Couverture de CIVIT_028

Article de revue

La fragilité institutionnelle de l’autorité politique. La validité du remède démocratique internationalement proposé

Pages 19 à 33

Notes

  • [1]
    Le Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE définit l’État fragile comme suit : « Un État est fragile lorsque le gouvernement et les instances étatiques n’ont pas les moyens et/ou la volonté politique d’assurer la sécurité et la protection des citoyens, de gérer efficacement les affaires publiques et de lutter contre la pauvreté au sein de la population » (OCDE /CAD, Concepts et dilemmes pour le renforcement de l’État dans les situations de fragilité, De la fragilité à la résilience, Paris, OCDE, 2008, p. 19). NB : les approches et les définitions des divers acteurs divergent sur la qualification d’État fragile et donc sur la liste de ceux-ci. Selon les instances la pauvreté, les conflits, l’incurie gouvernementale, l’« instabilité », la criminalité… sont des critères principaux ou associés dans la définition. Les remèdes proposés en sont dès lors également variables.
  • [2]
    Pour un état général de la situation des pays « faibles » se reporter au Rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le monde, 2011, « Conflits, sécurité et développement », 325 p.
  • [3]
    Pour une analyse de ces propositions, de leur variété et de leur pertinence cf. le document de travail de l’Agence française de développement, « Agir en faveur des acteurs et des sociétés fragiles », sept. 2005 / 4.
  • [4]
    Cf pour une analyse d’ensemble des « fragilités » de l’État et des réponses proposées, l’ouvrage « Concepts and Dilemmas of State Building in Fragile Situations – From fragility to resilience », CAD de l’OCDE (2008).
  • [5]
    Phrase extraite d’un discours prononcé en 2008 par M. ZOELLICK à l’Institut international des études stratégiques, portant sur le sujet « États fragiles : sécuriser le développement ».
  • [6]
    Si un certain nombre d’acteurs internationaux tentent effectivement de lutter contre la fragilité de l’État (tel notamment la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’OCDE, l’UE), d’autres n’ont pas les mêmes intérêts. Peuvent avoir un avantage à cette faiblesse des opérateurs privés (pour y exploiter des ressources par exemple), des États voisins (par la réduction d’une éventuelle menace), des mafias (pour y développer les trafics)…
  • [7]
    Cf. la « Position de la France sur les États fragiles et les situations de fragilité », Stratégie validée par le co-secrétariat du CICID (Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement) le 27 septembre 2007.
  • [8]
    « Défaillance de l’État de droit » dont nous entretiendra, dans ce dossier, M. DUBUY, « l’État impuissant » étant analysé par K.N’DJIMBA et « L’économie défaillante » étudiée par B. SIERPINSKI.
  • [9]
    C’est à cette dernière « fragilité » que cette intervention sera consacrée.
  • [10]
    « Position de la France sur les États fragiles et les situations de fragilité », Stratégie validée par le co-secrétariat du CICID (Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement) le 27 septembre 2007.
  • [11]
    NB : après avoir pendant des années, dans certaines des institutions intervenantes, souhaité sa rétractation.
  • [12]
    Pour une critique de la démarche, cf. X. MATHIEU, « Reconstruire l’État sans l’État : de l’incohérence de la stratégie de l’OCDE en matière de state-building dans les États fragiles », 4e Congrès international du réseau francophone des associations de science politique, Section thématique n° 16, Les États fragiles et en reconstruction, 20-22 avril 2011, Bruxelles.
  • [13]
    Cf., à titre d’illustration des démarches entreprises, « Les États fragiles », n° 32, déc. 2007, publié par Capacity.org (http://capacity.org/capacity/opencms/fr/index.html).
  • [14]
    Assemblée générale des Nations Unies, Résolution 48/161, La situation en Amérique centrale, 21 janvier 1994.
  • [15]
    Pour une réflexion générale sur la légitimité démocratique, cf. notamment P. ROSANVALLON, « La légitimité démocratique : Impartialité, réflexivité, proximité », Seuil, 2008.
  • [16]
    Ainsi selon la Commission européenne « La fragilité résulte souvent de lacunes et de défaillances de la gouvernance, qui se manifestent par une absence de légitimité politique accentuée par une limitation importante des capacités institutionnelles liée à la pauvreté. L’action de l’UE devrait être guidée par le souci de soutenir les processus de gouvernance démocratique, de consolidation de l’État et de réconciliation ainsi que la protection des droits de l’Homme, et d’encourager les volontés politiques de réforme par le dialogue et les encouragements, plutôt que par la conditionnalité et les sanctions » [Communication au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions (25/10/2007) intitulée « Vers une réponse de l’UE aux situations de fragilité - s’engager pour le développement durable, la stabilité et la paix dans des environnements difficiles », p. 9]. Ainsi, l’absence de légitimité politique est une fragilité et les processus de gouvernance démocratique peuvent, pour la Commission, y remédier.
  • [17]
    Selon cette vision occidentale, qui n’est cependant pas unanime dans ses approches, mais que la position de la Cour constitutionnelle allemande peut illustrer, le citoyen, status activus, en exerçant son droit de suffrage au cours de l’élection des titulaires du pouvoir, légitime les autorités politiques sous réserve que cette participation ait un effet sur l’exercice du pouvoir (notamment par le biais de la responsabilité politique du gouvernement) Cf. O. BEAUD, RFDA, 1992.
  • [18]
    L’affirmation est a priori superflue dans un régime parlementaire fonctionnant correctement.
  • [19]
    « Les gouvernants sont des individus comme les autres, soumis comme tous les individus à des règles de droit fondées sur la solidarité sociale et intersociale ; ces règles de droit leur imposent des devoirs, et leurs actes sont légitimes et s’imposeront à l’obéissance, non pas parce qu’ils émanent d’une prétendue personne souveraine, mais quand et seulement quand ils sont conformes aux règles de droit qui s’imposent à leurs auteurs », L. DUGUIT, Traité de Droit Constitutionnel, Paris, Fontemoing & Cie, 3e éd., t. I, 1927, p. 733.
  • [20]
    Dans « Suivi des Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport global 2010, OCDE. Cf. sur cette question précise : « The State’s Legitimacy in Fragile Situations », Conflict and Fragility, publication de l’OCDE, 2010.
  • [21]
    Cf. à ce sujet S. BELLINA, « La légitimité dans tous ses États : réalités, pluralisme et enracinement des pouvoirs », in Chroniques de la Gouvernance 2009/2010 de l’IRG (Institut de recherche et débat sur la gouvernance) ; pp. 49 à 63.
  • [22]
    Propos tenus lors d’un entretien avec les experts de l’OCDE en mai 2009.
  • [23]
    « Une autre question essentielle/dominante a été la focalisation sur les élections et les aspects formels de la démocratie, aux dépens de la culture politique locale, des sources de légitimité spécifiques au contexte et des institutions informelles » in « Suivi des Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport global 2010, OCDE.
  • [24]
    Les conditions d’adoption de la Constitution (en octobre 2005) sont, sous réserve de leur exactitude, à cet égard significatives : elle a certes été adoptée avec 78 % de oui (37 % d’abstention) mais, dans certaines provinces, le « oui » a été quasiment unanime alors que dans deux provinces le « non » a atteint 82 et 97% et que dans une troisième 55 % ont dit non. À noter que si dans trois provinces deux tiers des électeurs avaient refusé le texte il aurait été généralement refusé…
  • [25]
    À la suite des élections de mars 2010, M. BENRAAD, Chercheuse au CERI (Sciences Po) écrit dans Telos (site internet), « L’impasse actuelle […] témoigne de fait, de manière très profonde, des difficultés structurelles de la « greffe » politique issue du renversement du régime de Saddam Hussein. […] l’après-7 mars rappelle combien l’ombre du chaos plane sur le pays, selon une dynamique continue de destruction de sa société et l’incapacité des nouvelles institutions irakiennes à refonder un pacte social ».
  • [26]
    Remarque : Le rôle politique des collectivités infra étatiques (décentralisation ou fédéralisme) est une autre question essentielle (non développée ici). Le renforcement recherché de l’État est-il compatible, amélioré ou atténué par l’accroissement des compétences des collectivités infra étatiques ? Cf. à ce sujet la Note de cadrage « Le renforcement des collectivités territoriales peut-il offrir une stratégie efficace pour la reconstruction et la démocratisation dans les états fragiles et en situation post-conflit ? » du Forum mondial sur le développement local (UNCDF), 4/6 octobre 2010. Et les acteurs internationaux ont-ils à intervenir dans cet autre aspect institutionnel et dans quel sens ? Cf. ces interrogations relatives à la décentralisation de l’OCDE : « Plusieurs pays (Sierra Leone, RDC) se débattent avec un processus de décentralisation (recouvrant la décentralisation politique et la déconcentration administrative). Même dans les environnements stables, les gouvernements locaux sont dans bien des cas incapables d’effectuer les tâches qui leur ont été assignées, à cause du manque de ressources et/ou de capacités. Dans bien des cas, la décentralisation ne remplit pas l’objectif de rendre les gouvernements plus réceptifs et responsables, par exemple parce que les élites locales influencent les processus de décisions en leur faveur, ou parce que les mécanismes standard de responsabilité ne fonctionnent pas bien dans des contextes où la capacité est limitée et les informations rares. L’examen du principe Ne pas nuire par l’OCDE signale le danger de la déconcentration et de la décentralisation dans les situations où l’État central est affaibli, ou lorsque le pouvoir est divisé entre différentes factions (OCDE, 2010g), dans la mesure où la décentralisation peut aggraver les divisions existantes. En même temps, la décentralisation peut être une contribution importante aux progrès de la participation et de la responsabilité publique, et par conséquent à des relations positives entre l’État et la société dans les contextes qui en manquent le plus. En Sierra Leone, le Rapport Pays note que « la décentralisation et la passation des pouvoirs est une activité importante de la consolidation de la paix et du renforcement de l’État » et que « le processus de décentralisation a fait beaucoup pour réparer certains des défauts fondamentaux de la structure politique originale de la Sierra Leone. » », extrait de « Conflits et fragilité - Suivi des Principes pour l’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport global, Éditions OCDE, 3 septembre 2010, page 26.
