Notes
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[1]
« La politique informelle en France et en Europe (XIXe-XXIe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 25 mars 2009, http://calenda.org/196854.
-
[2]
Christine Guionnet, Lionel Arnaud (dir.), Les frontières du politique. Enquête sur les processus de politisation et de dépolitisation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
-
[3]
Jean-François Bayart, Compte rendu dans la Revue française de science politique, vol. 62, n° 5-6, 2012, p. 1042.
-
[4]
Jean-Pierre Olivier de Sardan, « À la recherche des normes pratiques de la gouvernance réelle en Afrique », Afrique : Pouvoir et Politique (APP), Discussion paper, n° 5, décembre 2008 (http://www.institutions-africa.org).
-
[5]
Jeff Weintraub, Krishan Kumar (dir.), Public and private in thought and practice : perspectives on a grand dichotomy, Chicago, University of Chicago press, 1997.
-
[6]
Alena V. Ledeneva, Russia’s economy of favours : blat, networking and informal exchange, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 ; Alena Ledeneva, Stephen Lovell, Andrei Rogachevskii (dir.), Bribery and blat in Russia, Londres, Palgrave MacMillan, 2000.
-
[7]
La notion est créée par Wolfgang Sofsky, Rainer Paris, Figurationen sozialer Macht. Autorität – Stellvertretung – Koalition, Opladen, Leske und Budrich, 1991, pp. 169-172.
-
[8]
John M. Bourne, Patronage and Society in Nineteenth Century England, Londres, Arnold, 1986.
-
[9]
Benoît Agnès, « Le “pétitionnaire universel” : les normes de la pétition en France et au Royaume-Uni pendant la première moitié du XIXe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 58-4, 2011, pp. 45-70.
-
[10]
Gérard Vincent, « Une histoire du secret ? », in Philippe Ariès, Georges Duby (dir.), Histoire de la vie privée, tome 5 : de la première guerre mondiale à nos jours, Paris, Le Seuil, 1987, pp. 155-390.
-
[11]
« Les socialistes et la ville, 1890-1914 », Cahiers Jaurès, n° 177-178, 2005.
-
[12]
Aude Chamouard, Les maires socialistes en France dans l’entre-deux-guerres : une expérience réformiste du pouvoir ?, thèse de doctorat d’histoire, sous la direction de Marc Lazar, 2 vol., Paris, Institut Politiques de Paris, 2010.
-
[13]
Gilles Candar, Jean Longuet (1876-1938). Un internationaliste à l’épreuve de l’histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, pp. 244-245.
-
[14]
Thierry Bonzon, « “Une même cité”. Paris et sa banlieue chez les conseillers généraux SFIO, 1908-1914 », Cahiers Jaurès, n° 177-178, 2005, pp. 7-21.
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[15]
Ces conclusions avaient d’ailleurs été déjà apportées sur la période précédente de l’avant-Première Guerre mondiale, dans le cas particulier de Sotteville-lès-Rouen, par Yannick Marec – Y. Marec, « Sotteville-lès-Rouen, ville socialiste (1896-1914), une politique sociale spécifique ? », Cahiers Jaurès, n° 177-178, 2005, pp. 91-102.
-
[16]
Creuse, Dordogne, Doubs, Eure, Gironde, Indre et Loire, Loir et Cher, Loire, Marne, Haute Marne, Meurthe et Moselle, Meuse, Moselle, Bas-Rhin, Rhône, Sarthe, Haute-Savoie, Seine-et-Oise, Vosges, Territoire de Belfort. L’auteur fait d’ailleurs une note bienvenue dans ses annexes pour expliquer les problèmes méthodologiques que pose cette enquête dans les archives départementales (pp. 479-481).
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[17]
Jean Faury, « Jaurès 1912 : Proportionnelle, scrutin de liste et souvenirs de 1885 », Cahiers Jaurès, n° 204, avril-juin 2012, pp. 71-82.
-
[18]
Frédérique Matonti, Bernard Pudal, « L’UEC ou l’autonomie confisquée », in Dominique Damamme, Boris Gobille, F. Matonti, B. Pudal (dir.), Mai-juin 1968, Paris, Éditions de l’Atelier, 2008, pp. 130-143, p. 130.
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[19]
Le livre ne contient ni index, ni présentation des sources et de la bibliographie, un choix tout de même étonnant pour les éditions du CNRS.
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[20]
La Sarthe est l’un des terrains examinés par André Siegfried dans son célèbre Tableau politique de la France de l’Ouest, paru en 1913.
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[21]
Paul Bois, Paysans de l’Ouest : des structures économiques et sociales aux options politiques depuis l’époque révolutionnaire dans la Sarthe, Le Mans, Imprimerie Maurice Vilaire, 1960, rééd. Paris, Éditions de l’EHESS, 1984.
-
[22]
Nous avions rendu compte de sa très intéressante biographie du plus proche collaborateur de Pierre Mendès France : Georges Boris, cf. A. Chatriot, « recension de J.-L. Crémieux-Brilhac, Georges Boris, trente ans d’influence, Paris, Gallimard, 2010, 464 p. », in Cahiers Jaurès, n° 198, octobre-décembre 2010, pp. 179-182.
La Troisième République revisitée
1La Troisième République n’a pas eu une belle fin et son triste sort a longtemps influencé la réception qui en a été faite. Empêtrée dans la dépression, elle a déclaré une guerre qu’elle n’avait pas les moyens de gagner, pour finalement se désagréger face à la débâcle militaire de 1940. Les fondateurs de la Quatrième République voulaient ériger un régime d’un genre nouveau, plus moderne et plus stable et ont, à cet égard, remporté un certain succès ; les fondateurs de la Cinquième République ont dû avoir le sentiment qu’ils avaient porté encore plus loin le projet de créer une France nouvelle, laissant loin derrière eux l’époque honnie de la Troisième République.
2Cependant, dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, la mauvaise réputation de la Troisième République a commencé à connaître des jours meilleurs et il n’est pas très difficile d’expliquer pourquoi. De Gaulle n’était plus sur le devant de la scène politique et la teneur du gaullisme n’était plus aussi claire après sa disparition. Le marxisme aussi était en crise : ce n’était pas le capitalisme qui avait fini dans les oubliettes de l’histoire mais le bloc soviétique. À l’Ouest, la démocratie sociale était sur la défensive, faisant de son mieux pour préserver les accomplissements de l’État providence contre les assauts des partisans du libre marché. Et ce n’est pas tout : une jeune génération s’affranchissait de la génération de la Seconde Guerre mondiale et était prête à porter un regard critique sur les tabous qui avaient régi la vie publique durant plus d’un quart de siècle.
3La Troisième République, qui avait eu mauvaise presse pendant si longtemps, était au nombre de ces tabous qui furent regardés d’un nouvel œil. Bien sûr, la fin du régime n’avait pas été édifiante, mais pendant l’âge d’or des décades qui avaient précédé la Première Guerre mondiale, n’avait-elle pas accompli de grandes choses, mettant en place des institutions et institutionnalisant des valeurs qui pourraient montrer le chemin à suivre dans le monde post-gaulliste et post-marxiste de l’époque ? La laïcité, l’esprit civique et les droits de l’homme étaient autant d’idéaux qui avaient toujours du sens. Cependant, alors que le crédit de la Troisième République augmentait, les débats s’échauffèrent. Quel héritage au juste transmettait-elle au monde contemporain ? Cherchait-elle à inclure les exclus ou bien à exclure ceux qui ne savaient pas apprécier correctement les valeurs que la France représentait ? Certains ne pouvaient tout simplement pas tolérer le nouveau culte de la Troisième République, car elle avait refusé le droit de vote aux femmes, avait parlé la langue de la méritocratie tout en s’assurant que les privilégiés aient toujours le dessus, et avait bâti un empire qui oppressait les peuples qu’il gouvernait. Elle avait été – ainsi que les Républiques suivantes – sexiste, raciste et bourgeoise jusqu’à la moelle.
4Une contre-histoire de la IIIe République, remarquablement éditée par Marion Fontaine, Frédéric Monier et Christophe Prochasson, prend dans ce débat historiographique une position nette, laquelle a des conséquences pour la vie publique actuelle. Avant de débuter, il faut noter que l’ouvrage est composé de vingt-sept courts essais qui portent sur une large variété de thèmes. L’ensemble de l’ouvrage prend un parti qui dépasse peut-être l’adhésion de chaque contributeur pris individuellement. Quel est donc ce parti pris ? Les cinq remarques qui suivent permettront d’y apporter une réponse.
