Notes
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[1]
ash : les actualités sociales hebdomadaires sont reçues dans tous les services médico-psychosociaux de France et de Navarre.
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[2]
Si l’analyste a encore cette possibilité, rendue précieuse de par la multiplication du nombre de ses confrères et la raréfaction apparente des demandes de psychanalyse orthodoxe !
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[3]
Tout a été dit ou presque par les tenants de la psychothérapie institutionnelle sur les phénomènes de rivalité entre thérapeute et soignant-éduquant, qui s’originent autour du désir de possession affective du soigné. Comme sur les effets dela fantasmatisation archaïque activée par la présence du cadre et en particulier du secret analytique dans l’institution
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[4]
Comme le dit R. Hellbrunn : « Il est illusoire de vouloir aider un sujet à trouver ses repères quant au sens de ses actes en étant clivé d’une démarche institutionnelle, dans la mesure où les actes surgissent de zones non régulées de l’institution et empêchent tout travail de se poursuivre. » Pathologie de la violence, Paris, Éditions Réseaux, 1982, p. 93.
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[5]
R. Castel, Le psychanalysme, Paris, Flammarion, coll. « Champs » 1981.
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[6]
Le livre de P.-C. Racamier, Le psychanalyste sans divan, Paris, Payot, 1970, 2e éd. 1973, me semble illustrer parfaitement cette possible dérive idéologique de la théorie psychanalytique dans le champ sanitaire et social.
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[7]
Beethoven, sourd, ardent, avide, solitaire, sans maître reconnu et sans disciple accepté, follement mégalomane et proche du suicide comme il avoue l’avoir toujours été, me semble une référence identificatoire capitale pour les carencés affectifs rendus sensibles aux « forts coups du destin qui frappe à la porte » dès les premières mesures de la Cinquième.
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[8]
J’ai corrigé l’orthographe et la syntaxe défectueuses du document original.
Un collègue à qui je le montrais s’était exclamé : « Quelle pauvreté, quelles capacités de verbalisation limitées ! » Y a-t-il des analystes plus sensibles aux maladresses de style et aux crimes orthographiques qu’aux cris et aux trésors d’affectivité ? -
[9]
P. Aulagnier, Les destins du plaisir, Paris, puf, 1979, p. 223.
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[10]
J’ai exposé dans « L’analyste et le psychopathe » les difficultés ordinaires que rencontre le soignant solitaire qui cherche à nouer une relation thérapeutique avec ces sujets qui testent en permanence l’attachement qu’on leur porte en vous entraînant dans une spirale infernale d’exigences agressives et de revendications brutales. Il faut être l’évêque de Dignes pour saisir intuitivement que le vol de son argenterie signifie « l’amorce d’un mouvement incorporatif positif » chez le bagnard JeanValjean ! Lors des nombreuses ruptures de la prise en charge, l’analyste peut tenter de se distancier de son angoisse et de sa déception en théorisant sur la bobine et le fort-da. L’homme n’en reste pas moins touché au vif par cette forme de relation où alternent la haine, le rejet et la demande de fusion. (P. Chartier, « L’analyste et le psychopathe », Topique, n° 26, 1980, p. 101-116.)
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[11]
Le suicide.
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[12]
J.-P. Chartier, op. cit.
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[13]
Cf. Morris, R. Goscinny, Lucky Luke, vol. 17, La ballade des Dalton, Paris, Dargaud, 1978.
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[14]
Cf. la conclusion de l’expert : « Il semble s’agir d’une évolution névrotique caractérielle que l’on pourrait appeler en quelque sorte “psychopathique” ! »
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[15]
La « charge » du mortifère dans toutes les acceptions de ce terme : prix à payer pour s’occuper de ceux qui refusent nos interventions, « qui s’adressent à nous rien que pour nous montrer que nous ne pouvons rien pour eux » (J. McDougall, 1983). Fardeau pesant du mépris et du rejet. Emballement furieux de la violence à l’arme blanche, comme ce que nous a fait vivre Roland. Enfin, explosion, dynamitage du « moi policé » du professionnel de l’aide qui régresse au passage à l’acte voire à l’agressivité meurtrière.
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[16]
« Le psychanalyste-directeur ne doit pas écraser de son supposé savoir ses collaborateurs ; il doit avec eux traiter de sujet à sujet, d’adulte à adulte. » Qu’un chef de service doive encore récemment rappeler cette évidence montre la difficulté que rencontre la pluridisciplinarité dans bien des services publics. P. Bogoratz, « Psychanalyse, psychanalystes, institution », Topique, n° 26, 1980, p. 117-126.
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[17]
S. Freud, « Observations sur l’amour de transfert » (1953), dans La technique psychanalytique, Paris, puf, 1989, p. 116.
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[18]
Grâce en particulier aux qualités d’animateur du directeur pédagogique Marc Walbert.
-
[19]
Transcender, néologisme introduit pas H. Bergson : « S’élever au-dessus d’une région de la connaissance ou de la pensée après l’avoir traversée et pénétrer dans une région supérieure. » H. Bergson, dans A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, puf, 2010, p. 112.
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[20]
Contrairement à une critique que nous avons souvent entendue à propos de nos « psychothérapies péripatéticiennes », les jeunes repèrent très vite à quel type de professionnel ils ont affaire, et nous utilisent en conséquence.
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[21]
Cf. Niveaux d’intervention, ci-après.
