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Article de revue

Choix de femme pour métier (dit) d’homme, quand la démarche collective soutient les possibles individuels

Pages 271 à 293

Notes

  • [1]
    D’aucun-e-s démontrent également l’influence de l’invention de la machine à laver sur la condition féminine et sur l’accès des femmes à la sphère publique. Le Musée de la Lessive de Spa, dans une exposition temporaire, évoque la condition pénible de la femme avant cette invention, et la fonction libératrice des premières machines à laver du milieu du 19ème siècle qui, bien que rudimentaires, ont déclenché une indéniable évolution des tâches ménagères. Toutes les inventions visant à alléger les tâches les plus lourdes et les plus pénibles participent à l’émancipation des femmes et des hommes, émancipation par rapport au travail, aliénant et épuisant. Nous démontrerons plus loin, à cet égard, l’influence des progrès technologiques sur l’entrée des femmes dans les métiers de la construction.
  • [2]
    Sartre, Huis clos.
  • [3]
    Équipements de Protection Individuelle.

Préambule

1La réflexion sur les matières liées au genre n’est certes pas linéaire, pas plus que ne l’est l’histoire du travail des femmes et des femmes au travail.

2Lorsque l’on rencontre une de ces femmes qui se sont lancées, par amour de l’un de ses métiers, dans le secteur de la construction, notre esprit entre en ébullition. Nos questions partent dans tous les sens. Comment fait-elle pour concilier ses temps de vie, ses images, ses représentations ? Comment vit-elle ces paradoxes et confrontations ? Dispose-t-elle de suffisamment de modèles, à l’appui de son enthousiasme et de sa détermination ? Le genre, les stéréotypes, c’est quoi ? Quelle est la position du secteur ? Que puis-je faire pour soutenir de telles vocations ? Des outils, vite, que l’on me donne des outils ! Et des arguments !

3Notre mental est à l’ouvrage, sautant du général au particulier, de la théorie à la pratique.

4C’est ainsi que nous avons pensé ce cahier, ce livret, qui reflétera ces va-et-vient perpétuels entre le vécu de ces pionnières et les théories du genre, entre nos questions concrètes et les fondements dont nous manquons. Ne vous étonnez donc pas d’y trouver, dans un ordre apparemment illogique, des passages sur le ton du récit suivis de notions plus théoriques. C’est que nous aurons suivi notre pensée, au rythme de nos connexions, dans la logique de nos questions.

5Ce livret n’est pas linéaire et n’a aucune ambition de l’être, car il ne serait pas le reflet de cette réalité qui interroge nos racines et nos représentations, jour après jour, et remet parfois en question nos plus intimes convictions.

Introduction

C’est l’histoire d’une femme,…

6(Marie Debelder, tailleuse de pierre depuis 20 ans)

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« Cet article est un hommage à toutes les femmes qui travaillent dans la construction.
Le bâtiment est une dure école, qui forge les caractères. Celles et ceux qui y restent le font par amour du métier. Cela n’a pas toujours été facile pour les femmes d’accéder à ces métiers. Ce ne l’est pas davantage aujourd’hui, d’ailleurs, malgré d’énormes progrès dans les mentalités. Non pas que les hommes leur aient franchement barré le passage, mais parce que ce n’était pas dans les mœurs. Une femme devait donc faire ses preuves et gagner la confiance de ses collègues, ce qui impliquait souvent de faire plus que les autres. Il en allait de même pour avoir accès aux mêmes connaissances que les collègues masculins.
Personnellement, j’ai souvent eu l’intime conviction que les hommes, voyant que je faisais mon travail, me laissaient alors la place qui me revenait et m’ont lentement laissé apprendre le métier à leur contact. Les cadres supérieurs et les employés de bureau étaient souvent bien plus réticents que les hommes de chantier avec qui je travaillais, que ce soit en Belgique, en France, en Italie… Il me semble que les pays anglo-saxons et du nord sont moins rétrogrades à ce point de vue. Les épouses des patrons avaient aussi une certaine méfiance vis-à-vis d’une femme qui pouvait créer des « embrouilles » sur les chantiers. Certains syndicalistes aussi m’ont barré la route en arguant de la non-conformité des installations sanitaires des chantiers.
Aujourd’hui, 30 ans après mes débuts dans la pierre, crise économique oblige, j’entends des paroles qui me font mal ; « la place des femmes est à la maison ; il n’y a plus assez de travail pour les hommes. » Et de ce fait, la tentation négative est grande pour la travailleuse d’accepter tout et n’importe quoi, juste pour pouvoir rester dans un travail qu’elle aime, très souvent d’ailleurs au mépris des règles élémentaires de sécurité. Les travailleurs étrangers et les femmes font souvent cette même expérience.
On pourrait se poser la question du succès des femmes dans la construction. Elles ne sont pas plus ceci ou moins cela ; elles sont simplement motivées et font cette démarche par choix, alors que certains de leur collègues entrent en bâtiment parce qu’ils ne trouvent aucune autre voie ou parce que la construction leur assure un salaire stable. Lorsqu’une femme arrive sur un chantier, on note quelques changements : l’ambiance de travail devient plus soft, le rapport aux fournisseurs et aux clients se modifie, les locaux (toilettes, réfectoires, vestiaires) deviennent plus propres… et ce n’est pas forcément le fait de la travailleuse ! Bref, l’ambiance change et le mental des équipes s’en ressent positivement.
Une question s’est imposée à moi tout au long de ma carrière. On m’a souvent dit que le corps d’une femme n’est pas fait pour ce métier. Difficile de répondre scientifiquement vu le manque d’études sur la question. A priori, il me semble que je souffre des mêmes problèmes que mes collègues masculins au même âge, et ce malgré deux grossesses : les genoux, le dos, les hanches, les articulations, les tendons, en deux mots tout ce qui dans la structure du corps est sollicité par les efforts.
Il me semble qu’à l’effort ponctuel, l’homme est plus fort, mais que lors d’efforts de longue durée, les femmes résistent mieux. Tout cela est évidemment lié aux structures corporelles de chacun et chacune. De ce point de vue, il reste la question de la grossesse des femmes qui travaillent dans la construction. La femme n’est pas malade, mais devra prendre des précautions ou mesures de sécurité particulières qui ne sont nulle part prévues comme c’est, par exemple, le cas dans le monde médical, dans l’enseignement ou chez les archéologues.
Pour conclure, malgré le long et pénible chemin qui m’a permis d’approcher le métier de tailleur de pierre, j’éprouve une immense fierté à pratiquer mon métier. Je suis fière de pouvoir me sentir utile au monde dans lequel je vis. Je suis fière de passer près des chantiers où j’ai œuvré. Je suis fière d’appartenir à la grande famille de la construction, malgré les moments difficiles ou pénibles que l’on y traverse. La pierre a apporté une sérénité dans ma vie, un grand respect pour ma planète et je suis tous les jours étonnée de découvrir ce que l’être humain a su tirer de ce matériau si riche et si divers. »
Marie De Belder

Emplois « traditionnellement masculins » ou devons-nous les nommer autrement pour faire avancer les choses ?

8Le fait de transgresser une tradition, mot lourd de sens, lourd de contraintes et de frontières, constitue-t-il un fossé infranchissable ? Oui, les mots que l’on met sur ces métiers encore majoritairement exercés par les hommes ont un impact sur les esprits de certaines femmes, et l’obstacle semble insurmontable, parfois.

9Ne parlons donc plus de métiers traditionnellement masculins, mais de métiers encore actuellement exercés majoritairement par des hommes. C’est plus long, mais c’est moins lourd.

