’était le cas de M. et Mme R. interviewés par F. Hurstel [38].

59 Pas étonnant que ces parents se trouvent dans l’impossibilité de désirer, de faire l’amour et d’éprouver une jouissance sexuelle avec un et une partenaire qu’ils confondent inconsciemment avec l’objet d’amour incestueux, interdit quant à la sexualité.

60 Le clivage œdipien, typiquement masculin, entre le courant tendre et le courant sensuel, clivage qui avait été provisoirement dépassé, a tendance alors à se rétablir. C’est ainsi que peuvent se comprendre certaines disparitions du désir, certaines impuissances et certaines anorgasmies de l’homme devenant père.

61 Ainsi, depuis que sa femme est enceinte, Alain M., rencontré par Millet et coll., ne peut plus embrasser son épouse et éprouve une aversion physique en sa présence. Malgré une bonne et profonde entente, il témoigne d’une nette dégradation sur le plan des rapports sexuels [39].

62 Une telle angoisse d’une réalisation imaginaire de l’inceste et une telle dégradation de la sexualité dans le couple peuvent amener l’homme à chercher satisfaction de son désir auprès d’une maîtresse, souvent plus jeune ou non encore mère. Ce fut le cas de Monsieur M. qui confia à sa psychanalyste : « Lorsqu’elle m’a annoncé que j’allais être père, j’ai pensé : “Elle va être mère” et cette idée : “Coucher avec une mère m’a coupé mes effets [40]”. »

63 Corrélativement, cette impuissance masculine peut amener la femme soit à renforcer le lien sensuel avec son enfant – ce qui handicape la réalisation de la castration symbolique – soit encore à chercher un amant qui lui apportera la jouissance devenue difficile ou impossible au sein du conjugo.

Un changement de place, un partage de signifiants

64 « Au moment de sa reproduction, tout sujet doit céder la place d’enfant à son propre enfant », écrit Pierre Legendre. Il met ainsi en lumière une autre difficulté que rencontre l’homme devenant père, celle d’une double mutation. D’une part, il doit transmettre à son enfant la place de fils de la dernière génération à laquelle il doit donc renoncer. D’autre part, il doit accéder à la place de père, laissée accessible par son propre père à la génération précédente. Ceci, tout en restant néanmoins fils de son père. P. Legendre parle de permutation des places et de renoncement à la place du fils. Dans le même sens, Anne Aubert-Godard va jusqu’à dire que « le fils est chassé de sa place ». Ces expressions ne me semblent néanmoins pas tout à fait adéquates car, comme je viens de le dire, l’homme, devenant père, reste fils de son père et il est important qu’il le reste. Le renoncement porte sur la place de dernier fils dans la suite des générations, la place de celui qui deviendra à son tour porteur des espoirs de la lignée.

65 On pourrait donc dire plus exactement qu’il doit, d’une part, partager avec son enfant le signifiant « enfant de », sans confondre les générations – ce qui lui permet d’éviter la jalousie fraternelle déjà évoquée – et qu’il doit, d’autre part, partager avec son père le signifiant « père de » – ce qui s’avère réveiller les pulsions parricides si la confusion des générations l’amène à penser inconsciemment cette opération de mutation en terme de « c’est lui ou c’est moi ».

66 Pour reprendre les mots de F. Hurstel dans La déchirure paternelle, par sa paternité, le fils est amené à renoncer d’une certaine façon à sa condition de fils pour la garantir à son propre fils… tout en la conservant par rapport à son père, mais autrement.

67 Un fils, encore trop attaché aux mouvements parricides œdipiens, pourra difficilement vivre ces mutations autrement que dans un : « Ôte-toi de là que je m’y mette. » Et si son père venait à décéder réellement, cette imaginaire réalisation de son vœu peut avoir des effets ravageants comme l’illustre un des cas rapportés par Millet et collaborateurs.

68 Par ailleurs, un père, devenant grand-père par la paternité de son fils, sera lui aussi amené à une profonde transformation du rapport à son fils. Cette transformation ne va pas de soi d’autant plus que cette paternité du fils (comme celle de son beau-fils d’ailleurs) le propulse dans la catégorie du grand-père et que son petit-fils (ou sa petite-fille) met en évidence qu’il n’est qu’un maillon de la chaîne des générations. Ceci peut ébrécher son narcissisme et lui rappeler que son rendez-vous avec la mort approche, qu’il y consente ou non [41].

