Notes
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[1]
Anne-Sophie Calinon, Université de Franche-Comté, anne-sophie.calinon@univfcomte.fr
Nous remercions l’équipe du CEETUM (Centre d’études ethniques des universités montréalaises) de nous avoir apporté les conditions idéales pour rédiger cet article. -
[2]
Pour une critique de la locution, voir Calinon (2013).
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[3]
Voir la rétrospective de Giraut (2008) ou Moine (2006).
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[4]
Ce ne sont que des femmes qui formulent ces réponses.
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[5]
Ce quartier a fait l’objet de plusieurs études regroupées dans l’ouvrage Le quartier Côte-des-Neiges à Montréal, les interfaces de la pluriethnicité (Meintel et al., 1997).
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[6]
Ce document analyse des données tirées du recensement de la ville de Montréal de 2011 et de l’enquête nationale auprès des ménages de 2011.
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[7]
Il est intéressant de noter que plusieurs femmes ont mentionné que leur mobilité spatiale était limitée et contrainte dans leur pays d’origine à cause de très importants problèmes de sécurité.
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[8]
Voir, par exemple, Di Méo (2011).
1 – Introduction
1A partir de données chiffrées, l’analyse de l’intégration linguistique des immigrants se résume à l’utilisation de la langue par des individus pour communiquer dans la sphère publique du pays d’installation. Pourtant, ce (ces) processus reste(nt) difficilement compréhensible(s) sans aller au plus près des individus, au plus près de leur vécu. Cet article s’appuie sur des données récoltées pour une recherche menée de 2005 à 2009 sur les aspects linguistiques et sociaux du parcours migratoire d’immigrants récents à Montréal. Au fil des entretiens s’est dessiné un portrait subtil de la ville et de la spatialité des langues dans cet espace d’installation. Du discours des personnes rencontrées ont émergé des indices de leur rapport aux espaces de vie et d’interaction, entre proximité et distance.
2A la question, « que se passe-t-il si on ne parle pas français à Montréal ? », Saïda répond « Comme quelqu’un qui est loin de la vie… dans la forêt il vit toute seul… par exemple il y a beaucoup de gens à côté de toi mais quand tu comprends rien ça veut dire comme tu es dans la forêt tout seul » (Saïda, Maroc, 18 mois de résidence). C’est le souvenir de cet extrait qui m’a donné l’envie de questionner plus précisément le rapport aux espaces de vie dans le processus d’« intégration linguistique » [2] des personnes nouvellement arrivées.
3L’intégration linguistique des immigrants est souvent présentée sous formes statistiques sur lesquelles reposent en partie les politiques de gestion de la diversité culturelle et linguistique. Mais si l’on se place au niveau des individus, quelles sont les conditions d’habitabilité d’un ailleurs, d’un espace inconnu qui se transformera en espace où l’on trouvera sa place physique et symbolique ? Les discours politiques et parfois scientifiques présentent l’intégration de manière fragmentée (intégration économique, résidentielle, sociale, etc.), or « l’intégration linguistique » ne se fait pas dans un vide social, mais est bien le fruit de rencontres et d’interactions significatives et, à terme, signifiantes où l’espace (les espaces) impose(nt) leurs marques sur les productions linguistiques.
4Dans une optique qualitative et compréhensive, j’ai choisi de m’intéresser aux « micromoments » de rencontre, réelle ou virtuelle, pour comprendre le processus complexe d’appropriation spatiolinguistique et d’ancrage dans un nouvel espace de vie. En interrogeant le lien entre la reconfiguration des répertoires linguistiques des nouveaux arrivants et des espaces imaginés, vécus, pris et/ou traversés, j’entends éclairer le rôle de l’espace dans le processus migratoire, une fois « arrivé » dans la ville d’installation.
2 – Point théorique
5Notre objet de recherche nous inscrit, de fait, dans une approche interdisciplinaire. En effet, la complexité des processus que nous tentons de décrire nous oblige à solliciter des notions et concepts pensés et utilisés dans d’autres disciplines comme celui d’espace (Frémont, 1974 ; Lefebvre, 1974), de territoire (Lefebvre, 1974 ; Di Méo, 1996 ; Roncayolo, 2002 ; Di Méo et Buléon, 2005 ; Le Breton, 2006), de représentation et de catégorisation (Abric, 1994 ; Mondada, 2004 ; Trimaille et Matthey, 2013). Rejoignant la vision constructiviste du territoire, qui réunit celle des sciences humaines et sociales (géographie sociale, sociologie, anthropologie, sciences politiques) [3], nous considérons que le territoire n’est pas donné mais une construction sociale et intellectuelle :
Le territoire est un espace structuré par des principes de contiguïté et de continuité. Celles-ci dépendent sans doute moins du seul aspect matériel des espaces que des systèmes idéels qui encadrent l’espace en question ainsi que des pratiques afférentes qui s’y déploient.
7Ce mode de relations à l’espace se construit à partir de l’autonomie et de l’expérience des individus sous-tendus d’idéologies. Un territoire est donc un espace « approprié », une zone d’emprise, à laquelle un sujet – individuel ou collectif – peut s’identifier.
8Dans les recherches en linguistique s’intéressant aux interactions et à l’acquisition des langues secondes, l’acquisition d’une langue se ferait dans un contexte social grâce à des interactions sociales ordinaires – en dehors de tout encadrement pédagogique – et l’apprentissage se situerait davantage en contexte scolaire – où les activités communicatives ont, comme seul objectif, le perfectionnement en langue (Porquier, 1994, 160). Le concept d’appropriation permet de dépasser cette dichotomie artificielle en désignant toutes les situations hybrides à l’intérieur de ces deux pôles qui ne relèvent ni d’un apprentissage formel, ni d’une acquisition spontanée et inconsciente de la langue. Pour les espaces de la migration, comme pour les langues, les individus sont, à la fois, dans des situations d’apprentissage (comme étudier un plan de bus ou de métro et le mémoriser pour circuler dans une ville nouvelle, prendre des notes pour se souvenir du trajet avec le nom des rues) et d’acquisition (avoir une vision d’ensemble de la ville, situer un quartier par rapport à un autre, repérer un commerce utile en marchant dans la rue). Ainsi, s’approprier un espace est le « faire sien » par une inscription territoriale et temporelle ; par des « modes d’habiter » (Stock, 2006), des façons d’être et de dire qui ne correspondent pas forcément aux intentions de ceux qui les ont pensées ou prévues en amont.