  • [27]
    « L’un des problèmes clés de l’Afrique réside dans les tiraillements entre processus électoral et stabilité. Récemment et dans plusieurs cas, dont ceux du Nigéria, du Kenya et du Zimbabwe, le processus électoral s’est révélé être une cause majeure d’instabilité politique et une source de nouvelles difficultés en matière de sécurité. Par ailleurs, dans le contexte actuel, les États, et plus particulièrement ceux qui, au sortir d’un conflit, amorcent un processus de démocratisation, sont confrontés à un défi majeur : répondre aux attentes de la population. Les promesses faites pendant les élections sont souvent irréalistes, et les choix politiques dictés par les pays donateurs (ce qui nous renvoie une fois de plus au problème de l’appropriation nationale des projets) », Observatoire de l’Afrique, Rapport de conférence, « Les États fragiles en Afrique : un paradigme utile pour l’action », Afrique du Sud, 12 et 13 mai 2008, p. 8.
  • [28]
    De plus, les candidats aux élections promettent ce qu’ils ne pourront pas offrir et l’éventuelle légitimité électorale initiale est balayée par la réalité postélectorale.
  • [29]
    Suivi des « Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport OCDE, 2010.
  • [30]
    Idem.
  • [31]
    « Reconnaître que les sociétés post-crise fournissent l’occasion de négocier un nouveau contrat social – le pacte entre l’État et les citoyens. Actuellement, cette occasion n’est pas toujours saisie. La plupart des consultations ont souligné que les causes profondes de la fragilité demeurent dans de nombreux cas. Les efforts pour restaurer le tissu social sont toujours limités. Il y a dans de nombreux cas une déconnexion persistante entre les élites et les citoyens ordinaires, et parfois entre groupes sociaux ou identitaires (régions, clans, ethnies). Les modalités et les volumes de l’aide varient de province à province et/ou entre différents groupes sociaux : c’est un motif d’inquiétude car ils risquent d’aggraver les divisions existantes. La décentralisation peut rapprocher l’État des citoyens et améliorer la fourniture de services. Cependant, les processus de ce type doivent être gérés avec attention, notamment dans les contextes où le gouvernement central est faible et la société est traversée par des lignes de faille », in « Suivi des Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport global 2010, OCDE.
  • [32]
    Cf. à ce sujet l’article « La validité de la détermination internationale d’une source unique de légitimité du pouvoir interne », Civitas Europa, éd. PUN, juillet 2001, pp. 225-244.
  • [33]
    « […] conçu traditionnellement comme un instrument de coordination des souverainetés, le droit international se voit investi aujourd’hui d’une mission de transformation de la société internationale et mis au service de finalités telles que la paix, la protection des droits de l’homme, le développement durable et la préservation environnementale de la planète » J.-A. CARRILLO-SALCEDO, « Droit international et souveraineté des États », RCADI, 1996, t. 257, p. 217.
  • [34]
    Cour Internationale de Justice, Arrêt Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, 1986, § 205.
  • [35]
    Cour internationale de justice, Avis sur le Sahara occidental, 16 octobre 1975, p. 43.
  • [36]
    Article 9 des Accords ACP de Cotonou (23 juin 2000) : « […] Les parties réaffirment que la démocratisation, le développement et la protection des libertés fondamentales et des droits de l’homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement. Les principes démocratiques sont des principes universellement reconnus sur lesquels se fonde l’organisation de l’État pour assurer la légitimité de son autorité, la légalité de ses actions qui se reflète dans son système constitutionnel, législatif et réglementaire, et l’existence de mécanismes de participation. Sur la base des principes universellement reconnus, chaque pays développe sa culture démocratique. »
  • [37]
    Cf. les règles communautaires de conduite posées dans les règlements du Conseil (règlements (CE) n° 975 et 976/1999 du 29 avril 1999) et le financement par l’Union européenne de l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (doté d’un budget d’1,1 milliards d’euros pour la période 2007-2013) axé sur quatre objectifs dont celui de « renforcer la démocratie, la bonne gouvernance et l’État de droit (soutien au pluralisme politique, à la liberté de la presse et au bon fonctionnement de la justice). A titre d’exemple, la Biélorussie a été sanctionnée à la suite des lourdes fraudes électorales lors de l’élection présidentielle du 19 mars 2006 au regard de l’atteinte ainsi portée aux principes de l’État de droit et de la démocratie.
  • [38]
    Cour permanente de justice internationale, Avis consultatif sur les “Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc”, 7 février 1923, Série B, n° 4, p. 24.
  • [39]
    J. COMBACAU, « L’internationalisation formelle résultant de l’engagement interétatique a raison du caractère matériellement interne de l’objet qu’il couvre », in Le devoir d’ingérence, Bettati-Kouchner, Paris, Denoël, 1987.
  • [40]
    Cf. à ce sujet le rapport de la Conférence organisée le 27 mars 2007 par le CPHS (Programme du CERI sur la Paix et la Sécurité Humaine) « Les « États fragiles » constituent-ils une menace pour la sécurité internationale? », (http://www.peacecenter.sciences-po.fr/).
  • [41]
    Assemblée générale des Nations unies, Résolution 48/152, Situation des droits de l’homme en Afghanistan, 7 février 1994.
  • [42]
    Cf. à ce sujet, A. MOINE, L’émergence d’un principe d’élections libres en droit international public, thèse soutenue le 24 janvier 1998, Université Nancy 2.
  • [43]
    Inégalité entre les États dits fragiles et ceux qui ne le seraient pas, inégalité également entre les différents États fragiles. Les exemples de la Somalie déliquescente, de l’Irak déconstruit ou de l’Afghanistan à construire en témoignent.
  • [44]
    Le Fund for Peace propose un « Failed State Index » comportant des indicateurs sociaux [pression démographique croissante ; mouvements massifs de réfugiés ou de déplacés internes (Internally Displaced Persons, IDPs) ; discrimination envers certains groupes, paranoïa des groupes, ce qui peut causer des situations de guerre civile larvée, de vengeance ; migration chronique vers l’extérieur], économiques [développement économique limité à des frontières sociales identifiables ; fort déclin économique] et politiques [criminalisation et/ou délégitimation de l’État ; dégradation progressive du service public ; interruption ou application arbitraire d’un État de droit et large violation des droits de l’Homme ; appareil de sécurité fonctionnant comme un État dans l’État ; méfiance à l’égard des élites ; intervention d’autres États ou d’autres acteurs politiques].
  • [45]
    Rapport global de l’OCDE de 2010 sur le « Suivi des Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », p. 12 (NB : document dense et significatif d’évaluation des politiques en la matière).
  • [46]
    Certains auteurs proposent une distinction entre l’État souverain de jure ou de facto comme le proposait déjà au XIVe siècle le juriste italien Balde de Ubaldis, cf. par exemple, à ce sujet, Claude Duval et François Ettori, « États fragiles… ou états autres ? Comment repenser l’aide à leur développement, notamment en Afrique ? », Géostratégiques, n° 25, octobre 2009, pp. 43 à 55.
  • [47]
    « L’État doit donc assumer des fonctions à la fois de garant, d’arbitre et de régulateur de l’intérêt général, de l’équité et de l’égalité de tous les citoyens : le manque d’interfaces de dialogue et la faible association des populations à l’exercice du pouvoir contribuent en effet à rendre conflictuelles les relations entre l’État et la société, ainsi qu’au sein même des populations », « Position de la France sur les États fragiles et les situations de fragilité », Stratégie validée par le co-secrétariat du CICID (Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement) le 27 septembre 2007.
  • [48]
    Cf. à ce sujet Robert Schütte, « La sécurité humaine et l’État fragile », in Revue de la Sécurité Humaine/ Human Security Journal, fév. 2007, pp. 89 à 96.
  • [49]
    G. BURDEAU, « L’État arrive souvent à n’être que l’alibi de ceux qui gouvernent en son nom. […] L’État, colonisé par ceux qui ne devraient en être que les serviteurs, devient alors […] le paravent d’une entreprise de domination. Le mythe dégénère en mystification de l’État, imaginé pour purifier le pouvoir de toutes les faiblesses humaines en arrive à leur servir de justification », in L’État, éd. Points Essais, 2009.
  • [50]
    « […] l’origine première du droit international […] résulte des contraintes matérielles de la coexistence, prolongées et amplifiées par les nécessités de la coopération, et non pas du tout d’une volonté particulière à chaque souveraineté de s’autolimiter », P.-M. DUPUY, Droit international public, 3e èd., Paris, Dalloz, 1995, p. 23.
  • [51]
    « Le Droit n’est pas une manifestation de la solidarité sociale, mais celle d’un conflit d’intérêts […] », G. VLACHOS, Quelques considérations sur le Droit et la Sanction, Etudes en l’honneur de Georges Scelle, Paris, LGDJ, 1950, 597 p.
  • [52]
    « Je suis parfaitement conscient que «tout droit est un droit finalisé» (Brigitte Stern), puisque aussi bien, par son contenu, toute norme - celle du droit international comme celle du droit interne - vise un objectif, lequel ne peut être que méta-juridique, en d’autres termes: politique. En ce sens, il est vrai que le droit - par sa substance - n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens ou, si l’on préfère, qu’aucune règle juridique n’est politiquement innocente. Il est vrai aussi, comme le montre Madame Chemillier Gendreau, que la norme fixe, à un moment donné, le rapport de forces et des contradictions et constitue par là même un moyen, au moins temporaire, d’apaisement des oppositions d’intérêts. Le système normatif n’est pas autre chose qu’un outil, manié certes par les juristes, mais dont la substance est déterminée par des politiciens au service d’objectifs de caractère politique :»Ce ne sont pas les juristes qui font le droit, mais les politiques», dit très justement Alain Pellet », P. WEIL, « Conclusion » in La formation des normes en droit international du développement, Paris, CNRS, 1984, 363 p..

