Notes
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[1]
Maria Montessori (1870-1952), connue comme médecin et grande pédagogue fut aussi l'une des pionnières du féminisme historique italien. Sur l'engagement féministe de Maria Montessori, voir Babini Lama 2000.
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[2]
Anna Maria Mozzoni (1837-1920), féministe italienne de la « première vague », a lutté tout au long de sa vie pour le droit de vote des femmes (notamment par la présentation de motions au Parlement). Elle a également publié plusieurs essais dont La donna e i suoi rapporti sociali (1864) et La donna in faccia al progetto del nuovo Codice Civile italiano (1865). On lui doit également la traduction italienne de The Subjection of Women de Stuart Mill, parue en 1970 sous le titre La servitù delle donne.
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[3]
Il y avait déjà eu en Italie une pétition sur ce thème en 1877.
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[4]
Aleramo 1973 : 143.
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[5]
Aleramo 1903 : 285. C?est nous qui traduisons.
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[6]
Chemello 1988 : 249. C?est nous qui traduisons.
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[7]
Folli 2007 : XIV. C?est nous qui traduisons le texte de Ugo OjettiUgo Ojetti.
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[8]
Selon les dires de l'auteure elle-même, deux variantes du texte précèdent la version définitive publiée en 1906 (version qui sera reprise à chaque réédition). A ce jour, il ne subsiste que les deux premiers chapitres de ce qui devait être la première version et le manuscrit de la troisième version (Zancan 1998 : 182). La période de rédaction s?échelonne entre juin 1902 et novembre 1906. Les manuscrits du texte sont conservés à l'Istituto Gramsci de Rome et à la Biblioteca Nazionale Centrale de Florence.
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[9]
Le vocabulaire du mythe est présent sous la plume d?Aleramo lorsqu?elle retrace sa vie, en particulier dans Il Passagio, son deuxième ouvrage publié en 1919, dans une phrase qui reprend le titre du livre : « Ah, long, long passage de la larve au mythe ! » (Aleramo 2000 : 94). C?est nous qui traduisons.
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[10]
Nozzoli 1998 : 33-34. C?est nous qui traduisons.
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[11]
Aleramo 1974 : 250.
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[12]
Aleramo 1978b et 1979.
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[13]
Aleramo 1978b : 416. C?est nous qui traduisons.
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[14]
Peu après sa première édition italienne, Peu après sa première édition italienne, Une femmeUne femme avait déjà été publié en France en 1908 dans une traduction de Pierre-Paul Plan aux éditions Calmann-Lévy. Ce n?est qu?en 1974 que le texte est retraduit et réédité par les Éditions des Femmes, nouvellement créées. avait déjà été publié en France en 1908 dans une traduction de Pierre-Paul Plan aux éditions Calmann-Lévy. Ce n?est qu?en 1974 que le texte est retraduit et réédité par les Éditions des Femmes, nouvellement créées.
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[15]
Le statut de mère idéologique dont semble jouir Sibilla Aleramo mériterait d?être comparé à celui de Simone de Beauvoir, la « mère spirituelle » du féminisme de la seconde vague. À notre connaissance, il n?existe aucune étude croisée sur ces deux femmes. Il serait sans doute intéressant de mettre en parallèle les modalités de transmission de l'héritage idéologique de chacune, mais aussi de se demander pourquoi, dans les deux cas, la postérité semble concentrer son attention sur une seule ?uvre jugée emblématique de leur production, Une femme (1906) pour Sibilla Aleramo et Le Deuxième sexe (1949) pour Simone de Beauvoir.
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[16]
Armandi 1973.
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[17]
Serri 1973.
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[18]
Vigorelli 1973.
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[19]
De Ceccatty, 1992.
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[20]
Placido 2002.
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[21]
Aleramo Campana 1987.
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[22]
Aleramo 1997 : 81.
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[23]
Aleramo 1997 : 82.
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[24]
Ce lexique du « vagabondage » apparaît par exemple dans le choix du titre Andando e stando pour l'un de ses recueils d?articles et d?interventions publiques : faisant référence aux paroles prononcées par saint François d?Assise à la mort de saint Bernard (voir I Fioretti de Saint François, chapitre VI), on pourrait le traduire par « En marche et au repos ». On trouve par ailleurs dans le volume Andando e stando un article intitulé « Errabunda » (« Errante ») ainsi qu?un article sur l'écrivaine Colette et de son roman La Vagabonde.
1Rina Faccio, plus connue sous le pseudonyme de Sibilla Aleramo, est considérée comme lRina Faccio, plus connue sous le pseudonyme de Sibilla Aleramo, est considérée comme l?une des plus grandes figures du féminisme italien. Née en 1876 à Alexandrie, dans le Piémont, la jeune Rina passe son enfance à Milan. Elle y reçoit une éducation originale, athée et positiviste, sous la tutelle de son père, Ambrogio. La famille s?installe ensuite dans les Marches, à Portocivitanova, où Rina devient à quatorze ans la comptable de son père. C?est dans l'entreprise familiale que la jeune fille vit en 1892 une expérience traumatisante : elle est violée par l'un des employés, avec lequel elle se marie l'année suivante. Devenue mère à dix-neuf ans, elle noue avec son fils un lien fusionnel. L?échec de son mariage pousse Rina à quitter le domicile conjugal en février 1902, mais également son fils dont elle ne parvient pas à obtenir la garde. ?une des plus grandes figures du féminisme italien. Née en 1876 à Alexandrie, dans le Piémont, la jeune Rina passe son enfance à Milan. Elle y reçoit une éducation originale, athée et positiviste, sous la tutelle de son père, Ambrogio. La famille s?installe ensuite dans les Marches, à Portocivitanova, où Rina devient à quatorze ans la comptable de son père. C?est dans l'entreprise familiale que la jeune fille vit en 1892 une expérience traumatisante : elle est violée par l'un des employés, avec lequel elle se marie l'année suivante. Devenue mère à dix-neuf ans, elle noue avec son fils un lien fusionnel. L?échec de son mariage pousse Rina à quitter le domicile conjugal en février 1902, mais également son fils dont elle ne parvient pas à obtenir la garde.