« L’institution demande la présence de l’analyste comme le homard “demande” à être découpé vivant. »
« Notre tâche, à nous psychanalystes d’aujourd’hui, n’est pas de répéter ce qu’a découvert Freud sur la crise de l’homme occidental à la fin de l’ère victorienne mais de trouver une réponse psychanalytique au malaise de l’homme dans la civilisation présente. »
Seul ou avec d’autres
1Après vingt ans d’activité intense, impure et problématique dans des hôpitaux psychiatriques, des dispensaires, des imp et des services de l’enfance et de l’adolescence inadaptées, je cessai enfin de m’interroger.
2En effet, aujourd’hui tout le monde travaille en équipe. Tout le monde pratique des formes diverses de psychothérapie institutionnelle. Les programmes pédagogiques et thérapeutiques des établissements les plus éloignés et les moins spécialisés regorgent de professions de foi pluridisciplinaires. Pas une offre ou une demande d’embauche parue dans les ash [1] qui ne précise « travail en équipe souhaité…, exigé…, nécessité… » Par qui ? Par quoi ? Les textes et les directives officiels ? Le puissant souci égalitaire qui anime les travailleurs du secteur médico-psychosocial ? La prise de conscience du besoin d’interdisciplinarité pour défricher les territoires inexplorés, que la sociologie et la théorie psychanalytique n’ont pas su déchiffrer ? Ou la difficulté actuelle que rencontrent les purs produits de l’université à dégoter un emploi à l’issue de leur maîtrise ou du clinicat ? Pour tout le monde, aujourd’hui, la pluridisciplinarité, c’est la panacée. La fécondité de cette forme de travail ne s’illustre-t-elle pas brillamment dans les sciences de la nature de l’infiniment grand à l’infiniment petit ? De l’astrophysique à la biologie moléculaire?
3Mais si vous retournez, cinq, dix ou vingt ans après l’avoir quitté, dans un internat, une clinique ou une équipe de notre secteur, vous y referez l’expérience de l’inquiétante étrangeté ! Toutes les questions ardues de fonctionnement, tous les problèmes épineux de prise en charge, toutes les impasses pratiques et toutes les apories théoriques se représentent à vous, inchangées, renforcées ? Pire encore, force vous est de constater qu’à l’exception des analystes-psychiatres-chefs de service hospitalier qui ont à faire leur carrière dans le public, la plupart de nos collègues « arrivés » ont aujourd’hui quitté les institutions qu’ils avaient contribué à créer et à animer avec ferveur pendant des années.
4Alors, avant de nous résoudre à une pratique exclusive de cabinet privé [2], tentons d’étudier les diverses formes de fonctionnement habituel des analystes en institution et risquonsnous à dégager une ou plusieurs conditions nécessaires à un authentique et non mythique travail d’équipe, en analysant sans concession les exigences des prises en charge les plus rétives à nos approches thérapeutiques. Bref, aventurons-nous à esquisser un mode de fonctionnement qui puisse satisfaire autant que possible le client, l’institution, le personnel qui y travaille et pourquoi pas, le psychanalyste.
Le mythe d’équipe
Le Vatican analytique
5On raconte que Kant a fait toute sa vie la même petite promenade stéréotypée avant de gagner sa tour d’ivoire où il s’enfermait pour travailler jusqu’au coucher. Seule l’annonce de la prise de la Bastille modifia pour une fois sa déambulation obsessionnelle. Cette mise entre parenthèses de l’environnement est un écueil qu’on trouve chez de nombreux analystes travaillant en institution. Ils attendent des établissements qu’ils leur procurent intra muros des conditions de travail identiques à celles d’une pratique libérale qu’ils n’ont pas encore pu se créer. À savoir, le cadre analytique classique avec fauteuil, divan et climat feutré. Pour ces analystes-idéalistes, qui exercent leur talent en majorité dans les cmpp, les dispensaires et certains imp, à la limite, l’institution n’existe pas hors de la possibilité de leur permettre de « psychothéraper ». Bref, ils veulent officier dans un territoire sacré, jouissant d’un privilège d’extraterritorialité : une sorte de Vatican analytique. Les non-pratiquants de l’analyse finiront logiquement par les ignorer ou les neutraliser [3]. Quel psychothérapeute en institution n’a pas dû interrompre « sa cure qui marchait si bien » à cause de l’agressivité et de la dangerosité que ses interventions étaient censées déclencher ? À moins que les autres membres de l’équipe soignante (sic) ne se soient décidés à exclure son patient sans même daigner l’en avertir [4].
6Imaginer qu’interpréter ces manœuvres puisse être suffisamment efficace pour en prévenir la répétition revient à postuler que tous soient prêts à se convertir aux modèles explicatifs de la théorie analytique et à renoncer à la lutte pour le pouvoir qui sous-tend ce type d’acting. Pour éviter l’émergence déstabilisante de tels conflits, la direction de bien des institutions s’arrange pour qu’analystes et autres professionnels ne puissent fonctionner que successivement. Dans plusieurs internats où j’ai travaillé, les jeunes pensionnaires n’étaient amenés au psy qu’après l’échec de la prise en charge initiale effectuée par les éducateurs. Est-il besoin de préciser qu’engager dans de telles conditions un « traitement à la psychologie » relève de la gageure !
7Dans une équipe d’intersecteur psychiatrique que j’ai fréquentée, les thérapeutes suivaient en entretien le tout-venant, mais dès qu’un adolescent un peu trop psychotique ou un peu trop psychopathe brisait les objets dans leur bureau ou leur cassait la figure, il ne devenait justiciable que de mesures éducatives. Soi-disant pluridisciplinaires, de nombreuses institutions fonctionnent en fait selon le principe de la démission alternée. La fiche de paye établie par le même employeur résume ce qu’il y a de commun dans l’action des différentes catégories de professionnels.