L’incontournable rendez-vous avec la mort

69 En réponse à ceux qui l’interrogeaient pour savoir ce que cela lui faisait de devenir père, l’Emile de R. de Obaldia répondit à ses interlocuteurs par une équivoque « ça me tue ».

70 Quant à Ch. de Montesquieu, bon père, sachant laisser la place à son fils, il affirmait néanmoins : « Il nous fâche qu’ils (les enfants) nous marchent sur les talons ; comme pour nous solliciter de sortir ; et… puisque l’ordre des choses porte qu’ils ne peuvent, à dire vérité, estre ny vivre qu’aux dépens de nostre estre et de notre vie, nous ne debvions pas nos mesler d’estre pères [42]. »

71 Hegel, lui, l’affirma sans détour : « La naissance des enfants est la mort des parents [43]. » Certes, il convient de souligner avec Safouan, qu’il s’agit là d’un fantasme et que la naissance des enfants c’est aussi le contraire.

72 Que cette naissance puisse rajeunir le père et lui conférer de nouvelles forces, c’est évident. Mais il arrive aussi que cette naissance éveille ces fantasmes de la rencontre avec notre ténébreuse maîtresse.

73 Gérard V. réagit à ce fantasme en se détachant de sa femme et en prenant maîtresse bien vivante « pour, disait-il, retrouver sa jeunesse ». Cependant, qu’il s’en vante auprès de son épouse fait penser qu’il s’agit aussi d’agresser celle-ci.

74 Toujours inquiet de sa jeunesse qui passe, Gérard lui confie en outre : « J’espère que lorsque ma fille sera grande, quand ma fille donc sera grande, elle s’habillera mieux que toi. Je pourrai sortir avec elle, je serai encore jeune. »

75 Où pointe cette autre dimension que peut éveiller la naissance d’un enfant, spécialement celle d’une fille : le désir incestueux paternel. Pour sa fille, voire pour son fils.

Le désir incestueux paternel

76 Depuis que Freud a mis en question sa neurotica [44], les analystes n’ont guère envisagé la réalité de ce désir incestueux du père pour sa fille. Il arrive pourtant que certains analysants évoquent sur le divan l’idée incestueuse qui leur a traversé l’esprit lorsqu’ils prirent leur fille de quelques jours dans les bras. « Dire qu’un autre, un salaud, dans quinze ans, dans vingt ans, la prendra dans ses bras et l’emmènera dans son lit », disait ainsi un jour l’un d’entre eux revenant de la maternité.

77 Comme telle, cette idée n’a évidemment rien de pathologique mais l’on sait aujourd’hui que, pour certains pères, l’enfant peut devenir dans la réalité, objet sexuel plutôt que sujet à introduire dans le monde des lois humaines fondamentales. De façon plus générale, le désir incestueux qu’il soit agi ou refoulé (et donc non reconnu), n’est guère propice à l’accession de l’enfant à la castration symbolique, comme nous avons précédemment tenté de le démontrer à partir des autobiographies de Eva Thomas et de Nathalie Schweighoffer ainsi que de quelques vignettes cliniques [45].

78 Si, chez quelques pères, le désir incestueux se trouve ainsi passer à l’acte, la réaction la plus fréquente est sans doute la fuite de toute proximité avec l’enfant par crainte du passage à l’acte et la répugnance à reconnaître et à vivre des émois dans leurs relations avec leurs enfants au risque de créer une trop grande distance, spécialement avec le fils [46].

79 Mais ce ne sont pas seulement les désirs incestueux inconscients paternels qui se trouvent évoqués par la naissance d’un enfant : les désirs meurtriers – et parfois cannibaliques – peuvent l’être aussi. D’ailleurs ces trois désirs humains fondamentaux sont quelquefois étroitement mêlés.

Les désirs cannibaliques et meurtriers

80 De ces désirs-là aussi, les psychanalystes parlent peu, du moins quand il s’agit des pères. Quand il s’agit des mères, il en va, comme nous le savons, tout autrement.

