Utilisé de tous côtés à des fins polémiques, le terme de novlangue semble avoir aujourd’hui déchu au rang de poncif. Certains l’emploient pour critiquer l’écriture dite inclusive, ou les mots et tournures obéissant au « politiquement correct », parce qu’ils permettent à des groupes sociaux minoritaires et politisés d’imposer au plus grand nombre une vision déformée du monde social. D’autres y font référence pour désigner la « guerre des mots » menée par la bourgeoisie afin d’asseoir dans les esprits sa position dominante, prolongeant ainsi la lutte de classe dans le champ médiatique et politique. Il semble même, pour finir, que le terme en vienne à qualifier toute forme de dégradation de la langue, lorsqu’il sert par exemple à déplorer la présence croissante d’anglicismes dans la langue française, le recours au « langage SMS » ou l’abus de tel ou tel jargon professionnel. En somme, le concept de novlangue a perdu en précision ce qu’il a gagné en extension.
Dans ces conditions, il peut être utile de revenir à la Défense et illustration de la novlangue française publiée en 2005 par Jaime Semprun – et ce d’autant plus que ce petit essai au titre ironique était à l’époque passé presque inaperçu. Il est vrai qu’à la différence de son père Jorge (avec lequel il avait rompu très tôt), Jaime Semprun cultivait une discrétion absolue, se tenant à distance des médias, du pouvoir et des coteries intellectuelles. Marqué par le mouvement situationniste, dont il avait infléchi l’héritage en direction d’une critique de la société industrielle, il en avait gardé une hostilité absolue non seulement à l’encontre du capitalisme, de l’État et de la « société du spectacle », mais aussi vis-à-vis de ceux qui font profession de s’y opposer, qu’ils soient militants, politiciens ou universitaires…
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