Couverture de CISL_1502

Article de revue

Ecarts entre les discours de la toute-mobilité académique et des immobilités d’étudiants intra et internationaux dans un contexte bilingue

Pages 225 à 246

Notes

  • [1]
    Ana Papic, Université de Fribourg (Suisse), ana.papic@unifr.ch
  • [2]
    Ce texte est issu d’une recherche menée dans le cadre de notre mémoire de Master, intitulé « Analyses croisées sur les stratégies d’adaptation d’étudiants de mobilité inter et intranationale à Fribourg. Étude menée à la Cité St-Justin », sous la direction de la Prof. A. Gohard-Radenkovic, Université de Fribourg, Suisse. Ce travail a reçu le Prix du meilleur mémoire de Master de la Faculté des Lettres en 2015.
  • [3]
    Comme dirait Kaufmann (2010), tout est une question de contexte et de degré.
  • [4]
    Cf. La page web : http://www.justinus.ch/fribourg/accueil/index.html, Consulté le 30 avril 2015.
  • [5]
    Pour ce qui est des étudiants Erasmus, on a identifié leur tendance à créer des proximités fortes entre eux aux dépens d’autres groupes (cf. Kohler-Bally, 2001, Papatsiba, 2003, Budke, 2008).
  • [6]
    Voir la citation précédente de ses paroles.
  • [7]
    Un autre exemple nous confirme ce choix d’auto-protection : « Il [professeur] connaît jamais comment tu t’appelles. Il se souviendra jamais… bon. Et aussi, les élèves. J’ai l’impression d’être seul dans cette classe. Je fais mon cours, je me casse - point final ! […] Si j’ai envie de poser une question, je suis tout seul avec le prof. Alors je vais pas me gêner si on va rigoler de moi » (Adam).
  • [8]
    C’est l’ego qui transforme le simple reflet en réflexivité (Kaufmann, 2010 : 152).
  • [9]
    French speaking people, they don’t want to speak German. And there’s no chance. And even if you go to supermarket, they won’t help you. Maybe if you say”I will buy something” maybe they will change their mind. I think French speaking people feel they are minority and they have to compensate it here for the rest of Switzerland or something” (Astrid).
  • [10]
    Le Conseil étudiant du foyer « Cité St-Justin » a pour le rôle principal d’organiser les rencontres conviviales pour ses résidents.
  • [11]
    En évoquant « une immense rivalité » entre les villes de Berne et de Fribourg, il note : « Je parle des Bernois comme des meilleurs types qu’existent quoi. Bah voilà, moi j’habitais là-bas, c’est une chouette ville, c’est des personnes chouettes. J’en parle presque avec trop de positif et puis je pense qu’ici il y certaines personnes, si tu fais ça, ils réagissent un petit peu bizarrement enfin pas mal mais « C’est des Bourbines ». « Des Bourbines » est un terme péjoratif utilisé par les Suisses romands pour désigner les Suisses alémaniques.
  • [12]
    En ce qui concerne ses interventions médiatrices, il note : « Par exemple, on a appelé pour beaucoup d’étudiants l’administration pour suivre leur situation et ça a compté. On a fait des recommandations pour les étudiants pour qu’ils aient des bourses […] Parfois, on a été négocié dans le cas de cours de langue ».

1 – Introduction

1Les conceptions contemporaines de la mobilité étudiante reposent sur l’accord tacite et partagé qu’elle constitue une expérience formatrice et valorisante en soi. On n’arrête pas d’évoquer ses formes multiples, dont la diversification ne cesse pas d’être louée à l’heure actuelle. On encourage la mobilité tous azimuts comme un facteur du développement individuel et d’internationalisation de l’enseignement tertiaire. Mais qu’en est-il en effet de l’expérience de mobilité vécue par les étudiants ? Existe-t-il et à quel(s) degré(s) des écarts entre les logiques internes aux acteurs « mobiles » et les perceptions véhiculées par les discours officiels ?

2Notre analyse [2] porte sur deux groupes d’acteurs de la mobilité dans le contexte suisse : d’une part, ceux issus de la mobilité intranationale (celle des étudiants helvétiques venant des autres cantons) et d’autre part, ceux issus de la mobilité internationale (celle des étudiants venant du monde entier). Gohard-Radenkovic et Kohler-Bally (2005 : 249) opèrent également la distinction entre ce qu’elles appellent la « mobilité interne et externe », en mettant en évidence les enjeux spécifiques de chacune. D’un côté, la mobilité interne a pour rôle le maintien de la fragile cohésion nationale et de la paix entre les communautés linguistiques (op.cit.). De l’autre, la mobilité externe se traduit par la volonté d’être concurrentiel sur le marché éducatif et professionnel (op.cit.) au niveau européen et mondial.

2 – Objectifs d’analyse

3Une expérience de facto plurielle, la mobilité implique des besoins en langues étrangères et des besoins d’adaptation à des contextes inconnus (Gohard-Radenkovic, 2009). À travers l’étude des témoignages des acteurs de la mobilité dans le contexte suisse et plus spécifiquement fribourgeois, nous avons tenté de discerner leurs stratégies d’adaptation socio-culturelles et socio-langagières. Ces stratégies, étroitement liés aux capitaux (dans le sens de Bourdieu) et aux parcours antérieurs des individus, se sont élaborées en fonction d’un espace-temps donné. Nous avons mis l’emphase ici sur les stratégies de communication, de survie quotidienne et la manière dont des liens sociaux se sont développés ou non. Nous plaçant dans une perspective socio-anthropologique en didactique des langues et cultures, l’un de nos objectifs principaux était d’étudier en quoi ces stratégies avaient un impact sur les processus d’adaptation de nos interlocuteurs au Foyer St-Justin à Fribourg en Suisse. Nous y reviendrons.

4Pour mieux appréhender les modes d’adaptation, à travers l’analyse des témoignages de nos informateurs, nos questions conductrices seront les suivantes : à quels types de stratégies et de capitaux ou de ressources les acteurs de la mobilité ont-ils recours pour résoudre les difficultés rencontrées lors de leur adaptation dans leur nouvel environnement ? Comment ces stratégies sont-elles mises en œuvre et dans quels buts ? Les difficultés sont-elles d’ordre linguistique, culturel, relationnel, psychologique, ou académique, etc. ? De quelle manière sont-elles résolues ? Nous essayerons donc d’identifier les stratégies individuelles, liées aux représentations sociales mises en jeu, en interrelation avec les enjeux locaux, ici dans des situations de mobilité particulières où mobilité internationale et mobilité intranationale se croisent dans un contexte officiellement bilingue qui est celui de la ville et du canton de Fribourg.

