Cités 2014/4 n° 60

Couverture de CITE_060

Article de revue

Sommes-nous libres par rapport à nos désirs sexuels ? Une perspective neuroscientifique

Pages 105 à 127

Notes

  • [1]
    A. Green, Les Chaînes d’Éros : Actualité du sexuel, Paris, Odile Jacob, 1997.
  • [2]
    S. Stoléru, « Comprendre les comportements sexuels qui posent des problèmes sociétaux », Article paru dans LeMonde.fr, 22/06/2012. http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/22/comprendre-les-comportements-sexuels-qui-posent-des-problemes-societaux_1722888_3232.html?xtmc=&xtcr=3. Consulté le 08/02/2014.
  • [3]
    S. Freud, « Two Encyclopaedia Articles. Psychoanalysis and libidotheory », The standard edition of the complete psychological works of Sigmund Freud, vol. 18, Londres, The Hogarth Press, 1923, p. 235-259.
  • [4]
    J. C. Guillebaud, La Tyrannie du plaisir, Paris, Le Seuil, 1998.
  • [5]
    Platon, La République, tr. fr. R. Baccou, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, Livre IX, 573 (d)-575 (a).
  • [6]
    B. Spinoza, Éthique (1677), partie 5, proposition 3 (trad. Saisset). http://www.spinozaetnous.org/ethiq/ethiq5.htm, consulté le 01/03/2014.
  • [7]
    M. F. Mendez, T. Chow, J. Ringman et al., « Pedophilia and temporal lobe disturbances », J Neuropsychiatry Clin Neurosci, vol. 12, 2000, p. 71-76.
  • [8]
    S. Stoléru, « Cerveau et sexualité », Revue Internationale de Psychopathologie, 1995, N°19, p. 335-350.
  • [9]
    J. Devinsky, O. Sacks, O. Devinsky, « Kluver-Bucy syndrome, hypersexuality, and the law », Neurocase, vol. 16, 2010, p. 140-145. Epub 2009 Nov 18.
  • [10]
    J. Redouté, S. Stoléru, M.-C. Grégoire et al., « Brain processing of visual sexual stimuli in human males », Human Brain Mapping, vol. 11, 2000, p. 162-177.
  • [11]
    Le gyrus angulaire du lobule pariétal inférieur dessine un arc au-dessus de l’extrémité postérieure du sillon temporal supérieur, arc qui va de l’extrémité postérieure du gyrus temporal supérieur à celle du gyrus temporal moyen.
  • [12]
    S. Stoléru, V. Fonteille, C. Cornélis, C. Joyal, V. Moulier, « Functional neuroimaging studies of sexual arousal and orgasm in healthy men and women: a review and meta-analysis », Neurosci Biobehav Rev, vol. 36, 2012, p. 1481-1509. doi : 10.1016/j.neubiorev.2012.03.006.
  • [13]
    B. Schiffer, T. Peschel, T. Paul, et al., « Structural brain abnormalities in the frontostriatal system and cerebellum in pedophilia », J Psychiatr Res, vol. 41, 2007, p. 753-762.
  • [14]
    T. B. Poeppl, J. Nitschke, P. Santtila, M. Schecklmann, B. Langguth, M. W. Greenlee, M. Osterheider, A. Mokros, « Association between brain structure and phenotypic characteristics in pedophilia », J. Psychiatr. Res, vol. 47, 2013, p. 678-685.
  • [15]
    V. Moulier. Étude en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle des corrélats cérébraux de l’excitation sexuelle chez des patients pédophiles. Thèse de Sciences Cognitives, Université Paris 6, 2009.
  • [16]
    G. Sevinc, R. N. Spreng, « Contextual and Perceptual Brain Processes Underlying Moral Cognition: A Quantitative Meta-Analysis of Moral Reasoning and Moral Emotions », PLoS ONE, vol. 9(2), 2014, e87427. doi :10.1371/journal.pone.0087427
  • [17]
    G. Sevinc, R. N. Spreng, op. cit. ; J. M. Burns, R. H. Swerdlow, « Right orbitofrontal tumor with pedophilia symptom and constructional apraxia sign », Arch Neurol, vol. 60, 2003, p. 437-440.
  • [18]
    A. Jhanjee, K.S. Anand, B.K. Bajaj, « Hypersexual features in Huntington’s disease », Singapore Med. J., vol. 52, 2011, e131-133.
  • [19]
    G. Huntington, « On Chorea », The Medical and Surgical Reporter: A Weekly Journal, vol. 26, 1872, p. 317-321. Reproduit in G. Huntington « On Chorea », The Journal of Neuropsychiatry and Clinical Neurosciences, vol. 15, 2003, p. 109-112. doi :10.1176/appi.neuropsych.15.1.109
  • [20]
    L’orientation hétérosexuelle fut déterminée à l’aide de questionnaires. Elle fut confirmée lors de l’expérience par les réponses érectiles à la présentation de stimuli sexuels visuels (femmes dévêtues), enregistrées objectivement à l’aide d’un dispositif de pléthysmographie pénienne. À l’inverse, dans certaines de nos études, des stimuli sexuels visuels représentant des hommes furent présentés et ne suscitèrent aucune réponse érectile chez les hétérosexuels, mais en déclenchèrent chez les homosexuels.
  • [21]
    http://www.lecorpshumain.fr/anatomie/les-hemispheres-cerebraux/les-hemispheres-cerebraux-le-cerveau-sous-toutes-ses-faces.html
  • [22]
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Claustrum
  • [23]
    http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_06/d_06_cr/d_06_cr_mou/d_06_cr_mou.html
  • [24]
    S. Freud, Le Moi et le Ça (1923), Paris, Payot, 2010.
  • [25]
    K. Amemori, A. M. Graybiel, « Localized microstimulation of primate pregenual cingulate cortex induces negative decision-making », Nat Neurosci, vol. 15, 2012, p. 776-785.
  • [26]
    M. Beauregard, J. Lévesque, P. Bourgouin, « Neural correlates of conscious selfregulation of emotion », Journal of Neuroscience, vol. 21, 2001, RC165.
  • [27]
    O. Gillath, M. Canterberry, « Neural correlates of exposure to subliminal and supraliminal sexual cues », Soc Cogn Affect Neurosci, vol. 7, 2012, p. 924-936. doi : 10.1093/scan/nsr065 ; L. B. Legrand, M. Del Zotto, R. Tyrand, A. J. Pegna, « Basic instinct undressed: early spatiotemporal processing for primary sexual characteristics », PLoS One, vol. 8, 2013, e69726. doi : 10.1371/journal.pone.0069726.
  • [28]
    B. Libet, E. W. Jr Wright, C. A. Gleason, « Preparation- or intention-to-act, in relation to pre-event potentials recorded at the vertex », Electroencephalogr Clin Neurophysiol, vol. 56, 1983, p. 367-372.
  • [29]
    N. Marupaka, L. R. Iyer, A. A. Minai, « Connectivity and thought: the influence of semantic network structure in a neurodynamical model of thinking », Neural Netw, vol. 32, 2012, p. 147-158. doi : 10.1016/j.neunet.2012.02.004. Epub 2012 Feb 14.
  • [30]
    B. Pakkenberg, H. J. J. Gundersen, « Neocortical neuron number in humans: effect of sex and age », Comp Neurol, vol. 384, 1997, p. 312-320.
  • [31]
    Y. Tang, J. R. Nyengaard, D. M. De Groot, H. J. Gundersen, « Total regional and global number of synapses in the human brain neocortex », Synapse, vol. 41, 2001, p. 258-273.
  • [32]
    B. Spinoza, op. cit., partie 5, proposition 3.
  • [33]
    S. Dehaene, J.-P. Changeux, « Experimental and theoretical approaches to conscious processing », Neuron, vol. 70, 2011, p. 200-227.
  • [34]
    S. Dehaene, J.-P. Changeux, L. Naccache, J. Sackur, C. Sergent, « Conscious, preconscious, and subliminal processing: a testable taxonomy », Trends Cogn Sci., vol. 10, mai 2006, p. 204-211. Epub 2006 Apr 17.
  • [35]
    S. Stoléru, V. Fonteille, C. Cornélis, C. Joyal, V. Moulier, « Functional neuroimaging studies of sexual arousal and orgasm in healthy men and women: a review and meta-analysis », Neurosci Biobehav Rev, vol. 36, 2012, p. 1481-1509. doi : 10.1016/j.neubiorev.2012.03.006.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    J. Georgiadis, R. Kortekaas, R. Kuipers, A. Nieuwenburg, J. Pruim, A. Reinders, G. Holstege, « Regional cerebral blood flow changes associated with clitorally induced orgasm in healthy women », European Journal of Neuroscience, vol. 24, 2006, p. 3305-3316 ; J. R. Georgiadis, A. A. Reinders, A. M. Paans, R. Renken, R. Kortekaas, « Men versus women on sexual brain function: prominent differences during tactile genital stimulation, but not during orgasm », Hum Brain Mapp, vol. 30(10), octobre 2009, p. 3089-3101. doi : 10.1002/hbm.20733.
  • [38]
    T. B. Poeppl, B. Langguth, A. R. Laird, S. B. Eickhoff, « The functional neuroanatomy of male psychosexual and physiosexual arousal: A quantitative meta-analysis », Hum Brain Mapp, vol. 35 (4), avril 2014, p. 1404-1421. doi : 10.1002/hbm.22262.
English version