5Tout d’abord, la Troisième République, peu importe comment elle se termina, n’était pas un régime si fragile que cela. Elle ne démantela pas l’État régalien hérité du bonapartisme au cours du XIXe siècle et utilisa son pouvoir pour vaincre ses propres ennemis. Elle mit également en place des institutions pour communiquer ses valeurs à la nation : l’école, l’armée, l’université et son message était clair. La République était au diapason des idéaux de son époque – raison, science, progrès –, et l’Histoire était de son côté. Le régime veillait sur le citoyen ordinaire, qu’il soit rural ou urbain. Il imprimait ses timbres et frappait sa monnaie de l’image de la semeuse et, chaque fois qu’il en avait l’occasion, professait sa dévotion aux classes moyennes. Il pratiquait notamment des formes de micro-politique destinées à neutraliser ou séduire les masses tout en gardant ses ennemis à distance. Tous les citoyens devaient avoir leurs papiers en règle, à commencer par leur certificat de naissance. Il était impossible de voter sans carte d’électeur, et dans le département de la Seine – signe de ce qui allait bientôt s’étendre à l’ensemble du territoire – les citoyens devaient avoir une carte d’identité sur eux. Des prix d’excellence à la légion d’honneur, les distributions honorifiques foisonnaient et il n’était pas bien difficile d’obtenir les faveurs d’amis ou de fonctionnaires hauts placés. Pour tenir les ennemis du régime en respect, au moment des élections, il était d’usage que les petits candidats qui avaient de faibles chances de succès doivent se retirer, non pas tant pour apporter leur aide à tel ou tel autre candidat, que pour ruiner les chances de potentiels dissidents en dehors du courant républicain dominant. Au final, les mécanismes d’autodéfense de la République fonctionnèrent bien. Les habitants se plaignaient des impôts, et ce plus que jamais après la levée de l’impôt sur le revenu à la veille de la Première Guerre mondiale, mais ils les payaient. Ceux qui refusaient de se soumettre à la conscription étaient rares, leur nombre n’a jamais atteint plus de un pour cent sauf en 1915. Le niveau de la violence civile a diminué au fil du temps, et la population carcérale n’a jamais excédé plus de quelque dix mille, un chiffre étonnamment bas comparé aux plus de deux millions de prisonniers incarcérés aux États-Unis aujourd’hui.
6L’une des raisons pour lesquelles le régime a si bien marché que cela, c’est parce qu’il a appliqué son credo avec pragmatisme, en insistant non pas tant sur la rigueur idéologique que sur la préservation de l’ordre et du consensus général. Le régime avait ses principes, mais – et c’est ma deuxième remarque – il était flexible dans leur application. S’il y a indéniablement eu des actes d’agression envers les grévistes et les populations coloniales, Une contre-histoire tend plutôt à accentuer les compromis et les pactes dans la conduite du régime. S’il est communément reconnu que le positivisme a inspiré l’édification de la République, l’ouvrage insiste aussi sur le rôle qu’ont joué d’autres courants comme le kantisme, le spiritualisme d’un Jules Simon ou le protestantisme libéral d’un Félix Pécaut dans l’établissement des valeurs fondatrices du régime. La constitution de 1875 elle-même est née d’un accord passé entre les républicains purs et durs tels que Gambetta et le centre-gauche moins républicain d’Adolphe Thiers. La laïcité était une valeur essentielle de la République, mais quand fut venu le temps de séculariser le système scolaire, le régime prit son temps pour retirer les « devoirs envers Dieu » des programmes, et, là où la prudence le requérait, pour ôter les crucifix des salles de classe. D’autre part, s’il ne s’agit pas de nier la violence qu’entraîna l’inventaire des biens de l’Église après la séparation entre l’Église et l’État en 1905, lorsque l’Alsace-Lorraine fut restituée à la France après la Première Guerre mondiale, l’Église catholique y resta établie et la séparation de l’Église et de l’État ne s’appliqua jamais à l’empire colonial de la même façon que dans l’hexagone. Le régime ne voyait aucun problème à financer des madrasas islamiques en Algérie ou des missions catholiques à peu près partout dans le monde.
7Une troisième remarque : la République était capable de s’adapter à des circonstances changeantes. La Première Guerre mondiale, dans cette Contre-histoire comme dans d’autres écrits, constitua un moment charnière. La foi de l’opinion publique dans la raison et le progrès fut considérablement ébranlée et une nouvelle classe laborieuse, massée dans les banlieues en voie d’industrialisation, adopta le communisme comme nouvelle conviction politique, et, dans la période de dépression des années trente, les courants xénophobes montèrent en puissance au point d’influencer les mesures prises par l’État envers les immigrants nouvellement arrivés qui se sentaient de moins en moins bienvenus. Parfois, il semble qu’Une contre-histoire confirme cette version répandue d’un régime en déclin, mais elle explique également que la Troisième République ne se soit pas tout à fait affaiblie sans lutter. La défense de la République est demeuré un cri de ralliement puissant, rendant possible l’expérience du Front Populaire. Le Parti Communiste, malgré sa vocation internationaliste, devint de plus en plus nationaliste dans son discours, se positionnant comme le gardien du rationalisme des Lumières, revendiquant la responsabilité de la Révolution Française comme sienne et embrassant même la nécessité de la préparation militaire (jusqu’au pacte germano-soviétique). Quant à la constitution parlementaire du régime – longtemps perçue comme un obstacle aux réformes –, elle aussi commença à évoluer. Bien sûr, les querelles de partis ne cessèrent pas au cours des années trente, mais le bras exécutif de l’État devint plus affirmé en matière de protection sociale, de gestion économique et de défense, en lançant un dispositif d’étatisation qui allait continuer bien après la fin de la Troisième République. Une contre-histoire dresse un portrait complexe de l’entre-deux-guerres. C’est en partie l’histoire d’un déclin mais aussi celle de l’approfondissement d’un effort pour arriver à surmonter les défis du XXe siècle, un effort qui allait perdurer dans les régimes successifs qui lui ont succédé.
8Ma quatrième remarque porte sur l’exclusion. Sans aucun doute, de larges portions de la population, outre-mer et dans l’hexagone, ont été traitées avec négligence par le régime. Que faut-il en retenir ? La promesse démocratique de la République ? Ou bien les manquements répétés à cette promesse ? Sur ce point là également Une contre-histoire offre une version mitigée. Les femmes n’avaient pas le droit de vote mais cela ne les empêcha pas d’entrer dans le monde du travail. Elles occupèrent des postes d’enseignantes, d’assistantes sociales, d’employées de bureau et toute sorte d’autres postes passant de là à des activités para-politiques qui les préparaient à la pleine citoyenneté qui allait leur être accordée par la suite. Parmi les enfants scolarisés en primaire, seulement un faible pourcentage accédait au lycée et, dans l’arène parlementaire, l’ouvrier-député était un oiseau rare. D’autre part, tous les garçons et les filles devaient aller à l’école primaire qui, elle, était gratuite. L’école transmettait la même éducation civique à tous, laquelle exerçait sa force d’attraction jusque sur le Parti Communiste. C’est vers cette époque que commença également à émerger une culture de masse – sport, musique, cinéma – qui rapprocha les gens, y compris les travailleurs, même lorsqu’ils étaient marginalisés par des désavantages économiques et sociaux. Les immigrants étaient l’objet de croissante discrimination dans les années trente mais l’on peut tout de même faire deux observations à ce sujet (et ce sont les miennes plutôt que celles de l’un ou l’autre des contributeurs). Pendant l’entre-deux-guerres, la France était plus ouverte aux étrangers qu’aucun autre Etat développé dans le monde atlantique ; et lorsque le climat de bienvenue s’est détérioré dans les années trente, il est toujours resté des voix – notamment à gauche – pour s’élever en faveur des droits des immigrants. Moins de voix s’élevaient, en revanche, lorsqu’il s’agissait de parler au nom des droits des sujets des colonies. La contribution qui porte sur l’empire colonial tente, non sans difficulté, d’atteindre un équilibre : tout en reconnaissant les inégalités fondamentales de la situation coloniale, elle remarque que la civilisation française, qu’elle soit comprise comme républicaine, catholique ou bien les deux, exerçait une fascination sur certains indigènes –bien que mitigée par des arrière-pensées – Léopold Sédar Senghor étant un exemple parfait de cette attitude. Dans l’ensemble, la République traitait ses possessions coloniales avec soin et finit par pouvoir imposer sa volonté avec un dispositif gouvernemental étonnamment réduit. En Afrique occidentale française, dans les années trente, il y avait seulement vingt-quatre fonctionnaires pour cent mille autochtones. Donc, bien sûr, la République créait de l’exclusion, mais cela ne règle pas le problème. Son socle était égalitaire. Le travail et la culture constituaient des voies alternatives pour accéder à une vie française. Et les gens, qu’ils s’activent en connaissance de cause ou pas, – pas tous mais la plupart – se laissaient porter par la promesse du rêve citoyen français.
9Ma cinquième remarque porte moins sur les points forts du régime que sur ses vulnérabilités. Une contre-histoire fournit un ou deux indices pouvant expliquer les raisons de l’effondrement du régime avec une rapidité si déconcertante à la suite de la défaite de 1940. Les années trente étaient des années pénibles : la confiance dans la nation avait été ébranlée et la peur des étrangers en constante augmentation. La distribution de faveurs qui, en temps plus tranquille, aidait à graisser l’engrenage de la vie publique entachait au contraire la réputation du régime en temps de discorde. Dans l’analyse finale, cependant, la plus grande faiblesse du régime ne réside pas dans le désamour des masses mais dans celui des élites qui avaient toujours émis des réserves vis à vis de la démocratie. Un groupe de professeurs de droit, parmi lesquels Joseph-Barthélemy, invectivait une constitution qui entérinait la suprématie parlementaire de façon à saper l’autorité exécutive de l’État et à subvertir l’expression véritable de la volonté de la nation. D’autre part, le corps des officiers de l’armée incarnait un esprit de hiérarchie non démocratique, et la façon dont elle avait dirigé les colonies avait renforcée la conviction que les affaires publiques étaient mieux prises en main de la sorte, de haut en bas. Le traitement qu’Une contre-histoire fait des élites permet d’apercevoir, très succinctement, la coalition des intérêts qui prendrait le dessus en 1940 pour repousser la République en faveur d’un régime plus autoritaire, le régime de Vichy.