10Que dire donc de ces traditions du monde du travail ? Ont-elles toujours existé ? Sont-elles les mêmes dans toutes les régions du globe ?

Bref regard sur l’histoire du travail des femmes

11Un regard sur l’histoire du travail des femmes, et plus particulièrement des femmes dans les métiers actuellement qualifiés de « traditionnellement masculins », éclairera notre propos.

12De tous temps, même si ce ne fut pas le cas dans toutes les régions du globe, les femmes ont travaillé en dehors de la sphère familiale et ont exercé un métier source de revenus, preuve de leur participation active à la vie économique des cités et des campagnes.

13Dans l’Antiquité perse, de nombreux témoignages montrent la femme et l’homme dans les mêmes fonctions et pour les mêmes salaires. Au Moyen Âge encore, les femmes participent activement à la vie économique. À la campagne, elles travaillent aux champs. En ville, si elles travaillent majoritairement dans le commerce, dans le secteur du textile et dans l’alimentation, on les trouve aussi artisanes et bâtisseuses d’églises et de cathédrales, comme en attestent plusieurs documents d’époque. Soulignons toutefois que, bien que leurs compétences techniques ne soient pas remises en cause, leur salaire est inférieur à celui des hommes, pour le même travail, et qu’elles n’ont droit ni à la formation théorique ni aux titres.

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« Il ressort donc que les femmes travaillent effectivement sur les grands chantiers de la fin du Moyen Âge en Catalogne, et, nous le verrons, à des postes variés. Cependant, la trace qu’elles ont laissée est fugace, car elles ne sont pas reconnues, dans le cas du monde des Métiers de la construction, par les autorités professionnelles. Leur parcours, si elles en ont un, est donc toléré mais pas validé par les Métiers, car elles sont maintenues loin du savoir théorique. »
(Victor, 2010, p. 65)

15La Renaissance renvoie ensuite, pour plusieurs siècles, la femme au silence du foyer, aux tâches domestiques, aux fonctions et métiers dits « de femmes ». La ségrégation, tant verticale qu’horizontale, se consolide. Petit à petit, les femmes ne conservent que les tâches les plus ingrates, les moins bien payées et sans aucun prestige. Au 17ème siècle, les débuts de l’industrialisation confirment cette tendance, et ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle que s’amorce une véritable évolution de la condition féminine, boostée par l’accès des filles à l’éducation et à l’Université [1].

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« Au XIXe siècle, les femmes ne recevaient pas ou peu de formation. Elles vivaient sous la tutelle d’un homme aisé (ou plus ou moins aisé), ou trimaient dans les fermes et plus tard dans les usines. Tant Mary Wollstonecraft, que Harriet Taylor ou la mère et la fille de Gamond, ont souligné l’absence d’opportunités pour les femmes qui, par malheur, se retrouvaient seules. Les femmes de la classe moyenne n’étaient pas prêtes à se prendre en charge. Les femmes de la classe ouvrière gagnaient trop peu d’argent pour pouvoir subvenir seules à leurs besoins. Parce que leur formation laissait à désirer et qu’elles n’avaient pas beaucoup le choix quant au métier qu’elles voulaient exercer, elles ne pouvaient presque pas vivre sans se marier. »
(Michielsens, 2005, p. 41)

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« Les femmes travaillaient dans les mines, travaillaient comme dentellières, agricultrices, dans l’industrie du textile, comme employées de maison, comme ouvrières à domicile,… Les conditions étaient misérables. Deux solutions s’imposaient pour remédier à cette misère. Certaines propositions visaient à bien réglementer le travail des femmes et des enfants. Dans un tel cas, les femmes continueraient à travailler mais dans de meilleures conditions. D’autres étaient cependant convaincus que le travail des femmes devait être interdit. Il y avait donc une lutte politique latente mais les femmes n’avaient rien à dire. »
(ibid, p. 42)

18En 1880, l’Université libre de Bruxelles (ULB) est la première université belge à ouvrir ses portes aux filles, alors qu’il n’existe pas encore d’enseignement secondaire complet qui leur soit accessible. Liège suivra en 1881, Gand en 1882. Le monde féminin se redessine cette fois, vers ce qui ressemble à une véritable émancipation. Celle-ci sera lente et restera toutefois, pendant de longues décennies, marquée par la ségrégation des fonctions et des rôles.

L’influence des périodes de guerre sur le travail des femmes

19Nous sommes ici pour casser les idées reçues… ne nous en privons pas !

20Les guerres ont fait évoluer la condition féminine de façon spectaculaire. Vrai ou faux ? Cette représentation, comme la plupart des représentations et des idées reçues, est le reflet d’une part, mais d’une part seulement, de la réalité.

21De tout temps, le fait est avéré, les guerres ont permis aux femmes de démontrer leurs étonnantes facultés d’adaptation, leurs compétences dans tous les métiers, y compris les métiers à haute valeur ajoutée en termes de technicité et de force de travail, leur surprenante résilience et leurs capacités à mener de front vie familiale et vie professionnelle sans se plaindre ni en tirer orgueil.

22Toutefois, le retour à la paix a chaque fois renvoyé les femmes au foyer et aux tâches familiales. Le monde du travail leur reste ouvert, mais dans les métiers et les secteurs où elles sont présentes depuis toujours.

23Ainsi, à l’issue de la guerre 1914-1918, le retour des hommes s’accompagne d’un retour à la case départ pour les femmes. Pendant la guerre, elles ont occupé tous les postes et exercé tous les métiers et s’attendent, en toute logique, à maintenir intacts ces acquis et à conforter leur place dans le monde du travail. Il n’en sera rien. Le monde du travail retrouve ses marques sexospécifiques : l’homme à l’extérieur, la femme à l’intérieur.

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« L’entre-deux-guerres est généralement présenté comme une “période de transition entre deux ordres socio-économiques distincts”. Pour les femmes, il s’agit d’une période décisive dans l’histoire de leur émancipation. Cette affirmation va résolument à contre-courant d’une historiographie qui, après avoir cru déceler dans la première guerre mondiale l’amorce de la libération des femmes, met aujourd’hui surtout l’accent sur leur ‘remise au pas’ dès les années vingt. De révision en révision, les conclusions optimistes se sont taries et beaucoup n’hésitent pas à considérer que la guerre a même retardé la redistribution des rôles sexués qui s’amorçait avant le conflit. »
(Gubin, 1998, p. 249)

Le sexisme paternaliste, obstacle à une réelle émancipation des femmes et à la déségrégation professionnelle…

25Les raisons de l’exclusion des femmes du monde du travail productif relèvent parfois d’un sexisme dit « paternaliste » de la part des hommes, mais pas seulement, qui estiment devoir protéger les femmes des travaux lourds. Il était habituel de considérer que les femmes étaient de fragiles créatures et que leur fonction reproductrice aurait été mise en danger par les travaux lourds - accessoirement mieux payés. La position de la société est claire et tranchée : travailler dans ces métiers les aurait empêchées de s’occuper de leur famille, mari et enfants et elles auraient risqué davantage d’agressions sexuelles sur le chemin du travail, risques que, semble-t-il, elles n’encouraient pas dans les travaux des champs et la domesticité. Est-ce dire que de transgresser la traditionnelle distribution des rôles les exposait à un plus grand danger ?