3 – Contexte de recherche

5Afin de comprendre les logiques propres aux individus, leurs parcours de vie, notamment de langues et de mobilités et les stratégies qu’ils mobilisent consciemment ou non, il est indispensable d’analyser le contexte dans lequel cet individu est, si ce n’est directement attaché, du moins immergé. Pour cette raison, notre analyse du contexte est basée sur la démarche dite « en enchâssement ». Issue de l’anthropologie politique et sociale, cette approche a été reprise par Gohard-Radenkovic (2006, 2007) pour analyser des problématiques spécifiques au champ de la didactique des langues et cultures étrangères. Elle propose de partir du niveau le plus vaste, pour s’arrêter au niveau institutionnalisé de l’étude, en vue d’appréhender le niveau plus circonscrit d’un phénomène social ou vice-versa. Par le biais de cette démarche, nous avons tenté de cerner comment s’articulaient les niveaux macro, méso et micro autour de notre problématique.

6Le niveau macro-dimensionnel représente les contextes politiques de mobilité aux niveaux européen et suisse. La particularité de la ville de Fribourg ainsi que de son université y jouent un rôle notable. Au fait depuis sa fondation, le bilinguisme (français-allemand) et les rapports de cohabitation représentent une des caractéristiques les plus marquantes de la ville. Si le bilinguisme fribourgeois est officiel et stable depuis des siècles, il reste mouvementé – parfois tendu – car révélateur des rapports de force entre les langues en Suisse. En réalité, il s’agit plutôt d’un contexte plurilingue et pluriculturel car il faudrait prendre en compte l’anglais (devenu désormais la troisième langue académique officielle de l’Université) ainsi que les langues dites d’immigration, même si ces dernières ne sont reconnues ni sur la place publique ni par la Direction de l’instruction publique du canton. Au niveau méso-dimensionnel se situe l’Université de Fribourg interprétant les politiques linguistiques et de mobilité, venant de la Confédération sous forme de recommandations mais pas de mesures imposées d’en haut, qui sont donc laissées à la libre décision des gouvernements cantonaux. En dernier, au niveau micro-dimensionnel sont placés les individus et les groupes, avec leurs propres logiques, stratégies et perceptions. C’est ce niveau qui est au cœur de nos interrogations et nos analyses. Plus concrètement, il s’agit d’étudiants de mobilité interne à la Suisse, désignée aussi par mobilité « intercantonale » ou « intranationale », et externe, désignée également par mobilité « internationale », habitant un foyer universitaire international qui sera présenté plus loin.

4 – Ancrage théorique

7Pour atteindre nos objectifs de recherche, nous avons opté notamment pour la notion de stratégie en situation de mobilité. Issue du vocabulaire militaire, la notion de stratégie sous-tend nécessairement la présence du non-identique, c’est-à-dire elle s’élabore toujours par rapport aux autres. Si on sait qu’un séjour de mobilité implique inéluctablement la question du rapport à l’autre et à soi, il est d’autant plus pertinent d’observer la mise en œuvre des stratégies dans ces expériences de cohabitation et de mobilité. Étant en rupture physique, socio-culturelle et langagière avec son environnement familier, l’acteur de mobilité doit rapidement développer des stratégies pour acquérir de nouveaux repères dans un espace inconnu dans tous les sens du terme. Nous retenons pour cette étude la définition de stratégies de Gohard-Radenkovic (2006 : 57), s’appuyant sur le concept d’habitus de Bourdieu :

« […] un processus d’interprétation par « l’acteur social » de nouvelles situations, notamment celles d’apprentissage d’une langue et, ou celles d’expérience de mobilité. Ce processus implique la mise en œuvre de stratégies et un ajustement comportemental, le plus souvent inconscient, qui puise ses références dans une première expérience du rapport au monde et à l’autre, acquise dans son groupe social ».
Cette définition s’avère pertinente pour notre recherche car un séjour de mobilité constitue par excellence une nouvelle situation qui sollicite des stratégies et des ressources individuelles. Les accommodations ainsi que la réussite d’un séjour de mobilité, se jouent, entre autres, en fonction des capitaux issus des appartenances sociales. Stalder (2010), quant à elle, se basant sur les concepts de Goffman et de Bourdieu, souligne la primordialité du contexte pour leur élaboration des stratégies. Les êtres humains déploient, dans les jeux interactionnels, des stratégies (le plus souvent inconscientes) étant l’objet de la négociation des rapports de force inter-individuels (op.cit. : 111), mais aussi inter-groupes. Dans tout parcours de mobilité/d’adaptation, un rôle décisif revient en effet aux situations d’interaction et au contexte [3] en question. Ainsi, il se peut qu’une stratégie ne soit pas mauvaise en soi mais qu’elle soit inadaptée à un contexte donné. Qu’une stratégie porte des fruits dépend non seulement de l’acteur la mobilisant mais surtout de l’environnement, qui est, dans notre cas le contexte suisse et fribourgeois en tant qu’un « espace d’intégrabilité » aménagé ou non par la société d’accueil (Gohard-Radenkovic et Murphy-Lejeune, 2008 : 134).

5 – Choix méthodologiques

5.1 – Présentation de notre terrain d’études et de notre corpus

8Afin de dégager les stratégies d’adaptation des acteurs en situation de mobilité, nous avons mené huit entretiens de type semi-directif auprès de deux groupes d’étudiants de la mobilité externe (quatre) et de la mobilité interne (quatre). Ces étudiants ont choisi l’université officiellement bilingue de Fribourg pour effectuer un séjour de mobilité, soit de courte durée ou bien pour la durée totale de leurs études. Tous nos interlocuteurs habitent en effet l’un des plus grands foyers étudiants dans la ville de Fribourg, appelé « Cité St-Justin » - un nouveau « chez soi » pour environ deux cents étudiants venant du monde entier, mais également pour un grand nombre d’étudiants nationaux, venant des différentes régions linguistiques de Suisse. Ce foyer fait partie d’une institution à vocation religieuse et humanitaire, se présentant comme œcuménique et multiculturelle [4], appelée l’Œuvre St-Justin, qui gère encore deux foyers étudiants - l’un à Genève et l’autre à Zürich. Notre intérêt est d’observer comment se négocie, se réinvente, se construit le rapport à soi et à l’autre en situation de mobilité, impliquant de nouvelles modalités de cohabitation (Gohard-Radenkovic, 2006). De ce fait, le foyer « Cité St-Justin », que nous postulons comme une microsociété en soi, offre un cadre approprié pour mener à bien notre recherche.

