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Article de revue

Réduire les conséquences de l'exposition de l'enfant à la violence conjugale : pourquoi miser sur la relation mère-enfant ?

Pages 321 à 342

1Depuis les deux dernières décennies, les preuves à l’effet que la violence conjugale met à risque le développement de l’enfant se multiplient. Les données de recherche conduisent à reconnaître des voies d’action prometteuses pour venir en aide à l’enfant. À cet égard, l’importance de soutenir la qualité de la relation mère-enfant en contexte de violence conjugale ressort de nombreuses études. Toutefois, les connaissances acquises se traduisent encore peu dans les pratiques d’intervention auprès des enfants exposés à la violence conjugale. Les sections suivantes présentent les données de recherche disponibles sur les conséquences de la violence conjugale sur la mère, sur l’enfant et sur la relation qui les unit. Ces données conduisent à dégager plusieurs cibles d’intervention pour contrer les difficultés de l’enfant exposé à la violence conjugale.

1 – Nature et ampleur du phénomène

2La violence conjugale fait partie de la réalité de nombreuses familles. Dans la majorité des situations, les femmes sont victimes de cette violence. La violence conjugale s’inscrit dans une relation de couple comme un amalgame de tactiques d’abus qui établissent et maintiennent une dynamique coercitive de l’homme sur la femme (Rennison, 2003; Walker, 1984). En plus des gestes de violence physique, elle englobe les violences psychologiques, sexuelles et économiques (Cunningham et Baker, 2007; McGee, 2000). Les épisodes violents peuvent se produire à tout moment. La femme craint leur survenue. Elle évolue dans un climat de tension quasi constant, propice à la modification de ses propres comportements pour diminuer les risques de violence (Cunningham et Baker, 2007; Walker, 1984; Irwin, Thorne, et Varcoe, 2002). La notion de violence conjugale se distingue en ce sens de la notion de conflits entre conjoints, plutôt associée à une divergence de valeurs ou d’opinions qui survient dans toute relation intime (Dobash et Dobash, 1979). La violence teinte donc le quotidien de la mère et de ses enfants.

3La plupart des chercheurs considèrent que l’exposition de l’enfant à la violence conjugale renvoie à plusieurs réalités: être témoin direct des épisodes violents (voir ou entendre), être soi-même victimisé ou impliqué lorsqu’ils surviennent (p.ex. tenter d’intervenir), être exposé à leurs contrecoups (climat de peur, silence lourd, mère blessée, arrestation, etc.) ou entendre le récit des actes subis (Holden, 2003; Wolfe, Crooks, Lee, McIntyre-Smith, et Jaffe, 2003; Baker, Cunningham, et Jaffe, 2004). L’enfant n’a pas besoin de connaître les faits exacts pour reconstruire les événements, puisqu’il a accès aux indices réels de violence présents dans son environnement familial (Edleson, 1999; Holden, 2003). La gestion émotive de cette reconstruction peut s’avérer très ardue, comme la gestion des sentiments de culpabilité et de blâme qui surgissent parfois chez celui qui tente de rationaliser la violence et retrouver ainsi une impression de contrôle sur son environnement (Cunningham et Baker, 2007; Rabenstein et Lehmann, 2000).

4Depuis 2006, l’exposition à la violence conjugale est considérée par la Loi sur la protection de la jeunesse du Québec comme une forme de maltraitance envers l’enfant (Gouvernement du Québec, 2009). Sur le plan conceptuel, l’exposition à la violence conjugale s’apparente à certains types de mauvais traitements psychologiques identifiés dans la littérature scientifique (Holden, 2003; Wolfe, et al., 2003). D’abord, elle se rapproche du terrorisme. L’enfant peut développer, à partir du climat de terreur qu’elle établit, une vision du monde comme un lieu chaotique, imprévisible, hostile, donc dangereux. Dans la documentation sur le trauma psychologique de l’enfant, la violence conjugale constitue d’ailleurs un facteur de stress important puisque l’une des figures d’attachement de l’enfant est atteinte (Lehmann, 2000; 1997). La violence conjugale représente aussi une forme de corruption puisqu’elle socialise l’enfant à des modèles relationnels qui légitiment les conduites violentes. L’enfant apprend à utiliser ces conduites qui paraissent efficaces pour arriver à ses fins ou pour résoudre des conflits. Enfin, l’isolement, souvent provoqué par la honte ou la peur, est fréquent dans cette population d’enfants (Holden, 2003; Wolfe, et al., 2003).