La supervision
8L’utilisation de la supervision permet-elle un meilleur exercice de la pluridisciplinarité ? Des responsables, des thérapeutes et parfois des équipes contrôlées ont l’air de le penser. Si je reste personnellement convaincu que le contrôle analytique d’équipe peut signifier une étape importante dans l’évolution d’une institution, il me semble poser un certain nombre de problèmes qui n’ont peut-être pas de solutions. Fonctionnant comme superviseur, l’analyste tombe sous le coup d’une des critiques les plus justifiées que ceux qui travaillent dans notre secteur lui adressent fréquemment. N’enclenche-t-il pas un processus dont il n’a pas à assumer concrètement les conséquences dans la vie quotidienne [5] ? Son supposé savoir de n’être plus confronté au banc d’essai de la thérapeutique se fige parfois en une sorte d’idéologie dominante au sein de l’institution qui fait de tous les non-analystes des médecins aux pieds nus, de simples auxiliaires chargés de soi-disant basses besognes rééducatives ou soignantes. Plus grave encore, est-il légitime de contrôler analytiquement, c’est-à-dire d’amener à s’impliquer personnellement et profondément des professionnels qui y sont parfois contraints par leur direction et qui ne manifestent aucun désir de devenir psychanalystes ? Selon moi, le superviseur, seul « psy » autorisé à fonctionner dans bien des établissements, peut bannir, par ses silences et ses interprétations collectives, toute dimension analytique authentique qui implique une praxis, au profit d’une inflation monstrueuse de jargons psychologi-sants qui prennent alors la place de l’action. L’institution risque de se dissoudre dans la psychanalyse et réciproquement.
Narcisse à plusieurs
9Aujourd’hui, dans des équipes « plus modernes », plus à la mode en tous cas, tout le monde a acquis le même statut, tout le monde est devenu analyste ou thérapeute familial ; bien que certains le soient un peu plus que les autres. La disparité du montant des salaires l’atteste en fin de mois.
10Dès qu’un élève présente, dans une commune suréquipée, quelques difficultés d’apprentissage de la lecture, ou s’il est un peu maladroit dans les activités manuelles et sportives, il sera pris en thérapie par le psychomotricien ou l’orthophoniste du cmpp local. La défaillance scolaire temporaire d’un de mes fils m’a permis d’expérimenter certaines de ces équipes fusion-nelles, dogmatiques et intolérantes où il faut être en analyse ou en thérapie familiale pour être embauché à n’importe quel poste. Elles fonctionnent toutes dans la méconnaissance de la nécessité de la différence pour permettre à un enfant perturbé de se repérer et de se structurer. Il est vrai que le client est souvent l’alibi qui leur permet de jouir des plaisirs de « l’illusion groupale ».
11Leurs membres passent l’essentiel de leur temps et de leur énergie à se réunir pour s’analyser et inventer des modes d’évaluation sophistiqués du travail qu’ils ne font plus [6]. Ils ont naturellement besoin de plus en plus de techniciens pour pousser toujours plus loin leurs investigations narcissiques. Qu’ils puissent fort bien se passer de patients n’est guère rassurant pour ceux qui ont besoin d’être soignés.
12Me pardonnera-t-on d’être pessimiste ? En fin de compte, que demandent la plupart des établissements de rééducation au « psy » ? D’étayer scientifiquement la valeur de la pédagogie qui s’y pratique. Que réclament le plus souvent les « psys » aux institutions où ils fonctionnent ? De conserver le primat de l’intervention psychothérapique sur toute autre forme d’abord médical, pédagogique ou social.
13Fondées sur de telles attentes non dites et antinomiques, les relations psys-institutions ne peuvent osciller qu’entre le dialogue de sourds et l’épreuve de force ; à moins qu’elles n’essaient d’annuler le conflit en réécrivant, comme nous l’avons vu, l’histoire de Narcisse à plusieurs.
Le psychopathe en l’absence de pluridisciplinarité
La passion transférentielle
14Que fallait-il faire avec Jean-Pierre ?