9Le premier critère de la constitution du corpus était d’obtenir un recueil de témoignages diversifiés du point du vue de l’âge, du sexe, de l’origine, de la langue, du type d’études, de la durée du séjour en Suisse et à Fribourg. Nos deux groupes d’étudiants est composé chacun de quatre participants dont nous présentons ci-dessous des donnés biographiques.

1 – Etudiants de mobilité internationale

10Adam est malien, dont l’itinéraire de vie est sous le signe des séjours à l’étranger successifs de relativement longue durée. Après avoir occupé plusieurs postes de cadre supérieur dans quelques pays africains, il décide de reprendre ses études en droit à l’Université de Fribourg. La durée du séjour : 2 ans.

11Jessica est étudiante dominicaine, venue en Suisse par le biais d’une bourse d’études. Le point critique de son séjour est l’échec à l’université de Fribourg (en psychologie). Elle a pourtant réussi à garder sa deuxième branche – la sociologie – et à continuer ainsi ses études. La durée du séjour : 8 ans.

12Lara est espagnole, venue à Fribourg pour effectuer son stage de graphisme. Souhaitant s’insérer professionnellement en Suisse, elle a trouvé un emploi et elle a ainsi prolongé son séjour. La durée du séjour : 9 mois.

13Jo est doctorant chinois en sciences informatiques. Ayant la possibilité d’étudier aux États-Unis ou en Suisse, il décide de faire son doctorat en Suisse, notamment encouragé par son professeur de Chine qui enseigne à l’Université de Fribourg. La durée du séjour : 1 an et demi.

2 – Etudiants de mobilité intranationale :

14Dario est un étudiant tessinois en première année de droit. Son frère a également étudié à l’Université de Fribourg, université francophone la plus proche du Tessin (canton italophone). La durée du séjour : 10 mois.

15Stéphane est bilingue, français-allemand. Originaire du canton du Vaud et grandi à Berne, il étudie la pédagogie curative. La durée du séjour : 10 mois.

16Michael est étudiant zurichois en économie, ayant déjà des expériences préalables d’une forme de mobilité dans une autre langue et un autre environnement, acquises notamment dans un lycée international à Zug. La durée du séjour : 4 ans.

17Astrid vient du canton de Berne. Étudiante en allemand et en histoire, elle souhaite principalement améliorer ses connaissances en français. La durée du séjour : 3 ans.

5.2 – Le concept opératoire de « représentations sociales »

18Dans le dessein de cerner la manière dont les individus perçoivent leur expérience de mobilité, il est nécessaire de considérer celle-ci comme un objet non quantifiable en soi. C’est pour cette raison que nous avons attaché de l’importance à développer une approche qualitative et autobiographique. À nos yeux, il fallait opter pour une méthode privilégiant le point de vue de l’acteur social sur sa propre expérience, ses réussites, ses échecs, ses doutes et ses essais. De ce fait, notre recherche est basée sur un recueil de données effectué sous la forme d’entretiens semi-directifs dans une perspective compréhensive (Kaufmann, 2007).

19De quelle façon avons-nous abordé la parole des acteurs en situation de mobilité ? Notre démarche se veut inductive et consiste à « partir des matériaux recueillis et les « travailler » dans la perspective de produire des théorisations adéquates du phénomène concerné » (Demazière et Dubar, 2009 : 8).

20Sa polyvalence a valu au concept transversal de représentations d’être retenu comme concept opératoire de notre étude. Ainsi, il constitue à la fois l’outil et l’objet de notre analyse. Cette « notion-carrefour » peut être définie comme suit : « Un système de savoirs pratiques (opinions, images, attitudes, préjugés, stéréotypes, croyances), généré en partie dans des contextes d’interactions interindividuelles ou/et intergroupaux » (Seca, 2010 : 11). Les représentations servent non seulement à découper le réel auquel l’individu est confronté (Abric, cité par Seca, 2010) mais aussi à orienter et guider les actions de leurs producteurs (Jodelet, 1989). De fait, les témoignages de nos répondants constituent un lieu privilégié d’observation des représentations. Les analyser nous permettra d’appréhender comment les étudiants de la mobilité s’approprient de nouvelles réalités socio-culturelles à travers une langue qui n’est pas, dans la plupart des cas, leur langue première. Pour savoir davantage sur les pratiques de mobilité de nos interlocuteurs, il faudra analyser les perceptions qu’ils s’en font car « l’interaction entre les pratiques et la représentation de ces pratiques constitue ainsi un ensemble indissociable » (Boyer, 1990 : 108). Néanmoins, Bautier (1995 : 211) nous avertit que même si l’expression des représentations apporte des connaissances intéressantes sur les pratiques, elles ne devraient pas pour autant être identifiées à ces pratiques (ibid.).

21Faute d’accès in situ aux pratiques et aux stratégies y afférentes de nos interlocuteurs, nous nous tournerons vers leurs représentations. À proprement parler, nous n’analyserons pas les stratégies d’adaptation, mais les représentations que nos acteurs de la mobilité véhiculent sur leurs stratégies. Nous allons tout d’abord repérer des récurrences et des différences dans les témoignages à l’intérieur de nos deux corpus. Cela nous permettra de construire nos catégories thématiques et de passer à l’analyse. Nous procéderons dans un premier temps à l’analyse de corpus des étudiants internationaux puis celui des étudiants nationaux. Dans un deuxième temps, nous comparerons et croiserons les résultats d’analyse de nos deux catégories de répondants.

6 – L’adaptation lors d’un séjour de mobilité dans le contexte fribourgeois : stratégies des acteurs de la mobilité externe

6.1 – La constitution d’un tissu social : prédominance des groupes mixtes et de « l’invisibilité »

22La phase de la construction d’un tissu social représente une seconde étape dans la chronologie du séjour, qualitativement différente de la première phase relative au départ et au choc des débuts (Murphy-Lejeune, 2003 : 159). Cela dit, l’isolement initial est dépassé à travers l’aménagement exponentiel des contacts sociaux. Quant à la création d’un nouveau tissu social, nous avons réussi à typifier plusieurs types de stratégies.