2Hébergée par sa s?ur à Rome, Rina commence presque aussitôt la rédaction d?un livre, Hébergée par sa s?ur à Rome, Rina commence presque aussitôt la rédaction d?un livre, Une femmeUne femme, qui retrace cette première partie de sa vie. Déjà connue pour ses travaux de journaliste (entre autres pour ses articles dans la revue féminine , qui retrace cette première partie de sa vie. Déjà connue pour ses travaux de journaliste (entre autres pour ses articles dans la revue féminine L?Italia femminileL?Italia femminile, qu?elle dirige à partir de 1899), , qu?elle dirige à partir de 1899), Rina signe pour la première fois sous le pseudonyme qui allait la rendre célèbre : Sibilla Aleramo. Rina signe pour la première fois sous le pseudonyme qui allait la rendre célèbre : Sibilla Aleramo.
3Malgré l'intense activité d?écriture ultérieure de Sibilla Aleramo, c?est avec cette première ?uvre que son nom est passé à la postérité en Italie. Considéré comme le premier roman féministe italien, ce texte lui a conféré le statut d?héroïne du mouvement des femmes, en particulier chez les féministes de la seconde moitié du Malgré l'intense activité d?écriture ultérieure de Sibilla Aleramo, c?est avec cette première ?uvre que son nom est passé à la postérité en Italie. Considéré comme le premier roman féministe italien, ce texte lui a conféré le statut d?héroïne du mouvement des femmes, en particulier chez les féministes de la seconde moitié du xxe siècle. siècle.
Une vie héroïque ?
4Sibilla Aleramo a publié son roman Sibilla Aleramo a publié son roman Una donnaUna donna ( (Une femmeUne femme)) en 1906, à un moment où l'Italie n?est pas encore tout à fait entrée dans le en 1906, à un moment où l'Italie n?est pas encore tout à fait entrée dans le xxe siècle. Mais le pays est néanmoins marqué par de grands changements politiques, économiques et culturels. Du point de vue de l'histoire des femmes, le pays vit également un moment de transition. À l'aube du siècle. Mais le pays est néanmoins marqué par de grands changements politiques, économiques et culturels. Du point de vue de l'histoire des femmes, le pays vit également un moment de transition. À l'aube du xxe siècle, les Italiennes ont gagné certaines libertés et une conscience politique nouvelle mais leurs droits politiques, civiques et privés ne sont pourtant pas encore acquis. Si les mouvements émancipationnistes (en particulier suffragistes) sont très actifs, les avancées, dans ce domaine, restent rares. siècle, les Italiennes ont gagné certaines libertés et une conscience politique nouvelle mais leurs droits politiques, civiques et privés ne sont pourtant pas encore acquis. Si les mouvements émancipationnistes (en particulier suffragistes) sont très actifs, les avancées, dans ce domaine, restent rares.
5L?année 1906 est d?ailleurs une étape déterminante pour les femmes italiennes dans une période de mobilisations féministes à l'échelle de l'Europe, peu avant la Grande Guerre. La question du droit de vote des femmes est entrée dans le débat public ; sa diffusion dans la société, y compris dans les milieux populaires, aboutit à la création de comités en faveur du suffrage des femmes. Un appel de Maria MontessoriL?année 1906 est d?ailleurs une étape déterminante pour les femmes italiennes dans une période de mobilisations féministes à l'échelle de l'Europe, peu avant la Grande Guerre. La question du droit de vote des femmes est entrée dans le débat public ; sa diffusion dans la société, y compris dans les milieux populaires, aboutit à la création de comités en faveur du suffrage des femmes. Un appel de Maria Montessori [1] est placardé dans les rues de Rome et publié dans est placardé dans les rues de Rome et publié dans le quotidien le quotidien La Vita,La Vita, le 26 février ; il encourage les femmes à s?engager dans la vie politique en s?inscrivant sur les listes électorales. En mars, la féministe Anna Maria Mozzoni, auteure de plusieurs essais sur les condition des femmes le 26 février ; il encourage les femmes à s?engager dans la vie politique en s?inscrivant sur les listes électorales. En mars, la féministe Anna Maria Mozzoni, auteure de plusieurs essais sur les condition des femmes [2], présente au Parlement une pétition pour le droit de vote des femmes, présente au Parlement une pétition pour le droit de vote des femmes [3]. Le I. Le Ier Congrès Socialiste Féminin se tient à Rome, le 9 septembre, sous la direction d?Angelica Balabanoff (directrice de la revue suffragiste Congrès Socialiste Féminin se tient à Rome, le 9 septembre, sous la direction d?Angelica Balabanoff (directrice de la revue suffragiste Su, compagneSu, compagne). Cette année 1906 voit aussi la création, le 29 septembre à Milan, d?une organisation syndicale, la ). Cette année 1906 voit aussi la création, le 29 septembre à Milan, d?une organisation syndicale, la Confederazione Generale del LavoroConfederazione Generale del Lavoro, qui enclenche des évolutions pour le travail féminin., qui enclenche des évolutions pour le travail féminin.
6Dans le domaine des droits civils et familiaux, les femmes restent totalement dépendantes du pouvoir masculin. Elles demeurent des mineures dont les actes sont subordonnés au bon vouloir du « chef de famille ». Les restrictions des droits des femmes sont nombreuses, dans le cadre du couple et de la famille comme pour ce qui concerne les biens et l'activité professionnelle : absence de droit légal sur les enfants, impossibilité d?obtenir la séparation maritale, de jouir de leurs propres revenus, de bénéficier d?une succession ou encore d?obtenir un prêt sans accord de l'époux. Dans le domaine des droits civils et familiaux, les femmes restent totalement dépendantes du pouvoir masculin. Elles demeurent des mineures dont les actes sont subordonnés au bon vouloir du « chef de famille ». Les restrictions des droits des femmes sont nombreuses, dans le cadre du couple et de la famille comme pour ce qui concerne les biens et l'activité professionnelle : absence de droit légal sur les enfants, impossibilité d?obtenir la séparation maritale, de jouir de leurs propres revenus, de bénéficier d?une succession ou encore d?obtenir un prêt sans accord de l'époux.