15Jean-Pierre est le fils présumé d’un commandant de la Légion étrangère et d’une autochtone d’un pays jadis colonisé. À travers l’alcool et les coups se revivait chaque soir au domicile familial la saga des conquêtes et des défaites de l’empire français. Très jeune, il fut confié à des institutions spécialisées : il essaya sans trêve de s’en échapper. Elles finirent par le renvoyer. Depuis, désœuvré, il chassait les punks pour enflammer à l’alcool et brûler leur chevelure peignée en crête. Impuni, il lui arriva de demander à se faire incarcérer pour un délit qu’il n’avait pas commis. À sa sortie de prison, une éducatrice qu’il avait rencontrée dans un foyer le persuada d’entreprendre une thérapie avec moi. Il occupait alors ses journées à se saouler, à se droguer et à voler des disques dans les supermarchés. Il s’était ainsi composé une discothèque classique d’une exceptionnelle qualité, contenant en particulier les innombrables versions de la Neuvième Symphonie qu’il adorait [7]. Autodidacte génial, Jean-Pierre fit en quelque sorte mon éducation musicale le temps que duraient nos entretiens. Promu par son enfance maître dans « l’art de la fugue », je savais qu’il pouvait soudainement disparaître pour de longues périodes d’errance et de délinquance. Alors que j’étais sans nouvelles de lui pendant plusieurs mois, il m’écrivit une lettre de dix pages qui commençait ainsi :
16« Raconte, raconte aussi loin que tu pourras. Je ne crois pas me souvenir de grand-chose sauf peut-être de quelques évènements que je ne suis pas prêt de vous dire (par pudeur sans doute). Je ne sais si vous me faites peur, mais vous les écrire me rappellerait une phrase que vous avez prononcée et qui m’effraie toujours : “Que voulez-vous raconter par écrit que vous ne puissiez me dire en face ?” ici, il ne se passe une journée où je ne pense à vous et aux conséquences de mon absence à nos rendez-vous. Je ressens sans trêve le besoin de vous parler, de vous confier mes états d’âme. Mais n’est-il pas trop tôt pour moi de vous prendre pour mon révélateur, mon double, mon miroir ? Vous voir me procure à chaque fois quelques minutes de tendresse, c’est pour en profiter que je suis toujours vivant… Je meurs d’envie de vous dire tout de suite les pires moments de mon enfance, de mon adolescence et de cet âge où l’on me dit adulte… toutes ces frustrations qui m’ont fait perdre confiance en moi tout en me révoltant et en me durcissant jusqu’à me punir tout seul pour prouver que je ne dispose de rien, pas même de moi. » Sa lettre se terminait par : « Je vais cesser de vous tenir la jambe. Sachez que depuis quatre mois, je travaille régulièrement et même assez durement et cela me surprend. Je vous téléphonerai mardi pour savoir si vous êtes toujours vivant. P.S. Excusez-moi d’écourter si vite, mais je ne peux plus continuer ainsi [8]. »
17Aurais-je dû entendre l’avertissement implicite contenu dans son post-scriptum ? À l’époque, j’étais narcissiquement aveuglé par les progrès étonnants de ce patient. À la stupéfaction de son entourage, en moins de dix-huit mois, Jean-Pierre avait cessé de se droguer et de « délinquer » gravement. Il s’était mis à travailler comme cuisinier dans une collectivité ; son employeur envisageait même de lui donner une promotion. Devenu soucieux de rétablir la vérité historique de sa filiation, il partit interroger sa mère qui vivait à l’étranger. Nous avions convenu qu’il me recontacterait dès son retour. J’espérais alors pouvoir terminer heureusement cette thérapie qui marchait si bien et m’avait apporté tant de « satisfactions personnelles ». Je ne l’ai jamais revu. Son amie éducatrice m’apprit brutalement son suicide au téléphone. Une fois l’émotion apaisée, je réfléchissais. En entreprenant la cure de Jean-Pierre, j’avais méconnu que l’acquisition d’une certaine habileté pratique dans l’accrochage et la poursuite d’une relation duelle assez stable avec ceux chez qui l’agir tient lieu de langage pouvait se solder par un bilan aussi dramatique pour eux. J’avais induit, à mon insu (du moins je l’espère), « une idéalisation passionnelle transférentielle ».
18Qu’est-ce à dire ?
19Depuis les Destins du plaisir où P. Aulagnier débusque sans concessions l’asymétrie de violence dans la relation analytique, l’analyste sait que la nature même de la situation et du processus de la cure peut « faire courir un risque passionnel à celui qui s’y soumet. Or l’analyste, s’il est analyste, devra tenter par tous les moyens en son pouvoir d’éviter de se retrouver en cette position qui fait de son projet et de lui-même l’objet et le support d’une passion [9] ».
20Mais cela est-il possible dans l’économie psychopathique où l’offre de soins psychologiques précède inévitablement la demande qui manque, où la neutralité bienveillante, vécue comme une marque d’hostilité, n’est pas supportée et où l’abstinence analytique, le refus d’intervenir dans la vie du patient, le fait passer à l’acte auto et hétéro-agressif [10] ?
21Je dois aujourd’hui reconnaître que nouer une relation positive avec un sujet cynique, plein de mépris pour notre technique et notre personne, implique de gros efforts de séduction. Tenter de rééquilibrer sa balance libidinale, si dangereusement déficitaire, contraint à faire preuve d’une disponibilité et d’une tolérance extraordinaires à son endroit. Si, et à ce prix, vous arrivez à maintenir un lien suffisamment stable avec le psychopathe, vous ne pouvez éviter de devenir pour lui un personnage unique, irremplaçable, une figure suridéalisée : la mère idéalement bonne, qui lui a manqué et dont il n’a jamais pu faire le deuil.
22À son contact, j’ai appris cette règle : le passé carentiel transforme inexorablement la relation en passion, le transfert positif nécessaire à toute évolution en amour violent et aveugle.
23Dans tous les cas, la mort peut être au rendez-vous.
24Après les funérailles, je reçus l’amie de Jean-Pierre : elle m’apprit que peu de temps avant son suicide, il avait recommencé à se droguer, dépensant en une nuit plusieurs mois de la paye qu’il venait de toucher. L’autolyse [11] de Jean-Pierre se rapprochait du seppuku, le suicide rituel de celui qui a failli au Japon et qu’on nomme communément hara-kiri en Occident. Déchu par sa rechute toxicomaniaque, pouvait-il encore se présenter vivant devant ceux (et moi tout particulièrement) qu’il avait follement idéalisés ? À sa compagne qui le pressait de poursuivre son traitement, il a commencé par prétendre continuer de me raconter puis, acculé, il s’est tué.
