Notes
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[*]
La correspondance pour cet article doit être adressée à Marc Legrand, 7 clos de la bataille 14600 Honfleur, France ou par courriel <marclegrand@wanadoo.fr>.
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[1]
Extrait du programme du collège (Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 aout 2008) – Education Physique et sportive : « Dans un jeu à effectif réduit, rechercher le gain du match… ».
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[2]
L’ethnomotricité décrite par Parlebas (1999, p. 145) s’attache à considérer « le champ et la nature des pratiques motrices sous l’angle de leur rapport à la culture et au milieu social au sein desquels elles se sont développées ».
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[3]
L’impact « sociomoteur » des APS fait référence aux interactions motrices au cours des confrontations collectives.
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[4]
Logique interne : « Système de traits pertinents d’une situation motrice et des conséquences qu’il entraine dans l’accomplissement de l’action motrice correspondante » (Parlebas, 1999, p. 216).
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[5]
Le jeu paradoxal est « un jeu sportif dont les règles de pratique entraînent des interactions motrices affectées d’ambiguïté et d’ambivalence, débouchant sur des effets contradictoires irrationnels » (Parlebas, 1999, p. 192).
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[6]
Expression du comportement moteur dans le jeu.
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[7]
Deux sous-groupes d’adolescents DI ont été constitués de manière à faire participer le premier (IME1) avec deux classes (6A et 6D) – afin d’observer d’éventuelles différences comportementales entre les deux classes – et le deuxième (IME2) avec une classe (6B) – afin d’observer d’éventuelles différences comportementales entre les deux sous-groupes d’adolescents DI.
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[8]
L’acronyme IME a pour signification Institut Médico Educatif : Nom de l’établissement accueillant les adolescents DI.
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[9]
Par opposition aux conduites psychomotrices (agir seul), les conduites sociomotrices orientent l’action motrice en présence d’autres interactants.
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[10]
Sous-rôles sociomoteurs : « Séquence ludomotrice d’un joueur considérée comme l’unité comportementale de base du fonctionnement stratégique d’un jeu sportif ». (Parlebas, 1999, p. 344).
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[11]
« Lorsqu’on parlera d’agressivité dans les jeux sportifs, il ne s’agira pas de conduites déviantes relevant de frustrations où de toute forme de pathologie, mais de « conduites motrices » (« organisations signifiantes du comportement moteur », Parlebas, 1999, p.74) manifestant une volonté de batailler – d’en découdre avec les opposants – limitée aux droits et interdits prescrits par les règles du jeu (Collard, 2004) ». (Collard, 2007, p. 83).
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[12]
Les chiffres en gras sont ceux du deuxième test (T2).
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[13]
Dans de nombreux jeux sportifs collectifs comme la balle assise, des travaux montrent que les actes d’opposition sont souvent privilégiés (Parlebas, 1981 ; Collard, 2004 ; Obœuf et Collard, 2008 ; Obœuf et al., 2010).
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[14]
Habitus : « Habitudes et attitudes socialement acquises qui sous-tendent et prédéterminent partiellement les façons de penser, de sentir et d’agir de tout individu et traduisent notamment le rapport qu’il entretient avec son corps » (Parlebas, 1999, p. 159).
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[15]
Les joueurs se réapproprient la logique interne du jeu – qui se caractérise par les contraintes du jeu – pour lui attribuer « des significations symboliques nouvelles ou insolites » (Parlebas, 1999 p. 220).
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[16]
Les universaux sont « des modèles opératoires représentant les structures de base du fonctionnement de tout jeu sportif et porteurs de la logique interne de celui-ci » (Parlebas, 1999, p. 431).
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[17]
Jeux sportifs didactiques : « ensemble des situations motrices codifiées par les enseignants selon des normes éducatives et à des fins pédagogiques » (Dugas, 2004, p. 14).
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[18]
Le baskin est une activité dérivée du basket permettant une participation optimale des joueurs malgré des compétences motrices et cognitives très disparates. Ce jeu sportif collectif, né en Italie, en 2003 apporte un modèle inclusif et accessible à tous les sujets en situation ou non de handicap.
Introduction
1Les enseignants d’Éducation Physique et Sportive (EPS) sont confrontés à un problème particulier lié aux interactions entre élèves. En effet, c’est l’une des rares disciplines scolaires qui exige la mise en jeu corporelle, comme l’éducation musicale au sein de laquelle, pour l’apprentissage du chant, la voix est considérée comme un instrument. Mais c’est la seule dont la motricité est véritablement moyen et fin (Dugas, 2007). Or, en EPS, l’élève s’engage dans l’action en affrontant de façon dynamique son environnement. Dans ce contexte, la mise en jeu corporelle avec autrui - sous forme coopérative ou d’opposition - peut être un frein à la participation active de certains élèves (Franco et Besombes, 2016). Ainsi, les enseignants doivent penser leur propre action dans un souci d’interrelation. En ce sens, le choix, par les enseignants d’EPS, des activités physiques et sportives (APS), se révèle déterminant (Dugas, 2002). Dans les faits, ces derniers sont pris en tenaille dans une double contrainte (Bateson, 1972), notamment lorsqu’il s’agit des activités de duels interindividuels (badminton, tennis, etc.) ou collectifs (handball, football, etc.). Il s’agit à la fois de favoriser l’obtention d’un gain à travers une confrontation et d’assurer la réussite de tous, ce dernier point étant un des objectifs de l’École de la République [1]. Ce contexte fait que les enseignants peuvent avoir des difficultés à proposer des activités répondant aux prescriptions institutionnelles.
2Dans le même sens, la grande variété d’APS proposée aux élèves ne tient pas toujours compte de la diversité de la population scolaire, comme par exemple sur le plan du sexe (Combaz et Hoibian, 2008). La plupart du temps, force est de constater que certaines APS mettent hors-jeu des participants, notamment parce que les perdants sont souvent plus nombreux que les vainqueurs (activités d’opposition à un seul vainqueur : courses, sauts, lancers, etc.).
3Dans ce contexte, l’étude des caractéristiques ethnomotrices [2] permet de cerner l’impact « sociomoteur » des APS [3] sur les groupes de joueurs. Selon la théorie des jeux (Von Neumann et Morgenstern, 1944), les « jeux à deux joueurs et à somme nulle » comme les sports collectifs et les jeux d’opposition (Oboeuf, Collard et Gérard, 2008) sont des activités qui ne favorisent pas l’entraide ou les relations magnanimes. Le gain d’un joueur ou d’un groupe dévalorise son opposant.
4D’une manière plus générale, les catégories sportives vont déterminer le classement et les formes d’exclusion en jeu : filles ou garçons (Fontaine, Sarrazin et Famose, 2001 ; Vigneron, 2006), habiles ou maladroits, connaissance ou non de l’activité, avec ou sans déficience. Du fait de ces différences, l’objectif de la participation sociale semble parfois compromis.
5L’impact socioculturel des APS peut aussi jouer un rôle majeur sur le niveau de la participation des élèves. Certaines activités, loin de faire l’unanimité face à la diversité socioculturelle de la classe (Combaz, 1992), peinent à obtenir une adhésion collégiale. On connait aussi le poids des attentes de certains élèves vis-à-vis d’activités très médiatisées, attentes pas toujours partagées par l’ensemble de la communauté. Par exemple, l’attirance reconnue d’un certain nombre de garçons pour le football n’est pas partagée par toutes et tous (Lentillon, 2009).
6Dès lors, qu’en est-il de la prise en considération des élèves dit à « besoins spécifiques » (Mollo-Bouvier, Belmont et Vérillon, 2004).