81 Ainsi, Freud a oblitéré le meurtre de ses enfants par Ouranos, la dévoration haineuse de ses enfants par Chronos, et l’exposition d’Œdipe aux bêtes sauvages par son père angoissé depuis que l’oracle avait prédit qu’un fils le tuerait [47]. Freud, qui connaissait bien ces mythes, n’en a cependant retenu que les désirs castrateurs et meurtriers des fils pour leur père. Je ne pense pas qu’il ait eu raison d’oblitérer ainsi ces aspects du mythe.

82 Car force est de constater que certains analysants font état sur le divan de telles pensées ou comportements de leur père. Et contrairement à certaines conceptions de la direction de la cure induites par cette perspective freudienne, ces analysants ne sont pas tous dans la projection sur leur père de leurs propres fantasmes et désirs. Celui, par exemple, d’être amoureusement dévoré ou battu par le père ou encore celui de le tuer pour posséder, seul, la mère.

83 Freud lui-même, qui, comme nous l’avons déjà souligné, n’y était pas trop enclin, a laissé passer quelquefois l’idée que le père n’était pas sans désir hostile à l’égard de son enfant. Et tout d’abord dans son étude sur Léonard de Vinci déjà cité (1910), ensuite dans son mythe du père de la horde où il explique le meurtre des fils par la jalousie sexuelle du père et son intolérance à l’égard de ses fils. « Il les chassait hors de la horde, précise-t-il, à mesure qu’ils grandissaient [48] ». La troisième mention freudienne du désir hostile à l’égard de l’enfant se trouve dans l’analyse d’un de ses rêves, fait durant la guerre 14-18, le rêve dit du fils officier, rêve qu’il interprète comme étant l’expression de sa « jalousie contre la jeunesse » d’un fils qui monte, tendance qu’il croyait avoir complètement étouffée [49]. La quatrième mention explique partiellement pourquoi ces désirs incestueux et hostiles paternels restent généralement voilés, dans la culture comme dans la théorie psychanalytique. Il s’agit d’un passage de Psychologie collective et analyse du moi. « Nous avons vu, écrit Freud, que l’Armée et l’Église reposent sur l’illusion ou, si l’on aime mieux, sur la représentation d’un chef aimant tous ses subordonnés d’un amour juste et égal. Mais ce n’est là qu’une transformation idéaliste des conditions existant dans la horde primitive, dans laquelle tous les fils se savent également persécutés par le père qui leur inspire à tous la même crainte. La force irrésistible de la famille, écrit-il ensuite, vient précisément de cette croyance en un amour égal du père pour tous ses enfants. »

84 Si cela est vrai, on comprend le silence qui entoure ce thème. Néanmoins, en participant à cette obturation culturelle, la psychanalyse ne perd-elle pas une occasion de permettre à un certain nombre de sujets, pères ou enfants, l’abandon des inévitables formations symptomatiques, rejetons des désirs cannibaliques, incestueux et meurtriers refoulés. Puisque – comme nous le savons – si le refoulement du désir est pathogène, sa reconnaissance par la parole est, au contraire, source pour le sujet de re-nouveau, de re-naissance et de re-création.

85 La clinique psychiatrique et les annales judiciaires révèlent un certain nombre de maltraitances paternelles, certaines étant meurtrières. Elles sont probablement moins fréquentes que celles des mères, mais on ne peut dire qu’elles sont inexistantes. Les désirs hostiles du père se traduisent sans doute davantage dans les contraintes éducatives inutiles ou franchement sadiques, dans les pousses à l’avortement, dans les fuites extra-familiales et, en cas de divorce notamment, dans les abandons de l’enfant au profit de la mère [50].

86 Et qui sait si les différents votes – par les hommes – des lois retirant de plus en plus l’autorité aux pères pour la transmettre aux mères ne relèvent pas d’une indifférence mortifère, voire d’un rejet masqué de ces hommes à l’égard de leur(s) enfant(s) [51].

87 De même, qui sait si les théories analytiques n’attribuant aucune importance aux pères de la réalité dans la constitution subjective de leurs enfants au profit de la seule métaphore paternelle mise en place par le seul langage ou encore par la seule parole de la mère, ne procèdent pas d’une semblable indifférence mortifère, laissant l’enfant s’engloutir dans le sein mortifère de la mère. P. Aulagnier, qui souligne elle aussi cet étrange silence sur le désir du père à l’égard de son enfant, fait remarquer qu’une telle théorisation partage l’illusion infantile du tout-pouvoir de la mère [52].