25Dans des situations beaucoup moins tragiques, bien des ruptures d’analyses (ou d’autres formes de prise en charge) doivent sans doute s’entendre comme un ultime moyen de sauvegarder un tel processus d’idéalisation pathologique que le patient et parfois le thérapeute ne veulent ou ne peuvent pas remettre en cause. Le dépit amoureux mais surtout l’intolérable blessure narcissique qu’entraînent les tentatives du soignant pour critiquer et tenter de démanteler le mécanisme de surinvestissement dont il est l’objet risquent de pousser le psychopathe au meurtre, tel Philippe dont j’ai raconté l’histoire dans « L’analyste et le psychopathe [12] » et qui me cherchait désespérément dans tout Paris, un fusil à la main. Ainsi, inducteur, malgré moi, de violence passionnelle, je n’ai su ni l’empêcher, ni la maîtriser. Les forces de vie que j’espérais mettre au service de ce patient ont alors activé son potentiel d’auto-destruction. L’idéalisation passionnelle apparaît alors clairement pour ce qu’elle est toujours : le masque séduisant de la pulsion de mort.
La « charge » du mortifère
26Le destin psychopathique serait-il la forme actuelle de la tragédie antique ? Son héros apparaît tout autant prisonnier qu’Œdipe ou Antigone du jeu fatal des pulsions et des passions. Ni le hasard des évènements, ni la volonté du sujet ou de son environnement ne semblent pouvoir modifier sa destinée. C’est que quels que soient le lieu, l’action ou l’époque, les psychopathes souffrent du même mal : je l’ai appelé « trou noir psychique » pour tenter de rendre compte de la dimension inexorablement évolutive du processus de destruction où ils sont engagés et où ils risquent fort de nous précipiter.
27Ainsi Roland, qui a souffert à la fois de l’abandon et d’une mère adoptive « morte vivante », aurait pu inspirer La ballade des Dalton [13]. Dès 2 ans, il se faisait remarquer par la violence de ses colères clastiques. À la maternelle, il essaiera de gifler la directrice… Renvoyé de l’école primaire pour son agressivité envers ses camarades, il renverse les meubles et menace sa mère qui a déjà « épuisé » avec lui les consultations des plus prestigieux services parisiens de pédopsychiatrie. Préadolescent, il nargue la police, se moque du juge des enfants, fugue des internats et des hôpitaux spécialisés. La veille du bepc, il fait sortir le surveillant général dans la cour du lycée en le « braquant » avec le couteau dont il ne se sépare jamais et qu’il « promène » alors régulièrement sur le cou de sa mère ! À 15 ans et demi, Roland est interné en placement d’office pour coups et blessures volontaires. Expertisé [14], il est orienté vers une clinique universitaire en province, puis vers un lieu de vie où, là non plus, il ne peut être supporté. C’est alors qu’un foyer d’accueil d’urgence nous l’adresse. Un soir, il saute à la gorge de l’assistante sociale qui s’occupe de lui avec dévouement et commence à l’étrangler tout en la « travaillant » de l’autre main avec un cutter. Seul homme présent, je passe à l’acte à mon tour pour le désarmer et dégager, à l’issue d’un combat douteux, la collègue passablement traumatisée. Quelques nuits plus tard, je rêve que : « J’étais avec des collaborateurs en présence d’un jeune particulièrement menaçant, susceptible de nous agresser sur le champ. J’aimerais que l’éducateur intervienne, ce qu’il ne fait pas. Aussi finirai-je par lier les mains de l’adolescent et appeler la police. » Dans le rêve, je pense : « Il ne manquerait plus que Roland ne revienne. » Or, Roland sonne à la porte. Toujours aussi agressif, la mine sombre, ruminant sa vengeance. Son arrivée m’effraie mais je tâche de cacher mon trouble en m’exclamant : « Entre, la police t’attend. » Et le garçon se sauve alors dans l’escalier (ce qui correspond au souvenir d’une scène réelle où, après une bagarre dans le service avec d’autres jeunes, je tentais de l’arrêter et de le raisonner avant qu’il ne brise la porte d’entrée de l’immeuble !). Je lui conseille de me suivre sans résister, ce qu’il fait d’abord avant de tenter de s’échapper en se transformant en une espèce de serpent-crapaud que je finis par écraser furieusement à coups de pied. J’ai appris depuis que le directeur d’un établissement où il avait séjourné craignait aussi de le rencontrer de peur d’être incapable de s’empêcher selon son propre dire « de se jeter sur Roland pour le tuer ».
28Il est toujours difficile de se retrouver crûment confronté à sa propre agressivité sadique et à ses intenses désirs de meurtre brutalement exhumés du passé.
29Mais comment résister à la contagiosité du passage à l’acte en série ?
30Pour y échapper, le professionnel de l’aide isolé est tenté de s’identifier à un modèle réparateur idéalement bon : le thérapeute salvateur. Mais, comme nous l’avons trop bien vu en étudiant l’idéalisation passionnelle, son intervention de « deus ex machina » ne fera que précipiter la fin du sujet.
31Alors que faire pour essayer de répondre quand même à l’aporie relationnelle, aux périls de la passion transférentielle et à la « charge » du mortifère [15] ?
De la pluridisciplinarité à la transdisciplinarité
De la pluridisciplinarité
32L’intervention simultanée de plusieurs professionnels s’impose avec le psychopathe, comme avec tous les patients profondément régressés. En théorie, elle devrait permettre de :
- prendre en compte la réalité matérielle et sociale du délinquant. Cette tâche est traditionnellement dévolue aux éducateurs et aux assistants sociaux ;
- maintenir, malgré la labilité de ses attachements et de ses rejets, la continuité d’une relation positive indispensable à son évolution ;
- diluer salutairement entre plusieurs intervenants le transfert massif qui, avec ces sujets, n’est pas un accident mais une constante du traitement. On devrait arriver ainsi à éviter la cristallisation passionnelle, ou à la réduire si on n’a pas pu empêcher son apparition ;
- « tamponner » et désamorcer les désirs meurtriers du soignant le plus impliqué et lui permettre d’analyser son envie salvatrice corollaire de son agressivité destructrice en la parlant avec ses collègues.