1 – Aptitudes et contraintes de l’activité
7Concernant la diversité des élèves, on peut suggérer, dans le cadre de dispositifs inclusifs ou de processus d’intégration, que les élèves les plus en difficultés sur le plan cognitif, moteur et/ou encore relationnel peuvent être en décalage avec les objectifs des enseignants quant aux attentes liées aux APS choisies. Ces décalages individuels, au sein même de l’activité, peuvent les marginaliser du reste du groupe (Lapère, 2005 ; Bui-Xuân et Mikulovic, 2007 ; Garel, 2007).
8Nous pouvons alors établir le lien entre les difficultés propres à chaque activité et leur répercussion sur la participation de chacun. En effet, malgré l’attractivité de certaines activités, celles à fortes connotations techniques peuvent mettre en difficulté et donc à distance les élèves n’ayant pas l’aisance motrice suffisante pour réaliser l’activité. En prévision de potentiels obstacles, certains élèves peuvent être découragés par des pratiques qu’ils perçoivent comme potentiellement discréditantes, dans la mesure où l’échec peut amoindrir leur estime de soi, mais aussi pouvant faire émerger des représentations péjoratives auprès de leurs pairs ou de l’enseignant (Durut-Bellat, 2003 ; Garel, 2007). L’élève peut ainsi s’exclure ou limiter sa propre participation à un exercice. Ainsi, les activités ne recelant pas d’incertitude issue du milieu physique ou d’autrui (sans interaction corporelle directe) comme la natation en couloir, les lancers, les sauts ou encore la gymnastique aux agrès (Parlebas, 1991) engagent l’élève dans une participation uniquement en lien avec l’exécution d’une action motrice précise. Le jugement porté sur et/ou par l’élève se fondera dès lors essentiellement sur la réussite à l’exercice qu’il conviendra de réaliser de la manière socialement attendue.
9Le contexte éducatif nécessite donc de réfléchir à la pertinence des choix des APS, en particulier lorsque l’enseignant perçoit que certains élèves éprouvent des difficultés à s’adapter sur le plan moteur et/ou cognitif.
2 – Le choix des activités physiques et la participation en question
10Dans le même temps, considérant toutes les individualités de la classe, le plaisir du jeu est souvent synonyme de lien social et de communication (Parlebas, 2002). Comme le souligne Parlebas (1976, p. 12) : « Le jeu sportif est un réseau social ». Dès lors, on peut émettre l’hypothèse selon laquelle les jeux sportifs collectifs en EPS apportent, en matière de participation sociale, une réponse permettant de rassembler l’ensemble d’un groupe, selon les traits saillants de la « logique interne [4] » d’une pratique.
11Pour illustration, on peut supposer que des jeux sportifs collectifs permettent de développer des liens de solidarité tout autant que des habiletés sociales et motrices, favorisant l’émergence de capabilités au sens entendu par Sen (2010). Les marges de manœuvre proposées dans ces jeux mettent en avant l’aspect décisionnel et peuvent, en favorisant les interactions, accroitre les possibilités de libre choix de l’individu. Les difficultés d’entrer en relation ne sont pas alors du seul fait des manques de la personne mais aussi des opportunités proposées par l’activité.
12Ainsi, certaines APS pourraient être perçues comme un moyen de rompre avec le processus de production du handicap (Fougeyrollas, 2010) tant sur le plan des barrières sociales, par un changement de regard, que des limitations d’activités par le développement de ces nouvelles habiletés.
13À ce titre, les jeux traditionnels (non institutionnels), c’est-à-dire les activités physiques non affiliées à une fédération sportive (Parlebas, 1981), sont intéressants à faire pratiquer notamment parce qu’ils s’éloignent des catégorisations ségrégantes (Marcellini, 2005a) en vigueur aujourd’hui dans le sport olympique. Ces jeux, étant peu formalisés au regard de l’institutionnalisation des sports, proposent alors une activité plus accessible autorisant les permutations d’équipe, des relations ambivalentes entre partenaires et adversaires (Parlebas, 1981). Ces échanges sous forme de réseau (Degenne et Forsé, 2004) font émerger des situations impliquant de multiples interactions motrices, présentes aussi au sein des jeux collectifs institutionnalisés, mais plus diversifiées au niveau du réseau de communication motrice (Parlebas, ibid., 1981). Ces communications praxiques favorisent la participation collective du plus grand nombre. Surtout, ces jeux permettent d’adapter des activités physiques mobilisant les conduites motrices des élèves tout en favorisant les relations interpersonnelles, notamment sur le plan socio-affectif. La victoire sur l’autre n’est pas l’unique but visé. Les effets pédagogiques recherchés tiennent compte alors des individualités au regard d’un épanouissement ludomoteur. Mais, ne nous n’y méprenons pas, le sport, fondé sur une logique compétitive, contribue aussi à l’épanouissement de l’individu. Apprendre à vaincre, à gagner participe à la construction de la personne (Collard, 2004), tout comme la façon d’enseigner ces APS à l’école. En ce sens, un certain nombre de travaux de recherche portant sur l’enseignement de l’EPS en milieu scolaire ont montré que les jeux sportifs collectifs peuvent, sous certaines conditions, développer des comportements altruistes, favoriser un projet collectif commun y compris dans le cadre de dispositifs inclusifs (Bayer, 1979 ; Brau-Anthony, 2001).
14Mais ces effets sont-ils toujours conformes aux attentes concernant la participation des joueurs in situ ? Les situations générées par ces jeux favorisent-elles les interactions entre tous les élèves ? Ces interactions, certes favorisées par la logique interne des jeux, ne seraient-elles développées que par un nombre limité d’initiés ? En effet, certains de ces jeux dits « paradoxaux [5] » (Parlebas, 2005) ont la particularité de laisser une grande marge de manœuvre aux différents joueurs leur permettant, dans une certaine mesure, de choisir leur propre logique de jeu, leur propre cheminement praxique.
15La réflexion entreprise jusqu’ici nous conduit à nous interroger sur la participation ludomotrice des élèves à besoins spécifiques, notamment en situation de handicap mental, au cours de jeux sportifs.
3 – La problématique du jeu sportif à l’école : vers l’exclusion ou l’inclusion ?
16La notion d’un effet sélectif du jeu nous renvoie, entre autres, à des résultats émanant d’une recherche (Legrand, Obœuf et Herrou, 2011) qui mettent en évidence des différences déclaratives (socio-affective/questionnaire sociométrique) et opérationnelles (sociomotrice/observation des joueurs en action). Cette étude dévoila qu’à l’issue d’un questionnaire sociométrique, des adolescents déficients mentaux furent appréciés par certains élèves de sixième et méprisés par d’autres. Cependant, en situation motrice dans le cadre du jeu de la « balle assise » - que nous expliquerons plus bas - les sixièmes ont ignoré globalement les élèves handicapés.
17Par ailleurs, une expérience de terrain (Dugas et Moretton, 2011), réalisée pendant deux ans auprès de 59 jeunes pratiquants âgés de 8 à 15 ans (dont 15 filles et 44 garçons) en établissement spécialisé (hôpital de jour et externat médico-pédagogique) a montré tout l’intérêt à porter aux activités physiques et aux compétences sociales associées. Il s’agissait de mesurer l’impact de cycles d’apprentissage de la natation, de l’escalade et du basketball sur le plan de la motricité, du langage et de la relation à l’autre. Les résultats ont révélé que, selon les caractéristiques de leur logique interne, certaines pratiques physiques sont plus adaptées à l’émergence de conduites motrices et sociales, en fonction de la nature des troubles.
18À partir de ces recherches susvisées, nous nous sommes interrogés sur l’influence de la mise en jeu corporelle en lien avec la participation ludomotrice d’élèves conduits à jouer ensemble (dont des élèves en situation de handicap).
19Cependant, comme nous l’avons souligné brièvement précédemment, d’autres formes d’altérité – comme le sexe ou tout simplement des élèves en difficultés d’adaptation motrice – peuvent entraver un tant soit peu la participation des joueurs dans le contexte ludique.