7Dès lors, on comprend mieux pourquoi le comportement de Sibilla Aleramo a pu paraître scandaleux pour ses contemporains. Alors qu?elle n?a que vingt-cinq ans, cette Dès lors, on comprend mieux pourquoi le comportement de Sibilla Aleramo a pu paraître scandaleux pour ses contemporains. Alors qu?elle n?a que vingt-cinq ans, cette jeune femme enfreint de nombreuses règles sociales et morales en rompant son mariage, en quittant le domicile conjugal et surtout en abandonnant son enfant. Elle transgresse ainsi les normes de genre en faisant le choix de la liberté et de l'écriture au détriment d?une vie d?épouse et de mère. Ce faisant, elle remet en question la hiérarchie traditionnelle entre maternité et liberté, entre l'être-femme et l'être-mère. Dans son roman/autobiographie, jeune femme enfreint de nombreuses règles sociales et morales en rompant son mariage, en quittant le domicile conjugal et surtout en abandonnant son enfant. Elle transgresse ainsi les normes de genre en faisant le choix de la liberté et de l'écriture au détriment d?une vie d?épouse et de mère. Ce faisant, elle remet en question la hiérarchie traditionnelle entre maternité et liberté, entre l'être-femme et l'être-mère. Dans son roman/autobiographie, Une femmeUne femme, elle revient ainsi longuement sur les raisons qui l'ont poussée à inverser cette hiérarchie, pour pouvoir accéder au statut d?individu libre dont l'émancipation passe notamment par l'écriture., elle revient ainsi longuement sur les raisons qui l'ont poussée à inverser cette hiérarchie, pour pouvoir accéder au statut d?individu libre dont l'émancipation passe notamment par l'écriture.
8Cette remise en question de la hiérarchie traditionnelle des rôles assignés aux femmes s?accompagne d?une volonté explicite de l'auteure/héroïne du roman de se poser en exemple, pour que d?autres femmes accèdent à la liberté qu?elle a conquise. Ce roman se présente en effet comme un véritable témoignage de ce que peut (ou doit ?) être la Cette remise en question de la hiérarchie traditionnelle des rôles assignés aux femmes s?accompagne d?une volonté explicite de l'auteure/héroïne du roman de se poser en exemple, pour que d?autres femmes accèdent à la liberté qu?elle a conquise. Ce roman se présente en effet comme un véritable témoignage de ce que peut (ou doit ?) être la donna nuovadonna nuova : une femme libre. Sibilla Aleramo définit son ?uvre comme « un livre [?] qui montrerait au monde entier l'âme féminine moderne pour la première fois » : une femme libre. Sibilla Aleramo définit son ?uvre comme « un livre [?] qui montrerait au monde entier l'âme féminine moderne pour la première fois » [4] et elle souhaite en faire « un enseignement [qui] apparaisse à tous de façon limpide » et elle souhaite en faire « un enseignement [qui] apparaisse à tous de façon limpide » [5]..
9La lecture des réactions suscitées par la publication du récit de cette partie de sa vie est très éclairante, tant chez ses détracteurs que chez ses admirateurs. Dans un article consacré à l'analyse de la critique des ?uvres d?Aleramo, Adriana Chemello cite ainsi plusieurs extraits de recensions publiées peu après la première parution d?La lecture des réactions suscitées par la publication du récit de cette partie de sa vie est très éclairante, tant chez ses détracteurs que chez ses admirateurs. Dans un article consacré à l'analyse de la critique des ?uvres d?Aleramo, Adriana Chemello cite ainsi plusieurs extraits de recensions publiées peu après la première parution d?Une femmeUne femme, dont , dont celui de Beatriz Speraz : celui de Beatriz Speraz : « c?est un livre de douleur que celui-ci, de douleur et de vérité : un document valable en faveur du divorce, et un acte de protestation contre les lois injustes et les préjudices les plus injustes qui pèsent sur le destin des femmesc?est un livre de douleur que celui-ci, de douleur et de vérité : un document valable en faveur du divorce, et un acte de protestation contre les lois injustes et les préjudices les plus injustes qui pèsent sur le destin des femmes » [6]. Cette définition du roman fait alors de Sibilla Aleramo une héroïne qui s?élève contre l'injustice de la société italienne, mieux, contre le . Cette définition du roman fait alors de Sibilla Aleramo une héroïne qui s?élève contre l'injustice de la société italienne, mieux, contre le fatumfatum auquel les femmes étaient, selon elle, jusqu?alors soumises. Parallèlement, le même constat de l'originalité de la vie de Sibilla Aleramo, dans le contexte italien de l'époque, émerge dans la critique moralisante d?Ugo Ojetti (écrivain et journaliste italien, directeur du quotidien auquel les femmes étaient, selon elle, jusqu?alors soumises. Parallèlement, le même constat de l'originalité de la vie de Sibilla Aleramo, dans le contexte italien de l'époque, émerge dans la critique moralisante d?Ugo Ojetti (écrivain et journaliste italien, directeur du quotidien Il Corriere della SeraIl Corriere della Sera entre 1926 et 1927), que cite Anna Folli dans sa préface à la dernière publication italienne du roman entre 1926 et 1927), que cite Anna Folli dans sa préface à la dernière publication italienne du roman
Aucune femme, dans aucun roman d?il y a vingt ans, n?aurait fui uniquement pour défendre son propre esprit et sa propre individualité. Aujourd?hui c?est possible, et ce roman est malheureusement vraisemblable.Aucune femme, dans aucun roman d?il y a vingt ans, n?aurait fui uniquement pour défendre son propre esprit et sa propre individualité. Aujourd?hui c?est possible, et ce roman est malheureusement vraisemblable.