9A priori, il y aurait une sorte de contradiction à étudier l’intégration spatiale par les formes de mobilité spatiale : la première étant synonyme d’enracinement et de stabilité et la seconde de mouvement et de fluidité. Cette optique irait à l’encontre de l’idée que les individus sont liés à « un » lieu, à « un » territoire et que l’étude de leurs déplacements consisterait, en fait, à l’étude des différents espaces investis. Ici, dans la lignée de Cresswell (2006) ou Kaufmann (2008), nous nous intéressons plutôt à ce qui se passe entre les points de départ, d’étapes et de destination, au territoire mobile ou plutôt au fait que cela soit le déplacement qui fait le territoire. Conjointement, ces réflexions sur la construction de l’espace nous amènent à penser le rapport à la distance (proximité et éloignement) et à la durée (permanente et éphémère). L’espace-temps conceptualisé par Wallerstein (1998) rappelle qu’un évènement se déroule dans une dimension unique d’espace et de temps mais qu’il convoque également une multitude de cadres spatiaux et temporels et devient, ainsi, un phénomène social. Nous passons donc d’une conception figée et séquentielle de l’appropriation spatiale comme l’exploration d’un territoire « déjà-là » à l’élaboration de territoire, « son territoire », façonné par des moments de microappropriation fugaces.
10La mobilité spatiale étudiée dans la ville d’installation n’est pas uniquement une action physique qui permet à un individu d’aller d’un point A à un point B. Le déplacement est, à la fois, une dimension structurante de la vie sociale (Kaufmann et al., 2004) car ce mouvement entre les points situe les individus dans un rapport de proximité et de distance interindividuel et spatial et, à la fois, un agent d’indexicalité qui permet la construction et la catégorisation de son environnement social : « We shall suggest that space should be seen in connection to scaling processes ; movements across space involve movements across scales of social structure having indexical value and thus providing meaning to individual, situated acts » (Blommaert et al., 2005, 200), particulièrement dans les contextes multilingues, structurés par les espaces et les relations entre les espaces.
11Les aspects spatiaux et psychiques de la migration se retrouvent dans la conception de territorialité et d’ancrage. La psychologie nous apprend que la possibilité de s’approprier un nouveau lieu de vie demande de « sécuriser » cet espace. Cette sécurisation passe par une forme nécessaire de stabilité qui peut être difficilement atteinte, la migration étant un processus intrinsèquement déstabilisant. En effet, le déplacement dans l’espace, que cela soit déménager dans une autre région ou immigrer dans un autre pays « implique un processus cognitif et affectif élaboré dès l’enfance ayant permis d’acquérir certaines aptitudes : la possibilité de se mouvoir physiquement mais aussi psychiquement dans l’espace, tout en ayant un ancrage solide, afin de pouvoir établir des relations avec les autres individus » (Mariani-Rousset et al., 2012, 12). Ainsi, la migration est un entrecroisement simultané de déplacement, d’installation, d’évolution spatiale et de relative stabilité, entendue comme une sorte d’appartenance et d’appropriation de l’espace, d’instants où l’espace se transforme en territoire, devenu familier.
12Ces micromoments sont situés dans un transterritoire, entendu comme « espace qui associe aux caractéristiques propres du lieu lui-même les spécificités des liens qui le relient avec l’extérieur et cela décliné à toutes les échelles. […] un trans-territoire n’est pas nécessairement durable, inscrit dans un espace-temps matérialisé, il peut être éphémère, recréé continuellement par les potentialités de rencontres » (Cattan, 2012, 69). S’ils s’étirent aussi bien dans la durée que dans l’intensité et s’intensifient, c’est alors que naitra « le sentiment de territorialité » :
La territorialité n’est pas liée, fondamentalement, à la sédentarité, à l’enracinement, à l’organisation ou à une échelle préférentielle : elle met en question le rapport entre les échelles. […] le territoire est d’abord un sentiment et non seulement un espace politique et institutionnel. […] le sentiment de territorialité ne se définit pas par rapport à un espace, mais par rapport aux différentes façons que l’on a de le concevoir.
14Ce sentiment d’appartenance, de connaissance, de familiarité avec son espace de vie recouvre des aspects symboliques, spatiaux ou non-spatiaux. Les liens entre « espace » et « territoire » sont les mêmes que ceux que l’on retrouve entre « appartenance » et « appropriation », la construction de Soi et de son territoire est déterminée par la place de l’Autre dans cet espace et de la place que l’on peut/veut prendre à ses côtés dans une volonté/possibilité de construction collective.
15Dans la variété des espaces de socialisation, nous nous intéressons particulièrement aux « espaces interstitiels », dont la trajectoire notionnelle passe de la médecine à la sociologie urbaine et politique (Nicolas-Le Strat, 2009 ; Guillaud, 2009). La notion d’interstice a été utilisée par Trascher (1963, 20) comme élément de description de l’organisation sociospatiale des gangs à Chicago et a ensuite été transposée aux espaces de contacts interethniques de la ville cosmopolite actuelle (Piette, 1990, 73). Pour Rémy (1987 ; 1990, 90), ces espaces marginaux, connecteurs, à peine remarqués ne sont pas des « non-lieux » (Augé, 1992) mais sont des espaces investis de relations, d’identités et d’histoires. Ce sont des lieux peu définis et quasi éphémères d’articulation entre deux univers (intime/professionnel, familier/distant, etc.), des espaces de rencontres, qui se déploient à une échelle spatiale intermédiaire. L’« épaisseur sociale » d’un territoire « tient à l’existence d’un espace de relations sociales animant un espace physique donné » (Germain, 1999, 11). De ces espaces interstitiels, nous retiendrons l’idée d’un entre-deux, où les exigences relationnelles sont si peu élevées, dont l’épaisseur sociale est si faible, qu’il offre l’occasion, sous forme d’espace-temps, de librement opérer une première catégorisation de son environnement nécessaire à son appréhension.
