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Article de revue

Les entretiens préliminaires, une nécessité ?

Pages 59 à 67

Notes

  • [1]
    J. Lacan, Le savoir du psychanalyste, Séminaire 1971-1972, publication hors commerce, document interne à l’Association freudienne, p. 25.
  • [2]
    N. Stryckman, « Temps des séances : instrument de la cure », Le bulletin freudien, n° 33, juin 1999, p. 126.
  • [3]
    P. Landman, « Les entretiens préliminaire », Figures de la psychanalyse, n° 12, 2006, p. 96.
  • [4]
    S. Freud, « De la psychothérapie » (1905), « Le début du traitement » (1913), « Conseils aux médecins sur le traitement analytique » (1912), dans La technique psychanalytique, Paris, Puf, 1981, La question de l’analyse profane (1926), Paris, Puf, 2012.
  • [5]
    S. Freud, « Le début du traitement », op. cit., p. 82.
  • [6]
    J.-P. Bauer, « Actualité des entretiens préliminaires », dans Actes des journées de la convention psychanalytique, avril 1985, p. 44.
  • [7]
    S. Freud, « De la psychothérapie », op. cit., p. 15.
  • [8]
    Comme le rappelle J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, L’angoisse (1962-1963), Paris, Le Seuil, 2004, « La demande d’analyse ne part pas de l’énoncé du symptôme » (12 juin 1963).
  • [9]
    M. Fenneteaux, dans Actes des journées de la convention psychanalytique, avril 1985, p. 15.
  • [10]
    S. Freud, « Sur l’engagement du traitement » (1913), dans La technique psychanalytique, Paris, Puf, 2007, p. 106.

1 Très peu de travaux existent sur ce sujet.

2 Il est courant de dire que le début de la cure se conjugue avec la fin. Encore faut-il le démontrer. Comme de dire que les entretiens préliminaires obéissent à une dynamique précise qui parfois inclut tout le chemin à parcourir. Ce qui n’est pas faux, encore faut-il ne pas s’y accrocher. Ce qui est certain, c’est que l’écoute et l’intervention de l’analyste seront, dès les premiers entretiens, influencées par divers éléments, les théories explicites et implicites qu’il a de la cure. Il est souhaitable qu’il les reconnaisse. Qu’il ait conscience que ses choix théoriques sont déterminés par ses positions transférentielles sur la psychanalyse, sur tel ou tel analyste, sur sa propre cure et sa fin. Enfin, que sa subjectivité et son expérience de la cure analytique seront déterminantes dans sa présence réelle et son écoute. Une collègue disait dans une séance de contrôle : « Ah ! Mais mon analyste n’a jamais dit cela ou fait cela. » Ou encore : « Comment voulez-vous que je sache car jamais mon analyste… ». Nous constatons par ces dires qu’il n’est pas si simple de ne pas s’identifier à son analyste. Ni non plus de ne pas s’appuyer sur un modèle. Il est indispensable d’être au clair avec tout cela pour que le « désir de l’analyste » soit à l’œuvre dès le début de la cure.

3 Lacan a peu parlé des entretiens préliminaires de façon directe. Il n’a pas fait de séminaire sur ce sujet. Est-ce à dire qu’il n’y attachait pas ou peu d’importance ? Certainement pas. Voici ce qu’il avance dans son séminaire sur « Le savoir de l’analyste » : « Chacun sait – beaucoup l’ignorent – l’insistance que je mets auprès de ceux qui me demandent conseils sur les entretiens préliminaires dans l’analyse. Ça a une fonction, bien sûr, pour l’analyse essentielle. Il n’y a pas d’entrée possible dans l’analyse sans entretiens préliminaires [1]. »

4 Le terme même de « préliminaire » nous donne déjà le ton. Suivant Le Petit Robert, ce nom masculin qui est aussi adjectif désigne « l’ensemble des négociations qui précèdent un acte, un événement plus important ». Comme je l’écrivais naguère, dès qu’un sujet s’adresse à nous, « sa parole ne peut s’énoncer que dans un temps présent, passé, futur, qui implique la notion d’avant et d’après et ce dans un espace réel, symbolique et imaginaire qui implique un dedans et un dehors [2] ». Patrick Landman nous rappelle que, si « la question des entretiens préliminaires reste encore extraordinairement complexe, c’est parce qu’elle est restée à quelque chose d’extrêmement problématique pour nous, qui est la question du temps [3] ».