Je dis malheureusement sans trop de peine, parce que, dans le fond, les femmes qui oublieront leur obscur et fatiguant devoir de mères pour l'unique et pur amour d?elles-mêmes et de leur propre indépendance [?] seront toujours en plus petit nombre que les femmes qui autrefois oubliaient ce même devoir pour l'amour d?un amantJe dis malheureusement sans trop de peine, parce que, dans le fond, les femmes qui oublieront leur obscur et fatiguant devoir de mères pour l'unique et pur amour d?elles-mêmes et de leur propre indépendance [?] seront toujours en plus petit nombre que les femmes qui autrefois oubliaient ce même devoir pour l'amour d?un amant [7]..
12Tout en émettant l'idée que Sibilla Aleramo n?a agi que par égoïsme, Ojetti souligne la nouveauté de ses actes, et le caractère subversif de son comportement par rapport aux normes du temps. Dès la publication d?Tout en émettant l'idée que Sibilla Aleramo n?a agi que par égoïsme, Ojetti souligne la nouveauté de ses actes, et le caractère subversif de son comportement par rapport aux normes du temps. Dès la publication d?Une femmeUne femme, en 1906, Sibilla Aleramo apparaît, en tant que femme auteure mais , en 1906, Sibilla Aleramo apparaît, en tant que femme auteure mais aussi en tant que personnage de roman, comme une figure féminine forte et originale, une combattante, une sainte ou une pécheresse selon les points de vue.aussi en tant que personnage de roman, comme une figure féminine forte et originale, une combattante, une sainte ou une pécheresse selon les points de vue.
L?autoconstruction d?un mythe : S. Aleramo, héroïne de papierL?autoconstruction d?un mythe : S. Aleramo, héroïne de papier
13Le fait que les jugements portés sur Aleramo se soient cristallisés autour des événements de la première partie de sa vie, celle que rapporte son premier roman, pousse à se demander qui est la véritable héroïne. Les légendes qui entourent Sibilla Aleramo (légende noire de la « putain intellectuelle » selon l'expression du critique Emilio Cecchi et légende dorée de la sainte laïque) ne doivent-elles pas en réalité beaucoup plus à la publication d?Le fait que les jugements portés sur Aleramo se soient cristallisés autour des événements de la première partie de sa vie, celle que rapporte son premier roman, pousse à se demander qui est la véritable héroïne. Les légendes qui entourent Sibilla Aleramo (légende noire de la « putain intellectuelle » selon l'expression du critique Emilio Cecchi et légende dorée de la sainte laïque) ne doivent-elles pas en réalité beaucoup plus à la publication d?Une femmeUne femme qu?aux faits eux-mêmes ? qu?aux faits eux-mêmes ?
14En effet, c?est à travers un processus incessant d?écriture et de réécriture de sa vie qu?Aleramo construit un véritable récit héroïque, en se présentant par la même occasion comme une héroïne féministe, dont les actes ne seraient dictés que par ce qu?elle appelle sa « loi », cette nécessité impérieuse de respecter son individualité et sa liberté. En (ré)écrivant sa vie, l'auteure parvient à une véritable « automythification » dont il convient de relever les modalités. Le choix de l'autobiographie lui permet de faire entendre sa propre version des faits : c?est elle qui raconte sa vie, sujet narrant et sujet raconté sont une seule et même personne. Mais surtout, l'autobiographie, dans la mesure où elle ne peut raconter En effet, c?est à travers un processus incessant d?écriture et de réécriture de sa vie qu?Aleramo construit un véritable récit héroïque, en se présentant par la même occasion comme une héroïne féministe, dont les actes ne seraient dictés que par ce qu?elle appelle sa « loi », cette nécessité impérieuse de respecter son individualité et sa liberté. En (ré)écrivant sa vie, l'auteure parvient à une véritable « automythification » dont il convient de relever les modalités. Le choix de l'autobiographie lui permet de faire entendre sa propre version des faits : c?est elle qui raconte sa vie, sujet narrant et sujet raconté sont une seule et même personne. Mais surtout, l'autobiographie, dans la mesure où elle ne peut raconter in extenso in extenso chaque instant de la vie de sa protagoniste, doit procéder par sélection, en ne racontant que certains épisodes jugés marquants, symboliques ou dignes d?intérêt. Sibilla chaque instant de la vie de sa protagoniste, doit procéder par sélection, en ne racontant que certains épisodes jugés marquants, symboliques ou dignes d?intérêt. Sibilla Aleramo tire profit de cette sélection nécessaire en faisant évoluer son texte qui, au fil des versionsAleramo tire profit de cette sélection nécessaire en faisant évoluer son texte qui, au fil des versions [8], dessine peu à peu une figure de soi en héroïne féministe pure et idéalisée. Sur le conseil de son amant de l'époque, Giovanni Cena, elle supprime par exemple toute référence à sa relation avec Felice Damiani avec qui elle a entretenu une relation amoureuse de septembre 1900 à juin 1902. Elle était donc liée , dessine peu à peu une figure de soi en héroïne féministe pure et idéalisée. Sur le conseil de son amant de l'époque, Giovanni Cena, elle supprime par exemple toute référence à sa relation avec Felice Damiani avec qui elle a entretenu une relation amoureuse de septembre 1900 à juin 1902. Elle était donc liée à lui lorsqu?elle a décidé de quitter le foyer conjugal. Cette relation amoureuse est passée sous silence dans le livre alors qu?elle aurait pu trouver sa place dans les derniers chapitres d? Cette relation amoureuse est passée sous silence dans le livre alors qu?elle aurait pu trouver sa place dans les derniers chapitres d?Une femmeUne femme traitant de son départ de Portacivitanova Marche. Sibilla Aleramo semble donc avoir voulu évité que son choix de quitter mari et enfant pour sortir d?une situation d?oppression ne soit interprété comme un simple adultère. traitant de son départ de Portacivitanova Marche. Sibilla Aleramo semble donc avoir voulu évité que son choix de quitter mari et enfant pour sortir d?une situation d?oppression ne soit interprété comme un simple adultère. Omettre cette histoire d?amour dans le roman permet à l'auteure de construire l'image d?une femme détachée de toute préoccupation sentimentale et dont l'unique motivation était d?agir en cohérence avec son idéal d?indépendance et de liberté.