231- La stratégie de l’anonymat et de l’évitement - Les réseaux sociaux de Jo sont concentrés autour du milieu académique ainsi qu’autour du foyer d’étudiants. L’environnement universitaire auquel il appartient est décrit comme très international, composé principalement de Chinois et d’Italiens, lesquels il cite comme ses amis. Questionné sur la fréquence des contacts avec les locaux, cruciaux pour le processus d’adaptation, il répond : “Not that much, but it’s cool. I have no problems with them […]. They are very nice and gentle”. Il est clair que les contacts avec les natifs, porteurs de valeurs et de connaissances locales (le plus souvent implicites), restent limités. D’une manière inconsciente, Jessica déploie la même stratégie : « J’ai jamais eu des problèmes puis j’étais cordiale avec tout le monde ». Ce masque de sociabilité, d’habitude suivie d’une courtoisie extrême (Lepez, 2004 : 133), freine le processus d’adaptation ainsi qu’une évolution personnelle quant au contact avec les locaux. Mise au point afin d’éviter les conflits avec « l’autre » - certes potentiellement troublants - cette stratégie manifeste l’adhésion aux normes de la société du pays d’études. Faute de prise de risque, nécessaire pour la rencontre avec « l’autre », l’étudiant ne peut pas s’affirmer en tant que véritable acteur pluriculturel et plurilingue d’une société autre que la sienne (Murphy-Lejeune et Zarate, 2003), ce qui représente l’idéal vers lequel tendent les conceptions dynamiques de la mobilité.

242-La stratégie du refuge dans l’endogroupe - Elle découle logiquement de la stratégie précédente. De plus, le fait qu’elle a été repérée chez Jo et Jessica permet de faire ce constat. Jessica de son côté déclare qu’elle se situe exclusivement dans « le monde latino ». Cette stratégie de repli sur un univers symboliquement sécurisant serait tributaire des perceptions des difficultés à entrer en contact avec des locaux. Socialiser avec ceux qui sont perçus comme culturellement proches possède certes des avantages, toutefois la fonction négative du groupe d’origine est l’éloignement des natifs du pays d’accueil (Murphy-Lejeune, 2003 : 165). « Le monde latino » n’est pas sans rappeler la « bulle Erasmus » [5] - un espace protecteur réduisant les contacts avec des natifs, plus lointains, qui impliquent des tensions (op.cit.). Ce nouveau réseau d’amitiés représente une sorte de substitut familial et affectif (op.cit. : 2003 : 165) facilement accessible. Cette stratégie de moindre résistance sous-tend l’évitement de risques inhérents aux situations de contacts interculturels. Les facteurs explicatifs de cette tendance comportemental peuvent être : une préférence naturelle pour son groupe d’origine (ou pour des groupes perçus comme culturellement proches) pour pallier les difficultés de « pénétrer le cercle ordinairement clos des natifs » (Murphy-Lejeune : 2003, 171).

253-La stratégie de démarcation vis-à-vis des locaux – Cette stratégie a émergé des perceptions d’Adam et de Jessica sur des interactions entre les étudiants durant les cours à l’université. L’étudiante dominicaine constate la difficulté d’entrer en contact avec des locaux, vu que ces derniers partagent les mêmes origines et appartenances. Il en résulte que les frontières intergroupes sont perçues comme infranchissables. Adam la rejoint : « Tu vas pas intégrer un groupe où t’as pas le même collège avec eux et tout ça, de même région ou même village et tout ». Découragés par les comportements ségrégatifs des étudiants tessinois et valaisans, constituant des cercles considérés comme impénétrables, se positionnent clairement à l’extérieur de ces réseaux. Jessica constate, pas sans un brin d’amertume : « Tu fais pas partie du réseau et puis… t’es un peu à l’écart ». Son point de vue est identique à celui d’Adam : « Ils forment des cercles, tu restes à l’écart ». Certains éléments discursifs, plus particulièrement les répétions du pronom sujet « ils », auquel s’oppose le pronom « je », font surgir cette stratégie : « Ils viennent, ils se mettent ensemble, ils se passent leurs notes, ils parlent en italien » (Jessica). En effet, le « je » se construit en relation d’opposition avec le « ils », ce qui relève d’un positionnement identitaire, moi vs autre, eux vs nous, schéma binaire typique que l’on rencontre dans la mobilité (Gohard-Radenkovic, 2007). Le processus d’identification se déroule aux dépens de l’autre pour pouvoir se construire soi-même. De surcroît, une langue étrangère, voire un code non-partagé, creuse davantage le fossé entre l’endo- et l’exogroupe, renforçant l’éloignement, l’altérisation de l’autre mais aussi de soi, et rendant ainsi l’adaptation plus difficile.

26Quant à Lara, elle a trouvé sa place essentiellement dans le groupe international et elle tient à préciser qu’il s’agit de non-locaux : « Je parlais toujours avec des gens qui ne sont pas suisses et c’était un peu plus agréable, un peu plus ouvert ». Il s’agit donc d’une stratégie de distanciation, qui nous paraît moins accentuée que dans le cas de Jessica et d’Adam. Ceci est probablement dû à la différence de durée du séjour de ces étudiants, deux ans pour Adam et huit ans pour Jessica, tandis que le séjour de Lara compte neuf mois.

274-La stratégie de blocage défensif - Nous arrivons au constat que les frontières intergroupes sont jugées établies et qu’il existe un désintérêt mutuel pour tisser des liens avec l’autre perçu distinct. Ainsi, des tentatives pour abolir ces frontières, imaginées ou imaginaires, entre les groupes et les personnes semblent d’emblée condamnées à l’échec.

28

« Si c’est lui qui vient d’emblée vers moi, tu te dis : « Mais en fait, lui, non seulement je lui parlerai quand j’ai envie, mais même quand j’ai pas d’envie, je vais encore l’avoir sur le dos ». Qu’est-ce que je fais ? Je le bloque. Tu sais je préfère aller vers un ami qui se fiche de moi ».
(Adam)

29Étant donné que la remarque d’Adam sur la manière dont sont constitués les cercles des natifs s’est faite sur un ton accusateur [6], la stratégie adoptée en fonction s’apparente à une « revanche » sociale. La tactique consistant à « bloquer » l’autre est consciente et volontaire [7]. Nous pourrions chercher la cause de ce comportement dans des expériences négatives de son séjour qu’il nous a confiées. Il serait possible alors de qualifier son comportement d’une stratégie réactionnelle de « l’identité-défense ». Cette identité s’active lorsque le sujet se préoccupe de se rendre indifférent pour se protéger contre un autrui perçu comme dépréciateur (Camilleri, 2007 : 91). De telles réactions aux perceptions dévalorisantes véhiculées sur vous par les autres sont compréhensibles : « Tu essaies d’admirer les gens, d’admirer leur société, mais en vérité ils te méprisent pour ce que tu es tout simplement ».