10Le rapport de tout cela avec la situation actuelle est assez facile à voir. Une contre-histoire comprend la République, non pas comme un modèle mais comme un travail en cours. L’ouvrage plaide en faveur de la polyphonie, de la flexibilité et de l’esprit de compromis. La Troisième République aura été plus poreuse que rigide et, suggère l’ouvrage, la Cinquième République aurait tout à y gagner en suivant cet exemple. C’est une leçon utile que les citoyens, pas seulement de France, mais d’autres républiques, feraient peut-être mieux de prendre à cœur.
11Marion Fontaine, Frédéric Monier, Christophe Prochasson (dir.), Une contre-histoire de la IIIe République, Paris, La Découverte, 2013, 401 p.
12Philip Nord
Relire l’histoire républicaine
13À la fin de son introduction au Modèle politique français : La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Pierre Rosanvallon rappelle la nature programmatique de l’ouvrage : « The book proposes a broad new interpretation of the French model based on a historical analysis of active tensions between the monist principles of revolutionary democracy and the social aspirations of a certain kind of pluralism. » Puis il conclut : « much more needs to be done. » Le livre collectif dirigé par Julian Wright et H. S. Jones se consacre, en grande partie, à poursuivre ce questionnement fécond. Un grand nombre des essais ici publiés – en particulier, l’introduction, les dix premiers chapitres et l’épilogue – reviennent de fait aux analyses de Rosanvallon. Le résultat est un livre bien conçu, d’une densité qu’il faut souligner (vu l’ampleur du sujet abordé), et original – même si l’originalité du propos tend parfois à s’émousser du fait du délai important entre le colloque tenu en 2007 et sa publication en 2012. Dans sa façon de mettre systématiquement en cause le cœur jacobin de la tradition républicaine (« [the fact that] the Jacobin voice is the sole authentic voice of the French republican tradition » p. 3), le livre est sans doute, depuis le tome de Rosanvallon, une des meilleures tentatives de faire une histoire conceptuelle du pluralisme en France.
14Pluralism and the Idea of the Republic in France se compose d’une introduction, de treize chapitres (divisés en deux parties) et d’un épilogue historiographique. La première partie, « The Idea of the Plural Republic », porte sur les histoires intellectuelles du Directoire à l’après-guerre. Les trois premiers chapitres se concentrent sur le libéralisme de Madame de Staël à Bertrand de Jouvenel, et les trois suivants traitent de la question du pluralisme, en passant par Proudhon, Alfred Fouillée et Gurvitch. La deuxième partie, « The Plural Republic », est à nouveau chronologique, mais porte davantage sur la période de la Troisième République à nos jours. On y suit la tradition pluraliste dans les élections de la fin du XIXe siècle, chez les régionalistes, dans l’internationalisme, le féminisme et les réformes du Sénat au XXe siècle. Plus hétéroclite que la première partie, qui a l’avantage de suivre de plus près l’inspiration rosanvallonienne du livre et les questions soulevées en introduction, la deuxième partie nous incite à réfléchir, à travers plusieurs cas, à la pénétration de la tradition pluraliste dans presque toutes les institutions et mouvances de la République. L’épilogue d’Alain Chatriot offre une bibliographie très complète des dix dernières années sur l’histoire de l’État – complément essentiel à la bibliographie élaborée en (1990) par Rosanvallon dans son l’État en France de 1789 à nos jours.
15Comme tout ouvrage ambitieux qui prend son sujet au sérieux, Pluralism and the Idea of the Republic in France est aussi un livre qui pose un certain nombre de questions. L’une d’elles est celle du pluralisme envisagé comme une voie alternative cohérente. Dans leur introduction, Wright et Jones offrent l’hypothèse d’un « modèle alternatif » à la souveraineté unitaire du Jacobinisme, qu’ils décèlent dans presque tous les aspects de la vie politique française, ainsi que, d’après eux, le démontrent la variété d’expériences et de théories décrites dans la suite de l’ouvrage.
16On aborde ce modèle dans les premiers chapitres sur le libéralisme, qui a été une des voies les plus créatrices pour penser le pluralisme en France. Andrew Jainchill montre que le libéralisme d’un Théremin ou d’une Germaine de Staël se démarquait justement du libéralisme classique par son attention à la tradition du Républicanisme classique qui comblait la tendance apolitique du libéralisme post-révolutionnaire. De la même manière, le chapitre de K. Steven Vincent nous présente la richesse de la tradition pluraliste dans ses formes religieuses, politiques et administratives à la période moderne et post-révolutionnaire. La variété de la tradition libérale et ses rapports complexes avec le Républicanisme est un thème qui apparaît en filigrane dans toute la première partie. Aussi, la suggestion faite par Wright et Jones en introduction, selon laquelle – et en cela ils suivent Raymond Aron – « Jacobinism repeatedly appeals to the latent suspicion of “Anglo-Saxon” liberalism », semble quelque peu réductrice par rapport aux leçons que l’on peut tirer des chapitres du livre. Comment expliquer, dans ce cas, que Pierre Leroux – que Michael Behrent présente à côté de Proudhon et Alfred Fouillée dans un chapitre très intéressant sur « le milieu social » – accuse Proudhon d’être un libéral déguisé en socialiste ? Si Leroux pense que le libéralisme est individualisme (« liberalism was essentially individualist and deemed human association an artifice » p. 11), comment a-t-il pu écrire : « Ne dites pas non plus que la société est tout et que l’individu n’est rien, ou que la société est avant les individus…car vous n’arriveriez par cette voie qu’à l’abrutissement et au despotisme » (Œuvres de Pierre Leroux, vol I, pp. 374-375) ? Le chapitre de Dijn sur le libéralisme aristocratique suggère, de la même manière, qu’un libéralisme anglophile était bel et bien présent, même s’il représentait un courant particulier au sein du libéralisme, et non pas une approche générale – ce que de Dijn semble ignorer, pourtant, quand elle soutient que le libéralisme aristocratique dominait jusque dans les années 1960 ; le courant qu’elle nous présente existait sans doute, mais il suffit de lire les deux chapitres qui précède et suive le sien pour comprendre que c’était loin d’être le seul. Même Gurvitch, comme le montre Joshua Humphreys, cultivait un rapport très ambigu avec le libéralisme américain. Le moins qu’on puisse dire est donc que les traditions républicaine et libérale se sont mêlées de façon imprévue en France, et ont eu un rapport très alambiqué avec les traditions politiques anglo-saxonnes.
17Si, comme le montrent de manière convaincante les chapitres de la deuxième partie, les élections, les acteurs de la société civile ainsi que les tentatives de réformes institutionnelles sous la Troisième République étaient tous marqués par le pluralisme à partir de la fin du XIXe, on est en effet tenté de croire que le jacobinisme n’a jamais eu l’impact sur le terrain qu’il a eu parmi ses ennemis. Les tentatives de réformes ainsi que les idées politiques chez les libéraux, républicains et socialistes au XIXe siècle étaient sans doute plurielles, mais à force de les déceler dans autant de contextes différents, on finit par se demander si cette pluralité était vraiment le fruit d’une « voie alternative », si elle n’était pas plutôt le résultat d’une réflexion politique complexe, qui n’a jamais était aussi cohérente que ses ennemis ou historiens ont bien voulu le croire. Autrement dit, la tradition pluraliste semble tellement vaste et plurielle que nous sommes moins convaincu qu’elle forme un « modèle alternatif » au jacobinisme. Ne peut-on pas plutôt voir là la conséquence d’une historiographie qui commence enfin à saisir la variété et la multiplicité de la tradition politique française ? Bref, un jacobinisme chimérique a peut-être servi trop longtemps de bouc émissaire, mais doit-on essayer coûte que coûte de le remplacer par une autre tradition qui nous file entre les doigts chaque fois que nous essayons de la saisir ? Pire encore, l’idée d’un « modèle alternatif » ne réifie-t-elle pas en retour un Jacobinisme unitariste qui n’a jamais était aussi bien défini que dans la bouche de ses critiques les plus féroces, un travers que Rosanvallon a essayé d’éviter en parlant de « culture de la généralité » ?
18Il va sans dire que ces interrogations sont le fruit d’un livre qui sait poser de bonnes questions, et les pose finement. Une fois l’ouvrage refermé, nous sommes convaincu que le projet de Pluralism and the Idea of the Republic in France, ainsi que le suggèrent les directeurs eux-mêmes, est un projet à suivre : « [it] has a value and quality to it that makes it worth of study as a political theory or set of concepts in its own right. » p. 16. De fait, ce livre marque un vrai pas en avant dans l’historiographie de l’histoire conceptuelle du politique.
19Julian Wright, H. Stuart Jones (dir.), Pluralism and the Idea of the Republic in France, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012, 270 p.
20Steve Sawyer
La scène politique vue des coulisses
21Intitulé La politique sans en avoir l’air. Aspects de la politique informelle, XIXe-XXIe siècles, ce volume, codirigé par Laurent Le Gall, Michel Offerlé et François Ploux correspond aux actes d’un colloque. Tenu en 2009 à l’université de Bretagne Sud, celui-ci proposait de réfléchir à la politique vue des coulisses, pour reprendre l’appel à contributions alors publié sur internet [1]. Dans cet appel, les codirecteurs de ce volume faisaient un pari : la « politique informelle » pouvait servir « d’instrument d’analyse des frontières du politique ». L’ambition n’est pas petite : introduire une nouvelle catégorie scientifique et débattre de sa valeur explicative. La politique informelle renvoie à l’étude, dans une perspective constructiviste, des périphéries de la sphère politique légitime et institutionnelle et en particulier de certains phénomènes : « sociabilités, clientèles, sentiments […] politiques, folklores et atteintes à l’ordre public ». L’ensemble groupe 18 contributions, consacrées, à une exception près (la RDA étudiée par Jay Rowell), à la France contemporaine. Elles sont réparties en 4 parties thématiques : (« des pratiques institutionnelles informelles », « disqualifications de la politique informelle », « la politique sans en avoir l’air », « les frontières du politique »). Cinq textes liminaires – une introduction générale très avertie et les « préalables » aux 4 parties - donnent au volume une grande cohérence intellectuelle. Il semble, à première vue, que ce programme de recherches s’inscrit dans une continuité : le propos pourrait servir à définir une histoire sociale de la politique attentive aux marges, mais aussi tout un pan de la sociologie et des sciences politiques. Cette continuité est affichée : ainsi, Christine Guionnet, qui avait codirigé en 2005Les frontières du politique [2], présente-t-elle dans ce volume les contributions réunies dans la 4e partie (« les frontières du politique »).