15De la même façon, ce processus de De la même façon, ce processus de mythification de soimythification de soi [9] passe par l'élimination de toute contingence matérielle et passe par l'élimination de toute contingence matérielle et physique dans le récit : la dimension corporelle et sexuelle est très largement évacuée au profit de l'intellect et de l'affectivité. La critique Anna Nozzoli, dans un article consacré aux variantes entre les différentes rédactions d?physique dans le récit : la dimension corporelle et sexuelle est très largement évacuée au profit de l'intellect et de l'affectivité. La critique Anna Nozzoli, dans un article consacré aux variantes entre les différentes rédactions d?Une femmeUne femme, où il est question des cas d?« épuration » du texte, estime que ce processus tient à , où il est question des cas d?« épuration » du texte, estime que ce processus tient à
une volonté obstinée de pureté, que l'on peut attribuer à un changement autonome et progressif des finalités assignées au roman. [?] En effet, les suppressions et les retouches apportées au texte semblent confirmer la mise en place d?un mythe personnel d?héroïsme et de martyre, d?ascèse et de pureté [?]une volonté obstinée de pureté, que l'on peut attribuer à un changement autonome et progressif des finalités assignées au roman. [?] En effet, les suppressions et les retouches apportées au texte semblent confirmer la mise en place d?un mythe personnel d?héroïsme et de martyre, d?ascèse et de pureté [?] [10]..
17Si, dans les faits, Sibilla Aleramo a agi d?une façon qui a pu être qualifiée de scandaleuse ou d?héroïque en refusant le rôle qui lui était assigné par la société italienne du temps, c?est surtout à travers l'écriture de son roman autobiographique qu?elle s?est assurée un véritable statut d?héroïne de l'histoire des femmes ; en époussetant son personnage de tout ce qu?elle semblait considérer comme les scories d?une vie réelle elle s?est entourée d?une aura de pureté et d?idéal propre aux héroïnes de légende. Mieux encore, c?est en refusant d?être considérée comme une héroïne (par modestie réelle ou feinte) que la protagoniste d?Mieux encore, c?est en refusant d?être considérée comme une héroïne (par modestie réelle ou feinte) que la protagoniste d?Une femmeUne femme le devient d?autant plus. Dans les toutes dernières pages du roman, dans le train qui l'emmène loin de chez elle, la narratrice réfléchit à ce qu?elle vient de faire. Elle commente ainsi son geste : « Comment avais-je pu ? Oh ! Je n?avais pas été une héroïne ! J?étais la misérable chair de laquelle une main de chirurgien détache une autre chair le devient d?autant plus. Dans les toutes dernières pages du roman, dans le train qui l'emmène loin de chez elle, la narratrice réfléchit à ce qu?elle vient de faire. Elle commente ainsi son geste : « Comment avais-je pu ? Oh ! Je n?avais pas été une héroïne ! J?étais la misérable chair de laquelle une main de chirurgien détache une autre chair afin que toutes les deux ne périssent pas... »afin que toutes les deux ne périssent pas... » [11].. L?unique occurence dans le texte du mot « héroïne » semble alors avoir pour fonction de justifier un choix : être libre ou mourir, puisque la vie ne saurait se limiter au fait d?être mère et épouse. Le départ est présenté comme une nécessité vitale plus que comme un acte de bravoure mais on voit s?affirmer la figure de l'héroïne confrontée à son propre destin. L?unique occurence dans le texte du mot « héroïne » semble alors avoir pour fonction de justifier un choix : être libre ou mourir, puisque la vie ne saurait se limiter au fait d?être mère et épouse. Le départ est présenté comme une nécessité vitale plus que comme un acte de bravoure mais on voit s?affirmer la figure de l'héroïne confrontée à son propre destin.
18En réécrivant l'histoire de sa propre vie, En réécrivant l'histoire de sa propre vie, Sibilla Aleramo est donc à la fois l'héroïne et le (la?) chantre de sa propre épopée. Elle n?hésite pas à rappeler ses hauts faits dans d?autres ?uvres. Le départ du domicile conjugal constitue une véritable scène primordiale ; l'écriture d?est donc à la fois l'héroïne et le (la?) chantre de sa propre épopée. Elle n?hésite pas à rappeler ses hauts faits dans d?autres ?uvres. Le départ du domicile conjugal constitue une véritable scène primordiale ; l'écriture d?Une femmeUne femme ? récit de ces faits ? est montré comme un moment de renaissance, dont la date anniversaire (le 3 novembre) est fêtée toute sa vie durant, notamment dans le journal ? récit de ces faits ? est montré comme un moment de renaissance, dont la date anniversaire (le 3 novembre) est fêtée toute sa vie durant, notamment dans le journal [12] qu?elle tiendra jusqu?à la veille de sa mort. Au-delà de l'autocélébration, le processus d?écriture de sa vie permet également à l'auteure d?assurer sa propre postérité, en assurant la pérennité de son témoignage. qu?elle tiendra jusqu?à la veille de sa mort. Au-delà de l'autocélébration, le processus d?écriture de sa vie permet également à l'auteure d?assurer sa propre postérité, en assurant la pérennité de son témoignage.
Une héroïne passée à la postérité ?