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« Il s’agissait surtout de discuter de ce qu’était et devrait être la “féminité”, un débat moral en apparence, souvent mené par des médecins. Les femmes étaient responsables de la reproduction et les experts analysèrent l’impact d’un lourd labeur dans les mines sur le corps des femmes. La santé des descendants était ici mise en cause. Très peu de personnes défendirent le travail des femmes par principe. »
(Michielsens, 2005, p. 42)

Synthèse et questions de réflexion

27Le monde du travail a toujours été divisé en métiers majoritairement exercés par les hommes, bien payés, et métiers majoritairement exercés par les femmes, moins bien, voire pas du tout payés. Les guerres ont prouvé que les femmes étaient capables d’exercer tous les métiers, mais le retour de la paix les a chaque fois renvoyées à des fonctions socialement acceptées.

28Nous l’avons souligné tout à l’heure : l’accès des femmes aux études a été le déclencheur de nombreux changements. C’est toujours le cas aujourd’hui, et le rôle, en ce sens, de l’éducation populaire, haut lieu de l’expression démocratique, est primordial.

29Force est de constater que, malgré d’incontestables avancées, l’histoire de la condition féminine et de l’égalité des genres est loin d’être un long fleuve tranquille. Les flots bouillonnent, les eaux stagnent, les courants s’accélèrent, des mouvements de reflux s’installent. Cette histoire peut être aussi le lieu de paradoxes et de contradictions, si l’on considère que les femmes au Moyen Âge souffraient moins que celles d’aujourd’hui de cette fameuse ségrégation professionnelle, mais n’avaient ni le droit de s’instruire ni celui d’ester en justice.

Petit à petit, petit pas par petit pas, à travers le monde, les femmes dans la construction…

30La tradition a-t-elle le même visage dans tous les pays et régions du monde ? Chacun, chacune a déjà entendu parler des femmes dans la construction en Allemagne, en France, en Angleterre, au Canada où elles représentent entre 2 et 3% du personnel ouvrier. C’est encore peu, trop peu, mais les mentalités évoluent.

31On connaît moins bien les femmes bâtisseuses du Niger, ainsi nommées pour être les architectes rurales et urbaines de l’amélioration, de la création, de la construction, de la gestion et de la conservation de leurs habitats. Elles sont aussi les ouvrières de la transmission des savoir-faire du secteur.

32L’histoire des femmes entrepreneures afghanes, citoyennes d’un des pays au monde où il est le plus difficile d’être une femme, selon les Nations Unies, est aussi un remarquable exemple d’émancipation et d’autonomisation des femmes, qui sont associées à un important projet d’amélioration de l’accès aux zones rurales. De femmes au foyer à femmes au travail, certaines d’entre elles sont devenues ouvrières de voirie, concassant les pierres pour l’entretien des routes, travaillant sur chantier, participant à la reconstruction de leur nation.

33Au Viêt Nam enfin, le troisième projet de transport rural a permis de rendre les femmes autonomes tout en assurant un meilleur entretien des routes. 13.470 km de routes ont été entretenus et 1.533 femmes ont été formées à la gestion du transport en zones rurales et à des méthodes de génie civil, participant ensuite activement à l’entretien des routes locales ; parmi elles, des femmes originaires de la minorité ethnique locale.

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« Les femmes aiment faire ce travail. Elles se battent pour l’obtenir. Elles estiment que l’entretien des routes les rend plus agréables et mieux adaptées au transport des marchandises nécessaires pour développer l’économie du ménage. À cette période de l’année, il pleut souvent et c’est donc un bon moment pour entretenir les routes. »
(Témoignage de Phung Pha Sui, une stagiaire issue d’une minorité ethnique vietnamienne)

Synthèse

35De Persépolis l’égalitaire à notre 21ème siècle encore frileux, on pourrait croire à un recul, mais le mouvement s’amorce aujourd’hui dans toutes les régions du monde, même les plus réfractaires, à plus d’égalité. Progressivement, le regard que la société patriarcale porte sur ces femmes ouvrières, bâtisseuses et, il est vrai, parfois différentes de l’image construite de la femme au foyer, de la femme d’intérieur, de la femme reproductrice, évolue.

Femmes ouvrières du bâtiment, un stéréotype en construction

Retour d’expérimentations

36Une femme dans un métier (dit) d’homme, une femme comme une autre ?

37A l’heure d’aujourd’hui, peu de femmes franchissent le pas de se lancer dans un métier de la construction. Les raisons sont multiples. La méconnaissance des métiers en est une. L’image véhiculée à propos des métiers du secteur reste liée à la pénibilité et à la saleté. Peu incitant pour une jeune fille qui se respecte ? La construction, ça ne serait pas très…féminin ?

38Vous avez dit « féminin » ?

39Lesbiennes, garçons manqués, tentatrices, provocatrices,… beaucoup s’interrogent sur l’identité de celles qui s’orientent vers le secteur. Peu s’imaginent que les femmes dans la construction font simplement un choix par goût du métier. Les études techniques et professionnelles constituent, pour les garçons comme pour les filles, des filières de relégation. « Les filles sont plus intelligentes ! Elles valent mieux que cela… » Non ?

40Là où les jeunes filles et les femmes choisissent de construire de leurs mains des choses qui perdurent dans le temps et d’y investir tout leur talent, la société tente de les faire entrer dans des cases genrées de ce qui est fait ou non pour elles.

41Dans cet ordre d’idée, quel parent envisage pour sa fille le bâtiment comme une carrière possible ? Lequel est seulement attentif à ses compétences dans le domaine et l’aide à les développer ?

42Beaucoup de travailleuses du secteur racontent leur confrontation avec la décision parentale et ce premier regard sur leur choix de vie. Pour les plus déterminées, c’est bien là que commence souvent un long chemin semé de questions, de réprimandes, de moqueries et de disqualifications dont elles sortent tantôt vaincues, tantôt victorieuses, jamais indemnes.

43Et toujours, cette obligation de se justifier…

44Entourage proche, qu’il s’agisse des ami-e-s, de la famille, directeurs et directrices d’établissements scolaires, professeur-e-s, camarades de classe, puis les entrepreneur-e-s, les collègues et le personnel administratif…, le personnel des cantines, aussi…,la liste n’est pas exhaustive. Autant de claques, de regards, de tapes sur l’épaule, de sourires, de discours dont les signes ne sont pas toujours faciles à décoder. Encouragements, compassion ou raillerie ? Comment les comprendre, comment faire son chemin et ses choix au milieu de ces retours ambigus.

45Chaque personne rencontrée tout au long de la scolarité et du parcours d’insertion est susceptible de jouer un rôle encourageant ou décourageant dans le choix atypique d’un métier. Ce choix sera possible à une première condition : réussir à lever les freins mêmes de son autocensure.

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« Carnino (2005) s’attache à montrer comment, dans le quotidien, les différences et les représentations stéréotypées des hommes et des femmes s’installent. Il estime qu’il y a une construction sociale du genre c’est-à-dire que dès l’enfance les petits garçons et petites filles reçoivent des injonctions à se comporter de telle ou telle manière. Cela se remarque très fort dans l’offre sexuée des jouets : dînette, appareils ménagers pour la petite fille, jeux d’aventure pour le petit garçon. La littérature enfantine renvoie également à ces rôles : attente du prince charmant, qui va « sauver » la princesse démunie… La publicité fait de même. Notre environnement regorge d’influences pour enfermer les enfants et les adultes dans des rôles sexués, voulant faire croire que les différences entre hommes et femmes sont « naturelles » et que dès lors, le traitement d’une femme et d’un homme peut être différent. »
(De Visscher, H., 2011, p. 19)

47Ces représentations auront une influence inévitable et désastreuse sur la liberté des choix et de l’orientation professionnelle.

Miroir, mon beau miroir…

48Quel regard une femme qui exerce un métier (dit) d’homme porte-t-elle sur elle-même ?

49Beaucoup de femmes pensent ne pas avoir la force physique nécessaire pour exercer ce genre de métier. Ne dit-on pas qu’elles sont le « sexe faible » ? Vous avez dit faible ?