20En résumé, nous cherchons à mettre ici en évidence en quoi le choix de certaines activités ludosportives (selon leurs traits de logique interne, de structure) nous permet d’observer des élèves en difficulté d’adaptation motrice à une participation interactionnelle fondée davantage sur l’exclusion ou l’antagonisme que sur la participation et l’altruisme.
21Nous avons ainsi polarisé notre attention sur une population en situation de handicap mental agissant au sein d’un jeu sportif collectif. Celle-ci peut être considérée comme particulièrement en difficulté d’adaptation motrice. Nous observerons leur volume et qualité de participation ludomotrice et s’il existe des différences lorsqu’ils jouent entre pairs ou avec des élèves dits « ordinaires ».
22Pour ce faire, nous avons opté pour le jeu paradoxal de la « balle assise » que nous développerons dans le chapitre « méthodologie » ; effectivement, ce jeu, comme précisé plus haut, a déjà été utilisé dans quelques recherches sur les comportements de pratiquants dans les jeux sportifs (Collard, 2004 ; Oboeuf, Gérard, Lech et Collard, 2010 ; Dugas, 2011 ; Legrand et al. 2011). Pour notre expérience, il s’agit d’observer des comportements ludomoteurs [6] susceptibles de s’interroger sur le degré de participation ludomotrice des élèves et des relations socio-affectives qui en découlent pendant une activité sportive collective en cours d’EPS au collège.
23Si bien que notre hypothèse principale défend l’idée selon laquelle la logique interne de certains jeux sportifs collectifs, bien que différente, favorise notamment l’émergence d’un comportement exclusif chez la plupart des participants les plus habiles oubliant du même coup les joueurs en décalage avec les contraintes motrices du jeu. Dit autrement, la participation des joueurs dépend du contexte du jeu (logique interne) et de la réinterprétation faite par les joueurs selon le type d’interactions motrices en présence.
4 – Méthodologie
4.1 – Le jeu de la « balle assise » révélateur de lien socio-moteur
24Afin de mesurer la participation de chacun des élèves à une activité physique jouée et collective, nous choisissons un jeu sans difficulté motrice particulière, ne magnifiant pas l’antagonisme et laissant libre cours aux stratégies motrices. Ce test est le jeu de la « balle assise » qui comporte l’avantage de faire émerger et vérifier au cours de nos expériences, aussi bien la participation motrice de certains participants que les relations socio-affectives nouées peu ou prou entre les joueurs et notamment avec les personnes en difficulté. De surcroît, ce jeu est riche car il permet de mieux comprendre ce qui se joue entre les individus et met en avant le libre arbitre des pratiquants. Effectivement, chaque joueur possède le choix de ses interactions (de coopération ou d’antagonisme) et donc la possibilité de rentrer en relation avec quiconque et de la manière dont il veut : sans équipes instituées, les joueurs ont la possibilité de choisir aussi bien des partenaires que des adversaires (ambivalence) et d’en changer au fil du temps au gré de ses désirs (instabilité).
25Dans ce jeu sportif (Guillemard, Marchal, Parent, Parlebas et Schmitt, 1984), les joueurs sont répartis sur l’aire de jeu et cherchent à s’emparer d’une balle vivement convoitée. Le déplacement avec la balle fait partie des interdits. Les joueurs ont la possibilité, lorsqu’ils sont en possession de la balle, de choisir sur qui ils vont tirer ou vers qui ils vont effectuer une passe. Un joueur voulant faire une passe à un autre réalise celle-ci à l’aide d’un rebond au sol, alors qu’un tir se fera de volée. Si un joueur est touché, il devient prisonnier et doit s’asseoir sur place. Il devra alors attendre d’être délivré par la passe d’un participant ou par le hasard des rebonds. Ces traits de logique interne invitent les joueurs à une relation non équilibrée et logiquement contraire à la structure observée lors d’une opposition d’équipe luttant pour le gain de la partie. Nous observerons donc des comportements découlant d’une dynamique sociomotrice sous forme de réseau des communications motrices (passes) et des contre-communications motrices (tirs).
26De surcroît, cette mécanique ludique singulière présente un intérêt de tout premier plan : en laissant la liberté à ceux qui s’y adonnent de choisir leurs partenaires et leurs adversaires, ce jeu offre l’ambivalence et l’instabilité de la vie sociale. La liberté laissée à l’acteur au cœur de ce système d’interactions va permettre d’apprécier les relations entre les individus. En choisissant ce jeu traditionnel pour mesurer l’intégration motrice des joueurs, nous choisissons un jeu présentant des traits communs de logique interne avec les jeux sportifs collectifs (balle au prisonnier, football, etc.) et possédant une dynamique collective empreinte de socio-affectivité. Sur ce dernier point, en l’absence d’objectifs à atteindre et d’un système de score – sans gagnant à la fin du jeu – les élèves « tireront » sur les joueurs qu’ils souhaitent exclure et feront la passe à ceux qu’ils souhaitent voir participer au jeu.
27Nous serons alors à même d’une part, de mesurer l’implication sociomotrice de chacun des joueurs et ainsi observer si certains sont susceptibles de passer entre les mailles du filet, c’est-à-dire sans aucune interaction motrice avec les autres joueurs. D’autre part, il s’agira surtout d’évaluer, dans le feu de l’action, le volume et la qualité des interactions motrices des joueurs les plus en difficultés et en conséquence le niveau de participation sociomotrice dans un jeu sportif. Cette pratique ludique met-elle alors en jeu des comportements coopérants et incitant à la participation de tous ou au contraire favorise-t-elle l’opposition et/ou l’exclusion de certains joueurs ?
4.2 – Les joueurs et le cadre de la recherche
28La recherche s’appuie sur deux populations côtoyant les mêmes cours d’EPS (Tableau 1) : des élèves de collège et des adolescents présentant une déficience intellectuelle (DI). Le choix du niveau des élèves du collège a été déterminé vers des classes de sixième, l’âge inhérent à ce niveau (10 à 12 ans) étant le plus proche de l’âge mental supposé des adolescents de l’IME (Retard mental moyen : 6 à 9 ans) et leurs centres d’intérêts (Maisonneuve, 1968) s’avérant plus en adéquation qu’avec les autres élèves du collège plus âgés. La situation expérimentale regroupe trois classes (n = 21 ; n = 22 et n = 23) accueillant chacune d’elle un sous-groupe d’adolescents DI (n = 8 x 2 et n = 9) [7]. Nous différencions volontairement les résultats des deux publics considérant particulièrement les adolescents DI en grande difficulté d’adaptation motrice et de compréhension. Il sera alors intéressant de jauger leur degré et type de participation dans le jeu. Nous nommons 6A, 6B et 6D, les trois classes accueillant les deux sous-groupes d’adolescents DI que nous nommons IME1 et IME2 [8]. Par ailleurs, les groupes sont rendus sensiblement équivalents au regard du sexe avec légèrement plus de garçons que de filles dans chacun des groupes. De surcroît, les expériences antérieures susnommées révèlent que ce jeu paradoxal dénué de score (pas de vainqueurs et de perdants) ne marque pas de différence significative selon le sexe contrairement au handicap. Ici, la variable explicative étudiée au cours de ces joutes interactionnelles est le handicap de certains participants conjugué à la logique interne de ce jeu.