Les fuites paternelles dans le travail, dans l’espace, dans la phobie, dans la folie et dans le suicide

88 La paternité s’avère donc être non seulement source de joies et de bonheurs, mais elle comporte aussi une face plus ou moins cachée qui fait qu’elle est aussi, pour tous, une épreuve. Néanmoins, chez certains, cette épreuve suscite des désirs ou des symptômes intolérables et l’on comprend qu’ils puissent fuir ce qui devient un enfer familial.

89 Divorces pour les uns, relations extraconjugales pour d’autres, décompensations délirantes, suicides enfin car comme le dit Louis M., le patient de Millet et coll. : « Il vaut mieux en finir, après ce sera la paix [53]. »

Autres issues

90 Deux remarques donc avant de conclure.

91 La première concernera la possible traversée de ces épreuves par le travail psychothérapeutique ou psychanalytique.

92 Comme en témoignent Millet et ses collaborateurs, ainsi qu’A. Aubert-Godard, A. Moreau et A. Konicheckis [54], la psychothérapie peut être une aide précieuse dans ces passages difficiles.

93 Pour ma part, je puis témoigner des effets bénéfiques de deux cures psychanalytiques et d’une brève cure de couple.

94 Thomas [55] ne voulait pas d’enfant car il craignait d’avoir à supporter, de la part de son fils, une agressivité aussi intense que celle qu’il avait vouée à son propre père. Une première femme l’avait quitté à cause de ce refus. La seconde menaçait de le faire. L’analyse de sa haine parricide lui permit d’accéder – non sans peine, il est vrai – à la demande de sa seconde compagne et la relation à son fils semble ne pas avoir été trop parasitée par ce qu’avait été la relation à son propre père.

95 Eric lui était déjà père lorsqu’il entreprit son analyse. Il avait souffert de la haine d’un père probablement paranoïaque – pour le dire trop schématiquement. C’est avec horreur qu’il constatait qu’il reproduisait avec son fils les comportements haineux de son père. Petit à petit néanmoins, par le biais, je pense, d’une analyse des désirs parricides mais aussi grâce à la recherche d’hypothèses interprétatives concernant les racines conscientes et inconscientes des désirs agressifs, haineux [56] voire infanticides de son père, la relation à son propre fils se transforma jusqu’à devenir – à l’entendre – une rencontre d’une sérénité et d’une richesse peu communes.

96 Quant à Freddy, il consulte avec Claire, parce que depuis que celle-ci est enceinte, il est pris d’impulsions agressives incompréhensibles à l’égard de sa compagne. Il avait aimé et il aime encore beaucoup sa compagne et ils avaient tous les deux fortement désiré cet enfant. Aujourd’hui, il ne voulait pas lui donner son nom. Rapidement, l’ombre d’un frère mort apparut comme cause principale de cette violence à l’égard de sa compagne. Un frère d’abord malade, puis mort qui avait focalisé toute l’attention et toute l’affection de ses parents et spécialement de sa mère. La violence disparut rapidement et il décida de reconnaître son fils et que celui-ci porterait son nom.

De quelques autres facettes de la paternité

97 Un projecteur isole toujours un point bien particulier et bien limité de la réalité. Il en va de même pour la paternité dont je n’ai envisagé aujourd’hui que les difficultés, les embûches, les épreuves et les malaises qu’elle pouvait engendrer. Cela étant, prenons un peu de recul pour conclure et laissons l’aube éclairer les autres facettes de cette expérience dont peu d’hommes, nous disent les sociologues, décident de se priver. Il semble en effet que, d’après leurs enquêtes, la famille reste une valeur importante et un espoir certain pour un grand nombre d’hommes d’aujourd’hui.

98 N’oublions donc pas ce que j’en disais en commençant. Pour beaucoup d’hommes, la paternité est une expérience qui leur permet de progresser dans l’assomption de leur virilité, de réaliser certaines identifications à leur propre père, de satisfaire un désir – souvent essentiel – de leur compagne et de trouver auprès de celle-ci des paroles de reconnaissance, de survivre par procuration par-delà la mort, d’apprendre à un enfant à vivre et à naître à l’univers symbolique et d’aucuns ajoutent de s’acquitter ainsi de la dette qu’ils ont contractée à l’égard du grand Autre lors de leur propre naissance. Toutes ces gratifications permettent à beaucoup d’hommes de traverser la paternité sans trop de difficultés.