5La violence conjugale est un phénomène répandu. Au cours des cinq années précédant l’Enquête sociale générale de 1999 (ESG: Statistique Canada, 2001), 1,2 million d’adultes canadiens ont rapporté avoir subi une forme de violence conjugale. Les femmes se sont vu infliger la majorité des actes violents, ainsi que les plus graves (Statistique Canada, 2006; Riou, Rinfret-Raynor et Cantin, 2003; Krug et al., 2002; McGee, 2000). La plupart des femmes violentées étant aussi mères (Peled, Jaffe, et Edleson, 1995), l’exposition à la violence conjugale atteint des proportions alarmantes chez les enfants (Fortin, 2005). À cet égard, un échantillon représentatif de la population américaine permet d’estimer à 30% la proportion d’enfants exposés à la violence conjugale (McDonald, Jouriles, Ramisetty-Mikler, Caetano et Green, 2006). Au Canada, l’exposition touche plus d’un demi-million d’enfants (ESG: Statistique Canada, 2001), mais d’autres estiment plutôt ce nombre à 800 000 (Jaffe et Poisson, 2000). Ces enfants sont susceptibles d’être confrontés à des actes de violence grave puisqu’ils ont été témoins visuels pour 53% des couples où la mère a craint pour sa vie ou a été blessée (ESG: Statistique Canada, 2001). En outre, les risques d’exposition continuent après la séparation physique du couple, notamment par des menaces ou lors de l’échange de garde non supervisé des enfants (Hardesty et Ganong, 2006, 2000; Peled, 2000; Sheeran et Hampton, 1999). La violence conjugale représente donc une forme très probante de violence familiale pour l’enfant.

6L’exposition à la violence conjugale est associée à un risque accru d’abus physiques envers l’enfant (Statistique Canada, 2007a; McGuigan et Pratt, 2001; McGuigan, Vuchinich et Pratt, 2000). Jusqu’à 60% des enfants qui séjournent avec leur mère en maison d’hébergement auraient évolué dans un contexte où il y avait concomitance de ces deux formes de violence (Appel et Holden, 1998). Dans certains cas, s’en prendre à l’enfant ou menacer de le faire pendant les épisodes violents constitue une tactique pour terroriser ou blesser la mère (McCloskey, 2001; Peled, 1998). Somme toute, l’enfant exposé à la violence conjugale se trouve dans un environnement familial où les conditions de prévisibilité et de sécurité nécessaires à une trajectoire développementale positive sont altérées. Cette violence sollicite, voire surcharge, les capacités d’adaptation de l’enfant et de sa mère.

2 – Conséquences de la violence conjugale sur les victimes

7La femme est la première cible de la violence conjugale. Elle en subit les effets directs sur sa santé physique et son bien-être psychologique (p.ex. Clements, Sabourin et Spiby, 2004; Rinfret-Raynor, Cantin et Marquis, 1994; Jaffe, Wolfe, Wilson et Zak, 1986). Ainsi, la femme violentée risque de cumuler des blessures diverses telles que des fractures, de la douleur chronique, des déficits neurologiques et des maux de tête (Jarvis, Gordon et Novaco, 2005; Coker, Davis, Arias, Desai, Sanderson, Brandt, et al, 2002; Campbell, 2002; Campbell et Lewandowski, 1997). Une méta-analyse de Golding (1999) sur l’association entre la violence conjugale et la santé mentale indique une présence accrue de symptômes de trauma, de dépression et de tentatives de suicide chez les femmes qui en sont victimes. De 31% à 84,4% d’entre elles présenteraient la symptomatologie de l’état de stress post-traumatique (Golding, 1999), associée à la résurgence massive de mécanismes de défense comme le déni et la dissociation (Woods, 2005; Jaffe, Wolfe et Wilson, 1990). En outre, les femmes violentées ont davantage de troubles liés à la somatisation, tels que le syndrome du côlon irrité, des difficultés à s’endormir, des tremblements, des nausées ou une difficulté à respirer (Campbell et Lewandowski, 1997; Kérouac et Taggart, 1994). Ultimement, la violence conjugale peut mener à la mort (Hotton, 2001; Statistique Canada, 2006).