1La démarche – ici étudiée – des acteurs internationaux est de remédier à la fragilité de l’État [1]. Celle-ci est donc dans un premier temps diagnostiquée : « faible gouvernance, capacités administratives limitées, crises humanitaires chroniques, tensions sociales persistantes, violence ou séquelles d’une guerre civile » [2]. Puis des remèdes sont proposés [3] en vue d’un objectif : le renforcement de cet État [4]. Entre diagnostic et thérapeutique, cette démarche « médicale » est extérieure à l’État concerné et son éventuel « refus de soins » délicat. Parmi ces remèdes figure l’établissement ou le rétablissement d’institutions légitimes :

2

« Pour rompre l’enchaînement des cycles de violence et réduire les stress qui les engendrent, les pays doivent mettre en place des institutions nationales plus légitimes, responsables et compétentes qui assurent la sécurité des citoyens, la justice et l’emploi » note le Président de la Banque mondiale, Robert B. Zoellick [5].

3La France, entre autres acteurs internationaux concernés [6], a, en ce sens, élaboré une grille de lecture des fragilités construite autour de cinq catégories [7] : la défaillance de l’État de droit, l’État impuissant, l’économie défaillante [8], la société fragilisée et l’État illégitime ou non représentatif [9]. L’analyse (notamment par la diplomatie française) de cette dernière « illégitimité liée au caractère non représentatif » conduit à identifier comme symptôme de cette carence « la confiscation du pouvoir (processus de sélection des dirigeants contesté) et l’absence de contrôle démocratique et de contrepouvoirs » ; la corruption des dirigeants, l’absence d’esprit de service public et de souci du bien commun, l’exacerbation des communautés et le non-respect des libertés publiques complétant cette analyse [10].

4L’illégitimité de l’autorité politique apparaît ainsi comme un facteur de fragilité étatique ; ce qui n’est guère contestable puisqu’elle ruine l’acceptation et l’acceptabilité spontanée des décisions prises. Cependant, cette illégitimité est liée dans les appréciations, tant françaises qu’européennes ou internationales, au caractère non démocratique du régime. Ainsi, à titre d’exemples, le Commissaire européen chargé du développement, Andris Piebalgs, s’étant rendu début mai en Côte d’Ivoire et en Guinée afin d’évaluer la possibilité de reprendre une coopération européenne au sortir des crises que ces États ont connu. Il a souligné que le soutien européen à la Côte d’Ivoire devrait reprendre très vite, puisque le Président élu et reconnu par la communauté internationale est désormais en fonction. En revanche, s’agissant de la Guinée, les Européens laissent entendre que la coopération restera gelée jusqu’à l’organisation d’élections législatives dans de bonnes conditions (l’élection présidentielle de M. Condé, il y a six mois n’étant pas jugée « probante »). L’OCDE, avec une attitude similaire, retient la nécessité pour l’État fragile de se convertir ou reconvertir à une démocratie réelle.

5L’exigence de lutte contre la fragilité et la relation établie entre celle-ci et le caractère non démocratique du gouvernement conduit ainsi les acteurs internationaux à « se mêler » d’une affaire généralement considérée comme intérieure, s’il en est encore ou s’il en est encore dans les États dits fragiles.

6Quel que soit le caractère louable ou non de l’intention politique consistant à vouloir renforcer les États [11] et des moyens mis en œuvre à cette fin [12], ces démarches conduisent le juriste à s’interroger sur leur conformité au droit international. Est-il conforme au droit international de retenir de l’extérieur la légitimité démocratique comme modèle de gouvernement « à suivre » afin de remédier à la fragilité de l’État ? (II) En amont, une réflexion sur le lien établi de fait dans les rapports internationaux entre la démocratie constitutionnelle et la solidité de l’État (I) apparaît nécessaire.

I – La démocratie suggérée, facteur présumé de renforcement de l’État

7Les intervenants extérieurs concentrent leurs efforts sur l’établissement des institutions ou sur le renforcement des structures nationales [13]. Cependant, cette démarche – pour utile qu’elle puisse être – présuppose la nécessaire légitimité de ces structures institutionnelles et de ceux qui, en leur sein, sont titulaires du pouvoir de décision. La structure étatique et les autorités politiques ont besoin, en effet, de bénéficier d’une légitimité pour être respectés par les membres de la société ainsi gouvernée. Il s’agit donc dans les États fragiles de favoriser la légitimité du pouvoir politique à l’aide d’outils juridiques constitutionnels, dont principalement la démocratie représentative, sensés la procurer. L’affirmation n’est pas originale, on applique aux États fragiles les raisonnements déjà tenus en matière de construction de la paix. A titre d’illustration, l’Assemblée générale affirmait en 1994, à propos de la situation en Amérique centrale : « il ne saurait y avoir de paix en l’absence de développement et de démocratie, indispensables si l’on veut assurer la mise en œuvre des réformes dans la région et répondre aux aspirations des peuples et des gouvernements des pays d’Amérique centrale qui souhaitent faire de cette région, une région de paix, de liberté, de démocratie et de développement » [14].

8La légitimité proposée aux États fragiles est donc démocratique (A), ce régime politique étant supposé renforcer l’État (B).

