L’hommage que nous rendons ici à Arsenij Roginskij est, pour nous, d’une importance toute particulière tant notre génération d’historiens, la première à avoir bénéficié de l’ouverture des archives soviétiques, fut marquée par cet homme. Sa disparition n’est pas seulement la perte pour la Russie d’une immense figure. Elle l’est aussi pour tous ceux qui participèrent à l’écriture d’une nouvelle histoire de l’URSS dans la combinaison de sources archivistiques et de témoignages. Arsenij Roginskij fut un guide dans l’océan de sources qui s’ouvrait à la fin des années 1980. Il fit comprendre l’importance de ces documents que beaucoup, méfiants à l’égard de toute source d’information provenant des organes soviétiques, abordaient encore avec suspicion, et contribua à les rendre « parlants ». Arsenij Roginskij était avide de savoir, d’un savoir documenté, toujours fondé sur l’archive. Il transmettait à chacun d’entre nous sa passion pour le texte en considérant, cependant, que les témoignages recueillis sur les trajectoires de femmes et d’hommes de la période soviétique étaient tout aussi nécessaires et complémentaires. Il invitait ainsi à intégrer la dimension la plus humaine des tragédies du siècle.
La contribution des Cahiers à cet hommage réside précisément, et pour une part, dans la publication de deux témoignages autobiographiques qu’Arsenij Roginskij livra à une quinzaine d’années de distance. Le premier entretien, mené par Paul Mitzner en 1995‑1996, fut publié en polonais par la revue du centre Kart…