8La violence conjugale met aussi à risque le développement de l’enfant (Lang et Stover, 2008; Evans, Davies, et DiLillo, 2008; Wolfe et al., 2003; O’Keefe, 1994). Les enfants exposés à la violence conjugale présentent plus de troubles intériorisés, de troubles extériorisés et une plus faible estime d’eux-mêmes que ceux qui ne le sont pas (p.ex. Evans et al., 2008; McDonald, Jouriles, et Briggs-Gowan, 2007; Sternberg, Lamb, Guterman, et Abbott, 2006; Rossman, 2001; Fortin, Cyr, et Lachance, 2000; Graham-Bermann et Levendoski, 1998a; 1998b). Les symptômes de traumas, caractéristiques de l’état de stress post-traumatique, pourraient être présents chez 56% des enfants exposés à la violence conjugale (Lehmann, 1997). On les observe également chez le nourrisson (Bogat, DeJonghe, Levendosky, Davidson, et von Eye, 2006). De plus, on note chez l’enfant des retards cognitifs et au plan des habiletés langagières, ainsi que des problèmes de mémoire ou de santé physique qui persistent en dépit des soins reçus (Jouriles, McDonald, Slep, Heyman, et Garrido, 2008; Koenen, Moffitt, Caspi, Taylor, et Purcell, 2003; Webb, Shankleman, Evans, et Brooks, 2001; Chénard, 1994). À l’adolescence ou l’âge adulte, l’enfant pourrait reproduire, dans ses relations intimes, une dynamique coercitive ou avoir des problèmes d’abus de substances (Carlson, 2000; Wolfe et al., 2003; Jaffe et al., 1990). La violence conjugale s’avère donc susceptible d’engendrer des difficultés dans plusieurs sphères de la vie de l’enfant.

9Bien que la violence conjugale représente un facteur de risque important, ses effets ne sont pas généralisables à tous les enfants, car elle ne les affecte pas tous de la même manière et avec la même intensité (Kitzmann, Gaylord, Holt et Kenny, 2003; Fortin et al., 2000; Rossman, Hughes et Rosenberg, 2000). Lorsque les enfants présentent des difficultés, leurs symptômes n’atteignent pas forcément un seuil clinique (Jouriles et al., 2008; Skopp, McDonald, Jouriles et Rosenfield, 2007). Les quelques études qui ont utilisé l’analyse de regroupements (cluster analysis) pour distinguer des profils d’adaptation chez l’enfant exposé à la violence conjugale, montrent d’ailleurs que certains enfants ne manifestent aucun trouble apparent (voir Lang et Stover, 2008; Grych, Jouriles, Swank, McDonald et Norwood, 2000; Hughes et Luke, 1998). En dépit de leur exposition, ils s’en sortent indemnes ou avec très peu de difficultés. Selon les études, ils représentent de 31 à 60 % des répondants. Ces enfants réussissent donc à mettre en branle des processus internes qui leur permettent de mieux gérer l’adversité et de poursuivre leur développement (Lang et Stover, 2008; Grych et al., 2000; Anaut, 2008). Ils bénéficient sans doute de caractéristiques individuelles et/ou de conditions environnementales et relationnelles qui contrecarrent les effets néfastes de la violence conjugale.

3 – Conséquences de la violence conjugale sur la relation mère-enfant

10Si la femme et l’enfant peuvent subir les conséquences de la violence conjugale, le lien qui les unit risque tout autant d’être affecté. Considérant le rôle structurant de la relation mère-enfant dans le développement normal de l’enfant, sa qualité pourrait figurer parmi les éléments déterminants de l’adaptation de l’enfant en contexte de violence conjugale.

3.1 – Hypothèse de la dysfonction familiale

11Jaffe et ses collaborateurs (1990) ont développé un modèle qui systématise le rôle de la relation mère-enfant pour expliquer les difficultés de l’enfant exposé à la violence conjugale: l’Hypothèse de la dysfonction familiale (Family disruption hypothesis). Ce modèle se fonde sur des principes d’apprentissage social (Bandura, 1977) et sur une conception systémique de la famille (Emery, 1989). La violence conjugale provoquerait un déséquilibre dans l’ensemble du système familial par ses effets directs et indirects sur chacun des membres et, conséquemment, sur les sous-systèmes qu’ils forment entre eux. Plus précisément, il est postulé que l’enfant réagit à la violence conjugale en éprouvant de la peur et de la détresse. Il intègre aussi les conduites violentes par apprentissage social (effets directs). Ces manifestations, particulièrement les conduites agressives, induiraient un stress supplémentaire à la relation conjugale déjà tendue et à la relation mère-enfant (effets indirects). De façon réciproque, la mère doit composer avec les effets de sa propre victimisation. Sa détresse et ses autres symptômes (effets directs) sont susceptibles de diminuer ses habiletés parentales et, par le fait même, rendre l’exercice de son rôle maternel plus ardu. La relation mère-enfant deviendrait moins efficace pour réassurer l’enfant alors que son angoisse et ses besoins de soutien sont exacerbés (effets indirects). La violence influencerait donc directement l’adaptation de l’enfant, mais agirait aussi indirectement par ses effets néfastes sur la relation mère-enfant.