5 Freud n’a pas écrit un article centré uniquement sur cette question. Mais il l’aborde dans différents textes [4]. Son point de départ prend appui sur des références médicales centrées sur le diagnostic. Mais au fur et à mesure de sa pratique, il va nuancer son propos. Dans son texte « Conseils aux médecins sur le traitement analytique », il écrit : «… les meilleurs résultats thérapeutiques s’obtiennent lorsque l’analyste procède sans s’être préalablement tracé de plan, se laisse surprendre par tout fait inattendu, conserve une attitude détachée et évite toute idée préconçue. » Paradoxalement, il va même jusqu’à préconiser de faire une « Probezeit », une période d’essai. Il s’agit d’une procédure complexe. Pendant une période, il faut se conformer aux règles de l’analyse tout en s’interrogeant sur la possibilité même de faire une cure psychanalytique. Faire comme si cela avait commencé, pour voir si c’est possible et « pour ne pas commettre une erreur de diagnostic [5] ».

6 En termes actuels et de façon très résumée, nous dirons que ce qui importe dans les entretiens préliminaires, c’est de repérer, d’une part, les possibilités de symbolisation du sujet et, d’autre part, ses capacités psychiques et corporelles à supporter les pertes et à structurer dialectiquement les manques. Nous avons là, je pense, deux fonctions essentielles des entretiens préliminaires.

Entretiens préliminaires, mais préliminaires à quoi ?

7 À une analyse ?

8 Les entretiens préliminaires ont, à mon sens, à s’effectuer de manière à ce qu’ils débouchent ou non sur une cure psychanalytique et ce, quels que soient la demande du patient et le souhait de l’analyste. La fonction du psychanalyste est d’écouter et d’entendre le discours qui lui est adressé en tant que tel, sans que celui-ci soit a priori marqué par le signifiant « analytique ». Ce qui importe c’est l’interrogation sur la parole adressée. « Une jeune femme vient me trouver pour parler de ses difficultés avec son mari », écrit Jean-Pierre Bauer [6]. Il poursuit : « Je l’écoute pendant un certain nombre de séances, s’étalant à peu près sur trois mois. Son discours tourne autour de ses difficultés conjugales. […] Elle précise qu’elle voudrait faire la part de ce qui lui revient au niveau subjectif, de ce qui lui revient à elle dans le conflit conjugal. » Au cours de ses entretiens, Jean-Pierre Bauer l’interroge sur sa famille. Ses réponses laissent soupçonner un problème lié aux racines étrangères de son père. « À partir de ce moment, son discours alternera ces deux thèmes, celui des difficultés avec son mari, celui lié à ses racines paternelles. » Un jour, cette patiente lui téléphone pour lui dire qu’elle ne pourra poursuivre les entretiens à cause d’une rupture d’un tendon d’Achille. L’analyste ne reverra pas cette patiente pendant à peu près un an. Ensuite, elle reprend contact avec lui pas pour les problèmes conjugaux qu’elle a réglés entre-temps mais pour des tendances dépressives présentes depuis l’adolescence et qu’elle met en relation avec « l’attitude exigeante et autoritaire de sa mère ». Après quelques entretiens, cette patiente commencera une analyse.

9 Quel enseignement tirer de cette vignette clinique ? D’entrée de jeu, dit Bauer, cette patiente met l’analyste dans une position d’arbitre. Elle lui demande de faire un partage entre ce qui lui revient à elle et ce qui revient à l’autre dans ses problèmes conjugaux. De ce fait, elle le place aussi en position tierce, dissymétrique et de sachant. Ce qui est plutôt un bon présage pour la mise en place du transfert puisque cela témoigne de la possibilité du sujet d’effectuer un dialogue en position dissymétrique. Cependant, Jean-Pierre Bauer ne lui propose pas d’analyse. Il précise qu’il ne s’était pas présenté comme analyste. Avait-il pressenti que le problème du narcissisme était, à ce moment-là, impossible à soumettre au procès de l’analyse ? Nous ne pouvons l’affirmer, mais en poser l’hypothèse au regard de ce qu’il écrit. « On peut déjà voir, dans cet accident corporel, une première expérience de dénarcissisation au niveau corporel qui l’empêche à la poursuite d’une expérience de parole. » Elle pourra reprendre cette expérience de parole lorsqu’elle va interroger ses tendances dépressives et la relation à sa mère, autrement dit lorsque son narcissisme revient sur la scène de sa vie en relation à l’Autre scène qui lui est énigmatique et la met aux prises avec cet Autre-Réel qu’est sa mère. Cette mère est non seulement son premier objet d’amour mais la représentante de ce que Freud a nommé Das Ding, cette première perte que tout sujet doit accomplir pour s’inscrire dans une filiation et une généalogie sur le plan symbolique et non uniquement sur un plan aliénant de l’imaginaire.