30Critiquant les personnes qui ne l’ont pas salué, il décide de ne pas saluer systématiquement les personnes comme auparavant : « C’est possible que je fasse pire que les gens en Suisse, pour me protéger ». Ne pas dire bonjour rime pour lui avec un désaveu de l’existence sociale ainsi que d’une reconnaissance (de base dans ses exemples) qu’on guette dans le regard de l’autre (Kaufmann, 2010 : 188). Il ajoute par la suite : « On a appris que si tu saluais pas quelqu’un, tu niais son humanité ». Goffman de son côté (1975 : 86) évoque le phénomène de « reconnaissance sociale » en lien avec une cérémonie communicatrice qui dépasse une simple reconnaissance cognitive. Toutefois, Adam laisse transparaître ses regrets à cause des échanges perçus comme aléatoires : « Tu discutes pas mal bien avec quelqu’un aujourd’hui et demain, même pas un bonjour. Donc finalement tu te dis « Ah, j’ai pensé avoir trouvé un ami, mais au final qu’est-ce que c’est ? ». Lara a, quant à elle, observé la précarité des relations avec les locaux, sans pour autant employer la même stratégie d’auto-défense : « Il y a quelquefois ils vont te parler beaucoup et quelquefois rien ».

6.2 – Les stratégies en matière de langues et de communication en contexte exolingue

311-La stratégie d’apprentissage formel (les cours de langues) – Elle est mise en œuvre par Jessica, Adam et Jo. Jessica est en effet la seule à réinvestir ses compétences langagières dans ses études. Adam, fréquentant les cours d’allemand, a tenté de monnayer ce capital linguistique sur le marché du travail mais sans succès, tandis que le capital-français de Jo reste encore à un stade rudimentaire.

322-Les stratégies métacognitives - Ces stratégies consistent à la recherche volontaire des occasions sociales pour pratiquer la langue cible. Lara prend l’initiative de faire un tandem linguistique (français-espagnol) pour améliorer ces connaissances. Par rapport à la langue, elle exprime sa satisfaction de travailler dans le domaine de la vente : « Si je suis dans la vente, je vais m’ouvrir beaucoup à parler en français, […]. Je vais réagir plus vite en français ».

333-La stratégie compensatoire du bricolage - Ce type de stratégie sert à remédier à des connaissances insuffisantes de la langue mais aussi de celles des codes socioculturels. Nous avons pu identifier chez Jo et chez Jessica cette stratégie du « faire avec ». L’étudiant chinois « survit » par le biais de quelques bases en français lui permettant de circuler en ville, de faire des achats, de payer ses factures. Quant à Jessica, elle déploie ce type de stratégie au début de son séjour : « Mais je me faisais comprendre. Je faisais comme je pouvais ». Lara mentionne, pour sa part, des gestes utilisés pour remédier à un malentendu communicatif. Il est intéressant que, dans les interactions au cours desquelles ces stratégies compensatoires ont émergé, c’est le manque des compétences collaboratives de l’autre qui est mis en avant. Quant au malentendu dans lequel elle s’est trouvée, Lara juge son partenaire de communication de « bizarre ». Jessica note, en parlant de début de son séjour : « Quand tu veux acheter quelque chose, les vendeuses parlent pas anglais ». Jo rejoint sa remarque : “A lot of people cannot speak English actually”. Les théories d’attribution nous offrent une explication possible - l’échec ou certaines défaillances rencontrées sont souvent expliqués par des facteurs externes et non personnels, ce qui est une manière de s’auto-protéger (Budke, 2008 : 58).

344-La stratégie d’immersion dans la région de la langue cible - Adam adopte cette stratégie souhaitant mener son projet d’adaptation sur deux fronts : les études dans une région francophone et la résidence dans une région alémanique. D’une part, cette stratégie peut paraître inhabituelle vu qu’un étudiant étranger est déjà dans « un entre-deux » déjà complexe en soi. D’autre part, son choix appuierait la thèse que la mobilité est génératrice d’autres (formes de) mobilités.

355-La stratégie du repli linguistique - La sœur jumelle de la stratégie du refuge dans son endogroupe est observable dans le cas de Jo et, dans une moindre mesure, chez Jessica. Le fait d’évoluer principalement dans les groupes homoglottes, renforce leur sentiment de non-appartenance à des groupes natifs puis réduit les occasions d’améliorer leurs compétences en langues locales.

6.3 – Les stratégies globales d’adaptation

361-La stratégie du développement de l’autonomie - Volontairement adoptée par Adam, elle présente une action consciente, ayant d’une part, son versant passif, soit « rester dans son coin », et d’autre part, versant légèrement agressif, soit « bloquer » l’autre qui se dirige vers lui. De fait, il interprète les codes comme quoi il doit d’abord acquérir une certaine autonomie, à savoir, ne pas être perçu comme un demandeur d’aide, pour s’aménager des contacts. À ses yeux, ce n’est qu’à ce moment qu’il va être « sollicité » par les autres - il s’agit ainsi d’une stratégie d’approche. D’après Adam, acquérir graduellement de l’autonomie, dans tous les sens du terme, représente la clé d’adaptation.

37

« Je pense qu’il y a un mot qui est essentiel en Suisse, qui caractérise la Suisse à tous points de vue selon moi - c’est l’autonomie. Même les régions sont autonomes, les communes sont autonomes, alors les individus aussi. Tu dois te montrer autonome émotionnellement, financièrement, physiquement, économiquement, socialement, sur tous les plans ».
(Adam)

38En effet, on voit comment la perception des caractéristiques matérielles et symboliques de « l’espace d’intégrabilité » se reflète dans les discours et comportements sociaux de l’acteur de mobilité [8]. Nous étions donc face à un individu qui interprète l’espace complexe autour de soi (physique, social, linguistique, culturel, etc.) en construisant du sens pour soi. Par ailleurs, l’autonomie, partie constitutive de la capacité d’adaptation, constitue un facteur essentiel dans le processus d’insertion dans un espace inconnu (Murphy-Lejeune, 2003 : 183).

392-Les stratégies mimétiques - Ce type de stratégie consiste à identifier le modèle culturel attendu par les natifs puis à y accommoder son comportement selon un mouvement mimétique. Jessica résume bien ce type de solution adaptative : « [Il faut] observer d’abord les habitudes et puis s’adapter […]. Tu arrives, tu vois comment les gens de l’endroit font et tu fais la même chose ». Cependant, cette stratégie relativement peu imaginative peut s’avérer problématique puisqu’elle sous-tend souvent une adhésion acritique aux valeurs de la société d’accueil. Aussi est-elle fortement contestable si le mimétisme est fondé sur une représentation handicapant en fait l’adaptation. Ceci est notamment le cas d’Adam, qui adopte la stratégie mimétique sur un mode négatif, le plus probablement suite à des tentations d’insertion échouées. Considérant les autres comme « fermés » et « peu disponibles et peu généreux », il adopte à son tour le même (ou le « pire ») comportement.