Plan expérimental en situation sociomotrice. Comparaison de trois groupes expérimentaux (6A/IME1, 6B/IME2, 6D/IME1) et d’un groupe témoin (IME1/IME2). Chaque classe (6A, 6B, 6D) partage le cours et les tests avec un sous-groupe de l’IME (IME1 ou IME2). Les deux sous-groupes de l’IME (IME1/IME2) étant réunis uniquement pour les deux tests de la balle assise
Plan expérimental en situation sociomotrice. Comparaison de trois groupes expérimentaux (6A/IME1, 6B/IME2, 6D/IME1) et d’un groupe témoin (IME1/IME2). Chaque classe (6A, 6B, 6D) partage le cours et les tests avec un sous-groupe de l’IME (IME1 ou IME2). Les deux sous-groupes de l’IME (IME1/IME2) étant réunis uniquement pour les deux tests de la balle assise
29Dans l’optique de compter précisément le nombre de passes et de tirs, tenant compte de la rapidité d’exécution de certains joueurs, nous avons opté pour l’observation différée par vidéo afin de filmer les situations motrices et d’analyser au plus près les faits et gestes de l’ensemble des participants. L’enregistrement permet ainsi des arrêts sur image et des retours en arrière pour certaines actions confuses, litigieuses ou encore trop rapides.
4.3 – La grille d’observation et le recueil des données
30L’évaluation de la participation des élèves s’est réalisée grâce à une grille d’observation répertoriant différents sous-rôles sociomoteurs (Tableau 2) chargés de nous renseigner sur les comportements stratégiques des joueurs. La validité du codage (rôles, sous-rôles et changments de sous-rôles) s’appuie sur le réseau exhaustif du jeu de la balle assise réalisé par Pierre Parlebas à l’aide de la théorie des graphes (Parlebas, 1981). L’analyse des comportements des joueurs qui en découle s’appuie, quant à elle, aux recherches de terrain ayant utilisé le jeu de la balle assise comme révélateur des conduites motrices des joueurs (Collard et Obœuf, 2007 ; Oboeuf, et al, 2008 ; Dugas, 2011 ; Legrand et al, 2011).
Les 19 changements de sous-rôlessociomoteurs de « la balle assise ». 10 changements étant attribués au rôle de joueur libre et 9 changements au rôle de joueur prisonnier. « Le sousrôle représente une séquence praxique qu’on peut considérer comme l’unité d’interaction tactique minimale du fonctionnement opératoire du jeu » (Parlebas, 1999)
Les 19 changements de sous-rôlessociomoteurs de « la balle assise ». 10 changements étant attribués au rôle de joueur libre et 9 changements au rôle de joueur prisonnier. « Le sousrôle représente une séquence praxique qu’on peut considérer comme l’unité d’interaction tactique minimale du fonctionnement opératoire du jeu » (Parlebas, 1999)
31Ainsi les changements de sous-rôles doivent mettre en exergue l’implication des élèves (nombre total de changement), leur mode relationnel (amicale ou inamicale) ainsi que le mode opératoire des participants (individuel, réseau). Le jeu dure 20 minutes et nous relevons le nombre de passes et de tirs - ratés et réussis - que nous comptabilisons dans un tableau désignant ces changements. L’influence de ce jeu sportif sur les conduites sociomotrices [9] est jaugée sous le prisme de la comparaison entre les résultats obtenus avec nos groupes mixtes et l’évolution des adolescents DI jouant entre eux. Les joueurs ont été observés sur deux temps de jeu espacés de 8 mois, premier test (T1) et deuxième test (T2). Ceci afin de permettre de constater si une évolution dans les résultats s’est produite au regard des sous-rôles endossés sachant qu’aucun entraînement ou apprentissage spécifique n’a eu lieu avant ou après, les joueurs ayant suivi leurs cours d’EPS normalement entre les deux tests. Ces deux tests permettront de vérifier si une année classique dans ce type de collège facilite le « vivre ensemble » ou n’apporte guère de changement de comportements ludomoteurs lorsque le jeu est reproduit plusieurs mois après.
32Les données ainsi recueillies, les résultats sont traités selon des procédures statistiques appropriées (test du KHI2) permettant de mesurer l’indépendance de nos variables. Un niveau de probabilité de 0,05 est retenu afin de valider ou rejeter l’hypothèse nulle selon laquelle la distribution des différentes variables est le seul fait du hasard et qu’il n’existe aucunes relations entre celles-ci.
33Précisons en dernier lieu que cette recherche s’est déroulée dans des conditions identiques pour tous les groupes respectant le même cadre d’exécution (consignes, espace et temps d’évolution, matériel utilisé).
4.4 – Hypothèses spécifiques
34L’analyse de ces résultats devrait autoriser la comparaison entre, d’une part, les différents groupes mixtes entre eux et, d’autre part, entre les groupes mixtes et les groupes constitués uniquement d’adolescents DI. Trois hypothèses découlent de ces comparaisons :
- Nous supposons observer des différences marquées entre le fonctionnement des groupes mixtes et celui des groupes composés uniquement d’adolescents DI. Pour ces derniers, la pratique entre pairs favoriserait une effervescence interactionnelle motrice plus importante que dans le contexte d’une activité mixte liée à la pratique de la balle assise.
- Certains changements de sous-rôles, révélant des comportements stratégiques, engendrent une participation plus faible des élèves les plus en difficulté.
- Entre les tests, il existe des différences marquant une meilleure participation au jeu des enfants en situation de handicap. Autrement dit, les liens entre élèves handicapés et « ordinaires » devraient être plus resserrés au fil de l’année scolaire et marqueraient ainsi une participation ludomotrice plus active de la part des enfants en situation de handicap.
35Au regard de ces différentes hypothèses, nous observerons si des personnes en difficulté d’adaptation motrice participent peu ou prou à un jeu sportif collectif. En d’autres termes, sont-ils plus exclus du jeu et/ou subissent-ils des interactions motrices majoritairement fondées sur l’antagonisme ?
5 – Résultats
5.1 – La participation des élèves questionnée
36Une première lecture s’organise au regard des changements de sous-rôles sociomoteurs [10] désignant les comportements des joueurs sur le terrain et témoignant d’une participation à connotation hostile (contre-communication) ou amicale (communication). En observant le nombre de changement des sous-rôles sociomoteurs des collégiens jouant avec les adolescents déficients intellectuels au T1 (Tableau 3), on constate un premier déséquilibre entre ces actes de communication et de contre-communication.
Répartition des sous-rôles sociomoteurs entre les joueurs du collège et de l’IME au cours de la première passation(T1) des 20 minutes du jeu de la balle assise
Répartition des sous-rôles sociomoteurs entre les joueurs du collège et de l’IME au cours de la première passation(T1) des 20 minutes du jeu de la balle assise
37En effet, de manière générale, les comportements à connotation agressive (Collard, 2004, 2007 ; Parlebas 1999) [11] prennent le dessus sur les comportements altruistes. Les joueurs privilégient en grande majorité des comportements d’opposition au détriment des actes d’entraide. Le sel d’un jeu collectif maillant des relations d’antagonisme et de coopération est souvent lié aux émotions qu’il procure au cœur des actions d’opposition (Dugas, 2011). Ceci témoigne, la plupart du temps de la part des possesseurs du ballon, d’une envie d’en découdre avec le reste du groupe et fait émerger des comportements qui répondent aux sollicitations « agressives » de ces derniers (Collard et Oboeuf, 2007). Si l’on isole, par exemple, les résultats des sous-rôles sociomoteurs « Tireur => Attente » (6A/IME1 : 189 ; 6B/IME2 : 126 ; 6D/IME1 : 159) découlant d’actes impliquant le tir et désignant précisément des actes moteurs relevant d’un comportement antagoniste ainsi que le sous-rôle « Assis => Receveur » (6A/IME1 : 59 ; 6B/IME2 : 44 ; 6D/IME1 : 49) relevant de la conséquence d’un comportement altruiste, la comparaison de ces conduites (13 % contre 4 %, Khi 2 = 5,92, p < 0,1 ; ns) révèle, de la part des trois groupes, une certaine désaffection pour les actes de délivrance. Par opposition, le changement de sous-rôle en « Joueur libre », Attente => Receveur, n’est pas la conséquence, quant à lui, d’un acte de libération mais d’un mode opératoire traduisant des comportements, à l’instar de tout jeu sportif possédant ses propres règles, permettant aux joueurs concernés, la plupart du temps, de s’organiser en constituant des réseaux sous forme de passes afin de mieux s’opposer aux autres (Dugas, 2011). D’ailleurs, au T2 (Tableau 4), les comportements de nos trois groupes, pourtant sensiblement différents, débouchent sur une évolution très significative dans ces changements d’interaction opératoire (Attente => Receveur : 6A/IME1 : 67→157 ; 6B/IME2 : 114→116 ; 6D/IME1 : 31→207, Khi 2 : p < 0,001) [12]. Cette évolution, concernant principalement ce dernier sous-rôle impliqué dans les réseaux de communication, laisse entrevoir une exclusivité dans les choix d’organisation motrice, engendrant une participation plus faible des joueurs en difficulté ce qui semble corroborer avec notre seconde hypothèse (cf. chapitre 4.4. supra).