22Cela explique sans doute que pour certains lecteurs comme Jean-François Bayart, ce livre dégage un parfum de déjà vu. À ses yeux, les 18 contributions apportent bien davantage que la problématique générale, « assez redondante par rapport à l’état de l’art des disciplines concernées » [3]. La lecture que l’on propose ici de La politique sans en avoir l’air est différente : les orientations générales me semblent d’une grande inventivité, comme le confirme d’ailleurs une belle conclusion. En revanche, les modalités de mise en œuvre de ces approches peuvent soulever des questions.
23Modifier l’agenda scientifique collectif, faire converger des recherches sur des objets différents pour relire les processus de (dé)politisation : la démarche s’avère particulièrement convaincante pour saisir l’établissement d’une sphère politique légitime et ses subversions dans la France du XIXe siècle. Réunies dans la 2e partie, les contributions d’Emmanuel Fureix sur l’iconoclasme politique (1814-1848), d’Aurélien Lignereux sur les politisations réactionnaires en Vendée (1814-1818), de Gilles Malandain sur les rumeurs comme appropriation du politique dans la France infra-censitaire (cca. 1820), enfin de Paula Cossart et Julien Talpin sur les liens ambivalents entre socialisme guesdiste et coopératives ouvrières, illustrent la pertinence de la démarche générale. L’informel est un caractère morphologique propre à un ensemble de productions sociales du politique distinctes des processus institutionnels. Il est aussi un biais pour saisir les relations complexes entre normes légitimes et « normes pratiques » [4]. La frontière entre formel et informel ne renvoie pas à des catégories mentales employées par les acteurs. Elle est construite comme une notion scientifique surplombante, pour penser ensemble des phénomènes souvent renvoyés à des historiographies distinctes (des cris séditieux aux patronages politiques, en passant par les fêtes et charivaris). La mise en œuvre de cette approche fait surgir – c’est inévitable – quelques débats. On en signale deux, sur la manière de situer l’informel dans l’historiographie existante et de le définir par rapport à d’autres « grandes dichotomies » [5].
24Le premier point en débat concerne la nécessaire discussion des approches privilégiées par l’historiographie. On pense, par exemple, à plusieurs contributions consacrées à des relations de pouvoir non formalisées, qui relèvent de l’histoire des clientèles et patronages. L’étude brillante de Jay Rowell cerne les modes de gestion des intérêts privés existant au sein de la bureaucratie de la RDA, mais aussi entre fonctionnaires et personnes privées, au sujet de l’attribution de logements. La prise en compte de travaux sur les clientèles et la corruption aurait permis de mieux situer les phénomènes étudiés, en les comparant à « l’économie des faveurs » soviétique, qu’Alena Ledeneva a identifié comme un type« d’échange informel » [6]. La question des héritages allemands se pose aussi, pour ce « patronage d’organisation [7] » communiste qui succède à un régime nazi, à propos duquel l’historiographie allemande récente n’hésite plus à parler de corruption. D’autres contributions soulèvent les mêmes remarques, telle celle, très fine elle aussi, d’Anne Verjus, consacrée à un « dîner de veuve » en 1801. Il s’agit en fait d’une étude de mécanismes de sollicitation et d’influence, vue au prisme original d’une correspondance privée. Comment situer ces phénomènes ? Depuis l’analyse pionnière de la transformation des patronages anglais par John Bourne [8] jusqu’aux travaux récents de Benoît Agnès [9], l’historiographie a beaucoup progressé dans la connaissance des processus de sollicitation du pouvoir, à un moment de bouleversement des normes. Au-delà de ces deux contributions, surgit une question récurrente. Comment ces approches nouvelles se définissent-elles par rapport aux historiographies déjà constituées, singulièrement dans les autres pays européens, autour de phénomènes politiques informels ?
25Le deuxième point en débat concerne la manière dont l’analyse socio-historique pense les relations entre formel/informel et d’autres « grandes dichotomies » (comme public/privé). Celles-ci sont à la fois des catégories historiquement construites et à ce titre objet de recherches, mais aussi des notions explicatives qui font l’objet de discussions. Par exemple, la frontière oscillante et disputée entre la politique institutionnelle et la politique informelle recoupe-t-elle ou pas la « frontière mouvante selon le temps et le lieu entre le dit et le non-dit » [10] ? Les positions scientifiques sont hétérogènes. Ainsi, Gildas Tanguy, dans une étude sur les préfets en tournée à la fin du XIXe siècle, récuse l’assimilation de la politique informelle à « l’occulte ». À l’inverse, plusieurs contributions éclairent des pratiques illégales, dont les auteurs se dissimulent. Ainsi, Yann Raison du Cleuziou étudie des formes très ostentatoires, voire revendicatives de braconnage d’animaux protégés depuis les dernières années du XXe siècle. On a le sentiment que la plupart des études sont sur la ligne de partage, autrement dit dans une zone poreuse, un entre-deux. Dans une analyse très maîtrisée des formes de politisation d’une fête « municipale » à Limoges, Cyrille Rougier rapporte les propos d’un acteur : l’action de la mairie est « en partie souterraine, un peu ». Au-delà de ce terrain spécifique, la formule paraît assez exemplaire de cette situation subjective de l’informel.
26Ces deux points en débat portent, on l’a compris, sur les conditions de mise en œuvre, plus que sur le contenu d’un programme scientifique dont le caractère novateur et la pertinence emportent la conviction. Cela témoigne, à nouveau, de la vitalité de différents courants de recherche, qui ont opéré une révolution silencieuse de l’histoire politique depuis un quart de siècle environ. Ce qui importe bien davantage est que, à travers ces orientations générales et ces études de terrain, un nouvel agenda scientifique collectif vienne de s’ouvrir. On ressort de ce livre impatient de connaître la suite.
27Laurent Le Gall, Michel Offerlé, François Ploux (dir.), La politique sans en avoir l’air. Aspects de la politique informelle, XIXe-XXIe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 412 p.
28Frédéric Monier
Le socialisme municipal
29Dans une réflexion sur les relations ambiguës du socialisme au pouvoir, marquée, selon l’expression devenue classique d’Alain Bergounioux et de Gérard Grunberg, par « l’ambition et le remord », l’implantation municipale reste un problème. Une municipalité socialiste n’a pas d’autre ambition que de mettre l’idéal au quotidien ; elle ignore le remords d’une entente des classes en montrant l’attachement à la République. Dès lors, et cette perspective avait été esquissée pour les lecteurs des Cahiers en 2005 [11], l’examen de l’implantation municipale du socialisme depuis la fin du XIXe siècle permet d’aborder la question d’un autre point de vue, d’écrire Une autre histoire du socialisme. C’est à cette tâche – et sous ce titre – qu’est consacré le livre qu’Aude Chamouard vient de publier aux éditions du CNRS, à partir de sa thèse soutenue à SciencesPo. en 2010 [12]. L’objet de sa démonstration est simple : elle entend montrer que « l’existence de réseaux et d’acteurs locaux aux discours dissidents, loin d’invalider la thèse du remords du pouvoir à l’échelle nationale, va de pair avec lui » (p. 13). La mairie a été pour les socialistes de l’entre-deux guerres « un lieu d’expérimentation et de façonnement d’un rapport décomplexé au pouvoir » (p. 319), respectueux des institutions républicaines, porteuse également d’une identité socialiste. Cette double identité permet d’expliquer à la fois le maintien d’une forte implantation municipale et le rôle de base arrière joué par ces mairies socialistes pour un parti secoué par les aléas du siècle.
30Cette thèse est défendue en quatre parties, assez inégales. Aude Chamouard pose d’abord nettement le problème de l’implantation municipale des socialistes, prise entre une contrainte administrative forte et une grande réticence doctrinale (chapitre 1). Cette double contrainte pousse les élus socialistes à se muer en techniciens, et à faire de la mairie la « pourvoyeuse efficace de services publics et non plus une simple instance de politisation des prolétaires » (p. 71) (chapitre 2). La seconde partie s’attache à montrer la façon dont les élus inscrivent le socialisme sur le terrain, par l’examen successif de leur politique économique (chapitre 3), de leur action sociale (chapitre 4) et de leur politique urbaine et symbolique (chapitre 5). L’examen de ces trois champs montre que « l’aspect socialiste de l’identité urbaine n’est pas le seul élément constitutif d’une identité qui fusionne avec l’identité locale » (p. 156). Malgré tout, cette action de terrain, parce qu’elle est portée par des députés-maires, peut être portée dans le débat national, notamment dans le cadre des commissions parlementaires qui instaurent une forme de « collaboration réformiste des députés socialistes au régime parlementaire » (p. 172) (chapitre 6). Dans la troisième partie, cette expérience de terrain est mise à l’épreuve de l’identité partisane. Le chapitre 7 tente de montrer, à travers les relations problématiques des élus et de leurs fédérations, l’influence croissante de ces maires, même si les heurts sont masqués derrière la célébration des grandes figures du parti, Jaurès en tête (chapitre 7). À elle seule, cette articulation fragile entre le local et le national n’aurait jamais pu permettre le succès de l’implantation municipale. Aude Chamouard montre ainsi que la force des élus socialistes tient aussi à leur maîtrise de réseaux plus vastes, maçonniques ou libre-penseur, à leur collaboration franche avec les syndicats et les coopératives. À la fois socialistes et républicains, les maires se font les médiateurs des conflits sociaux et politiques, en particulier dans le contexte de crise des années 1930 et du Front Populaire (chapitre 8). La dernière partie, en deux chapitres, qui traite de l’après 1945 n’ajoute pas grand chose à la démonstration qui, en fait, s’achève à la page 246.