403-Les stratégies de mise en conformité - Cette stratégie consiste en effet à être « un bon étranger ». Jo remarque : “You are foreigner, you don’t make troubles”. Adam note que le séjour en Suisse lui a appris à suivre les règles et à avoir une « foi absolue dans le droit ». Soulignant une soumission respectueuse aux codes de civilité, habituellement suivie d’une courtoisie extrême (Lepez, 2004 : 138), cette stratégie se traduit par le fait de « jouer le jeu » selon des règles établies, de rester hors conflit et de « ne pas causer de problèmes ». Le recours à l’anonymat rendrait la pression sociale ainsi que la responsabilisation de l’individu plus faible (Kasterztein, 2007 : 30). Des contacts réduits avec les locaux présentent des effets secondaires, étant donné le but d’éviter les tensions inhérentes au contact avec les membres de l’exogroupe. Le point extrême de cette stratégie serait la désindividuation (ibid.).

414-La stratégie de recours aux intermédiaires - Il existe d’une part des intermédiaires locaux, comme dans le cas d’Adam et Lara. Étant donné que Lara ne parlait pas le français au début de séjour, la responsable de son stage a effectué toutes les démarches administratives à sa place. Faute de certaines compétences discursives dans la langue cible, Lara appelle à l’aide ses amis francophones pour rédiger son CV. Quant à Adam, il mentionne ses deux amis suisses qui lui servent de ce que Murphy-Lejeune (2003 : 155) appelle des « guides culturels ». Ils représentent également des points de bifurcation à partir desquels il étend son réseau de contacts.

42Un intermédiaire natif peut être, dans un sens métaphorique, une porte d’entrée dans la société réceptrice. D’autre part, dans le cas de Jessica, c’est sa famille de Berne ainsi qu’une étudiante brésilienne qui ont joué le rôle de médiateurs culturels. Un des dangers de ce type de médiation réside dans le fait que les personnes de l’endogroupe vont transmettre des outils symboliques orientés vers la sémiotique propre à ce groupe (Oesch-Serra et Py, 1997 : 74). L’autre danger potentiel serait d’intégrer les savoirs transmis sans porter sur eux un regard critique. Ceci pourrait être le cas de Jessica, qui élabore son point de vue sur les immigrés, en se fondant sur ce que lui a transmis sa tante. Son argumentation se base entièrement sur une idée principale : « Ma tante dit que maintenant c’est une immigration moins respectueuse qu’avant », dont elle s’approprie le jugement de valeur pour élaborer par la suite des arguments dépréciateurs, allant dans le même sens, sans doute pour se distinguer de ce « type de migrants ».

7 – Les stratégies des acteurs de la mobilité interne dans le contexte fribourgeois

43Pour les étudiants de la mobilité interrégionale ou intranationale, le séjour présente l’occasion de participer « de l’intérieur » à la vie d’une « communauté » linguistique autre que la leur. Quant au processus d’adaptation de ces étudiants, il faut notamment tenir compte de l’impact que des rapports complexes entre les groupes linguistiques peuvent avoir.

7.1 – La création d’un tissu social sous le signe de contacts endogroupes

441-La stratégie de repli sur son groupe d’origine - La fonction principale de l’endogroupe est d’assurer un espace protecteur et sécurisant pour ses membres, surtout dans un sens symbolique. En effet, partager les mêmes codes linguistiques et socioculturels se traduit par une certaine prévisibilité des comportements des individus, ce qui réduit l’incertitude dans les interactions. Le sentiment d’appartenance au groupe est positif en soi, mais il peut être un facteur d’isolement de l’individu par rapport aux autres groupes.

45Cette stratégie, identifiable dans les récits de Michael, de Dario, de Stéphane et partiellement dans le témoignage d’Astrid, est un produit de facteurs individuels et collectifs. On voit clairement dans les entretiens d’Astrid et de Stéphane que les représentations négatives de « l’autre suisse » interfèrent avec leur adaptation, surtout celles qui ne sont pas réexaminées, mais pris comme des faits réels [9]. En restant trop à l’intérieur, confiné et (sur) protégé, non seulement on diminue les possibilités de contacts avec les autres, mais aussi on manque l’occasion de jeter un regard plus critique sur notre groupe et d’examiner ses valeurs. Ces effets de « tribus en vacances » (Robin, 2014 : 320) empêchent les étudiants de se développer autant que les acteurs sociaux aux capitaux plurilingues et pluriculturels plus diversifiés (Murphy-Lejeune et Zarate, 2003 : 38). Aussi voit-on que la mobilité ne signifie pas forcément le développement d’attitudes de compréhension et d’ouverture envers les autres.

462-La stratégie de l’anonymat - Cette stratégie de repli autarcique a été observée dans le récit d’Astrid. Elle nous a confié avoir passé les deux premières années à Fribourg sans connaître pratiquement personne. Il se peut que ceci soit dû à un manque de compétences personnelles mais aussi à certains facteurs environnementaux, ou encore à sa perception de ces facteurs. Pour se présenter sous une lumière plus favorable, elle attribue le manque de contacts sociaux à des causes extérieures - la manière dont les cours sont organisés, la faible activité du Conseil étudiant [10] du foyer St-Justin, les prix élevés des soirées en ville. Même si Astrid a pu identifier des lieux et des moments de sociabilité potentiels (elle cite notamment les cafétérias de l’université, les associations sportives et étudiantes), bloquée par la peur de l’échec, elle n’arrive pas à adopter une posture active.

7.2 – Les stratégies langagières et communicatives

47Les étudiants suisses sont censés se débrouiller dans au moins une autre langue dite nationale. Lors de leur immersion dans le milieu fribourgeois, ces connaissances scolaires en langue(s) souvent passives peuvent en effet changer de statut pour devenir un moyen de communication mais aussi de faire des études. Qu’en est-t-il en effet ?

481-Les stratégies métacognitives de l’apprentissage informel - Dario met en place des stratégies d’apprentissage d’une des langues de Fribourg, en participant à un tandem linguistique français-italien avec une étudiante vaudoise. Son capital-langues fructifie et se diversifie grâce à cette initiative. Il décrit l’expérience du tandem comme une expérience joyeuse et ludique où il prend du plaisir à perfectionner la langue-cible et d’enseigner à son tour sa langue. Ainsi se développe une aptitude favorable à se confronter à « l’autre suisse », à son altérité, à mieux appréhender sa langue et ses cultures.

49

“E quando a volte ci insegniamo delle parole che magari sono c’è semplicissime, che ne so : lana… orecchio. Cose del genere. Comunque alla fine nasce sempre fuori qualcosa di divertente, sempre qualcosa sul cui discutere, e sul cui riderci sopra”.