A – La démocratie institutionnalisée procurerait une légitimité au pouvoir étatique

9La médiation de la « légitimité » permet ainsi de comprendre les raisonnements internationaux qui relient le processus de sélection des dirigeants et la solidité du pouvoir étatique. La proposition « occidentale » ou « internationale » est ainsi celle d’une légitimité démocratique [15] issue d’un processus électoral organisé et d’une distribution constitutionnelle des attributions étatiques. Cette dévolution démocratique du pouvoir et le respect de la Constitution qui l’institue, ce qui caractérise en partie un État de droit, devrait assurer la légitimité du pouvoir [16], ainsi désigné et encadré, et finalement renforcer l’État, ainsi dirigé [17]. A l’idée de la légitimité fondée sur l’origine du pouvoir, devrait être jointe celle fondée sur la conformité des décisions prises aux aspirations fondamentales de la société ; ces dernières devraient dès lors être inscrites dans le texte constitutionnel. Le contrôle de constitutionnalité des lois (et de toutes les décisions étatiques, réglementaires ou conventionnelles) peut en effet apparaître comme un complément de légitimation. Il est souvent souligné en matière de droits de l’homme, il peut l’être plus généralement au regard des valeurs qui fondent la société concernée. Dans les propositions concrètes des acteurs internationaux, figure également la nécessité pour les dirigeants d’avoir à rendre compte, de renforcer le rôle de contrôle du Parlement [18] et de l’institution judiciaire. Ainsi au Timor Leste, le rapport de l’OCDE souligne « La nécessité de renforcer toutes les institutions de l’État – l’exécutif, mais aussi les institutions de surveillance et de responsabilité comme le parlement et le système judiciaire – [cette nécessité] a été considérée comme le principe de base pour construire un État efficace et responsable ».

10L’identification et dès lors la qualification d’État fragile prend donc entre autres éléments en compte la « faiblesse » des institutions et du pouvoir gouvernemental. La fragilité d’une autorité étatique se caractérise généralement par une incapacité à prendre des décisions ou à les faire appliquer, c’est-à-dire par un manque d’emprise sociale. Elle résulte donc d’une carence dans le pouvoir de direction politique et/ou par un défaut d’obéissance et donc d’assentiment des gouvernés. La conviction « au moins majoritaire » des bailleurs de fond, et plus généralement des intervenants internationaux, est qu’un mode démocratique de désignation des gouvernants remédie peut-être à la première et probablement à la seconde de ces manifestations de fragilité.

11En effet, sans que les raisonnements soient nécessairement explicites à ce sujet, les affirmations conduisent à considérer que le recours à l’« État démocratique et de droit » est une solution à la faiblesse de l’État. Cette conviction repose sur deux présomptions. La première : la désignation électorale des dirigeants leur offrirait une légitimité. Ce qui présume que ce mode de désignation est généralement accepté et qu’il permet de sélectionner des gouvernants compétents, offrant ainsi une adhésion, au moins initiale, de l’ensemble de la population à leur volonté politique. La seconde : l’État de droit qui complète la démocratie favorise, entre autres apports, le respect par les titulaires du pouvoir du droit et particulièrement du droit constitutionnel. La constitution encadrant non seulement les choix politiques mais aussi l’étendue du pouvoir des gouvernants et la durée de celui-ci. Il s’agit donc là d’a priori selon lesquels, d’une part, la légitimité initiale (espérée, cf. I-B infra) conférée par l’origine démocratique est sensée se répercuter sur l’exercice du pouvoir et se prolonger pendant la durée du mandat et, d’autre part, le respect de la légalité constitutionnelle (espéré, cf. toujours I-B infra) est sensée fournir une légitimité complémentaire aux décisions prises par les dirigeants.

12Cependant la légitimité de l’institution étatique ne réside pas ou pas seulement dans le mode de dévolution du pouvoir constitutionnellement établi, elle résulte aussi, voire davantage, de la satisfaction des besoins de la population. Léon Duguit affirmait que le pouvoir n’est légitime que par la manière dont il s’exerce et non par son fondement [19]. Du moins peut-on convenir que la légitimité de la source du pouvoir d’État doit être complétée ou réalisée par celle de son exercice. Or les missions étatiques se sont développées ; il ne s’agit plus seulement d’assurer l’ordre public, ce que le critère étatique de l’effectivité du pouvoir politique tradui(sai)t, mais d’intervenir pour fournir ou garantir des prestations sociales (au sens large de ce qualificatif). Sans devenir un critère d’identification de l’État, ces prestations, cette fonction élargie (à des missions administratives, sociales, économiques et culturelles) de l’État, pourrait devenir une obligation internationale de celui-ci. Le rapport de l’OCDE rendu en 2010 affirme en ce sens « Les consultations ont toutes souligné que la capacité de l’État à remplir ses fonctions clés et à fournir les services de base, dont les citoyens ont besoin et qu’ils ont raison d’exiger, est une source majeure de légitimité. » [20]. L’approche fonctionnelle de l’État et partant de sa souveraineté est une tendance renouvelée dans les rapports internationaux, sa traduction juridique est envisageable à terme (cf. II infra). La proposition démocratique apparaît ainsi souvent nécessaire mais tout aussi fréquemment insuffisante à procurer une légitimité durable aux autorités de l’État ; elle n’est de plus pas un gage absolu de solidité.

B – La démocratie institutionnalisée apporterait une solidité à l’État

13Le remède proposé à la fragilité de l’État consiste dans l’instauration d’un État de droit démocratique. Ce choix thérapeutique est-il pertinent ? Le régime de la démocratie constitutionnelle internationalement proposé n’apporte pas automatiquement la force nécessaire au pouvoir politique [21] ; il se heurte à une série de contestations.

14Ainsi, en Afghanistan, si les différentes élections ont été considérées comme des étapes essentielles le résultat final du processus est plus qu’incertain. Selon le ministre afghan de la Réhabilitation et du Développement Ruraux (MRRD), « il y a urgence à reconnecter le gouvernement avec la population » [22]. Constat édifiant de l’incapacité des élections tenues dans ce pays à offrir une adhésion populaire aux dirigeants ainsi désignés ; la démocratie électorale n’a pas en ce sens contribué au renforcement de l’État afghan (par ailleurs handicapé par bien d’autres difficultés). Selon le rapport de l’OCDE, « La légitimité du gouvernement est en déclin à cause du manque de sécurité, du manque d’amélioration sur le plan économique et de l’augmentation des activités insurrectionnelles. ». Ce constat susceptible d’être opéré dans d’autres situations nationales suppose une identification, au moins par les acteurs internationaux qui la proposent, des causes possibles de cette inefficacité de la démocratie à renforcer l’État (cf. A supra) ; la dénaturation, l’inadaptation et la fragilisation synthétisent la plupart de ces causes.

15La solidité du régime issu d’élections peut être affectée par la dénaturation du régime lui-même pour au moins deux raisons. Parce que le processus électoral apparaît entaché d’irrégularités ou de manipulations et que ses résultats ne sont dès lors pas acceptés. Parce que les premières élections passées, l’alternance devient de fait impossible par la confiscation du pouvoir. Une des difficultés fréquentes des États fragiles est la permanence au pouvoir (entraînant notamment la corruption et l’accaparement). Les élections peuvent n’être qu’une fiction masquant la personnalisation du pouvoir et la reconduction infinie de son titulaire. Les constituants originaires le craignent qui instaurent des limites au renouvellement des mandats, les constituants dérivés, soumis au dirigeant, le sabordent en supprimant ces dispositions garde fous.

16La solidité du régime issu d’élections peut également être affectée par une inadaptation sociale du régime démocratique pour au moins trois raisons. Parce que le mode de désignation « à l’occidentale » n’emporte pas l’adhésion des populations concernées ou ne suffit pas à le faire [23]. Plus encore, la proposition ou le soutien international peuvent constituer des handicaps ; le choix de la démocratie et les options politiques de ceux qui sont ainsi désignés devenant souvent de ce fait sujets à caution. Parce que, autre cause, la règle de la majorité qui gouverne le fonctionnement de la démocratie est, au moins provisoirement, inadaptée à la structuration du corps électoral et des partis politiques. Ce qui, en premier lieu, ruine un mode de dévolution qui ne repose plus alors sur un arbitrage populaire entre différents programmes politiques mais sur un ou plusieurs clivages ethniques, religieux ou autres insusceptibles d’évolution ; l’appartenance à la majorité ou à la minorité étant dès lors permanente et l’alternance au pouvoir devenant improbable ou au moins biaisée. Ce qui, en second lieu, ruine des choix politiques qui reposent alors sur des intérêts catégoriels. Manque ainsi, dans le « prêt à importer » institutionnel, le socle de valeurs communes qui permet l’acceptation du principe de la dévolution du pouvoir politique à la majorité ; l’alternance étant acceptable parce que, a priori, l’essentiel ne sera pas remis en cause. Il y a de nombreux exemples d’élections ainsi biaisées par un vote local, confessionnel, ethnique ou clanique. À titre d’exemple contemporain, l’État fragile – qu’il le soit devenu ou qu’il le soit resté – Irak. « État-Nation », autrefois imposé par les européens, entretenu par le régime autoritaire du parti Baas et de Saddam Hussein, il est aujourd’hui divisé en au moins trois entités préexistantes – chiite, sunnite et kurde – prégnantes lors des consultations/confrontations électorales. Se sont ainsi constituées, trois coalitions, opposées lors des élections législatives organisées en 2005 : l’une essentiellement « chiite », l’« Alliance unifiée », l’autre sunnite le « Front irakien de la concorde » et la troisième kurde regroupant deux partis du Kurdistan [24]. Ces divergences témoignent de l’absence de socle commun de valeurs, d’une carence de « sentiment national ». A terme, ce choix démocratique renforcera peut-être l’État irakien mais il est difficilement contestable que momentanément ce régime ne favorise pas la pourtant nécessaire unité nationale [25]. Parce que, troisième raison d’une inadaptation du régime démocratique affectant la solidité du régime issu d’élections, il existe sur le territoire de l’État des légitimités concurrentes ou d’autres sources normatives ou encore des structures palliatives ou alternatives (« l’État s’arrête où le goudron s’arrête »). Le régime étatique, démocratique ou non, doit tenir compte de cette « concurrence » ; il doit soit l’accepter et l’aménager [26], soit la supplanter.