Introduction

1Les enseignements de Freud, en particulier ceux qui ont trait à la sexualité, sont tellement tombés en disgrâce dans les milieux intellectuels, et cela même chez certains psychanalystes, qu’A. Green a jugé essentiel il y a quelques années de rappeler l’importance du sexuel dans « Les Chaînes d’Éros : Actualité du sexuel [1] ». Quant aux neurosciences cognitives, elles ne s’intéressent guère, surtout en France, aux « cognitions sexuelles », qui paraissent leur être masquées par un voile pudique. Ce n’est pourtant pas que la société manque d’intérêt pour ces questions. Faites une petite expérience : tapez dans le moteur de recherche Google.com l’expression « human sexuality », et vous obtiendrez 1.620.000 résultats (consultation le 01/03/14), tandis que tapez « human aggression » et vous obtiendrez 181.000 résultats (le 01/03/14). En revanche, quittez le domaine des sites Internet grand public, ouvrez PubMed, le moteur de recherche en littérature biomédicale, et tapez l’expression « brain sexuality », après avoir activé les filtres « Humans » et « Field: Title/Abstract » ; vous obtiendrez 110 références d’articles (le 01/03/14), tandis que taper « brain aggression » identifie 793 références (le 01/03/14). Il y a clairement un lien statistique entre le media de publication (sites internet grand public versus articles scientifiques biomédicaux) et la thématique traitée (sexualité versus agressivité), avec un nombre bien moindre de publications biomédicales sur les relations entre le cerveau et la sexualité humaine que celui auquel on s’attendrait en l’absence de lien statistique.

2Pourtant, nous aurions bien besoin d’outils scientifiques pour comprendre les ressorts cérébraux de la sexualité humaine et ce n’est pas l’actualité politique qui ferait défaut si nous cherchions des terrains d’application de cette compréhension. Ne nous voilons pas la face : il n’est pas exagéré d’affirmer que, dans un passé récent, le destin de notre nation paraît en partie s’être joué, et cela à plusieurs reprises, sur des événements centrés sur la vie sexuelle de ses hommes politiques. Et nous ne comprenons pas, scientifiquement, ce qui est arrivé [2].

En quoi nos désirs sexuels consistent-ils ?

3 Cette question, en apparence très simple, ne l’est pas. Deux mots accolés sont à définir. Qu’est-ce qu’un désir ? Qu’est-ce qui est sexuel ? Plutôt que de tenter de fournir une définition unanimement acceptée, les éléments de réponse donnés ci-dessous ont pour but de clarifier ce que nous entendrons dans la suite de ce texte par l’expression « désir sexuel ». Par « désir sexuel », nous faisons ici référence à la propension, à l’élan, à la poussée motrice qui nous inclinent à nous engager activement dans une action, ou une séquence d’actions, à caractère sexuel. Par action à caractère sexuel, nous désignons une action qui procure un plaisir au niveau de la région génitale, que celle-ci soit directement stimulée ou qu’elle le soit indirectement. Directement stimulée, elle l’est lors de stimulations appliquées dans cette zone. Indirectement stimulée, elle l’est lors de caresses ou autres stimulations dans d’autre régions du corps (la bouche, les seins, etc.) ou lors de stimulations intéressant d’autres canaux sensoriels que le toucher : la vue, l’ouïe, l’odorat. Le désir sexuel, c’est donc l’élément moteur de l’excitation sexuelle, c’est l’énergie que Freud appelait libido [3]. Bien entendu, le désir sexuel est presque toujours associé à des représentations motrices figurant l’action à caractère sexuel ainsi que l’objet impliqué par ces actions. Ce désir peut être éprouvé en présence de stimulations extérieures effectives (une personne présente) ou être déclenché par des processus internes (une personne imaginée) et/ou sous l’effet de la combinaison des deux phénomènes (une personne imaginée après qu’elle a été effectivement présente, par exemple).

Qu’est-ce qu’être libre par rapport à nos désirs sexuels ?

4L’idée, ici aussi, paraît simple de prime abord. Être libre par rapport à nos désirs sexuels, ce serait pouvoir penser et agir sans être dominé par ceux-ci, sans en être l’esclave [4]. Ce serait ne pas laisser « le tyran Éros s’installer dans son âme et en gouverner tous les mouvements. […] Éros, qui vit en lui tyranniquement dans un désordre et un dérèglement complets, parce qu’il est le seul maître, poussera le malheureux dont il occupe l’âme, comme un tyran la cité, à tout oser pour le nourrir, lui et la cohue des désirs qui l’entourent [5] » (Platon). Être libre par rapport à nos désirs sexuels, ce serait avoir réussi à suivre Spinoza quand il énonce : « Une affection passive cesse d’être passive aussitôt que nous nous en formons une idée claire et distincte [6] ». On voit que, selon Spinoza, cette voie vers la liberté passe par la suppression de la passivité (« je ne suis plus mené par mes désirs ») sous l’effet d’une connaissance de ces désirs qui soit claire et distincte, et donc consciente. En d’autres termes, l’activité qu’implique ma prise de connaissance, consciente, de mes désirs me permet de me libérer de ma passivité vis-à-vis de ceux-ci. Cela ne signifie pas les supprimer, mais les intégrer dans le champ de son Moi actif.

5On pourrait aussi entendre l’expression « être libre par rapport à ses désirs sexuels » depuis le point de vue opposé : être libre, ce serait ne pas être contraint par des barrières morales excessives, des refoulements massifs, un Surmoi intransigeant. Nous n’avons pas envisagé la question sous cet angle-là. Nous avons plutôt tenté de voir si, d’un point de vue neuroscientifique, il était possible de s’affranchir de l’empire de ses désirs sexuels autrement qu’en élaborant de telles barrières qui constitueraient elles-mêmes une nouvelle forme de contrainte.

6Certains pourraient s’étonner de notre manière de poser le problème (« Sommes-nous libres par rapport à nos désirs sexuels ? »). N’est-il pas évident, c’est presque une affaire de définition, diront-ils, que nous ne sommes pas libres par rapport à ces désirs ? Pourtant, nous pensons, pour notre part, que cette question se pose bien dans ces termes et cela pour plusieurs raisons, dont les deux suivantes : 1/ en 2013, nous avons été sollicités par une association de scientifiques pour présenter une communication sur la thématique « La liberté et le cerveau de l’homme ». Leur questionnement était : pour un « homme neuronal », où se situe la liberté ? Comment nos instincts, nos conditionnements influent-ils sur notre sexualité ? 2/ Si nous ne sommes pas libres par rapport à nos désirs sexuels, si nous n’avons aucune part de liberté vis-à-vis d’eux et s’ils nous dominent totalement, alors à quoi bon juger les auteurs d’agressions sexuelles ? Ils ne sont pas coupables puisque entièrement sous l’emprise de leurs désirs et sans liberté aucune vis-à-vis d’eux. À quoi bon éduquer les enfants et les adolescents, puisqu’ils succomberont forcément à leurs tentations ?