10 Dans ce même article, l’auteur nous indique aussi combien il est important de laisser le champ libre à la parole afin que le sujet puisse dire éventuellement que, de la psychanalyse, il n’en veut pas. Il est donc important de ne pas précipiter « l’entrée en analyse ». Cette position permet d’éviter que ce soit l’analyste qui devienne demandeur. Car, si cela se produit, nous constatons toujours une « fermeture de la parole subjectivante du patient ». Il ne faut pas oublier que la cure analytique va aussi bouleverser les rapports du sujet à son entourage, son conjoint… Il est donc nécessaire de mesurer sa possibilité de faire face à cette intolérance. Ceci est encore plus important dans l’analyse avec les enfants.

11 Est-ce à dire que les entretiens préliminaires ont pour fonction de nous permettre de dire si une cure est indiquée ou pas ?

Indications et contre-indications

12 Freud a formulé des indications et contre-indications au traitement. Il écrit : « … de nombreuses particularités du traitement analytique l’empêchent d’être une forme idéale de thérapie [7] ». Cette terminologie est, bien sûr, le reliquat du discours médical que les post-freudiens vont utiliser largement. Pour eux, ce qui importera dans les entretiens préliminaires sera de recueillir un matériel suffisant pour pouvoir poser cette indication ou cette contre-indication. Ce qui implique que l’écoute du psychanalyste sera orientée non par le savoir inconscient du sujet et de son désir mais par le savoir à acquérir à partir de la parole du patient afin de poser cette indication ou contre-indication et d’avoir ainsi la maîtrise de la situation. Quelle place dans une telle conjoncture pour la surprise, l’étonnement et le surgissement d’un fait inconscient, d’un signifiant ignoré, d’un rêve troublant ?

13 Néanmoins, est-ce à dire que toute anamnèse historique et symptomatique est inutile, voire, comme certains analystes l’ont affirmé, anti-analytique ? Telle n’est pas notre position. Ce qui nous paraît important dans ce premier temps est d’entendre ce qui a déterminé le sujet à s’adresser à l’analyste à ce moment précis de sa vie et de son histoire.

Qu’est-ce qui a précipité cette demande ou autrement dit qu’est-ce qui a produit une brèche dans la structure du sujet ?

14 Ce qui a précipité cette demande ou ce qui a produit cette brèche nous permettra d’entendre certains éléments de son histoire. À partir de là, on lui permet de poursuivre cette « expérience de parole ». Rappelons-nous la patiente de Jean-Pierre Bauer :

15 – son choix d’objet qui fait problème, le mari, choix œdipien puisque associé rapidement aux origines du père ;

16 – certains éléments structuraux : fixation identificatoire au père, sous le signifiant « tendon d’Achille », à la mère, « le goût amer du café ». L’autre (l’Autre) est mis en position d’arbitre, c’est-à-dire de celui qui sait, celui qui va permettre le partage des responsabilités et de dire au sujet les fils de son destin.

17 Citons quelques exemples qui peuvent précipiter une demande, produire une brèche dans la position subjective :

18 – un événement qui change l’existence d’un sujet (la mort d’un parent, d’un enfant, d’un conjoint…) ;

19 – une rupture amoureuse qui vient mettre au jour une fragilité narcissique, une image spéculaire ou un trait identificatoire vacillant ;

20 – une maladie, une perte d’emploi ;

21 – l’émergence d’une image, d’un fantasme, d’un souvenir, d’un rêve qui fait surgir l’angoisse ;

22 – une souffrance intrapsychique causée par un symptôme somatique (éjaculation précoce, frigidité, stérilité…) ;

23 – une parole d’un tiers investi et érotisé soit comme autorité, soit comme objet d’amour ;

24 – la répétition de la névrose infantile, du traumatisme infantile, du fait de l’amnésie que provoque cette névrose et du refoulement dont témoignent les symptômes ;

25 – la rupture de l’identification d’un sujet à un mythe collectif. Nous retrouvons cela notamment chez les enfants des survivants des camps. Enfants qui doivent réparer le tort fait aux parents, aux grands-parents mais aussi à l’ensemble du peuple juif ;

26 – une défaillance de la fonction paternelle en tant que cette fonction consiste notamment à nouer le désir à la loi. Rappelons-nous « l’homme aux rats » à qui le père interdit le mariage avec mademoiselle G, ce qui a pour effet de lui rendre impossible d’aimer une femme et de la désirer ;

27 – un réel qui vient interpeller le rapport du sujet à sa souffrance, à ses symptômes et qui a pour effet que celui-ci n’attend plus la guérison, la réparation, le don qu’il n’a pas eu, mais sait sans savoir que c’est lui qui détient la clé du changement.