19Après une période de célébrité au moment de la publication de son premier roman, où son nom est souvent cité dans la presse, notamment pour blâmer ses choix de vie (l'abandon de son enfant d?une part, sa vie amoureuse libre de l'autre), Sibilla Aleramo passe au second plan dans la vie publique de l'époque. Ses livres ne connaissent plus le succès, son éditeur refuse de republier ses ?uvres, sa situation financière est de plus en plus précaire. Beaucoup plus tard, en 1956, à l'occasion de ses quatre-vingts ans, Après une période de célébrité au moment de la publication de son premier roman, où son nom est souvent cité dans la presse, notamment pour blâmer ses choix de vie (l'abandon de son enfant d?une part, sa vie amoureuse libre de l'autre), Sibilla Aleramo passe au second plan dans la vie publique de l'époque. Ses livres ne connaissent plus le succès, son éditeur refuse de republier ses ?uvres, sa situation financière est de plus en plus précaire. Beaucoup plus tard, en 1956, à l'occasion de ses quatre-vingts ans, l'auteure, consciente de sa place dans l'histoire du féminisme et dans la littérature italienne, n?hésite pas à dire son mécontentement dans une lettre à sa maison d?édition qu?elle juge inconsciente de son importance pour la postérité : l'auteure, consciente de sa place dans l'histoire du féminisme et dans la littérature italienne, n?hésite pas à dire son mécontentement dans une lettre à sa maison d?édition qu?elle juge inconsciente de son importance pour la postérité :
Si j?étais née dans un quelconque autre pays, j?aurais en cette occasion les honneurs nationaux. Parce que je suis un poète, la seule femme poète aujourd?hui du pays, parce que mon premier livre Si j?étais née dans un quelconque autre pays, j?aurais en cette occasion les honneurs nationaux. Parce que je suis un poète, la seule femme poète aujourd?hui du pays, parce que mon premier livre Une femmeUne femme aura mi-novembre cinquante ans, parce que les jeunes s?étonnent du fait qu?il y a un demi-siècle j?ai écrit pour les jeunes d?aujourd?hui et pour ceux qui vivront le siècle prochain. aura mi-novembre cinquante ans, parce que les jeunes s?étonnent du fait qu?il y a un demi-siècle j?ai écrit pour les jeunes d?aujourd?hui et pour ceux qui vivront le siècle prochain.
Et je vous disais, à vous qui avez publié la majeure partie de mes livres, qu?étant italienne il m?arrive au contraire ceci : que Et je vous disais, à vous qui avez publié la majeure partie de mes livres, qu?étant italienne il m?arrive au contraire ceci : que vous vous refusez de republier certains de mes livres épuisés (parmi les meilleurs) [?].refusez de republier certains de mes livres épuisés (parmi les meilleurs) [?].
J?ai devant moi le futur, même si vous ne le croyez pasJ?ai devant moi le futur, même si vous ne le croyez pas [13]..
23Derrière le propos teinté de mégalomanie, il y a une réelle claivoyance sur les évolutions en cours. Faut-il y voir un pouvoir de prédiction de la mégalomanie, il y a une réelle claivoyance sur les évolutions en cours. Faut-il y voir un pouvoir de prédiction de la Sibille Sibille Aleramo ? En effet, dans les décennies qui suivent, la jeunesse italienne et en particulier les jeunes femmes, reconnaîtront la modernité de l'?uvre d?Aleramo. Avec la vague féministe très active dans l'Italie de la fin des années 1960 et des années 1970, la vie et l'?uvre de Sibilla Aleramo, indissociables l'une de l'autre, sont largement redécouvertes. Aleramo ? En effet, dans les décennies qui suivent, la jeunesse italienne et en particulier les jeunes femmes, reconnaîtront la modernité de l'?uvre d?Aleramo. Avec la vague féministe très active dans l'Italie de la fin des années 1960 et des années 1970, la vie et l'?uvre de Sibilla Aleramo, indissociables l'une de l'autre, sont largement redécouvertes. Une femmeUne femme est réédité en Italie en 1973 (la dernière édition datait de 1950). L?année suivante, le livre est redécouvert en France grâce à la publication d?une nouvelle traduction par les Éditions des est réédité en Italie en 1973 (la dernière édition datait de 1950). L?année suivante, le livre est redécouvert en France grâce à la publication d?une nouvelle traduction par les Éditions des FemmesFemmes [14]. De nombreux articles paraissent, relançant la polémique maternité . De nombreux articles paraissent, relançant la polémique maternité versusversus liberté. Pour les féministes italiennes, Sibilla Aleramo accède alors au statut d?icône, de mère spirituelle, d?héroïne de la libération des femmes liberté. Pour les féministes italiennes, Sibilla Aleramo accède alors au statut d?icône, de mère spirituelle, d?héroïne de la libération des femmes [15]. Les titres des articles publiés lors de la réédition sont fort éclairants : « Un retour apprécié en librairie. ?Une femme? de Sibilla Aleramo » (« Un gradito ritorno in libreria. ?Una donna? di Sibilla Aleramo. Les titres des articles publiés lors de la réédition sont fort éclairants : « Un retour apprécié en librairie. ?Une femme? de Sibilla Aleramo » (« Un gradito ritorno in libreria. ?Una donna? di Sibilla Aleramo »» [16]) ; « La révolte d?Aleramo » (« La rivolta dell'Aleramo ») ; « La révolte d?Aleramo » (« La rivolta dell'Aleramo » [17]) ; « Les féministes d?aujourd?hui redécouvrent ?Une femme? de Sibilla Aleramo » (« Le feministe di oggi riscoprono ?Una donna? de Sibilla Aleramo ») ; « Les féministes d?aujourd?hui redécouvrent ?Une femme? de Sibilla Aleramo » (« Le feministe di oggi riscoprono ?Una donna? de Sibilla Aleramo » [18])... La filiation semble évidente et reconnue entre la figure du féminisme historique du début du siècle et les néoféministes. )... La filiation semble évidente et reconnue entre la figure du féminisme historique du début du siècle et les néoféministes.