Le cerveau comme tyran sexuel

1/ Les pathologies neurologiques organiques

7Il existe des cas où des infractions sexuelles sur enfants (ou le visionnage de pédopornographie) ont été commises par des personnes présentant, au moment des faits, une tumeur cérébrale localisée dans le lobe temporal droit. Une série d’arguments tend à confirmer l’hypothèse selon laquelle les tumeurs de cette région peuvent jouer un rôle de facteur facilitant le comportement incriminé. (1) La littérature clinique a documenté des cas de décompensation à l’âge adulte d’un intérêt sexuel pour les enfants chez des patients présentant une baisse récente de l’activité métabolique dans le lobe temporal droit [7]. Dans ces cas, un tel comportement avait bien été noté dans les antécédents mais l’anamnèse n’avait pas relevé de rechute avant la survenue d’une pathologie neurologique affectant le lobe temporal droit. (2) Chez certains patients présentant une épilepsie temporale droite, apparaissent, au moment des crises, des manifestations sexuelles, qui peuvent être mises en relation avec la perturbation du fonctionnement normal de ce lobe temporal droit [8]. De même, la littérature scientifique révèle que l’ablation chirurgicale du lobe temporal droit peut être à l’origine de l’apparition d’un syndrome d’hypersexualité [9]. (3) En utilisant la Tomographie par Émission de Positons, qui est une technique de neuroimagerie fonctionnelle, notre groupe a montré [10], chez des hommes sans trouble clinique, que la présentation de photos érotiques induisait une baisse de l’activité de plusieurs régions temporales, parmi lesquelles la partie postérieure du lobe temporal droit et le gyrus angulaire [11]. Les résultats d’autres auteurs ont confirmé ceux de notre étude [12]. Ces travaux nous ont amenés à émettre l’interprétation selon laquelle l’apparition d’un état d’excitation sexuelle est facilitée par la levée de l’inhibition exercée par ces différentes régions du lobe temporal et par le gyrus angulaire. En d’autres termes, selon cette interprétation, l’activité de ces régions, parmi lesquelles figure la partie postérieure du lobe temporal droit, exerce une fonction inhibitrice sur le déploiement de l’état d’excitation sexuelle. (4) Un ar- ticle [13] montre que la partie postérieure du lobe temporal droit présente un volume plus faible chez des patients pédophiles que chez des hommes sans trouble clinique. Une autre publication a montré une corrélation négative entre le volume de matière grise du gyrus angulaire (de manière bilatérale) et l’âge des victimes des pédophiles [14]. Ceci signifie que plus la réduction du volume de matière grise dans les gyri angulaires est prononcée, plus l’âge des enfants victimes est bas. (5) Les travaux de notre équipe ont montré que, en réponse à la présentation d’images d’enfants ne revêtant aucun caractère pornographique, la partie postérieure du lobe temporal droit présente une activation plus élevée chez des hommes sans trouble clinique que chez des patients pédophiles [15]. En d’autres termes, chez des hommes ne présentant pas d’attirance sexuelle pour les enfants, cette partie du lobe temporal droit s’active en réponse à la présentation d’images d’enfants, alors qu’elle s’active moins chez les patients attirés sexuellement par les enfants. Ce résultat indique que cette partie du cortex pourrait inhiber l’attirance sexuelle chez les hommes non attirés par les enfants, fonction qu’elle ne remplirait pas chez les patients. (6) Les travaux sur les régions cérébrales dont l’activation est corrélée au fait de ressentir des « sentiments moraux », tels que le sentiment de culpabilité, la honte, la gêne, l’embarras, ont montré que l’activation des lobes temporaux et du gyrus angulaire droit est liée à ces sentiments. Or, ces sentiments sont de nature à inhiber l’expression de désirs sexuels que les sujets jugent inappropriés [16]. Des développements analogues peuvent être effectués concernant les tumeurs localisées dans le cortex préfrontal dorsomédial et orbitofrontal médial [17]. D’autres types de maladies du cerveau peuvent entraîner des troubles du comportement sexuel à type d’hypersexualité, chez les femmes et chez les hommes. Une femme âgée de 30 ans se présenta à une consultation de neurologie avec des mouvements involontaires des quatre membres et du visage depuis une durée d’un an et demi [18]. De plus, elle rapportait une augmentation de son désir sexuel, avec un intérêt accru pour les conversations à ce sujet et une demande élevée de rapports sexuels depuis plusieurs mois. Dans le bureau du médecin, son comportement paraissait désinhibé, avec des tentatives fréquentes pour tenir la main du médecin pendant l’examen et pour se rapprocher autant que possible du siège où il était assis. Un examen radiologique montra une atrophie d’une partie des noyaux gris centraux appelée noyau caudé. Finalement, le diagnostic de chorée de Huntington fut porté. Dans sa première description de cette maladie, le Dr George Huntington [19] rapporta le cas de deux hommes mariés « qui font constamment l’amour à quelque jeune dame, et ne paraissent pas conscients qu’il y ait en cela quelque impropriété que ce soit. […] Ce sont des hommes d’environ 50 ans mais ils ne laissent jamais passer une occasion de flirter avec une fille sans en tirer parti ». Il ne s’agit plus ici d’une affection tumorale mais d’une maladie dégénérative. On pourrait ajouter plusieurs autres types de maladies du cerveau dont les symptômes peuvent comporter des manifestations sexuelles.

8Ces études illustrent 1/ comment les connaissances générées par les neurosciences interrogent la notion de libre-arbitre face aux pulsions sexuelles : les patients porteurs de tumeurs cérébrales temporales droites ont-ils été libres face au choix de l’objet sexuel qui faisait l’objet de leur attirance et face à la décision de passer ou non à l’acte ? 2/ Comment les connaissances générées par les neurosciences sont de nature à avoir une incidence sur la décision judiciaire à rendre quand les troubles du comportement liés à des altérations cérébrales ont un caractère d’infraction sexuelle.

9Les maladies cérébrales considérées ci-dessus se caractérisent par des lésions, c’est-à-dire des anomalies identifiables, dès qu’elles sont suffisamment développées, à l’aide d’examens spécialisés (radiologie, imagerie par résonance magnétique, notamment). Il faut noter que ce n’est pas l’anomalie morphologique qui, en elle-même et par elle-même, induit le trouble. L’anomalie morphologique n’induit le trouble que par les perturbations fonctionnelles qu’elle provoque. Par exemple, une tumeur de type méningiome va pouvoir induire des troubles parce qu’elle comprime directement les neurones qui sont dans son voisinage et/ou parce qu’elle comprime les vaisseaux – artères, capillaires, veines – dont ces neurones dépendent.

2/ Les processus fonctionnels

10Il est relativement facile d’admettre que la responsabilité d’un individu vis-à-vis de ses actes délictueux est amoindrie, voire annulée, par la présence d’un processus pathologique organique, visible à l’œil nu, tel qu’une tumeur. On se dit alors, plus ou moins explicitement, que la tumeur empêche le sujet de disposer pleinement de son libre-arbitre ou, en termes juridiques, qu’elle a altéré ou aboli chez la personne son discernement ou le contrôle de ses actes au sens de l’article 122-1 du Code Pénal. Une personne n’étant pas responsable du développement d’un méningiome, on en conclut qu’elle n’est pas responsable des altérations du fonctionnement cérébral découlant de ce méningiome.

11Il est plus difficile en revanche d’admettre qu’un processus d’allure purement fonctionnelle – altérant le fonctionnement cérébral sans lésion objectivable – puisse amoindrir la responsabilité individuelle. Pourtant, on sait aujourd’hui que dans plusieurs maladies neurologiques des mécanismes moléculaires, invisibles au microscope électronique, sont impliqués dans la pathogénèse.

12Les examens en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle montrent que, en réponse à la vision d’images d’enfants, les patients pédophiles présentent dans certaines régions cérébrales une activation non observée chez des sujets sans trouble clinique. Chez ces patients, on observe, en réponse à la présentation de photos non pornographiques représentant des enfants, l’activation d’un ensemble de régions cérébrales analogue à celui qui s’active chez des sujets sans trouble clinique en réponse à des photos d’adultes. Que signifie une telle activation cérébrale ? Est-elle la cause du désir ou en est-elle simplement le reflet ? Nos désirs sexuels sont-ils le produit, c’est-à-dire la résultante, de ce pattern d’activité cérébrale ? Ou, à l’inverse, ce pattern d’activité cérébrale est-il lui-même le produit, c’est-à- dire le marqueur de nos désirs sexuels ?

13Peut-on dire que de tels patients, sans lésion cérébrale objective, sont responsables des altérations fonctionnelles observées au niveau de leur cerveau ? Selon le Larousse, est responsable celui qui doit rendre compte devant une autorité de ses actes. Si l’on admet que les éventuels passages à l’acte sont eux-mêmes liés à ces activations corrélées au désir pour les enfants, alors la question qui se pose est : ces patients doivent-ils rendre compte des activations cérébrales qu’ils présentent en réponse à des enfants ? Bien entendu, on ne reproche pas à ces personnes leurs désirs, mais leurs actes. Mais, comme le fait de se retenir de passer à l’acte est lui-même en relation avec le fonctionnement de régions cérébrales inhibitrices, un certain nombre de questions se posent à propos des relations entre responsabilité morale, culpabilité, libre-arbitre et fonctionnement cérébral.

14La question qui se pose au-delà de ces cas de pathologies morphologiquement identifiables est, en effet, la suivante : quelle est la responsabilité morale d’un individu chez lequel le trouble sexuel à l’origine d’infractions est associé à une anomalie d’allure purement fonctionnelle, sans anomalie morphologique détectable ? D’ailleurs, ces cas « purement fonctionnels » existent-ils véritablement ou leur existence apparente ne serait-elle liée qu’aux insuffisances des performances de nos méthodes actuelles d’exploration diagnostique ? À supposer que ces cas existent, est-ce qu’un individu est plus responsable du fonctionnement de son cerveau et de ses éventuelles anomalies qu’il ne l’est de sa morphologie cérébrale et des lésions susceptibles de l’affecter ? Il est généralement admis aujourd’hui qu’un individu n’est responsable ni de la nature de ses désirs et fantasmes sexuels (de leur but et de leur objet), ni de son orientation sexuelle. Il les constate en lui, il ne les a pas choisis consciemment et délibérément. En ce sens, l’expression communément utilisée « choix d’objet sexuel » est peut-être inappropriée. La lecture de Freud suggère qu’il y a bien un choix d’objet sexuel, mais qu’il est inconscient :

15

Même une personne qui a été suffisamment chanceuse pour éviter une fixation incestueuse de sa libido n’échappe pas complètement à son influence. Il arrive souvent qu’un jeune homme tombe amoureux sérieusement pour la première fois d’une femme mûre, ou qu’une fille tombe amoureuse sérieusement pour la première fois d’un homme d’un certain âge en position d’autorité; ceci est clairement un écho de la phase du développement que nous avons discutée [où les objets de la libido sont les parents] […] Il ne peut y avoir de doute que chaque choix d’objet quel qu’il soit est basé, bien que moins étroitement, sur ces prototypes. Un homme, en particulier, cherche quelqu’un qui peut représenter son image de sa mère, car elle a dominé son esprit depuis sa plus tendre enfance […]. Quand on considère l’importance que les relations d’un enfant avec ses parents ont sur la détermination de son choix d’objet sexuel ultérieur, on peut facilement comprendre que toute perturbation de ces relations produira les effets les plus graves sur sa vie sexuelle d’adulte.
S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1989.