17La solidité du régime issu d’élections peut enfin être affectée par une fragilisation de l’autorité politique pour au moins deux raisons. Parce que la tenue d’élections elle-même peut provoquer une « délégitimation » du pouvoir. Les processus électoraux déclenchent en effet souvent une période de tensions, d’instabilité, de désordres publics aussi bien avant le scrutin qu’après la proclamation des résultats [27]. La liste des exemples de pays ayant connu ces situations est longue, en sont des exemples récents la Côte d’Ivoire, le Zimbabwe, le Nigeria ou encore le Népal. Dans ce pays, l’adoption de la constitution républicaine en 2008, mettant fin à la monarchie, et la tenue d’élections n’ont pas renforcé l’État népalais. À l’inverse, les tensions se sont accrues dans le pays, la « compétition » entre les partis politiques a conduit à des affrontements et l’intégration des anciens guérilleros maoïstes dans le jeu politique et électoral reste délicate. Parce que, seconde source de fragilisation, en aval du processus électoral, la « qualification » démocratique des dirigeants ne conduit pas à une amélioration de la situation économique et sociale [28] et que, dès lors, ce régime démocratique, par nature vulnérable, redevient ou demeure fragile.

18Les intervenants extérieurs ont probablement conscience de ces insuffisances, qu’elles énoncent cependant toujours avec précaution. Ainsi pour la Commission de l’UE :

19

« Pour encourager la démocratisation, il y a lieu de hiérarchiser les besoins. Les élections sont nécessaires mais pas suffisantes pour favoriser l’émergence de la démocratie. Il convient de déployer des efforts en amont pour promouvoir une société politique inclusive et des systèmes pluralistes harmonieux, en mettant l’accent sur le développement institutionnel, et en aval pour encourager un fonctionnement efficace des institutions nouvellement élues ».
(UE 19 §)

20De même, pour la CAD de l’OCDE :

21

« renforcer l’État va bien au-delà de renforcer les institutions. Les acteurs internationaux doivent être beaucoup plus attentifs aux dynamiques politique et sociale endogènes à l’œuvre et à la façon dont leurs interventions peuvent affecter ces dernières » [29].

22Enfin, même si cette idée est difficilement acceptée, il faut sans doute du temps. Du temps pour mettre en place les institutions, du temps pour qu’elles remplissent leur fonction d’intérêt général, du temps pour que la et les populations reconnaissent cet apport… La durée est une condition (oubliée ?) de la légitimité de l’État sinon du dirigeant (qu’un engouement ne peut que provisoirement légitimer). Ainsi, par exemple en RDC, selon l’OCDE, :

23

« en dépit [des] efforts, la majorité des participants considère que le soutien de la communauté internationale au renforcement de l’État n’a pas été suivi de résultats suffisamment concrets. Ce bilan s’explique en partie par la nature du soutien au renforcement de l’État – qui ne se mesure que sur le long terme et n’est pas toujours visible » [30].

24Finalement, la mise en place du modèle de la démocratie constitutionnelle apparaît, dans la pratique contemporaine, comme une condition nécessaire au renforcement de l’État mais elle est insuffisante pour générer, à elle seule, la légitimité [31] effective et durable des autorités politiques. Cependant, la proposition démocratique est tangible dans les rapports internationaux, et dès lors sa légalité internationale interroge.

II – La démocratie proposée, symptôme d’une évolution de l’ordre interétatique

25La conviction de l’intérêt du remède démocratique est donc (cf. I-A supra) particulièrement à l’œuvre dans les situations de fragilité étatique. Cependant, le développement de la proposition démocratique suppose, outre son efficacité (cf. I-B supra), sa conformité au droit international [32] (A). Celle-ci dépendant finalement d’une évolution de l’appréciation juridique internationale de l’État et de son gouvernement par leurs pairs (B).

A – La conformité au droit international de l’incitation à adopter un régime démocratique

26Les liens affirmés entre la paix, le développement, le respect des droits de l’homme, l’État de droit, l’organisation d’élections libres (…). conduisent à la promotion du tout et justifient particulièrement l’exigence ou l’incitation démocratique. Par ailleurs, l’interdépendance des États de la société internationale, conduit à des propositions collectives [33], telle celle de retenir la démocratie comme outil, parmi d’autres, du renforcement de l’État. A ce jour, cette volonté politique contrevient au droit international sans préjudice qu’à terme celui n’évolue à ce sujet du fait de volontés convergentes. En effet, l’autonomie constitutionnelle de l’État et le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures constituent a priori des obstacles juridiques à une injonction extérieure relative au régime politique de l’État.

27Selon la Cour internationale de justice, le choix du régime politique est un choix interne. En effet, elle considère que l’intervention est interdite lorsqu’elle porte

28

« sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des États permet à chacun d’entre eux de se décider librement. Il en est ainsi du choix du système politique, économique, social et culturel et de la formulation des relations extérieures. L’intervention est illicite lorsqu’à propos de ces choix, qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte » [34].

29L’affirmation, déjà posée en 1975 [35], date de 1986 mais pour l’heure la Cour ne l’a pas atténuée. Elle portait certes sur une intervention coercitive mais le libre choix du système politique est plus généralement énoncé dans cet arrêt comme lié au principe de souveraineté des États.

30Cependant, à titre d’exemple significatif, l’Union européenne tend à imposer à ses partenaires le modèle de l’État de droit démocratique (et respectueux des droits de l’homme). Dans un certain nombre d’accords, notamment l’accord ACP de Cotonou [36], elle conditionne certaines concessions tarifaires ou programmes d’aide au respect de la démocratie et des droits de l’homme [37]. Est-ce contraire au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures ? Selon la classique affirmation de la CPJI, « La question de savoir si une certaine matière rentre ou ne rentre pas dans le domaine exclusif d’un État est une question essentiellement relative : elle dépend de l’évolution des rapports internationaux » [38]. Le droit international étant susceptible de réglementer tous les domaines [39], les États ont ainsi la faculté de conclure des accords dans lesquels ils s’engagent à adopter ou maintenir un régime de démocratie libérale. Donc, sauf à dénoncer ces accords, ils sont liés par le droit international conventionnel dans un domaine pourtant considéré traditionnellement comme réservé. Toutefois, la décision des États européens de conserver « entre eux » un régime démocratique n’a sous doute pas la même portée pratique que celle d’inclure une telle disposition dans des accords « inégaux ». La conditionnalité n’est-elle pas alors une ingérence illicite du fait de la pression opérée par l’Union sur des pays n’ayant pas nécessairement les moyens d’y résister ? De telles clauses conventionnelles ne sont-elles pas illicite au regard de leur objet ? Aucune juridiction internationale n’a pour l’heure eu à se prononcer sur la licéité de tels engagements.

31Par ailleurs, le recours à l’organisation d’élections démocratiques dans les interventions extérieures, mandatées par l’organisation des Nations unies, peut être justifié par l’existence d’une menace à la paix et à la sécurité internationales [40], ce qui « légalise » alors la proposition démocratique, comme ce fut le cas, par exemple, au Kosovo.

32Quant à l’autonomie constitutionnelle, la reconnaissance d’un principe démocratique de dévolution du pouvoir limite ce principe afin d’attribuer au peuple la faculté de choisir ses dirigeants – mise en place de la démocratie représentative – à défaut de celle de choisir son régime politique – limitation corollaire du pouvoir constituant. Le recours à l’« imagination » peut permettre de valider internationalement cette pratique : une évolution/mutation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes menant de l’autodétermination des peuples à l’exigence de leur participation politique démocratique. En ce sens, l’Assemblée générale des Nations unies

33

« prie instamment toutes les parties afghanes de faire tous les efforts possibles, le cas échéant sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies, pour parvenir à une solution politique globale, seul moyen d’instaurer la paix et de rétablir pleinement les droits de l’homme en Afghanistan, qui soit fondée sur le libre exercice du droit à l’autodétermination par le peuple afghan, y compris la tenue de véritables élections libres, […] » [41].