16Les nombreuses recherches en sociologie, géographie et anthropologie menées sur la cohabitation interethnique, l’intégration sociale et spatiale des immigrants et les pratiques linguistiques à Montréal nous permettent de saisir les dynamiques et contours sociospatiaux de la ville. La diversité est « un élément mnémonique abstrait pour tant d’expériences urbaines élevées au rang de la quintessence montréalaise » (Radice, 2000, 105). Comme pour l’étude « Montréal on the move » (Lamarre et Lamarre 2009, 106 ; Lamarre, 2013), Montréal n’est pas uniquement le contexte d’une étude dans la ville, elle en est l’objet puisque une relation réciproque est établie entre ses caractéristiques intrinsèques et les pratiques linguistiques, sociales et spatiales de ses habitants. Selon Germain et Poirier (2007, 120), les territoires de l’immigration à Montréal se caractérisent par une forme de fluidité : ce ne sont pas (ou plus) des espaces cristallisés par l’installation d’un groupe qui fusionnent ou se confrontent mais plutôt s’interpénètrent (voir aussi, plus récemment, Leloup, 2015). L’étude de Radice (2009) sur l’inscription de l’ethnicité dans des rues commerçantes de Montréal donne un exemple de cette fluidité : « la dissociation des lieux de résidence, de travail et de loisir qu’induit la mobilité urbaine implique désormais une dispersion des commerces ethniques à travers la ville ainsi que leur juxtaposition pour former des rues souvent plus multiethniques qu’ethniques » (Radice, 2009, 57). Ce phénomène de globalisation, sans être exclusif, est particulièrement présent à Montréal. Meintel, dans son travail sur la transethnicité et la transnationalité de jeunes, souligne la particularité du milieu interethnique montréalais qui permet aux jeunes de développer une grande plasticité dans les identités ethniques :
La présence d’une « double majorité » (française et anglaise), entre autres, a permis la rétention des indicateurs ethniques par chaque groupe (langue, religion, endogamie) sensiblement plus marquée que dans les autres grandes villes d’Amérique du Nord […] et la qualité de la pluriethnicité montréalaise semble aussi tout à fait particulière, si l’on prend en compte l’importance de la presse à vocation interculturelle de la ville.
18Ainsi, les espaces langagiers des individus immigrants ne sont pas pensés comme un zonage prédéfini. Au lieu de lire les pratiques linguistiques et spatiales à partir des lieux, nous les concevons en termes de processus déterminés par les relations d’interdépendance. L’étude des fragments microscopiques de la rencontre des lieux et des langues de la migration permet de comprendre ce qui autorise ou favorise certains types d’interactions et les productions langagières qui en découlent. La dynamique multilingue spécifique de Montréal ne peut être décrite par une partition stricte issue de questions de type « quelle(s) langue(s) pour quel(s) lieu(x) ? ». Les pratiques linguistiques qui façonnent la ville et la vie quotidienne des individus bilingues ou multilingues ne peuvent qu’être appréhendées sous l’angle de la mobilité (Lamarre, 2013, 44 et 51). La vie linguistique montréalaise est liée aux différents individus, lieux, enjeux et réseaux qui se rencontrent et se configurent dans la dynamique fluide, multilingue et spécifique de la ville.
3 – Présentation du corpus et méthodologie d’analyse
19Le corpus d’étude comporte 110 entretiens d’individus récemment immigrés au Québec, résidant dans la ville de Montréal. La durée de résidence médiane pour ce groupe est de 1 an et 5 mois. Leurs origines géographiques sont diverses mais représentatives des origines des personnes arrivées au Québec à cette période, avec une dominante de personnes d’Amérique centrale et du Sud (28 %), d’Europe de l’Est (29 %) et de Chine (16 %). Leur caractéristique commune est de se situer à la fin de leur « francisation », la formation en français langue seconde organisée par le gouvernement du Québec pour les immigrants allophones. Les femmes sont très majoritairement représentées (82 sur 110). Les rencontres ont pris la forme d’un entretien semi-directif, de type compréhensif (Kaufmann, 2011), dont la durée varie entre 45 min et 1 h 30.
20Pour cet article, nous nous sommes focalisée sur les parcours d’appropriation linguistique et spatiale de l’espace montréalais des témoins. Tous les entretiens, une fois transcrits, ont été analysés, mais seuls 53 d’entre eux nous ont permis de tracer les contours des vies quotidiennes des individus, façonnées par les différents types d’espace, réels ou imaginés. Comme pour le corpus général, l’Europe de l’Est et l’Amérique (centrale et du Sud) sont les origines les plus représentées (20 pour l’un, 18 pour l’autre), suivies de la Chine et de l’Asie du Sud-Est (6), du Proche-Orient (4), de l’Afrique et du Maghreb (5). La durée de résidence médiane est de 15 mois (de 4 mois à 6 ans). Dans ce sous-corpus d’entretiens, 39 sont des parcours de femmes. Nous mentionnerons à plusieurs reprises l’influence du genre dans l’analyse.
21Les entretiens ont eu lieu dans les institutions de formation linguistique, dispersées dans différents quartiers de Montréal. Tous les quartiers sont susceptibles d’être présents dans le discours des témoins et le lien d’entretien/de formation ne constitue donc pas un biais pour l’analyse des données. L’affectation dans les centres de formation se fait sur des critères de niveau d’étude et non de proximité géographique avec le lieu de résidence. Ainsi, la durée des déplacements entre les deux lieux peut être importante. Certains immigrants ont quadrillé la ville en fonction des différents centres de formation linguistique qu’ils ont fréquentés : un changement de niveau ou de formule (de temps partiel à plein temps par exemple), peut entrainer un changement d’établissement. Ainsi, certains ont développé leur connaissance de l’espace montréalais en même temps que progressait leur compétence en français.