99 C’est sans doute ce qui fait dire à Victor Hugo s’adressant à son grand Autre divin :

« Seigneur, préservez-moi et préservez ceux que j’aime
Frères, parents, amis et
mes ennemis même dans le mal triomphant
de jamais voir, Seigneur,
l’été sans fleur vermeille
la cage sans oiseau,
la ruche sans abeilles
la maison sans enfant. »
[57]
Et c’est sans doute ce qui fait dire à Molière, plus laïc, et plus bref :
« Allons donc, et que les cieux prospères nous donnent des enfants dont nous soyons les pères. »
Et j’ajoute, pour les moins jeunes, qu’ils nous donnent de petits-enfants dont nous soyons d’heureux grands-pères, sachant, comme le rappelait L. Israël que boiter – même pour un père et à fortiori pour un grand-père – n’est pas pécher.


Mots-clés éditeurs : décompensation psychotique, bisexualités, couvade, jalousie paternelle, père de la réalité, père symbolique, meurtre, inceste, troubles psychosomatiques

Mise en ligne 01/10/2005

https://doi.org/10.3917/cm.063.0049

Notes

  • [*]
    Patrick De Neuter, 111 rue des Aduatiques, 1200 Bruxelles (Belgique) ; psychanalyste à Bruxelles, professeur de psychopathologie aux facultés de psychologie et de médecine de l’université catholique de Louvain.
  • [1]
    Lacan appelle parfois ces pères « pères réels ». Je préfère éviter cette dénomination car elle amène à confondre la fonction de père réel et son ou ses agents. De plus, auprès de certains lecteurs, cette dénomination peut faire croire que là se trouverait la vérité de la paternité alors que, pour Lacan, cette paternité-là n’est pas plus réelle que les autres, imaginaire et symbolique.
  • [2]
    Pour plus de détails, le lecteur peut se reporter à mon article « Fonctions paternelles et naissances du sujet », dans Cahiers Sciences familiales et sexologiques, Louvain-la-Neuve, 1992, 18, p. 105-127.
  • [3]
    Ce tableau s’inspire du tableau proposé par Lacan lors de son séminaire sur « la Relation d’objet » (séance du 13 mars 1957). Il tente de tenir compte des divers commentaires que Lacan a pu faire ultérieurement concernant ces diverses instances et fonctions paternelles.
  • [4]
    J. Lacan, Séminaire sur « La Relation d’objet », 1956-1957, leçon du 5 juin, édition afp, p. 298-299. Cf. aussi mon article : « Le père réel et la sexualité du fils », dans La Psychanalyse de l’enfant, 1993, 13, p. 65-80.
  • [5]
    T. Benedek, « Parehood as a developmental phase », dans Journal of the American Psychoanalytical Association, 1959, 7, p. 389-417.
  • [6]
    R. Ebtinger, « Aspects psychopathologiques de la paternité », dans Confrontation psychiatrique, 1978, 16, p. 149-188.
  • [7]
    L. Millet et coll., « Les psychonévroses de la paternité », dans Ann. Méd. psych., 1978, 136, 3, 417-449.
  • [8]
    G. Delaisi de Parseval, La Part du père, Paris, Le Seuil, 1981.
  • [9]
    D. Brun, « Maternité d’un homme », dans Études freudiennes, 21-22, 1983, p. 41-54. Republié dans La Maternité et le féminin, Paris, Denoël, 1990, p. 69-85.
  • [10]
    C. Revault d’Allones, Etre, faire, avoir un enfant, Paris, Plon, 1991 et Payot et Rivage, 1994.
  • [11]
    B. Mounier, « Jalousie paternelle », dans J. Clerget et M.P., Place du père, violence et paternité, Champs, pul, 1992.
  • [12]
    D. Naziri et Th. Dragonas, « Le passage à la paternité : une approche clinique », dans Psychiatrie de l’enfant, XXXVII, 2, 1994, p. 601-629.
  • [13]
    M. Dugnat (éd.), Devenir père, devenir mère. Naissance et parentalité, Arip, Toulouse, Érès, 1999.
  • [14]
    D. Dumas, Sans père et sans parole, Paris, Hachette, 1999.
  • [15]