16Si l’on admet donc assez facilement que les individus ne sont pas responsables de leurs désirs et fantasmes sexuels, et que nul ne songe – du moins aujourd’hui, dans nos cités françaises – à les poursuivre pour cela, la loi française amène à accuser les individus et à les poursuivre pour les actes – les comportements – sexuels associés à certains de ces désirs ou fantasmes, actes qui sont des infractions sexuelles. La question que je pose ici n’est pas du tout de savoir si la loi est juste ou pas ; elle est le fruit du vote du Parlement dans le cadre de la démocratie française et des lois analogues existent dans les autres démocraties occidentales. La question est d’examiner au regard des neurosciences :

17

  • dans quelle mesure les auteurs d’infractions sexuelles sont responsables de leurs actes ;
  • si tous les auteurs d’infractions sexuelles sont responsables dans la même mesure.

18La question est donc celle de l’existence du libre-arbitre en matière de sexualité, ce que les Anglo-Saxons appellent d’ailleurs « free will » en mettant l’accent sur la liberté de la volonté plutôt que sur celle du jugement, de la pensée et de la décision.

19L’une des théories les plus reconnues aujourd’hui en matière de psychobiologie de la sexualité est celle du contrôle duel de la réponse sexuelle, basé sur l’équilibre relatif entre des processus d’excitation et d’inhibition cérébraux, avec des individus différents les uns des autres tant par leur propension à l’excitation qu’à l’inhibition de leurs réponses sexuelles. Nous allons voir que cette théorie de Bancroft a été étayée par les découvertes réalisées à l’aide des techniques de neuroimagerie fonctionnelle.

3/ Modèle neurophénoménologique

20Pour illustrer la méthodologie de ces études, prenons le cas des expériences chez les volontaires hétérosexuels [20]. Une série de photos de femmes dévêtues et une série de photos de femmes habillées sont présentées. Lors de l’analyse des données, nous cherchons dans quelles régions du cerveau l’activation est plus élevée en réponse à la première catégorie de photos et inversement.

Processus activateurs

21Nous avons proposé un modèle neurophénoménologique des processus cérébraux impliqués dans l’excitation sexuelle qui comprend quatre composantes : cognitive, motivationnelle, émotionnelle et neurovégétative/endocrinienne. La composante cognitive comprend elle-même 1/ un processus d’évaluation qui caractérise les stimuli comme pertinents, ou non, sexuellement et le degré auquel ils sont stimulants sexuellement, 2/ une augmentation de l’attention pour les stimuli évalués comme pertinents sexuellement, et 3/ une imagerie motrice en relation avec des comportements sexuels désirés. Nous avons interprété l’activation du cortex orbitofrontal latéral droit, du cortex temporal inférieur droit et gauche, des lobules pariétaux supérieurs, et des aires appartenant au réseau de l’imagerie motrice (lobules pariétaux inférieurs, aire prémotrice ventrale gauche) [21], comme les corrélats neuraux de cette composante cognitive du modèle. Le processus d’évaluation est conçu comme le plus précoce et comme la première étape du déploiement de l’excitation sexuelle.

22La composante émotionnelle comprend le plaisir spécifique caractérisant l’excitation sexuelle, notamment la perception du processus érectile. Nous avons interprété l’activation de l’insula droite comme l’un des corrélats neuraux de cette composante émotionnelle. La composante motivationnelle est représentée par les processus qui dirigent le comportement vers un but sexuel, processus qui incluent la perception du désir d’exprimer un comportement sexuel. Nous avons suggéré que l’activation de la partie caudale du cortex cingulaire antérieur gauche, ainsi que celle du claustrum [22] bilatéralement, étaient des corrélats neuraux de cette composante motivationnelle.

23La composante neurovégétative/endocrinienne comprend les diverses réponses (cardiovasculaire, respiratoire, génitale, etc.) conduisant le sujet à être prêt physiologiquement pour exprimer un comportement sexuel. Nous avons proposé que l’activation de la partie rostrale du cortex cingulaire antérieur, de la partie antérieure de l’insula droite et de l’hypothalamus postérieur participait à ces processus. Les quatre composantes ci-dessus sont conçues comme étroitement coordonnées.

Processus inhibiteurs

24Par ailleurs, les processus inhibiteurs comprennent 1/ des processus actifs entre les périodes d’excitation et qui préviennent son émergence ; nous avons suggéré que ce type de contrôle était exercé par certaines régions temporales où l’activité diminue en réponse aux stimuli sexuels visuels ; 2/ des processus cognitifs qui peuvent – au moins chez les patients présentant un désir sexuel hypoactif – « dévaloriser » la pertinence sexuelle des stimuli sexuels visuels ; nous avons proposé que le cortex orbitofrontal médial intervenait dans ce type de contrôle ; et 3/ des processus qui contrôlent l’expression comportementale de l’excitation sexuelle, une fois que celle-ci a commencé à se développer ; nous avons proposé que la tête du noyau caudé droit et le putamen [23] bilatéralement participent à cette fonction.

25L’étape cruciale est donc celle – ou sont celles – où le pattern visuel se trouve doté d’une signification sexuelle. Il y a des raisons de penser que cette attribution d’une connotation motivationnelle sexuelle implique le cortex orbitofrontal. Est-ce un processus inné et, si oui, à quel point ? Est-ce un processus appris et, si oui, à quel point est-il appris et à quel âge l’est-il ? Si oui, quels sont les processus neurobiologiques qui président à cet apprentissage ? Si oui, une fois qu’il est appris, est-il réversible ?

L’équilibre relatif des processus activateurs et inhibiteurs

26La question qui se pose dès lors que nous concevons l’état de désir et d’excitation comme la résultante de processus opposés, activateurs versus inhibiteurs, est : pour un individu donné, dans un état physiologique donné, et dans des circonstances environnementales données, quel est l’équilibre relatif entre les deux systèmes ? C’est de la position de cet équilibre que dépendront le niveau de désir/excitation et le niveau d’expression comportemental de ceux-ci.

27On peut comparer cette lutte interne entre des tendances opposées, ce que Freud appelait les pulsions du Ça et le Surmoi [24], à ce qui se passe lors de la torture destinée à faire avouer quelqu’un. Jusqu’à un certain moment, jusqu’à un certain degré de torture, la personne résiste ; mais, dans certains cas, la personne, passé un certain seuil, « craque ». Ce que je trouve intéressant dans cette comparaison, c’est son aspect quantitatif. La personne peut résister à la douleur ou au désir dans une certaine mesure, jusqu’à ce que soit atteint un certain point où l’équilibre antérieur bascule.

28Si la théorie du contrôle duel de la réponse sexuelle est exacte, le passage à l’acte ou le non passage à l’acte est la résultante de l’équilibre relatif entre les deux systèmes. Le passage à l’acte peut provenir de processus d’excitation très forts ou de processus d’inhibition défaillants ou des deux. Dès lors, pourquoi, d’un point de vue neuroscientifique, considérer que l’individu n’est pas responsable de ses désirs (car il n’est pas responsable de ses processus d’excitation), alors qu’il le serait de sa capacité de les maîtriser (il serait responsable de ses processus d’inhibition) ?