12À ce jour, le modèle de Jaffe et ses collaborateurs (1990) n’a pas été vérifié dans sa globalité. Néanmoins, conformément à ses propositions, certains auteurs rapportent que la qualité de la relation mère-enfant constitue un médiateur de l’association entre la violence conjugale et l’adaptation des enfants (p.ex. Levendosky et al., 2003; Margolin et John, 1997; O’Keefe, 1994). D’autres notent plutôt son rôle modérateur (Jouriles et al., 2008; Skopp et al., 2007; Harper, Arias et House, 2003; Fortin et al., 2000; Levendosky et Graham-Bermann, 1998). Par exemple, l’étude de Jouriles et ses collaborateurs (2008) a récemment fait état du potentiel protecteur sur la mémoire déclarative de l’enfant d’âge préscolaire des interactions positives de la mère, dans le cadre de jeux ou de communications avec lui. Le statut médiateur ou modérateur de la variable relation mère-enfant n’est donc pas encore confirmé. Chose certaine, on s’entend pour dire que cette variable joue un rôle déterminant pour l’adaptation des enfants en contexte de violence conjugale. Elle constitue d’ailleurs l’une des variables intermédiaires les plus étudiées pour expliquer pourquoi certains enfants pâtissent peu ou pas de l’exposition à la violence conjugale (Jouriles et al., 2008; Bolen, 2005; Buchbinder, 2004).

13Somme toute, l’importance de soutenir la relation mère-enfant pour atténuer les effets néfastes de la violence conjugale sur l’enfant ressort de nombreuses études. La mère peut avoir un impact significatif sur l’adaptation de son enfant si elle adopte des conduites parentales positives. Cette présomption est cohérente avec la documentation sur le trauma de l’enfant qui montre que le soutien émotif de la mère représente un facteur de résilience des plus déterminants (Lehmann, 2000). Le soutien à la relation mère-enfant est donc une voie d’action prometteuse pour venir en aide aux enfants. La définition de composantes d’intervention spécifiques nécessite toutefois l’identification des dimensions de la relation mère-enfant susceptibles d’être affectées par la violence conjugale.

3.2 – Dimensions de la relation mère-enfant menacées par la violence conjugale

14Les auteurs qui ont étudié la relation mère-enfant en contexte de violence conjugale conceptualisent celle-ci de différentes façons. Les dimensions retenues se réfèrent particulièrement aux habiletés parentales ou méthodes éducatives et à la relation d’attachement. Cette relation est généralement représentée par des comportements parentaux tels que les comportements chaleureux (maternal warmth), d’affection et/ou de soutien et la réponse sensible aux besoins de l’enfant. La communication et les interactions positives entre la mère et son enfant sont d’autres représentations de ce lien, car à partir de l’âge scolaire, les conduites de soutien prennent des formes moins physiques et davantage psychologiques (Hammer et Turner, 2001). La relation mère-enfant se bâtit par les interactions entre la mère et son enfant. Dans cette dernière, l’enfant n’est pas qu’objet passif, mais un individu à part entière qui participe à la modulation du lien affectif. Le point de vue de l’enfant peut donc être considéré comme un angle d’analyse complémentaire de la parentalité.