28 Ce à quoi nous avons à être attentif, tout au long de ces préliminaires, c’est, d’une part, la modalité d’énonciation du sujet dans sa demande à l’analyste et, d’autre part, l’effet produit par sa parole sur lui-même et sur l’analyste. Autrement dit, comment, dans et par sa demande, se met en place le transfert et par quelles voies.

29 Par l’énonciation de son histoire subjective et symptomatique, le sujet laisse entendre que l’analyste peut combler les trous, les blancs de son histoire et lever ses symptômes. Il suppose à l’analyste un savoir. Supposition que nous rencontrons dans toutes les structures névrotiques. Savoir qui répondra à un manque d’amour dans le champ de l’hystérie. Savoir qui viendra mettre à l’abri, voire incarner un interdit par rapport à un trop d’amour dans la névrose de contrainte. Savoir qui viendra délivrer le sujet du surgissement de l’angoisse dans la névrose phobique. Dans les perversions, ce savoir sera dénié au profit de l’objet fétiche. Quant aux psychoses, de ce savoir sera attendue l’affirmation de l’existence du sujet, comme sujet singulier et désirant. Par cette supposition de savoir chez l’Autre, le sujet peut énoncer et faire entendre les paroles insues de lui-même et les subjectiver. Prendre en compte cette parole qui disait autre chose que ce que l’analysant voulait dire et se pressentir engagé comme sujet dans et par cette parole, c’est ce que Lacan nomme « le franchissement subjectif ».

30 Ceci est très important, car ce franchissement témoigne d’une ouverture de l’inconscient. Ouverture indispensable à la mise en place du transfert. Ouverture dont l’analyste devra prendre acte et que l’analysant devra mettre en acte. L’analysant devra faire entendre que le réel de son existence, il peut y changer quelque chose, que ses symptômes ont une cause [8], que de sa position subjective il est responsable. Ceci lui permettra de mettre en acte les conséquences de sa demande en se soumettant à la règle analytique et aux exigences du cadre pour que l’analyse soit possible. L’histoire de Timothée en témoigne [9]. « … la séance commençait par un long silence… Il finit par me faire part de ce qui s’était imposé à lui la dernière fois, dès qu’il eut franchi le seuil : “Je ne peux croire tout ce que je viens de dire et pourtant… pourtant je sens que cela m’engage.” Il venait de dire, sur la scène transférentielle, qu’il ne se savait pas savoir ce qui s’était proféré ; il avait été saisi d’une parole émanant d’un soi-même inconnu, et sentait qu’il y avait là quelque chose d’irrévocable qui lui enjoignait d’en poursuivre le fil, qu’il se trouvait en un point de non-retour ; il ne pouvait pas feindre que ses paroles ne m’aient pas été adressées : “Je sens que cela m’engage”. »

31 Nous constatons dans notre clinique que ces franchissements ne sont pas aisés et que les temps de ceux-ci sont différents pour chacun. Je souscris à l’avis des collègues qui avancent que si cet insu du sujet ne s’est pas manifesté ou si le sujet n’a pu le prendre quelque peu en compte, il est inutile de s’engager dans une cure analytique. Par contre, un travail thérapeutique peut avoir des effets bénéfiques. C’est tout autre chose.

32 Ceci nous fait entendre que, pour qu’une analyse puisse s’enclencher, il est nécessaire qu’au cours des entretiens préliminaires un « renversement dialectique » se soit opéré, pour reprendre l’expression de Lacan parlant de Dora. Renversement qui va introduire l’analysant à un premier repérage de sa position dans le réel. Freud parlait de « plasticité psychique ». Si tel n’est pas le cas, les entretiens préliminaires ont à se poursuivre. Car entamer une cure sans cette possibilité conduit tôt ou tard et irrémédiablement à son blocage, voire son arrêt.

Les entretiens préliminaires font-ils ou non partie de l’analyse ?