22L’entretien semi-directif est une forme d’interaction proche de la conversation, grâce à l’adaptation continue des interrogations et interventions du chercheur à l’échange en cours. C’est pourquoi nous attacherons une attention particulière à la coconstruction du discours. Nous avions délimité préalablement les thèmes que nous voulions faire émerger durant l’entretien (les espaces et le parcours migratoires, les parcours scolaire et professionnel antérieur et actuel, les cours de français, l’intégration résidentielle et sociale, l’arrivée et la vie à Montréal, les liens avec le pays d’origine, les langues de la vie, les sentiments et leurs envies pour l’avenir), puis nous adaptions la forme et l’ordre des questions selon les réactions et les difficultés linguistiques des témoins au fil de l’interaction. La seconde implication méthodologique qui découle de ce mode de recueil de corpus est la nécessaire prise en compte de la dimension interactionnelle de l’entretien : la construction sociale qu’est le récit doit être restituée dans le cadre de l’entretien, comme condition de son émergence (Mondada, 2001, 197).
23La sociolinguistique urbaine est une sociolinguistique des discours ayant pour objet la covariance entre les espaces et les langues (Bulot, 2010, 180). L’analyse du discours de la matérialité langagière des entretiens, comme analyse formelle des choix discursifs des locuteurs, permet d’éclairer le contenu des récits et d’étudier les positionnements des locuteurs (Deprez, 2000). A partir des marques de l’énonciation, nous nous positionnons au plus près du dire et du perçu des pratiques (linguistiques et spatiales) et faisons émerger les microfrontières exprimées dans le discours entre espaces spatiaux, linguistiques et sociaux, par les indices d’énonciation et de modélisation (marqueurs énonciatifs, modalisateurs, embrayeurs).
24Notre corpus, comme les autres corpus, n’est pas le reflet du réel mais « une construction interprétative du monde social par certains de ses acteurs » (Blanchet, 2007, 347). Plutôt que de chercher des phénomènes généraux représentatifs d’un ensemble, nous nous intéressons aux sujets, à travers la mise en mots de leur expérience. En nous intéressant à la singularité des parcours nous mettrons en exergue, par un travail d’abstraction, les structures sociales qui les influencent (Guillaumou et al., 1995, 65) et tenterons de découvrir les catégories élargies qui leur donnent du sens.
4 – Analyse
25Le temps façonne le lien entre les langues et les espaces. L’immigration est un processus qui commence bien avant l’arrivée sur le territoire et se poursuit après. Il y a donc des temps et des espaces de l’immigration, qui ne sont pas seulement des espaces physiques collectifs mais également des espaces de construction de soi avec la possibilité de s’exprimer et de se dire.
4.1 – Projections et confrontations
26Construire un projet migratoire, qui mêle imaginaire et désir comme « activateurs d’une ouverture des possibles » (Gourcy, 2013, 46), est nécessaire psychiquement pour ne pas « se perdre » symboliquement à l’arrivée. Les « possibles » ne peuvent, avant le départ, qu’être projetés : à quoi vont ressembler la vie et la ville dans laquelle je vais m’installer ?
27A partir des indices glanés dans les discours circulants officiels (extrait 2) ou dans leur expérience vécue (extrait 1), Jaime et Marisa ont construit leur futur nouvel environnement afin de donner un sens au départ (« je pensais/pense », « je connais », extrait 1). Le départ ne peut se faire que si l’on a la capacité psychique de s’imaginer un point d’arrivée. Sans représentation du lieu où l’on arrivera, le départ représente la fin d’une vie et non le début d’autres étapes.
28La matérialisation d’une autre réalité que celle imaginée apparait ici et Montréal se dessine en creux et en relief par rapport à la ville de départ, à d’autres villes du Canada déjà connues ou aux séances d’information organisées par le Canada dans les ambassades. La modalisation du dire par une répétition discursive (« je pensais/je ne sais pas/je pense/je ne sais pas », « quelque chose/différent/quelque chose/différent ») sont comme un palimpseste des constructions et reconstructions temporellement différentes de l’espace d’arrivée projeté. L’écart est très net entre les deux réalités. Cependant, l’essence de la différence est difficile à verbaliser : « je ne sais pas », « quelque chose », « très différent », « un peu différent ». La modélisation a priori contradictoire entre « peu » et « très » souligne cet aspect insaisissable, « inconscientisable » ou indicible de ce que l’on avait imaginé et de ce que l’on perçoit maintenant.
4.2 – Position d’observateur et hypothèses interprétatives
29S’intéresser à l’évolution des pratiques linguistiques dans les processus migratoires ne consiste pas à étudier le rapport aux langues des individus à un point A puis les changements dans ce rapport à un point B. Inspirée par les travaux de Cresswell (2006) sur la mobilité en géographie sociale, nous posons que le sens, l’intelligibilité de la ville et la construction de Soi dans la ville s’opèrent dans le mouvement, dans ce qu’il se passe entre ces points, A et B.
30La vie, dans les « premiers » temps de l’installation – dont la durée varie nécessairement selon les individus –, est extrêmement rythmée par les contraintes familiales et logistiques. Les activités de loisirs ou dédiées à la découverte de la ville sont remises à plus tard quand les objectifs de « première nécessité » (autonomie linguistique, insertion professionnelle, logement) auront été atteints.
31Alors les « lieux de passage » comme le dépanneur, les magasins,85 la rue ou les « moyens de passage » comme l’autobus, le métro se transforment en lieux ou moyens de rencontres. Plus précisément, plutôt que de rencontres, ce sont des lieux qui donnent les moyens d’observer et d’écouter d’autres personnes, devenues à leur insu « interlocuteurs » non-conscients d’une discussion invisible.