50Les infirmières, aides-soignantes et réassortisseuses portent jusqu’à une tonne et demie par jour. Les futures professionnelles de ces métiers majoritairement exercés par des femmes se posent-elles la question du port de charge, de la pénibilité du travail, des horaires contraignants ? La société remet-elle en question leur capacité à exercer ces métiers ?

51Bien qu’elles puissent se sentir physiquement capables d’exercer un métier de la construction, les femmes de la construction évoquent la délicate question de la « tenue sur la durée ».

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« Déjà un homme est cassé à 50 ans… Que dire d’une femme ? »

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« Je pense à une reconversion professionnelle, car je n’imagine pas monter sur un échafaudage à 50 ans ».

54A travers les multiples images d’ingénues impuissantes véhiculées par les médias, mannequins décharnés, voire désincarnés, même la plus forte des femmes en arriverait à douter de sa compétence et de sa robustesse. Ou pire : à en avoir honte. Les plus fortes se raccrochent à l’image de courage qu’on leur renvoie. Mais de quel courage s’agit-il ? Exercer un métier qu’elles aiment et qu’elles ont choisi !

55Ce compliment résonne comme une imposture à laquelle elles répondent par un sourire gêné. Gêné de ce parcours qu’elles ont affronté pour vivre leur rêve, pour vivre leur passion. Pas d’exercer le métier qu’elles font. Ce qui les gêne, ce sont les stéréotypes auxquels elles sont confrontées, les regards que l’on pose sur leurs choix. Stéréotypes et regards que chacun, chacune peut remettre en questions et en réponses et sur lesquels chacun, chacune peut réfléchir et agir.

Le miroir aux alouettes [2] … Femme de la construction dans le regard d’autrui

56Quel regard une femme qui exerce un métier (dit) d’homme porte-t-elle sur une autre femme qui exerce un métier (dit) d’homme ?

57La peur de l’effet « brebis galeuse ».

58Autre idée reçue qui peut faire mal : « Il existe une réelle solidarité entre les femmes de la construction. »

59Il serait faux de croire qu’une femme ayant sa place en construction voit d’un bon œil l’arrivée d’autres femmes dans le secteur.

60En effet, il est courant d’entendre : « Je n’ai jamais travaillé qu’avec des hommes, moi. Je ne suis pas sûre d’aimer travailler avec une autre fille. Et puis, si j’ai choisi ce métier, c’est aussi parce que j’aime cette culture masculine, cette franchise qu’on ne retrouve pas chez les filles. Elles qui sont plutôt à faire des ragots ».

61Voilà comment une série de représentations véhiculées par les femmes elles-mêmes n’encouragent pas d’autres à suivre la voie. Comme si elles pensaient devoir prendre plaisir et orgueil à constituer une exception.

62Les femmes sont encore peu présentes sur le chantier et elles ont peu d’occasions de se rencontrer entre elles. Elles constituent une exception, sont douées et appréciées par leurs pairs. Toute intrusion d’une femme dans leur groupe, pensent-elles, pourrait fragiliser leur intégration. Elles ont peur que leurs consœurs ne soient pas à la hauteur et déplacent la stigmatisation vers le groupe.

63C’est pour cela sans doute qu’elles ne voient pas encore d’un bon œil l’arrivée de collègues féminines. Cette part d’inconnu et de peurs inexprimées diminuera dès qu’elles se connaîtront et se rencontreront. La mise sur pied d’un réseau des femmes de la construction pourrait être une étape vers cette solidarité dont ces femmes de métiers ont besoin.

Pressions sociales et culpabilités idéologiques

64Articulation des temps et transgression des rôles : être une bonne mère dans la construction

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« Dans mon métier, les horaires sont assez lourds. J’ai décidé de mettre la priorité dans mon job et envoyé ma fille vivre chez son père. Dépasser ma culpabilité a été très difficile. Je devais me convaincre que j’avais fait le bon choix, que j’étais quand même une bonne mère puisque je souhaitais être autonome financièrement et offrir une sécurité à ma fille en dépit de tout ce que moi-même et les autres disaient, pensaient de moi. »
explique une ouvrière en terrassement lors d’une rencontre entre femmes de la construction

66Un homme se poserait-il pareil dilemme ?

67La pression que la société exerce sur les épaules des mères, et son dictat sur leur rôle est tel que peu d’entre elles pensent pouvoir se permettre de faire ce choix.

68Dans un métier majoritairement féminin, l’articulation des temps privé et professionnel pose déjà question et s’organise parfois difficilement. Que dire alors d’un métier majoritairement masculin ? A fortiori dans la construction où, notamment, les temps partiels sont pratiquement inexistants ?

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« Tu l’as voulu, tu l’as eu, ton boulot de mec. Alors, assume ! ».

70La transgression des rôles assignés par notre société semble renforcer la culpabilisation vécue par les femmes dans leur conciliation vie familiale et vie professionnelle. Le nombre et la qualité des structures d’accueil ont un impact certain sur les carrières des femmes et plus spécifiquement dans le cas d’un métier atypique. Des leviers politiques et sociaux sont à activer en ce sens.

À quelles stratégies répondent les femmes dans un métier (dit) d’homme ?

71L’une avance « l’important, c’est de se fondre dans la masse. ». L’autre rétorque « Salopette à fleurs et casque rose, j’adore assumer mon côté ‘girly’ ! ». Chacune expérimente ses stratégies pour se faire une place dans un monde masculin.

72Lorsqu’un centre de formation en construction refuse une candidate en invoquant sa féminité trop assumée, une seule question s’impose : « Qu’est-ce que cela dit de sa compétence ? ».

73Une femme dans la construction sujette aux stéréotypes devrait-elle elle-même répondre à une image stéréotypée ? Les marqueurs identitaires sexués sont-ils gages de réussite dans un métier ou dans un autre ?

74Une entrepreneure en bâtiment, active depuis bientôt 30 ans dans le secteur et très proche des canons féminins actuels glissait qu’entre deux chantiers, elle se faisait placer des ongles en gel afin d’avoir toujours des mains impeccables. Est-ce pour cela qu’elle est moins compétente qu’une femme qualifiée d’« hommasse » ?

Pourquoi pas moi… aussi ? Phénomène identificatoir ou la force des modèles

75Entre mère, symbole de vie, et femme fatale, symbole de mort, les stéréotypes féminins se construisent dans toutes les cultures.

76Représentations de la femme mises en place par une société patriarcale, même s’ils ne sont pas tous dévalorisants, ces stéréotypes témoignent d’une scission manichéenne : le bien opposé au mal, le positif au négatif. Tantôt créatrice, inspiratrice, immaculée conception, soumise, en retrait, tantôt fatale, mante religieuse, mangeuse d’hommes, sorcière, destructrice du lien social et de la chose politique, la femme symbolise la vie ou la mort.

77La Vierge Marie et Pénélope sont des exemples à suivre. Pandore, femme fatale, porte tous les malheurs du monde. Les Gorgones sont féminines et le Sphynx a visage de femme. Hélène de Troie est à mettre dans le panier des mangeuses d’hommes, dangereuses mantes religieuses et veuves noires qui menacent l’équilibre du monde et apportent la guerre. Eve, quant à elle, exprime tout le paradoxe de la condition féminine, entre mère de l’Humanité et femme fatale, source du péché originel.

78Tantôt saintes, tantôt démons : il est difficile de sortir de là. Ne minimisons donc pas le poids des archétypes culturels.