29Comment le cerveau peut-il traiter les désirs primaires, en lien avec ce que l’on pourrait appeler les aires primaires du désir, un peu comme on parle d’aire visuelle primaire et comment le cerveau peut-il traiter les incitations à ne pas agir ? Une étude chez le singe macaque a permis de voir plus clairement les corrélats cérébraux de la décision qu’un comportement, littéralement, « vaut la peine » d’être exécuté, que la récompense découlant de l’acte égale ou surpasse le coût du même comportement. Chez les individus sains, le cortex cingulaire antérieur prégenual est impliqué dans l’évaluation des coûts par rapport aux bénéfices d’une action donnée. Amemori et Graybiel [25] ont constaté que le cortex cingulaire antérieur prégenual du macaque possède une organisation qui semble refléter des processus qui s’opposent, avec certains neurones représentant une valeur subjective motivationnelle positive, d’autres une valeur motivationnelle négative. La distribution spatiale de ces deux populations neuronales se chevauche dans le cortex cingulaire antérieur prégenual, sauf dans une sous-zone, où les neurones avec codage négatif sont plus nombreux. La microstimulation dans cette sous-zone, mais pas dans le reste du cortex cingulaire antérieur prégenual, augmente les prises de décision négatives, c’est-à-dire les décisions de ne pas agir. Cette augmentation est bloquée par un traitement médicamenteux anxiolytique, lequel minimise en quelque sorte l’évaluation des coûts. Cette zone corticale pourrait être critique pour réguler l’impact de la valence émotionnelle négative et de l’anxiété sur la prise de décision. Ce résultat est à rapprocher de celui d’une étude chez l’homme où il avait été demandé à des volontaires sains de tenter d’inhiber leur excitation sexuelle en réponse à la présentation d’images érotiques : une activation cingulaire prégénuale fut observée dans la même région que celle mentionnée dans l’étude sur le macaque [26]. Il est donc probable que notre cerveau est équipé de mécanismes qui sont activés lorsque nous pesons le pour et le contre en termes de valeur motivationnelle.

La conception moniste

30Revenons à l’interrogation précédente : « Nos désirs sexuels sont-ils le produit, c’est-à-dire la résultante, d’un pattern d’activité cérébrale ou, à l’inverse, ce pattern d’activité cérébrale est-il lui-même le produit, c’est-à- dire le marqueur, de nos désirs sexuels ? » Quelle est la relation entre ces processus cérébraux (d’excitation ou d’inhibition) et les cognitions, émotions, et motivations sexuelles suscitées par certains stimuli ? Certes, cet homme hétérosexuel est excité sexuellement parce qu’il voit une jeune femme dont les habits soulignent les formes. Mais est-il excité parce qu’un réseau de régions cérébrales s’est activé en réponse à ce stimulus visuel ? Ou bien ce réseau s’est-il activé parce que cet homme trouvait cette femme sexuellement attirante ? Le modèle neurophénoménologique ci-dessus pourrait sembler suggérer que nos désirs sexuels sont le produit d’un pattern d’activité cérébrale ; ce pattern d’activation pouvant lui-même dépendre de processus innés et/ou d’apprentissage. Cependant, il y a une autre conception des rapports entre activité cérébrale et désirs sexuels : c’est celle qui consiste à considérer que tout acte mental – toute pensée, tout sentiment, et tout désir – est comparable à une pièce de monnaie avec ses deux côtés, pile et face, l’un ne pouvant aller sans l’autre. Dans cette conception, la question de la direction de la causalité entre l’activité mentale et l’activité cérébrale n’a plus guère de sens, car ce sont les deux facettes d’une seule et même réalité. De plus, la réponse cérébrale et l’expérience phénoménologique dépendent de l’excitabilité du sujet, elle-même sous la dépendance de facteurs hormonaux, et elles comportent non seulement les phénomènes d’activation de la réponse sexuelle, mais aussi des phénomènes d’inhibition. Dans une perspective moniste, l’homme évoqué ci-dessus est excité en réponse à cette femme parce que, tandis que le réseau cérébral des régions impliquées dans la réponse sexuelle s’active, des éprouvés et des pensées sexuels surviennent concomitamment, comme si les deux ordres de phénomènes étaient aussi indissolublement liés et nécessaires que le sont le côté pile et le côté face d’une pièce de monnaie. Si cette dernière conception est exacte, il faut noter que les phénomènes mentaux ne sont pas tous nécessairement conscients : on peut imaginer des réactions cérébrales et comportementales non conscientes et c’est d’ailleurs ce qui s’observe expérimentalement en réponse à des stimuli subliminaux [27].

La liberté ?

31En neurobiologie, on distingue fréquemment les processus « bottom-up » et des processus « top-down » ; les premiers partent de la base, et vont vers le sommet, les seconds font le parcours inverse. Ainsi, les stimuli sexuels visuels vont de la scissure calcarine (des lobes occipitaux) au cortex orbitofrontal, décrivant le trajet bottom-up. Mais il y a des raisons de penser que des processus top-down se produisent aussi ; comment expliquer autrement que plus l’excitation sexuelle est forte en réponse à la présentation de stimuli sexuels visuels, plus prononcée est la désactivation des scissures calcarines ? Il semble donc exister une boucle de rétroaction. Si l’on admet que l’activité mentale consciente et ses corrélats neuraux sont le sommet de la boucle de rétroaction, alors on ne voit pas pourquoi on dénierait à la conscience et à ses corrélats neuraux, la capacité d’exercer une rétroaction sur les désirs et la tendance au passage à l’acte.

32Ce qui caractérise l’espèce humaine, c’est sa capacité de produire des représentations mentales conscientes. Le mot représentation vient du Latin « repraesentare », de « re », préfixe intensif, et de « praesentare », présenter, littéralement « placer devant ». Premièrement, au niveau le plus simple, se représenter un objet, cela consiste à faire apparaître, ou réapparaître, dans son champ de conscience une perception de cet objet (visuelle, auditive, etc.), accompagnée de la notion, elle aussi consciente, que cette représentation n’est pas la perception d’un objet extérieur, mais une production de son propre esprit. À un degré de plus en termes de complexité, on peut se représenter, non pas des objets concrets, mais des propriétés abstraites, telles que la longueur, le poids, la beauté, etc. À un degré de plus encore, on peut se représenter des représentations, ou des représentations de représentations de représentations, et ainsi de suite. De plus, à côté des représentations d’objets ou des représentations de représentations, nous formons sans cesse des représentations de mots, nous nous parlons à nous-mêmes ou nous parlons à autrui. Peut-être, est-ce cela réfléchir : former des représentations mentales de mots, de choses et de représentations, et ensuite les regarder, les examiner, les associer, les distinguer, une fois qu’elles sont comme réfléchies par l’écran de notre conscience ?

33La prise de conscience implique-t-elle ipso facto le libre-arbitre face à ce qui est devenu conscient ? Il y a au moins trois raisons d’en douter. Premièrement, la conscience est en grande partie spectatrice, plutôt qu’actrice, de nos émotions ; ainsi, si brusquement, alors que nous nous promenions tranquillement, nous voyons un gros serpent à quelques mètres de nous, nous serons spectateurs de notre émotion car nous aurons bondi en arrière avant même d’avoir pris conscience visuellement du reptile. Remplaçons maintenant le mot « émotions » par « désirs sexuels », la question devient : la conscience est-elle spectatrice ou actrice des désirs sexuels que nous ressentons ? Même réponse que précédemment : nous sommes les témoins de nos penchants, nous ne les choisissons guère et nous sentons notre cœur battre avant même de nous être expliqué la raison de notre émoi. Deuxièmement, la conscience, comme le suggère l’expérience de Libet et al.[28], n’est peut-être qu’un « film » en très léger différé, qui nous transmet le fruit de processus cérébraux qui ont eu lieu quelques millisecondes plus tôt, et dont nous serions alors les spectateurs, et non les scénaristes. Troisièmement, il y a aujourd’hui des raisons de penser que des réseaux d’activation neuronale (distribués dans l’espace du cerveau et caractérisés temporellement par des fréquences de décharge neuronale) s’associent à – c’est-à-dire suscitent – l’activation de réseaux d’activation neuronale voisins par leur configuration [29]. En d’autres termes, et selon cette hypothèse, l’activation d’un réseau neuronal est corrélée à la perception consciente d’une idée I. Sous l’effet de l’activation de ce premier réseau, celle d’un réseau neural similaire, corrélée à l’idée I +1, nous donne, à nous, sur le plan conscient, l’impression que le sens de l’idée I nous a fait penser à l’idée I +1. Pourtant, c’est de l’association de réseaux neuronaux qu’il s’est agi et pas d’un train d’associations dont nous serions le conducteur. Dans cette perspective et si cette hypothèse est vérifiée, y a-t-il la place pour une instance qui contrôlerait le flux des associations et la sélection de tel ou tel réseau neural qui s’activerait – plutôt qu’un autre – sous l’effet de l’activation du précédent réseau ? Cela n’est guère probable au vu de l’architecture cérébrale qui ne suggère pas l’existence d’un chef d’orchestre tout puissant, mais au contraire celle d’une large distribution spatiale de processus coopératifs.

34Cependant, un point crucial est que ces processus ne sont pas figés et ne cessent de pouvoir évoluer grâce aux apprentissages. Ces apprentissages concernent notre perception des autres, de nous-mêmes et de la relation entre nous et autrui. Plus que de liberté vis-à-vis de nos désirs sexuels, il vaut mieux parler de libération, d’augmentation de nos degrés de liberté sous l’effet de l’augmentation de notre connaissance de nous-mêmes, d’autrui et de nos relations.