33Il y a quelques années, le découragement et le désespoir consécutifs à nos échecs répétés avec eux provoquèrent une crise gravissime dans notre équipe. Les éducateurs, le médecin, l’assistante sociale, le thérapeute s’accusèrent mutuellement d’être responsables des insuccès. Pour ceux qui y travaillaient à l’époque, notre service devint totalement mauvais. « Ailleurs, on fonctionnait bien ! » Un climat pesant de défiance, de méfiance et de pseudo-lutte des classes se mit en place. Les éducateurs voulurent faire l’éducation de ceux avec qui ils collaboraient. Les psys entreprirent d’interpréter le comportement des non-psys : l’agressivité et les antagonismes s’exacerbèrent en miroir. Certains revendiquèrent de s’occuper d’une population plus jeune, réputée plus facile à rééduquer, d’autres évoquèrent la fermeture de l’institution. Nous étions alors proches du divorce ou du retour à un fonctionnement rigide et autoritaire depuis longtemps dépassé [18]. Il nous fallut bien du temps pour comprendre que nos premiers morts faisaient revivre « la phase dépressive consécutive à la disparition de l’objet aimé » (M. Klein), qui se trouve justement être la problématique centrale et souvent indépassable du psychopathe. Nous avons réussi là où le psychopathe échoue, parce que nous avons pu arriver à reconnaître individuellement et à accepter collectivement notre impuissance à modifier par nos seules blocages culturels (individualisme de la « société libérale avancée »), sociologiques (statuts et rôles professionnels cloisonnés) et psychologiques (désir d’omnipotence) qui entravent le fonctionnement ordinaire des équipes se disant pluridisciplinaires.
De la transdisciplinarité
34Pour nous, et à son insu, le psychopathe a été l’occasion de la création d’un authentique travail pluridisciplinaire et même d’un dépassement de la pluridisciplinarité que j’appellerai « trans-disciplinarité », car les soignants, les éduquants, les enseignant qui arrivent à traverser la dépression d’équipe peuvent alors transcender leur formation et leur pratique [19]. Cela veut dire qu’ils peuvent tous ensemble et de manière concertée se permettre de sortir du cadre habituel de leur exercice professionnel. Sans renier leur spécificité, la transdisciplinarité leur procure alors une plus-value d’efficacité.
35Des lecteurs de nos livres, des équipes au grand complet nous rendent souvent visite pour échanger sur des projets de prise en charge d’adolescents spécialement perturbés. Beaucoup s’étonnent, certains s’indignent de l’évolution de notre mode de fonctionnement. En effet, aujourd’hui, au service de soins et d’éducation spécialisée à domicile, tous les membres du personnel quel que soit leur statut officiel œuvrent et partagent réellement sur le terrain les difficultés du corps à corps avec le délinquant ou le délirant : les « psys » ne se réfugient ni dans leur bureau, ni dans la pratique de la supervision d’équipe. Le directeur abandonne, pour un temps, son travail administratif pour suivre des adolescents difficiles et les travailleurs sociaux acceptent que les intervenants, d’une autre formation de base que la leur, aient des relations régulières et privilégiées avec « leurs jeunes ». De fait, les divers instruments de l’action éducative et thérapeutique sont devenus communs. L’entretien « classique », la rencontre dans un lieu hors service, le loisir, cinéma, théâtre ou repas partagé avec le client, l’accompagnement de celui-ci dans un lieu de vie ou un centre de postcure éloigné seront indifféremment utilisés et effectués par l’éducateur ou le psy selon le seul principe que nous retenons aujourd’hui : priorité à la relation la plus utilisable, la plus dynamisable à un moment donné de l’histoire de la prise en charge. Celui qui a « le meilleur contact » quel que soit son statut assure le déplacement, la visite en prison, etc. Il en rendra compte à des fins d’enregistrement des données et d’élaboration d’une stratégie collective lors de la réunion de synthèse hebdomadaire, mais surtout il pourra confronter ses informations et ses opinions, partager ses doutes et ses angoisses lors de nombreuses miniréunions informelles qui prennent par exemple pour prétexte le café du matin ou l’apéritif du soir. La « non-hiérarchisation » des modes d’intervention (ce qui veut dire que la psychothérapie n’est pas une tâche plus « noble » que le travail éducatif et réciproquement) autorise la liberté de parole. À chacun d’accepter la critique de l’autre tout en refusant de se soumettre a priori à une discipline jugée plus scientifique ou plus concrète que la sienne. Si tous les jeunes sont suivis sur les plans éducatif et psychologique [20], l’éducateur et le psychothérapeute interviennent de concert auprès d’eux dans un « entretien à géométrie variable » qui utilise les combinaisons kaléidoscopiques de plusieurs praticiens de formations différentes avec un ou plusieurs marginaux choisis en fonction de l’homologie de leur organisation psychique et de la dysharmonie de leur évolution.