34Le droit à l’autodétermination pourrait à terme – non défini – faire des peuples soumis à un régime non démocratique les créanciers d’un nouveau droit à disposer d’eux-mêmes. Le raisonnement juridique est possible : Le premier titulaire d’un droit à la participation politique serait ainsi le peuple dans l’État ; les élections constituant le média de sa disposition de lui-même. Le second titulaire est le citoyen dans l’État ; les élections lui permettant d’exercer son droit de suffrage individuel. Ces droits subjectifs se joindraient à l’impératif d’un fondement populaire de l’autorité des pouvoirs publics pour mener finalement à l’obligation corrélative de l’État d’en permettre et organiser l’exercice. L’argumentation juridique peut s’avérer pertinente, elle n’est pas encore à l’œuvre dans les textes ou la jurisprudence internationaux [42].

B – L’appréciation extérieure portée sur l’autorité gouvernementale renouvelle les rapports internationaux

35Une remarque préalable : La mobilisation internationale qui tente de renforcer l’État prend appui sur une inégalité de fait de ceux-ci ; égaux en droit international, ils sont inégaux dans leur capacité à assurer leurs fonctions internes, à supposer celles-ci définies [ce qui est sans doute la question finale]. Cette inégalité de fait [43] conduit dans un second temps à une inégalité de droit ; en effet, l’incitation à l’instauration d’une démocratie constitutionnelle ne concerne que ces États « faibles », les États dits forts, y compris les démocraties de droit, choisissent librement leur régime politique.

36L’action internationale ne vise pas, en premier lieu, à établir un gouvernement démocratique de droit mais à remédier à la fragilité de l’État [44] concerné. Outre les intérêts nationaux directs des intervenants, l’objectif de renforcement de l’État naît soit, par empathie, au nom de la « sécurité humaine », de la volonté d’apporter à tous les individus de la planète une vie décente, soit elle résulte plus classiquement de l’exigence d’une protection de l’ordre public international en luttant contre les situations qui pourraient l’affecter ; les deux intentions se cumulent sans doute. Quoi qu’il en soit, la volonté effective de privilégier un mode démocratique de dévolution du pouvoir, de considérer les gouvernants élus comme étant représentatifs et de faire de la légalité démocratique interne une exigence internationale contribue à l’évolution de la conception de l’État et de sa souveraineté dans l’ordre international. Elle vise à réduire la fragilité en recommandant un mode d’organisation de l’État l’autorisant à être efficace dans ses missions, ce qui favoriserait notamment des « relations constructives » avec la société. Comme le souligne l’OCDE, il faut :

37

« reconnaître que le renforcement de l’État est un processus fondamentalement politique. Il se fonde sur des relations constructives entre l’État et la société, qui orientent les attentes et renforcent la confiance en l’État et sa légitimité. En ce sens, renforcer l’État va bien au-delà de renforcer les institutions »

38et l’institution fait alors la recommandation suivante :

39

« Les acteurs internationaux doivent être beaucoup plus attentifs aux dynamiques politique et sociale endogènes à l’œuvre et à la façon dont leurs interventions peuvent affecter ces dernières (par exemple en apportant leur soutien à la compétition politique d’une façon qui encourage la cohésion nationale plutôt qu’elle n’aggrave les divisions). Alors que les efforts actuels se concentrent sur l’exécutif central, le renforcement de l’État doit impliquer un éventail d’acteurs nationaux (députés, institutions d’audit, système judiciaire, société civile – groupes marginalisés compris, et partis politiques) » [45].

40La Convention de Montevideo (1933), dans son article premier, retenait quatre critères d’identification de l’État : « être peuplé en permanence, contrôler un territoire défini, être doté d’un gouvernement et être apte à entrer en relation avec les autres États ». Les exigences pesant de fait, sinon de droit, sur les États fragiles, au vu des différentes formes d’intervention extérieure qu’ils peuvent subir, tendent, non à élaborer des critères supplémentaires d’identification mais à compléter ceux-ci par une mission générale de l’État ; ce qui entame ou modifie le concept de souveraineté [46]. La souveraineté de l’État ne serait plus, en ce sens, un paravent. Elle impliquerait toujours l’indépendance de l’État dans ses rapports avec ses pairs mais elle ne permettrait pas ou plus à l’État d’être libre de son action – ou inaction – intérieure. Le rôle de l’État ne serait plus seulement d’entretenir de bonne foi des relations internationales, il serait aussi de satisfaire les aspirations de sa population [47]. Cette exigence suppose cependant une « désunification » de l’État en y distinguant l’obligé, le gouvernement de l’État, et le bénéficiaire, la population de l’État. Déjà présente pour le respect des droits des hommes résidents sur le territoire et aujourd’hui dans l’affirmation de la responsabilité de protéger [48], cette mise en cause de l’unité de l’État dans les rapports internationaux caractérise une approche fonctionnelle de l’État.

41Il faudrait ainsi déconstruire l’État au regard de l’extérieur afin de le renforcer à l’intérieur. Il faudrait abandonner la souveraineté d’une « fiction juridique » qui autorise de fait un groupe d’individus détenant la force à exercer la puissance publique à leur profit [49] pour la souveraineté relative d’une structure juridique à la fonction définie, notamment la recherche de l’intérêt général. Les titulaires du pouvoir de décision y seraient démocratiquement désignés et ce pouvoir encadré et contrôlé. Le raisonnement se poursuit en effet implicitement : le gouvernement qui est sensé le mieux satisfaire la population est celui que celle-ci désigne par son suffrage et qu’elle contrôle ensuite, au moins à l’échéance du mandat. La souveraineté devrait ainsi être populaire (tant comme cause que comme conséquence), ce qualificatif devenant la condition de la souveraineté interne comme externe… Ceci suppose des convictions internationales convergentes, notamment par nécessité [50] et bien que reposant sur des intérêts souvent divergent [51], aboutissent à l’adoption d’une telle réglementation internationale [52].


Date de mise en ligne : 20/09/2016.