33 Trois réponses sont possibles. Pour certains, ils ne font pas partie de la cure. C’est un temps préparatoire au cours duquel les deux protagonistes évaluent la possibilité de mettre en place l’analyse ou pas. Pour d’autres, les entretiens préliminaires sont déjà l’analyse. Les séparer de la cure proprement dite est un pur artifice. Pour d’aucuns, les entretiens préliminaires constituent un temps préalable à l’analyse mais en font partie. Temps de mise à l’épreuve pour l’analysant comme pour l’analyste, afin d’évaluer si une analyse est possible avec cet analyste-là avec ce patient-là. La durée des entretiens préliminaires ne peut se déterminer à l’avance. Le temps subjectif n’est pas identique au temps chronologique.

Les entretiens préliminaires et leur fin

34 Qui mettra un terme aux entretiens préliminaires, l’analyste, l’analysant ?

35 Il me semble que c’est l’analyste qui a à y mettre un terme car c’est lui qui dirige la cure. Il le fera au moment où l’analysant peut en dire plus qu’il ne sait et tente de mettre ce nouveau savoir, à entendre au sens du savoir inconscient, du savoir pulsionnel, en acte dans sa vie. Freud a sur ce sujet un passage intéressant. « La confession entre bien pour une part dans l’analyse, en quelque sorte comme introduction. Mais elle est loin de se confondre avec l’essence même de l’analyse ou de pouvoir expliquer son action. En confession, le pécheur dit ce qu’il sait ; en analyse, le névropathe doit en dire davantage […], le malade doit en dire plus qu’il ne sait. »

36 On peut constater que pour que « se dire » puisse s’effectuer tout au long de la cure, la règle fondamentale est nécessaire. Pour comprendre cela, Freud utilise une jolie métaphore. La métaphore du train : « Dites donc tout ce qui vous passe par l’esprit. Conduisez-vous par exemple à la manière d’un voyageur assis côté fenêtre dans un wagon de chemin de fer, qui décrit à quelqu’un d’installé à l’intérieur le paysage se modifiant sous ses yeux. Enfin, n’oubliez pas que vous avez promis une totale franchise et ne passez jamais sur quelque chose parce que, pour une raison ou une autre, la communication vous en serait désagréable [10]. »

37 Pour qu’il y ait effet de signifiant, effet de représentation, effet de vérité, effet de subjectivation, un savoir non su du registre des représentations, des signifiants et des pulsions doit advenir par et dans la parole adressée à l’analyste. Cette dimension du savoir insu implique que la psychanalyse est un procès au sens d’un processus mais aussi au sens de procès c’est-à-dire de mise en question du sujet qui en fin de course va perdre celui-ci.

38 Freud avait pris la juste mesure de cette difficulté. « La psychanalyse est à peu près la dernière chose pour laquelle l’homme est fait. »


Date de mise en ligne : 12/05/2014.

https://doi.org/10.3917/cla.024.0059

Notes

  • [1]
    J. Lacan, Le savoir du psychanalyste, Séminaire 1971-1972, publication hors commerce, document interne à l’Association freudienne, p. 25.
  • [2]
    N. Stryckman, « Temps des séances : instrument de la cure », Le bulletin freudien, n° 33, juin 1999, p. 126.
  • [3]
    P. Landman, « Les entretiens préliminaire », Figures de la psychanalyse, n° 12, 2006, p. 96.
  • [4]
    S. Freud, « De la psychothérapie » (1905), « Le début du traitement » (1913), « Conseils aux médecins sur le traitement analytique » (1912), dans La technique psychanalytique, Paris, Puf, 1981, La question de l’analyse profane (1926), Paris, Puf, 2012.
  • [5]
    S. Freud, « Le début du traitement », op. cit., p. 82.
  • [6]
    J.-P. Bauer, « Actualité des entretiens préliminaires », dans Actes des journées de la convention psychanalytique, avril 1985, p. 44.
  • [7]
    S. Freud, « De la psychothérapie », op. cit., p. 15.
  • [8]
    Comme le rappelle J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, L’angoisse (1962-1963), Paris, Le Seuil, 2004, « La demande d’analyse ne part pas de l’énoncé du symptôme » (12 juin 1963).
  • [9]
    M. Fenneteaux, dans Actes des journées de la convention psychanalytique, avril 1985, p. 15.
  • [10]
    S. Freud, « Sur l’engagement du traitement » (1913), dans La technique psychanalytique, Paris, Puf, 2007, p. 106.
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