Répartition des sous-rôles sociomoteurs entre les joueurs du collège et de l’IME au cours de la deuxième passation(T2) des 20 minutes du jeu de la balle assise
Répartition des sous-rôles sociomoteurs entre les joueurs du collège et de l’IME au cours de la deuxième passation(T2) des 20 minutes du jeu de la balle assise
5.2 – L’évolution des comportements entre les deux temps de jeu
38Comparativement et globalement, l’évolution des résultats entre le T1 et le T2 - qui concerne deux changements de sous-rôles témoignant pour l’un d’un acte de communication organisateur (Attente => Receveur) et pour l’autre, de la conséquence d’un acte de communication libérateur (Assis => Receveur) - montrent une modification du comportement des groupes. Dans ces deux changements de sous-rôles, la portée sociomotrice n’est pas tout à fait semblable, car même s’ils témoignent, l’un comme l’autre, d’une interaction coopérative et permettent ainsi l’intégration dans un réseau, le second facilite aussi la réintégration dans le jeu. Il est donc surprenant de constater une telle différence dans le mode opératoire de ces groupes entre les deux tests avec comme effet une modification de l’implication motrice des joueurs (Attente => Receveur : 212→477 ; Assis => Receveur : 151→120, Khi 2 : p < 0,001).
39Un autre aspect allant dans ce sens mérite d’être soulevé. Alors qu’au T1 des joueurs moins organisés avaient sollicité les adolescents DI lorsque ces derniers étaient prisonniers, au T2 les actes de libération à leur encontre ont tout simplement disparu pour les deux sous-groupes de l’IME en relation avec les trois classes (Assis => Receveur = 0). Ces joueurs, une fois prisonniers, semblent avoir été considérés hors jeu par les joueurs libres. Les adolescents DI semblent subir la loi d’un mode opératoire découlant d’une logique interne les mettant de côté. Il en va d’ailleurs de même lorsque l’on observe leur volume global d’interactions très significativement en baisse entre les deux tests (IME1/6A : 54→20 ; IME2/6B : 69→50 ; IME1/6D : 11→30, Khi 2 : p < 0,001) ; sauf pour le sous-groupe IME1 en relation avec la classe 6D qui voit son volume global augmenter mais principalement du fait du résultat des deux changements de sous-rôles, Attente => Esquiveur et Esquiveur => Assis, les impliquant dans des relations antagonistes (tirs) pouvant les positionner hors du jeu. Ces constats ne semblent pas étayer la troisième hypothèse que nous avions émise (cf. chapitre 4.4. supra), à savoir que nous supposions une participation plus active de la part des enfants en situation de handicap à l’issue de l’année scolaire, dont l’inclusion scolaire est l’un des enjeux de l’établissement où s’est réalisée l’expérience de terrain.
40Une ultime particularité, concernant ces trois groupes, attire notre attention. Si l’on s’attarde une fois de plus sur le changement de sous-rôles « Attente => Receveur » ainsi que sur le volume global d’interactions, mais cette fois-ci de manière individuelle – c’est à dire pour chaque élève – on constate une récurrence comportementale allant dans le sens d’une exclusivité ludomotrice. Effectivement, en individualisant les changements de sous-rôles sociomoteurs des différents groupes, la caractéristique d’un petit nombre de joueurs constitué en réseau, la plupart du temps, monopolisant le ballon au détriment du reste du groupe revient de manière répétitive. Les tableaux 4 et 5 attestent cet état de fait et révèlent pour chaque groupe tantôt un petit nombre de joueurs très organisés et très impliqués dans le jeu (Tableau 5), tantôt un grand nombre de joueurs sans organisation et peu impliqués dans le jeu (Tableau 6).
Implication des joueurs recevant beaucoup le ballon dans le jeu. Dans ce tableau on observe aisément une exclusivité ludomotrice de la part d’un petit nombre de joueurs au détriment des autres joueurs du groupe. En effet, on note un très petit nombre monopolisant le ballon lorsqu’il s’agit d’une part de s’organiser en réseau (Attente => Receveur) impliquant une forte participation (Total des changements de sous-rôles) au détriment des autres d’autre part
Implication des joueurs recevant beaucoup le ballon dans le jeu. Dans ce tableau on observe aisément une exclusivité ludomotrice de la part d’un petit nombre de joueurs au détriment des autres joueurs du groupe. En effet, on note un très petit nombre monopolisant le ballon lorsqu’il s’agit d’une part de s’organiser en réseau (Attente => Receveur) impliquant une forte participation (Total des changements de sous-rôles) au détriment des autres d’autre part
Implication du nombre de joueurs ne recevant pas le ballon au cours du jeu. Cette fois-ci on observe, au contraire du précédent tableau, un grand nombre de joueurs ne recevant pas le ballon debout (Attente => Receveur) et ne pouvant donc s’organiser en réseau impliquant une faible participation en général (Total des changements de sous-rôles)
Implication du nombre de joueurs ne recevant pas le ballon au cours du jeu. Cette fois-ci on observe, au contraire du précédent tableau, un grand nombre de joueurs ne recevant pas le ballon debout (Attente => Receveur) et ne pouvant donc s’organiser en réseau impliquant une faible participation en général (Total des changements de sous-rôles)
5.3 – Différences de capacités mais concordance dans le jeu
41Ces premiers résultats poussent à investiguer plus en avant en tentant de comprendre si l’organisation de ces changements de modes opératoires ainsi que leurs effets sont les mêmes lorsque la population déficiente intellectuelle joue ensemble. Si certains joueurs au collège sont plus exclus dans ce jeu sur le plan moteur, qu’en est-il de leurs comportements lorsqu’ils évoluent entre eux dans un cadre qui leur est familier ? La logique interne de ce jeu imprime-t-elle sur ces joueurs une marque d’exclusivité ludomotrice ? En d’autres termes les adolescents DI ont-ils une autre manière d’appréhender ce jeu ? Peut-on supposer plus d’empathie avec une répartition des rôles plus homogène ?
42Les résultats de ces derniers tests apportent des réponses inédites car il semble se dessiner des comportements sensiblement analogues que les précédents. En effet, au regard de possibilités motrices et cognitives plus proches, on pouvait supposer de la part des joueurs de l’IME qu’ils adoptent un mode opératoire moins excluant. Or, il n’en est rien. Les comportements des joueurs de l’IME ressemblent à ceux de leurs homologues collégiens. C’est ainsi qu’amenés à jouer ensemble, les deux sous-groupes de l’IME (IME1 et IME2) montrent pourtant, dans un premier temps, un mode opératoire différent des trois groupes précédents. En effet, la notion de réseau dans les actes de communication est quasiment absente dans les deux tests (Attente => Receveur = 1% du total des sous-rôles) (Tableaux 7 et 8).