502-Les stratégies de retrait sur le groupe homoglotte - Cette stratégie est pratiquement observable dans tous les récits, mais à des degrés différents. Elle montre notamment que les stratégies de socialisation constituent un corollaire des stratégies langagières. Comme la langue représente le fer de lance d’adaptation, cette stratégie entraîne de nombreuses répercussions sur l’insertion : interpréter les situations exclusivement à partir de ses propres références, enfermer l’autre dans des stéréotypes, passer à côté des rencontres qui pourraient certes perturber mais aussi enrichir, etc.

513-Le recours à l’assistance juridique - La plus grande difficulté que nous ayons pu identifier dans le domaine de communication et d’études se trouve dans le récit d’Astrid. En effet, cette étudiante alémanique dit s’être égarée dans les méandres administratifs de l’université.

52

“Bad thing is the administration here in Fribourg. […] So I was in a lecture. You are allowed to miss two times, I missed three times because I was ill. And they said you have to do an exam now. I have an excuse, and they did that with me several times”.

53Étant donné ses difficultés persistantes d’Astrid, se percevant comme une victime de pratiques discriminatoires, elle s’est sentie obligée d’engager un avocat afin de résoudre sa situation.

54

“I had a lot of papers to compensate it and then I called the lawyer and ask how I should react. They explained me my rights and so I said “That’s Swiss law. It’s discrimination and you can’t do that anymore” And now it works, more or less”.

8 – La confrontation des témoignages de deux groupes d’acteurs de mobilité

8.1 – Un capital de médiation acquis à travers ses expériences de mobilité et d’adaptation

55Un capital de médiation existe à l’état latent chez tous les acteurs sociaux et fait partie des capacités dont disposerait un acteur de la mobilité qui a acquis un bagage plurilingue et pluriculturel. Pourtant, ce potentiel n’est pas sans ambiguïtés. Quant à certains de nos acteurs issus de la mobilité interne, ils possèdent ce potentiel aussi de médier entre leur groupe d’origine et le groupe d’accueil. Ainsi Stéphane, étudiant bilingue, apprend progressivement à développer des stratégies de (re)médiation. Il perçoit le contexte socio-culturel suisse comme marqué par des conflits permanents, ce qui nécessiterait des renégociations appropriées. Il nous livre une vision simplifiée des relations entre les deux groupes majoritaires, les Suisses romands et les Suisses alémaniques :

56

Justement rien qu’avec la langue, imagine tu mets cent Romands avec cent Suisses allemands. Il y aura toujours nonante-cinq Romands entre eux, nonante-cinq Suisses allemands entre eux, puis peut-être dix qui essayent de communiquer avec des signes.

57Il se compterait donc parmi ces « médiateurs improvisés » (Gohard-Radenkovic, 2010 : 260) qui possède les deux langues et pourrait prendre le risque d’aller vers l’autre dans des situations de tension identitaire entre les groupes. Ces tensions, dont il est lui-même porteur, lui a valu des « gaffes » [11] dans son parcours d’adaptation à Fribourg. Tiraillé entre les deux groupes nationaux auxquels il appartient, il détient un statut souvent ambigu. Sa dualité identitaire représente un fardeau, qui peut inhiber le processus d’adaptation. Il se trouve dans une sorte de double contrainte dont les migrants font souvent preuve. En effet, étant en suspens entre deux lieux, ils sont souvent perçu comme provenant de l’endroit X quand ils sont dans l’endroit Y et vice-versa. Il subit donc de catégorisations des autres, s’exprimant à travers des attributions identitaires : « À Berne, je défendais toujours les Romands, en Suisse romande, j’étais toujours le Suisse allemand, je défendais toujours les Suisses allemands ».

58Adam, l’étudiant malien, peut être perçu, contrairement à Stéphane, en tant que « médiateur élu » par ses compatriotes (Gohard-Radenkovic, 2010 : 260) dans la mesure où il a créé une association ayant pour objectif de faciliter l’adaptation des Africains au contexte suisse et fribourgeois [12]. Ainsi il raconte :

59

Par exemple, on a appelé pour beaucoup d’étudiants l’administration pour suivre leur situation et ça a compté. On a fait des recommandations pour les étudiants pour qu’ils aient des bourses […] Parfois, on a été négocié dans le cas de cours de langue.

60Quant à Astrid qui ne maîtrise pas suffisamment la langue et qui ne comprend ni les codes ni les procédures universitaires, se perçoit comme une victime de pratiques discriminatoires. Elle fera appel à un avocat, un « médiateur officiel nommé », (Gohard-Radenkovic : 260) pour trouver une solution à sa situation bloquée.

8.2 – Vers une typologie de (non) adaptation

61Il est possible de catégoriser les stratégies émergeant des récits, en fonction de si elles sont favorables, peu favorables à l’adaptation ou bien intermédiaires. Dans notre démarche, nous nous appuyons d’un côté sur les facteurs intervenant dans l’adaptation de Murphy-Lejeune (2003) et de l’autre, sur la typologie des stratégies d’adaptation de Lepez (2004).

Tableau 1

Stratégies d’adaptation et de non adaptation

Tableau 1
Stratégies de (non) adaptation Stratégies facilitatrices Stratégies inhibitrices Stratégies intermédiaires Stratégies globales Ouverture ou prise de risque Refuge-repli Mimétisme Stratégies relationnelles Développement de l’autonomie (pour entrer en relation) Anonymat et repli autarcique Tandem linguistique (potentiellement) Autoprotection (stratégie réactionnelle de « l’identité-défense ») Refuge dans l’endogroupe Démarcation vis-à-vis des locaux Stratégies langagières et communicatives Immersion dans la région de la langue cible Repli sur le groupe homoglotte Compensation par le bricolage linguistique Apprentissage métacognitif de type formel (cours) / informel (tandem linguistique) Recours à un intermédiaire parlant la langue cible
Tableau 1
Stratégies (Re) médiation Recours à un Tandem linguistique socio-culturelles (potentiellement) intermédiaire de son Recours à un endogroupe intermédiaire issu de la culture cible Stratégies médiation de Recours intermédiaires « médiateurs improvisés » aux – Être soi-même en position de « médiateur élu » Recours à l’assistance juridique – « médiateur nommé »

Stratégies d’adaptation et de non adaptation

62Il est observable dans le tableau ci-dessus, que si nous avons identifié en majorité des stratégies facilitatrices d’adaptation, les stratégies inhibitrices pèsent davantage sur le processus d’insertion. Souvent, une stratégie handicapante à l’adaptation produit un effet domino sur les autres stratégies et facettes de la vie relationnelle au quotidien. Ainsi, le retrait dans son endogroupe entraîne un repli sur sa propre langue, ce qui mène potentiellement vers une non-adaptation, faute de connaître les natifs, porteurs d’autres langues et d’autres références socio-culturelles. D’autre part, une stratégie facilitatrice de l’adaptation peut avoir un effet « boule de neige ». Ainsi, participer à un tandem linguistique peut permettre de nouer des liens avec son partenaire qui, à son tour, ouvrirait son réseau d’amis et de connaissances ce qui serait une stratégie relationnelle positive.