79Quoi de plus naturel, dès lors, qu’hommes et femmes, quelle que soit leur culture, utilisent ces représentations de manière intuitive et renvoient la femme au foyer, protégeant cette maternité qu’elle symbolise et exalte ?

La femme au travail, stéréotype en construction

80Entre ces deux grandes tendances du stéréotype féminin, un autre reste à construire, celui de la femme au travail. Attention, stéréotype en construction. Prudence. Ne positionnons pas la femme au travail comme une menace à l’ordre établi et à la tradition ! Et nous voici au cœur de notre propos.

81Longtemps, la femme a travaillé par nécessité. Aujourd’hui, elle travaille davantage par choix, pour assurer son indépendance dans un monde en pleine mutation.

82Le monde du travail est le lieu de ségrégations admises, horizontales et verticales. Si les femmes veulent s’intégrer, en tant que femmes, à ce monde du travail, beaucoup d’entre elles pensent qu’elles ne pourront le faire qu’en restant en retrait, se soumettant ainsi aux schémas convenus, aux traditions, à leurs murs et plafonds de verre.

83Actuellement, une tentative se dessine de produire une représentation positive de la femme active dans la société, et ce via les différents médias, les fictions. Cette tentative se heurte toutefois à l’ambivalence de la condition féminine, et le portrait commencé sous forme d’éloge se termine par un blâme : « Oui, mais qu’advient-il de sa famille, de ses enfants,… ». Ces reproches sont émis autant par les femmes que par les hommes…

84De nos jours, un décalage s’est installé, et de façon très nette après 1968, entre ce que nous faisons et le socle de nos représentations et stéréotypes. Nous jouons sur deux niveaux.

85Comment vivre cette ambivalence ?

86Disposons-nous de suffisamment de représentations féminines positives dans lesquelles nous puissions nous projeter, nous, femmes : Wonder Woman, Working Girl,, femme d’affaires, bonne épouse, bonne mère ?

Entre Fifi Brindacier et Martine petite maman

87Dès l’enfance, entre Fifi Brindacier et Martine petite maman, parfaite dans sa jupe sage, quel modèle pour les petites filles ?

88« En Suède, on peut remarquer que la proportion de femmes travaillant est nettement supérieure à ce qu’elle est en Belgique ou en France. Je ne suis pas vraiment étonnée car nous, nous avons été élevées avec Fifi Brindacier ! Cette petite était débrouillarde, forte et autonome. De votre côté, vous avez par contre été élevées à l’image des princesses attendant patiemment qu’un prince charmant viennent les délivrer… Ça change fondamentalement les choses », nous confie Karine Henrotte, experte en égalité des genres.

89Quelques décennies auparavant, le contraste entre la créative Sophie et ses cousines Camille et Madeleine, les « petites filles modèles » de la Comtesse de Ségur, interrogeait déjà nos intelligences et nos années d’éveil.

90Toutes ces princesses en robes roses et bleu ciel, n’espérant qu’une chose, être princesse au foyer et avoir beaucoup d’enfants, ont forgé les identités des filles, à tel point que les plus révoltées, que l’on traitait de « garçons manqués » ou de « p’tits mecs » finissaient et finissent encore par considérer ces expressions comme des compliments, voire des objectifs à atteindre.

91En Wallonie, l’expression « gamin fallu » porte tout son sens et son poids. « Il s’en est fallu de peu que ce soit un garçon. » De si peu qu’avec des cheveux courts et des jeans, on vous appelle Monsieur au lieu de Mademoiselle et que votre identité de fille est interrogée à chaque pas.

92Quand mères et grands-mères cesseront-elles de s’extasier devant une petite bonne femme en salopette Playmobil ou Lego et de rire « Vous avez vu ? Ils font même des petites maçonnes, des petites mécaniciennes ou des petites ingénieures ? » Le simple fait de s’extasier ne cristallise-t-il pas la transgression des rôles matérialisée par ces innocentes figurines ?

93Quand Dora l’Exploratrice et Yoko Tsuno cesseront-elles d’être des exceptions ?

94La littérature, la bande dessinée, les dessins animés et les films nous présentent de plus en plus de modèles de filles et de femmes qui vivent et osent leurs choix. Mafalda organise une compétition à qui fera pipi le plus haut contre un mur de la ville avec les gamins de sa rue et remporte le concours haut la main. Le monde des filles est en plein bouleversement. Entre « garçon manqué » et « fille réussie », faut-il vraiment choisir ?

« Elle a des couilles » ou l’impact des expressions pro-masculines

95« C’est un p’tit mec », « C’est elle qui porte les culottes », quels choix entre « Parfaite petite femme d’intérieur » et « Homme/femme de métier » ?

96Quels choix aussi pour les hommes en danger de perdre leurs attributs ?

97Autant l’on dit aux femmes qu’elles ont été faites pour rester et travailler à l’intérieur et les hommes à l’extérieur, autant il est de bon ton qu’elles restent faibles et fragiles, qu’elles soient maternelles et maternantes.

98Les femmes guerrières, les amazones qui se coupent un sein pour porter armes et carquois ne sont pas celles auxquelles rêve notre société, et sortir du stéréotype de la mère sans entrer dans celui de la putain et de la sorcière reste un exercice difficile.

99Que dire donc de ces expressions qui hésitent entre critique et compliment, tel le « garçon manqué » de tout à l’heure ? D’une femme forte, on dira qu’elle est baraquée « comme un homme », d’une femme de caractère, qu’elle est un « vrai mec », car il y en a des faux.

100La femme « qui a des couilles », « qui en a » ou qui « porte les culottes » peut-elle encore être ce « repos du guerrier » auquel aspirent les hommes ou cette « fée du logis » que tout ménage attend ? Peut-elle encore faire preuve de cette merveilleuse « intuition féminine » ? Aux yeux de la société, cette femme qui s’est emparée des attributs masculins que sont les couilles et les culottes est-elle encore une femme, tout simplement ?

Entre « sexe faible » et « sexe fort », quelle place pour les femmes fortes ?

101Quelle place enfin pour ces femmes de pouvoir, femmes des années 80 et des décennies qui suivirent ? La stigmatisation de la femme qui transgresse la sacro-sainte tradition et la ségrégation prétendue naturelle des rôles sociaux de genres utilisent tous les canaux. Le langage en est un, et il pose question, car ce sont les identités des femmes qui sont interrogées.

Parties prenantes du parcours d’insertion, des questionnements à stimuler

C’est au pied du mur qu’on voit… le secteur !

102Les mentalités changent lentement, mais sûrement, et chacun, chacune s’accordent à dire, poussés ou non par le politiquement correct, que l’égalité professionnelle est un idéal à atteindre. En ce sens, on voit fleurir moult initiatives, tantôt à l’école, tantôt dans différents secteurs professionnels, pour promouvoir l’équation « une fille = un garçon ».

103À l’heure actuelle, force est pourtant de constater qu’en Belgique, seul le secteur de la construction a dépassé le stade de la déclaration d’intention et a fait le choix de dédier un poste à temps plein de coach sectoriel-le au service de cet objectif.

104En effet, il a compris que, bien que les volontés politiques actuelles visent la mixité et l’égalité des chances, bien que le travail évolue vers moins de pénibilité lorsque l’on considère la diminution des charges, les progrès en matière d’ergonomie et l’évolution des techniques et bien que les success-stories de femmes travaillant dans un métier « atypique » se multiplient, il reste beaucoup d’actions à mener avant qu’une femme attirée par un des métiers de la construction puisse être embauchée de façon naturelle par une entreprise du secteur.