https://doi.org/10.3917/civit.028.0019

Notes

  • [1]
    Le Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE définit l’État fragile comme suit : « Un État est fragile lorsque le gouvernement et les instances étatiques n’ont pas les moyens et/ou la volonté politique d’assurer la sécurité et la protection des citoyens, de gérer efficacement les affaires publiques et de lutter contre la pauvreté au sein de la population » (OCDE /CAD, Concepts et dilemmes pour le renforcement de l’État dans les situations de fragilité, De la fragilité à la résilience, Paris, OCDE, 2008, p. 19). NB : les approches et les définitions des divers acteurs divergent sur la qualification d’État fragile et donc sur la liste de ceux-ci. Selon les instances la pauvreté, les conflits, l’incurie gouvernementale, l’« instabilité », la criminalité… sont des critères principaux ou associés dans la définition. Les remèdes proposés en sont dès lors également variables.
  • [2]
    Pour un état général de la situation des pays « faibles » se reporter au Rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le monde, 2011, « Conflits, sécurité et développement », 325 p.
  • [3]
    Pour une analyse de ces propositions, de leur variété et de leur pertinence cf. le document de travail de l’Agence française de développement, « Agir en faveur des acteurs et des sociétés fragiles », sept. 2005 / 4.
  • [4]
    Cf pour une analyse d’ensemble des « fragilités » de l’État et des réponses proposées, l’ouvrage « Concepts and Dilemmas of State Building in Fragile Situations – From fragility to resilience », CAD de l’OCDE (2008).
  • [5]
    Phrase extraite d’un discours prononcé en 2008 par M. ZOELLICK à l’Institut international des études stratégiques, portant sur le sujet « États fragiles : sécuriser le développement ».
  • [6]
    Si un certain nombre d’acteurs internationaux tentent effectivement de lutter contre la fragilité de l’État (tel notamment la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’OCDE, l’UE), d’autres n’ont pas les mêmes intérêts. Peuvent avoir un avantage à cette faiblesse des opérateurs privés (pour y exploiter des ressources par exemple), des États voisins (par la réduction d’une éventuelle menace), des mafias (pour y développer les trafics)…
  • [7]
    Cf. la « Position de la France sur les États fragiles et les situations de fragilité », Stratégie validée par le co-secrétariat du CICID (Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement) le 27 septembre 2007.
  • [8]
    « Défaillance de l’État de droit » dont nous entretiendra, dans ce dossier, M. DUBUY, « l’État impuissant » étant analysé par K.N’DJIMBA et « L’économie défaillante » étudiée par B. SIERPINSKI.
  • [9]
    C’est à cette dernière « fragilité » que cette intervention sera consacrée.
  • [10]
    « Position de la France sur les États fragiles et les situations de fragilité », Stratégie validée par le co-secrétariat du CICID (Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement) le 27 septembre 2007.
  • [11]
    NB : après avoir pendant des années, dans certaines des institutions intervenantes, souhaité sa rétractation.
  • [12]
    Pour une critique de la démarche, cf. X. MATHIEU, « Reconstruire l’État sans l’État : de l’incohérence de la stratégie de l’OCDE en matière de state-building dans les États fragiles », 4e Congrès international du réseau francophone des associations de science politique, Section thématique n° 16, Les États fragiles et en reconstruction, 20-22 avril 2011, Bruxelles.
  • [13]
    Cf., à titre d’illustration des démarches entreprises, « Les États fragiles », n° 32, déc. 2007, publié par Capacity.org (http://capacity.org/capacity/opencms/fr/index.html).
  • [14]
    Assemblée générale des Nations Unies, Résolution 48/161, La situation en Amérique centrale, 21 janvier 1994.
  • [15]
    Pour une réflexion générale sur la légitimité démocratique, cf. notamment P. ROSANVALLON, « La légitimité démocratique : Impartialité, réflexivité, proximité », Seuil, 2008.
  • [16]
    Ainsi selon la Commission européenne « La fragilité résulte souvent de lacunes et de défaillances de la gouvernance, qui se manifestent par une absence de légitimité politique accentuée par une limitation importante des capacités institutionnelles liée à la pauvreté. L’action de l’UE devrait être guidée par le souci de soutenir les processus de gouvernance démocratique, de consolidation de l’État et de réconciliation ainsi que la protection des droits de l’Homme, et d’encourager les volontés politiques de réforme par le dialogue et les encouragements, plutôt que par la conditionnalité et les sanctions » [Communication au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions (25/10/2007) intitulée « Vers une réponse de l’UE aux situations de fragilité - s’engager pour le développement durable, la stabilité et la paix dans des environnements difficiles », p. 9]. Ainsi, l’absence de légitimité politique est une fragilité et les processus de gouvernance démocratique peuvent, pour la Commission, y remédier.
  • [17]
    Selon cette vision occidentale, qui n’est cependant pas unanime dans ses approches, mais que la position de la Cour constitutionnelle allemande peut illustrer, le citoyen, status activus, en exerçant son droit de suffrage au cours de l’élection des titulaires du pouvoir, légitime les autorités politiques sous réserve que cette participation ait un effet sur l’exercice du pouvoir (notamment par le biais de la responsabilité politique du gouvernement) Cf. O. BEAUD, RFDA, 1992.
  • [18]
    L’affirmation est a priori superflue dans un régime parlementaire fonctionnant correctement.
  • [19]
    « Les gouvernants sont des individus comme les autres, soumis comme tous les individus à des règles de droit fondées sur la solidarité sociale et intersociale ; ces règles de droit leur imposent des devoirs, et leurs actes sont légitimes et s’imposeront à l’obéissance, non pas parce qu’ils émanent d’une prétendue personne souveraine, mais quand et seulement quand ils sont conformes aux règles de droit qui s’imposent à leurs auteurs », L. DUGUIT, Traité de Droit Constitutionnel, Paris, Fontemoing & Cie, 3e éd., t. I, 1927, p. 733.
  • [20]
    Dans « Suivi des Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport global 2010, OCDE. Cf. sur cette question précise : « The State’s Legitimacy in Fragile Situations », Conflict and Fragility, publication de l’OCDE, 2010.
  • [21]
    Cf. à ce sujet S. BELLINA, « La légitimité dans tous ses États : réalités, pluralisme et enracinement des pouvoirs », in Chroniques de la Gouvernance 2009/2010 de l’IRG (Institut de recherche et débat sur la gouvernance) ; pp. 49 à 63.
  • [22]
    Propos tenus lors d’un entretien avec les experts de l’OCDE en mai 2009.
  • [23]
    « Une autre question essentielle/dominante a été la focalisation sur les élections et les aspects formels de la démocratie, aux dépens de la culture politique locale, des sources de légitimité spécifiques au contexte et des institutions informelles » in « Suivi des Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport global 2010, OCDE.
  • [24]
    Les conditions d’adoption de la Constitution (en octobre 2005) sont, sous réserve de leur exactitude, à cet égard significatives : elle a certes été adoptée avec 78 % de oui (37 % d’abstention) mais, dans certaines provinces, le « oui » a été quasiment unanime alors que dans deux provinces le « non » a atteint 82 et 97% et que dans une troisième 55 % ont dit non. À noter que si dans trois provinces deux tiers des électeurs avaient refusé le texte il aurait été généralement refusé…
  • [25]
    À la suite des élections de mars 2010, M. BENRAAD, Chercheuse au CERI (Sciences Po) écrit dans Telos (site internet), « L’impasse actuelle […] témoigne de fait, de manière très profonde, des difficultés structurelles de la « greffe » politique issue du renversement du régime de Saddam Hussein. […] l’après-7 mars rappelle combien l’ombre du chaos plane sur le pays, selon une dynamique continue de destruction de sa société et l’incapacité des nouvelles institutions irakiennes à refonder un pacte social ».
  • [26]
    Remarque : Le rôle politique des collectivités infra étatiques (décentralisation ou fédéralisme) est une autre question essentielle (non développée ici). Le renforcement recherché de l’État est-il compatible, amélioré ou atténué par l’accroissement des compétences des collectivités infra étatiques ? Cf. à ce sujet la Note de cadrage « Le renforcement des collectivités territoriales peut-il offrir une stratégie efficace pour la reconstruction et la démocratisation dans les états fragiles et en situation post-conflit ? » du Forum mondial sur le développement local (UNCDF), 4/6 octobre 2010. Et les acteurs internationaux ont-ils à intervenir dans cet autre aspect institutionnel et dans quel sens ? Cf. ces interrogations relatives à la décentralisation de l’OCDE : « Plusieurs pays (Sierra Leone, RDC) se débattent avec un processus de décentralisation (recouvrant la décentralisation politique et la déconcentration administrative). Même dans les environnements stables, les gouvernements locaux sont dans bien des cas incapables d’effectuer les tâches qui leur ont été assignées, à cause du manque de ressources et/ou de capacités. Dans bien des cas, la décentralisation ne remplit pas l’objectif de rendre les gouvernements plus réceptifs et responsables, par exemple parce que les élites locales influencent les processus de décisions en leur faveur, ou parce que les mécanismes standard de responsabilité ne fonctionnent pas bien dans des contextes où la capacité est limitée et les informations rares. L’examen du principe Ne pas nuire par l’OCDE signale le danger de la déconcentration et de la décentralisation dans les situations où l’État central est affaibli, ou lorsque le pouvoir est divisé entre différentes factions (OCDE, 2010g), dans la mesure où la décentralisation peut aggraver les divisions existantes. En même temps, la décentralisation peut être une contribution importante aux progrès de la participation et de la responsabilité publique, et par conséquent à des relations positives entre l’État et la société dans les contextes qui en manquent le plus. En Sierra Leone, le Rapport Pays note que « la décentralisation et la passation des pouvoirs est une activité importante de la consolidation de la paix et du renforcement de l’État » et que « le processus de décentralisation a fait beaucoup pour réparer certains des défauts fondamentaux de la structure politique originale de la Sierra Leone. » », extrait de « Conflits et fragilité - Suivi des Principes pour l’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport global, Éditions OCDE, 3 septembre 2010, page 26.