63L’une des stratégies les plus favorables à l’adaptation est la prise de risque dans les interactions (Lepez, 2004), surtout avec des locaux. Dans l’analyse de nos témoignages, nous avons identifié relativement peu de prises de risques avec ces derniers. Par exemple, chercher à participer à un tandem linguistique (Lara, Dario) ou le fait d’être à la recherche d’un travail dans une langue relativement peu maîtrisée (Lara, Adam) relève d’une certaine prise de risque. Nous avons également constaté une absence des stratégies conscientes ou volontaires en vue de nouer des liens avec des locaux. Toutefois, Jessica est la seule qui explicite sa manière de faire : « Je fais pas de choix [d’amis], je suis sympa avec tout le monde ». Murphy-Lejeune (2003 : 171) note qu’entrer en contact avec des natifs nécessite « une véritable ambition personnelle », et que l’acteur de la mobilité devrait posséder les compétences d’un stratège pour optimiser l’acquisition d’un capital social de ce type.

64La stratégie de l’autonomisation représente une stratégie originale, fort utile dans la formation des étudiants, notamment dans l’optique de Murphy-Lejeune (op.cit.). Elle n’est pas intéressante comme représentant une valeur en soi, ni comme traduisant une sorte de repli, mais plutôt comme une stratégie réfléchie pour atteindre un objectif. À l’instar de la notion d’adaptation, l’autonomie renvoie à la fois à un processus et aux résultats de ce processus.

9 – Le mot de conclusion

65Au lieu de se laisser emporter par l’euphorie des discours officiels sur la mobilité, qui la considèrent comme une expérience positive en soi, il convient de relativiser, voire d’en débusquer les préconceptions. Le plus souvent, la manière dont ces discours « pensent » la mobilité étudiante ne coïncide pas avec l’expérience effective de ses acteurs, ce que notre étude a pu démontrer. On oublie facilement que la mobilité peut engendrer également les formes de précarisation et d’immobilité, dont notamment les stratégies de non-adaptation. Étudier « les immobilités » contribuerait à mieux comprendre les parcours individuels, à identifier les manques et les lacunes tant au niveau institutionnel qu’individuel puis de tenter d’y remédier par des propositions didactiques pertinentes. Ainsi au-delà des aspects individuels de l’expérience de la mobilité, il nous semble qu’une intervention institutionnelle (ex. préparation, accueil, suivi des étudiants, partage des expériences sur un blog officiel, espace de rencontre institué, etc.) serait indispensable afin que ces candidats à la mobilité, tant intranationale qu’internationale, puissent développer des stratégies relationnelles et ainsi bénéficier des apports de la mobilité d’une manière optimale.

Bibliographie

10. Bibliographie

  • BAUTIER E., 1995, Pratiques langagières, pratiques sociales. De la sociolinguistique à la sociologie du langage, L’Harmattan, Paris.
  • BOYER H., 1990, « Matériaux pour une approche des représentations sociolinguistiques. Éléments de définition et parcours documentaire en diglossie », Langue française, n°85, Larousse, Paris, 102-124.
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  • SECA, J.-M., 2010, Les représentations sociales, Armand Colin, Paris.
  • STALDER P., 2010, Pratiques imaginées et images des pratiques plurilingues : stratégies de communication dans les réunions en milieu professionnel international, Transversales, Peter Lang, Bern.

Notes

  • [1]
    Ana Papic, Université de Fribourg (Suisse), ana.papic@unifr.ch
  • [2]
    Ce texte est issu d’une recherche menée dans le cadre de notre mémoire de Master, intitulé « Analyses croisées sur les stratégies d’adaptation d’étudiants de mobilité inter et intranationale à Fribourg. Étude menée à la Cité St-Justin », sous la direction de la Prof. A. Gohard-Radenkovic, Université de Fribourg, Suisse. Ce travail a reçu le Prix du meilleur mémoire de Master de la Faculté des Lettres en 2015.
  • [3]
    Comme dirait Kaufmann (2010), tout est une question de contexte et de degré.
  • [4]
    Cf. La page web : http://www.justinus.ch/fribourg/accueil/index.html, Consulté le 30 avril 2015.
  • [5]
    Pour ce qui est des étudiants Erasmus, on a identifié leur tendance à créer des proximités fortes entre eux aux dépens d’autres groupes (cf. Kohler-Bally, 2001, Papatsiba, 2003, Budke, 2008).
  • [6]
    Voir la citation précédente de ses paroles.
  • [7]
    Un autre exemple nous confirme ce choix d’auto-protection : « Il [professeur] connaît jamais comment tu t’appelles. Il se souviendra jamais… bon. Et aussi, les élèves. J’ai l’impression d’être seul dans cette classe. Je fais mon cours, je me casse - point final ! […] Si j’ai envie de poser une question, je suis tout seul avec le prof. Alors je vais pas me gêner si on va rigoler de moi » (Adam).
  • [8]
    C’est l’ego qui transforme le simple reflet en réflexivité (Kaufmann, 2010 : 152).
  • [9]
    French speaking people, they don’t want to speak German. And there’s no chance. And even if you go to supermarket, they won’t help you. Maybe if you say”I will buy something” maybe they will change their mind. I think French speaking people feel they are minority and they have to compensate it here for the rest of Switzerland or something” (Astrid).
  • [10]
    Le Conseil étudiant du foyer « Cité St-Justin » a pour le rôle principal d’organiser les rencontres conviviales pour ses résidents.
  • [11]
    En évoquant « une immense rivalité » entre les villes de Berne et de Fribourg, il note : « Je parle des Bernois comme des meilleurs types qu’existent quoi. Bah voilà, moi j’habitais là-bas, c’est une chouette ville, c’est des personnes chouettes. J’en parle presque avec trop de positif et puis je pense qu’ici il y certaines personnes, si tu fais ça, ils réagissent un petit peu bizarrement enfin pas mal mais « C’est des Bourbines ». « Des Bourbines » est un terme péjoratif utilisé par les Suisses romands pour désigner les Suisses alémaniques.
  • [12]
    En ce qui concerne ses interventions médiatrices, il note : « Par exemple, on a appelé pour beaucoup d’étudiants l’administration pour suivre leur situation et ça a compté. On a fait des recommandations pour les étudiants pour qu’ils aient des bourses […] Parfois, on a été négocié dans le cas de cours de langue ».
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