31Malgré l’ajout artificiel de cette dernière partie, qui ne figurait pas dans la thèse d’Aude Chamouard, la démonstration est claire, solide, servie par un style pédagogique qui rend l’ouvrage utile. Les passages sur la politique économique des maires socialistes ou leur action sociale, ainsi que sur leurs réseaux, pourront être lus avec profit. On regrettera simplement des erreurs et des contre-sens qui auraient pu être évités par des lectures plus précises. Non, les possibilistes n’ont pas obtenu 10 sièges à Paris aux élections municipales de 1887 (p. 38), mais 9. Le dixième est celui d’Edouard Vaillant, élu contre un possibiliste, ce qui lui vaut d’ailleurs un tombereau d’injures. Non, la « loi d’airain » n’est pas de Karl Marx (p. 166), mais de son grand rival Ferdinand Lassalle (c’est même l’un de leur grand point d’achoppement théorique). Et non, ce n’est pas Jean Longuet qui « revient sur un projet ambitieux » (p. 137) lors de la construction de la cité-jardin de la Butte-Rouge, à Châtenay-Malabry. Gilles Candar indique que le projet, lancé en 1919, avait été revu à la baisse dès 1922, c’est-à-dire avant l’élection de Longuet en 1925 [13]. Il est fort dommage, d’ailleurs, que le cas de Longuet à Châtenay-Malabry n’ait pas été mieux exploité : la politique symbolique, menée par le maire dans le choix des noms de rues, ou son effort d’intégrer la municipalité à son contexte international, de même que sa gestion de la ville, aurait pu compléter fort utilement les aspects montrés par Aude Chamouard.
32Ces erreurs paraissent bien anecdotiques. Mais elles sont en réalité le signe d’une difficulté plus profonde, qui met en jeu l’analyse elle-même, et qui tient en l’essentialisation de catégories polémiques, forgées par les contemporains, dont la signification devrait être élucidée avant d’être utilisée. Le terme de « possibilisme », qu’Aude Chamouard associe rapidement à une « idéologie » qui marque « des communes à direction possibiliste » (p. 39), relève de ces mots-valises qui peuvent aider l’étudiant à se retrouver dans une histoire foisonnante, mais qui nourrissent des simplifications trompeuses, et conduisent à poser de faux problèmes. Le terme permet de styliser l’opposition avec l’intransigeance guesdiste, à peine masquée par la « synthèse jaurésienne » (encore un mot-valise !), et de fonder l’image convenue du réformisme refoulé des socialistes. D’un côté, en somme, la théorie héritée de Guesde, qui refuse toute action municipale ; de l’autre, la pratique initiée par les possibilistes, qui prône la gestion quotidienne des communes. Or, il se trouve que cette distinction paraît décidément bien rapide. D’abord parce que le « possibilisme » ne se réduit pas à la réforme municipale, entendue comme l’antidote à la violence révolutionnaire, et qui ferait de tout élu un « possibiliste » en puissance – c’est la raison pour laquelle Aude Chamouard ne distingue pas Édouard Vaillant du millerandiste Adrien Veber. Ce serait faire peu de cas de la méfiance profonde des partisans de Paul Brousse, voire de Paul Brousse lui-même, envers la démocratie représentative et l’élection. Le « possibilisme » n’est donc pas intrinsèquement porté vers la réforme municipale, pas plus, d’ailleurs, que les guesdistes ne lui sont intrinsèquement hostiles puisqu’ils partent aussi à la conquête des mairies dans les années 1890. Les deux textes sur lesquels s’appuie Aude Chamouard, La propriété collective et les services publics pour Paul Brousse (1883) et Services publics et socialisme pour Guesde (1884), ne traitent guère de l’action municipale, ce qui rend impossible d’en dégager une politique cohérente à l’égard des communes. Le partage un peu simpliste entre possibilisme et guesdisme à l’égard de la politique municipale doit donc être réexaminé, parce qu’il minore beaucoup la construction par les socialistes du tournant du siècle d’une nouvelle « culture » de la ville et de sa gestion [14].
33Mais si ce partage originel, entre une doctrine orthodoxe hostile et une pratique hétérodoxe plus tolérante n’est pas fondé, alors la dynamique de l’ouvrage se distend. Au fond, Aude Chamouard entend montrer que le municipalisme a porté un « réformisme » que la SFIO, dans ses instances nationales, a écarté de son identité proclamée. Mais comme le « possibilisme », comme la « synthèse jaurésienne », il s’agit d’un mot qui doit être manié avec beaucoup de précaution. Or, Aude Chamouard utilise ce mot-valise sans jamais préciser ce qu’elle entend par là. Si l’on considère que le terme « réformisme », dans le contexte socialiste, n’a de valeur opératoire qu’au regard de son antonyme révolutionnaire, alors il est indispensable de mettre face-à-face les discours rivaux, ou les deux expériences différentes. Examiner une municipalité socialiste de façon isolée pour déterminer son « degré de socialisme » ne sert de rien, si elle n’est pas systématiquement comparée avec une municipalité communiste, ou une municipalité qui n’est ni socialiste, ni communiste. De même, il est difficile de bien saisir ce qui définit une mairie socialiste par rapport aux autres si l’analyse porte sur la seule période pendant laquelle les socialistes exercent le pouvoir : il faut pouvoir comparer leur action avec celle qui est menée avant eux, et avec celle qui est menée après eux, ne serait-ce que pour savoir si une gestion socialiste de la ville est une rupture, ou si elle devient un héritage. Toutes ces limites montrent, en définitive, qu’on ne peut définir le réformisme comme un ensemble de principes dont les socialistes se rapprochent ou s’écartent, mais bien comme un ensemble de questions qui mettent en jeu l’identité politique du parti, sa relation au pouvoir et sa conception des rythmes démocratiques. Il est indissociable du contexte dans lequel il est formulé, des discours concurrents ou adversaires qui le façonnent. Elles montrent également que le réformisme est d’abord un problème politique, qui relève autant des discours que des pratiques, et qui ne peut être saisie sous le seul angle de l’expérience du pouvoir municipal. Les conclusions qu’Aude Chamouard apporte à la fin de beaucoup de ses chapitres le montre : rien ne distingue vraiment les municipalités socialistes des autres, hormis un aménagement des contraintes fixées par la loi et par les budgets [15].
34Le livre d’Aude Chamouard est un ouvrage sérieux, documenté, avec une thèse claire dont elle explore méthodiquement toutes les facettes. Mais la réflexion ne sort guère d’un cadre convenu, arc-bouté sur l’éternelle problématique du réformisme honteux ou de la schizophrénie politique. L’absence d’une comparaison internationale plus poussée, alors que la gestion municipale est une question cruciale en Grande-Bretagne, notamment, avec la Société fabienne ; le défaut d’une analyse des discours de l’expertise initiée par de nombreux travaux, comme ceux de Pierre-Yves Saunier ; la prise en considération limitée des frontières poreuses et mouvantes des « nébuleuses réformatrices », dans la perspective des hypothèses désormais classiques de Christophe Topalov, ou dans le sillage de la thèse de Patrizia Dogliani ; toutes ces limites empêchent de prendre réellement parti des résultats fournis de cette recherche.
35Aude Chamouard, Une autre histoire du socialisme. Les politiques à l’épreuve du terrain (1919-2010), préface de Serge Berstein, Paris, CNRS Editions, 2013, 339 p.
36Emmanuel Jousse
Une somme sur un sujet paradoxalement méconnu
37Les « rpéistes » sont aujourd’hui bien oubliés ! Jaurès en fut un ! Derrière ce vocable parfois employé dans les années qui précèdent le premier conflit mondial, il faut voir les partisans de la mise en place de la représentation proportionnelle au Parlement. Sur cette question souvent citée mais finalement assez méconnue vient d’être publiée la thèse de science politique de Thomas Marty qui propose une « histoire sociale de la réforme électorale sous la Troisième République ». Le travail est important et novateur car comme l’écrit Olivier Ihl dans sa préface « le mouvement en faveur de l’introduction de la représentation proportionnelle a plus souvent été commenté qu’analysé » (p. XI). Il repose sur la mobilisation de très nombreuses archives et sources imprimées et constitue un apport net à l’histoire politique de la IIIe République, et entre pour une part en résonance avec les nombreux travaux dont ces Cahiers rendent compte et qui sont portés par plusieurs de nos collègues et adhérents actifs.