36La révolution qu’a vécue notre service ? La mort de nos certitudes théoriques initiales. La possibilité d’intégrer dans notre pratique ce que nos spécialités avaient occulté, en particulier l’économique et le social chez les psychanalystes, la dimension de l’inconscient et la dynamique transfert-contre-transfert chez les travailleurs sociaux. Et surtout la nécessité de l’intervention transdisciplinaire simultanée qui ne peut être rendue possible que par l’accession à un niveau comparable de distanciation par rapport au formalisme des formations de base et par l’existence d’un « jeu » suffisant entre les différents membres de l’équipe [21].
Niveaux d’intervention dans le travail pluridisciplinaire
37Formaliser une échelle de niveaux ou de stades d’intervention technique dans le secteur médico-psychoéducatif devrait permettre d’éviter une foule de malentendus et de perdre un temps considérable dans des débats sans issue. J’appellerai : Le niveau 0 : sans connotation péjorative (au sens de la linguistique : un élément non marqué est dit 0 par opposition à un élément marqué), celui des non-professionnels œuvrant dans le secteur, c’est-à-dire :
- le personnel des services généraux (homme d’entretien, cuisinier, lingère…), nous savons que si leur rôle est rarement reconnu, leur influence et leur impact auprès des jeunes est considérable. L’adolescent se confie plus volontiers à sa lingère qu’à son éducateur, ceci est une observation banale en institution ;
- les individus de toutes professions hors du champ social qui créent des structures d’accueil, des lieux de vie ou qui se contentent plus modestement de faire un travail d’écoute et d’aide. On trouve parmi eux des personnages charismatiques qui arrivent à fonder des institutions durables.
38Le niveau 2 : il est atteint par des professionnels qui, à partir de la prise de conscience de leurs échecs, acceptent de remettre en cause leur formation initiale, hélas pour mieux s’aliéner à une autre technicité, ou qui se réfugient dans une attitude de pseudo-questionnement et de nihilisme militant. Une fois re-formés (redéformés ?), ils se comportent comme des convertis, encore plus dogmatiques que les collègues du stade 1. Citons les éducateurs qui ne jurent plus que par la psychanalyse ou la sociologie, ou les « psys » devenus fervents zélateurs de la thérapie familiale et tous ceux qui croient qu’il faut laisser aller les autres au bout de leur expérience mortifère. Ils ont en commun l’absence de remise en question de leur mode de fonctionnement global et leur certitude qu’un savoir, une technique pourra enfin régler les problèmes de l’inadaptation.
39Le niveau 3 : ce serait celui des praticiens de toutes disciplines qui acceptent de tirer parti de la dimension de leur échec et qui arrivent à reconnaître que quelles que soient sa « perfection », son élaboration, toute technique spécialisée est inapte à elle seule à répondre aux défis que nous lancent les cas les plus difficiles de marginalité, de folie, de toxicomanie, etc. Ainsi, arrivent-ils dans la douleur à intégrer dans leur pratique ce que leur formation avait occulté.
Conclusion
40Si, comme le rappelle heureusement P. Aulagnier, l’analyse est le lieu de la fabrication « d’une nouvelle version de l’histoire de l’individu », la transdisciplinarité serait le moyen d’une écriture collective du passé terrifiant de ceux chez qui les forces d’antivie pervertissent dangereusement toute prise en charge duelle. Création inachevée, point de rencontre de celui qui s’estime le plus inapte à l’échange et de ceux qui se sont mis à son écoute sans parti pris, elle ne saurait être prise pour une panacée aux problèmes des équipes médico-psychosociales. J’affirme cependant qu’en dix ans de fonctionnement auprès de psychopathes, nous avons pu vérifier que lorsque ce mode de travail ne donnait que des résultats médiocres, n’importe quelle autre méthode en donnait des pires encore. Enfin, est-ce trop demander à ceux qui comme nous refusent le postulat d’incurabilité de remettre en question la sécurité de leur statut professionnel et surtout de renoncer à leur désir infantile de toute-puissance, à leur mégalomanie thérapeutique ? Bref, de remettre en cause cette envie d’une emprise solitaire sur celui que nous pouvons parfois ambitionner de sauver pour notre plus grande gloire au prix de sa plus grande perte.
Bibliographie
- Anzieu, D. et coll. 1976. Être psychanalyste, Paris, Dunod.
- Aulagnier, P. 1979. Les destins du plaisir, Paris, puf.
- Bogoratz, P. 1980. « Psychanalyse, psychanalystes, institution », Topique, n° 26, p. 117-126.
- Castel, R. 1981. Le psychanalysme, Paris, Flamarion, coll. « Champs ».
- Chartier, J.-P. 1980. « L’analyste et le psychopathe », Topique, n° 26, p. 101-116.
- Chartier, J.-P. 1998. L’adolescent, le psychanalyste et l’institution, Paris, Dunod, coll. « Enfances ».
- Chartier, J.-P. ; Chartier, L. 1982. Les parents martyrs, Toulouse, Privat.
- Freud, S. 1953. La technique psychanalytique, Paris, puf, 1989.
- McDougall, J. 1983. « Le contre-transfert et les cas difficiles », dans H. Sztulman (sous la direction de), Le psychanalyste et son patient, Toulouse, Privat.
- Missenard, A. 1982. « Intervention : faute de dépression, le vide », Topique, n° 30, p. 73-79.
- Racamier, P.-C. (sous la direction de). 1973. Le psychanalyste sans divan, Paris, Payot, 2e éd.
- Segal, H. 1980. Introduction à l’œuvre de Melanie Klein, Paris, puf.
- Zaltzman, N. 1982. « Vocation analytique et problèmes mélancoliques », Topique, n° 30, p. 87-96.