Transformer l’eau en vin

105Transformer la signature d’une charte pour la diversité dans le secteur en actions concrètes : voilà le terrain de mobilisation du Fonds de Formation Professionnelle de la Construction (FFC-Constructiv) et de ses partenaires sociaux depuis 2008, avec, pour objectif, une réelle mixité dans les fonctions techniques et manuelles du secteur.

106Le monde du travail est marqué par une forte ségrégation horizontale, cela n’est pas nouveau Structurellement, on remarque que les personnes demandeuses d’emploi peu scolarisées sont orientées le plus souvent de manière sexuée : les femmes vers les titres-services et les hommes vers les métiers de la construction, sans tenir compte de leurs souhaits, besoins, talents ou attentes spécifiques. Le secteur de la construction ne fait pas exception. Les femmes qui y travaillent occupent une place minoritaire et sont, trop souvent encore, employées ou répertoriées dans les fonctions du nettoyage de chantier et dans les emplois de bureau.

107En passant du discours à l’action, le secteur choisit d’apporter une réponse concrète à la ségrégation horizontale en son sein et d’ouvrir le champ des possibles pour les femmes dans les métiers techniques du secteur.

Le coaching sectoriel et ses outils

108Stimuler la mixité sur le chantier, oui, mais comment ? L’action Femmes et Construction a très tôt développé des outils de sensibilisation et proposé un accompagnement personnalisé. Son nom ? Le coaching sectoriel, car on n’accompagne pas seulement les femmes, mais l’ensemble des parties prenantes en présence.

109Plusieurs pistes de travail sont choisies. Rendre visible les parcours réussis et créer du réseau entre les travailleuses démontreront que « c’est possible ». C’est un premier objectif, mais cela ne suffit pas.

110En matière de genre, la conscientisation est un must.

111Des outils visant la déconstruction des stéréotypes genrés dont sont victimes les femmes du secteur de la construction sont mis au point. Ils viennent du terrain et sont issus des rencontres régulières avec les ouvrières et les entreprises du secteur. La coach sectorielle de l’action Femmes et Construction sillonne les routes wallonnes et, même si cela n’est pas l’essentiel de son travail, recueille les témoignages d’expériences de mixité plus ou moins réussies qui viendront étayer les argumentations.

112Ces données sont analysées. Les bonnes pratiques et les arguments qui en découlent sont le cœur des outils du coaching sectoriel. Ils sont utilisés pour informer et guider les différentes parties prenantes du parcours d’insertion, les femmes elles-mêmes, les orienteurs et formateurs ainsi que les entreprises.

113Différents experts et expertes en genre, en coaching et en construction sont sollicités dans la production de ces outils afin de leur assurer une qualité optimale et un ancrage au terrain.

114Très vite, les médias se font le relais de cette information. Plusieurs conférences de presse sont organisées et font connaître l’action et ses succès. (voir http://ffc.constructiv.be/fr/Pour-les-employeurs/Personeel/Tewerkstellingsprojecten/Femmes%20et%20construction.aspx)

115Le travail du coaching, en outre, éveille et fait en sorte qu’on veille au respect des aspects « genre » dans les supports visant la promotion du secteur de la construction.

Concrètement

116Le coaching sectoriel peut commencer à la base du projet de la candidate, à l’émergence vocationnelle et se poursuivre jusque dans l’emploi.

117Ses missions sont facilitatrices d’insertion. Elles concernent l’aide à la rédaction de candidature, à la recherche d’entreprises et le lien vers celles-ci, l’écoute des insatisfactions et des difficultés, le conseil et le soutien, le relais vers les partenaires.

Sur Facebook aussi

118Les nouveaux médias et réseaux sociaux jouent un rôle important dans la mise en avant des initiatives et les rendent visibles au grand public. L’action Femmes et Construction possède son groupe Facebook « Construction en tout genre », destiné à un large public. Ses membres sont surtout des ouvrières de la construction, des femmes et des hommes chefs d’entreprise, des acteurs de l’insertion, des formateurs.

119Le but est de créer un point de ralliement, un lieu de dialogue, où toute personne se sentant concernée par le sujet peut se retrouver. Chacun, chacune peut y poster des informations, photos, vidéos axées sur l’égalité professionnelle. Germe d’un authentique réseau de femmes et d’hommes acteurs de la mixité dans le secteur, « Construction en tout genre » vise à créer et à maintenir le lien entre les femmes du secteur, à stimuler le partage de leurs réalités respectives et de créer la cohésion par l’échange.

Des réseaux féminins, pour bâtir ensemble

120Au sein des grandes entreprises, par secteurs d’activité ou par centres d’intérêt, le nombre de réseaux réservés aux femmes est en train d’exploser. Ces réseaux professionnels ont pour objectif de permettre à leurs membres de se rencontrer, de partager des expériences, de réfléchir ensemble à des questions liées à la vie professionnelle ou à l’entreprise. Ils sont organisés, le plus souvent, par fonctions ou secteurs d’activité. Certains d’entre eux proposent des formations, des ateliers de leadership ou du coaching, ce qui permet aux femmes d’acquérir des nouvelles compétences, de la confiance en soi et de se donner les moyens de progresser dans leur vie professionnelle. Leur but premier reste toutefois d’être des lieux d’échange pour débattre et pour s’entraider.

121En Dordogne, l’association Ecofemmes a compris tout l’intérêt d’un réseau féminin. Ses activités sont également techniques si l’on considère qu’à raison d’un atelier par mois, les femmes peuvent s’initier à la construction écologique. « Des chantiers participatifs sur des projets d’auto-construction sont l’occasion de découvrir et de partager des savoir-faire, sans vouloir entrer dans une démarche professionnelle » soulignent les auteures du blog <http://www.bio-construction.com/billets-dhumeur/femmes/>.

122

« Les ateliers mensuels sont animés par des artisanes du bâtiment ou par des femmes ayant une expérience technique du thème proposé. La plupart des adhérentes sont des convaincues de l’écologie. L’association leur offre un cadre pour goûter à l’éco-construction, pour apprendre des techniques. Celles qui se découvrent une vocation pourront entamer une formation professionnelle, d’autres sauteront le pas de faire des travaux chez elles. Le réseau autour de l’association crée du lien et de la solidarité entre ces femmes. »

123C’est dans cette mouvance de réseautage que la première édition de « Rencontre et discussion entre femmes de métier » s’est organisée en juin 2014. Une trentaine de femmes travailleuses manuelles du secteur se sont réunies afin d’échanger sur différentes thématiques adaptées à leur réalité de chantier. Cette initiative, portée par les partenaires du secteur, devrait se réitérer dans les mois à venir en proposant différents ateliers en accord avec les attentes des participantes pour leur permettre d’entrer, de se consolider et d’évoluer dans les métiers du secteur.

Les hommes et les femmes au travail, une histoire de complémentarité ? Les stéréotypes paternalistes qui (dé)servent l’insertion

124Comme souligné plus haut, progressivement, le regard que la société patriarcale porte sur les femmes évolue. Néanmoins « pas aussi fortes », « pas aussi disponibles », « coûts importants dus aux commodités à aménager », « mauvaise ambiance sur chantier », les idées reçues les plus véhiculées et dont sont victimes les femmes qui veulent trouver un emploi dans la construction sont loin d’être balayées. Minutie, précision et œil esthétique, qualités et siège de la plus-value du travail féminin dans les métiers du secteur, n’en sont pas moins des stéréotypes qui font que les entreprises, en toute bonne foi, cantonnent les femmes dans la peinture décorative et les travaux de finition.

125L’architecte Bernard Fasol livrait son témoignage pour le portail <www.veilleconstruction.be>.