Répartition des sous-rôles sociomoteursentre les deux sous-groupes de l’IME au cours du T1 des 20 minutes du jeu de la balle assise
Répartition des sous-rôles sociomoteursentre les deux sous-groupes de l’IME au cours du T1 des 20 minutes du jeu de la balle assise
Répartition des sous-rôles sociomoteursentre les deux sous-groupes de l’IME au cours du T2 des 20 minutes du jeu de la balle assise
Répartition des sous-rôles sociomoteursentre les deux sous-groupes de l’IME au cours du T2 des 20 minutes du jeu de la balle assise
43Au vu des résultats précédents, ce manque d’organisation flagrant des joueurs aurait pu donner à observer une diffusion plus équilibrée entre les actes de communication et les actes de contre-communication ; au lieu de cela, comme observé précédemment avec les collégiens, les tirs dominent les échanges de coopération (83 tirs contre 35 passes au T1 et 80 tirs contre 17 passes au T2). Les interactions majoritairement antagonistes sont alors privilégiées et malgré une spontanéité dénuée de tout ordre, la répétition des sous-rôles révélateurs de comportement hostiles vis-à-vis de leurs camarades (Oboeuf et al., 2008) – les actes de délivrance sont très largement minoritaires dans le processus du jeu : « Assis => Receveur » : 10% – montrent que les adolescents DI semblent rejeter tout autant que leurs homologues du collège [13]. Dans un second temps, l’individualisation des résultats va non seulement dans le sens d’un mode opératoire « rejetant » mais aussi d’un mode opératoire « exclusif » puisqu’elle montre une main mise sur le ballon de la part d’un petit nombre de joueurs – comme les élèves de sixième – délivrant un grand nombre de tirs (Tableau 9). Le reste du groupe ne reçoit que très peu le ballon (13,6 % au T1 et 6,5 % au T2) (Tableau 10) et en récupèrent un nombre assez faible (18,8 % au T1 et 32 % au T2). Ces deux paramètres légitiment une participation clairsemée d’un grand nombre de joueurs au bénéfice d’un petit groupe, ce qui ne semble pas soutenir notre première hypothèse (cf. chapitre 4.4. supra) qui relevait une différence marquée entre les groupes mixtes et le groupe non mixte.
Orientation des joueurs recevant beaucoup le ballon au cours du jeu. On observe de nouveau, lorsque les adolescents DI jouent entre eux, une exclusivité ludomotrice de la part d’un petit nombre de joueurs au détriment des autres joueurs du groupe. Lorsque ces joueurs récupèrent un très grand nombre de ballon (81,2% au pré-test et 68% au post test) ils choisissent la plupart du temps de tirer (74% au pré-test et 89, 3 % au post-test) plutôt que de passer
Orientation des joueurs recevant beaucoup le ballon au cours du jeu. On observe de nouveau, lorsque les adolescents DI jouent entre eux, une exclusivité ludomotrice de la part d’un petit nombre de joueurs au détriment des autres joueurs du groupe. Lorsque ces joueurs récupèrent un très grand nombre de ballon (81,2% au pré-test et 68% au post test) ils choisissent la plupart du temps de tirer (74% au pré-test et 89, 3 % au post-test) plutôt que de passer
Implication du nombre de joueurs ne recevant pas le ballon au cours du jeu. On observe, au contraire du précédent tableau, un grand nombre de joueurs ne recevant quasiment jamais le ballon ni debout (Attente => Receveur) – ne pouvant donc s’organiser en réseau – ni assis (Assis => Receveur), impliquant une faible participation voire, pour certains, une quasi-exclusion du jeu
Implication du nombre de joueurs ne recevant pas le ballon au cours du jeu. On observe, au contraire du précédent tableau, un grand nombre de joueurs ne recevant quasiment jamais le ballon ni debout (Attente => Receveur) – ne pouvant donc s’organiser en réseau – ni assis (Assis => Receveur), impliquant une faible participation voire, pour certains, une quasi-exclusion du jeu
6 – Pratiques sociomotrices et pratiques institutionnelles
44Le jeu de la balle assise permet aux joueurs tantôt de s’organiser en réseau afin d’asseoir l’hégémonie d’un sous-groupe sur le reste du groupe voire d’un autre sous-groupe, tantôt d’appliquer un mode opératoire individuel (Annexes 1, 2, 3 et 4). C’est en cela, d’une part, que ce jeu révèle le niveau de participation de chacun dans l’activité. La possibilité de choisir partenaire et adversaire pousse les joueurs à développer des stratégies motrices en fonction de leurs affinités sociomotrices et des habiletés motrices. Il existe alors un lien entre la communication motrice et les possibilités de chacun d’interagir ou de ne pas pouvoir interagir dans ce contexte donné. De sorte que le joueur peut être amené à choisir l’évitement comme seule stratégie ou être oublié par ses camarades de jeu car, par exemple, il ne correspondrait pas aux critères de réussite liés aux contraintes structurelles et aux règles du jeu.
45Dans ce dernier cas de figure, alors que la logique interne du jeu de la balle assise ne favorise pas ipso facto les conduites d’opposition généralement privilégiées dans les duels sportifs collectifs – car les actes d’opposition font évoluer le score et favorisent le gain du match – certains joueurs imprègnent un esprit de compétition au jeu de telle manière qu’ils reproduisent la logique compétitive (Bui-Xuan, 2003 ; Marcellini, 2005b). En somme, la pratique régulière d’opposition sportive oriente les joueurs les plus habiles (le plus souvent ceux qui pratiquent assidument les sports collectifs) vers la reproduction de ce type de comportements dans des contextes ne le réclamant pas (Collard et Oboeuf, 2007). Ces mêmes comportements déjà observés dans une étude précédente (Legrand et al., 2011) avec des élèves provenant d’un IME dévoilent une manière d’agir singulière. En effet, ces habitus (Bourdieu, 1998) [14] empêchent ceux perçus comme étant les moins habiles de participer au jeu, mais agissent également sur les plus habiles qui restreignent les possibilités stratégiques. Ainsi, que la pratique soit en groupe mixte ou en groupe non mixte, la manière d’opérer demeure la même. On y observe sensiblement les mêmes comportements d’un groupe à l’autre.
46Une « logique externe [15] » au jeu semble être privilégiée par les joueurs au détriment de la logique interne puisqu’il y a réinterprétation des règles. Ainsi arrivent-ils à priver de ballon le reste du groupe. Les effets de ce fonctionnement se manifestent par des comportements exclusifs de la part des plus habiles. Ces joueurs se constituent en réseau ou opèrent de manière isolée, s’opposent à leurs camarades et en excluent ou oublient un certain nombre. Or, dans la plupart des jeux sportifs, les interactions entre joueurs sont toujours définies à partir de la solidarité ou de la rivalité. À l’inverse et pour rappel, les jeux paradoxaux privilégient l’ambivalence et l’instabilité comme le jeu de la balle assise. Cependant, dans le cas de notre étude, l’habitus de certains joueurs accoutumés aux joutes sportives (Eber et Willinger, 2004) associé au comportement des joueurs les plus habiles semblent empiéter sur la logique interne du jeu de la balle assise.