35En statistique, le nombre de degrés de liberté est le nombre de données indépendantes les unes des autres dont on dispose pour effectuer un calcul. Le mot « indépendantes » est ici le plus important. On peut se servir de cette analogie pour soutenir que nous ne sommes pas absolument libres vis-à-vis de nos désirs sexuels, mais que nous disposons d’un nombre de degrés de liberté non négligeable. L’idée de ces degrés de liberté appliquée au fonctionnement cérébral, c’est que le néocortex, la partie du cerveau humain la plus évoluée et la plus importante concernant notre liberté, contient un nombre de neurones de l’ordre de 20 milliards dans l’espèce humaine [30]. Mais surtout le nombre de synapses dans le néocortex d’hommes jeunes a été estimé être de l’ordre de 164 000 milliards [31]. Disposant d’un nombre de neurones néocorticaux et de synapses extraordinairement élevé, le cerveau nous donne la possibilité 1/ non seulement d’élaborer des représentations mentales conscientes diverses et variées reposant sur l’activation de réseaux neuronaux qui eux-mêmes peuvent varier dans leur configuration dans des proportions extraordinairement grandes, mais aussi la possibilité 2/ de modifier ces représentations mentales conscientes grâce à la plasticité de ces neurones et de leurs connexions synaptiques.

36Appliquons ces idées à la question du désir sexuel. Nous sommes dotés de structures cérébrales qui déterminent en nous une propension à l’appétit sexuel, puis cet appétit est intégré dans un système complexe que nous avons appris au cours de notre développement précoce, qui va conditionner quels objets seront la cible de notre désir sexuel, quelles représentations mentales lui seront associées, dans un contexte culturel qui nous aura incités à désirer tels et tels objets, ne serait-ce que sous l’influence de la mode. L’appétit sexuel est ainsi traité par des couches neurophénoménologiques successives de plus en plus complexes et élaborées et notamment par le système verbal. Éprouver un appétit sexuel, ressentir un désir sexuel pour telle personne, fantasmer une représentation mentale de telle action dirigée vers telle personne, se dire « j’éprouve un désir sexuel pour telle personne m’amenant à vouloir effectuer tel geste », le noter dans son journal intime, l’écrire dans un poème destiné à être lu par autrui, l’exprimer à un psychanalyste ou dans un groupe de parole sont autant de couches de traitements successifs de plus en plus élaborés de l’appétit sexuel primaire. Les étapes finales sont particulièrement importantes parce qu’elles impliquent la communication du désir sexuel à autrui sur le mode verbal, de sorte que l’on peut dire que ces étapes finales du traitement neural du désir impliquent alors un autre cerveau – ou d’autres cerveaux – et le traitement langagier que cet autre va faire du désir sexuel qui lui a été ainsi communiqué. C’est une façon de concevoir les traitements psychothérapiques, individuels ou de groupe, pratiqués en particulier dans les déviations sexuelles mentionnées précédemment et qui ont une efficacité certaine, même si elle a ses limites. À l’inverse, si le désir et les représentations mentales associées ne sont pas conscients, alors ils ne peuvent pas donner lieu au traitement élaboré par couches successives que nous avons décrit, de sorte que l’individu est voué à répéter des comportements qui le piègent. Ce traitement élaboré consiste notamment dans le traitement verbal de ces représentations mentales. La mise en mots permet une augmentation de nos degrés de liberté par rapport au désir sexuel. Nous retrouvons Spinoza : « Une affection passive cesse d’être passive aussitôt que nous nous en formons une idée claire et distincte [32] ».

37Dès lors, y a-t-il un statut particulier de la conscience et de ses corrélats neuraux tel que la prise de conscience d’un désir sexuel dont l’objet ou le but sont interdits par la loi ferait que le passage à l’acte implique une responsabilité ? Faisons maintenant « une expérience dans notre fauteuil » et appliquons le modèle moniste évoqué ci-dessus à la prise de conscience d’un désir sexuel dont l’expression comportementale est interdite par la loi. Le réseau cérébral très complexe qui est corrélé à la conscience, correspondant peut-être à celui décrit par Dehaene et Changeux [33] et par Dehaene et al.[34], est activé et permet la prise de conscience de ce désir. Selon ce modèle, après un stimulus sensoriel, on observe une amplification tardive de l’activité neurale correspondante, la synchronisation cortico-corticale d’aires situées à une grande distance les unes des autres à des fréquences de décharge précises. L’accès conscient se produit lorsque les informations entrantes sont rendues globalement disponibles pour de multiples systèmes cérébraux via un réseau de neurones dotés d’axones projetant à longue distance densément distribués dans les cortex préfrontal, pariéto-temporal, et cingulaire. Puisque la prise de conscience est ici celle du caractère sexuellement excitant du stimulus sensoriel, les « multiples systèmes cérébraux » évoqués ci-dessus comprennent ceux que nous avons décrits dans notre modèle neurophénoménologique de l’excitation sexuelle [35], y compris les modules inhibiteurs appartenant à ce modèle. La prise de conscience d’une excitation sexuelle dont l’expression comportementale est interdite par la loi est censée activer les processus inhibiteurs du passage à l’acte (cf. modèle neurophénoménologique in Stoléru et al.[36]), notamment le noyau caudé droit et son corrélat phénoménologique, la tendance à se retenir d’effectuer l’action désirée. Surtout, la prise de conscience (et ses corrélats neuraux) élargit le champ des représentations mentales (et leurs corrélats neuraux) liées à cet acte potentiel, ainsi qu’à anticiper les sanctions possibles, les dommages causés à la victime, la honte, le sentiment de culpabilité et le remords qui suivront l’action désirée. Pour prendre un exemple plus bénin et en écho aux développements sur les associations de réseaux neuronaux (cf. supra), quand j’associe une idée à une autre, par exemple l’idée de magazine à l’idée de jolie fille, cette association est-elle sémantique (la jolie fille m’évoque le magazine parce que j’ai vu des jolies filles dans un magazine) ou bien est-elle le fruit de l’association de patterns d’activation neurale qui ont des configurations similaires (le pattern d’activation neurale qui me donne l’idée de jolie fille est analogue à celui qui me donne l’idée de jolies filles dans un magazine) ? Dans le deuxième cas, ma conscience n’est ni spectatrice, ni actrice, mais elle est corrélée à cette succession d’associations. Si je pose le magazine en pensant que je perds mon temps en le regardant, est-ce un acte libre de mon Moi (das Ich) ou est-ce le fruit de déterminations culturelles, de modèles d’identification, de l’équilibre spécifique qu’ont trouvé mon Ça (das Es) et mon Surmoi (Das Über-Ich), mon Moi n’en étant que le témoin ? Ou plutôt est-ce le fruit de l’association en cascade de patterns d’activation de réseaux neuronaux qui incarnent dans le cerveau ces déterminations culturelles, modèles d’identification, de l’équilibre Ça/Surmoi ? Il est sans doute impossible de trancher avec quelque certitude la question par l’introspection ou sur la base des connaissances neuroscientifiques actuelles. Encore une fois, la position qui me paraît aujourd’hui la plus adéquate est de remplacer la dichotomie « déterminations versus liberté » par une approche quantitative et d’utiliser le concept de degrés de liberté.

38Vue depuis cette perspective, la question de la responsabilité devient donc de savoir jusqu’à quel point et dans quelle mesure exacte un individu accusé d’infractions sexuelles a pris conscience « d’une excitation sexuelle dont l’expression comportementale est interdite par la loi ». Cette question rejoint celle que le juge demande à l’expert de trancher : l’accusé avait-il au moment des faits incriminés un discernement aboli ou altéré ?

39Étant donné que la prise de conscience d’un désir sexuel dont l’expression comportementale est illégale implique une responsabilité, quelle est la place de la conscience dans les réponses sexuelles ? Les « cognitions sexuelles » ne déclenchent-elles pas des altérations de la cognition consciente rationnelle ? L’une des réponses neurales les plus saillantes à la présentation d’images de femmes légèrement vêtues à des hommes hétérosexuels est la concomitance entre l’excitation sexuelle suscitée et la désactivation d’une vaste étendue du cortex temporal des deux hémisphères, du gyrus angulaire droit et du cortex orbitofrontal médial. Nous avons interprété ces désactivations comme le corrélat de la levée d’une inhibition tonique que ces régions exercent sur les mécanismes de l’excitation sexuelle. Cependant, il se pourrait également que cette désactivation corticale étendue soit corrélée à une baisse des processus cérébraux qui soutiennent la pensée rationnelle, l’état de conscience lucide et le discernement. Dans le même sens, les travaux sur l’orgasme ont montré l’étendue considérable de la désactivation corticale concomitante [37]. Pour Poeppl et al.[38], les désactivations régulièrement observées au cours des études en neuroimagerie fonctionnelle de l’excitation sexuelle pourraient impliquer des altérations des processus métacognitifs d’introspection et autoréflexifs – ce que nous appelions ci-dessus « représentations de représentations » – ainsi qu’une libération des influences inhibitrices sur l’excitation sexuelle.