32Dans son article sur les émotions lors de déplacements spatiaux, Boudreau décrit l’autobus comme un espace-temps qui peut permettre de saisir des opportunités de collecter des informations, de se faire des amis et même de se politiser dans le cas des employées de maison latino-américaines à Los Angeles, sujets de l’étude (Boudreau, 2010, 85) ou, dans notre cas, d’écouter et de comprendre le français :
33La circulation dans la ville et la pratique (le plus souvent « en réception ») du français sont interreliées dans les premiers temps de l’immigration où les contraintes temporelles et les faibles opportunités de rencontres sociales diversifiées laissent peu de place aux possibilités de pratiques (d’expression). La fonction première (le transport) des lieux et des situations de mouvement se double d’une utilité sociale. Ces moyens (l’autobus, le métro) deviennent des lieux qui permettent une rencontre potentielle avec l’altérité et des interactions hypothétiques sont présentes dans chaque déplacement et dans chaque « moyen-lieux » de déplacement. Ce ne sont pas des « territoires circulatoires » (Tarrius et al., 2001, 44) au sens où ils ne sont pas constitutifs de l’identité individuelle ou de la reconnaissance d’un collectif, que les individus ne participent pas directement à la construction de ces lieux. Les actions et expériences des individus interviennent dans la construction sociale de l’espace :
Social construction, on the other hand, refers to spatial transformations through peoples’ social interactions, conversations, memories, feelings, imaginings and use – or absences – into places, scenes and actions that convey particular meanings.
35Cependant, lors de ces déplacements journaliers, les individus collectent certains éléments des endroits rencontrés et s’en servent comme indices pour opérer un repérage sociolinguistique de la ville.
36Ainsi, les espaces publics peuvent être finalement perçus et vécus comme des lieux de proximité et de « contact linguistique » unidirectionnels. La découverte de ces nouvelles fonctionnalités nous montre la nécessité de repenser les notions d’interaction et d’intégration linguistique. Comme dans l’analyse de Cattan de la visibilité des femmes sri-lankaises à Beyrouth, les lieux périphériques deviennent « le monde, le monde visible, où la marge, durant un laps de temps, devient le centre » (Cattan, 2012, 67).
37Alors qu’Augé parle de « non-lieux » opposés à des « lieux anthropologiques » (1992, 69) lorsqu’il désigne les espaces traversés par les transports en commun par exemple, nous voyons que ces espaces, à première vue peu ou pas habités ou investis, sont en fait des « espaces relationnels » (Deprez, 2007, 247). Ici, le déplacement physique participe à l’appropriation linguistique et à la construction de Soi dans l’espace : « La mobilité n’est pas ce qui met fin à l’expérience de l’habiter mais ce qui la rend possible » (Gourcy, 2013, 46).
38Au moment de nos rencontres, peu d’espaces de vie sont mentionnés. Même si les personnes se déplacent pour rejoindre leur objectif – dans tous les sens du terme – et que la ville prend forme par ces déplacements, les espaces vécus et nommés explicitement, relevés dans le corpus, sont ceux de l’intimité et de l’extrême proximité géographique, comme si le monde rassurant et disponible était celui du « proche » : le bâtiment, la rue, le quartier, le centre de formation « proche de la maison » (Pillar, Pérou, 36 mois de résidence), l’épicerie, les voisins que l’on observe plus qu’on rencontre. Finalement, la maison est souvent un repli face à l’inconnu, un « chez-soi » dans un lieu que l’on n’a pas encore transformé en territoire : la ville n’est pas hostile mais elle est encore difficilement saisissable. Mis à part des déplacements contraints (se rendre aux cours ou au travail), les autres activités se déroulent dans l’environnement proche : « je fais du sport à domicile / oui parce que j’ai des cassettes » (Yanick, Haïti, 7 mois de résidence), une autre utilise la piscine de son immeuble, l’autre fait du vélo d’appartement, etc. [4].
39A priori, un lieu comme le marché est un espace interactionnel peu chargé émotionnellement où les modalités de communication paraissent simples car fortement codifiées dont les objets sont facilement identifiables. Cependant, un lieu de rencontre avec l’Autre présente des difficultés qui vont au-delà de la compétence linguistique. L’enjeu communicationnel ici est de tenir son rôle d’interlocuteur plutôt que de mener à bien une transaction commerciale. L’évocation de cette situation gênante rend compte de la prise de conscience de la difficulté que représente maintenant, en contexte migratoire, une action qui paraissait simple dans un quotidien passé : faire son marché.
40Dans les témoignages recueillis, la passivité (« j’écoute », « je ne parle pas », « je regarde ») dont les discours semblent rendre compte est trompeuse : malgré sa position difficile au marché, Nora n’est finalement pas retournée chez elle. Les personnes puisent donc dans leurs ressources linguistiques et psychiques pour faire face à l’inconnu et procèdent, à l’aide d’indices glanés dans ces « espaces relationnels », à la catégorisation de leurs espaces de vie, première étape d’une territorialisation effective. Ainsi, au fur et à mesure, un repérage sociolinguistique de la ville s’opère et, au fil des discours, on voit émerger les représentations communes concernant le paysage spatiolinguistique de la ville.
4.3 – Repérage spatiolinguistique de la ville
41Symboliquement, se perdre dans la ville revient à ne pas « être en mesure de segmenter l’espace urbain en lieux discontinus » (Lamizet, 2002, 120). Si l’on procède à une analyse du contenu des réponses, peu d’espaces sont clairement cités et les réseaux sociaux sont décrits comme peu denses et faiblement diversifiés. Il faudrait mener plus loin l’investigation sur l’origine des discours concourant à la construction des représentations. Les principaux contacts suivis dans le contexte montréalais ont lieu lors de la recherche de logement ou de travail, ce qui pourrait nous faire conclure à une appropriation spatiale pauvre et un grand isolement. Mais une analyse fine des discours nous montre que, malgré une position « à distance », les individus que nous avons rencontrés ne sont pas perdus : ils font preuve d’une capacité à être spatialement mobile et sont au contact de discours qui façonnent leur imaginaire spatial (Bailly, 1989) que l’on relève dans les représentations sociolinguistiques de Montréal (déjà) partagées : la division anglophone à l’ouest et francophone à l’est (extraits 6, 7) et l’identification des quartiers reconnus comme pluriethniques. La présence de ces représentations communes dans le discours des témoins nous donne des indices sur la constitution de leurs réseaux sociaux sans que ceux-ci soient clairement identifiés.