  1. Habiletés parentales et méthodes éducatives. La violence conjugale peut miner la capacité de la mère à maintenir une discipline positive, aux limites claires, appliquée avec cohérence et consistance (Fortin et al., 2000). Par exemple, Holden et Ritchie (1991) montrent qu’une part des femmes violentées décrivent leur style parental comme inconsistant. Elles seraient très strictes quand leur conjoint est présent, mais plus laxistes en leur absence. À ce propos, Graham-Bermann et Levendosky (1998a) observent que les mères victimes de violence conjugale qui souffrent de dépression s’avèrent plus permissives ou moins attentives aux comportements de leurs enfants. D’autres auteurs rapportent que l’instauration de limites pourrait être interprétée à tort, par les mères violentées, comme une pratique violente à éviter (Cunningham et Baker, 2007).
    Certaines femmes violentées continuent d’exercer adéquatement leur rôle parental en dépit de la violence (Humphreys, Mullender, Thiara et Skamballis, 2006). Une étude de Levendosky et ses associés (2003) suggère que plus les mères d’enfants d’âge préscolaire (3-5 ans) subissent des violences sévères, plus elles se perçoivent efficaces dans leur rôle d’éducatrice (p.ex. gestion des comportements de l’enfant). Toutefois, les données d’observation des interactions dyadiques ne reflètent pas l’efficacité parentale révélée par les mesures autorapportées. D’autres auteurs affirment que certaines mères mobiliseraient leurs ressources et deviendraient plus protectrices pour compenser pour le chaos associé à la présence de violence conjugale dans la famille (Irwin et al., 2002; Levendosky et Graham-Bermann, 2000; Levendosky, Lynch et Graham-Bermann, 2000; Humphreys, 1995;1993; Buchbinder, 2004).
    Le portrait des stratégies d’autorité utilisées par les mères violentées se révèle assez hétérogène. Les stratégies recommandées sont celles qui renforcent les conduites appropriées de l’enfant et qui visent à le responsabiliser en lui apprenant à reconnaître les conséquences de ses actes. De fait, on remarque que les mères violentées sont plus enclines à utiliser la punition physique ou à recourir à d’autres comportements agressifs dans la discipline (Holden et Ritchie, 1991; Levendosky et Graham- Bermann, 1998; Levendosky et al., 2000; Moore et Pepler, 1998). De plus, une proportion d’entre elles adopterait des conduites physiquement abusives envers leurs enfants (Rodriguez, 2006; Appel et Holden, 1998). La fréquence d’utilisation de ces conduites semble diminuer avec le temps, lorsque la mère n’est plus dans une relation conjugale violente. Par contre, d’autres recherches n’indiquent pas de différences significatives entre les mères violentées et non violentées dans les taux d’abus physiques envers leurs enfants (Holden, Stein, Ritchie, Harris et Jouriles, 1998).
  2. La relation d’attachement. Les recherches montrent que la violence conjugale fragilise l’attachement (bond) de la mère à son enfant. Certains conjoints violents ciblent directement la relation mère-enfant par leurs comportements. Ils peuvent, par exemple, limiter les conduites affectives de la mère envers son enfant (Radford et Hester, 2001; 2006). Une telle interposition peut survenir dès les débuts de la relation mère-enfant, car les risques d’abus augmentent durant la période prénatale ou suite à la naissance du nourrisson (Jamieson et Hart, 1999; Mezey et Bewley, 1997; Kelly, 1994). La violence enverrait le message que la réponse à des besoins autres que ceux du conjoint se tolère difficilement (Schornstein, 1997). Une histoire de violence prénatale peut nuire à la présence de comportements parentaux positifs, essentiels à une relation d’attachement sécure (Theran, Levendosky, Bogat et Huth-Bocks, 2005).
    La sécurité de l’attachement pourrait aussi être affectée lorsque les épisodes de violence entourent la naissance de l’enfant. À ce propos, Huth-Bocks, Levendosky, Theran et Bogat (2004) remarquent que les femmes violentées ont une représentation plus négative de leur nourrisson et d’elles-mêmes comme mères. Elles développent un attachement anxieux à leur enfant. De même, une étude réalisée auprès de 72 dyades montre que les formes de violence les plus sévères sont associées à un attachement insécure désorganisé chez le bébé de 15 mois (Zeanah, Danis, Hirshberg, Benoit, Miller et Heller, 1999). Toutefois, selon le point de vue de la mère, l’association entre la sévérité de la violence et la sécurité de l’attachement de l’enfant d’âge préscolaire serait négative (Levendosky et al., 2003). Certaines mères réagiraient à la violence conjugale en accordant plus d’attention à leur enfant pour les protéger de ses effets néfastes, ce qui favoriserait la sécurité de l’attachement (Levendosky et al., 2000). Selon son étude qualitative menée auprès de 25 femmes, Stephens (1999) rapporte d’ailleurs qu’une part des mères violentées devient plus sensible et empathique, pour ces mêmes raisons.
    D’autres auteurs se sont intéressés aux conduites de soins (caregiving) impliquées dans le développement de la sécurité de l’attachement: les comportements maternels chaleureux et la capacité de répondre à l’enfant avec sensibilité (responsiveness) (p.ex. Cox, Owen, Henderson et Margand, 1992). L’augmentation de la sévérité de la violence conjugale serait liée à la diminution de ces derniers comportements (Frosch et Mangelsdorf, 2001; Onyski et Hayduk, 2001; Holden et Ritchie, 1991). Par exemple, parmi les différentes variables incluses dans un modèle écologique de la parentalité (p.ex. soutien social et santé psychologique), la variable de la violence conjugale représente le meilleur prédicteur de la diminution de la chaleur maternelle (Levendoski et Graham-Bermann, 2000). Après la fin des épisodes de violence dans la vie des mères, certaines continuent à éprouver des difficultés à soutenir leur enfant (Radford et Hester, 2001). Les conséquences de la violence conjugale peuvent ainsi perdurer malgré le passage du temps. Néanmoins, d’autres mères arrivent à mettre en place des interactions positives et des conduites de soutien appropriées (p.ex. Jouriles et al., 2008; Skopp et al., 2007; Levendosky et al., 2003). De même, on note que plus l’enfant est âgé, plus les démonstrations de chaleur maternelle sont importantes et les pratiques parentales, positives (Letourneau, Fedick et Willms, 2007).
    À partir de l’âge scolaire, la possibilité d’être écouté et validé dans son expérience émotive représente une composante importante d’une relation mère-enfant soutenante (Hammer et Turner, 2001). Or, un déni généralisé de la violence conjugale, illustré par un silence sur les événements et le vécu de chacun, s’observe souvent au sein de la famille. Le silence qui s’installe entre la mère et son enfant remplirait une fonction de protection de l’autre (Humphreys et al., 2006; Rabenstein et Lehmann, 2000). Ainsi, la mère n’aborderait pas avec l’enfant ce que la violence lui fait vivre, craignant de nuire à son fonctionnement ou de provoquer d’autres épisodes violents (Humphreys et al., 2006; Stephens, 1999). Dans certains cas, son silence témoignerait plutôt de mécanismes de déni qui l’empêchent d’être consciente de sa victimisation et de celle de son enfant (Fortin, 2005). De son côté, l’enfant réduirait considérablement l’expression de ses émotions dans le but de ne pas affecter davantage sa mère dont il remarque déjà les difficultés. En somme, la violence conjugale influence les conduites maternelles liées à la sécurité de l’attachement, mais une grande variabilité subsiste. Certaines mères maintiennent une présence chaleureuse alors que d’autres s’avèrent plutôt ambivalentes ou quasi absentes.
  3. Le point de vue de l’enfant. La violence conjugale agit aussi sur la relation mèreenfant par les perceptions de l’enfant à propos de la violence, de sa mère et de leur relation (Humphreys et al., 2006). À cet effet, Doucet (2006) propose que le niveau de blâme personnel pour les épisodes subis par sa mère prédit le niveau de parentification de l’enfant exposé à la violence conjugale (8-12 ans). Le phénomène de la parentification renvoie à l’inversion de rôle, au plan émotif et/ou instrumental, entre l’enfant et l’un de ses parents. Il s’observe par l’adoption de comportements de soutien excessif qui outrepassent les conduites correspondant normalement au niveau de développement de l’enfant (Doucet, 2006; Radford et Hester, 2001). Le sentiment de responsabilité de l’enfant par rapport à la violence le pousserait à adopter des conduites parentifiées afin de réparer sa « faute » ou d’éviter une reproduction des épisodes violents (Doucet, 2006). D’autre part, les données des entretiens semi-structurés de Lapierre (2008a) révèlent que les enfants et les adolescents, âgés de 8 à 17 ans et exposés à la violence conjugale, se représentent leur mère comme leur principale figure de soutien et de protection. Certains perçoivent cependant chez elle, une moins grande disponibilité et une plus grande irritabilité en lien avec la violence. Ces données apportent une nuance aux propos voulant que l’exposition à la violence conjugale montre à l’enfant que sa mère n’est pas en mesure de le protéger (Humphreys et al., 2006). D’autres affirment que les violences psychologiques nuisent au respect que l’enfant accorde à sa mère et la privent partiellement de son autorité (Holden et al., 1998).
    En somme, que l’enfant exposé à la violence conjugale reconnaisse sa mère comme principale source de soutien (Lapierre, 2008a) renforce l’idée de miser sur la qualité de la relation mère-enfant pour lui venir en aide. L’intervention respecterait ainsi son point de vue et ses besoins. Les données empiriques indiquent clairement que la qualité de la parentalité des mères violentées n’est pas dans tous les cas préservée et qu’un travail thérapeutique est requis. Certaines mères arrivent néanmoins à maintenir des conduites parentales sensibles et positives nécessaires à l’épanouissement de leurs enfants. Cette variabilité dans l’exercice de la parentalité des mères violentées pourrait s’expliquer par la présence de facteurs de soutien à la qualité de la relation mère-enfant. S’il est possible d’identifier pourquoi certaines mères arrivent à incarner une figure parentale plus soutenante, les facteurs de soutien pourraient être traduits en conditions spécifiques à mettre en place dans la vie de celles qui y arrivent moins. Un tel effort doit être consenti pour autant que la relation mère-enfant soit située dans le contexte familial difficile dans lequel elle se déploie. L’adversité de ce contexte relève principalement de la violence conjugale et son auteur, comme le rappelle Lapierre (2008b). Le danger de négliger cette contextualisation est de rendre la mère responsable pour toutes difficultés de l’enfant (Lapierre, 2008b; Irwin et al., 2002; Krane et Davies, 2007). L’analyse de la relation mère-enfant n’a donc pas pour objet d’en pointer les défaillances ou de blâmer la femme. Elle vise plutôt à jeter un regard vers l’avant, en cernant les forces, comme les zones qui requièrent des interventions spécifiques chez les dyades concernées.

3.3 – Facteurs de soutien à la qualité de la relation mère-enfant

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  1. Bien-être physique et psychologique des mères. La violence conjugale ne déstabilise pas l’exercice du rôle parental de toutes les femmes. Certaines réussissent, en dépit de la violence dans leur vie, à demeurer une figure maternelle disponible et positive. À l’instar des prédictions de Jaffe et ses collègues (1990), de la Sablonnière et Fortin (sous presse) rapportent que l’état de santé de la mère violentée joue un rôle prépondérant dans l’hétérogénéité de ses conduites parentales, car la violence conjugale affecte la qualité de la relation mère-enfant seulement pour les mères qui éprouvent des problèmes de santé physique ou psychologique. De plus, dans une étude qui visait à clarifier le lien entre la violence et la relation mère-enfant en incluant différentes variables de la santé de la mère à un modèle écologique, Onyski et Hayduk (2001) révèlent que les symptômes dépressifs nuisent à la réponse maternelle. Ces données rejoignent l’idée voulant que la mère plus sévèrement affectée par la violence conjugale trouve difficile d’être disponible et réceptive à son enfant (Wolfe, Jaffe, Wilson et Zak, 1985). L’humeur dépressive, souvent accompagnée d’anhédonie, réduit d’ailleurs la sensibilité de la mère à l’état émotionnel de son enfant et sa communication d’affects positifs (Shaw et al., 2006; Hops, Biglan, Sherman, et Arthur, 1987). La mère violentée qui garde un niveau de fonctionnement physique et psychologique adéquat arriverait donc, non sans effort, à utiliser les ressources qui lui restent pour maintenir un lien soutenant avec son enfant (Radford et Hester, 2001).
  2. Déterminants de la parentalité. Les conceptualisations générales de la parentalité décrivent majoritairement la relation parent-enfant comme un processus multidéterminé. L’analyse de Belsky (1984), souvent citée dans la littérature scientifique, propose que des facteurs autres que la santé de la mère, tels que son histoire de vie, ses traits de personnalité et l’ampleur du soutien social reçu, puissent influencer les conduites maternelles adoptées par leurs effets premiers sur son fonctionnement psychologique. Des recherches supplémentaires sur les déterminants de la parentalité de la femme violentée doivent être conduites afin que les facteurs de soutien à la qualité de la relation mère-enfant soient mieux connus (voir Vondra, Sysko et Belsky, 2005; Belsky, 1984; Levendosky et Graham-Bermann, 2001). La connaissance de ces facteurs mettrait davantage en évidence la complexité du rôle maternel, complexité qui s’accentue dans un contexte de vie difficile (Krane et Davies, 2007).
    Les connaissances actuelles amènent à conclure que les programmes d’intervention visant à préserver ou améliorer la qualité de la relation mère-enfant en contexte de violence conjugale pourraient favoriser le bien-être de l’enfant. Ces programmes doivent inclure des composantes de deux ordres: le soutien à la mère sur le plan personnel et le soutien dans l’exercice de son rôle parental. D’une part, le soutien à la mère sur le plan personnel aurait pour fonction de réduire les difficultés de celle-ci et rendre ses ressources davantage disponibles pour qu’elle puisse plus investir la relation mère-enfant, comme les autres sphères de sa vie. Une figure parentale n’est sécurisante que lorsqu’elle est elle-même sécurisée (Rabouam, Moralès-Huet et Miljkovitch, 2006). Cette forme de soutien apparaît ainsi comme un prérequis nécessaire à des interventions ciblant concrètement la relation mère-enfant. D’autre part, le soutien à la mère dans l’exercice de son rôle parental viserait à observer chacune des dimensions de la relation mère-enfant susceptibles d’être affectées par la violence et à mettre en place les interventions spécifiquement requises. Le soutien à la relation mère-enfant, qui constitue une voie d’action prometteuse pour contrecarrer les effets néfastes de la violence conjugale sur l’enfant, doit donc prendre plusieurs formes.

4 – Cibles d’intervention pour un soutien à la qualité de la relation mère-enfant

4.1 – Soutenir la mère sur le plan personnel

16Le soutien à la mère sur le plan personnel a pour fonction d’amenuiser les effets directs de la violence conjugale sur sa santé physique et psychologique afin qu’elle puisse utiliser ses ressources pour mieux investir la relation mère-enfant. Ce soutien peut se traduire en plusieurs cibles. D’abord, la protection physique de la femme constitue une forme d’intervention qui a pour avantage de diminuer ses risques de blessures, de combler ses besoins primaires de sécurité et par conséquent, de diminuer son hypervigilance. D’autre part, considérant la prévalence élevée de troubles physiques, de symptômes de traumas et d’autres manifestations de détresse psychologique chez la femme violentée, des suivis thérapeutiques en psychologie clinique et en médecine (p.ex. médication) sont possiblement requis (Jarvis et al., 2005). Le travail complémentaire de plusieurs professionnels est souhaitable pour améliorer son état de santé et ainsi préparer le terrain à des actions spécifiquement dirigées sur la relation mère-enfant. Ainsi, une attention soutenue devrait être portée à la détresse psychologique de la mère, qui contribue à diminuer ses habiletés parentales (p.ex. Frosch et Mangelsdorf, 2001; Levendoski et Graham-Bermann, 2001). Une mère épuisée sur le plan émotif pourrait aussi percevoir l’investissement dans les activités mère-enfant comme une surcharge dépassant ses moyens (Peled et Edleson, 1999).