40Et enfin, quand bien même la prise de conscience du désir sexuel serait effective, cela même ne serait pas une garantie que le sujet est libre vis-à-vis de son désir puisque, nous l’avons vu, conscience n’implique pas libre-arbitre. La sanction des infractions sexuelles, pour justifiée qu’elle soit, l’est probablement plus dans la perspective d’une justice utilitariste et dissuasive – visant à empêcher physiquement le passage à l’acte par l’incarcération ou à dissuader le délinquant de passer à l’action – que dans celle d’une justice punitive et rétributive, visant à rétablir l’ordre par l’imposition d’une souffrance qui serait justement proportionnée.

41Certains penseront sans doute que la prudence qui entoure nos énoncés scientifiques est justifiée mais qu’elle entraîne chez nous une prudence politique qui l’est moins. On pourrait ainsi regretter que nous ne nous prononcions pas plus nettement sur les politiques à mettre en œuvre face aux auteurs d’agressions sexuelles : sont-ils des malades à soigner ou des délinquants à juger ? Cependant, je pense que les progrès sur le plan des politiques publiques peuvent bénéficier d’avancées même ponctuelles et sectorielles. Ainsi, ce serait déjà un pas en avant que de prendre en compte les cas de graves altérations anatomiques cérébrales observées chez certains auteurs d’agressions sexuelles, et cela même si, par ailleurs, nous ne savons toujours pas comment appliquer les connaissances tirées des altérations du fonctionnement cérébral d’autres agresseurs non porteurs d’altérations anatomiques.

Bibliographie

Références

  • K. Amemori, A. M. Graybiel, « Localized microstimulation of primate pregenual cingulate cortex induces negative decision-making », Nat Neurosci, vol. 15, 2012, p. 776-785.
  • J. Bancroft, C. Graham, E. Janssen, S. Sanders, « The Dual Control Model: Current Status and Future Directions », Journal of Sex Research, vol. 46 (2 & 3), 2009, p. 121-142.
  • M. Beauregard, J. Lévesque, P. Bourgouin, « Neural correlates of conscious selfregulation of emotion », Journal of Neuroscience, vol. 21, 2001, RC165.
  • J. M. Burns, R. H. Swerdlow, « Right orbitofrontal tumor with pedophilia symptom and constructional apraxia sign », Arch Neurol, vol. 60, 2003, p. 437-440.
  • S. Dehaene, J.-P. Changeux, « Experimental and theoretical approaches to conscious processing », Neuron, vol. 70, 2011, p. 200-227.
  • S. Dehaene, J.-P. Changeux, L. Naccache, J. Sackur, C. Sergent, « Conscious, preconscious, and subliminal processing: a testable taxonomy », Trends Cogn Sci., vol. 10, mai 2006, p. 204-211. Epub 2006 Apr 17.
  • J. Devinsky, O. Sacks, O. Devinsky, « Kluver-Bucy syndrome, hypersexuality, and the law », Neurocase, vol. 16, 2010, p. 140-145. Epub 2009 Nov 18.
  • S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1989.
  • S. Freud, « Two Encyclopaedia Articles. Psychoanalysis and libidotheory », The standard edition of the complete psychological works of Sigmund Freud, vol. 18, Londres, The Hogarth Press, 1923, p. 235-259.
  • S. Freud, Le Moi et le Ça (1923), Paris, Payot, 2010.
  • J. R. Georgiadis, A. A. Reinders, A. M. Paans, R. Renken, R. Kortekaas, « Men versus women on sexual brain function: prominent differences during tactile genital stimulation, but not during orgasm », Hum Brain Mapp, vol. 30(10), octobre 2009, p. 3089-3101. doi: 10.1002/hbm.20733.
  • J. Georgiadis, R. Kortekaas, R. Kuipers, A. Nieuwenburg, J. Pruim, A. Reinders, G. Holstege, « Regional cerebral blood flow changes associated with clitorally induced orgasm in healthy women », European Journal of Neuroscience, vol. 24, 2006, p. 3305-3316.
  • O. Gillath, M. Canterberry, « Neural correlates of exposure to subliminal and supraliminal sexual cues », Soc Cogn Affect Neurosci, vol. 7, 2012, p. 924-936. doi: 10.1093/scan/nsr065.
  • A. Green, Les Chaînes d’Éros : Actualité du sexuel, Paris, Odile Jacob, 1997.
  • J. C. Guillebaud, La Tyrannie du plaisir, Paris, Le Seuil, 1998.
  • G. Huntington, « On Chorea », The Medical and Surgical Reporter: A Weekly Journal, vol. 26, 1872, p. 317-321. Reproduit in G. Huntington « On Chorea », The Journal of Neuropsychiatry and Clinical Neurosciences, vol. 15, 2003, p. 109-112. doi:10.1176/appi.neuropsych.15.1.109
  • A. Jhanjee, K. S. Anand, B. K. Bajaj, « Hypersexual features in Huntington’s disease », Singapore Med. J., vol. 52, 2011, e131-133.
  • L. B. Legrand, M. Del Zotto, R. Tyrand, A. J. Pegna, « Basic instinct undressed: early spatiotemporal processing for primary sexual characteristics », PLoS One, vol. 8, 2013, e69726. doi: 10.1371/journal.pone.0069726.
  • B. Libet, E. W. Jr Wright, C. A. Gleason, « Preparation- or intention-to-act, in relation to pre-event potentials recorded at the vertex », Electroencephalogr Clin Neurophysiol, vol. 56, 1983, p. 367-372.
  • N. Marupaka, L. R. Iyer, A. A. Minai, » Connectivity and thought: the influence of semantic network structure in a neurodynamical model of thinking », Neural Netw, vol. 32, 2012, p. 147-158. doi: 10.1016/j.neunet.2012.02.004. Epub 2012 Feb 14.
  • M. F. Mendez, T. Chow, J. Ringman et al., « Pedophilia and temporal lobe disturbances », J Neuropsychiatry Clin Neurosci, vol. 12, 2000, p. 71-76.
  • V. Moulier. Étude en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle des corrélats cérébraux de l’excitation sexuelle chez des patients pédophiles. Thèse de Sciences Cognitives, Université Paris 6, 2009.
  • B. Pakkenberg, H. J. J. Gundersen, « Neocortical neuron number in humans: effect of sex and age », Comp Neurol, vol. 384, 1997, p. 312-320.
  • Platon, La République, tr. fr. R. Baccou, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, Livre IX, 573 (d)- 575 (a).
  • T. B. Poeppl, J. Nitschke, P. Santtila, M. Schecklmann, B. Langguth, M. W. Greenlee, M. Osterheider, A. Mokros, « Association between brain structure and phenotypic characteristics in pedophilia », J. Psychiatr. Res, vol. 47, 2013, p. 678-685.
  • T. B. Poeppl, B. Langguth, A. R. Laird, S. B. Eickhoff, « The functional neuroanatomy of male psychosexual and physiosexual arousal: A quantitative meta-analysis », Hum Brain Mapp, vol. 35 (4), avril 2014, p. 1404-1421. doi: 10.1002/hbm.22262.
  • J. Redouté, S. Stoléru, M.-C. Grégoire et al., « Brain processing of visual sexual stimuli in human males », Human Brain Mapping, vol. 11, 2000, p. 162-177.
  • B. Schiffer, T. Peschel, T. Paul, et al., « Structural brain abnormalities in the frontostriatal system and cerebellum in pedophilia », J Psychiatr Res, vol. 41, 2007, p. 753-762.
  • G. Sevinc, R. N. Spreng, « Contextual and Perceptual Brain Processes Underlying Moral Cognition: A Quantitative Meta-Analysis of Moral Reasoning and Moral Emotions », PLoS ONE, vol. 9(2), 2014, e87427. doi:10.1371/journal.pone.0087427
  • B. Spinoza, Éthique (1677), partie 5, proposition 3 (trad. Saisset). http://www.spinozaetnous.org/ethiq/ethiq5.htm, consulté le 01/03/2014.
  • S. Stoléru, « Cerveau et sexualité », Revue Internationale de Psychopathologie, 1995, N°19, p. 335-350.
  • S. Stoléru, « Comprendre les comportements sexuels qui posent des problèmes sociétaux », Article paru dans LeMonde.fr, 22/06/2012. http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/22/comprendre-les-comportements-sexuels-qui-posent-des-problemes-societaux_1722888_3232.html?xtmc=&xtcr=3. Consulté le 08/02/2014.
  • S. Stoléru, V. Fonteille, C. Cornélis, C. Joyal, V. Moulier, « Functional neuroimaging studies of sexual arousal and orgasm in healthy men and women: a review and meta-analysis », Neurosci Biobehav Rev, vol. 36, 2012, p. 1481-1509. doi: 10.1016/j.neubiorev.2012.03.006.
  • Y. Tang, J. R. Nyengaard, D. M. De Groot, H. J. Gundersen, « Total regional and global number of synapses in the human brain neocortex », Synapse, vol. 41, 2001, p. 258-273.

