À l’heure où nombre de contributions ne cessent de mobiliser le « transnational » pour critiquer une histoire qui aurait été jusqu’alors enfermée dans un carcan trop étroitement national, il peut sembler tout à fait banal de mobiliser une telle méthode pour écrire l’histoire du socialisme. Quoi de plus naturel en effet que de « transnationaliser » une idéologie politique qui, au cours d’une large partie de son histoire, n’a cessé de revendiquer le dépassement des frontières au profit d’un nouvel ordre international débarrassé des antagonismes entre les peuples ? « Histoire globale », « histoire mondiale »… Relisons ne serait-ce que quelques phrases célèbres du Manifeste du parti communiste ou du Capital, pour n’en rester qu’à Marx : le capitalisme, par essence, ne peut que « mondialiser » tous les aspects de la vie sociale. Les luttes ouvrières à venir devront tenir compte de ce cadre, qui sera sans cesse élargi par l’extension du capital.
On sait pourtant que ces perspectives optimistes ont été contrariées par une persistance des nations et même l’émergence de nationalismes exacerbés, ruinant les espoirs pressés des courants les plus internationalistes. Tenant compte de cela, le socialisme a été pris lui-même dans des logiques de nationalisation, et ce d’autant plus que pour parvenir au pouvoir et s’y installer durablement, il a dû composer avec les frontières et nations existantes. Peut-être aussi précisément par ce qu’il s’agissait d’un objet d’histoire nécessairement concerné par la dimension internationale, nombre d’historiens ont entrepris d’écrire son histoire en faisant l’économie d’une réflexion méthodologique à ce propos…