    D’après Laplanche et Pontalis, Freud n’a jamais tout à fait abandonné le point de vue traumatique (cf. Le Vocabulaire de psychanalyse, puf, p. 502) et dans son Introduction à la psychanalyse (1916-1917), Freud lui-même affirme : « Le point de vue traumatique ne doit pas être abandonné comme étant erroné : il occupera seulement une autre place et sera soumis à d’autres conditions », Paris, Payot, 1959, p. 299.
  • [16]
    On se souviendra que l’ensemble des trois ronds présentifiant le sujet, ne tient que si aucun des trois ne fait défaut. On se souvient aussi que tout défaut de nouage entraîne soit psychose, soit sinthome. Que dire alors d’une théorie qui abandonne systématiquement l’une de ces trois dimensions du psychisme sinon qu’elle risque bien de rendre le sujet psychotique ou irrémédiablement dépendant de son sinthome ?
  • [17]
    Il y a tueuse dans incestueuse.
  • [18]
    À partir des livres de C. Revault d’Allones, op. cit. ; de D. Dugnas, op. cit. ; de B. This (1980) Le Père. Acte de naissance et de D. Dumas, Sans père et sans parole. La place du père dans l’équilibre de l’enfant, Hachette, 1999, ainsi que des articles de D. Brun, « La maternité d’un homme », dans Études freudiennes, n° 21-22, 1983, p. 41-42 ; de Chalmers, D. Bet Meyer, « What men say about pregnancy, birth and parenthood », dans J. Psychosom. Obstet. gynecology., 1996, 17 ; de R. Ebtinger, Aspects psychopathologiques de la paternité, op. cit. ; de L. Millet et coll. « Les psychonévroses de la paternité », dans Ann. Méd.-psych., 1978, 136, 3, 417-449 ; de W.H. Trethowan et M.F. Colon, « The couvade syndrome », dans Brit. J. Psychiat. (1965), III, p. 57-66 ; de K. Deater-Deckard et coll., « Family structure and depressive symptoms, dans Men Preceding and Following the Birth of a Child », dans Am. J. Psychiatry (1998), 155, 818-823 ; de P. Rivière, The Couvade, a Problem Reborn ; de W.H. Trethowan, « Le syndrome de couvade. Nouvelles observations », dans Revue de médecine psychosomatique, 1969 ; de A. Hartman et R. Nicoley, dans « Sexually deviant behavior in expectants father », Journal of Abnormal Psychology, 1966, tous trois cités par G. Delaisi de Parseval, La Part du père, Paris, Le Seuil, 1981.
  • [19]
    R. Ebtinger, op. cit., p. 162.
  • [20]
    M. Czermak, « Passion de l’objet », Études psychanalytiques des psychoses, J. Clims, Association freudienne, 1986, p. 87-108. À ce sujet, on lira aussi avec intérêt le cas proposé par R. Ebtinger, op. cit., p. 166.
  • [21]
    Pour Freud, le rite de la couvade serait une tentative « qui vise vraisemblablement à combattre le doute, jamais entièrement surmontable, concernant la paternité » (cf. « Les théories sexuelles infantiles », 1908, dans La Vie sexuelle, Paris, puf, 1969, p. 25.
  • [22]
    Freud a évoqué le fantasme de grossesse et l’envie d’un bébé chez l’homme dans son article de 1908 sur « Les théories sexuelles infantiles », dans La Vie sexuelle, Paris, puf, 1969, p. 14-27. Cependant, il évoque là, non pas l’identification à la mère mais la conception anale de la grossesse et de l’accouchement, ce qui évite de faire appel à une tendance féminine, précise-t-il. (p. 22). Cf. aussi « Sur la transposition des pulsions et plus particulièrement dans l’érotisme anal », ibidem.
  • [23]
    D. Brun, « La maternité d’un homme », dans La Maternité et le féminin, op. cit., p. 69-85.
  • [24]
    Pour D. Stelios de Naziri et Th. Dragonas, ce désir est tout à fait conscient : « Je voudrais ressentir ce que la mère ressent… je ne pourrais pas supporter d’être absent à ce moment-là (de l’accouchement) », op. cit., p. 618.
  • [25]
    Cité par R. Ebtinger, op. cit., p. 163.
  • [26]
    J. Lacan, 1938, Les Complexes familiaux dans la formation de l’individu, Navarin, 1984, p. 35-49.
  • [27]