38Cette thèse de science politique a été préparée à l’université de Nanterre dans le cadre du groupe d’analyse politique, ce qui nous vaut en avant-propos des déclarations de Bernard Lacroix nous annonçant, non, sans doute, sans une pointe d’humour (involontaire ?), qu’« il s’agit désormais d’ouvrir la boîte noire de l’État » (p. XVIII) et de « corriger l’unanimisme toujours un peu forcé des visions rétrospectives de la République » (p. XX), à croire que l’histoire politique serait restée bloquée au milieu des années 1980…
39Le travail utilise les archives des commissions parlementaires dont celle de la commission du suffrage universel à la chambre des députés, celles du ministère de l’Intérieur, des fonds d’archives privées (aux Archives nationales : Monis, Thomas, Breton, Flandin, Millerand, Ribot ; à l’Institut : Charles Benoist, à la Bibliothèque historique de la ville de Paris : Georges Renard, aux Archives de la Seine : Yves Guyot et au Centre d’histoire sociale du XXe siècle : Arthur Groussier), les archives de la Faculté de droit de Paris et de très nombreux dépôts d’archives départementales [16]. Parmi les sources imprimées, le politiste a consulté des thèses de droit, de très nombreuses brochures, des revues, de la presse, y compris locale et dans la très vaste présentation des sources et références bibliographiques, il consacre des catégories à part aux écrits de Pierre Georget La Chesnais et Georges Lachapelle.
40La démonstration s’organise en trois grandes parties : les mobilisations et démobilisations « proportionnalistes », la production politique de la cause proportionnaliste : 1869-1919, et l’expertise préfectorale de la réforme électorale (1907-1927). Dans la première partie, le politiste s’intéresse aussi bien aux militants de la « RP » (en consacrant d’ailleurs tout son chapitre 2 au parti socialiste) qu’aux débats entre juristes ; dans les deux cas il en propose une analyse en terme de mobilisations collectives et de structuration de champ. Dans la deuxième partie, il confronte ces mobilisations aux pratiques républicaines et en particulier au scrutin de liste puis au scrutin d’arrondissement. Après des pages intéressantes sur les campagnes gambettistes, il détaille le fonctionnement de la commission du suffrage universel entre 1889 et 1919. La troisième partie enfin permet de varier l’échelle et de réfléchir au travail de l’administration. L’analyse est ici assez originale et mériterait une réflexion y compris pour le chapitre consacré au socialisme. On l’aura compris, une recherche d’une telle ampleur déploie le sujet de la représentation proportionnelle dans toutes ses dimensions et propose plus largement une réflexion sur les modes de scrutin en République.
41Quelques pages concernent Jaurès, mais le politiste reconnaît lui-même qu’il ne l’a pas choisi comme figure à suivre dans sa démonstration et il fait référence au texte publié dans nos pages par Jean Faury [17].
42Thomas Marty, Une histoire sociale de la réforme électorale sous la Troisième République. Mobilisations politiques et expertise électorale : la question de la « représentation proportionnelle », préface d’Olivier Ihl, avant-propos de Bernard Lacroix, Paris, Fondation Varenne (diffusion LGDJ), collection des thèses, 2013, 568 p.
43Alain Chatriot
La faucille et le bidule
44Le livre de Vanessa Codaccioni, jeune maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris-VIII, s’inscrit dans le renouvellement profond de l’historiographie de l’État, de la répression et du secret en France, dont il est souvent question dans les pages des Cahiers Jaurès. Bâti en deux parties qui confrontent les périodes de la guerre d’Indochine et de la guerre d’Algérie, il se donne pour objet les « interactions » entre répression étatique et activisme communiste : si les procès politiques forment le cœur de cible de l’ouvrage, ils ne sont pas politiques en eux-mêmes mais bien « désignés comme tels », à l’issue d’une politisation entendue comme la « requalification politique » de pratiques et de représentations sociales [18].
45V. Codaccioni démontre ainsi longuement comment le PCF sélectionne ou non les procès amenés à être « politiques » à ses yeux, les met en scène ou au contraire les « invisibilise ». Son analyse fine et claire de ce processus de politisation, nourri d’entretiens nombreux mais de peu d’archives inédites, lui permet d’affiner la chronologie de l’histoire du PCF après 1945, sans vraiment bouleverser la vision générale de la période : elle oppose ainsi une phase indochinoise, où la volonté communiste d’en découdre (après le légalisme affiché de 1945-46) se heurte à la volonté parallèle d’un État entré en guerre froide, profondément anticommuniste et imparfaitement épuré, à une phase algérienne où le PCF entretient une « façade légaliste » derrière laquelle il ne s’interdit pas des soutiens juridiques ponctuels à des accusés soigneusement sélectionnés (du moins avant 1958, lorsque le FLN reprend la main en constituant son propre collectif d’avocats). Cette méthode rigoureuse permet de distinguer des « affaires » qui jalonnent l’ouvrage, qu’elles soient des « pics » (la manifestation Ridgway de 1952) ou des « flops », comme la non-affaire Figuères. Quant au versant étatique de « l’interaction », il est particulièrement bien documenté par le recours à une bibliographie solide [19], aux archives de la série BB18 des Archives nationales et à celles du Service Histoire de la Défense : l’auteure insiste sur la « militarisation » (qu’on pourra juger inachevée) de la répression anticommuniste, et sur les limites intrinsèques qu’elle impose à l’action communiste pendant la guerre d’Algérie, lorsque le PCF craint par-dessus tout, semble-t-il, d’être interdit par l’entrée en jeu d’un arsenal juridique redoutable.
46Le sentiment qui se dégage de la lecture est celui d’une incontestable intensité de la répression anticommuniste dans la France des « Trente Glorieuses ». Ce triste privilège explique en partie l’attraction exercée par le PCF jusqu’aux années 1960 : la stratégie légaliste dans le conflit algérien a entamé ce capital politique, ce que suggère l’auteure en filigrane – de même qu’elle nous laisse penser que subir la répression est, jusqu’à un certain point, une forme de choix politique. Reste que l’hypothèse « interactionniste », même bien menée, laisse plusieurs problèmes dans l’ombre, qui méritaient sans doute d’être évoqués. Une comparaison plus approfondie avec d’autres périodes de l’histoire du mouvement ouvrier français s’imposait (le ministère Clemenceau est juste évoqué) : tout porte à croire que la CGT des origines a subi une répression plus dure que le PCF, à l’exception de la période 1939-1940. Le socialiste Gustave Hervé lui-même, condamné comme le cégétiste Georges Yvetot à plus de 10 ans de prison, en a passé plusieurs derrière les barreaux de la Santé. Non qu’il faille tenter d’établir des records, mais de replacer ces « interactions » dans la longue durée des rapports complexes et conflictuels entre la République, la guerre et le mouvement ouvrier. Que reste-t-il d’anti-social, si l’on ose dire, dans l’anticommunisme étatique des années 1950 ? Et le caractère communiste de la principale entreprise partisane ouvrière du XXe siècle explique-t-il seul, la dureté de cette répression ?
47La spécificité du militantisme communiste est une autre question que laisse nécessairement de côté toute approche interactionniste. Si la répression est une interaction, ce dont on peut convenir, elle se joue tout de même « du faible au fort » et se réduit le plus souvent à une confrontation, symbolique ou physique, ce qui réintroduit la sociologie des organisations lorsqu’elle se pose la question de leurs structures. Quelle est, finalement, l’efficacité du mode spécifique d’organisation communiste, question qui préoccupait déjà Lénine dans Que faire ? Une réflexion plus approfondie sur la circulation des pratiques inquisitoriales dans l’univers communiste ou sur la spécificité des procès de Moscou (rapidement évoqués pp. 13-14) aurait pu trouver sa place auprès de la réflexion, parfaitement menée, de l’émergence des cause lawyers communistes comme Marcel Willard. La politisation des procès anticommunistes (Kravchenko, Rousset, etc.) est peu abordée alors qu’elle pouvait sembler elle aussi appartenir au champ d’étude considéré. Sans le dire, l’auteure veut donner à son interprétation la force d’un modèle ; et j’avoue qu’après avoir vu le film chilien No (Pablo Larrain, 2013), je veux bien la lui prêter, à la condition d’éclairer ces dernières obscurités.
48Vanessa Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politique 1947-1962, Paris, CNRS Éditions, 2013, 423 p.
49Romain Ducoulombier
Histoires d’occupation
50Fruit d’un chantier de longue durée, ce livre réunit les actes du colloque qui s’est tenu à Lille en 2009. Il prend la suite d’un précédent volume, dirigé par Jean-François Chanet et Christian Windler, intitulé Les ressources des faibles. Neutralités, sauvegardes, accommodements en temps de guerre (XVIe-XVIIIe siècles) et également publié aux Presses Universitaires de Rennes (2009). Ce diptyque constitue une importante contribution à l’histoire sociale de la guerre, de ses pratiques et de ses limites. Faisant la part belle aux approches locales, il propose une histoire par le bas des « arrangements », c’est-à-dire de toutes les formes de négociations, de transactions, de compromis (ou de compromissions) qui accompagnent l’expérience de l’occupation.
51L’enquête débute avec les guerres révolutionnaires et impériales auxquelles sont consacrées 10 des 16 communications – 11 si l’on ajoute l’étude de Jacques Hantraye sur l’occupation russe et allemande de 1814-1818. Elle s’achève avec la guerre de 1870, qui ne fait toutefois l’objet que de deux articles. Entre ces deux bornes déséquilibrées, ce qui témoigne sans doute davantage de l’état du champ historiographique que d’une intention délibérée des auteurs, on pourra découvrir une relecture de l’« occupation autrichienne » de la Hongrie des années 1850 (Catherine Horel) – le cas est original, puisque la Hongrie n’est pas expressément séparée de l’Autriche qui ne se considère pas comme une force occupante. On apprendra aussi beaucoup sur la mise en place, dans les années 1860, de la convention de Genève (Daniel Marc Segesser), ainsi que sur les fonctions complexes de l’hôpital militaire dans l’Algérie de la conquête (Claire Fredj). Les guerres coloniales, dont on connaît la spécificité, peuvent-elles entrer dans le cadre de cette enquête sur les populations civiles dans les guerres européennes ? Si l’ouvrage ne lève pas tout à fait l’ambiguïté, il suscite des questions qui appelleront à cet égard des prolongements et des comparaisons intercontinentales.