Notes

  • [1]
    A. Green, Les Chaînes d’Éros : Actualité du sexuel, Paris, Odile Jacob, 1997.
  • [2]
    S. Stoléru, « Comprendre les comportements sexuels qui posent des problèmes sociétaux », Article paru dans LeMonde.fr, 22/06/2012. http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/22/comprendre-les-comportements-sexuels-qui-posent-des-problemes-societaux_1722888_3232.html?xtmc=&xtcr=3. Consulté le 08/02/2014.
  • [3]
    S. Freud, « Two Encyclopaedia Articles. Psychoanalysis and libidotheory », The standard edition of the complete psychological works of Sigmund Freud, vol. 18, Londres, The Hogarth Press, 1923, p. 235-259.
  • [4]
    J. C. Guillebaud, La Tyrannie du plaisir, Paris, Le Seuil, 1998.
  • [5]
    Platon, La République, tr. fr. R. Baccou, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, Livre IX, 573 (d)-575 (a).
  • [6]
    B. Spinoza, Éthique (1677), partie 5, proposition 3 (trad. Saisset). http://www.spinozaetnous.org/ethiq/ethiq5.htm, consulté le 01/03/2014.
  • [7]
    M. F. Mendez, T. Chow, J. Ringman et al., « Pedophilia and temporal lobe disturbances », J Neuropsychiatry Clin Neurosci, vol. 12, 2000, p. 71-76.
  • [8]
    S. Stoléru, « Cerveau et sexualité », Revue Internationale de Psychopathologie, 1995, N°19, p. 335-350.
  • [9]
    J. Devinsky, O. Sacks, O. Devinsky, « Kluver-Bucy syndrome, hypersexuality, and the law », Neurocase, vol. 16, 2010, p. 140-145. Epub 2009 Nov 18.
  • [10]
    J. Redouté, S. Stoléru, M.-C. Grégoire et al., « Brain processing of visual sexual stimuli in human males », Human Brain Mapping, vol. 11, 2000, p. 162-177.
  • [11]
    Le gyrus angulaire du lobule pariétal inférieur dessine un arc au-dessus de l’extrémité postérieure du sillon temporal supérieur, arc qui va de l’extrémité postérieure du gyrus temporal supérieur à celle du gyrus temporal moyen.
  • [12]
    S. Stoléru, V. Fonteille, C. Cornélis, C. Joyal, V. Moulier, « Functional neuroimaging studies of sexual arousal and orgasm in healthy men and women: a review and meta-analysis », Neurosci Biobehav Rev, vol. 36, 2012, p. 1481-1509. doi : 10.1016/j.neubiorev.2012.03.006.
  • [13]
    B. Schiffer, T. Peschel, T. Paul, et al., « Structural brain abnormalities in the frontostriatal system and cerebellum in pedophilia », J Psychiatr Res, vol. 41, 2007, p. 753-762.
  • [14]
    T. B. Poeppl, J. Nitschke, P. Santtila, M. Schecklmann, B. Langguth, M. W. Greenlee, M. Osterheider, A. Mokros, « Association between brain structure and phenotypic characteristics in pedophilia », J. Psychiatr. Res, vol. 47, 2013, p. 678-685.
  • [15]
    V. Moulier. Étude en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle des corrélats cérébraux de l’excitation sexuelle chez des patients pédophiles. Thèse de Sciences Cognitives, Université Paris 6, 2009.
  • [16]
    G. Sevinc, R. N. Spreng, « Contextual and Perceptual Brain Processes Underlying Moral Cognition: A Quantitative Meta-Analysis of Moral Reasoning and Moral Emotions », PLoS ONE, vol. 9(2), 2014, e87427. doi :10.1371/journal.pone.0087427
  • [17]
    G. Sevinc, R. N. Spreng, op. cit. ; J. M. Burns, R. H. Swerdlow, « Right orbitofrontal tumor with pedophilia symptom and constructional apraxia sign », Arch Neurol, vol. 60, 2003, p. 437-440.
  • [18]
    A. Jhanjee, K.S. Anand, B.K. Bajaj, « Hypersexual features in Huntington’s disease », Singapore Med. J., vol. 52, 2011, e131-133.
  • [19]
    G. Huntington, « On Chorea », The Medical and Surgical Reporter: A Weekly Journal, vol. 26, 1872, p. 317-321. Reproduit in G. Huntington « On Chorea », The Journal of Neuropsychiatry and Clinical Neurosciences, vol. 15, 2003, p. 109-112. doi :10.1176/appi.neuropsych.15.1.109
  • [20]
    L’orientation hétérosexuelle fut déterminée à l’aide de questionnaires. Elle fut confirmée lors de l’expérience par les réponses érectiles à la présentation de stimuli sexuels visuels (femmes dévêtues), enregistrées objectivement à l’aide d’un dispositif de pléthysmographie pénienne. À l’inverse, dans certaines de nos études, des stimuli sexuels visuels représentant des hommes furent présentés et ne suscitèrent aucune réponse érectile chez les hétérosexuels, mais en déclenchèrent chez les homosexuels.
  • [21]
    http://www.lecorpshumain.fr/anatomie/les-hemispheres-cerebraux/les-hemispheres-cerebraux-le-cerveau-sous-toutes-ses-faces.html
  • [22]
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Claustrum
  • [23]
    http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_06/d_06_cr/d_06_cr_mou/d_06_cr_mou.html
  • [24]
    S. Freud, Le Moi et le Ça (1923), Paris, Payot, 2010.
  • [25]
    K. Amemori, A. M. Graybiel, « Localized microstimulation of primate pregenual cingulate cortex induces negative decision-making », Nat Neurosci, vol. 15, 2012, p. 776-785.
  • [26]
    M. Beauregard, J. Lévesque, P. Bourgouin, « Neural correlates of conscious selfregulation of emotion », Journal of Neuroscience, vol. 21, 2001, RC165.
  • [27]
    O. Gillath, M. Canterberry, « Neural correlates of exposure to subliminal and supraliminal sexual cues », Soc Cogn Affect Neurosci, vol. 7, 2012, p. 924-936. doi : 10.1093/scan/nsr065 ; L. B. Legrand, M. Del Zotto, R. Tyrand, A. J. Pegna, « Basic instinct undressed: early spatiotemporal processing for primary sexual characteristics », PLoS One, vol. 8, 2013, e69726. doi : 10.1371/journal.pone.0069726.
  • [28]
    B. Libet, E. W. Jr Wright, C. A. Gleason, « Preparation- or intention-to-act, in relation to pre-event potentials recorded at the vertex », Electroencephalogr Clin Neurophysiol, vol. 56, 1983, p. 367-372.
  • [29]
    N. Marupaka, L. R. Iyer, A. A. Minai, « Connectivity and thought: the influence of semantic network structure in a neurodynamical model of thinking », Neural Netw, vol. 32, 2012, p. 147-158. doi : 10.1016/j.neunet.2012.02.004. Epub 2012 Feb 14.
  • [30]
    B. Pakkenberg, H. J. J. Gundersen, « Neocortical neuron number in humans: effect of sex and age », Comp Neurol, vol. 384, 1997, p. 312-320.
  • [31]
    Y. Tang, J. R. Nyengaard, D. M. De Groot, H. J. Gundersen, « Total regional and global number of synapses in the human brain neocortex », Synapse, vol. 41, 2001, p. 258-273.
  • [32]
    B. Spinoza, op. cit., partie 5, proposition 3.
  • [33]
    S. Dehaene, J.-P. Changeux, « Experimental and theoretical approaches to conscious processing », Neuron, vol. 70, 2011, p. 200-227.
  • [34]
    S. Dehaene, J.-P. Changeux, L. Naccache, J. Sackur, C. Sergent, « Conscious, preconscious, and subliminal processing: a testable taxonomy », Trends Cogn Sci., vol. 10, mai 2006, p. 204-211. Epub 2006 Apr 17.
  • [35]
    S. Stoléru, V. Fonteille, C. Cornélis, C. Joyal, V. Moulier, « Functional neuroimaging studies of sexual arousal and orgasm in healthy men and women: a review and meta-analysis », Neurosci Biobehav Rev, vol. 36, 2012, p. 1481-1509. doi : 10.1016/j.neubiorev.2012.03.006.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    J. Georgiadis, R. Kortekaas, R. Kuipers, A. Nieuwenburg, J. Pruim, A. Reinders, G. Holstege, « Regional cerebral blood flow changes associated with clitorally induced orgasm in healthy women », European Journal of Neuroscience, vol. 24, 2006, p. 3305-3316 ; J. R. Georgiadis, A. A. Reinders, A. M. Paans, R. Renken, R. Kortekaas, « Men versus women on sexual brain function: prominent differences during tactile genital stimulation, but not during orgasm », Hum Brain Mapp, vol. 30(10), octobre 2009, p. 3089-3101. doi : 10.1002/hbm.20733.
  • [38]
    T. B. Poeppl, B. Langguth, A. R. Laird, S. B. Eickhoff, « The functional neuroanatomy of male psychosexual and physiosexual arousal: A quantitative meta-analysis », Hum Brain Mapp, vol. 35 (4), avril 2014, p. 1404-1421. doi : 10.1002/hbm.22262.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.82

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions