Notes
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[*]
La correspondance pour cet article doit être adressée à Ruxanda Kmiec, Laboratoire de psychologie C2S, Université Reims Champagne Ardenne, UFR Lettres Sciences humaines, Bâtiment 13, RDC Haut, Bureau R238, 57 rue Pierre Taittinger, 51096 REIMS CEDEX, France ou par courriel <ruxanda.kmiec@reims-ms.fr>.
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[1]
Evoquant la dimension pragmatique de la communication, Moscovici (1994) insiste pour une prise en compte aussi bien de la sémantique que de l’usage pragmatique du langage.
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[2]
Voir pour plus d’informations sur les propres de l’individualisme et du collectivisme la revue des questions réalisée par Savicki (2002).
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[3]
« Ce langage contient et combine mots et idées, images et concepts, perceptions et cognitions, observations et interprétations, remplissant à la fois une fonction de connaissance et de communication » (Kalampalikis, 2003, p.163)
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[4]
« Un monde lexical est donc la trace statistique d’un tel ou tel lieu dans le vocabulaire, lieu plus habituellement ‘habité’ par les énonciateurs. C’est la raison pour laquelle une analyse statistique purement formelle peut permettre de circonscrire la trace de ces lieux sous la forme des « mondes lexicaux ». Ceux-ci sont donc des traces strictement sémiotiques inscrites dans la matérialité même du texte. En eux-mêmes ils sont indépendants de toute interprétation. Mais ils ne prennent sens, pour un lecteur, qu’à travers une activité interprétative particulière, en fonction de son propre ‘vouloir lire’ ». (Reinert, 1997, p. 271)
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[5]
La théorie des perspectives (Prospect Theory) a été publiée pour la première fois dans l’article princeps de Daniel Kahneman et Amos Tversky, paru dans la revue Econometrica, en 1979. Ce travail, récompensé par le prix Nobel de l’économie accordé en 2002 à Kahneman, se positionne comme une critique de la théorie économique de l’utilité espérée et de son incapacité à rendre compte de certaines décisions.
Introduction
1Les activités de prise de décisions et de résolution de problèmes ont toujours intéressé les économistes, car elles ont des impacts à tous les niveaux : national et gouvernemental (sur des thèmes comme la sécurité nationale, le déficit, la dette d’un pays, etc.), organisationnel (augmentation de la production, efficience, choix d’investissements, etc.), et au niveau individuel, dans la vie de chacun (choisir sa carrière, acheter une maison, épargner, choisir entre plusieurs options d’achat, etc.), De nos jours, le travail des différents acteurs, qu’ils soient managers, scientifiques, ingénieurs, ou avocats, est largement un travail d’analyse des risques liés à des décisions dont on ne peut maîtriser tous les éléments. Cela suppose de choisir les options à approfondir, de trouver et de désigner l’orientation souhaitable pour une action, évaluer et choisir parmi plusieurs alternatives possibles (Simon et al., 1987). Dans le domaine des sciences économiques et sociales, le thème du risque connaît un grand intérêt depuis plus de trois décennies maintenant. Une question s’est présentée tout naturellement aux auteurs des travaux présentés ici : au-delà des risques spécifiques que chaque acteur est amené à analyser et à traiter, y aurait-il une connaissance d’ordre plus général qui englobe le sens donné lorsque l’on est face aux risques. Pour y répondre, un détour par les différentes définitions du risque et les différents courants de recherche sera présenté dans les lignes qui vont suivre.
2Selon le dictionnaire Larousse, le mot « risque », vient de l’italien risco et du latin populaire resecum, qui signifie « ce qui coupe ». La définition couvre plusieurs aspects : la possibilité ou la probabilité qu’un mal ou un dommage se produise, l’exposition à un danger (courir des risques), l’engagement dans une activité risquée (prise de risque) ou encore l’assurance contre les risques (pour se protéger contre les possibles pertes). D’un point de vue technique et objectiviste le risque est défini par la probabilité d’un événement multipliée par le dommage que cet évènement pourrait produire (Zinn, 2008).
3Le débat controversé entre connaissance de sens commun et connaissance experte sur le risque et l’affirmation de la supériorité de la connaissance experte sur la première ressort souvent des traités théoriques sur le sujet.
4Pour Zinn (2008), le terme « risque » nécessite un discours interdisciplinaire qui est le plus souvent compris de trois façons interconnectées : le risque comme quelque chose de similaire au hasard, perte, dommages et peur ou alors juste une indication sur les événements non voulus, sans oublier le calcul du risque. Si le risque peut être conceptualisé comme une entité avec une existence objective, il n’en démure pas moins que pouvoir accéder à sa réalité, comprendre comment il est construit et partagé socialement, devient une nécessité. Et ce d’autant plus que des travaux (Renn, 1992 ; Lupton, 1999 ; Strydom, 2002) ont déjà montré que la construction sociale du risque est indépendante de son existence objective.
5De nombreux travaux ont relié les risques aux aspects identifiables dans les processus de socialisation : l’influence des attitudes, croyances, valeurs morales et éthiques sur les décisions risquées (Wakker, 2004 ; Dobson, 2008), le lien entre les attitudes et / ou les comportements individuels face aux risques et des risques spécifiques aux environnements sociaux (Brennan et al., 2008), la comparaison sociale et les choix risqués (Linde & Sonnemans, 2012), le rôle de l’interaction sociale dans l’amélioration du processus de prise de décision (Charness et al., 2007), l’effet de la méfiance / confiance sociale dans les institutions publiques sur la perception de l’amplitude du risque (Groothuis & Miller, 1997 ; Fischhoff et al., 1999), ou encore le fait que la perception des risques est déterminée par plusieurs facteurs, organisés autour des caractéristiques du risque et des caractéristiques individuelles des personnes qui perçoivent le risque (Kouabenan & Cadet 2005). Slovic et Peters (2006) considèrent que, dans les sociétés modernes, le risque est pensé et expérimenté de deux façons : le risque en tant que sentiment (réaction instinctive et intuitive face à un danger) et le risque comme analyse d’une situation (décision, logique, raisonnement et délibération pour évaluer les risques et prendre des décisions).
6Tulloch et Lupton (2003) ont examiné la conscience qu’ont du risque en général différentes catégories de participants australiens et britanniques. Les réponses aux risques sont apparues comme étant fortement construites au travers des facteurs comme le genre, l’âge, l’occupation, la nationalité et l’identité sexuelle. La comparaison a rendu possible la mise en évidence que le partage des aspects du risque est distinct selon les groupes à l’intérieur d’une même culture (même si ces groupes vivent dans les même régions ou villes) ou des groupes similaire mais issus des pays différents.
7Si l’épistémologie du risque nous amène facilement au croisement des nombreuses disciplines et approches (sociologie, économie, toxicologie, épidémiologie, technologie, assurances, etc.), nous avons souhaité, dans ce travail, montrer qu’en mobilisant des concepts de la psychologie sociale et l’une de ses théories majeures, les représentations sociales, il est possible d’apporter des nouveaux développements aux recherches sur les risques et notamment d’identifier les éléments de discours, mais également la dynamique de ce discours socialement constitué et partagé à l’intérieur des différents contextes (culture et filière de formation). En effet, la psychologie sociale dispose d’outils et d’approches méthodologiques capables d’appréhender des objets sociaux aussi complexes que le risque en général.