24Devenue une figure du patrimoine historique national, Sibilla Aleramo apparaît dans des manuels scolaires, son nom est donné à de nombreuses écoles italiennes. Sa vie est l'objet d??uvres littéraires et cinématographiques parmi lesquelles Devenue une figure du patrimoine historique national, Sibilla Aleramo apparaît dans des manuels scolaires, son nom est donné à de nombreuses écoles italiennes. Sa vie est l'objet d??uvres littéraires et cinématographiques parmi lesquelles on retiendra la biographieon retiendra la biographie [19] que lui consacre René de Ceccatty en 1992 et le long métrage que lui consacre René de Ceccatty en 1992 et le long métrage Un viaggio chiamato amore Un viaggio chiamato amore de 2002de 2002 [20]. On peut néanmoins s?interroger sur ce qui demeure réellement dans la mémoire collective italienne de la figure de Sibilla Aleramo. Si les féministes associent le plus souvent son nom à son choix de quitter un foyer conjugal oppressant et à son activité de journaliste féministe, pour beaucoup, ce ne sont que ses frasques amoureuses qui sont retenues. Cette image dominante d?une Aleramo à la vie amoureuse mouvementée doit sans doute beaucoup aux versions romancées de sa vie : la biographie de René de Ceccatty par exemple fait la part belle aux différentes idylles de Sibilla Aleramo, qui passent finalement au premier plan, devant ses combats politiques (féministes, socialistes et enfin communistes). De la même façon, le film . On peut néanmoins s?interroger sur ce qui demeure réellement dans la mémoire collective italienne de la figure de Sibilla Aleramo. Si les féministes associent le plus souvent son nom à son choix de quitter un foyer conjugal oppressant et à son activité de journaliste féministe, pour beaucoup, ce ne sont que ses frasques amoureuses qui sont retenues. Cette image dominante d?une Aleramo à la vie amoureuse mouvementée doit sans doute beaucoup aux versions romancées de sa vie : la biographie de René de Ceccatty par exemple fait la part belle aux différentes idylles de Sibilla Aleramo, qui passent finalement au premier plan, devant ses combats politiques (féministes, socialistes et enfin communistes). De la même façon, le film Un viaggio chiamato amoreUn viaggio chiamato amore ne s?intéresse en réalité qu?à la vie amoureuse d?Aleramo, en retraçant sa relation avec le poète Dino Campana, à partir de leur correspondance ne s?intéresse en réalité qu?à la vie amoureuse d?Aleramo, en retraçant sa relation avec le poète Dino Campana, à partir de leur correspondance [21]..
25Si Sibilla Aleramo peut être considérée comme une véritable héroïne de l'histoire des femmes italiennes, c?est finalement pour une partie très limitée de sa vie, circonscrite à quelques années pendant lesquelles on peut relever de nombreux actes forts dans sa vie publique (journalisme, pétitions...) et privée (choix de la liberté comme « loi » intime). On a cependant tendance à oublier que, très rapidement, elle rompt clairement avec le féminisme, comme en témoigne l'article « Apologia dello spirito femminile » publié pour la première fois en 1911 (et repris dans le recueil Si Sibilla Aleramo peut être considérée comme une véritable héroïne de l'histoire des femmes italiennes, c?est finalement pour une partie très limitée de sa vie, circonscrite à quelques années pendant lesquelles on peut relever de nombreux actes forts dans sa vie publique (journalisme, pétitions...) et privée (choix de la liberté comme « loi » intime). On a cependant tendance à oublier que, très rapidement, elle rompt clairement avec le féminisme, comme en témoigne l'article « Apologia dello spirito femminile » publié pour la première fois en 1911 (et repris dans le recueil Andando e standoAndando e stando). Elle écrit alors : « ). Elle écrit alors : « Le féminisme, mouvement social, a été une brève aventure, héroïque au départ, grotesque sur la fin, une aventure d?adolescents, inévitable et désormais dépassée » [22]. Le jugement semble sans appel : le féminisme n?a plus de sens pour elle. Il faut néanmoins nuancer ce propos en précisant que Sibilla Aleramo fait référence à la crise que connaît, selon elle, le féminisme italien dans la première décennie du xxe siècle : il aurait perdu sa dimension de lutte pour l'émancipation des femmes au profit d?un féminisme philanthropique se dispersant en actions de bienfaisance. Les activités de l'auteure se recentrent alors sur la question de la littérature et sur la recherche d?une écriture féminine, d?un style qui porterait « l'Les activités de l'auteure se recentrent alors sur la question de la littérature et sur la recherche d?une écriture féminine, d?un style qui porterait « l'empreinteempreinte toute spéciale qui devrait différencier [les femmes], les caractériser, les légitimer toute spéciale qui devrait différencier [les femmes], les caractériser, les légitimer » [23]. .
26Pendant le reste de sa longue vie (elle meurt en 1960, à 83 ans), Sibilla Aleramo fait figure de « vagabonde », dans tous les domaines, comme elle se plaît à le rappeler régulièrementPendant le reste de sa longue vie (elle meurt en 1960, à 83 ans), Sibilla Aleramo fait figure de « vagabonde », dans tous les domaines, comme elle se plaît à le rappeler régulièrement [24]. Vagabondage amoureux avec de grands intellectuels italiens de son temps (parmi lesquels Vincenzo Cardarelli, Salvatore Quasimodo ou Dino Campana). Vagabondage géographique à travers l'Italie et l'Europe qui lui permet de se lier d?amitié avec de nombreux hommes de lettres et d?arts étrangers, comme lors de son voyage à Paris . Vagabondage amoureux avec de grands intellectuels italiens de son temps (parmi lesquels Vincenzo Cardarelli, Salvatore Quasimodo ou Dino Campana). Vagabondage géographique à travers l'Italie et l'Europe qui lui permet de se lier d?amitié avec de nombreux hommes de lettres et d?arts étrangers, comme lors de son voyage à Paris en 1914 où elle rencontre Apollinaire et Rodin. Vagabondage idéologique enfin d?une femme qui, malgré plusieurs engagements politiques ponctuels ? dont la signature du Manifeste des intellectuels antifascistes de Benedetto Croce en mai 1925 ? reconnaît qu?elle est être restée souvent à l'écart, détachée de la politique, même si elle s?est engagée tardivement en adhérant, à l'âge de soixante-dix ans, au Parti Communiste Italien, pour qui elle écrit alors des articles et des poèmes, organise des conférences ou se rend en Russie. Parmi ses multiples activités, elle a traduit les ?uvres d?auteurs français dont Charles Vildrac, Madame de Lafayette, George Sand et Alfred de Musset. en 1914 où elle rencontre Apollinaire et Rodin. Vagabondage idéologique enfin d?une femme qui, malgré plusieurs engagements politiques ponctuels ? dont la signature du Manifeste des intellectuels antifascistes de Benedetto Croce en mai 1925 ? reconnaît qu?elle est être restée souvent à l'écart, détachée de la politique, même si elle s?est engagée tardivement en adhérant, à l'âge de soixante-dix ans, au Parti Communiste Italien, pour qui elle écrit alors des articles et des poèmes, organise des conférences ou se rend en Russie. Parmi ses multiples activités, elle a traduit les ?uvres d?auteurs français dont Charles Vildrac, Madame de Lafayette, George Sand et Alfred de Musset.