Mots-clés éditeurs : psychopathie, équipe, contre-transfert
Date de mise en ligne : 20/03/2012
https://doi.org/10.3917/clini.003.0096Notes
-
[1]
ash : les actualités sociales hebdomadaires sont reçues dans tous les services médico-psychosociaux de France et de Navarre.
-
[2]
Si l’analyste a encore cette possibilité, rendue précieuse de par la multiplication du nombre de ses confrères et la raréfaction apparente des demandes de psychanalyse orthodoxe !
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[3]
Tout a été dit ou presque par les tenants de la psychothérapie institutionnelle sur les phénomènes de rivalité entre thérapeute et soignant-éduquant, qui s’originent autour du désir de possession affective du soigné. Comme sur les effets dela fantasmatisation archaïque activée par la présence du cadre et en particulier du secret analytique dans l’institution
-
[4]
Comme le dit R. Hellbrunn : « Il est illusoire de vouloir aider un sujet à trouver ses repères quant au sens de ses actes en étant clivé d’une démarche institutionnelle, dans la mesure où les actes surgissent de zones non régulées de l’institution et empêchent tout travail de se poursuivre. » Pathologie de la violence, Paris, Éditions Réseaux, 1982, p. 93.
-
[5]
R. Castel, Le psychanalysme, Paris, Flammarion, coll. « Champs » 1981.
-
[6]
Le livre de P.-C. Racamier, Le psychanalyste sans divan, Paris, Payot, 1970, 2e éd. 1973, me semble illustrer parfaitement cette possible dérive idéologique de la théorie psychanalytique dans le champ sanitaire et social.
-
[7]
Beethoven, sourd, ardent, avide, solitaire, sans maître reconnu et sans disciple accepté, follement mégalomane et proche du suicide comme il avoue l’avoir toujours été, me semble une référence identificatoire capitale pour les carencés affectifs rendus sensibles aux « forts coups du destin qui frappe à la porte » dès les premières mesures de la Cinquième.
-
[8]
J’ai corrigé l’orthographe et la syntaxe défectueuses du document original.
Un collègue à qui je le montrais s’était exclamé : « Quelle pauvreté, quelles capacités de verbalisation limitées ! » Y a-t-il des analystes plus sensibles aux maladresses de style et aux crimes orthographiques qu’aux cris et aux trésors d’affectivité ? -
[9]
P. Aulagnier, Les destins du plaisir, Paris, puf, 1979, p. 223.
-
[10]
J’ai exposé dans « L’analyste et le psychopathe » les difficultés ordinaires que rencontre le soignant solitaire qui cherche à nouer une relation thérapeutique avec ces sujets qui testent en permanence l’attachement qu’on leur porte en vous entraînant dans une spirale infernale d’exigences agressives et de revendications brutales. Il faut être l’évêque de Dignes pour saisir intuitivement que le vol de son argenterie signifie « l’amorce d’un mouvement incorporatif positif » chez le bagnard JeanValjean ! Lors des nombreuses ruptures de la prise en charge, l’analyste peut tenter de se distancier de son angoisse et de sa déception en théorisant sur la bobine et le fort-da. L’homme n’en reste pas moins touché au vif par cette forme de relation où alternent la haine, le rejet et la demande de fusion. (P. Chartier, « L’analyste et le psychopathe », Topique, n° 26, 1980, p. 101-116.)
-
[11]
Le suicide.
-
[12]
J.-P. Chartier, op. cit.
-
[13]
Cf. Morris, R. Goscinny, Lucky Luke, vol. 17, La ballade des Dalton, Paris, Dargaud, 1978.
-
[14]
Cf. la conclusion de l’expert : « Il semble s’agir d’une évolution névrotique caractérielle que l’on pourrait appeler en quelque sorte “psychopathique” ! »
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[15]
La « charge » du mortifère dans toutes les acceptions de ce terme : prix à payer pour s’occuper de ceux qui refusent nos interventions, « qui s’adressent à nous rien que pour nous montrer que nous ne pouvons rien pour eux » (J. McDougall, 1983). Fardeau pesant du mépris et du rejet. Emballement furieux de la violence à l’arme blanche, comme ce que nous a fait vivre Roland. Enfin, explosion, dynamitage du « moi policé » du professionnel de l’aide qui régresse au passage à l’acte voire à l’agressivité meurtrière.
-
[16]
« Le psychanalyste-directeur ne doit pas écraser de son supposé savoir ses collaborateurs ; il doit avec eux traiter de sujet à sujet, d’adulte à adulte. » Qu’un chef de service doive encore récemment rappeler cette évidence montre la difficulté que rencontre la pluridisciplinarité dans bien des services publics. P. Bogoratz, « Psychanalyse, psychanalystes, institution », Topique, n° 26, 1980, p. 117-126.
-
[17]
S. Freud, « Observations sur l’amour de transfert » (1953), dans La technique psychanalytique, Paris, puf, 1989, p. 116.
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[18]
Grâce en particulier aux qualités d’animateur du directeur pédagogique Marc Walbert.
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[19]
Transcender, néologisme introduit pas H. Bergson : « S’élever au-dessus d’une région de la connaissance ou de la pensée après l’avoir traversée et pénétrer dans une région supérieure. » H. Bergson, dans A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, puf, 2010, p. 112.
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[20]
Contrairement à une critique que nous avons souvent entendue à propos de nos « psychothérapies péripatéticiennes », les jeunes repèrent très vite à quel type de professionnel ils ont affaire, et nous utilisent en conséquence.
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[21]
Cf. Niveaux d’intervention, ci-après.