47Deux logiques opératoires semblent ici avoir été amalgamées alors qu’elles paraissaient dissociables. Se pose alors la question du souci de l’autre. Comme nous l’explique Stéphane Robin, « l’individu n’est pas indifférent à l’autre mais animé par des préférences sociales » (2012, p. 176), se traduisant dans notre étude par des préférences sociomotrices (Obœuf et al., 2008). Dans notre expérience, le pouvoir qu’apporte la possession du ballon associé à un comportement issu de la pratique sportive semble favoriser une logique exclusive. Cette logique relationnelle empêche les joueurs perçus moins habiles, selon les critères des sports pratiqués par les sportifs s’appropriant la balle (Collard, Obœuf et Legrand, 2012) de prendre part au jeu. En conséquence, le jeu de la balle assise se transforme en une forme de joute sportive où les joueurs se choisissent à partir des critères sportifs déjà connus/vécus qu’ils reproduisent. En outre, par cette accaparation, les joueurs imposent leur propre vision des APS important, dès lors, une culture fondée sur des représentations compétitives. Ces caractéristiques reproduisent d’authentiques « tactiques du corps » (Mauss, 1934 ; Collard et Dugas, 2008 ; Dugas et Collard, 2009) dont la visée est la mise à l’écart des plus faibles et l’établissement des relations de domination (Caillat, 1996). Les collégiens envers certains élèves – adolescents ayant un handicap ou pas – et les adolescents DI envers beaucoup de leurs camarades l’ont précisément mis en pratique lors de nos expériences en reproduisant les mêmes schémas dont l’issue reste, pour les uns comme pour les autres, l’exclusion partielle ou totale du jeu.
48Ici, exclusivité dans la possession du ballon rime avec exclusion. La participation des joueurs les plus en difficulté est soumise au bon vouloir des joueurs qui s’inscrivent dans une démarche d’opposition et en même temps de collaboration envers les joueurs qu’ils choisissent de faire participer. Si cela est autorisé dans le jeu de la balle assise, les revirements soudains de position – issues de la logique interne du jeu – disparaissent, créant un collectif soudé et donc, en même temps, excluant.
49Ainsi, les joueurs exclus du réseau de jeu adoptent des comportements ne satisfaisant pas aux exigences d’une logique interne privilégiant l’engagement et la persévérance. L’exclusion qu’ils subissent vient ici montrer le peu d’intérêt à s’engager dans une activité où ils sont a priori stigmatisés et perçus négativement. Dès lors, ils sont non seulement privés de ballon mais parfois dans l’incapacité d’intégrer un processus visant à favoriser leur participation sociale.
50Sur un autre plan, Joël Zaffran (2015) avait déjà dévoilé que le « vivre ensemble » entre enfants handicapés et dits « ordinaires » n’était pas un allant-de-soi. Car, armé d’une grille d’observation qui relève les interactions entre élèves ordinaires (EO) et celles entre EO et EH (élèves handicapés) - en recueillant des comportements verbaux et non verbaux issus de ces interactions entre élèves -, il pointe une nette différence entre les EH et les EO : « On voit que la coopération tire vers elle le barycentre des élèves ordinaires, ce qui, du même coup, éloigne le point barycentrique de la compétition et de l’isolement. En revanche, la coopération se distend pour les enfants déficients (EH), qui voient leur barycentre se rapprocher de l’isolement et de la compétition » (Zaffran, 2015, p. 38). Il ajoute que c’est le « théâtre d’une « dramatisation du mal » (Tannebaum, 1938) où chacun est appelé à jouer un rôle selon un scénario qui accentue les traits d’une personne qui, à force de jouer ce rôle, fait sien le regard qui est porté sur elle » (Ibid., p. 39). Si la différence est constitutive d’une société humaine et la nourrit, les situations sociales vécues peuvent accentuer ou réduire les discriminations de tout ordre.
7 – Conclusion
51Dans cette étude, malgré un jeu sans système de scores, ne valorisant pas a priori les interactions antagonistes, les joueurs les plus habiles ont interagi de telle manière qu’ils ont préféré jouer dans des pratiques corporelles qui se rapprochent des sports collectifs, puisque le jeu de balle assise autorise ce genre de dispositions.
52Les universaux [16] des jeux traditionnels et des sports collectifs comportent parfois des similitudes (joueurs, échanges avec un ballon, etc.) qui peuvent aboutir aux mêmes types de conduites motrices concernant la participation des membres d’un groupe, en particulier lorsque les représentations sociales vis-à-vis de certaines populations renvoient à l’incapacité, tel que c’est souvent le cas des personnes handicapées, même si ces incapacités sont plus de l’ordre des représentations que de la réalité observable. In fine, si coopération et antagonisme sont présents, ici, c’est une forme institutionnalisée et formalisée qui tend à être reproduite. Les joueurs ayant tendance à reproduire ce qu’ils connaissent déjà culturellement (cf. concept d’habitus).
53De ce fait, les réalisations motrices ont contribué à révéler les difficultés d’adaptation motrice d’une majorité de joueurs – collégiens comme adolescents DI. Il en résulte que les jeux sportifs collectifs largement programmés par les enseignants en EPS (Brau-Antony, 2001) peuvent être à même de faire émerger des décalages participatifs.
54Il s’ensuit souvent une répartition en groupes distincts de ces élèves provoquant parfois une ségrégation groupale ou dans les cas extrêmes une non participation au jeu lui-même. À partir de ce constat, les pratiques pédagogiques, dans le contexte scolaire, doivent tenir compte de cet état de fait si l’on veut faire adhérer le plus grand nombre à un projet commun. Les dispositions sociomotrices, sociales et culturelles des élèves interfèrent nécessairement avec la logique interne de l’activité puisque ce sont des dispositions incorporées. La question est de savoir comment peut-on intervenir pour les transformer ? Particulièrement au cours d’activités collectives, la logique interne doit permettre à chacun de s’exprimer selon ses capacités motrices mais aussi selon ses capacités à interagir.
55L’intégration motrice des élèves passe alors d’une part, par le choix approprié de l’activité et, d’autre part, par l’adaptation des règles sous-jacentes de sa logique interne, la didactisation de l’activité à des fins éducatives et pédagogiques [17] (Dugas, 2004).
56L’exemple du baskin [18] est l’un des archétypes présentant un système de contraintes utilisant l’hétérogénéité motrice de chacun au service d’un but commun. Les inégalités ludomotrices sont ainsi réduites grâce à une logique interne respectant les possibilités motrices et cognitives de l’ensemble des joueurs, dont les élèves les plus en difficulté. Ces derniers trouvent plus facilement leur place dans le concert ludique (Valet, Bobini et Cappelini, 2013).
57Une autre possibilité pourrait consister à montrer que les conduites motrices ne viennent pas nécessairement se forger dans des jeux d’opposition, que ceux-ci soient collectifs ou individuels. Dès lors, au sein de l’activité sportive proposée, le gain du match ne serait pas obligatoire et exclusivement le but recherché. Il existe en effet des activités physiques permettant également le développement d’habiletés motrices où l’infériorité de type praxique ne serait pas due à l’incapacité motrice de départ, mais bien plus au développement des habiletés réalisées. Ainsi, des pratiques dites « mixtes », comme la capoeira (Meziani, 2015), permettent de centrer les apprentissages sur les habiletés motrices plus que sur le gain de la partie notamment parce que leur logique interne favorise une adaptation aux dispositions d’autrui.
58Au vu des arguments étayés ci-avant, notre expérience révèle la nécessité d’adapter les logiques internes des jeux sportifs collectifs y compris celles des jeux traditionnels, car pour ces derniers, malgré des logiques internes réduisant les inégalités ludomotrices tout en favorisant l’engagement, il n’en résulte pas moins – comme mis en relief dans notre étude – un décalage participatif, surtout lorsque les intentions de certains joueurs rejoignent la logique compétitive et favorise ainsi la mise à l’écart des joueurs suspectés de rendre plus incertaine encore la victoire.
59Plusieurs orientations sont ici envisageables :
- une première orientation est celle liée à une logique interne qui conçoit les APS selon des règles inviolables entrainant l’adhésion de chacun à celles-ci, au risque d’obliger certains à ne pouvoir s’adapter aux contraintes motrices ;
- une autre orientation serait fondée sur l’idée d’une logique interne plus soucieuse de favoriser la participation sociale, via différents types de dispositifs inclusifs, favorisant dès lors des processus d’intégration dépassant le cadre de la séance d’EPS.