52Comme l’explique Annie Crépin, dans une conclusion stimulante, le postulat initial reposait sur le constat traditionnel des transformations révolutionnaires de la guerre. Avec le durcissement des identités, avec l’affirmation de l’État-nation, les « arrangements » semblent, sinon se raréfier, du moins souffrir d’une illégitimité fondamentale. Dans le cadre de guerres de plus en plus totales, les marges de manœuvre diminuent et la population civile n’a plus le droit à la neutralité. Sans remettre en cause le sens du mouvement, le livre amène à le considérer comme une transition davantage que comme une rupture. Les études consacrées à la Westphalie (Horst Carl), à l’Italie (Bernard Gainot) ou à la Pologne (Benoît Roger) montrent le pragmatisme des autorités occupantes, qui privilégient les structures existantes. En dépit de la volonté d’exporter la Révolution et ses valeurs, il est d’abord nécessaire de payer l’armée et de contrôler le pays. On renonce donc le plus souvent à bouleverser l’ordre existant et à remplacer les élites traditionnelles. De l’autre côté, les occupés se résignent de la même manière à la soumission. En étudiant l’action des maires de l’Aisne en 1870-1871, Guillaume Parisot montre ainsi une volonté de préserver les intérêts locaux qui semble héritée des pratiques de négociation d’Ancien Régime. Au terme de cette lecture stimulante, on aimerait en savoir davantage sur le regard porté, avec quelques années de recul, sur ces transactions. Sont-elles assumées ? Avec quelles limites ? À l’heure où la mémoire valorise les exploits des francs-tireurs, les arrangements peuvent-ils être reconnus ?
53Les articles rassemblés témoignent en tout cas de la fécondité des terrains micro-historiques. Les formes et les forces du maintien de l’ordre constituent ainsi un observatoire privilégié, comme le rappellent ici Gildas Lepetit, à propos de l’occupation française du nord de l’Espagne, et Aurélien Lignereux, dont les analyses ont été depuis approfondies et amplifiées (Servir Napoléon : policiers et gendarmes dans les départements annexés, 1796-1814, Seyssel, Champ Vallon, 2012). À l’encontre des formules martiales qui rythment la correspondance napoléonienne, la réalité de l’Empire est bien plus souvent faite de transactions et de compromis. Il faut par conséquent mettre l’accent sur la difficulté et sur les conditions de possibilité du dialogue, par-delà les représentations et les clivages culturels. Rencontre impossible, conclut Nicolas Cadet à propos de la Calabre : « un paradis habité par des diables », disent les soldats français… Rendez-vous raté au Portugal, où l’anglophilie des débuts ne résiste pas à l’attitude oppressive des troupes de Wellington (Walter Bruyères-Ostells). Le clergé du diocèse de Metz trouve en revanche des terrains d’entente avec les occupants russes après 1815 (Jacques Hantraye).
54On l’aura compris, la diversité des communications est mise au service d’une problématique cohérente et féconde dont les résultats, nuancés, appellent de nouvelles recherches. Le pari est donc relevé. Il reste à espérer que cet ouvrage, indispensable aux historiens des guerres (au sens large) du XIXe siècle, saura trouver un public chez les spécialistes du XXe siècle, qui pourront certainement y trouver des points de comparaison des plus suggestifs.
55Jean-François Chanet, Annie Crépin, Christian Windler (dir.), Le temps des hommes doubles. Les arrangements face à l’occupation de la Révolution Française à la guerre de 1870, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013, 351 p.
56Arnaud-Dominique Houte
Lépidoptères Belle Époque
57L’ouvrage que signe Jacqueline Lalouette sur la Belle Époque est le dernier – aux deux sens du terme semble-t-il – à être publié dans la collection « Dictionnaire des curiosités » que dirige Didier Le Fur aux éditions Tallandier. Dans le titre inaugural de la série, que D. Le Fur consacra à la Renaissance, il précisait son propos en soulignant qu’il s’agissait de faire figurer en un même ouvrage « l’anecdote croustillante, les événements majeurs et la recherche historiographique la plus pointue », et ce aux détours « de chemins parfois buissonniers ».
58C’est là un programme qui ne pouvait pas déplaire à Jacqueline Lalouette, historienne sérieuse et esprit délié. La voici donc, comme elle l’indique elle-même en introduction de l’ouvrage, « entraînée sur maints diverticules, à l’instar du chasseur de papillons qui, filet en main et nez au vent, parcourt la campagne à la recherche de nouveaux lépidoptères ». La métaphore trouve toutefois sa limite dans le fait que, pour ce que j’en sais, le chasseur de papillons n’a pas obligation de veiller à ce que ne manque aucune, ou presque, des lettres dans la présentation alphabétique de ses captures. Ajouté à l’exercice proposé ici, cette contrainte nous conduit plus près du projet oulipien – on pense à Perec et à son Cabinet d’un amateur – ou des embûches du Scrabble que de « l’historiographie la plus pointue » attendue. Même si Jacqueline Lalouette sait évidemment faire la part des choses : le K de Bouillon Kub et le Z de Zigomar sont écrits dans l’esprit, là encore à la fois savant et léger, de l’ensemble – mais on ne rit plus face au Y de Youpin, papillon noir qui n’appelle, sur une page entièrement blanche, que ces deux mots : « Sans commentaire ».
59Pour le reste – et en convenant avec l’auteure que tout un autre dictionnaire, ou un tout autre dictionnaire, pourrait être écrit avec les mots auxquels elle a dû renoncer : pas ici de demoiselles du téléphone, de Fort-Chabrol, de spiritisme ou d’union libre – ce livre plein de charme et de savoir offre tout à la fois la nostalgie d’une Illustration feuilletée au hasard dans le grenier d’une maison de campagne, le charme du coq à l’âne, le plaisir de la découverte du détail piquant.
60Chacun des lecteurs – ils peuvent être nombreux, l’ouvrage le mérite – se pliera au double exercice du « dommage que manque… » (pour moi, ce serait Charcot, Hystérie ou Salpêtrière) et du « moi j’ai bien aimé… » ; j’avoue ici un faible pour l’entrée M. Bergson a promis de venir, nom d’une robe de dîner de la maison Worth, proposée en mars 1914 à ses lectrices par la Gazette du Bon Ton :
« composée de deux pièces différentes, elle comprend une jupe rose, droite, assez moulante, et une tunique en tissu blanc à motifs rose pâle, largement échancrée sur un côté, prolongée par une traîne longue et étroite. La taille est marquée sous la poitrine, la gorge assez largement dénudée et les bras couverts par un volant. ».
62On ne sait trop si tout cela honore l’évolution créatrice ou les deux sources de la morale et de la religion, mais la mode a sans doute ses raisons que la raison ne connaît pas.
63L’ensemble n’est pas que badin : Jacqueline Lalouette, historienne de la Libre Pensée, de l’anticléricalisme – et aussi des jours fériés, objet d’un remarquable Jours de fête, trop peu fêté, que publièrent en 2010 les mêmes éditions Tallandier – est dans son élément avec À bas la calotte, Croix, Inventaires, Premier Mai ou encore Soutane. Mais Jaurès est là aussi, avec Courrières, Peine de mort et aussi, on ne le sait que trop, Assassinats politiques.
64Ajoutons enfin, pour recommander ce livre, la qualité d’une bibliographie choisie, tant au niveau des livres sources (la comtesse de Pange et Boni de Castellane y côtoient Deibler et le préfet Lépine), d’une vulgarisation de haut vol (ici représentée par Laure Adler pour les maisons closes ou Jean Tulard pour les Pieds Nickelés), que de monographies représentatives de l’historiographie récente et vivante, qu’il s’agisse de Dominique Kalifa faisant le tour de Biribi ou de Gilles Candar et Guy Dreux s’interrogeant sur la réception, au sein du mouvement ouvrier, de la loi d’avril 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes.
65Jacqueline Lalouette, La France de la Belle Époque : dictionnaire de curiosités, Paris, Tallandier, 2013, 288 p.
66Marc Olivier Baruch
Les réalités politiques en province
67543 pages sur la vie politique et sociale dans la Sarthe pendant la IVe République ! Une simple somme d’érudit ? Non, car si le lecteur est en effet amené à prendre connaissance d’un récit très circonstancié du moindre débat et de la plus discrète manifestation, l’historien trouve sans peine son miel. Ce profit est dû tant au travail de fourmi de l’auteur qu’au choix du département. La Sarthe occupe une position charnière entre l’Ouest armoricain et le Bassin parisien. Ce département, déjà objet des analyses d’André Siegfried [20], a été revisité soigneusement par la thèse de Paul Bois, abondamment diffusée et discutée [21]. Michel Rosier prend donc ici la suite chronologique et bibliographique d’un siècle d’études sur les structures sociales et les pratiques politiques de la Sarthe. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, permanences et mutations se confrontent ici peut-être plus qu’ailleurs, dans un département encore majoritairement rural mais moins enclavé que ne le laisse supposer la lecture de l’ouvrage, faute d’une mise en perspective avec d’autres campagnes plus isolées (certains massifs montagneux notamment).