    C. Bergeret-Amselek, Le Mystère des mères, Desclée de Brouwer, 1977.
  • [28]
    D. Bastien, Le Plaisir et les mères, Paris, Imago, 1997.
  • [29]
    C. Garnier-Petit, Mal de mère, mal d’enfant, Albin Michel, 1999.
  • [30]
    S. Freud, 1910, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Gallimard, 1991, p. 217.
  • [31]
    La même mère n’a pas allaité, à cause de son mari : « Si je faisais cela, il n’y en aurait plus que pour le bébé… C’est comme si j’avais deux enfants, dit-elle, un grand qui sait marcher et l’autre pas. Et je ne sais pas lequel est le pire. »
  • [32]
    L. Roegiers écrit encore : « Toute naissance se présente également comme un joker pour le couple. De nouvelles voies de communication et d’équilibre s’ouvrent pour le meilleur et pour le pire. »
  • [33]
    D. Bastien, Le Plaisir et les mères, op. cit., p. 136.
  • [34]
    Sans pour autant tout à fait exclure la possible identification du rêveur à l’enfant.
  • [35]
    S. Freud, Malaise dans la civilisation (1929), trad. franc., Paris, puf, 1981, p. 67.
  • [36]
    J. Lacan, Seconde conférence aux facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles, 10 mars 1960), Archives internes de l’Association freudienne internationale.
  • [37]
    Cf. P. de Neuter, « L’agressivité paternelle. Étrange destin d’un concept », dans Logos et Anankè, 2, 2000, p. 77-104.
  • [38]
    F. Hurstel, La Déchirure paternelle, op. cit., p. 78-79.
  • [39]
    Millet et coll., op. cit., p. 429.
  • [40]
    F. Hurstel, op. cit., p. 72.
  • [41]
    Une fois de plus, gardons-nous des généralisations indues. Certains grands-pères se trouvent plongés comme dans un bain de jouvence par la présence sous leur toit de petits-enfants dont les babillements, les cris et les demandes de soins évoquent ceux qui habitaient la maison quelque 20 ou 30 ans plus tôt.
  • [42]
    Ch. de Montesquieu, Les Essais, cité par Millet et coll., op. cit., p. 417.
  • [43]
    Cité par M. Safouan, Études sur l’Œdipe, Paris, Le Seuil, 1974, p. 209.
  • [44]
    Et plus précisément son hypothèse indiquant que les troubles hystériques d’un fils ou d’une fille auraient pu être causés par le comportement séducteur du père.
  • [45]
    P. de Neuter, « Père réel, inceste et devenir sexuel de la fille », dans Le Bulletin freudien, Bruxelles, Association freudienne de Belgique, 1991, 16-17, p. 111-137.
  • [46]
    J. Clerget, « Comment un petit garçon devient-il un papa ? » dans M. Dugnat, Devenir père, devenir mère, op. cit., p. 114.
  • [47]
    Selon le mythe, il s’agissait-là d’une punition divine du père de son rapport pédophilique avec le fils d’un homme qui lui avait offert l’hospitalité.
  • [48]
    S. Freud, Totem et tabou (1912), Petite bibliothèque Payot, 9, 1965, p. 212-219.
  • [49]
    S. Freud, L’Interprétation des rêves (1900), Paris, puf, 1976, p. 477.
  • [50]
    Certaines statistiques indiquent que 60 % des enfants ne voient plus leur père après six ans de séparation.
  • [51]
    Ou encore, de la réalisation d’un vœu de mise à l’écart voire d’un règlement de compte avec leur propre père.
  • [52]
    P. Castoriadis-Aulagnier, La Violence de l’interprétation, Paris, puf, 1975, p. 95 et 171.
  • [53]
    Millet et coll., op. cit., p. 421. Deux des vingt observations de ces auteurs aboutissent au suicide.
  • [54]
    A. Aubert-Godard, dans M. Dugnat, op. cit., p. 136-142.
  • [55]
    Ces noms prénoms sont évidemment fictifs.
  • [56]
    La haine vise l’être du sujet. Cf. notre contribution intitulée : « Agressivités, haines et conjugo », dans Cliniques méditerranéennes, 1997, 53-54, p. 47-65.
  • [57]
    V. Hugo, Les Feuilles d’automne, 1881.
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