60Au fond, la question de la participation sociale ne renvoie pas seulement aux qualités perçues comme intrinsèques aux individus, mais bien plus aux représentations sociales associées. Ainsi, il ne s’agit pas uniquement de faire comprendre aux élèves qu’ils doivent accepter a priori la diversité humaine, mais bien de leur faire expérimenter et intérioriser l’existence d’un éclectisme ludomoteur, la dualité n’étant qu’un seul des possibles.
61Cela nécessite un point de vue pédagogique décentré de la logique exclusivement compétitive afin de prendre en compte la pluralité du public accueilli, tout autant que la pluralité des logiques internes et des habiletés motrices qui peuvent en résulter. En EPS, si l’égalité des chances passe par la réussite de tous sur le plan de la motricité, la participation sociale renvoie, quant à elle, à une égalité des places (Dubet, 2010). Favoriser cette égalité des places signifie qu’il ne s’agit pas seulement de se construire dans l’agir, mais bien plus dans l’interagir. Les situations d’enseignement peuvent alors être un révélateur des différences et les cours d’EPS un espace favorisant une meilleure appréhension de celles-ci.
62Ne pas adapter ses choix pédagogiques revient à ignorer qu’en organisant des situations motrices permettant l’expression d’une certaine diversité, il s’agit aussi d’éduquer l’ensemble des élèves et non seulement favoriser la participation et l’épanouissement sociale des plus vulnérables.
63Sociogrammes fonctionnels (réseau des communications motrices) des passes et des tirs réciproques issus du jeu de la « balle assise ». Les passes réciproques sont en trait plein et les tirs réciproques sont en pointillé. Le T1 est représenté par le graphe du haut et le T2 par celui du bas. Les adolescents DI sont repérés par le sigle Ime.
64Annexe 1. Sociogrammes fonctionnels du groupe 6A/IME1. Nous observons une évolution du sociogramme entre les deux tests. En effet au T2, le groupe s’est organisé – avec la constitution d’un réseau de joueurs – afin de contrer la domination de deux joueurs opérant en trio (FLA, VAL et BRY au T1 et FLA, VAL et MAT au T2).
65Annexe 2. Sociogrammes fonctionnels du groupe 6D/IME1. Un seul sous-groupe fonctionnant en réseau confirme la mainmise de celui-ci sur le déroulement du jeu. Au T1, les joueurs de ce réseau rentrent en relation réciproquement au moyen de passes mais aussi de tirs. Ils sont aussi l’objet de la réaction d’opposition de quelques joueurs. Au T2 (Graphe du bas) les joueurs du réseau ne se tirent plus dessus, mais sont toujours l’objet d’une relative opposition. Il est à noter une absence totale de relation réciproque avec le sous-groupe de l’IME1.
66Annexe 3. Les sociogrammes du groupe 6B/IME2 sont quelque peu identiques aux sociogrammes précédents. Un fonctionnement avec un sous-groupe central autour duquel s’articulent de multiples oppositions mais avec cette fois-ci quelques connections positives extérieures avec d’autres joueurs du groupe. Nous observons cette-fois-ci deux joueurs du sous-groupe IME2 (WIL au T1 et JUL au T2) en opposition réciproque avec des élèves du collège.
67Annexe 4. Sociogrammes des deux sous-groupes de l’IME (IME1 et IME2) jouant ensemble au jeu de la balle assise. Le mode opératoire est totalement différent des trois groupes précédents. En effet, la notion de réseau des actes de communication réciproque est totalement absente des deux tests. De plus, les tirs réciproques sont essentiellement privilégiés au détriment des passes réciproques.
Bibliographie
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Notes
-
[*]
La correspondance pour cet article doit être adressée à Marc Legrand, 7 clos de la bataille 14600 Honfleur, France ou par courriel <marclegrand@wanadoo.fr>.
-
[1]
Extrait du programme du collège (Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 aout 2008) – Education Physique et sportive : « Dans un jeu à effectif réduit, rechercher le gain du match… ».
-
[2]
L’ethnomotricité décrite par Parlebas (1999, p. 145) s’attache à considérer « le champ et la nature des pratiques motrices sous l’angle de leur rapport à la culture et au milieu social au sein desquels elles se sont développées ».
-
[3]
L’impact « sociomoteur » des APS fait référence aux interactions motrices au cours des confrontations collectives.
-
[4]
Logique interne : « Système de traits pertinents d’une situation motrice et des conséquences qu’il entraine dans l’accomplissement de l’action motrice correspondante » (Parlebas, 1999, p. 216).
-
[5]
Le jeu paradoxal est « un jeu sportif dont les règles de pratique entraînent des interactions motrices affectées d’ambiguïté et d’ambivalence, débouchant sur des effets contradictoires irrationnels » (Parlebas, 1999, p. 192).
-
[6]
Expression du comportement moteur dans le jeu.
-
[7]
Deux sous-groupes d’adolescents DI ont été constitués de manière à faire participer le premier (IME1) avec deux classes (6A et 6D) – afin d’observer d’éventuelles différences comportementales entre les deux classes – et le deuxième (IME2) avec une classe (6B) – afin d’observer d’éventuelles différences comportementales entre les deux sous-groupes d’adolescents DI.
-
[8]
L’acronyme IME a pour signification Institut Médico Educatif : Nom de l’établissement accueillant les adolescents DI.
-
[9]
Par opposition aux conduites psychomotrices (agir seul), les conduites sociomotrices orientent l’action motrice en présence d’autres interactants.
-
[10]
Sous-rôles sociomoteurs : « Séquence ludomotrice d’un joueur considérée comme l’unité comportementale de base du fonctionnement stratégique d’un jeu sportif ». (Parlebas, 1999, p. 344).
-
[11]
« Lorsqu’on parlera d’agressivité dans les jeux sportifs, il ne s’agira pas de conduites déviantes relevant de frustrations où de toute forme de pathologie, mais de « conduites motrices » (« organisations signifiantes du comportement moteur », Parlebas, 1999, p.74) manifestant une volonté de batailler – d’en découdre avec les opposants – limitée aux droits et interdits prescrits par les règles du jeu (Collard, 2004) ». (Collard, 2007, p. 83).
-
[12]
Les chiffres en gras sont ceux du deuxième test (T2).
-
[13]
Dans de nombreux jeux sportifs collectifs comme la balle assise, des travaux montrent que les actes d’opposition sont souvent privilégiés (Parlebas, 1981 ; Collard, 2004 ; Obœuf et Collard, 2008 ; Obœuf et al., 2010).
-
[14]
Habitus : « Habitudes et attitudes socialement acquises qui sous-tendent et prédéterminent partiellement les façons de penser, de sentir et d’agir de tout individu et traduisent notamment le rapport qu’il entretient avec son corps » (Parlebas, 1999, p. 159).
-
[15]
Les joueurs se réapproprient la logique interne du jeu – qui se caractérise par les contraintes du jeu – pour lui attribuer « des significations symboliques nouvelles ou insolites » (Parlebas, 1999 p. 220).
-
[16]
Les universaux sont « des modèles opératoires représentant les structures de base du fonctionnement de tout jeu sportif et porteurs de la logique interne de celui-ci » (Parlebas, 1999, p. 431).
-
[17]
Jeux sportifs didactiques : « ensemble des situations motrices codifiées par les enseignants selon des normes éducatives et à des fins pédagogiques » (Dugas, 2004, p. 14).
-
[18]
Le baskin est une activité dérivée du basket permettant une participation optimale des joueurs malgré des compétences motrices et cognitives très disparates. Ce jeu sportif collectif, né en Italie, en 2003 apporte un modèle inclusif et accessible à tous les sujets en situation ou non de handicap.