68Les indices de changement sont bien patents. La modernisation économique et sociale est observable. Des forces politiques apparaissent (gaullisme) ou prennent leur essor (communisme). La persistance d’une culture et de pratiques politiques héritées de la IIIe République est toutefois le phénomène principal. Michel Rosier montre combien les manifestations et mobilisations organisées à l’occasion d’événements nationaux, voire internationaux (la mort de Staline et les guerres de décolonisation) demeurent faibles quand certains thèmes réputés archaïques ou anachroniques par les préfets eux-mêmes continuent à cliver ou à unir la société politique locale. Les débats publics entre la Libre Pensée et les représentants de l’Église catholique sont encore nombreux. La question des bouilleurs de cru suscite moult débats au sein des assemblées locales et contraint les hommes politiques les plus lucides sur les ravages de l’alcoolisme à de fréquents votes en faveur de la liberté de bouillir tant la pression sociale est forte sur ce point… Le tableau que l’auteur brosse de la Sarthe, et que l’on peut retrouver en observant d’autres départements, enrichit ainsi notre connaissance de la IVe République, si confinée désormais à la portion congrue dans les programmes de lycées, et ainsi souvent résumée à une vision réductrice voire faussée. Le cas sarthois illustre ainsi tout à la fois les limites de la Troisième force et du renouvellement engendré par la Libération. Outre la persistance des oppositions idéologiques héritées de l’entre-deux-guerres, voire du XIXe siècle, la permanence du personnel politique est remarquable. En regard de cette résistance des anciens parlementaires, l’émergence de nouvelles figures est malaisée. Un exemple quelque peu cruel en témoigne : en 1948, l’ancien président du Comité Départemental de Libération recueille seulement 25 suffrages lors des élections sénatoriales… De tels exemples, confrontés à ce que nous savons d’autres régions, confirment l’intérêt d’une analyse localisée, laquelle ne peut s’affranchir des cadres nationaux de la vie politique et sociale, mais qu’elle contribue en retour à préciser voire nuancer.
69Michel Rosier, Vie politique et sociale de la Sarthe sous la IVe République (1944-1958), Paris, L’Harmattan, 2012, 543 p.
70Fabien Conord
Une ambition pour la science
71Si Jean-Louis Crémieux-Brilhac est reconnu avec raison pour ses travaux sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, peu savent le rôle qu’il a joué pour la politique scientifique française auprès de Pierre Mendès France [22]. Dans un bref livre, il propose de revenir sur cette expérience et le fait avec tout à la fois précision et discernement. L’auteur note d’ailleurs finement : « Que le lecteur ne s’étonne pas d’y trouver un ton, voire des souvenirs personnels, l’auteur ayant été, dans l’ombre de Mendès France, un des animateurs du mouvement. » (p. 7). Le volume propose de plus de nombreux documents en annexe.
72En juin 1953 dans son premier discours d’investiture, Mendès France explique clairement « la République a besoin de savants », et lorsqu’il devient président du conseil un an après, malgré les nombreux impératifs sur son agenda politique, il n’oublie pas ce dossier et créée un conseil supérieur de la recherche scientifique et technique. Après sa chute de février 1955, il ne se désintéresse pas du sujet et encourage plusieurs scientifiques et collaborateurs, dont Jean-Louis Crémieux-Brilhac, à organiser un grand colloque à Caen à l’automne 1956. Crémieux-Brilhac rappelle combien Mendès France liait progrès scientifique, croissance économique et rénovation universitaire. Après le colloque de Caen est créée une association pour aider à réaliser ces projets, l’Association d’étude pour l’expansion de la recherche qui mobilise par la suite à nouveau des scientifiques pour toute une série de colloques (Grenoble, Dakar, Amiens…). Les relations ne sont pas toujours simples avec la politique gaullienne mise en place avec la Délégation générale à la recherche scientifique et technique, même si une partie des scientifiques se mobilisent à nouveau. Le second colloque tenu à Caen en novembre 1966 porte sur les universités et Mendès France y déclarait : « Nous ne sommes pas assez planificateurs quand il s’agit de fixer les grands objectifs, et pas assez décentralisateurs pour la gestion. » (p. 61).
73Jean-Louis Cremieux-Brilhac, La politique scientifique de Pierre Mendès France. Une ambition républicaine, Paris, Armand Colin, 2012, 192 p.
74Alain Chatriot
Notes
-
[1]
« La politique informelle en France et en Europe (XIXe-XXIe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 25 mars 2009, http://calenda.org/196854.
-
[2]
Christine Guionnet, Lionel Arnaud (dir.), Les frontières du politique. Enquête sur les processus de politisation et de dépolitisation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
-
[3]
Jean-François Bayart, Compte rendu dans la Revue française de science politique, vol. 62, n° 5-6, 2012, p. 1042.
-
[4]
Jean-Pierre Olivier de Sardan, « À la recherche des normes pratiques de la gouvernance réelle en Afrique », Afrique : Pouvoir et Politique (APP), Discussion paper, n° 5, décembre 2008 (http://www.institutions-africa.org).
-
[5]
Jeff Weintraub, Krishan Kumar (dir.), Public and private in thought and practice : perspectives on a grand dichotomy, Chicago, University of Chicago press, 1997.
-
[6]
Alena V. Ledeneva, Russia’s economy of favours : blat, networking and informal exchange, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 ; Alena Ledeneva, Stephen Lovell, Andrei Rogachevskii (dir.), Bribery and blat in Russia, Londres, Palgrave MacMillan, 2000.
-
[7]
La notion est créée par Wolfgang Sofsky, Rainer Paris, Figurationen sozialer Macht. Autorität – Stellvertretung – Koalition, Opladen, Leske und Budrich, 1991, pp. 169-172.
-
[8]
John M. Bourne, Patronage and Society in Nineteenth Century England, Londres, Arnold, 1986.
-
[9]
Benoît Agnès, « Le “pétitionnaire universel” : les normes de la pétition en France et au Royaume-Uni pendant la première moitié du XIXe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 58-4, 2011, pp. 45-70.
-
[10]
Gérard Vincent, « Une histoire du secret ? », in Philippe Ariès, Georges Duby (dir.), Histoire de la vie privée, tome 5 : de la première guerre mondiale à nos jours, Paris, Le Seuil, 1987, pp. 155-390.
-
[11]
« Les socialistes et la ville, 1890-1914 », Cahiers Jaurès, n° 177-178, 2005.
-
[12]
Aude Chamouard, Les maires socialistes en France dans l’entre-deux-guerres : une expérience réformiste du pouvoir ?, thèse de doctorat d’histoire, sous la direction de Marc Lazar, 2 vol., Paris, Institut Politiques de Paris, 2010.
-
[13]
Gilles Candar, Jean Longuet (1876-1938). Un internationaliste à l’épreuve de l’histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, pp. 244-245.
-
[14]
Thierry Bonzon, « “Une même cité”. Paris et sa banlieue chez les conseillers généraux SFIO, 1908-1914 », Cahiers Jaurès, n° 177-178, 2005, pp. 7-21.
-
[15]
Ces conclusions avaient d’ailleurs été déjà apportées sur la période précédente de l’avant-Première Guerre mondiale, dans le cas particulier de Sotteville-lès-Rouen, par Yannick Marec – Y. Marec, « Sotteville-lès-Rouen, ville socialiste (1896-1914), une politique sociale spécifique ? », Cahiers Jaurès, n° 177-178, 2005, pp. 91-102.
-
[16]
Creuse, Dordogne, Doubs, Eure, Gironde, Indre et Loire, Loir et Cher, Loire, Marne, Haute Marne, Meurthe et Moselle, Meuse, Moselle, Bas-Rhin, Rhône, Sarthe, Haute-Savoie, Seine-et-Oise, Vosges, Territoire de Belfort. L’auteur fait d’ailleurs une note bienvenue dans ses annexes pour expliquer les problèmes méthodologiques que pose cette enquête dans les archives départementales (pp. 479-481).
-
[17]
Jean Faury, « Jaurès 1912 : Proportionnelle, scrutin de liste et souvenirs de 1885 », Cahiers Jaurès, n° 204, avril-juin 2012, pp. 71-82.
-
[18]
Frédérique Matonti, Bernard Pudal, « L’UEC ou l’autonomie confisquée », in Dominique Damamme, Boris Gobille, F. Matonti, B. Pudal (dir.), Mai-juin 1968, Paris, Éditions de l’Atelier, 2008, pp. 130-143, p. 130.
-
[19]
Le livre ne contient ni index, ni présentation des sources et de la bibliographie, un choix tout de même étonnant pour les éditions du CNRS.
-
[20]
La Sarthe est l’un des terrains examinés par André Siegfried dans son célèbre Tableau politique de la France de l’Ouest, paru en 1913.
-
[21]
Paul Bois, Paysans de l’Ouest : des structures économiques et sociales aux options politiques depuis l’époque révolutionnaire dans la Sarthe, Le Mans, Imprimerie Maurice Vilaire, 1960, rééd. Paris, Éditions de l’EHESS, 1984.
-
[22]
Nous avions rendu compte de sa très intéressante biographie du plus proche collaborateur de Pierre Mendès France : Georges Boris, cf. A. Chatriot, « recension de J.-L. Crémieux-Brilhac, Georges Boris, trente ans d’influence, Paris, Gallimard, 2010, 464 p. », in Cahiers Jaurès, n° 198, octobre-décembre 2010, pp. 179-182.