126

« Il y a quelques mois, sur un chantier, je retrouvais mon amie Alice, petit bout de femme d’un mètre soixante et 50 kilos (j’aime bien cette expression, petit bout de femme, qui ne se retourne pas – un petit bout d’homme - qui remet la femme à sa place. Parce que j’ai, à peu de chose près, la même taille et le même poids), maçonne, coffreuse, ferrailleuse, cheffe d’équipe dans une importante entreprise de gros œuvre. Deux accidents de chantier lui ont interdit, médicalement, de poursuivre son activité. Courageusement, après sa convalescence, elle entreprend une formation de conductrice de travaux, partageant pour quelque temps son activité entre les formations théoriques et la pratique sur chantier. Le chantier que je suivais, relativement important, comportait simultanément des phases de gros-œuvre et de parachèvement : deux conducteurs. Le directeur des travaux m’annonce qu’Alice travaillera parallèlement avec Maxime, jeune conducteur, fraîchement sorti de l’école, avec une formation encore essentiellement théorique. Comme Alice est une fille, elle suivra les travaux de parachèvement et les finitions, me dit-il, les femmes ont plus l’œil pour ça. Un théoricien au béton, une maçonne aux peintures. Parce que les femmes, c’est fait comme ça ! Quand je lui ai mis son absurdité devant les yeux, il a froncé un sourcil, surpris de sa bêtise. J’aime à raconter cette anecdote qui me convainc plus que des statistiques ou des traités de bonnes manières du XIXème siècle. »

127Revenons à la compétence et les murs seront bien construits.

« La femme comparée à l’homme sera toujours plus faible »

128La femme ? De quelle femme s’agit-il ? L’homme ? De quel homme s’agit-il ? Comparer des standards s’avère ne pas être la meilleure idée pour faire avancer les conditions de travail.

129Nous en voulons pour preuve cet extrait d’un dossier de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail (INRS) : « Gants, bottes, masques… ne sont pas adaptés au personnel féminin. Pas plus qu’ils ne sont adaptés à l’homme de petite taille, ou encore à un personnel plus âgé. Aussi, les ergonomes et concepteurs d’EPI [3] ont-ils à reconsidérer « l’homme moyen », qui servait jusqu’alors de référent. Ainsi, la présence des femmes dans des métiers réservés jusqu’il y a peu aux hommes redessine les contours du monde du travail. Cette diversité représente très sûrement des évolutions à concrétiser. » (Brasseur, Carlier, Cheneau, Ravallec, Richez, Vaudoux, 2008)

Avoir ses règles versus faire pipi debout, le fantasme ramené à une réalité observable

130« Avec un homme, c’est facile. Il peut faire pipi contre la haie… Par contre, une femme, et bien, c’est pas pareil, hein, vous voyez ce que je veux dire. ».

131Passons le fait que la législation prévoit l’obligation d’avoir des sanitaires à partir d’un seul ouvrier, législation méconnue le plus souvent, voire ignorée, mais brandie tel un calicot par une entreprise interrogée sur la mixité sur chantier. « Vous n’imaginez pas ! Nous allons devoir louer des toilettes. »

132Passons aussi le fait que le coût d’une cabine de chantier ne dépasse que rarement les 3,5 euros par jour calendrier.

133Revenons plutôt à la CCT « Humanisation du travail » qui prévoit le redoublement des locaux sociaux (wc, vestiaires et, dans le cadre de certains travaux, les douches) lorsqu’un des représentants de l’un et de l’autre sexe est présent sur le chantier. Cette CCT a pour effet que, dans le cadre des marchés publics notamment, pour garantir des prix concurrentiels, les entreprises rechignent à engager des femmes, car cela induirait un coût supplémentaire.

134Défense cachant d’autres peurs ou difficulté réelle de surcoût ? Cela reste malgré tout, pour les entreprises, un argument de poids.

135Prévoir, dans le cadre des marchés publics, le redoublement automatique des locaux sociaux permettrait de neutraliser cet effet « de genre » et de raser cet obstacle à la mixité des chantiers.

Au-delà des CCT, la féminité stigmatisée

136Le sujet de l’hygiène féminine et des menstruations reste encore très tabou dans notre société.

137Perçu comme gênant, intime, voire sale, le syndrome prémenstruel, côté face du stéréotype de la femme mère, symbole de vie, est encore souvent ressenti comme source de mauvaise humeur et d’indisponibilité. Ne dit-on pas être « indisposée » ? Indisposée à quoi ?

138Entre mythe et réalité hormonale fondée, les règles disqualifient encore les femmes, de nos jours. Dans son blog « Construction à la Violette », Violette Goulet, menuisière charpentière plébiscite pisse-debout et coupe menstruelle, deux outils très pratiques qui, selon elle, changent la vie des femmes au travail et plus particulièrement sur chantier : <http://violetteconstruction.blogspot.ca/>

139Cela veut-il dire qu’une femme qui ose transgresser les rôles assignés à son sexe se doit de trouver des trucs et astuces pour satisfaire le plus discrètement possible ses besoins naturels et se faire oublier plutôt que de bénéficier d’infrastructures décentes prévues de surcroit dans la convention collective de travail ? Certaines ont préféré la parade à la militance.

La mixité vers l’égalité ? Ou inversement ?

140Que des femmes travaillent de plus en plus dans des métiers majoritairement masculins est une réalité. Qu’elles s’y installent et s’y maintiennent est un autre débat. Certains vous diront qu’elles n’ont pas la force physique nécessaire à exercer un métier considéré comme lourd sur la durée. Bon nombre de ces femmes, nous l’avons évoqué, doutent elles-mêmes de leur compétence à faire toute une carrière dans la construction.

141Karen Messing, professeur d’ergonomie au Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a mené une recherche sur la question : « Nous avons réalisé plusieurs études dans des milieux de travail non traditionnels pour les femmes. L’une d’entre elles s’est déroulée dans une entreprise de télécommunications. Il y avait 16 techniciennes pour 1 257 techniciens. (…) Parfois, il fallait grimper à des poteaux à l’aide d’une échelle ou d’un harnais. Certaines opérations étaient difficiles pour l’ensemble du personnel. Les rapports sur quatre ans ont révélé que les femmes avaient 2,8 fois plus d’accidents du travail. Pourquoi ? Les techniciennes ont par exemple indiqué que les formateurs leur avaient enseigné une méthode de port d’échelle dont elles ne pouvaient profiter, en raison de leur taille et de leur force inférieures à celles de leurs collègues masculins. Des difficultés organisationnelles et relationnelles ont, par ailleurs, été évoquées : blagues sexistes, remarques désobligeantes de la part des collègues, manque de respect de la part des clients (surprise, mise en doute de leurs compétences) et aussi, parfois, de l’encadrement. (…) Si, lors du premier entretien, aucune des sept femmes questionnées n’a exprimé de problème particulier, en fin d’étude, seules deux souhaitaient continuer dans l’entreprise. En résumé, l’accueil des femmes n’était pas organisé pour réussir leur intégration dans l’entreprise. (Brasseur, Carlier, Cheneau, Ravallec, Richez, Vaudoux, 2008).

142Difficile de maintenir une mixité effective si les femmes ne sont ni bien accueillies, ni bien considérées, ni n’ont aucune perspective d’évolution dans les métiers techniques, tous secteurs confondus. Difficile aussi pour ces femmes de faire entendre leur voix et de revendiquer plus d’égalité quand elles sont et restent minoritaires, voire les exceptions, dans leur secteur d’activité.

143Et pourtant, les progrès technologiques et l’évolution des techniques de port de charges bénéficient à tous, hommes et femmes. Les blagues sexistes et les remarques désobligeantes font fuir d’autres profils que ces faibles femmes que l’on veut dissuader d’entrer dans le secteur et privent ce dernier d’une main-d’œuvre de qualité, hommes et femmes.