27Il semble que la véritable héroïne du féminisme italien, du moins celle dont les actes sont passés à la postérité, soit moins Aleramo en tant que femme réelle, que la protagoniste d?Il semble que la véritable héroïne du féminisme italien, du moins celle dont les actes sont passés à la postérité, soit moins Aleramo en tant que femme réelle, que la protagoniste d?Une femmeUne femme, son héroïne, dont la vie de papier s?achève sur un acte fort, scandaleux en son temps : le départ du foyer pour une vie et un avenir de femme libre. , son héroïne, dont la vie de papier s?achève sur un acte fort, scandaleux en son temps : le départ du foyer pour une vie et un avenir de femme libre.
Filmographie
Bibliographie
Bibliographie
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- Zancan Marina, 1998, Il doppio itinerario della scrittura, La donna nella tradizione letteraria italiana, Turin, Einaudi.
- Placido Michele, 2002, Un viaggio chiamato amore, RAI Cinemafiction.
Notes
-
[1]
Maria Montessori (1870-1952), connue comme médecin et grande pédagogue fut aussi l'une des pionnières du féminisme historique italien. Sur l'engagement féministe de Maria Montessori, voir Babini Lama 2000.
-
[2]
Anna Maria Mozzoni (1837-1920), féministe italienne de la « première vague », a lutté tout au long de sa vie pour le droit de vote des femmes (notamment par la présentation de motions au Parlement). Elle a également publié plusieurs essais dont La donna e i suoi rapporti sociali (1864) et La donna in faccia al progetto del nuovo Codice Civile italiano (1865). On lui doit également la traduction italienne de The Subjection of Women de Stuart Mill, parue en 1970 sous le titre La servitù delle donne.
-
[3]
Il y avait déjà eu en Italie une pétition sur ce thème en 1877.
-
[4]
Aleramo 1973 : 143.
-
[5]
Aleramo 1903 : 285. C?est nous qui traduisons.
-
[6]
Chemello 1988 : 249. C?est nous qui traduisons.
-
[7]
Folli 2007 : XIV. C?est nous qui traduisons le texte de Ugo OjettiUgo Ojetti.
-
[8]
Selon les dires de l'auteure elle-même, deux variantes du texte précèdent la version définitive publiée en 1906 (version qui sera reprise à chaque réédition). A ce jour, il ne subsiste que les deux premiers chapitres de ce qui devait être la première version et le manuscrit de la troisième version (Zancan 1998 : 182). La période de rédaction s?échelonne entre juin 1902 et novembre 1906. Les manuscrits du texte sont conservés à l'Istituto Gramsci de Rome et à la Biblioteca Nazionale Centrale de Florence.
-
[9]
Le vocabulaire du mythe est présent sous la plume d?Aleramo lorsqu?elle retrace sa vie, en particulier dans Il Passagio, son deuxième ouvrage publié en 1919, dans une phrase qui reprend le titre du livre : « Ah, long, long passage de la larve au mythe ! » (Aleramo 2000 : 94). C?est nous qui traduisons.
-
[10]
Nozzoli 1998 : 33-34. C?est nous qui traduisons.
-
[11]
Aleramo 1974 : 250.
-
[12]
Aleramo 1978b et 1979.
-
[13]
Aleramo 1978b : 416. C?est nous qui traduisons.
-
[14]
Peu après sa première édition italienne, Peu après sa première édition italienne, Une femmeUne femme avait déjà été publié en France en 1908 dans une traduction de Pierre-Paul Plan aux éditions Calmann-Lévy. Ce n?est qu?en 1974 que le texte est retraduit et réédité par les Éditions des Femmes, nouvellement créées. avait déjà été publié en France en 1908 dans une traduction de Pierre-Paul Plan aux éditions Calmann-Lévy. Ce n?est qu?en 1974 que le texte est retraduit et réédité par les Éditions des Femmes, nouvellement créées.
-
[15]
Le statut de mère idéologique dont semble jouir Sibilla Aleramo mériterait d?être comparé à celui de Simone de Beauvoir, la « mère spirituelle » du féminisme de la seconde vague. À notre connaissance, il n?existe aucune étude croisée sur ces deux femmes. Il serait sans doute intéressant de mettre en parallèle les modalités de transmission de l'héritage idéologique de chacune, mais aussi de se demander pourquoi, dans les deux cas, la postérité semble concentrer son attention sur une seule ?uvre jugée emblématique de leur production, Une femme (1906) pour Sibilla Aleramo et Le Deuxième sexe (1949) pour Simone de Beauvoir.
-
[16]
Armandi 1973.
-
[17]
Serri 1973.
-
[18]
Vigorelli 1973.
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[19]
De Ceccatty, 1992.
-
[20]
Placido 2002.
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[21]
Aleramo Campana 1987.
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[22]
Aleramo 1997 : 81.
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[23]
Aleramo 1997 : 82.
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[24]
Ce lexique du « vagabondage » apparaît par exemple dans le choix du titre Andando e stando pour l'un de ses recueils d?articles et d?interventions publiques : faisant référence aux paroles prononcées par saint François d?Assise à la mort de saint Bernard (voir I Fioretti de Saint François, chapitre VI), on pourrait le traduire par « En marche et au repos ». On trouve par ailleurs dans le volume Andando e stando un article intitulé « Errabunda » (« Errante ») ainsi qu?un article sur l'écrivaine Colette et de son roman La Vagabonde.