Notes
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[1]
Bien que connaissant les distinctions élaborées entre émotions et affects (mais aussi humeur, sentiments…), par souci de simplicité nous utiliserons indifféremment ces termes dans cet article ; distinctions qui dans d’autres contextes de recherches pourront avoir pleinement leur pertinence.
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[2]
La consigne précise pour répondre au questionnaire est la suivante : « Grâce aux phrases ci-dessous tu vas pouvoir décrire tes réactions par rapport à ton avenir scolaire et professionnel. Réponds aussi personnellement que possible, car c’est ce que tu penses réellement qui a de l’importance. Sois spontané(e), ne passe pas trop de temps à réfléchir à chaque question. Il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. Le questionnaire est totalement anonyme. Certaines questions se ressemblent, mais il est important de répondre à chacune d’elles. Attention de ne pas en oublier. Pour chaque phrase, indique dans quelle mesure elle te correspond. Si la phrase te correspond tout à fait, alors entoure le chiffre 5. Si elle ne te convient pas du tout, entoure le chiffre 1. Si c’est entre les deux, entoure un chiffre intermédiaire. Essaie de ne pas trop utiliser le chiffre central (3) ».
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[3]
Nous avons effectuez les mêmes analyses avec chacune des dimensions spécifiques (peur d’échouer, peur de décevoir, et peur de s’éloigner) de la variable anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle. Avec le premier comme le second modèle, les analyses de régressions donnent des résultats comparables.
1 – Introduction
1.1 – Le contexte actuel de l’avenir scolaire et professionnel à l’adolescence Temporel
1En raison de son incertitude, l’avenir scolaire et professionnel est susceptible de susciter de l’anxiété, tout particulièrement au cours de l’adolescence. La réalité de l’insertion professionnelle des jeunes arrivant sur le marché du travail, variable selon les contextes nationaux, peut objectivement être considérée comme inquiétante. Le taux moyen de chômage en France dans la classe d’âge des 16-24 ans, et plus généralement dans les pays d’Europe du Sud, se situe généralement aux alentours de 20-25 % (Perruca, 2008). Lorsque les jeunes adultes européens, même diplômés, trouvent un emploi, il est le plus souvent précaire et/ou faiblement rémunéré. Pour accéder à une position sociale semblable à celle de leurs parents au même âge, les jeunes adultes doivent fréquemment être bien plus diplômés que ces derniers (Chauvel, 1998 ; Peugny, 2009). Le diplôme préserve certes en partie du chômage (Joseph, Lopez et Ryk, 2008), mais le déclassement constitue un phénomène de plus en plus fréquent (Dubet et Duru-Bella, 2006 ; Duru-Bellat, 2006 ; Peugny, 2009). Il touche de nombreux jeunes adultes de toutes les catégories sociales, ceux de milieu défavorisé et les femmes étant toutefois plus fortement concernés. Chômage et déclassement dessinent aujourd’hui un avenir professionnel plus incertain et plus inquiétant pour les adolescents qu’il ne l’était quelques décennies auparavant.
2Géographique. Dans le contexte de la mondialisation, qui rend plus difficiles des prévisions économiques fiables, cette incertitude des jeunes à l’égard de leur avenir apparaît tout spécialement forte dans les pays d’Europe du Sud comme la France (Galland, 2008, 2009). En effet, dans les pays du Nord de l’Europe ou plus largement anglo-saxons, la flexibilité de l’emploi est répartie sur l’ensemble de la population. Il en va tout autrement dans les pays du Sud de l’Europe, où la flexibilité de l’emploi est principalement supportée par les femmes, les chômeurs et les jeunes. Ces trois catégories constituent la principale variable d’ajustement de l’économie (Galland, 2008). S’agissant des jeunes, les Français sont ainsi moins nombreux (25,5 %) que les Danois (59,6 %), les Américains (54, 1 %), les Norvégiens (54,1 %), les Suédois (49,2 %) où les Finlandais (42,8 %) – pour ne citer que ces pays - à avoir le sentiment d’un avenir prometteur, de pouvoir contrôler leur avenir ou d’être certains qu’ils auront un bon travail dans le futur.
1.2 – L’impact émotionnel de l’avenir scolaire et professionnel
3Par ailleurs, des travaux influents au premier rang desquels ceux de Bourdieu (1970) ont démontré que l’école, loin de remplir une fonction d’ascenseur social, s’apparente à un appareil de distribution des positions sociales et de reproduction sociale. Quand bien même les élèves n’ont pas une connaissance académique de cette thèse, ils n’en conçoivent pas moins que l’école détient en grande partie les clefs de leur future position sociale et, à ce titre, elle peut être supposée constituer pour eux une source d’inquiétude, plus ou moins selon les élèves. Ainsi lorsqu’on interroge les Français sur les valeurs que transmet aujourd’hui l’école aux enfants, 38 % estiment qu’elle transmet avant tout « la peur de l’échec » (Dumay, 2007).
4Paradoxalement, alors même que l’avenir scolaire et professionnel apparaît pouvoir susciter chez les élèves certaines émotions (Linnenbrick et Pintrich, 2002), ces dernières ont rarement été prises en compte dans l’étude des conduites d’orientation scolaire et professionnelle des adolescents ou des jeunes adultes, c’est à dire les activités cognitives et comportementales qui relèvent de l’orientation scolaire et professionnelle. D’une manière générale, les émotions que suscitent les discontinuités dans l’interaction individu-milieu remplissent des fonctions spécifiques dans l’adaptation de l’être humain, notamment au travers des processus d’organisation, hiérarchisation et sélection de l’information et des comportements, et des processus de préparation et planification de l’action visant à adopter les réponses les plus appropriées à la situation (Frijda, Kuipers et Schure, 1989 ; Oatley et Jenkins, 1987 ; Rimé, 2005). Certaines émotions contribuent ainsi à soutenir, renforcer ou faciliter la poursuite des objectifs à atteindre, alors que d’autres au contraire favorisent l’évitement, la prise de distance, le renoncement, la révision de ces objectifs et l’orientation vers de nouveaux objectifs. Lorsque les ressources dont peut disposer un individu en temps ordinaire sont hors d’atteinte, certaines émotions [1] comme l’anxiété, la peur ou la détresse, sont alors susceptibles d’apparaître et d’orienter l’action et le traitement de l’information au sein du système cognitif vers d’autres buts que ceux initialement fixés. Or, la perception des situations et les émotions qui en résultent varient selon les individus ; ces différences interindividuelles de réactions émotionnelles entrent dans la définition de la personnalité ou du tempérament de l’individu (par exemple, Endler, Parker, Bagby et Cox, 1991 ; Pervin, 2005 ; Rothbart, 1992).
5La prise en compte de variables relatives aux émotions, et notamment des différences dans l’intensité et la fréquence avec laquelle les individus éprouvent certains états émotionnels, pourrait donc contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes psychologiques à l’œuvre dans les conduites d’orientation scolaire et professionnelle. En outre, les quelques travaux empiriques qui ont intégré dans leur modèle explicatif de psychologie de l’orientation des variables émotionnelles démontrent qu’en effet elles sont associées aux conduites d’orientation scolaire et professionnelle des adolescents ou des jeunes adultes, qu’il s’agisse par exemple des processus de décision (Kaplan et Brown, 1987 ; Fuqua, Seaworth et Newman, 1988), d’exploration (Blustein et Phillips, 1988 ; Vignoli, Croity-Belz, Chapeland, De Fillipis et Garcia, 2005), ou des modalités de partage social d’un épisode d’orientation scolaire (Vignoli, Nils et Rimé, 2005), ou encore des conduites d’adaptation scolaire, comme le stratégies de faire face aux situations scolaires difficiles (Soric, 1999).
1.3 – Une émotion particulière : l’anxiété
6Les variables émotionnelles prises en compte dans les recherches qui viennent d’être citées relèvent souvent de l’anxiété, presque toujours une anxiété conçue comme un trait large de personnalité. Exceptionnellement il s’agit d’une anxiété définie comme un état induit par l’impératif institutionnel de devoir prendre des décisions d’orientation scolaire et professionnelle (Blustein et Phillips, 1988), ou comme un trait de personnalité relatif à un contexte spécifique, comme celui des questions d’orientation scolaire et professionnelle (Vignoli, Croity-Belz, Chapeland, De Fillipis et Garcia, 2005).
7On comprend toutefois que, s’agissant d’étudier les rapports entre émotions et orientation scolaire et professionnelle, les recherches se soient centrées sur l’anxiété, dans la mesure où d’une part l’orientation scolaire et professionnelle engage l’avenir de la personne et d’autre part l’anxiété est appréhension et crainte de ce qui pourrait arriver dans un avenir proche ou lointain (Leary et Kowalski, 1995, p. 6).
8Dans les modèles traditionnels de la personnalité, l’anxiété est conçue comme un trait permettant de caractériser les individus par une tendance plus ou moins fréquente à percevoir la plupart des situations comme anxiogènes. Autrement dit, l’individu anxieux manifesterait une tendance générale à percevoir dans l’environnement des stimuli anxiogènes et à réagir plus fréquemment à ces stimuli par un état d’anxiété (Bernaud, 1998 ; Pervin, 2005 ; Spielberger, 1966 ; 1985). Le trait anxiété est relativement stable dans le temps (Pervin, 1993) et bien qu’il ne soit évalué qu’à partir d’un nombre restreint de situations, son pouvoir explicatif s’étend à un ensemble de situations nettement plus étendu (Huteau, 1985). Il s’oppose en ce sens à l’état anxiété qui est transitoire et induit par une situation spécifique et ponctuelle (Bonis, 1996 ; Spielberger, 1985).
9Dans la perspective interactionniste qui prend en compte dans l’explication des conduites l’interaction entre le trait et l’état émotionnel éprouvé dans une situation particulière, le trait est au contraire souvent conçu comme une caractéristique individuelle stable mais dont la stabilité est relative à certaines classes de situations (Endler, 1983 ; Endler, Edwards et Vitelli, 1991). On peut par exemple manifester un niveau élevé sur le trait anxiété relatif aux situations d’évaluation sociale (qui se traduira par la présence plus fréquente d’un état d’anxiété dans ces situations) mais un niveau faible sur le trait anxiété relatif aux situations de dangers physiques. L’avenir scolaire et professionnel, compte tenu de ces caractéristiques, est susceptible de susciter de l’anxiété chez les jeunes mais devrait varier, selon nous, en fonction des individus.
1.4 – Les motifs psychologiques plus spécifiques de l’anxiété suscitée par son avenir scolaire et professionnel à l’adolescence
10Irréductible à un état passager variant aléatoirement au cours des années de formation, l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel ne saurait être ramenée à un état émotionnel qui serait éprouvé de façon identique par tous les membres d’une classe d’âge. Cette anxiété spécifique est au contraire plus ou moins forte d’un individu à l’autre (Mallet, 1999). Elle peut être conçue en ce sens comme un trait de personnalité, tels que ceux-ci sont conçus dans la perspective interactionniste, c’est à dire une caractéristique individuelle relativement stable mais circonscrite à un contexte, dans le cas présent, celui de l’avenir scolaire et professionnel.
11Elle semble en outre obéir à différents motifs qui ne sont que l’expression d’une tendance relativement stable à manifester avec une certaine fréquence de l’anxiété pour des questions spécifiques relatives à l’avenir scolaire et professionnel. C’est ce que suggère l’analyse de contenu des réponses données par des adolescents français en classe de troisième, c’est-à-dire âgés en moyenne de quinze ans, à des questions ouvertes concernant les craintes que pourrait susciter en eux leur avenir scolaire et professionnel (Gantelet, 2000). Au moins trois motifs psychologiques de cette anxiété apparaissent : (a) la peur d’échouer dans son parcours scolaire et professionnel, (b) la peur de décevoir ses parents par son orientation scolaire et professionnelle, et (c) la peur de l’adolescent de devoir s’éloigner de ses proches pour continuer sa formation. Ainsi que le font différents auteurs comme La Greca et coll. (1988), bien qu’il s’agisse d’anxiété, le terme « peur » a été utilisé en sorte de désigner les motifs plus spécifique de cette anxiété. Un des objectifs de la présente recherche était ainsi d’explorer, à l’aide d’un questionnaire standardisé, dans quelle mesure ces trois dimensions structurent bien l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel à l’adolescence, c’est-à-dire dans quelle mesure ces trois motifs d’anxiété méritent bien d’être distingués.
12L’anxiété éprouvée par les adolescents lorsqu’ils évoquent leur avenir scolaire et professionnel est susceptible de survenir à n’importe quel moment au cours de la scolarité, tant qu’ils n’ont pas accompli la transition formation-emploi. On sait que son intensité augmente en moyenne avec l’âge, de la fin de l’école primaire au collège et du collège au lycée (Mallet, 1999). Et cela, alors que la plupart des autres formes d’anxiété spécifique, telles que l’anxiété sociale, diminuent d’intensité en moyenne au cours de l’adolescence (par exemple, Demangeon, 1977 ; Mallet et Rodriguez-Tomé, 1999). Pour expliquer l’augmentation de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, on peut invoquer, en particulier mais non exclusivement, la proximité croissante au cours de l’adolescence de la transition formation-emploi, la capacité de plus en plus grande à se représenter les conséquences dans de nombreux domaines de son insertion professionnelle, ou encore les phases d’orientation scolaire qui rendent inévitable un minimum de réflexion, de choix dans le meilleur des cas et, pour tous, de bilan de sa scolarité.
13Comment évaluer cette anxiété spécifique ? Traditionnellement, on a mis au point des échelles destinées à analyser les différences interindividuelles d’anxiété scolaire chez l’enfant (par exemple, Conroy, 2003 ; Demangeon, 1966, 1973). Mais l’anxiété visée par ce type d’échelle est celle induite par les situations concrètes d’apprentissage ou d’évaluation. Certains instruments peuvent même cibler l’anxiété induite par les épreuves spécifiques de telle ou telle discipline, par exemple de mathématiques (Zohar, 1998). Aucune de ces échelles ne porte sur l’anxiété éprouvée par une personne lorsqu’elle se projette mentalement dans son avenir scolaire et professionnel. D’autres types de questionnaires portent sur le stress suscité par différentes dimensions de l’environnement scolaire ou professionnel et sur les manières d’y faire face (par exemple, Wrzesniewski et Chylinska (2007). Mais dans ces recherches aussi il s’agit de l’anxiété éveillée par la situation présente, physique et sociale, et non de l’anxiété suscitée par l’évocation des perspectives d’avenir scolaire et professionnel, perspectives qui deviennent particulièrement prégnantes au cours de l’adolescence (Nurmi, 1991 ; Rodriguez-Tomé et Bariaud, 1987). Un des construits psychologiques qui se rapproche le plus de cette anxiété est la perception comme plus ou moins certaines versus incertaines de ses perspectives de réussite scolaire et professionnelle, étudiée par Hurrelmann et Engel (1992). Toutefois, percevoir comme incertain son avenir scolaire et professionnel ne signifie pas qu’il nous inquiète. En l’absence de tout questionnaire conçu pour évaluer cette anxiété spécifique, la présente investigation se proposait notamment de combler cette lacune.
1.5 – L’impact de cette anxiété sur les performances scolaires
14Un autre objectif était d’identifier certains facteurs de cette anxiété, en analysant ses rapports avec les résultats scolaires de l’élève. Les travaux antérieurs établissent clairement un lien négatif entre l’anxiété, qu’elle soit générale, scolaire ou en situation d’examen, et la réussite scolaire de l’élève (voir par exemple, Chapell, Blanding, Silverstein, Takahashi, Newmann, Gubi et McCann, 2005 ; Demangeon, 1971 ; Reuchlin, 1991). Ce lien est le plus souvent interprété comme résultant de l’intervention de variables connexes comme par exemple le niveau intellectuel, les interférences cognitivo-motivationnelles au moment de l’examen ou encore les méthodes de travail des élèves.
15Dans la lignée des travaux antérieurs, nous souhaitions ainsi tester l’hypothèse selon laquelle l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, dans ses trois dimensions, est d’autant plus forte que les performances scolaires de l’élève sont faibles. Cette hypothèse reposait sur l’idée selon laquelle il convient de distinguer l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel de la motivation pour la réussite scolaire. Cette distinction et cette hypothèse se fondaient sur l’idée selon laquelle la force de cette anxiété spécifique résulterait pour une part des évaluations scolaires reçues par l’élève tout au long de son cursus : plus il a accumulé de résultats scolaires faibles, plus il s’inquiète pour son avenir scolaire et professionnel, et en particulier plus il peut craindre d’échouer ou de décevoir ses parents sur le plan scolaire et professionnel. Cette crainte de l’échec et d’une déception parentale contribuerait en retour à diminuer les performances scolaires de l’élève.
1.6 – L’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel comme composante d’un habitus social
16Le concept d’habitus théorisé puis popularisé par les travaux de Bourdieu (1979, 1980) définit un système de dispositions durable (unités de pensé, croyances, perceptions, sentiment, action…) propre à chaque individu et fruit d’un apprentissage commun aux membres du groupe social auquel il appartient. Cet habitus fournit aux individus une grille de lecture pour interpréter le monde social et s’y adapter. L’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel constituerait ainsi une composante d’un habitus social au sens où les manières de percevoir son avenir scolaire et professionnel serait propre à chacun et résulteraient des expériences de vie et processus de socialisation communs au groupe social auquel l’individu appartient.
1.7 – Un habitus marqué par la classe sociale
17La force de cette anxiété spécifique était supposée résulter, indépendamment des résultats scolaires de l’élève, des expériences de vie liées à sa classe sociale. On peut en effet aisément concevoir que l’exposition des individus des classes sociales défavorisées à des conditions de travail et de vie à la fois plus contraignantes et difficiles, conséquences de l’exercice de métiers exigeant de faibles qualifications et offrant de faibles ressources économiques, est susceptible d’induire plus fréquemment tout au long de la vie des états émotionnels négatifs. De fait, quelques rares travaux abordant cette question démontrent que des perturbations émotionnelles telles que l’anxiété, la dépression ou l’hostilité sont plus fréquentes chez les personnes de faible statut socio-économique (Eaton, Muntaner, Bovasso et Smith, 2001 ; Gallo et Matthews, 2003 ; Simon, 2007). Les personnes appartenant à ces classes sociales rencontrent plus fréquemment et de manière chronique des évènements de vie difficiles et stressants, tels que chômage, maladie, invalidité ou difficultés scolaires des enfants (Turner, Wheaton, et Lloyd, 1995). Ces événements sont d’autant plus stressants que ces personnes disposent de faibles ressources économiques, culturelles et sociales pour y faire face. En outre, l’espace d’initiative réduit caractérisant le plus souvent les conditions de travail de ces personnes et leur dépendance plus grande, au sein du milieu professionnel, à l’égard de la hiérarchie font qu’elles subissent probablement avec moins de contrôle possible les conditions de vie et de travail et les évènements qui leur arrivent. Dans le même ordre d’idée, Kohn (1963) soulignait dès les années 60’ la relation étroite entre les valeurs dominantes d’une classe sociale et les conditions d’exercice de la profession : par exemple, les professions de classe moyenne sollicitent souvent des qualités d’initiative, de goût des relations interpersonnelles tandis que les professions de la classe ouvrière font d’avantage appel à la conformité à des règles établies par quelqu’un ayant fonction d’autorité (obéissance, politesse, propreté…).
18Cette situation de plus grande vulnérabilité vis à vis de l’avenir peut être fortement génératrice de stress pour les enfants ou adolescents appartenant aux classes sociales défavorisées. Ils font l’expérience de conditions de vies difficiles et éprouvantes de façon directe, mais aussi de façon indirecte, par exemple par le truchement d’expériences négatives éprouvées par les membres de leur famille dans des domaines divers, dont notamment celui professionnel. On peut rappeler à cet égard le rôle non négligeable des expériences vicariantes chez les enfants et adolescents dans l’apprentissage qu’ils font d’un sentiment plus ou moins élevé d’efficacité, c’est-à-dire la confiance dans sa capacité relative à un domaine particulier ; ce sentiment d’efficacité contribuant directement ou indirectement à la formation des intérêts et des choix scolaires et professionnels futurs (Bandura, 1997, 2003 ; Lent, 2008). L’effet stressant, pour l’enfant ou l’adolescent, d’un milieu socio-économique pauvre peut également tenir au rapport peu intime de leur famille avec la culture et à leurs difficultés en matière de réussite et d’orientation scolaires (Bourdieu, 1970 ; 1985 ; Duru-Bellat, 2002 ; Lautrey, 1980). Ces différents facteurs sont susceptibles de préparer les adolescents de milieu socio-économique défavorisé à entrevoir leur avenir scolaire et professionnel de manière moins optimiste et plus anxiogène que ceux issus des classes moyennes ou supérieures. C’est pourquoi nous faisions l’hypothèse que ces adolescents, porteurs pourtant comme les autres des espoirs d’ascension sociale de leur famille (Peugny, 2009) et désireux de ne pas décevoir leurs parents, auraient davantage que les autres peur d’échouer et peur de décevoir leurs parents. De même, bien que dans une moindre mesure, nous nous attendions à ce que les adolescents issus des classes moyennes éprouvent une peur d’échouer et une peur de décevoir leurs parents plus intenses que ceux issus des classes sociales favorisées.
1.8 – Un habitus marqué par les rôles sexués
19Les travaux empiriques relatifs à la question de l’expression des émotions rapportent classiquement des différences significatives entre hommes et femmes. Les femmes déclarent généralement à la fois éprouver des émotions négatives plus fréquentes et plus intenses que les hommes (par exemple, Brody et Hall, 1993 ; Endler, Edwards et Vitelli, 1991 ; Endler, Parker, Bagby et Cox, 1991 ; Fergusson et Eyre, 2000 ; Madden, Barrett et Pietromonaco, 2000), en particulier lorsqu’il s’agit d’émotions négatives impliquant la vulnérabilité du soi propre comme la culpabilité, la honte, la peur. Elles rapportent également des émotions positives plus fréquentes et plus intenses (Alexander et Wood, 2000). Des mécanismes psycho-sociaux traduisant l’expression de normes associées aux rôles sociaux traditionnellement masculins et féminins fondés eux-mêmes sur la division sexuée du travail et la position sociale des individus dans la société contribueraient à expliquer l’expression plus importantes de ces émotions par les femmes que par les hommes (Brody et Hall, 1993 ; Eagly, 1987 ; Fischer, 2000). Les activités de soins et les métiers sociaux, généralement dévolus aux femmes, requièrent des compétences sociales, l’expression d’émotions positives, de l’empathie, de l’attention à autrui, de la sensibilité aux émotions des autres… nécessaires à la création et au maintien des liens sociaux. L’expérience et l’expression des émotions remplissant de telles fonctions peuvent dès lors être conçues comme constituant un des rôles traditionnellement réservés aux femmes. En outre, la position sociale des femmes le plus souvent inférieure à celle des hommes – conséquences notamment de leur engagement dans des métiers moins prestigieux et moins rémunérateurs – les inscrit dans un état de plus grande vulnérabilité, de détresse et de dépendance, état inducteur d’émotions négatives comme l’anxiété, la tristesse, la honte, la culpabilité. Hommes et femmes adhèrent ainsi, consciemment ou non, à des règles sociales d’expression et de régulation émotionnelles différentes selon les rôles qu’ils sont censés occuper dans la société ; règles qui invitent les unes à exprimer clairement certaines émotions alors qu’elles dévalorisent chez les autres l’expression de ces mêmes émotions (Fisher, 1993). C’est pourquoi nous nous attendions à ce que, comme dans les recherches antérieures, les filles présentent un niveau d’anxiété trait général plus élevé que les garçons (par exemple, Madden, Feldman Barret, Pietromonaco, 2000). Parce que les femmes sont socialisées depuis la plus petite enfance pour remplir au sein de la société des fonctions de soins et exercer des métiers sociaux (Duru-Bella, 1991 ; Duru-Bella, 2004), - on peut rappeler à cet égard qu’à compétences scientifiques équivalentes celles-ci s’orientent moins fréquemment vers une filière scientifique que les garçons (Duru-Bellat, Jarousse, Labopin, Perrier, 1993) - et parce que ces activités et métiers les exposent à un avenir plus incertain se traduisant par une plus forte précarité et vulnérabilité (chômage et déclassement plus importants, rémunération plus faible) (Joseph, Lopez et Ryk, 2008), elles seront en moyenne à la fois plus souvent disposées à, et contraintes d’éprouver et d’exprimer des émotions reflétant une telle vulnérabilité. Pour ces raisons, et a fortiori lorsque la situation socio-économique d’un pays est défavorable, nous faisions l’hypothèse que les adolescentes, lorsqu’elles se projettent dans leur avenir scolaire et professionnel, devraient déclarer ressentir une peur significativement plus importante que les garçons, peur d’échouer, peur de décevoir ses parents, et peur de s’éloigner de ses proches. Cette hypothèse reposait aussi sur la moindre valorisation par différents vecteurs (famille, pairs, médias, école), de l’indépendance des filles vis à vis d’autrui, de leurs compétences et sentiment de compétences notamment dans les disciplines les plus prestigieuses, et sur le fait qu’elles sont en moyenne plus fortement que les garçons encouragées à se conformer aux attentes des adultes (Duru-Bellat, 1994, 1995). Compte tenu que nous faisions l’hypothèse que les filles auraient un niveau d’anxiété plus élevé que les garçons pour l’anxiété trait générale et pour cette anxiété trait spécifique, un objectif plus précis de la recherche était d’analyser dans quelle mesure l’effet du sexe sur l’anxiété spécifique serait médiatisé par l’anxiété générale, et dans quelle mesure l’effet du sexe sur celle-ci serait médiatisé par celle-là.
1.9 – Synthèse
20Ainsi, les affects, dans la mesure où ils constituent des manières durables d’être, de ressentir et de réagir à certains contextes ou situations et, caractérisent les membres d’un même groupe social défini (par exemple par son sexe ou sa classe sociale) ayant été confrontés à des expériences similaires et à des processus de socialisation comparables, constitueraient, selon nous, un habitus au sens défini par Bourdieu (1980). Par des modes de socialisation et des expériences de vie différents, les adolescents, selon leur sexe ou leur classe sociale d’origine, et sous l’influence des membres de la famille, ont intériorisé leurs chances objectives de réussite et sont ainsi plus ou moins préparés à percevoir leur avenir scolaire et professionnel de manière anxiogène.
1.10 – Objectifs et Hypothèses théoriques
21En résumé, nous formulons les objectifs et hypothèses suivantes :
- L’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel devrait s’organiser selon un modèle hiérarchique à deux niveaux : à un premier niveau, un facteur général d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel qui se décline, à un deuxième niveau, en trois dimensions spécifiques correspondant à la peur d’échouer, la peur de décevoir ses parents, et la peur de s’éloigner.
- Bien qu’elles soient relatives à un contexte particulier, l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle ainsi que ses trois dimensions spécifiques, devraient théoriquement, du fait qu’elles sont conçues comme un trait, être significativement et positivement corrélée avec l’anxiété trait générale.
- Le niveau d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, et plus spécifiquement, la peur d’échouer et de décevoir ses parents, devrait être significativement et négativement associées au niveau scolaire des élèves.
- Les filles devraient manifester un niveau significativement plus élevé que les garçons, d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, de peur d’échouer, de peur de décevoir ses parents, et de peur de s’éloigner de son entourage proche. Cette supériorité de l’anxiété chez les filles devrait caractériser ses différentes formes du fait des rôles sexués et tout spécialement celle suscitée par l’avenir scolaire et professionnel du fait des inégalités de sexe marquant les carrières professionnelles.
- Plus la classe sociale à laquelle appartiennent les adolescents est faible, plus leur anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, en particulier la peur d’échouer er de décevoir les parents, devrait être élevée, alors que de telles variations selon la classe sociale n’ont pas de raison d’apparaître pour l’anxiété trait générale.
2 – Méthode
2.1 – Participants
22Trois-cent treize adolescents (48 % de garçons) d’un milieu socio-économique faible, moyen ou élevé ont participé à l’enquête. Aucune différence significative de niveau socio-économique n’a été constatée entre garçons et filles. L’âge moyen de l’échantillon est de 15,19 ans (ET = 0,79), avec un âge minimum de 13,83 et un âge maximum de 18,17 ans. Les filles et les garçons ne se différencient pas sur cette variable. Les adolescents qui ont participé à l’enquête sont issus de quatre collèges d’enseignement public du sud de la France et de la région parisienne, dont deux sont classés en Zone d’Éducation Prioritaire. Tous fréquentaient la classe de troisième.
23Les élèves ont été regroupés en trois grandes catégories de milieu socio-économique (modeste, moyen, et aisé) à partir de leur réponse à la catégorie socioprofessionnelle du père. En raison de l’homogamie sociale élevée des conjoints (Kellerhals, Troutot, et Lazega, 1994) et de la fréquence plus importante des hommes a exercer un emploi, ce dernier en moyenne également plus rémunérateur que celui des femmes, nous avons fait le choix d’utiliser comme critère de référence pour la construction des classes sociales la catégorie socioprofessionnelle du père. La classe sociale de niveau peu élevé regroupe ainsi les catégories socioprofessionnelles des ouvriers et des employés (non qualifiés, qualifiés ou assimilés) et représente 46 % des participants ayant répondu. La classe sociale de niveau moyen fait référence aux professions intermédiaires (par exemple, professeur des écoles, infirmiers, techniciens, comptables…), aux agriculteurs exploitants, aux artisans, aux commerçants ou chefs d’entreprise et représente 27,03 % des participants. La classe sociale de niveau élevé correspond aux cadres et aux professions intellectuelles supérieures (par exemple, professions libérales, chercheurs, journalistes, ingénieurs…) et représente 25,60 % des participants.
2.2 – Mesures
24L’anxiété. Deux échelles ont été utilisées pour évaluer deux formes d’anxiété : l’anxiété trait générale et l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel. L’anxiété trait générale a été mesurée à l’aide de la version française de l’inventaire de l’anxiété trait de Spielberger (Bruchon-Schweizer et Paulhan, 1993). L’échelle est composée de 20 items qui apprécient le niveau d’anxiété en général sans référence à un contexte particulier (par exemple, « Je m’inquiète à propos de choses sans importance »). Les adolescents devaient répondre sur une échelle de Likert de 1 (« Jamais ou presque jamais ») à 4 (« Toujours ou presque toujours »). Nous avons obtenu un alpha de Cronbach de .87, ce qui témoigne d’une consistance interne très satisfaisante de l’échelle.
25L’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel a été évaluée grâce à l’Inventaire d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, dont une version préliminaire avait déjà été utilisée par Vignoli, Croity-Belz, Chapeland, De Fillipis et Garcia (2005). Pour évaluer ce construit psychologique conçu comme structuré en trois dimensions, nous avons élaboré un questionnaire de 29 items, présentés dans l’Annexe A. La peur d’échouer dans son parcours scolaire et professionnel constitue une première dimension du modèle (par exemple, « Je pense sans arrêt que je ne vais pas réussir mes études futures »). Onze items étaient destinés à évaluer cette dimensions (numéros 1, 2, 7, 11, 13, 15, 18, 19, 21, 24, 27). La seconde dimension est la peur de décevoir ses parents par ses propres choix scolaires et professionnels (par exemple, « Je crains que mes parents ne comprennent pas mes choix d’études et de professions »). Huit items ont été conçus pour mesurer cette dimension (numéros 3, 6, 9, 16, 17, 22, 25, 28). La troisième dimension est définie par la peur de l’adolescent(e) de devoir s’éloigner de ses autruis significatifs (familles et amis notamment) en vue de poursuivre son parcours scolaire ou professionnel (par exemple, « Je crains que mes études m’éloignent de mes amis »). Pour évaluer cette troisième dimension, nous avons construit 10 items (numéros 4, 5, 8, 10, 12, 14, 20, 23, 26, 29). Les adolescents devaient indiquer sur une échelle de Likert allant de 1 (« Pas du tout ») à 5 (« Tout à fait ») dans quelle mesure les propositions correspondaient à la perception qu’ils avaient de leur avenir scolaire et professionnel [2].
2.3 – Réussite scolaire
26La moyenne scolaire qui correspond au second trimestre de l’année scolaire et constitue un indice de la réussite scolaire a été recueillie pour chaque élève auprès des chefs d’établissement.
2.4 – Procédure
27Les adolescents ont rempli l’ensemble des questionnaires en classe lors d’une séance unique destinée à cet effet. Ils étaient assurés en début de séance de la confidentialité des résultats et informés en fin de séances des objectifs de l’étude. En accord avec l’administration du collège, l’autorisation parentale pour la participation à l’enquête a été sollicitée. Tous les parents ont accordé leur consentement écrit.
3 – Résultats
3.1 – Structure factorielle
28Afin de s’assurer que l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel constitue un même construit psychologique structuré en trois dimensions obliques, les 29 items du questionnaire évaluant cette anxiété ont été soumis à une analyse factorielle hiérarchique (cf. Tableau 1, pages suivantes). Les résultats indiquent l’existence d’un facteur de second-ordre correspondant à un facteur général d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle, et celle de trois facteurs de premier ordre correspondant clairement respectivement à la Peur de décevoir ses parents (31,22 % de la variance expliquée), la Peur de s’éloigner des autruis significatifs (12,30 %) et la Peur d’échouer (6,35 %), s’agissant de son avenir scolaire et professionnel. À l’issue de cette première analyse, nous avons constaté toutefois que deux des 29 items (les items 23 et 26) ne saturaient que faiblement (respectivement à .10 et .15) sur le facteur de second ordre. Par ailleurs, bien que les facteurs de premier ordre fassent clairement ressortir les trois dimensions attendues, les items 11 e 19 saturaient de manière équivalente sur les dimensions Peur d’échouer et Peur de s’éloigner des autruis significatifs.
Analyse factorielle hiérarchique pour l’ensemble des items d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel
Analyse factorielle hiérarchique pour l’ensemble des items d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel
29Pour ces raisons, nous avons effectué une seconde analyse factorielle hiérarchique sur 27 items uniquement, après avoir exclu les items 23 et 26 destinés initialement à évaluer la dimension Peur de s’éloigner des autruis significatifs, afin de nous assurer de l’existence éventuelle d’une meilleure solution factorielle. Comme précédemment, la nouvelle solution factorielle, qui explique 51,62 % de variance (voir tableau 1), indique la présence d’un facteur de second ordre correspondant à un facteur général d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, et celle de trois facteurs de premier-ordre. Mais cette fois, tous les items saturent correctement sur le facteur de second ordre (de .30 à .62). Le premier facteur de premier-ordre qui est caractérisé par une saturation assez élevé des items 1, 2, 7, 11, 13, 15, 18, 19, 21, 23 (item 24 dans la version de 29 items), 25 (anciennement item 27) réunit précisément l’ensemble des items destinés à évaluer la Peur d’échouer. Le second facteur de premier-ordre, saturé par les items 4, 5, 8, 10, 12, 14, 20, et 27 (anciennement 29) fait clairement ressortir la dimension Peur de s’éloigner de ses autruis significatifs dans le cadre de la poursuite son parcours scolaire ou professionnel. Enfin, le troisième facteur de premier-ordre, caractérisé par une saturation élevée des items 3, 6, 9, 16, 17, 22, 24 (anciennement item 25), et 26 (anciennement items 28) reflète parfaitement la dimension Peur de décevoir ses parents par ses propres choix scolaires et professionnels. Les trois dimensions attendues ressortent donc clairement de cette analyse, même s’il est à noter que les saturations des items sont plus faibles pour les facteurs 1 et 3 que pour le deuxième. En outre, pour certains items comme les 6 et 11, la saturation n’est que légèrement plus forte sur leur facteur théorique que sur les autres.
3.2 – Consistance interne
30Afin de nous assurer de la fiabilité de l’inventaire d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, nous avons calculé pour chacune des trois sous-échelles un alpha de Chronbach. Ces derniers qui sont respectivement de .92, .89, .88 et .84 pour l’échelle globale d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle, la Peur d’échouer, la Peur de s’éloigner de ses autruis significatifs et celle de décevoir ses parents témoignent d’une consistance interne élevée pour chacune de ces dimensions.
3.3 – Inter-corrélations
31Afin de rendre compte des liaisons entre les différentes variables étudiées, et notamment entre les différentes formes d’anxiété, des corrélations Bravais-Pearson ont été calculées. Les corrélations entre les différentes dimensions de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel indiquent, comme on pouvait s’y attendre, que les trois dimensions spécifiques de l’anxiété sont très fortement corrélées avec la dimension globale (cf. tableau 2, ci-contre). Par ailleurs, les dimensions spécifiques sont fortement ou assez fortement corrélées entre elles.
Corrélations entre les différentes échelles et sous-échelles(*),(**),(***)
Corrélations entre les différentes échelles et sous-échelles(*),(**),(***)
(*) p < .05 ;(**) p < .001 ;
(***) p < .0001
32On voit aussi dans le tableau 2 que l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, qu’il s’agisse du score global ou des scores des trois sous-échelles, apparaît bien corrélée avec l’anxiété générale, sans toutefois se confondre avec elle. Enfin, le niveau scolaire des élèves apparaît négativement corrélé avec l’anxiété générale, faiblement il est vrai. La corrélation négative est en revanche plus forte avec la dimension globale d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle, et avec les deux dimensions spécifiques que sont la Peur d’échouer et la Peur de décevoir les parents. Le niveau scolaire n’est par contre pas lié à la Peur de s’éloigner des autruis significatifs dans le cadre de la poursuite de son parcours scolaire et professionnel.
3.4 – Moyennes et différences entre garçons et filles
33Les scores moyens et écart-types qui ont été calculés sur chacune des variables (cf. tableau 3, ci-contre) montrent chez les élèves un niveau modéré d’anxiété générale. Les scores moyens d’anxiété qui se situent aux alentours de 2 sur une échelle de 1 à 4 correspondent à la déclaration d’expériences occasionnelle d’anxiété. De même, les scores aux différentes formes d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel qui se situent entre 1,82 et 2,78 sur une échelle de 1 à 5 témoignent d’expériences occasionnelles d’anxiété (« un peu » à « modérément »). Le niveau scolaire moyen est par ailleurs proche de 12 sur 20.
Moyennes et écart-types pour les différentes variables de l’échantillon total, et séparément pour les filles et les garçons(*),(**),(***)
Moyennes et écart-types pour les différentes variables de l’échantillon total, et séparément pour les filles et les garçons(*),(**),(***)
(*) p<.01 ;(**) p<.001 ;
(***) p<.0001
34Afin de tester l’hypothèse d’un niveau plus élevé d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel chez les filles que chez les garçons, nous avons calculé des ts de Student pour les trois sous-échelles de cette anxiété spécifique et pour son score global. Afin de s’assurer de la conformité de nos données aux constats systématiquement établis par les recherches antérieures (Reuchlin, 1991), nous nous sommes assurés à l’aide d’un t de Student que les filles avaient en moyenne des résultats scolaires supérieurs à ceux des garçons. En effet le t de Student comparant les résultats scolaires des filles et des garçons confirme avec le présent échantillon de participants la supériorité des filles, qui se situent en moyenne un point au-dessus des garçons. Mais paradoxalement la Manova portant sur l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle indique que les scores moyens des filles sont supérieurs à ceux des garçons pour les trois sous-échelles d’anxiété (cf. tableau 3).
35À la suite de ces premières analyses, nous avons cherché à préciser le soutien empirique apporté à l’hypothèse selon laquelle l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle est plus forte chez les filles que chez les garçons. Étant donné la liaison entre le sexe des élèves et leur niveau scolaire d’une part, et le sexe des élèves et le niveau d’anxiété d’autre part, nous avons effectué une analyse de régression pas à pas en introduisant le niveau scolaire dans un premier temps, et le sexe dans un deuxième temps, afin d’évaluer la part de variance restant expliquée par cette dernière variable dans les différentes formes d’anxiété. Comme l’indique le tableau 5, lorsque le niveau scolaire est contrôlé, la part de variance de l’anxiété expliquée par la variable sexe est significative et même plus importante qu’en l’absence de ce contrôle.
Moyennes, écart-types et valeur du F pour les différentes variables selon la classe sociale(*),(**)
Moyennes, écart-types et valeur du F pour les différentes variables selon la classe sociale(*),(**)
(*) p < .08 ;(**) p < .0001.
Les moyennes sur une même ligne qui ne partagent pas le même astérisque diffère à .01
Bêta et augmentation du R² pour l’analyse de régression pas à pas expliquant les variations de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel(*),(**),(***)
Bêta et augmentation du R² pour l’analyse de régression pas à pas expliquant les variations de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel(*),(**),(***)
(*) p < .01(**) p < .001
(***) p < .0001
3.5 – Classe sociale de l’élève et anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel
36Des ANOVAs ont été effectuées avec comme variable indépendante le type de milieu socio-économique et comme variable dépendante alternativement l’une des sept variables de la recherche (voir tableau 4). Lorsque l’effet est significatif, la réalisation d’un test de Scheffé nous permet de préciser les contrastes. Ces analyses ne montrent pas de variations significatives du niveau moyen d’anxiété générale entre ces différents milieux. En revanche, sans surprise et comme les travaux antérieurs classiques permettaient de l’anticiper (voir par exemple Reuchlin, 1991), le niveau scolaire moyen varie de manière significative d’un milieu socio-économique à l’autre. Ainsi, les élèves issus d’un milieu socio-économique faible obtiennent une moyenne scolaire significativement plus faible que ceux issus d’un milieu socio-économique moyen (p < .0001) ou que ceux issus d’un milieu favorisé (p < .0001). Bien qu’étant plus élevée comme attendu, la moyenne scolaire des élèves issus de milieu socio-économique favorisé ne diffère pas significativement de ceux issus d’un milieu moyen. De même, conformément à notre hypothèse, on observe des variations significatives d’un milieu à l’autre pour ce qui est du niveau global d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel et de ces différentes formes : la peur d’échouer sur le plan scolaire et professionnel apparaît significativement plus forte chez les élèves issus d’un milieu socio-économique faible (p < .0001) ou d’un milieu socio-économique moyen (p < .0001) comparativement à ceux issus d’un milieu favorisé ; aucune différence significative n’est par contre constatée entre les élèves de milieu socio-économique faible et ceux de milieu socio-économique moyen. La peur de décevoir ses parents est quant à elle plus élevée chez les élèves de milieu socio-économique faible comparativement à ceux de milieu socio-économique moyen (p < .005) ou de milieu socio-économique favorisé (p < .0001), mais il n’y a pas de différence significative entre ceux de milieu socio-économique moyen et ceux issus d’un milieu socio-économique aisé. Enfin, la peur de s’éloigner de ses autruis significatifs apparaît moins élevée chez les élèves issus d’un milieu socio-économique favorisé comparativement à ceux issus des deux autres milieux socio-économiques (voir tableau 4). Pour cette troisième forme d’anxiété, le test de Scheffé ne fait toutefois pas ressortir de différences significatives dans les comparaisons deux à deux.
37Nous avons ensuite cherché à préciser dans quelle mesure les variations de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel associées au niveau socio-économique de l’élève ne seraient pas en fait uniquement ou partiellement imputables à ses résultats scolaires. Cela, compte tenu des liaisons constatées entre d’une part, le niveau scolaire de l’élève et la catégorie socioprofessionnelle de son père, et d’autre part, le niveau scolaire de l’élève et son niveau d’anxiété face à l’avenir scolaire et professionnel. Aussi, afin de nous assurer que la catégorie socioprofessionnelle du père joue un rôle dans les variations de l’intensité de l’anxiété suscité par l’avenir scolaire et professionnel, nous avons effectué une analyse de régression pas à pas en cherchant à contrôler dans un premier temps le niveau scolaire des élèves. Pour ce faire, le niveau scolaire a été entré en premier dans l’analyse, suivi de la classe sociale. Ce faisant, nous avons examiné dans quelle mesure le niveau scolaire est lié aux variations du niveau d’anxiété, puis dans quelle mesure la classe sociale d’origine ajoute une contribution complémentaire à cette première part explicative.
38Les résultats qui sont présentés dans le tableau 6 indiquent que plus le niveau scolaire est élevé moins les élèves ont peur d’échouer et ont peur de décevoir leurs parents par leurs parcours scolaires et professionnels. La peur de s’éloigner de ses partenaires significatifs dans le cadre de son parcours scolaire et professionnel n’est par contre pas associée au niveau scolaire. On constate en outre que la classe sociale d’origine des élèves apporte une contribution significative supplémentaire, bien que de moindre importance, à celui du niveau scolaire. Après avoir contrôlé le niveau scolaire des élèves, on constate que plus les élèves sont issus d’un milieu socio-économique modeste, plus ils ont peur d’échouer ou peur de décevoir leurs parents sur le plan scolaire et professionnel. Là encore, aucun lien significatif n’est observé entre la classe sociale d’origine des adolescents et la peur de s’éloigner des autruis significatifs.
Bêta et augmentation du R² pour l’analyse de régression pas à pas expliquant les variations de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel(*),(**),(***)
Bêta et augmentation du R² pour l’analyse de régression pas à pas expliquant les variations de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel(*),(**),(***)
(*) p < .01(**) p < .001 ;
(***) p < .0001
39Enfin, l’un des objectifs de la recherche consistait à examiner deux modèles, l’un dans lequel l’anxiété générale joue un rôle intermédiaire dans l’explication des différences de sexe dans l’anxiété vis-à-vis de son avenir scolaire et professionnel, l’autre dans lequel l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle tient un rôle intermédiaire dans l’explication des différences de sexe dans l’anxiété générale. Pour vérifier ces hypothèses de médiation, nous nous référons aux trois équations de Baron et Kenny (1986). « Premièrement, on régresse la variable médiatrice sur la variable indépendante. Deuxièmement, on régresse la variable dépendante sur la variable dépendante. Troisièmement, on régresse la variable dépendante sur la variable indépendante et la variable médiatrice. Pour conclure à un effet de la variable médiatrice, les conditions suivantes doivent être remplies : (1) la variable indépendante doit avoir un effet significatif sur la variable médiatrice dans la première équation, (2) la variable indépendante doit avoir une effet significatif sur la variable dépendante dans la deuxième équation et (3) la variable médiatrice doit avoir un effet significatif sur la variable dépendante dans la troisième équation. (4) Si ces trois conditions sont remplies, alors l’effet de la variable indépendante sur la variable dépendante dans la troisième équation doit être moins important que son effet dans la seconde équation. Si cet effet est nul dans la troisième équation, on parle de médiation parfaite. Dans le cas contraire il s’agit d’une médiation partielle (Baron et Kenny, 1986, p. 1177).
40Dans le premier modèle, le sexe constitue la variable indépendante, l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle, la variable dépendante, et l’anxiété générale, la variable médiatrice. En accord avec le modèle de Baron et Kenny (1986), le sexe est significativement lié au niveau d’anxiété générale ; le sexe est significativement lié au niveau d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle ; l’anxiété générale est significativement associée à l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle (tableau 7). On constate en outre que la médiation de l’anxiété générale est parfaite dans la mesure où l’effet du sexe sur l’anxiété suscitée par l’avenir, dans la troisième équation, est nul lorsqu’on contrôle la variable médiatrice, alors qu’il est de -.21 dans la seconde équation, lorsque celle-ci n’est pas contrôlée.
41Dans le second modèle, le sexe constitue la variable indépendante, l’anxiété générale, la variable dépendante, et l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle, la variable médiatrice. Conformément au modèle de Baron et Kenny (1986), le sexe est significativement lié au niveau d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle ; le sexe est significativement lié au niveau d’anxiété générale ; l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle est significativement lié au niveau d’anxiété générale. L’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle joue un rôle médiateur mais cette médiation n’est que partielle dans la mesure où l’effet du sexe sur l’anxiété générale, dans la troisième équation, est moins important (-.20) que dans la seconde équation (-.31) [3].
4 – Discussion
42L’un des objectifs de cet article consistait à explorer la structure factorielle d’un questionnaire standardisé destiné à évaluer à l’aide d’échelles de Likert la force de trois motifs de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel chez des adolescents de quinze ans. Ces trois motifs, suggérés par une analyse de contenu des réponses données par des adolescents de même âge à des questions ouvertes (Gantelet, 2000) étaient : la peur d’échouer, la peur de décevoir ses parents par ses choix scolaires et professionnels, et la peur de s’éloigner de ses autruis significatifs dans le cadre de la poursuite de son parcours scolaire et professionnel. Les résultats de l’analyse factorielle exploratoire hiérarchique ont abouti à une solution en trois facteurs de premier ordre obliques, correspondant à ces trois motifs, et un facteur de second ordre, indiquant que tous les trois relèvent bien d’une même anxiété spécifique. Parmi les trois facteurs distingués, la peur d’échouer explique le pourcentage le plus élevé de variance, puis respectivement la peur de s’éloigner de ses autruis significatifs, et la peur de décevoir. Les corrélations positives modérément élevées entre le trait général anxiété et l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel suggèrent que ce nouveau construit constitue une caractéristique individuelle de personnalité relative à un contexte telle que permettent de les concevoir les modèles contemporains de personnalité, qui intègrent les notions de trait et de classe de situations (Bernaud, 2008 ; Endler, Parker, Bagby et Cox, 1991 ; Huteau, 1985). Ces résultats doivent toutefois être généralisés avec prudence en raison notamment de saturations plus faibles des items sur deux des trois facteurs et du fait qu’une petite minorité d’items présentent des saturations parfois assez proches sur au moins deux des trois sous-dimensions de l’anxiété. Il conviendrait par conséquent de confirmer la structure de ce nouveau construit sur d’autres échantillons.
Analyses de régression avec les variables sexe, anxiété générale et anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle pour la totalité de l’échantillon(*)
Analyses de régression avec les variables sexe, anxiété générale et anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle pour la totalité de l’échantillon(*)
Note.(*) p < .0001
43Les liens modérément élevés entre les différents motifs d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, ainsi qu’entre eux et l’anxiété trait générale témoignent de l’originalité de ce construit et de la spécificité de ces trois dimensions. Seules la peur déchouer et la peur de décevoir ses parents présentent une relation relativement élevée entre elles, qui témoigne d’un recouvrement partiel entre ces deux facteurs d’anxiété chez les adolescents. Âgés de 15 ans, les adolescents ayant participé à cette recherche se situent à la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire, période charnière entre la prime et la grande adolescence, et premier palier d’orientation en France. L’association élevée entre ces deux facteurs d’anxiété caractérise selon nous les relations de dépendance encore assez forte qui existent entre les émotions éprouvées par les jeunes adolescents, notamment les émotions en rapport avec la conscience de soi, et leur attachement aux parents (Papini et Rogman, 1992). Les parents demeurent en effet à l’adolescence des référents identitaires et des partenaires de discussion privilégiés pour tout ce qui est relatif aux choix importants de vie comme le sont les questions relatives à leur avenir scolaire et professionnel (Coleman et Hendry, 1999 ; Geca et Seff, 1990 ; Paa et McWhiter, 2000 ; Vignoli, Nils et Rimé, 2005 ; Whiston et Keller, 2004). En outre, bien que gagnant en réciprocité, les relations des parents avec l’adolescent se caractérisent encore essentiellement par une autorité unilatérale (Hunter, 1984 ; Youniss et Smollar, 1985). Sommés par l’institution scolaire de faire des choix, la peur d’échouer des adolescents pourrait s’avérer ainsi d’autant plus liée à celle de décevoir les parents que la conscience qu’ils ont de l’importance des décisions relatives à leur avenir scolaire et professionnel et celle du rôle des parents dans ces décisions est plus aigüe. Il est probable que le recouvrement entre ces deux motifs d’anxiété soit amené à diminuer progressivement à la fin l’adolescence.
44Le niveau scolaire moyen des adolescents, bien qu’avec plus ou moins de force, est lié aux différentes formes d’anxiété : plus les résultats scolaires sont faibles, plus l’anxiété est forte. Les plus élevées de ces corrélations négatives apparaissent toutefois avec l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel et ses différentes composantes ; la corrélation la plus faible avec l’anxiété générale. Ainsi la position sociale de l’élève parmi ses pairs comme étant un plus ou moins bon élève s’avère significativement associée et de manière non négligeable à son bien-être émotionnel, et plus précisément aux différentes peurs qu’il peut éprouver à l’égard de son avenir scolaire et professionnel. Ces résultats confirment dans l’ensemble la relation négative bien connue entre l’anxiété et les performances scolaires (par exemple, Chapell et coll., 2005 ; Reuchlin, 1991), tout en montrant la relation plus étroite de la peur d’échouer et la peur de décevoir ses parents avec ce type de performances. Ce lien peut-être interprété de deux façons, l’influence entre les deux variables étant probablement bi-directionnel. Premièrement, la peur de ne pas réussir ou de décevoir ses parents sur le plan scolaire et professionnel entraine des interférences cognitivo-émotionnelles qui diminuent l’efficacité des processus cognitifs alloués par les adolescents à leurs tâches scolaires (Reuchlin, 1991). Comme le soulignent classiquement certains auteurs (Eysenck, 1992 ; Sarazon, 1972 ; Wine, 1971), les individus anxieux focalisent leur attention sur les stimuli anxiogènes, ce qui restreint en proportion celle allouée aux indices pertinents pour traiter certaines tâches. Deuxièmement, l’accumulation des résultats scolaires faibles contribue à alimenter en retour l’appréhension des adolescents vis-à-vis des attentes de leurs parents et de leur avenir scolaire et professionnel, celui-ci se faisant d’autant plus menaçant.
45Un autre objectif de l’article était d’examiner les différences entre garçons et filles pour ce qui est de l’anxiété, en particulier à l’égard de leur avenir scolaire et professionnel. Comme nous nous y attendions, les filles rapportent un niveau significativement plus intense d’anxiété générale, et d’anxiété globale à l’égard de leur avenir scolaire et professionnel, une peur également plus intense d’échouer, de décevoir leurs parents ou de s’éloigner de leurs autruis significatifs dans le cadre de leurs parcours scolaires et professionnels. Cette anxiété plus forte des filles à l’égard de leur avenir scolaire et professionnel apparaît alors même que ces dernières présentent un niveau scolaire moyen significativement plus élevé d’un point que celui des garçons. Lorsque la supériorité des performances scolaires des filles par rapport à celles des garçons est contrôlée statistiquement, on constate que les différents niveaux d’anxiété des filles sont encore plus élevés que ceux des garçons. Ces résultats vont dans le sens de travaux antérieurs indiquant une peur ou anxiété plus intense chez les filles et les femmes que chez les garçons et les hommes (Endler, Edwards et Vitelli, 1991 ; Endler, Parker, Bagby et Cox, 1991 ; Madden, Feldman Barret, Pietromonaco, 2000). Les personnes de sexe féminin n’ont toutefois pas systématiquement des niveaux de peur, d’anxiété ou d’évitement plus élevés comparativement à celles de sexe masculin. Les travaux sur le tempérament en particulier (par exemple, Martin, Wisenbaker, Baker et Huttunen, 1997) démontrent qu’on trouve rarement de telles différences chez les nouveaux-nés ou les jeunes enfants et que ce n’est qu’en grandissant qu’elles apparaissent, et seulement pour certaines catégories de situations. Ainsi quelle que soit la culture dans laquelle ils se développent, les jeunes enfants ne présentent pas de différence inter-sexe de peur face aux stimuli non-familiers ; lorsque de telles différences apparaissent avec l’âge elles ne sont pas systématiquement constatées dans toutes les cultures et dépendent aussi du motif de l’anxiété et de la méthode utilisée pour mettre en évidence ces différences inter-sexes (De Fruyt, Van Hiel, et Butst, 1998 ; Kohnstamm, 1989). En conséquence, lorsqu’on constate de telles différences, on ne saurait se borner à les rapporter à une hypothétique différence de sexe générale, quels que soient les facteurs (biologiques ou environnementaux) auxquels on l’impute. Toute différence inter-sexe d’anxiété requiert une explication spécifique.
46Les différences entre garçons et filles concernant les peurs manifestées à l’égard de leur avenir scolaire et professionnel peuvent être interprétées selon une conception qui considère les émotions comme l’expression de normes sociales typique du sexe, normes relatives aux rôles sociaux distincts assignés à chacun des sexes dans nos sociétés (Eagly, 1987 ; Brody et Hall, 1993 ; Fischer, 1993 ; Fischer, 2000 ; Simon, 2007). Les filles, préparées à exercer des rôles sociaux typiquement féminins orientés vers les activités de soins et les métiers sociaux, à occuper des emplois moins prestigieux, moins bien rémunérés, sont expressément invitées à exprimer des émotions négatives traduisant à la fois un état de vulnérabilité et de dépendance ; les garçons, destinés au contraire à des positions sociales plus élevés, sont contraints de réprimer ces mêmes émotions. De faits, socialisées pour occuper des emplois moins prestigieux, moins bien rémunérés, et donc des emplois moins techniques et moins scientifiques (Duru-Bella, 1991, 2004), les filles sont en conséquence plus fréquemment confrontées au chômage, à la précarité et au déclassement lorsqu’elles sont en âge de travailler. Ces processus de socialisation les conduisent en outre à manifester en moyenne un sentiment de compétence scolaire plus faible que les garçons et anticipent de manières moins optimistes que ces derniers leur réussite (Sullivan, 2006). Compte tenu des processus de socialisation qui préparent garçons et filles à un avenir scolaire et professionnel différent (Duru-Bella, 1994, 1995), et de l’expérience directe et indirecte (famille, pairs, école, médias) d’une réalité du travail pour les filles caractérisée par une plus grande précarité, on peut penser que ces dernières se savent en général destinées à un avenir scolaire et professionnel plus difficile que celui des garçons et rapportent en conséquence plus de peurs pour cet avenir, peur d’échouer, peur de décevoir les parents et peur de d’éloigner de ses autruis significatifs.
47Les rapports entre les trois variables que sont le sexe, l’anxiété générale et l’anxiété spécifique étudiée dans ce article permettent d’aller un peu plus loin dans l’explication des différences de niveau d’anxiété selon le sexe. Nous avons examiné deux modèles. Dans le premier, l’effet du sexe s’exerce directement sur l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, qui en répercute l’effet sur l’anxiété générale, celle-là médiatisant l’effet du sexe sur celle-ci. Dans cette perspective, le niveau plus élevé d’anxiété générale chez les filles peut être conçu comme résultant d’une différence de sexe affectant plusieurs formes spécifiques d’anxiété, cette tendance des filles à éprouver davantage d’anxiété dans différents champs étant la manifestation émotionnelle de différences d’habitus liées au sexe (Bourdieu, 1998). En l’occurrence, comme nous l’avons indiqué en introduction, les différences de carrières scolaires et professionnelles selon le sexe sont à même de rendre l’avenir scolaire et professionnel plus inquiétant pour les filles que pour les garçons. Les résultats ont en effet révélé qu’une partie significative de l’effet du sexe sur l’anxiété générale est médiatisé par l’anxiété suscitée par l’avenir. Mais l’autre modèle examiné a fait apparaître qu’une proportion plus importante de l’effet du sexe sur cette dernière tient à sa médiatisation par l’anxiété générale. Selon ce deuxième modèle, la supériorité de l’anxiété des filles caractériserait un trait général, qui répercuterait l’effet du sexe sur différentes formes spécifiques d’anxiété. Conformément à ce modèle, nous avons constaté que l’anxiété générale médiatise l’effet du sexe sur l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel, et que la médiatisation a en l’occurrence plus de poids que celle par laquelle cette anxiété spécifique transmet l’effet du sexe sur l’anxiété générale. La différence de poids de la variable médiatrice dans ces deux modèles peut être interprétée en référence à une conception de l’anxiété comme élément constitutif d’un habitus formé au gré des conditions de vie matérielles et sociales, tel que le propose Bourdieu (1970, 1998). Si le niveau d’anxiété générale résulte de diverses formes d’anxiété spécifiques, il est logique qu’une seule de ces dernières ne médiatise qu’une partie relativement modeste de l’effet du sexe sur l’anxiété générale. Le second modèle souligne que le niveau plus élevé d’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel chez les filles ne résulte pas seulement des différences sociales caractérisant les carrières scolaires, mais de divers facteurs parmi lesquels, de façon non exclusive, d’autres formes d’anxiété spécifiques.
48Enfin, nous nous attendions à ce que le milieu socio-économique des adolescents « conditionne » au moins partiellement les émotions des adolescents à l’égard de leur avenir scolaire et professionnel. Les résultats de notre recherche confirment cette hypothèse dans la mesure où, à performances scolaires égales, plus la classe sociale des adolescents est défavorisée, plus ils ont peur d’échouer scolairement et professionnellement et peur de décevoir leurs parents par leur parcours scolaire et professionnel (alors que la classe sociale est sans effet sur l’anxiété générale). Pour saisir la portée de ce résultat, on peut spéculer sur le rôle que cette différence d’anxiété en fonction du niveau socio-économique de l’adolescent est susceptible de jouer dans son orientation scolaire et professionnelle. On pourrait s’attendre à ce que, à performances scolaires égales, les adolescents disposent des mêmes chances d’accéder à des parcours scolaires et professionnels comparables. Or, on sait qu’il n’en est rien et que, pour Bourdieu (1970, 1985), du fait d’expériences socioculturelles propres à leur niveau de vie, les enfants et les adolescents de milieux socio-économiques défavorisés, comparativement aux autres, se représentent comme plus faibles leurs chances d’accéder aux parcours auxquels leurs résultats scolaires devraient leur donner accès. Des travaux plus récents comme ceux de Sullivan (2006), ont montré que ces adolescents développent des sentiments de compétences scolaires plus faibles. A valeur scolaire identique, les élèves issus d’origine sociale modeste demandent moins fréquemment que les autres une orientation scolaire sélective (Duru, 1986 ; Duru-Bellat, 2002), ces choix étant le plus souvent entérinés par les agents de l’institution scolaire.
49En guise de conclusion, les manifestations d’anxiété ou de peurs suscitée par l’avenir scolaire et professionnel constituent bien selon nous une composante de l’habitus (Bourdieu, 1979 ; 1980) : elles correspondent à des tendances caractérisant différemment chaque groupe social, à percevoir et ressentir ses perspectives scolaires et professionnelles futures. Ainsi, comme le souligne Dumora (1990), à l’adolescence, les aspirations professionnelles s’inscrivent dans une logique probabiliste en estimant subjectivement la mesure entre l’espace des possibles et l’espace du probable. De même que l’habitus structure les comportements et actions des individus (Bourdieu, 1979), une perception distincte de l’avenir scolaire et professionnel, notamment par son caractère plus ou moins anxiogène, peut contribuer à organiser et structurer différemment les informations au sein du système cognitif, ainsi que les conduites d’orientation scolaire des adolescents ; d’où l’intérêt selon nous de définir plus finement ces modes de perception. En ce sens, comme l’indiquait Bourdieu (Wacquant, 1992), « parler d’habitus, c’est poser que l’individuel, et même le personnel, le subjectif, est social, collectif. L’habitus est une subjectivité socialisée » (p. 101). Si cette composante de l’habitus, élément du soi, est au moins partiellement déterminée par les contextes macro-sociaux et micro-sociaux, il n’en demeure pas moins selon nous, qu’elle est susceptible également de pouvoir évoluer en fonction de ces contextes, la personne pouvant dans une certaine mesure parvenir à s’affranchir de ces cadres identitaires, les faire évoluer, les mettre à distance par le truchement notamment de processus réflexifs et dans le cadre de ses relations, interactions et interlocutions avec autrui (Dubar, 2002 ; Guichard, 2004).
50Cette anxiété spécifique, si elle peut être supposée avoir un certain degré de stabilité individuelle au fil du temps, ne saurait donc être considérée a priori avoir une intensité définitivement fixée. Elle peut susciter chez l’adolescent un partage social des émotions ressenties, au moyen d’interactions verbales et non verbales, et ce partage pourrait être susceptible de faire évoluer cette anxiété (Rimé, 2005). L’intensité de cette dernière, comme les résultats de la présente recherche nous ont permis de le constater, est associée à la faiblesse des résultats scolaires, suggérant qu’elle ne constitue pas un stimulant de l’activité scolaire. Extrapolant à partir des résultats de Hurrelmann, Engel et Weidman (1992), on peut avancer que l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnel pourrait médiatiser l’effet de performances académiques décevantes sur les manifestations comportementales et somatiques de stress. Plus encore que l’anxiété trait étudiée par Newman, Fuqua et Seaworth (1989) ou Santos (2001), cette anxiété spécifique paraît à même de favoriser l’indécision vocationnelle. Pour toutes ces raisons, indépendamment des éventuelles interventions sur ses causes socio-économiques, on peut comprendre que les professionnels de l’orientation scolaire et professionnelle, lorsqu’ils ont la possibilité d’intervenir auprès d’adolescents, individuellement ou en groupe, prennent en compte cette caractéristique individuelle de l’adolescent et se proposent de l’atténuer.
51Si un adolescent est particulièrement inquiet au sujet de son avenir scolaire ce peut être, en partie au moins, parce qu’il a interprété avec lucidité certains éléments saillants de son environnement physique et social. Par exemple, la plupart des membres de sa famille n’ont pas poursuivi d’étude au-delà de 15 ou 16 ans, ils ont peiné à trouver un emploi, qui en général s’est avéré précaire, peu rémunérateur et sans perspective d’évolution de carrière. Plusieurs membres de sa famille, même, n’ont pas trouvé d’emploi. Il y a là de quoi s’inquiéter pour son avenir scolaire et professionnel. Pourtant les capacités intellectuelles, les performances académiques et les diverses habiletés de cet élève peuvent ne pas justifier cette inquiétude. Dans ce cas en particulier, le professionnel de l’orientation pourra utilement analyser avec l’élève ses atouts et explorer les filières de formation qui lui sont accessibles et garantissant au mieux – ou le moins mal – sa future insertion professionnelle.
52Certaines limites de la recherche et des perspectives de futures recherches peuvent selon nous être soulignées. Comme l’observe Youniss (1997), les recherches en psychologie ignorent trop souvent les variables sociologiques, en particulier la classe sociale, alors même que ces variables font théoriquement partie des déterminants des conduites étudiées (Bronfenbrenner, 1950) et que les trop rares données obtenues confirment leur effet (par exemple, Lautrey, 1980). Nos résultats apportent une contribution à la connaissance des rapports entre classes sociales et émotions. Toutefois, il conviendrait, en vue de préciser ce qui est responsable de la relation entre la classe sociale (ou groupe sexué) à laquelle appartiennent les adolescents, et leurs différents motifs psychologiques d’anxiété vis à vis de leur avenir scolaire et professionnel, d’introduire des variables complémentaires permettant de mieux rendre compte des différents aspects de cette classe sociale, et des expériences de socialisation et de vie qui la caractérisent (de même que les groupes sexués) par rapport aux autres. Ainsi pour ce qui est de la classe sociale, le métier des parents, variable considérée dans notre recherche, ne constitue qu’un indice parmi d’autres. Par ailleurs, l’indexation de la composition de la classe sociale s’est faite sur la base de la catégorie socioprofessionnelle du père. Ce choix, s’il peut se justifier comme nous l’avons fait précédemment, présente des limites. La composition de la classe sociale se fonderait sur des critères plus fins et complexes, si elle prenait en compte comme référence dans son élaboration les catégories socioprofessionnelles du père et de la mère. Concernant les variables complémentaires susceptibles de préciser les différences d’anxiété entre garçons et filles, il conviendrait à l’avenir de prendre en compte des caractéristiques de l’identité de genre des adolescents.
53Le fait que l’ensemble des données ait été recueilli lors d’une même passation constitue une autre limite de la recherche ; cela ne nous permet pas d’établir un lien de causalité entre les différentes variables de la recherche. Le recueil des données par questionnaire présente l’avantage incontestable de permettre de comparer les réponses d’un grand nombre de personnes dans la mesure où celles-ci sont placées dans des conditions identiques (Ghiglione et Matalon, 1998). Cet avantage se fait toutefois au détriment de la richesse des réponses recueillie. S’agissant d’évaluer des émotions, en l’occurrence différentes formes d’anxiété, une des limites de notre recherche est de ne pas disposer d’autres indices de ces émotions que les seules déclarations des adolescents. A l’avenir, il pourrait être utile de recueillir des informations provenant d’autres sources, par exemple en demandant aux parents de l’adolescent d’évaluer chez ce dernier, différentes manifestations comportementales d’anxiété lorsqu’ils abordent avec lui la question de son avenir scolaire et professionnel. Enfin, cette première recherche ayant un caractère exploratoire, nous avons dans ce cadre utilisé l’analyse factorielle hiérarchique exploratoire afin de pouvoir identifier la structure des différents motifs psychologiques de l’anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle des adolescents. Il conviendrait toutefois dans un travail futur de confirmer l’existence de ces différentes dimensions psychologiques par une analyse factorielle confirmatoire.
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Bien que connaissant les distinctions élaborées entre émotions et affects (mais aussi humeur, sentiments…), par souci de simplicité nous utiliserons indifféremment ces termes dans cet article ; distinctions qui dans d’autres contextes de recherches pourront avoir pleinement leur pertinence.
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La consigne précise pour répondre au questionnaire est la suivante : « Grâce aux phrases ci-dessous tu vas pouvoir décrire tes réactions par rapport à ton avenir scolaire et professionnel. Réponds aussi personnellement que possible, car c’est ce que tu penses réellement qui a de l’importance. Sois spontané(e), ne passe pas trop de temps à réfléchir à chaque question. Il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. Le questionnaire est totalement anonyme. Certaines questions se ressemblent, mais il est important de répondre à chacune d’elles. Attention de ne pas en oublier. Pour chaque phrase, indique dans quelle mesure elle te correspond. Si la phrase te correspond tout à fait, alors entoure le chiffre 5. Si elle ne te convient pas du tout, entoure le chiffre 1. Si c’est entre les deux, entoure un chiffre intermédiaire. Essaie de ne pas trop utiliser le chiffre central (3) ».
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Nous avons effectuez les mêmes analyses avec chacune des dimensions spécifiques (peur d’échouer, peur de décevoir, et peur de s’éloigner) de la variable anxiété suscitée par l’avenir scolaire et professionnelle. Avec le premier comme le second modèle, les analyses de régressions donnent des résultats comparables.