144Ces réalités que l’on prête, parfois à tort, parfois à raison au secteur de la construction doivent être appréhendées à bras le corps par ce dernier s’il veut ouvrir ses rangs à une main-d’œuvre motivée et qualifiée. Plus d’égalité pour les femmes et les hommes dans la construction, c’est le premier pas vers une humanisation de ces métiers de bâtisseurs et de bâtisseuses d’avenir. La mixité de ces métiers pose la question de l’égalité, et c’est l’égalité qui assurera la mixité.

Pour consolider l’égalité, le gender mainstreaming sectoriel

145Pour consolider l’égalité, deux stratégies s’offrent au secteur : les actions positives pour les femmes et le gender mainstreaming.

146Les actions positives pour les femmes, les femmes n’en veulent pas. Le secteur non plus. La seule mesure que l’on pourrait relier à cette stratégie étant de mettre à la disposition des femmes un coaching, un accompagnement tenant compte de leurs réalités et de leurs freins.

147Le choix stratégique s’est donc porté sur le mainstreaming, stratégie de l’intégration de l’égalité des genres à tous les niveaux de l’organisation.

148En 2008, lorsque le secteur signe la Charte Diversité de la Région wallonne, c’est dans cette stratégie qu’il inscrit son action de coaching sectoriel. Il revient donc à la coach sectorielle de veiller à ce que la dimension de l’égalité des genres soit intégrée à chaque niveau de l’organisation, et ce n’est pas tâche facile dans un univers encore marqué par des usages pour le moins « machos ».

149Montrer la plus-value de la mixité et l’intérêt que les entreprises trouveront à engager des femmes est le fer de lance de la Confédération de la Construction Wallonne, à l’initiative du projet en 2003. C’est ce message qui viendra en soutien de la stratégie du mainstreaming de l’égalité des genres et fournira l’argumentaire pour la conscientisation des entreprises et organismes de formation.

150Toutefois, d’autres incontournables doivent être mis en place pour favoriser l’égalité dans les métiers majoritairement masculins.

151L’évolution des mentalités passe aussi par l’adaptation dans la littérature sectorielle. Par souci de cohérence et de respect des engagements pris lors de la signature de la Charte en 2008, la presse professionnelle et les publications du secteur à destination des entreprises doivent veiller à intégrer des représentations positives de femmes travailleuses du secteur.

152Illustrations et photos illustrant la mixité, féminisation automatique des noms de métier et pas seulement celui de peintre décoratrice, interviews de femmes et d’hommes de métiers, nombreux sont les moyens qui véhiculeront un message égalitaire.

153Dans une démarche de mainstreaming dépassant les limites du seul secteur, le coaching sectoriel, dans les nombreux partenariats qu’il construit, touche les différents réseaux scolaires et les éveille à la dimension de genre. Ces partenariats sont l’occasion de rappeler qu’une attention particulière doit être consacrée aux manuels scolaires afin de former une image positive des femmes dans la construction dans l’esprit des élèves, futur personnel des entreprises. Difficile parfois, lorsque l’on considère l’imagerie féminine véhiculée sur chantier par les calendriers et qui est loin d’être un exemple à suivre.

Pour conclure, sans pour autant clore le débat…

154Le coaching sectoriel apparaît comme une solution parmi d’autres pour transformer l’eau en vin… pour transformer un marché de l’emploi inégalitaire en un marché ouvert à tous et à toutes, pour des salaires identiques, car le secteur ne fait aucune différence entre le salaire d’un homme et celui d’une femme, pour transformer des métiers unisexués et pénibles en métiers mixtes dont les évolutions technologiques profitent aux hommes et aux femmes qui les exercent.

155Il touche toutes les sphères de la société, fait évoluer les images et les représentations de tous et de toutes, parties prenantes du parcours d’insertion. De la femme elle-même, dont elle secoue l’autocensure et rectifie l’autopositionnement, jusqu’à l’entreprise, remettant en question, par la pratique, les success stories et le bouche-à-oreille, leurs représentations les plus ancrées, en passant par les intermédiaires de l’orientation et de la formation, pris entre les constats et paradoxes de l’offre et de la demande.

156Petit pas par petit pas, la mixité fait son chemin dans l’un des secteurs les plus fermés à l’entrée des femmes dans ses rangs. Le chemin est long, et le travail sur les mentalités n’est pas fini, mais certains sourires s’effacent, ou plutôt se transforment, à la vue de ces femmes compétentes, motivées et fières de leur choix. Elles sont les plus beaux arguments en faveur de cette mixité qui se bâtit chaque jour un peu plus, pour plus d’égalité.

157Le stéréotype de la femme au travail est un stéréotype en construction, et c’est notre chantier à tous et à toutes, enseignants, enseignantes, parents, employeurs, employeuses, hommes et femmes d’une société en mutation.

Bibliographie

Bibliographie

  • Brasseur G., Carlier A., Cheneau V., Ravallec C., Richez J.P., Vaudoux D., (2008), La prévention s’adapte à la féminisation des métiers, Travail et Sécurité, n°690, décembre 2008, INRS, (uniquement en format électronique http://www.inrs.fr/accueil/produits/mediatheque/doc/publications.html?refINRS=TS690page16)
  • De Visscher, Héloïse, (2011), Lutte des femmes, collection Mobilisations sociales, Seraing, CDGAI.
  • Gubin, Eliane, (1998) Les Femmes d’une guerre à l’autre - Réalités et représentations, 1918-1940, in Cahiers d’histoire du temps présent, n° 4, Bruxelles, CEGESOMA http://www.cegesoma.be/cms/cahiers4_fr.php
  • Michielsens, Magda, (2005) 1830-2005, Egalité et inégalités en Belgique, Publication du Conseil de l’Egalité des Chances entre Hommes et Femmes, Bruxelles
  • http://www.conseildelegalite.be/fr/publications/publications
  • Victor, Sandrine, (2010), Bâtisseuses de cathédrales ? Le travail des femmes dans le secteur de la construction au bas Moyen Âge Université d’Albi FRAMESPA, http://mcv.revues.org
  • Illustrations

    • Films
    • Lyne, Adrian, (film réalisé par), (1983), Flash Dance
    • Caro, Niki, (film réalisé par), (2006), L’Affaire Josey Aimes,
    • Nichols, Mike, (film réalisé par), (1988), Working Girl, film.
    • Romans
    • Alonso, Isabelle, (2012), Roman à l’eau de bleu, éditions Héloïse d’Ormesson.
    • Lenain, Thierry, Durand, Delphine, (2014) Mademoiselle Zazie ne veut pas être hôtesse de l’air, Premiers romans, Nathan.

Notes

  • [1]
    D’aucun-e-s démontrent également l’influence de l’invention de la machine à laver sur la condition féminine et sur l’accès des femmes à la sphère publique. Le Musée de la Lessive de Spa, dans une exposition temporaire, évoque la condition pénible de la femme avant cette invention, et la fonction libératrice des premières machines à laver du milieu du 19ème siècle qui, bien que rudimentaires, ont déclenché une indéniable évolution des tâches ménagères. Toutes les inventions visant à alléger les tâches les plus lourdes et les plus pénibles participent à l’émancipation des femmes et des hommes, émancipation par rapport au travail, aliénant et épuisant. Nous démontrerons plus loin, à cet égard, l’influence des progrès technologiques sur l’entrée des femmes dans les métiers de la construction.
  • [2]
    Sartre, Huis clos.
  • [3]
    Équipements de Protection Individuelle.
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