42Indice d’un positionnement discursif et interactionnel, « ça signifie » introduit une paraphrase donnant des précisions sur le paysage linguistique montréalais. On retrouve cette prise de position comme lecteur de la ville dans l’extrait 7, ce qui renforce l’idée d’un découpage spatiolinguistique de Montréal visible et connu de tous. Ces délimitations spatiales influencent les pratiques linguistiques des individus et les pratiques linguistiques des individus participent de la mise en frontière spatiale (extrait 8).
– hum c’est… c’est Côte-des-Neiges mais c’est juste à la frontière de Westmount à la frontière
43Dans l’extrait 9, Olga hésite à dire le quartier où elle habite et elle ajoute une précision avec un modélisateur « juste » qui amplifie la proximité avec l’autre quartier, comme si la frontière, répétée deux fois, faisait partie de l’autre quartier. Côte-des-Neiges est un quartier multiethnique et populaire [5] alors que Westmount est un des quartiers les plus riches de Montréal (Ville de Montréal 2014 [6]). Comme toute représentation, les représentations de l’espace ne sont jamais un simple reflet de la réalité environnante mais révèlent une organisation dont il faut rechercher le sens profond tant dans l’histoire de l’individu que dans le contexte social et idéologique où s’inscrit sa position sociale. Dans l’espace discursif de l’entretien créé par l’enquêtrice et le témoin, une tension apparait. Olga participe à la recherche, c’est une personne immigrante qui suit des cours de français langue seconde mais il semble que cette catégorisation est porteuse de représentations négatives pour elle. Ainsi, tout au long de l’entretien, Olga s’appliquera à refuser cette identité réductrice et dévalorisante et oscillera entre la justification d’« être cet être » à un endroit en se défendant de « vouloir » être celle qu’elle est : elle construira une image dévaluée de Montréal par rapport à Moscou, évaluera négativement toutes les interactions qu’elle a pu avoir avec des Québécois, mentionnant son aisance financière et son bagage culturel et rappellera souvent le sacrifice social et professionnel qu’a représenté son immigration au Québec. Puis, à la fin de l’entretien, pour donner un sens à cette situation paradoxale, elle expliquera son départ de Russie par la violence quotidienne subie par son fils et l’environnement plus accueillant que représente Montréal pour une personne handicapée. Le destinataire de cette justification est sûrement multiple : verbaliser aide à expliquer ou à s’expliquer la situation dans laquelle on se trouve.
44Qu’elle soit plutôt contrainte ou plutôt choisie, cette catégorisation de l’espace par une position d’observateur rend la circulation dans la ville possible. Les représentations sur les fonctions des langues dans la ville et la perception de la ville en tant qu’espace territorialisé évoluent de manière interreliée : les catégories ainsi construites servent de grille de lecture qui va se modifier au fur et à mesure de la prise de possession de la ville en fonction des cheminements, physiques ou/et psychiques de chacun.
45Le caractère multilingue et multiculturel de Montréal semble avoir une influence sur la trajectoire migratoire avant et après l’arrivée. La ville permettrait d’évoluer dans un espace interstitiel physique et symbolique dans la trajectoire migratoire des individus rencontrés. La complexité de la configuration spatiolinguistique, la diversité ethnique, linguistique, religieuse, la multiplicité des quartiers laisseraient le temps de trouver « sa » place davantage à Montréal que dans d’autres configurations linguistiques, sociales et spatiales plus homogènes comme le reste du Québec. Loin d’être une difficulté supplémentaire, cette complexité permettrait un anonymat qui soulage un peu de la pression de s’assimiler dans une « masse uniforme », un espace intermédiaire entre la familiarité d’une habitation et l’inconnu de la ville globale, qui laisse un temps psychologique de trouver ses marques identitaires, de se faire un territoire avant un chez-soi alors même que l’insertion professionnelle, résidentielle et linguistique est en marche. Cependant, il émerge des discours une ferme résolution à rejoindre les espoirs/exigences qui ont fondé le projet migratoire. Ainsi, pour rejoindre leur représentation d’une « immigration réussie », rester dans cet espace interstitiel n’est pas une solution pérenne.
4.4 – Autocatégorisation et hétérocatégorisation : l’intégration des Autres
46La ville n’est pas la seule à faire l’objet de catégorisations, la réussite migratoire des « autres » aussi. Pour la plupart, migrants économiques choisis par le Québec, les témoins se positionnent par rapport à ce qu’ils ont perçu de l’immigration « des autres » et décrivent leur projet comme ce qui leur permettra d’accéder à une certaine ascension socioéconomique.
47Les témoins suivent une formation linguistique de français censée faciliter leur insertion socioprofessionnelle. Et afin de justifier ce choix, ils analysent, de manière critique, les personnes qui ne leur paraissent pas avoir suivi leur logique. Dans les extraits ci-dessus, les « Chinois » – terme hyperonyme utilisé pour semble-t-il désigner les personnes d’origine asiatique sans distinction –, semblent l’exemple du « modèle » d’intégration qu’ils n’ont pas choisi (« par exemple », « le plus bon exemple »). La nonconnaissance du français entrainerait un repli sur soi aussi bien au niveau linguistique (« ne se communique pas avec autres personnes ») que spatial (« propres quartiers […] propres endroits »). Ces représentations sont construites à partir des discours circulants, des différentes voix pour lesquelles il est difficile de retracer discursivement la paternité.
48Selon ces témoins, une territorialisation ethnique (« le quartier grec », « anglophone si tu habites à quartier comme NDG [Notre-Dame-de-Grâce] chose comme ça quartier comme ça ils parlent seulement anglais il y a des quartiers que les personnes ne veut apprendre la langue » (Saul, Colombie, 42 mois de résidence) dans la ville va à l’encontre d’un processus d’intégration « comme il doit être » et nuit à une bonne cohésion sociale et urbaine. Alors que les recherches en géographie et sociologie urbaine (Apparicio et al., 2007 ; Germain, 1997, 1999) concluent à une absence de ségrégation ethnique à Montréal mais plutôt à un mode pluraliste d’insertion urbaine, nous voyons ici quelles enclaves ethniques se construisent dans l’imaginaire des immigrants alors qu’ils soulignent dans un même temps la mixité ethnique de Montréal. Dans les entretiens, ces frontières linguisticospatiales représentent une entrave hypothétique à la fluidité de leurs déplacements et une réduction des espaces vécus possibles, comme si certains endroits de la ville étaient réservés à certaines communautés. Cependant, les témoins ne mentionnent pas d’entraves dans leurs pratiques, ils semblent circuler de manière fluide dans la ville (par exemple, extrait 8). Nous pouvons poser l’hypothèse interprétative que la perception d’une ségrégation spatiocommunautaire donnerait l’impression de réduire un espace de vie déjà étroit suite à l’arrivée, dans un espace inconnu et pas encore fait sien, où l’insertion résidentielle et professionnelle est déjà conditionnée par de nombreuses contraintes (financière, scolaire, linguistique). Enfin, on peut souligner l’apparente contradiction entre le relevé critique de ces ségrégations urbaines, largement soulignées, et les représentations très positives du multiculturalisme et multilinguisme montréalais. Il semble ici que l’espace interstitiel, où chacun peut avoir le temps de trouver une place, ne peut pas, selon les témoins, se transformer en espace territorialisé par une communauté unique. En effet, pour ces témoins comme pour les Anglo-Montréalais étudiés par Radice (2000, 113), la grande diversité de la ville protègerait de la domination ethnique et socioéconomique d’un groupe particulier. Selon Germain, cette diversité ethnique lèverait, dans l’espace-temps de la vie de quartier, les auto- et hétéro-identifications au statut de « minorité » (1997, 254).
49Trouver « sa » place ou « ses » places est l’un des objectifs généraux d’un projet migratoire. Les témoins doivent se situer dans leur trajectoire personnelle, se positionner par rapport à leur(s) groupe(s) d’appartenance, aux personnes qu’ils laissent dans leur pays d’origine et aux membres des différentes communautés qui les entourent. Leur rapport à l’espace dans cette trajectoire de migration se situe sur un continuum dont les deux extrémités sont la distance et la proximité : ils décrivent des moments de vie où les frontières sont floues (être dans le bus, entouré mais seul, à portée de voix mais sans être l’interlocuteur). L’hétérocatégorisation de leur entourage les rapproche des « étrangers » mais ils souhaitent faire reconnaitre leur propre trajectoire, leur propre individualité, ou, au moins, ne pas être assimilés à ce qu’ils ne sont pas. Ces témoins se distinguent donc des autres par une auto-catégorisation implicite, répondant au modèle d’intégration qu’ils projettent en opposition au modèle suivi par ceux qu’ils critiquent. Les cours de francisation sont finalement un moyen pour rejoindre le modèle d’intégration poursuivi. Le regard critique que certains portent sur ceux qui n’ont pas fait « l’effort » d’apprendre le français – langue importante mais pas unique à Montréal – ne relève pas d’un positionnement idéologique sur la place et le rôle du français au Québec et à Montréal mais met en lumière l’élaboration du « plan de réussite » concomitant au projet migratoire et également vient donner un sens aux efforts considérables demandés pour apprendre le français.
4.5 – La ville et ses langues : les frontières en mouvement du proche et du lointain
50Le français ou l’anglais est absolument nécessaire à Montréal selon les témoins. Les variables pour expliquer ces perceptions différentes du poids de l’une ou l’autre langue sont nombreuses et nous préférons, selon l’objet de l’article, nous intéresser à la langue ou aux langues, comme agent de liberté. Au même titre que l’autobus ou le métro, la langue semble être un moyen de circulation, de s’approprier la ville dans son ensemble, d’y circuler et d’y évoluer de la même manière que dans son pays d’origine.
51Etendre ses espaces de vie correspondrait ici à rejoindre l’idéal construit en immigrant : avoir la même vie qu’avant mais en mieux [7]. A cette étape, apparaissent les indices des limites et l’étroitesse du territoire perçu : agrandir l’étendue de son répertoire linguistique contribuerait à agrandir les espaces de vie potentiels. La connaissance du français permet de fantasmer un avenir professionnel qui débouchera sur la constitution d’un espace propre. Dans les extraits ici, on remarque la construction discursive d’un futur « chez-soi » projeté et en dehors des espaces de proximité : « L’espace du chez-soi est inclus dans le monde des autres » (Deprez, 2007, 253). La question rhétorique dans l’extrait 14 est la trace d’une réflexion intérieure où se mêlent positionnement personnel et discours-autres : Carlos formule, dans une énonciation dialogique, des points de vue opposés sur la nécessité de parler le français ou l’anglais à Montréal.
52La crainte exprimée par Alberta de se perdre spatialement et que personne ne puisse lui venir en aide (la répétition du déictique « je ») semble refléter autant la crainte de ne pas pouvoir « se dire » dans une hypothétique autre situation de détresse que de ne pas retrouver une indépendance face une situation infantilisante : « je suis comme un bébé ici » (Délia, Roumanie, 10 mois de résidence).
53Ces expériences « du dehors », en dehors de l’espace sécurisant et sécurisé du chez soi, montrent ici que la fin de l’univers d’appartenance se traduit par la fin du langage référentiel et qui laisse place à l’expression des émotions (avoir besoin, avoir envie, ne plus avoir peur…). En géographie, Raffestin (1982, 1987) explique que l’individu « sémiologise » l’espace et, ce faisant, le transforme en territoire dans lequel et sur lequel il aura un pouvoir d’action. Dans cette perspective, la territorialité est un système relationnel qui lie l’extériorité et l’altérité dans le but d’avoir le plus d’autonomie possible et assurer sa pérennité. Une société, et par là même les individus qui la composent, est liée avec son territoire par des médiateurs (langues, moyens de transport, etc.), ainsi « les limites de ma territorialité sont les limites de mes médiateurs » (Raffestin, 1982, 170).
54Apprendre la langue « de la distance » ouvrirait les portes « du centre de loisirs » (Irina, Roumanie, 6 mois de résidence), « de la piscine », « de la patinoire ». Ces activités ne nécessitent pourtant pas forcément de parler français ou anglais, mais apparait ici le lien entre « faire » quelque chose et « avoir la possibilité symbolique de le faire », ou plus spécifiquement la conjonction entre l’être, le ressenti et l’environnement. Ainsi apprendre et parler une nouvelle langue, c’est aussi prendre le contrôle de sa vie quand tout est bouleversé, en particulier la catégorisation dont on est l’objet. L’enjeu ici est d’être perçu comme un « inconnu » plutôt que comme un « étranger » (Gourcy, 2013, 47). L’augmentation de la compétence linguistique permet de s’approprier l’espace, de se façonner son propre territoire.
55Ce territoire s’agrandira consciemment quand les témoins auront rejoint leurs premiers objectifs (un niveau de français jugé suffisant et un travail) car Montréal parait une ville « facile à vivre », sécuritaire, elle n’est pas une source d’inquiétude, l’insertion spatiale peut donc être remise à plus tard.
56D’autres, au contraire, ont besoin de s’ancrer dans la ville pour que l’envie et la nécessité d’apprendre une des langues du nouvel espace deviennent une évidence dans une vie qui commence à s’organiser.
57L’appropriation spatiale rend la ville moins effrayante : le fait de parcourir et d’éprouver physiquement un nouvel espace (« me promener », « connaitre la ville ») permet de l’appréhender, de le circonscrire et finalement de se l’approprier voire de l’aimer. Le rapport à l’espace et aux langues est à penser dans une perspective temporelle car ces deux objets engendrent des déstabilisations, des reconfigurations et des appropriations.
5 – Réflexions conclusives
58Montréal est le terrain qui nous permet d’étudier au plus près « l’immigration après l’arrivée ». L’objectif de cette étude n’est pas de donner les grandes lignes d’un processus d’intégration typique ou idéal mais de regarder au plus près des individus, d’étudier des fragments microscopiques des lieux et des langues de la migration pour comprendre ce qui autorise et favorise certains types de contacts, d’interactions et de productions langagières. Nous découvrons que les espaces de rencontre avec l’Autre, dans les premiers temps de l’immigration, ne pas sont ceux que l’on se représente généralement (café, salle de sport, centre de loisirs, etc.) et qu’ils nous amènent à penser une nouvelle conceptualisation des espaces relationnels spatiotemporellement marqués. Rejoignant ce que Rémy appelle « le paradoxe de l’inconséquence » selon lequel « des lieux peuvent être d’autant plus importants que les rencontres qui s’y déroulent sont sans conséquence sur les grands enjeux de la vie sociale » (1990, 99), nous concluons que la distance interpersonnelle et l’expérience de la diversité non contraignante offertes par ces espaces interstitiels, donne une place et un temps à la construction d’interactions éphémères qui contribuent à l’appropriation sociale, spatiale et linguistique de la ville. A tel point que ces rencontres se font sans même que l’autre ne le sache. Ces micro-instants renseignent sur les ressources que les individus en situation d’immigration trouvent pour combler le besoin de se situer, de se faire une place et de se retrouver dans leur nouvel environnement. Par conséquent, le contexte socioculturel dans lequel les individus évoluent doit être pris en compte de manière spatiotemporelle pour comprendre les processus d’intégration sociale et spatiale, et ainsi complexifier les visions politiques, et parfois scientifiques, des processus d’intégration sociale schématique, graduelle et progressive.
59Afin d’approfondir les éléments relevés sur le proche et le distant dans les pratiques de la ville, il serait intéressant d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion sur le rapport entre genre et espace [8] dans les espaces urbains traversés et investis dans les parcours migratoires. Reposant sur la théorie de l’intersectionnalité (Bilge, 2009), la catégorie immigré serait rejointe par les catégories de différenciation sociale comme le genre, l’âge ou le statut socioéconomique, etc., pour comprendre les rapports spatiaux et sociaux des individus, et particulièrement ceux des femmes dans la ville.
60Enfin, l’appréhension de l’espace permet de se situer par rapport à l’Autre et à Soi dans sa propre trajectoire migratoire. Les espaces interstitiels de la vie quotidienne urbaine et les interactions éphémères participent de l’appropriation de la ville et dans lesquels se construit la cohabitation ethnique qui caractérise Montréal. Les espaces observés, à travers les vitres d’un autobus par exemple, deviennent territoires de vie par un jeu de déplacement entre proximité et distance, à la fois physique et symbolique. Le sens et l’intelligibilité de la ville s’appréhendent donc en mouvement.
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Notes
-
[1]
Anne-Sophie Calinon, Université de Franche-Comté, anne-sophie.calinon@univfcomte.fr
Nous remercions l’équipe du CEETUM (Centre d’études ethniques des universités montréalaises) de nous avoir apporté les conditions idéales pour rédiger cet article. -
[2]
Pour une critique de la locution, voir Calinon (2013).
-
[3]
Voir la rétrospective de Giraut (2008) ou Moine (2006).
-
[4]
Ce ne sont que des femmes qui formulent ces réponses.
-
[5]
Ce quartier a fait l’objet de plusieurs études regroupées dans l’ouvrage Le quartier Côte-des-Neiges à Montréal, les interfaces de la pluriethnicité (Meintel et al., 1997).
-
[6]
Ce document analyse des données tirées du recensement de la ville de Montréal de 2011 et de l’enquête nationale auprès des ménages de 2011.
-
[7]
Il est intéressant de noter que plusieurs femmes ont mentionné que leur mobilité spatiale était limitée et contrainte dans leur pays d’origine à cause de très importants problèmes de sécurité.
-
[8]
Voir, par exemple, Di Méo (2011).