  • [27]
    « L’un des problèmes clés de l’Afrique réside dans les tiraillements entre processus électoral et stabilité. Récemment et dans plusieurs cas, dont ceux du Nigéria, du Kenya et du Zimbabwe, le processus électoral s’est révélé être une cause majeure d’instabilité politique et une source de nouvelles difficultés en matière de sécurité. Par ailleurs, dans le contexte actuel, les États, et plus particulièrement ceux qui, au sortir d’un conflit, amorcent un processus de démocratisation, sont confrontés à un défi majeur : répondre aux attentes de la population. Les promesses faites pendant les élections sont souvent irréalistes, et les choix politiques dictés par les pays donateurs (ce qui nous renvoie une fois de plus au problème de l’appropriation nationale des projets) », Observatoire de l’Afrique, Rapport de conférence, « Les États fragiles en Afrique : un paradigme utile pour l’action », Afrique du Sud, 12 et 13 mai 2008, p. 8.
  • [28]
    De plus, les candidats aux élections promettent ce qu’ils ne pourront pas offrir et l’éventuelle légitimité électorale initiale est balayée par la réalité postélectorale.
  • [29]
    Suivi des « Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport OCDE, 2010.
  • [30]
    Idem.
  • [31]
    « Reconnaître que les sociétés post-crise fournissent l’occasion de négocier un nouveau contrat social – le pacte entre l’État et les citoyens. Actuellement, cette occasion n’est pas toujours saisie. La plupart des consultations ont souligné que les causes profondes de la fragilité demeurent dans de nombreux cas. Les efforts pour restaurer le tissu social sont toujours limités. Il y a dans de nombreux cas une déconnexion persistante entre les élites et les citoyens ordinaires, et parfois entre groupes sociaux ou identitaires (régions, clans, ethnies). Les modalités et les volumes de l’aide varient de province à province et/ou entre différents groupes sociaux : c’est un motif d’inquiétude car ils risquent d’aggraver les divisions existantes. La décentralisation peut rapprocher l’État des citoyens et améliorer la fourniture de services. Cependant, les processus de ce type doivent être gérés avec attention, notamment dans les contextes où le gouvernement central est faible et la société est traversée par des lignes de faille », in « Suivi des Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », Rapport global 2010, OCDE.
  • [32]
    Cf. à ce sujet l’article « La validité de la détermination internationale d’une source unique de légitimité du pouvoir interne », Civitas Europa, éd. PUN, juillet 2001, pp. 225-244.
  • [33]
    « […] conçu traditionnellement comme un instrument de coordination des souverainetés, le droit international se voit investi aujourd’hui d’une mission de transformation de la société internationale et mis au service de finalités telles que la paix, la protection des droits de l’homme, le développement durable et la préservation environnementale de la planète » J.-A. CARRILLO-SALCEDO, « Droit international et souveraineté des États », RCADI, 1996, t. 257, p. 217.
  • [34]
    Cour Internationale de Justice, Arrêt Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, 1986, § 205.
  • [35]
    Cour internationale de justice, Avis sur le Sahara occidental, 16 octobre 1975, p. 43.
  • [36]
    Article 9 des Accords ACP de Cotonou (23 juin 2000) : « […] Les parties réaffirment que la démocratisation, le développement et la protection des libertés fondamentales et des droits de l’homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement. Les principes démocratiques sont des principes universellement reconnus sur lesquels se fonde l’organisation de l’État pour assurer la légitimité de son autorité, la légalité de ses actions qui se reflète dans son système constitutionnel, législatif et réglementaire, et l’existence de mécanismes de participation. Sur la base des principes universellement reconnus, chaque pays développe sa culture démocratique. »
  • [37]
    Cf. les règles communautaires de conduite posées dans les règlements du Conseil (règlements (CE) n° 975 et 976/1999 du 29 avril 1999) et le financement par l’Union européenne de l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (doté d’un budget d’1,1 milliards d’euros pour la période 2007-2013) axé sur quatre objectifs dont celui de « renforcer la démocratie, la bonne gouvernance et l’État de droit (soutien au pluralisme politique, à la liberté de la presse et au bon fonctionnement de la justice). A titre d’exemple, la Biélorussie a été sanctionnée à la suite des lourdes fraudes électorales lors de l’élection présidentielle du 19 mars 2006 au regard de l’atteinte ainsi portée aux principes de l’État de droit et de la démocratie.
  • [38]
    Cour permanente de justice internationale, Avis consultatif sur les “Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc”, 7 février 1923, Série B, n° 4, p. 24.
  • [39]
    J. COMBACAU, « L’internationalisation formelle résultant de l’engagement interétatique a raison du caractère matériellement interne de l’objet qu’il couvre », in Le devoir d’ingérence, Bettati-Kouchner, Paris, Denoël, 1987.
  • [40]
    Cf. à ce sujet le rapport de la Conférence organisée le 27 mars 2007 par le CPHS (Programme du CERI sur la Paix et la Sécurité Humaine) « Les « États fragiles » constituent-ils une menace pour la sécurité internationale? », (http://www.peacecenter.sciences-po.fr/).
  • [41]
    Assemblée générale des Nations unies, Résolution 48/152, Situation des droits de l’homme en Afghanistan, 7 février 1994.
  • [42]
    Cf. à ce sujet, A. MOINE, L’émergence d’un principe d’élections libres en droit international public, thèse soutenue le 24 janvier 1998, Université Nancy 2.
  • [43]
    Inégalité entre les États dits fragiles et ceux qui ne le seraient pas, inégalité également entre les différents États fragiles. Les exemples de la Somalie déliquescente, de l’Irak déconstruit ou de l’Afghanistan à construire en témoignent.
  • [44]
    Le Fund for Peace propose un « Failed State Index » comportant des indicateurs sociaux [pression démographique croissante ; mouvements massifs de réfugiés ou de déplacés internes (Internally Displaced Persons, IDPs) ; discrimination envers certains groupes, paranoïa des groupes, ce qui peut causer des situations de guerre civile larvée, de vengeance ; migration chronique vers l’extérieur], économiques [développement économique limité à des frontières sociales identifiables ; fort déclin économique] et politiques [criminalisation et/ou délégitimation de l’État ; dégradation progressive du service public ; interruption ou application arbitraire d’un État de droit et large violation des droits de l’Homme ; appareil de sécurité fonctionnant comme un État dans l’État ; méfiance à l’égard des élites ; intervention d’autres États ou d’autres acteurs politiques].
  • [45]
    Rapport global de l’OCDE de 2010 sur le « Suivi des Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires », p. 12 (NB : document dense et significatif d’évaluation des politiques en la matière).
  • [46]
    Certains auteurs proposent une distinction entre l’État souverain de jure ou de facto comme le proposait déjà au XIVe siècle le juriste italien Balde de Ubaldis, cf. par exemple, à ce sujet, Claude Duval et François Ettori, « États fragiles… ou états autres ? Comment repenser l’aide à leur développement, notamment en Afrique ? », Géostratégiques, n° 25, octobre 2009, pp. 43 à 55.
  • [47]
    « L’État doit donc assumer des fonctions à la fois de garant, d’arbitre et de régulateur de l’intérêt général, de l’équité et de l’égalité de tous les citoyens : le manque d’interfaces de dialogue et la faible association des populations à l’exercice du pouvoir contribuent en effet à rendre conflictuelles les relations entre l’État et la société, ainsi qu’au sein même des populations », « Position de la France sur les États fragiles et les situations de fragilité », Stratégie validée par le co-secrétariat du CICID (Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement) le 27 septembre 2007.
  • [48]
    Cf. à ce sujet Robert Schütte, « La sécurité humaine et l’État fragile », in Revue de la Sécurité Humaine/ Human Security Journal, fév. 2007, pp. 89 à 96.
  • [49]
    G. BURDEAU, « L’État arrive souvent à n’être que l’alibi de ceux qui gouvernent en son nom. […] L’État, colonisé par ceux qui ne devraient en être que les serviteurs, devient alors […] le paravent d’une entreprise de domination. Le mythe dégénère en mystification de l’État, imaginé pour purifier le pouvoir de toutes les faiblesses humaines en arrive à leur servir de justification », in L’État, éd. Points Essais, 2009.
  • [50]
    « […] l’origine première du droit international […] résulte des contraintes matérielles de la coexistence, prolongées et amplifiées par les nécessités de la coopération, et non pas du tout d’une volonté particulière à chaque souveraineté de s’autolimiter », P.-M. DUPUY, Droit international public, 3e èd., Paris, Dalloz, 1995, p. 23.
  • [51]
    « Le Droit n’est pas une manifestation de la solidarité sociale, mais celle d’un conflit d’intérêts […] », G. VLACHOS, Quelques considérations sur le Droit et la Sanction, Etudes en l’honneur de Georges Scelle, Paris, LGDJ, 1950, 597 p.
  • [52]
    « Je suis parfaitement conscient que «tout droit est un droit finalisé» (Brigitte Stern), puisque aussi bien, par son contenu, toute norme - celle du droit international comme celle du droit interne - vise un objectif, lequel ne peut être que méta-juridique, en d’autres termes: politique. En ce sens, il est vrai que le droit - par sa substance - n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens ou, si l’on préfère, qu’aucune règle juridique n’est politiquement innocente. Il est vrai aussi, comme le montre Madame Chemillier Gendreau, que la norme fixe, à un moment donné, le rapport de forces et des contradictions et constitue par là même un moyen, au moins temporaire, d’apaisement des oppositions d’intérêts. Le système normatif n’est pas autre chose qu’un outil, manié certes par les juristes, mais dont la substance est déterminée par des politiciens au service d’objectifs de caractère politique :»Ce ne sont pas les juristes qui font le droit, mais les politiques», dit très justement Alain Pellet », P. WEIL, « Conclusion » in La formation des normes en droit international du développement, Paris, CNRS, 1984, 363 p..
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.170

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions