Notes
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[1]
Utkan Boyacioglu, Université de Montréal, utkan.boyacioglu@umontreal.ca
Pour leurs commentaires et suggestions, j’aimerais remercier Mireille Tremblay, Anne Bertrand et Hélène Blondeau, ainsi que deux évaluateurs de la revue et les participants aux colloques ACFAS 2014 et ACQS 2014. -
[2]
Ces premiers travaux sur le français montréalais portaient sur des locuteurs habitant des quartiers à majorité francophone, de langue maternelle française, nés ou arrivés dans la ville en bas âge.
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[3]
Utilisé, dans un premier temps, en rapport avec une différenciation de communautés socioculturelles surtout africaines (parfois avec une charge péjorative), le terme ethnie a pris, en sociolinguistique une extension beaucoup plus large, pour désigner toute communauté dont les membres partagent une même origine géographique et culturelle (Tchitchi, 1997).
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[4]
La première, française, en Nouvelle-France et une deuxième, après 1760, avec l’immigration britannique, anglaise, écossaise, irlandaise, et des contingents d’immigrants allemands. Une troisième, au tournant du XXe siècle, est italienne puis juive, et, avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale, polonaise. Une quatrième vague est constituée d’une immigration méditerranéenne : après les Italiens, viennent les Grecs et les Portugais. Puis arrivent les Haïtiens à la fin des années 1950. Une cinquième vague, après 1960, permet l’accueil de citoyens d’Amérique latine et du Sud-Est asiatique. Enfin, une sixième vague est formée par les immigrants du Liban, de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb (Lamonde, 2014). L’immigration turque fait partie de cette plus récente vague d’immigration.
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[6]
Le regroupement familial est la possibilité donnée à des membres d’une famille séparés entre plusieurs pays de se retrouver. Le plus souvent, le chef du ménage qui confirme son travail à l’étranger se fait rejoindre par le reste de sa famille. Le moteur de l’expatriation dans ce cas est toujours le travail mais contient des éléments plus permanents.
-
[7]
Le taux de natalité de la Turquie était de 44,97 % entre les années 1950 à 1970. Ce taux a diminué progressivement et il est de 17 % depuis 2009 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Démographie_de_la_Turquie).
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[8]
Les Turcs francophones du monde ont aussi accès à un journal électronique, Aujourd’hui la Turquie « Türkiye’de Bugün », publié en français.
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[9]
Cette harmonie a pris fin en 2013 suite à des conflits écopolitiques qui ont commencé en 2013, entre le Parti Justice et Développement au pouvoir (AKP) et le mouvement islamiste Hizmet.
-
[10]
Ce terme résulte de la combinaison des mots anglais network et ethnographie. La méthode netnographique consiste à observer les actes communicationnels des membres d’une communauté virtuelle en cherchant à leur donner un sens.
-
[11]
Le plan Marshall était un programme américain de prêts accordés aux différents Etats de l’Europe pour aider à la reconstruction des villes et des installations bombardées lors de la Deuxième Guerre mondiale.
- [12]
- [13]
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[14]
L’Université Galatasaray est un projet qui a été initié par les anciens diplômés du Lycée de Galatasaray. Le projet détaillé et la planification présentés ont reçu le soutien des autorités aussi bien en France qu’en Turquie. (source : http://www.gsu.edu.tr/fr/universite/informations-generales/historique)
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[15]
Le fait qu’une bonne connaissance du français constitue un net avantage dans l’évaluation de la candidature des immigrants est clairement exprimé par le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion. (source : https://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/immigrer-installer/etudiants/demeurer-quebec/demande-csq/etudiants-quebec/facteursselection.html)
-
[16]
Bien que l’idéal soit d’élaborer une approche non statique (une ethnographie par exemple) qui observe les participants dans leurs trajectoires urbaines (Lamarre et Lamarre, 2009), étant donné que nous présentions une étude pilote, nous avons profité des avantages du questionnaire comme le recrutement de plusieurs participants dans un temps de travail relativement court et la comparabilité interparticipant (Boberg, 2013).
- [17]
-
[18]
Pour de futurs travaux, il serait intéressant de mesurer par un test si l’autoévaluation des participants correspond à leur véritable niveau de français.
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[19]
Nous avons classé l’expression jön Türkler « jeunes Turcs » parmi les termes neutres. Il s’agit d’un mouvement d’opposition des élites militaires et civiles qui réclament le rétablissement de la Constitution ottomane de 1876 supprimée par le sultan Abdülhamid II en 1878. Certains opposants avaient été arrêtés ou avaient fui à Paris et ont commencé à être connus en français sous le nom de « Jeunes Turcs » (Findley, 2005).
-
[20]
Eckert (2000) souligne que les sociolinguistes utilisent la notion de communauté linguistique pour délimiter l’espace social dans lequel la langue est utilisée. Parce que le traitement de la langue en sociolinguistique met l’accent sur l’hétérogénéité, ils cherchent une unité d’analyse à un niveau d’agrégation sociale où il peut être dit que l’hétérogénéité est organisée.
1 – Introduction
1Avec la transformation de la dialectologie au XXe siècle, la variation devient le problème central de la linguistique, et avec les travaux de Labov (1972), la ville émerge comme terrain privilégié pour l’aborder (Heller, 2005). Le terrain n’est plus un territoire géographique mais un espace délimité par rapport aux quartiers, aux banlieues, aux parcs, aux centres commerciaux, etc., et par rapport au genre, à la classe sociale, à l’ethnicité, etc., des individus qui partagent cet espace. Un terrain, c’est avant tout un ensemble d’interactions, de relations, d’échanges et d’expériences entre ces individus (Blanchet, 2012). La ville, contenant une population dense dans ces espaces, présente pour les chercheurs un terrain particulièrement propice à l’étude de ces interactions.
2La ville de Montréal a toujours occupé une place de choix en sociolinguistique avec la création du grand corpus socialement stratifié Sankoff-Cedergren de 1971 (Sankoff et al., 1976) et ses suites, Montréal 1984 (Thibault et Vincent, 1990) et Montréal 1995 (Vincent et al., 1995), et de nombreux travaux ont décrit le français montréalais. La majorité de ces travaux sociolinguistiques ont étudié les pratiques langagières des Montréalais francophones [2] en fonction de plusieurs catégorisations sociales pertinentes, mais ont négligé le facteur de l’ethnicité [3]. Les études sur la relation entre langue et immigration se sont bornées au choix de langue (anglais ou français) des nouveaux arrivants (Pagé, 2005 ; Renaud et al., 2001). Cette situation change et Blondeau (2014) remarque un nouvel intérêt pour la dimension ethnique dans les études à la fois sur l’usage et sur les représentations.
3La région de Montréal est le lieu d’installation privilégié des immigrants arrivés au Québec, quelle que soit leur période d’arrivée. Ainsi, selon Calinon, entre 1995 et 2005, 78,8 % des nouveaux arrivants au Québec ont choisi pour destination Montréal (Calinon, 2009). À titre de métropole, Montréal attire les gens d’autres régions du Québec, mais elle est aussi une porte d’entrée nord-américaine pour bon nombre d’immigrants d’origines culturelles multiples (Blondeau, 2014). Même si nous pouvons classer Montréal comme une ville moyenne par rapport à la population ou au territoire qu’elle occupe, cette ville, avec ses grandes vagues d’immigration [4], présente une complexité exceptionnelle qui comporte la mixité sociale, la multinationalité et bien évidemment un grand multilinguisme. Selon les données du recensement 2011, la ville de Montréal a une population de 1 862 195 personnes et un tiers de cette population, soit 601 615 personnes, ne sont pas des locuteurs natifs de l’anglais ni du français, les deux langues officielles du Canada. La forte densité de population de la ville en fait un terrain privilégié pour observer le rôle des facteurs sociaux dans l’intégration linguistique des nouveaux arrivants.
4Or, les villes représentent un défi de taille à étudier vu leur complexité. Pour pouvoir les aborder empiriquement, nous sommes obligés de délimiter ce que nous examinons, voire de découper la complexité de la ville pour pouvoir la cerner et la théoriser (Lamarre et Lamarre, 2009). Ainsi, pour comprendre l’intégration des nouveaux arrivants, il faut prendre en compte l’ethnicité. L’intégration se fait souvent via la communauté d’origine, qui agit comme première société d’accueil. Par ailleurs, chaque communauté présente des profils d’intégration distincts, attribuables à des facteurs comme l’importance de la vague d’immigration, la période migratoire et donc l’ancienneté de la communauté, la prépondérance du français ou de l’anglais dans le pays d’origine, etc.
5Dans le présent travail, nous avons choisi de nous pencher sur la communauté turque de Montréal. Bien qu’on trouve plusieurs études sur le phénomène migratoire turc, celles-ci portent sur l’immigration européenne et les études sur l’immigration turque en Amérique du Nord sont rares et limitées (Bilge, 2003). Par conséquent, l’état des connaissances sur l’intégration linguistique des immigrants en provenance de Turquie dans l’espace canadien et principalement québécois demeure largement lacunaire. Notre étude vise à combler cette lacune et à décrire ce sujet inexploré. Le cas des immigrants turcs nous apparaît particulièrement intéressant car cette communauté relativement jeune a connu une augmentation importante au cours des dernières années et elle est appelée à croitre en raison de la situation sociopolitique en Turquie et dans les pays voisins (Syrie, Irak, etc.). Finalement, la structure hétérogène par rapport à la scolarisation et à la connaissance préalable du français permet d’étudier ces facteurs dans le processus d’intégration. A terme, notre travail permettra de mieux comprendre les facteurs qui influencent l’intégration des nouveaux arrivants issus de pays non francophones à la communauté francophone.
6La présente étude se veut une étude pilote sur l’intégration linguistique de la communauté turque de Montréal à la communauté francophone et cherche à répondre aux questions suivantes :
- Quels facteurs influencent la maîtrise du français ?
- Quels contextes favorisent l’utilisation du français ?
- Quels contextes d’utilisation sont perçus comme difficiles ?
- Comment le français est-il perçu par la communauté turque ?
7Afin de mieux comprendre les défis linguistiques des immigrants récents turcs, nous présentons tout d’abord un bref survol de l’émigration turque et de l’immigration turque au Canada. Ensuite, nous offrons une description de la structure de la communauté post-migratoire turque à Montréal pour mieux identifier les différents réseaux. Celle-ci est suivie d’une brève discussion sur les défis que pose l’intégration linguistique à la communauté francophone. Finalement, nous présentons les résultats des réponses à un questionnaire distribué dans la communauté turque sur l’usage et les représentations du français. Cette étude nous permet de distinguer deux groupes d’immigrants d’origine turque en fonction de leurs pratiques langagières et de leur rapport à la langue française.
2 – L’Émigration turque
8Le mouvement d’émigration turque est actuellement en plein essor. Depuis plus d’une cinquantaine d’années, on assiste à l’exode d’ouvriers, de réfugiés et d’universitaires turcs vers les pays occidentaux. Selon les chiffres officiels de 2016 du ministère des Affaires étrangères de la République de Turquie [5], il y a plus de 5 millions de personnes d’origine turque (citoyens turcs ou non) vivant à l’étranger. La population émigrante turque est concentrée surtout en Europe (4 millions), particulièrement en Allemagne (3 millions), en Amérique du Nord (300 000) et au Moyen-Orient (200 000).
2.1 – Les phases d’émigration turque
9Située entre l’Asie et l’Europe, la Turquie a été fondée en 1923, comme un État-nation séculaire, sur les ruines de l’empire ottoman. La langue officielle est le turc. L’émigration turque débute à la fin du XIXe siècle, avec la dissolution de l’empire ottoman et se poursuit jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L’héritage de cet empire et la création de la République turque expliquent en partie l’émigration des peuples non musulmans de l’Anatolie (Grecs, Arméniens, Juifs, etc.), mais aussi l’émigration des musulmans qui fuient les terres perdues par les Ottomans.
10L’émigration turque s’intensifie après la Deuxième Guerre mondiale. Alors que la première vague d’émigration avait surtout été motivée par la recherche d’un pays paisible, cette nouvelle vague est motivée par des considérations économiques. La croissance économique d’après-guerre en Europe de l’Ouest a créé une demande de travailleurs non qualifiés dans les secteurs industriel, minier, agricole et dans le secteur de la construction déclenchant ainsi une première vague d’émigration de « travailleurs invités » provenant des pays du pourtour de la Méditerranée (de Haas, 2014), dont la Turquie. En 1961, la signature d’un accord bilatéral entre la Turquie et l’Allemagne de l’Ouest autorise les Turcs à entrer en Allemagne de l’Ouest pour des contrats de travail temporaires d’une durée d’un ou deux ans, autorisation qui a par la suite été étendue aux familles souhaitant quitter la Turquie (Icduygu, 2014). De 1961 à 1973, environ 710 000 travailleurs et travailleuses turcs arrivent en Allemagne (Moreau, 2006). Selon Verrier (2008), les travailleurs turcs étaient déjà plus de 900 000 quand l’Allemagne stoppa le mouvement en 1973. Cette phase d’émigration turque a pris fin lors de la crise pétrolière en 1974. Cette crise a également causé l’arrêt des programmes de recrutement des travailleurs étrangers en Europe occidentale.
11Une autre phase d’émigration turque en Europe a débuté avec le regroupement familial [6] qui a transformé l’immigration temporaire en immigration d’établissement de fait. Chaque année, le regroupement des familles permet l’arrivée d’environ 200 000 personnes originaires d’Anatolie en Allemagne (Verrier, 2008). Ce phénomène explique principalement pourquoi la population des migrants turcs a continué à augmenter tout au long des années 1970 et 1980 dans les pays européens (de Haas, 2014).
12La crise du pétrole, la récession qui a suivi en Europe et la forte croissance économique de la région du Golfe changent le paysage migratoire euro-méditerranéen. De ce fait, la majorité des migrants turcs, toujours motivés par des considérations économiques, se déplacent vers l’Arabie Saoudite et les autres pays arabes producteurs de pétrole. Cette phase se termine avec la crise koweitienne de 1990 qui cause la fermeture des entreprises turques se trouvant dans les pays arabes (Bilge, 2003).
13Au cours des deux décennies qui suivent, l’émigration turque est moins importante (Bommes, Fassmann et Sievers, 2014). Cependant, même si l’émigration turque a diminué de façon globale, le type d’immigration « exode des cerveaux » ayant débuté à la fin des années 1940 et qui se destine essentiellement à l’Amérique du Nord est resté continu. On note une augmentation de ce type d’immigration après le tremblement de terre de 1999, qui cause plus de 30 000 dans la région d’Istanbul. Ce désastre a influencé profondément l’équilibre fragile de l’économie turque et a poussé les électeurs à voter pour un parti conservateur. Ce grand changement politique a motivé les Turcs séculaires, souvent plus scolarisés, à quitter le pays.
14Même si on observe des changements socioculturels dans le profil des émigrants, on peut, de tout temps, distinguer deux profils d’émigrants ayant cherché à quitter la Turquie : une classe d’émigrants conservateurs, traditionnellement moins scolarisés et motivés surtout par l’incertitude économique, et une classe d’émigrants libéraux, motivés plutôt par l’incertitude politique du pays. Ces derniers, beaucoup plus scolarisés, ont souvent été en contact avec la culture du monde occidental via la scolarisation et la vie professionnelle. Dans la prochaine section, nous verrons que ces deux profils se retrouvent aussi dans la communauté turque de Montréal.
2.2 – Immigration turque au Canada
15L’arrivée des premiers immigrants turcs au Canada date des années 1880 et à partir de cette période, le nombre d’immigrants turcs augmente lentement. Il faut attendre les années 1960 pour voir une augmentation significative de l’immigration turque au Canada. Au cours de cette décennie, de 100 à 300 ressortissants de la Turquie viennent au Canada chaque année.
16Les années 1970 sont, au Canada comme dans les autres pays de forte immigration, le théâtre de changements importants dans les vagues migratoires désormais dominées par des personnes de provenance non européenne et par l’arrivée plus importante d’immigrants originaires de pays en développement. La Turquie, dont l’accroissement démographique positif est marquant dans les années 60 et 70 [7], fait partie de ces derniers.
17Le Québec ne fait pas exception à la règle, mais le gouvernement québécois favorisera peu à peu l’immigration en provenance de pays au passé colonial français (Viêtnam, Haïti, pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient) ou caractérisés par une culture latine (Amérique centrale et du Sud), pour encourager l’intégration des nouveaux arrivants à la majorité francophone (Germain, 1997). Cette nouvelle approche qui privilégie les immigrants francophones a un effet d’entrainement dans tout le Moyen-Orient et par conséquent favorise l’immigration turque, même si la Turquie n’est pas un pays de la francophonie.
18Dans les années 1980, en raison de la récession économique de l’Europe déclenchée par le choc pétrolier et des problèmes sociopolitiques du Moyen-Orient, le Canada et principalement Montréal sont devenus des destinations d’immigration de plus en plus populaires auprès des Turcs. En Turquie, des conflits politiques causent plusieurs cas de violations de droits de l’Homme, ce qui explique qu’entre septembre 1986 et janvier 1987, survient à Montréal une vague de quelque 2000 demandeurs d’asile turcs.
19De nos jours, la normalisation relative de l’atmosphère politique a diminué le nombre de réfugiés, mais l’immigration turque garde un taux de croissance positif. De nombreux changements politiques et économiques majeurs contribuent à créer dans la population turque une certaine incertitude. Certains Turcs éprouvent le désir de trouver un pays plus calme et choisissent donc d’émigrer au Canada.
Population turque dans 4 provinces canadiennes selon les recensements de 2001, 2006 et 2011
Population turque dans 4 provinces canadiennes selon les recensements de 2001, 2006 et 2011
20Le recensement de 2011 fixe à 55 000 le nombre de personnes d’origine turque vivant au Canada, dont 26 % vivent au Québec et 53 % en Ontario. La comparaison des données des recensements de 2001, 2006 et 2011 montre l’augmentation de la population d’origine turque dans les quatre principales provinces canadiennes privilégiées par l’immigration turque. Si entre 2001 et 2011, l’Ontario continue d’être le premier choix des immigrants turcs, c’est en Alberta (195 %) et au Québec (150 %) qu’on observe la plus forte augmentation.
21Le tableau 2 montre que les immigrants turcs s’installent surtout dans les grandes villes canadiennes. La ville de Montréal arrive en second, tout juste derrière Toronto, comme destination privilégiée par les immigrants turcs.
Population turque dans 4 grandes villes canadiennes selon les recensements de 2001, 2006 et 2011
Population turque dans 4 grandes villes canadiennes selon les recensements de 2001, 2006 et 2011
22Comme on peut le constater, la population d’origine turque au Canada est en pleine expansion et on peut se demander comment se fait leur intégration linguistique à la société d’accueil et dans quelle mesure les profils d’intégration sont tributaires des trajectoires de vie. Afin de répondre à ces questions, nous nous penchons sur la communauté turque de Montréal. Aux fins du présent travail, nous avons choisi de nous concentrer sur l’intégration à la société francophone, majoritaire au Québec.
3 – La communauté turque de Montréal
23Le tableau 2 montre que la population d’origine turque à Montréal a presque triplé en 10 ans. Cette communauté émergente est loin d’être homogène. Selon nos propres observations, la communauté est constituée de quatre grands groupes qui se différencient par leur histoire migratoire : les universitaires, dont les motivations sont avant tout académiques ; les immigrants, motivés par des considérations économiques ; les expatriés, venus à Montréal à des fins diplomatiques ; les réfugiés, venus à Montréal pour des raisons sociopolitiques. Il est à noter que la vague de réfugiés était plus grande entre les années 1980 et 1999 en raison de la pression politique et de l’instabilité économique.
24Contrairement à d’autres groupes arrivés en grand nombre au Canada depuis plusieurs décennies, la communauté turque bénéficie de peu d’infrastructures communautaires. Pourtant, avec l’accroissement de la population d’origine turque, la communauté se développe et les nouvelles infrastructures reflètent l’organisation sociale de la communauté. Selon Bilge (2003), les différentes vagues migratoires turques présentaient des différences liées à la classe, au mode de vie, aux convictions politiques et religieuses et sur le plan de la structuration communautaire. Ces différences ont engendré une segmentation de la communauté qu’on peut observer au niveau associatif. Ainsi, en 1964, les ressortissants turcs avaient créé à Montréal l’Association culturelle turque. Pendant plusieurs années, cette association aidera les nouveaux arrivants et tentera de maintenir une partie de la culture turque. Au cours des années 1980, le profil socioculturel des immigrants turcs change. L’Association culturelle turque ne pouvant répondre aux besoins de ces nouveaux arrivants, une deuxième association, le Centre islamique de la communauté turque, est créée en 1991. Cette deuxième association possède une mosquée dans Saint-Michel, un quartier francophone de l’est de Montréal qui présente une diversité culturelle importante (voir Blondeau et Tremblay dans ce volume).
25L’existence de ces deux associations reflète la division de la communauté linguistique. Nos observations préliminaires montrent que les Turcs qui habitent à Montréal ne forment pas un seul ensemble, mais qu’il s’agit plutôt d’un ensemble ethnique divisé en au moins deux réseaux, chacun ayant ses propres lieux de socialisation, ses propres moyens de communication et ses propres activités culturelles. L’appartenance à l’un ou à l’autre réseau est tributaire des orientations politiques, des pratiques religieuses et des villes d’origine. La structuration des médias et des réseaux sociaux témoigne de cette segmentation de la vie communautaire.
3.1 – Médias
26Il n’existe pas de chaîne de télévision ni de station de radio dédiées à la communauté turque à Montréal. En revanche, la communauté a accès à deux mensuels imprimés [8]. Le premier, Notre Anatolie « Bizim Anadolu », est publié à Montréal depuis 22 ans en trois langues, français, turc et anglais. Le deuxième, CanadaTürk, The voice of the Turkish Canadian Community « Kanada Türk Toplumu’nun Sesi », est publié à Toronto depuis 13 ans en anglais et en turc, et distribué par voie postale partout au Canada. Ces deux journaux ont des tendances politiques différentes : le premier est plus général et plus républicain, alors que le deuxième est plus engagé envers le mouvement islamiste et plus en harmonie avec les arguments religieux du parti au pouvoir [9].
27Les Turcs organisent annuellement deux festivals de films à Montréal : le Festival des Films Turcs de Montréal « Montreal Türk Filmleri Festivali », qui se tient depuis 2009, et le Festival du Film de la Turquie Corne d’Or « Altın Boynuz Türkiye Filmleri Festivali », qui est présenté depuis 2014. L’existence de ces deux festivals dans la communauté reflète une partition sociopolitique plutôt que des approches cinématographiques distinctes. Nous constatons la différence entre films turcs et films de la Turquie comme des choix lexicaux délibérés qui reflètent d’une part une référence à une identité nationale, d’autre part une référence à une identité régionale qui contient plusieurs identités ethniques (turque, kurde, arménienne, etc.) sur le territoire turc.
3.2 – Réseaux sociaux
28A Montréal, les médias sociaux apparaissent comme les principaux outils de communication entre les Turcs. Sur Facebook, il existe une dizaine de groupes communautaires, mais la plupart sont inactifs. Cependant, il y a trois grands groupes actifs qui ont pour but de favoriser la communication entre les Turcs montréalais : 1o Turcs à Montréal « Montreal’deki Türkler », 2o MontrealTurk et 3o Turcs de Canada-Montréal « Kanada-Montreal Türkleri ». Afin d’observer comment la double structure de la communauté se reflète dans les réseaux sociaux, nous avons fait une courte analyse netnographique [10] de ces trois groupes majeurs dont nous présentons les résultats ci-dessous.
29Pour cette étude, nous avons comparé les trente derniers messages partagés dans chacun des groupes. Le tableau 3 montre que le turc est la langue d’usage normale au sein des trois groupes. Par ailleurs, alors que les deux premiers groupes favorisent l’anglais plutôt que le français, la situation est inversée dans le cas du troisième groupe. Les contenus en anglais et en français sont généralement des annonces d’activités sociales et quelques partages sur les nouvelles d’immigration publiées dans différents journaux canadiens.
Groupes Facebook et fréquence d’utilisation des langues
Groupes Facebook et fréquence d’utilisation des langues
30Nous avons classé le contenu de ces 90 messages selon leur sujet. Nous avons distingué 5 catégories : activités (ex. : spectacles, cours, etc.), politique (ex. : commentaires, nouvelles de la Turquie, etc.), immigration (ex. : demandes de suggestions, partages des nouvelles sur l’immigration, etc.), petites annonces (ex. : maisons à vendre, emplois, etc.) et religion (ex. : annonces des organisations religieuses, célébrations des fêtes religieuses, versets du Coran, etc.). Le tableau 4 présente le résultat de cette classification dans les trois groupes Facebook.
Groupes Facebook en fonction du contenu
Groupes Facebook en fonction du contenu
31On observe que la politique et les activités ont à peu près le même poids pour les trois groupes. En revanche, le groupe « Montreal’deki Türkler » se distingue des deux autres, puisque sur les 30 derniers messages publiés sur cette page, 27 % (8) portaient sur la religion (versets du Coran, citations religieuses, etc.).
32L’analyse des contenus partagés sur les activités et la politique a également révélé une division dans la communauté quant à la religion. Dans le groupe « Montreal’deki Türkler », on trouve plus souvent des invitations à des spectacles et un discours politique qui portent des traits religieux.
33En résumé, il est possible de voir dans chaque domaine de communication une double structure communautaire motivée par des tendances sociopolitiques. Pour certains Turcs montréalais, la pratique religieuse est une partie indispensable de l’identité et un moyen important d’inclusion sociale, alors que pour d’autres, la pratique religieuse occupe une place moins centrale. Ceci se reflète dans les médias sociaux, les médias, les activités culturelles et les associations communautaires.
34Notre étude vise à établir les facteurs qui influencent la maîtrise du français chez les immigrants turcs, les contextes qui favorisent l’utilisation du français, les contextes qui sont perçus comme difficiles et l’attitude linguistique de la communauté turque. La section qui suit présente d’abord une brève histoire du français en Turquie pour ensuite observer les traits de l’intégration linguistique de cette communauté divisée.
3.3 – Les défis que pose l’intégration linguistique à la communauté francophone
3.3.1 – L’enseignement du français en Turquie
35De nos jours, les Turcs connaissent peu le français. Au début du XIXe siècle, la langue française était une langue littéraire, diplomatique et commerciale dans le monde et particulièrement au Moyen-Orient. Entre les années 1869 et 1922, le français était d’ailleurs la seule langue étrangère occidentale enseignée en Turquie (Demiryurek, 2013). Cependant, les deux guerres mondiales ont favorisé l’influence américaine dans tout l’Orient et l’anglais est devenu la langue seconde pour tous les niveaux d’éducation. Particulièrement, l’influence américaine sur la politique d’éducation nationale turque a sérieusement augmenté depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la Turquie faisant partie du plan Marshall [11].
36Actuellement, le français est enseigné en Turquie comme deuxième langue étrangère, au même titre que l’allemand, l’espagnol ou l’italien. Il existe toutefois des lycées francophones, la plupart à Istanbul. Tous ces établissements sont encore populaires et regroupaient 6 332 élèves en 2015. Dans un pays où le nombre d’élèves totalise 16 millions, cela signifie que seuls 0,04 % des étudiants turcs sont scolarisés en français. Pour ces élèves, le français est une véritable langue seconde, souvent mieux maîtrisée que l’anglais.
37Au niveau universitaire, il y a actuellement 11 départements de langue et de littérature française [12] et 9 départements d’enseignement du français comme langue seconde [13]. La plupart de ces établissements sont concentrés dans les trois grandes villes de la Turquie, soit Istanbul, Ankara et Izmir. Cependant, en 1992, on a fondé une université publique turque francophone : l’Université Galatasaray (Galatasaray Üniversitesi). Etablie à Istanbul, cette institution est l’unique université francophone de la Turquie et la seule université établie par un traité international [14] en Turquie. L’Université Galatasaray comprend cinq facultés (sciences économiques et administratives, droit, lettres, communication et génie) et deux instituts (sciences sociales, sciences exactes) et compte 200 enseignants (dont 31 Français) et 2 500 étudiants. Elle est membre de l’Agence universitaire de la Francophonie.
38Comme le Québec favorise la candidature d’immigrants ayant une bonne connaissance du français, on peut se demander si les élèves ayant fréquenté une institution francophone en Turquie sont surreprésentés au Québec. Ces élèves pourraient avoir plus de chances d’être sélectionnés par Québec [15] ; ils pourraient aussi être plus enclins à choisir le Québec comme nouvelle terre d’accueil.
3.3.2 – La connaissance du français des Turcs de Montréal
39Afin de voir la connaissance du français des immigrants turcs, nous avons analysé les données du recensement 2011. Nous avons comparé ces données avec les données des communautés issues des pays voisins de la Turquie, l’un qui a une population d’immigrants similaire à la Turquie, la Bulgarie, et l’autre qui est un pays culturellement proche de la Turquie, l’Iran.
Connaissance des langues officielles des Turcs, des Bulgares et des Iraniens à Montréal
Connaissance des langues officielles des Turcs, des Bulgares et des Iraniens à Montréal
40Selon le recensement de 2011, 69 % des Turcs ont une connaissance du français. 31 % des Turcs au Québec déclarent connaître seulement le français et 37 % déclarent connaître les deux langues officielles. Ce pourcentage de 31 % est surprenant, étant donné que l’anglais est la première langue seconde enseignée en Turquie. Ce dernier pourcentage est de 23 % pour les Bulgares et de 13 % pour les Iraniens.
41Ces données appuient l’hypothèse selon laquelle les Turcs ayant appris le français en Turquie seraient surreprésentés à Montréal. En revanche, ces données ne nous permettent pas d’évaluer le niveau d’intégration linguistique de la communauté, ni de comprendre les défis auxquels elle doit faire face. Le fait d’avoir une connaissance préalable du français facilite-t-il l’intégration linguistique à la société francophone et influence-t-il les représentations linguistiques ? Pour répondre à ces questions, nous avons élaboré un questionnaire portant sur les attitudes et les défis linguistiques de la communauté. L’analyse de ce questionnaire permet de mieux saisir les facteurs sociaux qui influencent la perception du français par la communauté turque de Montréal.
4 – Méthodologie
42Notre étude repose sur une enquête de terrain menée pendant trois mois, de mars à mai 2014, et qui combine deux méthodes : 1o la description ethnographique de la communauté par l’observation participante et par la recherche netnographique ; 2o un questionnaire soumis à un échantillon de 37 immigrants originaires de Turquie et établis à Montréal.
4.1 – Questionnaire
43Afin de comprendre dans quelle mesure les immigrants turcs communiquent en français entre eux et comment le français est perçu par la communauté turque, nous avons distribué à Montréal un questionnaire [16] dans la communauté. Le questionnaire a été distribué sous format papier dans quelques restaurants turcs (centre-ville et quartiers Côte-des-Neiges et Saint-Michel) et sur Internet via les trois groupes Facebook de la communauté présentés précédemment. A Montréal, il y a une dizaine de restaurants turcs, principalement des restaurants relativement modestes situés au centre-ville qui servent de lieux de socialisation pour les Turcs. Ces restaurants demeurent des zones mixtes où les membres des deux réseaux décrits précédemment se croisent, sans nécessairement interagir. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi d’effectuer une partie de notre recrutement dans ces lieux.
44Notre questionnaire est divisé en deux parties. Un premier bloc de quatorze questions à choix multiples permet d’établir le profil sociodémographique du participant : la ville de résidence, l’âge, le sexe, le niveau scolaire, la maîtrise du français, la durée de résidence à Montréal, l’âge d’arrivée à Montréal, la scolarité à Montréal, le lieu d’apprentissage du français. Le deuxième bloc porte plus particulièrement sur l’usage et la perception du français et est divisé en deux parties. Une première partie comporte des questions à choix multiples sur les contextes d’utilisation du français et les difficultés d’utilisation du français dans ces contextes. La deuxième partie consiste en une question ouverte permettant au participant de qualifier sa perception du français en trois mots.
45Afin de faciliter la collecte des données, le questionnaire a été préparé en deux versions, soit en turc et en français. Tous les participants ont choisi la version en turc.
4.2 – Profil sociodémographique des participants
46Au total, 12 femmes et 25 hommes ont participé à l’étude ; 31 participants (84 %) ont plus de 18 ans. Le tableau 6 donne la distribution de nos participants en fonction du sexe et de l’âge. Nous pouvons constater que notre mode de recrutement a favorisé une surreprésentation des hommes (68 %) et du groupe entre 25 et 45 ans (65 %) dans notre échantillon.
Répartition du sexe et de l’âge
Répartition du sexe et de l’âge
47Le tableau 7 montre la distribution des participants en fonction de la scolarité. Les femmes sont réparties équitablement en fonction des cinq niveaux d’éducation, alors que la répartition des hommes est concentrée dans les trois niveaux intermédiaires.
Répartition du sexe et du niveau d’éducation
Répartition du sexe et du niveau d’éducation
48La figure 1 montre la répartition des participants en fonction de l’éducation. Cette figure permet de constater que les répondants sont plutôt scolarisés puisque 59 % ont une éducation universitaire. Or, selon les données des recensements de 2001 et 2006, seuls respectivement 25,6 % et 25,8 % de tous les résidents québécois auraient atteint un tel niveau d’éducation post-secondaire. Même si les immigrants comptent pour une importante proportion des titulaires d’un doctorat ou d’une maîtrise au Canada [17], notre échantillon ne reflète donc pas la communauté puisqu’il y a une surreprésentation des Turcs scolarisés. Il est fort probable que cet état de fait soit attribuable à notre méthode de recrutement, la participation volontaire en ligne étant en général plus forte chez les gens scolarisés, mais aussi au fait que notre sujet d’étude (l’utilisation du français par les Turcs de Montréal) est plus susceptible d’intéresser les universitaires.
Scolarité
Scolarité
49Les figures 2 et 3 donnent la répartition des participants en fonction de l’âge d’arrivée à Montréal et de la durée de résidence à Montréal. Nos données montrent que 82 % des participants sont arrivés à Montréal à l’âge adulte. De plus, la très grande majorité (81 %) est à Montréal depuis moins de dix ans. Nos répondants sont donc d’immigration récente. Le fait que tous les participants aient choisi la version turque du questionnaire, plutôt que la version française, tiendrait donc au fait que, pour tous les répondants, le français est une langue seconde ou troisième, peut-être même aussi pour les répondants nés à Montréal ou arrivés à Montréal avant 18 ans.
Répartition des participants en fonction de l’âge d’arrivée
Répartition des participants en fonction de l’âge d’arrivée
Répartition des participants en fonction de la durée de résidence à Montréal
Répartition des participants en fonction de la durée de résidence à Montréal
50Le tableau 8 donne la répartition du lieu d’apprentissage du français. Ce tableau permet de constater que la majorité des répondants (56 %) ont appris le français à Montréal mais que la plupart des universitaires (baccalauréat et maîtrise) ont appris le français en Turquie. Ce résultat est à mettre en lien avec le fait que, comme nous l’avons mentionné plus haut, l’apprentissage du français en Turquie est plutôt l’apanage des classes sociales aisées et scolarisées.
Répartition des participants en fonction du lieu d’apprentissage du français et de la scolarisation
Répartition des participants en fonction du lieu d’apprentissage du français et de la scolarisation
51Finalement, comme l’objectif principal de notre travail est de décrire les défis que pose l’intégration à la société francophone, nous avons demandé aux participants de faire une autoévaluation de leur compétence en français. Les répondants devaient donc qualifier leur connaissance du français sur une échelle à quatre niveaux : Je parle très peu de français, Je parle assez pour m’exprimer, J’ai un bon niveau et J’ai un très bon niveau. Cette appréciation subjective a l’avantage de mettre l’accent sur le processus communicationnel (comment le participant perçoit sa capacité à communiquer en français), ce que ne ferait pas un simple test de compétence en français [18]. Le tableau 9 donne la répartition des participants en fonction de l’autoévaluation de la compétence.
Répartition des participants en fonction du niveau de compétence en français
Répartition des participants en fonction du niveau de compétence en français
52Cette auto-évaluation montre que 58 % de nos participants considèrent qu’ils ont au moins un bon niveau de français et 79 % des participants ne connaissent pas de grandes difficultés à s’exprimer.
53La prochaine section présente les analyses croisées, basées sur la répartition de la déclaration du niveau de français par rapport aux facteurs sociaux et aux perceptions.
5 – Résultats
54Afin de comprendre la relation entre les immigrants turcs et le français, trois différents types d’analyse ont été effectués. Dans la première partie, nous présentons les résultats de l’analyse croisée qui donne la répartition des participants par rapport à leur niveau de français et leurs caractéristiques sociodémographiques (sexe, durée de résidence, âge d’arrivée à Montréal et lieu d’apprentissage du français). La deuxième partie présente l’analyse de fréquence des résultats du questionnaire aux questions portant sur les contextes d’utilisation. Nous terminons par l’analyse de la perception du français par les participants.
5.1 – Analyses croisées des facteurs sociodémographiques
55Pour notre étude, nous avons examiné les facteurs sociodémographiques comme le sexe, l’âge d’arrivée à Montréal, la durée de résidence et le lieu d’apprentissage du français des participants en lien avec la maîtrise du français, notre variable dépendante.
56Plusieurs enquêtes sociolinguistiques montrent que le sexe est une source structurée de variation sur le comportement des locuteurs et celui des locutrices (Pillon, 1997). Nous avions donc présupposé que le sexe biologique qui est un facteur déterminant sur les rôles sociaux et les pouvoirs socioéconomiques des individus, serait significatif et que la structure familiale classique turque limiterait les interactions sociales des femmes et leur apprentissage du français. Le tableau 10, qui présente la répartition de la maîtrise du français en fonction du sexe, permet de constater que, contrairement à nos attentes, la distribution du sexe des participants en fonction de la maîtrise du français est presque équilibrée. Les femmes et les hommes qui déclarent qu’ils n’ont pas de problème à s’exprimer sont respectivement de 75 % et de 84 %.
Maîtrise du français en fonction du sexe
Maîtrise du français en fonction du sexe
57Le tableau 11 montre l’interaction entre l’âge d’arrivée et la maîtrise du français. Nous constatons que 59 % des Turcs qui ont immigré au Québec après 18 ans évaluent leur niveau de français comme bon ou très bon. Seuls 25 % des Turcs immigrés avant 18 ans déclarent une telle maîtrise. Il est intéressant de noter que 75 % de ces derniers déclarent un niveau de français Je parle très peu de français ou Je parle assez pour m’exprimer. Même si notre échantillon contient peu de participants pour émettre une conclusion définitive, ces données sont surprenantes puisqu’on s’attendrait à une meilleure intégration des jeunes à la communauté francophone. Il est possible que la différence entre les deux groupes soit attribuable au fait qu’ils utilisent des groupes de référence distincts. Alors que les Turcs arrivés avant 18 ans trouvent leur niveau de français relativement inadéquat lorsqu’ils se comparent aux autres jeunes de Montréal, les Turcs arrivés après dix-huit ans évaluent leur compétence de façon plus positive car ils se comparent aux autres membres de la communauté turque, que ce soit à Montréal ou même en Turquie.
Maîtrise du français en fonction de l’âge d’arrivée
Maîtrise du français en fonction de l’âge d’arrivée
58Par la suite, nous avons examiné l’effet de la durée de résidence des participants à Montréal. Nous avions présupposé que cette durée pourrait avoir un effet significatif sur leur niveau de français. Le tableau 12, qui donne la répartition de la maîtrise du français en fonction de la durée de résidence, ne montre pas une grande différence parmi les durées de résidence pour un niveau intermédiaire et plus. En revanche, un quart des immigrants récents (25 %) a déclaré avoir un niveau faible de français, alors que 13 % des immigrants de plus longue date ont déclaré un tel niveau. De ce fait, nous remarquons une augmentation du niveau de français en fonction de la durée de résidence.
Maîtrise du français en fonction de la durée de résidence
Maîtrise du français en fonction de la durée de résidence
59Finalement, le tableau 13 présente la maîtrise du français en fonction du lieu d’apprentissage. Ce tableau permet de constater que le lieu d’apprentissage est un facteur déterminant. Ce dernier résultat appuie également nos commentaires précédents pour la durée de résidence et l’âge d’arrivée et montre que les Turcs apprennent peu le français après leur arrivée au Québec. En effet, un pourcentage de 94 % des immigrants qui ont appris le français en Turquie déclare au moins un bon niveau de français. Ce pourcentage n’est que 28,5 % pour ceux qui l’ont appris à Montréal.
Maîtrise du français en fonction du lieu d’apprentissage
Maîtrise du français en fonction du lieu d’apprentissage
60En résumé, les résultats des analyses croisées nous permettent d’avancer que les facteurs sociaux les plus significatifs pour le niveau de français sont le lieu d’apprentissage et la durée de résidence. Les facteurs sexe et âge d’arrivée ne se sont pas avérés importants. Toutefois, il se pourrait que la perception d’un niveau adéquat de maitrise du français soit tributaire du lieu d’apprentissage de la langue et que, contrairement aux Turcs arrivés à Montréal après 18 ans, les Turcs arrivés à Montréal avant 18 ans comparent leur compétence en français à celle des Montréalais.
5.2 – Contextes et difficultés d’usage
61La deuxième partie de notre questionnaire était divisée en trois parties : les contextes d’utilisation, les difficultés d’utilisation et la perception du français. Dans un premier temps, nous avons demandé aux participants dans quels contextes ils utilisaient le français (voir l’annexe 1). Nous avons utilisé une échelle de quatre degrés, soit jamais, parfois, souvent et toujours. Afin d’alléger nos figures, nous avons fusionné les réponses toujours-souvent et jamais-parfois.
62La figure 4 présente le pourcentage des participants qui utilisent le français toujours-souvent en fonction du contexte d’utilisation.
Pourcentage des participants qui utilisent le français souvent ou toujours en fonction du contexte d’utilisation
Pourcentage des participants qui utilisent le français souvent ou toujours en fonction du contexte d’utilisation
63Selon les réponses des participants, le contexte où les Turcs montréalais utilisent le plus rarement le français est la famille. Etant donné que les répondants sont des immigrants récents, on peut supposer que les interactions à l’intérieur de la cellule familiale se font en turc, ce qui semblerait indiquer qu’il y a peu de mariages mixtes et que les enfants des participants, eux-mêmes immigrants de première ou deuxième génération, ont une connaissance assez développée du turc. En revanche, la moitié des participants affirment utiliser le français dans les interactions amicales (contexte amis). Le français est utilisé par les Turcs le plus fréquemment dans les commerces et pour suivre les médias.
64Dans la deuxième partie du questionnaire, nous avons demandé aux participants d’identifier les contextes où ils ont de la difficulté à utiliser le français (voir l’annexe 2). Nous avons encore une fois utilisé une échelle de quatre degrés, soit aucune difficulté, parfois de la difficulté, souvent de la difficulté et toujours de la difficulté, et fusionné les résultats en deux groupes : aucune-parfois et souvent-toujours. La figure 5 donne les pourcentages des participants qui ont toujours-souvent des difficultés à utiliser le français, en fonction de neuf contextes.
65Cette figure montre que les médias francophones, les interactions avec les établissements gouvernementaux, les services d’entretien et les activités sociales sont les contextes qui suscitent le plus de difficultés. La comparaison de nos données sur les contextes d’utilisation du français et sur les contextes où l’utilisation du français est difficile montre une volonté et une difficulté à suivre les médias francophones en même temps. La fréquence de la difficulté dans le contexte des activités sociales offre un portrait similaire et montre que les immigrants turcs ont de la difficulté à entretenir des relations sociales en français.
Pourcentage des participants ayant de la difficulté à utiliser le français souvent ou toujours en fonction du contexte d’utilisation
Pourcentage des participants ayant de la difficulté à utiliser le français souvent ou toujours en fonction du contexte d’utilisation
66En résumé, nos résultats montrent que l’interaction en français se limite à l’extérieur de la cellule familiale qui est le cercle social minimal. Parmi les contextes d’utilisation, les médias francophones se démarquent, étant des contextes fréquemment utilisés et posant fréquemment de la difficulté.
5.3 – Perceptions
67Dans la dernière partie de notre questionnaire, nous avons demandé aux participants d’identifier trois mots que le français évoquait pour eux. Pour comprendre la perception du français dans la communauté turque, nous avons classé les mots utilisés par les participants selon une échelle à trois niveaux : positif, neutre et négatif. Le tableau 14 présente l’ensemble des mots (N=104) choisis par les participants, regroupés selon cette classification. Nous donnons le mot en turc donné par le participant et notre traduction de ce mot en français. Le nombre entre parenthèses indique le nombre d’occurrences.
Répartition des mots évoquant le français en fonction de l’échelle de neutralité [19]
Répartition des mots évoquant le français en fonction de l’échelle de neutralité [19]
68Le tableau 14 contient 41 mots différents. Les participants ont utilisé 9 mots positifs, 22 mots neutres et 10 mots négatifs. Les mots les plus fréquents pour la classification positive sont beau, gentil, romantique, amour et nécessaire ; les mots neutres les plus fréquents sont langue, Paris, École/Cours et Québec et les mots négatifs qu’on retrouve le plus souvent sont difficile, compliqué, exception et obligation. Les données montrent que les participants décrivent rarement le français à l’aide de termes positifs.
69Parmi les mots utilisés, 3 groupes de référence attirent notre attention : 1o les mots qui se réfèrent au rôle de la langue (obligation, nécessaire, travail, etc.) ; 2o les mots qui se réfèrent à la grammaire de la langue (difficile, compliqué, exception, etc.) et 3o des mots qui se réfèrent à la valeur esthétique du français (gentil, beau, poétique, romantique, etc.). On peut conclure que la plupart des utilisations négatives concernent généralement la grammaire, les neutres, le rôle de la langue et les positifs, la valeur esthétique de la langue française. Cette distinction permet de nuancer le discours des participants sur la langue, ce qui nous amène à nous demander si certains facteurs sociodémographiques comme le lieu d’apprentissage du français ou la maîtrise du français influencent la perception des participants.
70Afin de pouvoir trouver un lien entre la perception du français, la maîtrise déclarée du français et le lieu d’apprentissage, nous avons effectué deux analyses complémentaires. Le tableau 15 donne les résultats du niveau déclaré de français en fonction de l’échelle de neutralité. On observe que les participants qui déclarent au moins un bon niveau de français ont tendance à utiliser les mots positifs et neutres (80 % pour les déclarants de très bon niveau et 68 % pour les déclarants de bon niveau). Le pourcentage des utilisations positives augmente parallèlement au niveau de français. En revanche, l’augmentation significative est dans les mots neutres. Les mots neutres ont un pourcentage de 55 % pour les participants de très bon niveau tandis que pour les participants qui parlent très peu de français ce pourcentage est de seulement 25 %.
Niveau déclaré du français en fonction de l’échelle de neutralité
Niveau déclaré du français en fonction de l’échelle de neutralité
71Finalement, le tableau 16 montre la perception du français en fonction du lieu d’apprentissage du français. Nous voyons que les participants qui ont appris le français en Turquie ont utilisé plutôt des mots neutres et positifs (80 %), alors que ceux qui ont appris le français à Montréal ont utilisé des mots négatifs dans une proportion de 50 %. Le lieu d’apprentissage affecte donc les choix parmi nos valeurs d’échelle de neutralité.
Répartition du lieu d’apprentissage du français en fonction de l’échelle de neutralité
Répartition du lieu d’apprentissage du français en fonction de l’échelle de neutralité
72En résumé, nous venons de voir que certains facteurs sociaux analysés présentent des effets plus importants que les autres. En soulignant que notre échantillonnage porte des limitations sociodémographiques comme la surreprésentation des participants masculins et des participants plus scolarisés, il en ressort que la perception du français change par rapport au facteur du lieu d’apprentissage ainsi qu’au niveau déclaré du français.
6 – Conclusion
73Notre travail a porté sur l’intégration à la communauté francophone de la communauté turque de Montréal. Après un bref rappel des mouvements migratoires turcs et une description de l’immigration turque au Canada, nous nous sommes penchés sur la communauté turque de Montréal.
74Notre description ethnographique nous a permis de constater que les différentes vagues d’immigration ont eu un impact important sur le plan de la structuration communautaire. La communauté turque est composée de deux sous-communautés caractérisées par différentes approches socioculturelles. Ces sous-groupes ont créé chacun leur propre réseau social et leur propre association. Notre étude repose sur un questionnaire. Une recherche supplémentaire appuyée par des entrevues pourrait nous montrer si ces réseaux forment des communautés de pratique différentes [20].
75Notre analyse a montré que le sexe, l’âge d’arrivée et la durée de résidence à Montréal sont peu ou pas déterminants pour la maîtrise du français de la communauté turque. En revanche, nous avons observé l’impact du lieu d’apprentissage du français sur l’organisation communautaire : les immigrants turcs ayant étudié le français en Turquie sont relativement plus éduqués et interagissent plus fréquemment en français dans la vie quotidienne de Montréal que les immigrants turcs ayant étudié le français au Québec. Ces derniers ont un niveau d’éducation supérieur, il s’agit généralement de diplômés des écoles francophones de Turquie. Comme ces établissements s’adressent à la classe moyenne urbaine, leurs élèves sont généralement issus de familles qui encouragent la réussite académique. Tous ces traits expliquent en partie la différence du niveau d’intégration linguistique de la communauté turque.
76Les résultats de notre questionnaire montrent trois niveaux d’intégration :
- Intégration complète : les locuteurs qui n’ont à peu près aucune difficulté à utiliser le français. Comme notre investigation s’est orientée vers les contextes et les difficultés, ce niveau d’intégration est minoritaire parmi les participants turcs étudiés. En revanche, il s’agit du groupe le plus actif dans la plupart des contextes donnés.
- Intégration profonde : les locuteurs qui ont une connaissance intermédiaire du français. Ce groupe utilise le français dans la plupart des contextes en dépit de certaines difficultés survenant surtout lors de conversations impromptues et imprévisibles.
- Intégration superficielle : les locuteurs qui parlent le français uniquement dans les contextes prévisibles et qui ont seulement une connaissance de base.
77Notre analyse a également montré que la perception du français varie aussi selon le facteur du lieu d’apprentissage et du niveau déclaré en français. En Turquie, l’accès à l’enseignement en langue française n’est pas universel et son enseignement se limite aux collèges privés des métropoles qui acceptent les élèves par des examens très difficiles. La perception du français pourrait donc être tributaire de la réputation associée à ces écoles.
78Cependant, il est à noter que notre travail se focalise sur le français. Or, Montréal est une ville bilingue où l’anglais a un fort pouvoir d’attraction. Une future recherche comparative qui documenterait la perception de l’anglais pourrait certainement apporter de nouvelles données intéressantes afin de contextualiser les attitudes linguistiques de la communauté turque dans cet environnement bilingue.
79Finalement, pour une conclusion définitive, nous aurions besoin d’une recherche plus large et d’une approche qualitative qui fournit des entrevues plus denses. Cependant, dans l’ensemble, on peut considérer qu’un apprentissage de la langue française dans le pays d’origine semble un facteur d’intégration linguistique des immigrants non francophones de première génération.
Annexe 1 – Question sur les contextes d’utilisation et l’échelle de quatre degrés
Annexe 2 – Questions sur les difficultés d’utilisation et l’échelle de quatre degrés
Bibliographie
8 Bibliographie
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Notes
-
[1]
Utkan Boyacioglu, Université de Montréal, utkan.boyacioglu@umontreal.ca
Pour leurs commentaires et suggestions, j’aimerais remercier Mireille Tremblay, Anne Bertrand et Hélène Blondeau, ainsi que deux évaluateurs de la revue et les participants aux colloques ACFAS 2014 et ACQS 2014. -
[2]
Ces premiers travaux sur le français montréalais portaient sur des locuteurs habitant des quartiers à majorité francophone, de langue maternelle française, nés ou arrivés dans la ville en bas âge.
-
[3]
Utilisé, dans un premier temps, en rapport avec une différenciation de communautés socioculturelles surtout africaines (parfois avec une charge péjorative), le terme ethnie a pris, en sociolinguistique une extension beaucoup plus large, pour désigner toute communauté dont les membres partagent une même origine géographique et culturelle (Tchitchi, 1997).
-
[4]
La première, française, en Nouvelle-France et une deuxième, après 1760, avec l’immigration britannique, anglaise, écossaise, irlandaise, et des contingents d’immigrants allemands. Une troisième, au tournant du XXe siècle, est italienne puis juive, et, avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale, polonaise. Une quatrième vague est constituée d’une immigration méditerranéenne : après les Italiens, viennent les Grecs et les Portugais. Puis arrivent les Haïtiens à la fin des années 1950. Une cinquième vague, après 1960, permet l’accueil de citoyens d’Amérique latine et du Sud-Est asiatique. Enfin, une sixième vague est formée par les immigrants du Liban, de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb (Lamonde, 2014). L’immigration turque fait partie de cette plus récente vague d’immigration.
- [5]
-
[6]
Le regroupement familial est la possibilité donnée à des membres d’une famille séparés entre plusieurs pays de se retrouver. Le plus souvent, le chef du ménage qui confirme son travail à l’étranger se fait rejoindre par le reste de sa famille. Le moteur de l’expatriation dans ce cas est toujours le travail mais contient des éléments plus permanents.
-
[7]
Le taux de natalité de la Turquie était de 44,97 % entre les années 1950 à 1970. Ce taux a diminué progressivement et il est de 17 % depuis 2009 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Démographie_de_la_Turquie).
-
[8]
Les Turcs francophones du monde ont aussi accès à un journal électronique, Aujourd’hui la Turquie « Türkiye’de Bugün », publié en français.
-
[9]
Cette harmonie a pris fin en 2013 suite à des conflits écopolitiques qui ont commencé en 2013, entre le Parti Justice et Développement au pouvoir (AKP) et le mouvement islamiste Hizmet.
-
[10]
Ce terme résulte de la combinaison des mots anglais network et ethnographie. La méthode netnographique consiste à observer les actes communicationnels des membres d’une communauté virtuelle en cherchant à leur donner un sens.
-
[11]
Le plan Marshall était un programme américain de prêts accordés aux différents Etats de l’Europe pour aider à la reconstruction des villes et des installations bombardées lors de la Deuxième Guerre mondiale.
- [12]
- [13]
-
[14]
L’Université Galatasaray est un projet qui a été initié par les anciens diplômés du Lycée de Galatasaray. Le projet détaillé et la planification présentés ont reçu le soutien des autorités aussi bien en France qu’en Turquie. (source : http://www.gsu.edu.tr/fr/universite/informations-generales/historique)
-
[15]
Le fait qu’une bonne connaissance du français constitue un net avantage dans l’évaluation de la candidature des immigrants est clairement exprimé par le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion. (source : https://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/immigrer-installer/etudiants/demeurer-quebec/demande-csq/etudiants-quebec/facteursselection.html)
-
[16]
Bien que l’idéal soit d’élaborer une approche non statique (une ethnographie par exemple) qui observe les participants dans leurs trajectoires urbaines (Lamarre et Lamarre, 2009), étant donné que nous présentions une étude pilote, nous avons profité des avantages du questionnaire comme le recrutement de plusieurs participants dans un temps de travail relativement court et la comparabilité interparticipant (Boberg, 2013).
- [17]
-
[18]
Pour de futurs travaux, il serait intéressant de mesurer par un test si l’autoévaluation des participants correspond à leur véritable niveau de français.
-
[19]
Nous avons classé l’expression jön Türkler « jeunes Turcs » parmi les termes neutres. Il s’agit d’un mouvement d’opposition des élites militaires et civiles qui réclament le rétablissement de la Constitution ottomane de 1876 supprimée par le sultan Abdülhamid II en 1878. Certains opposants avaient été arrêtés ou avaient fui à Paris et ont commencé à être connus en français sous le nom de « Jeunes Turcs » (Findley, 2005).
-
[20]
Eckert (2000) souligne que les sociolinguistes utilisent la notion de communauté linguistique pour délimiter l’espace social dans lequel la langue est utilisée. Parce que le traitement de la langue en sociolinguistique met l’accent sur l’hétérogénéité, ils cherchent une unité d’analyse à un niveau d’agrégation sociale où il peut être dit que l’hétérogénéité est organisée.