1 – L’analyse sur risque : quelques travaux en psychologie sociale
8À l’instar du travail princeps de Starr (1969) relatifs aux déterminants du risque perçu, Slovic (1987) a montré à quel point il est important de comprendre ce que les individus pensent et comment ils répondent aux situations à risque avant de mettre en place des politiques de prévention. Renn et al. (1992) proposent un cadre d’analyse (l’amplification sociale des risques) intégrant évaluation technique et expérience sociale autour du risque ; ils montrent que les perceptions et réponses sociales sont davantage reliées à l’exposition au risque que ne l’est l’amplitude du risque en elle-même.
9Les travaux menés sur les risques collectifs (liés à l’écosystème, risques sanitaires, naturels, technologiques, alimentaires) et les crises qu’ils génèrent, montrent l’existence d’un savoir commun et partagé socialement à ce propos, lié, d’après Gilbert (2003), au fait que ces risques sont en mesure de porter atteinte aux intérêts collectifs des groupes sociaux concernés. Pour comprendre ces risques collectifs et l’impact des politiques de prévention qui les entourent, de plus en plus de chercheurs travaillent sur leurs perceptions sociales.
10Les recherches sur le risque collectif de l’inondation ont mis en évidence l’importance de la construction sociale (savoirs partagés selon la culture ou l’expérience) dans la compréhension de ces risques (Baggio & Rouquette, 2006), ou encore la nécessité de considérer les facteurs psychosociologiques dans la perception de ces risques (Lave & Lave, 1991 ; Lindell & Huang, 2008). Pour les risques liés aux tremblements de terre, Gruev-Vintila et Rouquette (2007) précisent que la représentation sociale des individus fortement concernés par le risque sismique, et qui ont eu l’expérience d’un tel risque, est davantage structurée et orientée vers la pratique. Etkin et Ho (2007) soulignent, par rapport au risque lié aux changements climatiques, l’important écart qui existe entre la communauté scientifique et la connaissance, la compréhension et la conscience de ces risques par le grand public.
11Plus récemment, avec l’arrivée de la crise économique et financière, des psychologues sociaux ont analysé les différentes formes de pensée sociale développées en temps de crise (Roland-Lévy et al., 2009 ; Ernst-Vintila et al., 2010 ; Galli et al., 2010) en mettant en évidence la construction sociale de la crise, analysée comme une situation de risques, et le lien avec des conduites (comportements, pratiques, décisions).
12Concernant le risque perçu, ces travaux ont souligné que les non experts sont différents d’experts dans ce qu’ils considèrent comme « risqué » ; la perception de sens commun est affectée par d’autres facteurs que la probabilité d’apparition d’événements risqués. C’est en prenant en compte ces « autres facteurs » qui peuvent intervenir dans l’évaluation des risques, que nous avons souhaité explorer, la construction sociale du risque, et le rôle des contextes sociaux dans son expression. Comme le note Wynne (1989) dans les travaux sur la perception du sens commun du risque, la dimension culturelle est très importante, que ce soit dans l’évaluation faite par des experts ou dans celle faite par des citoyens ordinaires. Les connaissances sur les risques se trouvent emboîtées à travers les subcultures, les réseaux et les relations sociales.
13La connaissance de sens commun a été considérée comme inférieure, peu objective et contaminée par des croyances irrationnelles et par des émotions (Zinn, 2008). Ce faisant, en abordant une approche éducative sur le risque, en donnant la « bonne » information, soit l’information experte, cela ne suffit pas pour améliorer les pratiques de prévention des risques (Wynne, 1982). Cet auteur montre qu’en ne suivant pas une approche scientifique du risque, les non-experts, ne font pas qu’agir de manière irrationnelle, mais ils suivent une rationalité sociale et / ou subjective qui inclue expérience, informations et interprétations variées. A la lumière de ces résultats, il est important de considérer l’impact des facteurs sociaux et culturels pour expliquer la dynamique du risque au-delà des facteurs technologiques et processus uniquement psychologiques.
14Dès lors que les différents travaux illustrent des facettes du risque et non pas le risque perçu globalement, il nous a semblé important d’identifier un niveau plus global de la connaissance socialement partagée autour de la problématique du risque, les risques particuliers pouvant y être ancrés. Le sens donné au risque en général peut correspondre à une réalité sociale et servir de lieu d’ancrage aux risques spécifiques.
15Du surcroît, nous considérons la théorie des représentations sociales pour l’identification de la connaissance « de sens commun » (non experte) construite et partagée autour du risque, comme pouvant contribuer à la construction d’une grille de lecture des risques en particulier. La représentation sociale du risque pourrait jouer le rôle de médiateur entre le caractère objectif du risque et sa réalité sociale afin de dépasser le clivage expert / non expert. Développer la compréhension de la perception du risque en général devrait, à notre sens, se situer en amont de tout programme de recherche qui étudie des risques particuliers et pourrait trouver des applications directes dans la construction de démarches de prévention. D’ailleurs, comme le note Vergès, « une représentation peut ne pas être véritablement autonome, c’est en particulier le cas des objets sociaux nouveaux qui ne peuvent se construire que par référence à des objets plus anciens » (2001, p. 553).
16Nous avons schématisé les éléments du raisonnement qui a conduit à interroger le risque en général par l’approche des représentations sociales (Figure 1). Etudier cet objet social nous est apparu pertinent et nécessaire à la lumière des apports théoriques et expérimentaux des différentes disciplines et travaux déjà réalisés sur ce sujet. Dans cette figure les connecteurs représentés en pointillé représentent des relations qui restent à explorer.
Positionnement théorique de la notion de risque et connexions possibles avec les Représentations Sociales
Positionnement théorique de la notion de risque et connexions possibles avec les Représentations Sociales
2 – Les Représentations Sociales : un cadre d’analyse approprié de la pensée sociale des risques
17L’étude de la représentation sociale (RS) du risque a semblé adaptée pour répondre à ce besoin de recherche qui était d’identifier la connaissance naïve, ou de sens commun, que les individus construisent et partagent socialement. Formalisée en psychologie par Moscovici (1961), la théorie des représentations sociales a donné lieu à des nombreux travaux et extensions théoriques.
18Le concept de RS désigne, d’après Jodelet, « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social donné » (1989, p. 53). Il s’agit d’une forme de pensée sociale, pratique, orientée vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l’environnement social, matériel et idéel. Les RS supposent l’organisation des contenus, des opérations mentales et de logique. Deux processus sont à la base de l’émergence des RS : l’objectivation et l’ancrage (Moscovici, 1961). L’objectivation est le processus par lequel des éléments complexes sont convertis en une réalité compréhensible socialement. L’ancrage permet de classer un nouvel objet dans les systèmes et catégories préexistants transformant ainsi un objet jusque-là inconnu, en un objet familier.
19Plusieurs extensions théoriques ont été élaborées depuis les premiers travaux de Moscovici, en particulier l’approche structurelle et la théorie du noyau central développées par Abric (1984, 2001) et complétées par Flament (1981), qui soutiennent les arguments en faveur d’une organisation hiérarchique des RS en termes d’une partie centrale et de zones périphériques. Le noyau central est partagé par la majorité des membres du groupe, tandis que les zones périphériques expriment l’individualisation de la connaissance sociale. Le noyau central se voit attribué trois fonctions principales (Abric, 2001) : une fonction génératrice (il détermine la signification de la représentation), une fonction organisatrice (il conduit à l’organisation interne de la représentation, ainsi qu’à la consistance de celle-ci) et une fonction stabilisatrice (il assure la stabilité de la représentation). Il est indispensable de prendre en compte le noyau central de la RS lorsque l’on compare deux RS : si elles sont identiques, elles doivent avoir strictement le même noyau ; si elles sont différentes, cela implique qu’elles sont organisées autour de deux noyaux centraux différents, dont au moins un des éléments diffère.
20Il s’agit tout d’abord savoir si une connaissance sociale partagée existe lorsque l’on considère le risque en général et, dans deuxième temps, à quels types de variations ces connaissances sont exposées, selon leur contexte d’expression. Si d’autres modes d’expression de la pensée sociale existent, comme l’étude des rumeurs ou de l’histoire collective, les RS présentent l’avantage considérable de disposer d’une formalisation théorique et méthodologique avancée (Ernst-Vintila et al., 2010), qui permet non seulement d’approcher l’organisation du contenu, mais aussi de comprendre leur inscription dans la société où elles s’expriment.
3 – Méthode
21Une épreuve d’associations libres a été utilisée pour interroger les participants sur ce que le mot risque leur évoque, en introduisant comme seule contrainte de ne produire qu’un certain nombre de mots ou expressions. Comme le soulignent Moliner et al. (2002), ce type de contrainte a pour objectif d’homogénéiser les productions des participants. Le matériel ainsi recueilli a été analysé à l’aide de plusieurs techniques reconnues dans les travaux sur les représentions sociales : l’analyse des comportement de réponses, une analyse de la température informationnelle (Kalampalikis & Moscovici, 2005) du discours produit pour évoquer le risque, la caractérisation des différentes évocations (par groupes) en termes de fréquence, rang et valence (Abric, 2003 ; Vergès, 1992 ; Vergès & Bastounis, 2001), ainsi que l’analyse multidimensionnelle des données lexicales produite par Alceste (Reinert, 1997).
22Enfin, pour les raisons déjà soulignées au début de notre propos, ces approches ont été placées dans une perspective comparative. L’intérêt d’une telle démarche dans l’étude des représentations sociales a été souligné par Moscovici (1961) comme étant une voie permettant de mettre en évidence leur structure et d’approcher leurs principes organisateurs. Deux types de comparaisons ont été menés. La première est une comparaison entre des groupes de participants répartis selon leur filière de formations afin d’explorer le rôle du contexte normatif du groupe sur le sens donné à la connaissance du risque. La seconde comparaison est interculturelle et elle donne un accès aux processus qui sont coproduits par les individus et leurs sociétés, et aux relations qui existent entre ces deux aires d’investigation. Du surcroit, en ce qui concerne l’objet social étudié « risque », il a été souligné (Kouabenan, 1998) que les croyances culturelles constituent un élément de poids dans l’évaluation et l’explication des risques.
23Il fut choisi de recueillir la perception sociale du risque auprès d’étudiants. Le choix d’étudiants offre un confort méthodologique s’agissant d’une catégorie de population qui permet d’avoir des participants semblables en termes d’âge et de formation et en même temps pouvant être différenciés facilement selon le contexte, que celui-ci soit lié à des spécificités culturelles et historiques, ou à la filière de formation. Cependant, il ne s’agit ici que d’une première étape d’un programme de recherche qui vise à tester et valider une méthodologie permettant ensuite d’analyser connaissances expertes et non expertes du risque auprès de diverses catégories socio-professionnelles.
3.1 – Hypothèses
24Nous nous attendons (H1) à identifier une RS du risque, donc une connaissance socialement élaborée et structurée.
25La deuxième hypothèse (H2) concerne l’ancrage culturel. Nous nous attendons à des différences au niveau de la structure de la RS du risque, entre les catégories des participants différenciées selon leur culture (étudiants roumains et étudiants français).
26La troisième hypothèse (H3) concerne la relation entre la structure de la RS du risque et les filières de formation. Nous supposons, que des différences au niveau de la RS du risque peuvent apparaître parmi les étudiants, selon leur filière de formation (gestion vs sciences humaines et sociales).
3.2 – Procédure
27Le recueil de données s’est fait à l’aide de l’épreuve associative. Pour Vergès et Bastounis (2001) cette méthode, basée sur l’évocation, rend possible l’illustration de la hiérarchie des termes évoqués, aussi bien au niveau individuel qu’au niveau collectif. Cette méthode permet d’avoir accès à l’organisation des notions dans l’espace sémantique des participants. A partir du terme inducteur, les participants réalisent une production verbale. Comme le soulignent Moliner et al. (2002) l’analyse des productions verbales ainsi obtenues, dépasse le niveau descriptif et donne accès aux relations qui peuvent relier les différents concepts et idées entre eux. L’hypothèse sous-jacente de cette technique est que la mise en valeur des relations structurelles entre les éléments verbaux est rendue possible.
28L’épreuve associative a été traduite en roumain. Pour le terme inducteur « risque » le terme roumain correspondant est quasi similaire à son homologue français, « risc ». Les participants étaient avertis qu’ils participaient à une étude sur les représentations économiques des étudiants et que les réponses fournies étaient anonymes et confidentielles. Le terme « économique » a été volontairement utilisé dans la consigne afin d’induire l’idée d’économie, en tant que théorie qui fournit une partie du savoir « expert » sur le risque. Aussi, de cette façon, il s’agissait de tester si la connaissance de sens commun garde son écart par rapport au savoir « expert », même quand ce dernier est appelé dans la conscience des participants. Du surcroît, il était intéressant d’explorer si le savoir « expert » ainsi induit, allait produire le même effet auprès des différents groupes de participants.
29Après avoir répondu à quelques questions sociodémographiques, âge, sexe, filière de formation, métier envisagé, durée de l’expérience professionnelle, ils devaient associer entre 5 et 7 mots ou expressions en réponse à la consigne : A quoi vous fait penser le risque ? Une fois la production réalisée, il était demandé d’indiquer pour chaque mot ou expression cité si ce mot ou expression évoque quelque chose de positif, de neutre ou de négatif par rapport au terme inducteur « risque ».
3.3 – Participants
30Nous avons interrogé, sur la base du volontariat, 520 étudiants français, de la région Champagne-Ardenne, avec une moyenne d’âge de 21,63 (provenant de l’université de Reims) dont 74 % femmes, et 97 étudiants roumains (provenant de plusieurs filières de l’Université de Constanta), d’âge moyen de 21,50 ans, dont 67 % femmes. La répartition des genres met en évidence une forte proportion de femmes dans les deux échantillons de participants.
31Les étudiants français, comme les étudiants roumains, se répartissent en deux filières de formation Economie /gestion (administration économique et sociale, droit des affaires, sciences de gestion, finance, commercial) et Sciences humaines et sociales (lettres, histoire, psychologie, philosophie, éducation). L’analyse des effectifs à l’intérieur des filières de formation montre des proportions quasi équivalentes des étudiants dans ces deux spécialisations : 60% des étudiants roumains (N=57) et 59% des étudiants français (N=314) interrogés suivaient des études en sciences humaines et sociales.
32Selon Moliner (1993), nous pouvons considérer que nos participants se trouvent dans une configuration « conjoncturelle » (liée au statut d’étudiant) et non pas « structurelle » (la raison d’exister de ces groupes n’est pas la présence du risque) par rapport à l’objet « risque ». Dès lors, la présence de ce type de configuration atténue le défaut inhérent à la taille des groupes. De plus, comme nous allons le voir, des constantes ressortent au niveau de l’analyse de données pour tous ces groupes de participants, indépendamment de leur taille.
3.4 – Variables
3.4.1 – Variables indépendantes
33La première variable invoquée est la nationalité (française vs roumaine). La RS du risque de l’échantillon d’étudiants français, toutes filières confondues, a été comparée avec celle de l’échantillon d’étudiants roumains.
34La deuxième variable invoquée est la filière de formation. L’impact du contexte de formation dans lequel se trouvent les étudiants sur la structure de la RS du risque, a été examiné selon les 2 filières académiques (gestion et sciences humaines et sociales) uniquement pour l’échantillon français (N= 520).
3.4.2 – Variables dépendantes
35La structure de la RS du risque, identifiée à l’aide de l’approche des mondes lexicaux donnée par l’analyse avec le logiciel Alceste, a été considérée comme variable dépendante.
36La structure de la RS du risque des étudiants français a été comparée avec celle des étudiants roumains. De même, il s’agit de regarder, pour l’échantillon français, si des différences existent entre les structures représentationnelles identifiées selon les filières de formation ci-dessus nommées.
4 – Résultats
4.1 – Les comportements des réponses des groupes nationaux
37Compte tenu de la taille inégale des échantillons, quelques tests et analyses ont précédé l’analyse du discours. Par participant, les français ont fourni en moyenne plus de mots (5,45) que leurs homologues roumains (4,17) et cette différence est significative (t=11,73, p< .000). Par ailleurs, les distributions des participants suivant le nombre d’évocations diffèrent selon la nationalité. Le test de Kolmogorov-Smirnov, qui compare globalement les répartitions (à la fois la position, la dispersion et la forme) montre que les différences entre les deux distributions sont significatives (p <.001). Compte tenu des distributions, on peut considérer que dans le groupe roumain et dans le groupe français, il y a deux sous-groupes : un sous-groupe concentré sur 5 évocations et un autre concentré sur 2-3 évocations pour les roumains et 6-7 évocations pour les français (cf. Figure 2). C’est une première différence entre les participants qui est constatée au niveau des répartitions des réponses. Ces résultats, bien qu’intéressants, ont besoin d’être complétés pour être interprétables, car d’autres variables comme le sexe, l’âge ou encore la filière de formation peuvent avoir influencé le comportement de réponse. En raison de la répartition plutôt équilibrée des participants selon ces différentes variables, il semble que ce soit bien la variable nationalité qui ait davantage influencé le comportement des réponses.
Description des réponses (réparition du nombre de mots par groupe de nationalité)
Description des réponses (réparition du nombre de mots par groupe de nationalité)
38Cette approche quantitative est complétée de manière qualitative par l’analyse de la température informationnelle du discours et par l’analyse multidimensionnelle des données lexicales, car au-delà de ces différences, il est intéressant de voir quels sont les mots évoqués ensemble par les différents participants.
4.2 – Analyse de la température informationnelle du discours
39L’examen des données s’est poursuivi avec une analyse quantitative des termes évoqués, analyse qui regroupe les répétitions, calcule les fréquences, les rangs et les valences moyennes. Les analyse des propriétés de la population de réponses (Flament & Rouquette, 2003) s’inscrivent dans l’approche pragmatique [1] d’un corpus produit et permettent de prendre ce que Kalampalikis et Moscovici (2005) appellent la « température informationnelle » du discours. Ces auteurs soulignent, en évoquant la théorie mathématique de l’information et plus particulièrement le concept de feedback, que « du point de vue de cette théorie, le couple information et redondance est assemblé en un axiome : plus d’informations il y a dans un message, moins de répétitions il y a ; moins de répétitions il y a dans un message, plus d’informations il y a » (Kalampalikis & Moscovici, 2005, p. 17).
40A partir de l’intégralité d’occurrences - N (N= 2833 pour l’échantillon français et N= 387 pour l’échantillon roumain), le regroupement des termes identiques permet d’identifier le nombre de réponses différentes - T (T= 649 (23 %) pour l’échantillon français et T= 170 (44 %) pour l’échantillon roumain) pour ces deux échantillons, y compris les mots utilisés une seule fois et appelés hapax. La présence de ces formes dans les productions discursives des participants suit la logique selon laquelle, « plus une distribution de réponses associatives comprend de hapax, plus la part des variations inter individuelles est importante » (Flament & Rouquette, 2003, p. 63).
41La représentation graphique (cf. Figure 3) permet de visualiser, à l’aide des pourcentages, la proportion des formes identiques et la diversité (formes distinctes et hapax) et dans les populations des réponses françaises et roumaines. On observe que, par rapport au nombre total d’occurrences, nous sommes en présence d’une certaine redondance lexicale, cette redondance étant plus forte dans le cas des étudiants français. Autrement dit, sur la totalité de mots et expressions associés au risque, les étudiants français n’utilisent globalement que peu de mots pour exprimer leur perception (les mêmes termes pour désigner le risque apparaissent dans 77% des productions). Le calcul de l’indice de diversité (le rapport T/N = 23 %) permet d’identifier une certaine stéréotypie de réponses qui peut être observée lorsque ces participants sont conduits à s’exprimer à partir du terme inducteur « risque ». L’indice de rareté est obtenu par le calcul du rapport (en pourcentage) entre le nombre d’hapax et le nombre total d’occurrences (nombre hapax/T). Dans le cas présent, on remarque, pour les participants français, une tendance plutôt modérée à la minimisation de la diversité, la proportion des hapax étant de 14%.
Pourcentages d’occurrences, formes identiques, formes distinctes et hapax dans les productions discursives françaises et roumaines
Pourcentages d’occurrences, formes identiques, formes distinctes et hapax dans les productions discursives françaises et roumaines
42Si, dans la théorie de l’information Kalampalikis et Moscovici (2005, p. 16-17), la redondance est considérée comme nuisible, en revanche, dans l’analyse du discours des représentations sociales, « plus un message est redondant, plus il est propice à l’usage et la transmission de la communication » (Kalampalikis & Moscovici, 2005, p. 20), ce qui est le propre du fonctionnement des représentations sociales.
43Ces indicateurs ne sont pas suffisants pour conclure à l’existence d’une RS, cependant, ils témoignent d’une pensée partagée du risque par la communauté étudiante interrogée.
44L’indice de diversité (T/N = 44%) des participants roumains est presque deux fois plus élevé que celui de leurs homologues français ; nous sommes face à un discours plus diversifié, bien que moins important en volume (les étudiants roumains fournissent en moyenne moins de mots que les étudiants français). En revanche, l’indice de rareté est de 30% au niveau des mots et expressions fournis par les étudiants roumains. Si le corpus roumain semble plus diversifié que le corpus français, l’indice de rareté permet de se rendre compte que parmi les réponses différentes, seule la moitié est constituée d’hapax pour les étudiants roumains, alors que presque toutes les formes différentes identifiées pour les participants français sont des hapax.
45La combinaison des deux informations (hapax et diversité) confirme l’existence d’une certaine stéréotypie de réponses, spécifique des représentations sociales, au niveau des deux populations étudiées. Un complément d’information vient de l’estimation de l’entropie de la distribution des réponses associatives. L’entropie, terme emprunté aux sciences, comme la physique et la chimie, est une grandeur qui définit le désordre. Dans notre population de réponses, une entropie maximale se traduirait par l’existence de formes verbales (mots ou expressions) qui n’apparaissent qu’une fois et avec le même rang, c’est-à-dire qu’il serait impossible d’y trouver un ordre ou une organisation. L’entropie (ou le désordre) est maximale si tous les types identifiés ont la même fréquence (ou sont équiprobables) et minimale si tous les types, sauf un, ont une seule occurrence (Flament & Rouquette, 2003). Sur les deux échantillons de réponses, les types identifiés n’ont pas les mêmes fréquences d’apparition et leurs fréquences s’écartent d’une distribution équiprobable ; de ce fait, l’entropie peut être considérée de faible niveau, ce qui indique un certain degré d’organisation de la pensée partagée et confirme l’existence d’une RS structurée du risque. Ce constat est soutenu par l’existence d’éléments ayant un statut fortement différencié par rapport à d’autres.
46À ce propos, soulignons la forte différenciation, dans les réponses françaises, du mot danger, nettement dominant et ayant un faible rang, par rapport à tous les autres. Il s’agit donc d’une présence forte qui distingue danger de toutes les autres formes associées. Il en est de même dans les réponses roumaines où des associations de pertes ou gains se distinguent en termes de forte fréquence et de rang faible par rapport à l’ensemble des associations.
47Bien qu’il soit trop tôt pour conclure sur ce point, danger pour les participants français ou pertes et gains pour les participants roumains sont des formes qui pourraient avoir vocation à structurer les autres mots et expressions du risque.
48Notons que, selon les patterns de diversité et de rareté constatés sur les deux échantillons, il est important de ne pas considérer uniquement la diversité d’une population de réponses, mais d’aller plus loin avec le calcul de l’indice de rareté, pour rendre compte de l’organisation du discours. Aussi, nous avons constaté que si la diversité peut être assimilée à la rareté dans le cas de l’échantillon français, ce n’est pas le cas pour les productions des étudiants roumains. Ces derniers semblent être plus consensuels sur la diversité des formes verbales employées pour désigner le risque, alors que pour les étudiants français on constate une importante proportion des réponses différentes (hapax).
49Si nous plaçons ces résultats dans une perspective interculturelle, une explication possible serait que l’expression des étudiants français est culturellement orientée vers l’individualisation, alors que dans le cas des étudiants roumains les différences interindividuelles existent, mais elles sont collectivement véhiculées et approuvées (traces du passé historique de la Roumanie où la liberté d’agir devait être en accord avec l’idéologie véhiculée, tandis que dans les sociétés capitalistes comme la France, la liberté de choix et l’indépendance vis-à-vis du pouvoir sont des aspects historiquement et culturellement ancrés). L’opposition individualisme (propre aux sociétés occidentales) et collectivisme (propre au pays anciennement communistes) peut être à la bases de cette organisation différente du discours [2].
50Il est important de souligner que, malgré la force de ces indicateurs, il faut éviter de tomber dans l’écueil des stéréotypies perceptives spécifiques à telle ou telle culture ou à tel ou tel groupe et qui pourraient induire la forte présence d’une association, sans pour autant que cette dernière soit révélatrice d’une véritable pensée socialement élaborée et partagée. Ce faisant, l’emploi de méthodologies différentes permet de fiabiliser l’analyse et d’éviter de tels biais. C’est dans cette logique que nous avons décidé de poursuivre l’analyse de la structure de la RS du risque, en croisant les informations obtenues par la technique de la distribution rang/fréquence (Vergès, 1992) avec celles obtenues par l’analyse du corpus à l’aide du logiciel Alceste (Reinert, 1997).
4.3 – Analyse comparative de la structure de la RS du risque
51Avant de soumettre le corpus à l’analyse Alceste, les deux indicateurs quantitatifs, la fréquence d’apparition d’une association et son rang (lié à l’ordre dans lequel le participant a produit les mots/expressions), ont été étudiés sur le corpus. Les mots cités en premier (rang faible) sont considérés comme importants pour le participant. En effet, par le rôle qu’un élément central occupe dans la représentation, il a toutes les chances d’être présent dans les verbalisations des participants (Abric, 2003). A partir de ces éléments, nous avons identifié et caractérisé (fréquence, rang moyen, valence, apparition du mot selon les variables, nationalité, sexe et filière de formation), les mots ayant une fréquence supérieure à 5% pour chacun des groupes. Les résultats détaillés sont présentés dans l’Annexe 1 à la fin de l’article.
52Nous observons pour les étudiants français que le mot danger cité par une grande majorité de participants français (71%) parmi les premiers (rang moyen 1,72), avec une valence négative. En ce qui concerne les étudiants roumains, deux éléments peuvent être classés selon un rang faible et une fréquence forte : il s’agit de pertes (31% ; 2.36), gains (20% ; 2.31). En termes de valence, l’élément danger est connoté négativement par les étudiants français tandis que pour les étudiants roumains, les deux éléments identifiés sont connotés différemment ; positivement pour gains et négativement pour pertes. Gains et pertes sont présents dans les deux configurations représentationnelles identifiées ; néanmoins, il s’agit d’éléments cités par beaucoup de participants roumains parmi les premiers, tandis que les étudiants français les citent moins et plutôt en milieu ou à la fin de leurs évocations.
53Les sentiments négatifs liés aux éléments du risque apparaissent aussi bien pour les Roumains que pour les Français, ce qui est en accord avec l’intolérance à l’incertitude engendrée pas une situation de risque ou un événement incertain, se manifestant par une prédisposition à réagir négativement indépendamment de toute probabilité (Ladouceur, Gosselin & Dugas, 2000). Ce faisant, remarquons que pour les étudiants roumains, comparativement aux étudiants français, arrivent en tête des évocations, non seulement des éléments connotés négativement (pertes), mais aussi des éléments connoté positivement (gains), ce qui va dans le sens de l’intolérance à l’incertitude ci–dessous mentionnée (sentiments négatifs suscités par l’évocation du risque) mais marquée culturellement. L’appel aux éléments de la théorie économique (les gains et les pertes) qui permettent de définir et d’évaluer les risques conduit, par l’introduction de l’élément positif « gains », à une atténuation de la valence négative des connaissances partagées autour du risque.
54A ce niveau de l’analyse, nous pouvons avancer que la RS du risque contient dans sa structure des éléments relatifs aux gains et aux pertes, mais le consensus autour de la proportion et de l’importance de ces éléments diffère selon les pays.
4.3.1 – L’analyse de la RS du risque avec la méthode Alceste
55Nous avons procédé à l’analyse du corpus avec le logiciel Alceste. Comme le souligne Kalampalikis (2003), en évoquant le langage des représentations [3], une symétrie peut être établie entre l’approche des mondes lexicaux et l’exploration du sens commun, car les mots forment des univers de références communes pour les locuteurs. Alceste permet, via des méthodes statistiques, d’approcher les mondes lexicaux [4] en mettant en évidence des relations entre les formes dans un corpus. Les mondes lexicaux correspondent aux classes qui sont issues de l’analyse du corpus, et plus particulièrement de la Classification Hiérarchique Descendante (CHD) que propose le logiciel.
56Pour Geka et Dargentas (2010), le sens et les significations qui sont ainsi repérables, aussi bien au niveau inter-classe qu’intra-classe, semblent être des bons indicateurs dans l’étude des processus d’objectivation et d’ancrage des représentations sociales. L’analyse via Alceste a permis le regroupement des mots en 4 classes lexicales pour les deux échantillons. En ce qui concerne l’échantillon roumain, il est important de souligner que la taille du corpus étant d’entrée de jeu plus réduite, les classes obtenues sont aussi moins importantes en termes de nombre de mots contenus (cf. Tableau 1).
Les classes lexicales des corpus roumains et français obtenues avec l’analyse Alceste
Les classes lexicales des corpus roumains et français obtenues avec l’analyse Alceste
57Pour les étudiants français, le risque est fortement marqué par des ressentis et émotions négatives, mais aussi positives (classe1) qui sont reliés au danger, que ce soit en termes de conséquences (classe 2), d’incertitude (classe 3) ou des situations à risque (accidents, santé) et plus particulièrement le risque économique (chômage, crise, économie, argent, travail) qui ressort lorsqu’on examine la quatrième classe.
58Pour les étudiants roumains, le risque est tout d’abord une situation du quotidien (classe 1), décrite de façon plutôt générale et plutôt sommaire en termes de ressenti (classes 2 et 3), avec pour exemple le risque économique (classe 4)
59Quelques ressemblances sont à noter entre les mondes lexicaux identifiés pour les deux corpus, notamment, la présence des classes qui font référence aux émotions / ressentis et aux conséquences. En revanche, la présence d’une classe faisant référence à des aspects qui sont supposés ou possibles pour les étudiants français versus les affaires et la vie en général pour les étudiants roumains, permet de nuancer cette comparaison. En effet, il peut s’agir d’une connaissance partagée d’ordre plus théorique du risque en général pour les étudiants français, dont les évocations se veulent descriptives avec les émotions qui entourent les différents aspects, tandis que les étudiants roumains font preuve d’une approche que l’on peut qualifier de pragmatique, focalisée sur l’aspect économique et sur le risque comme aspect du quotidien.
60Cette analyse permet de voir quels sont les mots les plus souvent évoqués ensemble et de donner un sens à des différences observées entre le nombre des évocations. En effet, l’élément danger qui arrive en tête des évocations pour les étudiants français, est cité sur un même continuum que les émotions et les ressentis qu’elles soient positives ou négatives (peur, adrénaline, courge, angoisse, excitation, stress, doute). Pour les étudiants roumains, le mot danger est cité en même temps que la crainte et l’incertitude et l’insécurité, autant d’éléments connotés négativement. Dans le cas des étudiants roumains, les éléments que l’on avait identifiés précédemment comme les plus fréquemment cités (fréquences importantes), comme les pertes et les gains, sont reliés aux conséquences des risques et à des aspects économiques (argent, économie), tandis que pour les étudiants français, les conséquences s’entremêlent avec des éléments subjectifs aussi bien positifs (réussite, oser, satisfaction) que négatifs (échec, négatif).
61L’analyse factorielle en corrélations, effectuée par Alceste pour chacun des corpus, permet de placer les différentes évocations dans un espace dimensionnel. Rappelons que la notion d’inertie ou de dispersion (calculée à partir des chi 2 et du nombre d’observations) est centrale dans ce type d’analyse. Le premier axe (qui est représenté conventionnellement à l’horizontale), explique 43% de l’inertie pour les étudiants français et 50% pour les étudiants roumains. Les points, représentés par les mots des différentes classes, peuvent se lire comme la corrélation entre un mot d’une classe donnée et une dimension, ou autrement dit, la contribution des dimensions aux mots des différentes classes.
62Le premier facteur oppose les émotions et les différents risques pour les étudiants français (Figure 4, page suivante), et les émotions au caractère quotidien du risque que pour les étudiants roumains.
Analyse factorielle en corrélations des productions lexicales fournies par les étudiants français
Analyse factorielle en corrélations des productions lexicales fournies par les étudiants français
63Parallèlement, pour les étudiants français on observe des différences selon les filières de formation. Ceux qui suivent une formation en économie / gestion sont représentatifs de la classe qui décrit les différents risques, tandis que les émotions correspondent d’avantage aux étudiants de la filière SHS.
64Le second facteur explique 31% de l’inertie totale pour les étudiants français et 32% pour les participants roumains. Il s’organise pour les étudiants français autour de l’action, l’expérience ou la prise de de risque (composante fonctionnelle de la RS) combinée à l’idée d’incertitude. Pour les étudiants roumains ce deuxième axe représente essentiellement le risque économique.
65Dans cette représentation, on observe que les étudiants français se situent dans un espace différent comparativement aux étudiants roumains. En effet, les productions des premiers se placent entre les thèmes des émotions, liées aux différents risques, aux actions face au risque et leurs conséquences, tandis que les seconds se trouvent dans l’espace délimité par l’aspect quotidien du risque, le risque économique et les conséquences.
66L’analyse du positionnement des mots et expressions produits dans un espace dimensionnel confirme les différences observées entre les groupes nationaux concernant l’organisation des productions verbales obtenues avec le terme indicateur « risque ». Les dimensions identifiées peuvent être considérées comme organisatrices du discours social du risque.
5 – Discussion
67L’approche comparative et la complémentarité des méthodes employées, ainsi que les résultats obtenus, confortent notre hypothèse concernant l’existence d’un savoir partagé du risque pouvant être sujet à des différences selon le contexte de son expression.
68Nous pouvons constater que la connaissance sociale des risques est connotée, d’un point de vue affectif, de façon négative pour la plupart des éléments qui la composent. En outre, le risque apparaît comme un système organisé, ancré socialement, et celui-ci ne s’organise pas de la même façon d’une culture à une autre. Si l’on se réfère aux travaux princeps de Moscovici (1961) sur la psychanalyse, et plus particulièrement à la transformation de la théorie scientifique en RS, nous avons eu accès, grâce aux premières analyses effectuées, au processus d’objectivation qui est la première phase qui permette de passer de la théorie scientifique à un « modèle figuratif ».
69Les étudiants interrogés ont fait une sélection au niveau de l’information sur le risque circulant dans la société afin de construire un objet, imagé et en cohérence avec les valeurs et les normes de leur groupe. Selon le contexte culturel, cette sélection d’information ne se fait pas de la même façon. Dans le cas d’étudiants français, et plus particulièrement de ceux en sciences humaines et sociales, les connaissances liées aux risques semblent éloignées de la théorie économique, alors que cette dernière est entrée, avec davantage d’éléments, dans le langage de sens commun des étudiants roumains en structurant leurs productions lexicales.
70Ces différences laissent entrevoir plusieurs explications possibles pouvant être liées à l’ancrage culturel qu’il est nécessaire de replacer dans une perspective historique. Pour les étudiants roumains le partage de connaissances autour du risque pourrait être lié à l’histoire de leur pays, qui s’est trouvé, pendant des longues années, sous un régime de plus en plus oppressant. Ainsi, les Roumains ont été amenés à développer un fort pragmatisme, une nécessité de pouvoir s’appuyer sur des aspects concrets pour faire face aux difficultés vécues. Ceci corrobore avec le fait réel qui est que, compte tenu de leur âge, nos étudiants roumains sont issus des familles ayant vécu sous l’ancien régime politique. Bien que le pays soit en changement depuis une vingtaine d’années, la transmission d’anciennes valeurs fortement ancrées dans la mémoire collective et porteuses d’un sens historique continuent à exister au travers de la socialisation, de la transmission inter-générations, dans la pensée collective et les cognitions sociales. Organisant et partageant la connaissance sociale du risque autour du rapport gains / pertes, les Roumains perçoivent le risque comme une notion directement descendue de la théorie économique, plus précise par rapport à ce point, que celle des étudiants français.
71La distinction individualisme/collectivisme classique pour les études interculturelles peut également nous fournir des éléments explicatifs. Les étudiants français partagent un système de connaissances que l’on peut supposer comme favorisant l’individualisation en termes de pratiques, par exemple. Les étudiants roumains partagent des connaissances « imposées » par un système marqué historiquement par le collectivisme. Il est aussi possible qu’ils se soient conformés tout naturellement à la consigne qui présentait la recherche comme s’intéressant aux représentations économiques. Une réponse qui va « tout naturellement » dans le sens de quelque chose d’imposé, signe d’un poids et d’un passé historiques encore présents. En effet, comme le remarque Neculau (1999) les Roumains ont dû apprendre à adhérer à un ordre imposé et à une certaine normalité : dirigée, contrôlée et planifiée.
72Un deuxième processus a pu être approché : l’ancrage de la RS du risque. Plus précisément, il s’est agi d’examiner « l’influence qu’exerce une valeur de référence sur l’estimation d’une série de stimuli » (Moscovici, 1961, p. 318) pour comprendre comment le risque peut s’imbriquer dans des croyances ou valeurs plus générales. Quels sont les ancrages (Doise, 1992) que l’on retrouve dans le cas présent ?
73Le premier porte sur l’intervention des principes généraux qui peuvent moduler les relations sociales. L’inscription du risque dans le cadre donné par le système culturel et historique peut expliquer les différences observées entre les étudiants français et roumains. Comme le note Douglas (1992) la sélection, la perception et la réponse au risque sont culturellement déterminés. En effet, les membres d’un group sélectionnent les dangers de manière symbolique en cohérence avec leur groupe d’appartenance et l’identité du groupe. Ce n’est donc pas le risque ou ses qualités objectives, mais les valeurs issues de l’organisation sociale qui sont à l’origine de la façon dont le risque est sélectionné, perçu et géré.
74Par ailleurs, nous retrouvons l’inscription du risque dans la cadre plus général du système émotion / action / résultats - conséquences, dans une configuration où le principe de feedback semble s’appliquer, car l’action liée au risque donne lieu à des émotions, et ce, dans les deux groupes culturels examinés. Cet ancrage met en évidence que l’organisation de la RS du risque contient des éléments qui renvoient à des pratiques (actions), ce qui laisse supposer que ce type de connaissance peut intervenir comme guide d’action pour les individus confrontés aux risques, donnant ainsi un élément auquel il conviendrait de prêter attention lorsque l’on travaille sur les perceptions et la prévention des différentes facettes du risque.
75Un autre type d’ancrage met en lumière une distinction entre les étudiants selon qu’ils proviennent des différentes filières d’enseignement. Les insertions sociales différentes dans les filières de formation sont mises en évidence par le lien entre la RS du risque et la provenance académique des étudiants. Du surcroît, la filière de formation, en tant que contexte, a un effet sur l’actualisation de la RS du risque. Celle-ci pourrait être considérée comme stable, organisée et partagée par la grande majorité (autour du principe du danger, qui apparaît dans les productions de tous les étudiants interrogés).
76De fait, les différences observées peuvent être dues au contexte dans lequel la RS du risque est actualisée (la filière de formation dans le cas présent). Ce faisant, à l’intérieur d’une population d’étudiants de la même ville et de la même université, coexistent des connaissances différentes et socialement partagées autour du risque, qu’elles soient davantage axées sur l’émotion (le cas des étudiants en sciences humaine et sociales) ou sur la gestion / calcul du risque (étudiants en économie-gestion).
77Ces ancrages plaident en la faveur de la prise en compte des insertions sociales et culturelles, des positions occupées par les décideurs quand ils sont amenés à analyser une situation problématique présentée dans un contexte incertain et risqué. Les travaux les plus connus concernant les choix risqués et les décisions dans l’incertain sont sans doute ceux liés à la théorie des perspectives (Prospect Theory) de Kahneman et Tversky [5] (1979). Cette théorie met en évidence, le fait que les individus ne font pas face au risque avec une logique rationnelle. Face à des choix avec un risque (exprimé en probabilités statistiques) de perdre ou de gagner de l’argent, l’utilité perçue par un individu n’est pas toujours le reflet pur de son attitude face à l’argent, mais est déterminée par des valeurs subjectives. Ceci s’oppose à la théorie de l’utilité qui décrit les individus comme étant capables de mesurer les différents états du monde de manière absolue, en réalisant les calculs leur permettant de donner un poids à chaque option et d’anticiper chaque conséquence avant de choisir. Dans cette logique, l’homo œconomicus serait capable de choisir parmi les différentes options, celle qui offre le meilleur rapport coûts / bénéfices.
78Les participants associent naturellement gains et pertes au terme inducteur « risque », ce qui corrobore dans une certaine mesure avec la Prospect Theory selon laquelle, en situation d’incertitude ou de risque, la matérialisation des possibilités se fait en termes de gains et de pertes. Ce faisant, selon le contexte d’expression, les gains et pertes sont des éléments de différenciation (étudiants français), ou consensuels (étudiants roumains).
79Nous observons l’objectivation du risque en termes des gains et des pertes, et une connotation négative plus fortement marquée que ne l’est celle relative aux gains, dans le cas des étudiants français (les étudiants français ont produit beaucoup plus de mots pour désigner les pertes : 10% versus une fréquence inférieure à 5% pour désigner les gains). Pour le groupe d’étudiants roumains ce rapport entre la quantité des références aux gains et aux pertes apparait comme étant plus équilibré. Le point de référence qui est à l’origine de l’élaboration des options et de l’évaluation de gains et des pertes est socialement marqué, car conventionnellement défini par des normes sociales et les différents ancrages que nous avons mis en évidence, confortent cette idée.
80Du surcroît, l’association risque / danger sur un même continuum fait référence au phénomène d’attribution causale qui a des applications directes en termes de prévention. Selon Japp et Kusche (2008) la distinction entre ces deux termes ne concerne pas la certitude, mais une différence dans l’attribution : le risque en tant que tel implique que le dommage soit attribué au système lui-même, tandis que le danger implique une cause externe pour un dommage possible. Certains calculent le risque, tandis que d’autres se perçoivent comme victimes de ces calculs.
81La différence attribution interne (risque) et attribution externe (danger) liée aux dommages du risque a été mise en évidence par Hahn et al. (1992) dans une recherche sur le SIDA. Selon leur groupe d’appartenance, le style de vie ou encore le statut social, les participants interrogés percevaient le SIDA comme un risque ou comme un danger. Ces derniers avaient tendance à juger la maladie comme étant incontrôlable et nécessitant l’intervention des politiques publiques, tandis que lorsque le SIDA était considéré comme un risque, les participants voyaient cela comme quelque chose d’individuel en termes de prise de risque et de prévention.
82Il y a dans l’association risque / danger mise en lumière par l’analyse de la RS du risque une information importante en termes d’applications au niveau de la prévention. Construire un message sur un risque spécifique pourrait avoir un impact différent dans les pratiques de prévention, selon que l’on présente en tant que risque (attribution des conséquences des risques à ses propres pratiques) ou en tant que danger (attribution des dommages causés par les risques à des causes externes).
83De même, les éléments identifiés comme étant saillants dans l’organisation du discours pourraient servir de base d’évaluation des risques spécifiques. On pourrait, par exemple, envisager la construction d’une échelle d’évaluation avec des critères « non-expert » à l’aide de laquelle un risque spécifique (chimique, santé, environnement, économique…) pourrait être évalué en complément des systèmes de management du risque.
84Enfin, le risque perçu comme danger / peur / anxiété ou comme défi renvoie aux travaux sur le stress et sa gestion (Lazarus & Folkman, 1984) et à la conservation des ressources. Le risque perçu comme défi peut favoriser la prise de risque, tandis que le risque en tant que peur peut figer l’action. Comme le montrent les travaux sur ce thème, un important appel à la peur (Janis et Feschbach, 1953), déconnectée de la possibilité d’intervenir rapidement, n’influence pas positivement l’adoption des conduites de prévention. L’appel à la peur fonctionne seulement lorsque l’individu peut intervenir rapidement pour écarter la menace. Aussi, dans des situations à risque, comme la crise économique, une perception en tant que défi favoriserait le fait d’être proactif et d’entamer une action afin de trouver des solutions et de s’en sortir, tandis que la peur restreindrait la capacité perçue d’agir.
6 – Conclusion
85La RS du risque apparaît comme étant « déterminée par la structure de ‘la société’ où elle se développe » (Moscovici, 1961, p. 337). Du surcroît, nous n’avons pas identifié dans nos analyses de références quantitatives ou mesurables « des risques », mais une réalité « du risque » représentée, c’est-à-dire appropriée et reconstruite par les participants, et mise en relation avec le système de valeurs, le contexte social, la culture et l’histoire du groupe. Le constat d’Abric (1994a) d’après lequel il n’existe pas de « réalité objective », qui soit décrite uniquement par les composantes objectives de la situation ou de l’objet, s’applique dans le cas présent.
86Le jugement sur le risque n’est pas influencé par des probabilités et utilités, mais est fonction de la crainte liée au potentiel catastrophique et au degré de connaissance du risque, ce qui fait que « les jugements du risque par les non spécialistes sont faits d’une manière qui est presque totalement sans liaison avec les types de concepts qui entrent dans les estimations des ingénieurs et des statisticiens » (Brehmer, 1994, p. 86) ; ces propos sont à nuancer selon les contextes d’expression des risques. Simoes (2003) estime que les études de la perception du risque devraient être associées à des études de la représentation de la tâche ou des activités auxquelles ce risque est attaché ; il s’agit de jouer sur les images associées à tel ou tel risque (par exemple, dans la prévention), et de partir des évocations des représentations sociales pour construire des messages auxquels les publics formés pourraient s’identifier et ce afin d’apporter un complément indispensable aux systèmes experts de gestion du risque.
87Le hasard, l’incertitude et le risque étant socialement construits, intégrer non seulement les processus individuels, mais aussi les niveaux institutionnel et sociétal s’avère être une évidence (Breakwell, 2007). Les théories cognitives ont mis le plus souvent en évidence les biais auxquels les individus amenés à décider en situation risquée sont exposés. Ces biais sont constatés lorsque l’on compare ce que l’on devrait faire du point de vue des normes (ce qui est prescrit et considéré comme rationnel) et ce que l’on fait en réalité quand on est confronté aux risques (Thaler, 1980, 1994 ; Tversky & Thaler, 1990). De surcroît, ces travaux, majoritairement expérimentaux, sont axés sur des mesures comportementales, et assez peu sur le rôle que le contexte (social, culturel, histoire) peut avoir dans les processus décisionnels ou évaluatifs des situations risquées. La théorie des représentations sociales est en elle-même une critique apportée à ces modèles essentiellement perceptifs qui restent statiques et orientés vers les processus intra personnels. C’est par conséquent un cadre approprié pour compléter les modèles existants et produire une psychologie du risque plus valide, et ce afin d’avancer vers une théorie intersubjective de la réponse au risque (Joffe, 2003).
88Par ailleurs, il semblerait opportun d’appréhender la relation entre la RS du risque en général et les risques spécifiques (catastrophes naturelles, maladie, risque financier et économique) et les pratiques, d’autant plus que l’interaction RS / praxis a été clairement établie (Flament, 1994 ; Abric, 1994). Néanmoins, les changements de comportements peuvent aussi modifier les RS (Guimelli, 1994 ; Roland-Lévy, 1996). Il serait, par exemple, intéressant d’observer si des changements de comportements par rapport à un risque en particulier entraîneraient non seulement la modification de la RS spécifique à ce risque mais aussi à celle du risque en général.
89L’intérêt de poursuivre les travaux dans ce sens est palpable, et comme le note Slovic (1987), il y a une certaine forme de sagesse dans les attitudes et les perceptions naïves du risque qui sont plus riches et qui contiennent des éléments souvent omis par les évaluations expertes qui sont des éléments tout à fait légitimes pour travailler sur la prévention, par exemple. Chaque type de connaissance, sociale et experte, a quelque chose de valide à apporter et chacune devrait respecter l’intelligence et la perspicacité de l’autre.
90Enfin, le cadre comparatif interculturel permet de mettre en évidence la différence entre risque perçu et risque objectif, le rôle de la communication et des médias, du système politique ou encore des déterminants sociétaux (Boholm, 1998), autant d’éléments à considérer dans les recherches futures à ce propos.
91Notre travail, bien qu’il présente la limite de la diversité des publics interrogés, identifie plusieurs éléments intéressants qui laissent penser que la représentation sociale du risque en général serait un véritable médiateur entre des risques spécifiques et les conduites.
Fréquences, rangs moyens et valence des formes ayant une fréquence supérieure ou égale à 5% et leur répartition selon les différents groupes de participants
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Notes
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[*]
La correspondance pour cet article doit être adressée à Ruxanda Kmiec, Laboratoire de psychologie C2S, Université Reims Champagne Ardenne, UFR Lettres Sciences humaines, Bâtiment 13, RDC Haut, Bureau R238, 57 rue Pierre Taittinger, 51096 REIMS CEDEX, France ou par courriel <ruxanda.kmiec@reims-ms.fr>.
-
[1]
Evoquant la dimension pragmatique de la communication, Moscovici (1994) insiste pour une prise en compte aussi bien de la sémantique que de l’usage pragmatique du langage.
-
[2]
Voir pour plus d’informations sur les propres de l’individualisme et du collectivisme la revue des questions réalisée par Savicki (2002).
-
[3]
« Ce langage contient et combine mots et idées, images et concepts, perceptions et cognitions, observations et interprétations, remplissant à la fois une fonction de connaissance et de communication » (Kalampalikis, 2003, p.163)
-
[4]
« Un monde lexical est donc la trace statistique d’un tel ou tel lieu dans le vocabulaire, lieu plus habituellement ‘habité’ par les énonciateurs. C’est la raison pour laquelle une analyse statistique purement formelle peut permettre de circonscrire la trace de ces lieux sous la forme des « mondes lexicaux ». Ceux-ci sont donc des traces strictement sémiotiques inscrites dans la matérialité même du texte. En eux-mêmes ils sont indépendants de toute interprétation. Mais ils ne prennent sens, pour un lecteur, qu’à travers une activité interprétative particulière, en fonction de son propre ‘vouloir lire’ ». (Reinert, 1997, p. 271)
-
[5]
La théorie des perspectives (Prospect Theory) a été publiée pour la première fois dans l’article princeps de Daniel Kahneman et Amos Tversky, paru dans la revue Econometrica, en 1979. Ce travail, récompensé par le prix Nobel de l’économie accordé en 2002 à Kahneman, se positionne comme une critique de la théorie économique de l’utilité espérée et de son incapacité à rendre compte de certaines décisions.