17Les femmes violentées ont souvent recours à des rationalisations et à des mécanismes de défense comme le déni et la dissociation pour se protéger d’un univers qui autrement se révèle choquant et désorganisant pour la psyché. Par conséquent, ces protections atténuent leur conscience de la violence dans leur vie et celle de leurs enfants (Stephens, 1999; Peled et Edleson, 1999; Henderson, 1993). Or, une prise de conscience doit se produire pour que les processus défensifs de la femme ne nuisent plus autant à sa disponibilité émotive et à sa compréhension des besoins de soutien de son enfant. Cette prise de conscience risque de susciter des réactions émotives intenses et difficiles à gérer, comme la honte, la colère et la culpabilité (Fortin, Côté, Rousseau, et Dubé, 2007; Fortin, 2005). Elle doit faire l’objet d’un processus graduel qui respecte le rythme singulier de chaque femme, pendant lequel les intervenants offrent une écoute sensible aux émotions émergentes pour que leur gestion s’amorce. Le travail de prise de conscience devrait alors être un prérequis ou une composante prioritaire d’un programme d’intervention sur la relation mère-enfant (Humphreys et al., 2006). Cela permettrait d’éviter que la participation à des activités axées sur la relation ou le vécu de l’enfant fasse massivement surgir les affects dont elle se protège.

18Compte tenu de l’importance du soutien social dans la diminution des symptômes dépressifs, soutenir le développement du réseau social de la femme violentée serait aussi une composante d’intervention à mettre en place par divers moyens, accessibles aux intervenants. Somme toute, soutenir la mère sur le plan personnel équivaut à l’aider à incarner la figure de soutien qui protège partiellement l’enfant des effets de la violence (Groves et Gewirtz, 2006).

4.2 – Soutenir la mère dans l’exercice de son rôle parental

19La qualité de la relation mère-enfant figure parmi les facteurs de protection de l’enfant exposé à la violence conjugale (p.ex. Harper et al., 2003). Les données de recherche conduisent donc à élaborer des programmes d’intervention qui ciblent des dimensions de la relation mère-enfant pour en préserver ou améliorer la qualité. Les habiletés parentales de la mère, la consistance de ses pratiques, ses conduites de soutien et ses stratégies d’autorité sont mises à l’épreuve par la violence conjugale. Ces connaissances suggèrent des composantes d’intervention visant à soutenir la parentalité de la mère violentée, qui sont: 1) l’éducation à des stratégies d’autorité non coercitives et axées sur la responsabilisation de l’enfant; 2) l’instauration de pratiques éducatives positives et de limites appliquées avec consistance; 3) le renforcement des conduites d’attachement de la mère pour qu’elle incarne une figure de protection et de soutien sur laquelle l’enfant peut miser; 4) le développement d’une communication émotive mère-enfant pour briser le silence sur la violence, valider les émotions de l’enfant et confronter ses perceptions erronées; 5) la reconnaissance des affects de l’enfant et le soutien à leur expression; 6) l’éducation aux besoins et rôles de l’enfant selon son niveau développemental.

20Étant donné les diverses dysfonctions associées aux familles vivant en contexte de violence conjugale, chacune de ces composantes doit faire l’objet d’une évaluation rigoureuse. Les comportements et difficultés des mères et enfants doivent être observés, décrits et mis en lien dans une perspective d’influence mutuelle au sein du système familial. En outre, l’évaluation du risque abusif représente un impératif afin de prévenir les abus physiques envers l’enfant (Rodrigez, 2006). Il importe, en tout temps, de garder en tête que les conduites maternelles sont sous l’influence de la violence. Leur porter un regard trop critique ajouterait à la victimisation de la mère (Krane et Davies, 2007; Davies et Krane, 2006). D’autre part, les composantes d’intervention qui répondent aux besoins des dyades devront être mises en œuvre selon des activités diversifiées adaptées au niveau développemental des enfants exposés (Poole, Beran et Thurston, 2008). Par exemple, les modes d’expression des enfants varient en fonction de leur âge (Hammer et Turner, 2001). Ainsi, l’utilisation du jeu de rôles pour enseigner de nouveaux modèles comportementaux et favoriser l’expression émotive semble particulièrement appropriée avec l’adolescent (Poole et al., 2008). A contrario, l’enfant d’âge préscolaire s’exprime plus facilement par le jeu et le dessin.

5 – Les limites des interventions actuelles

21À ce jour, la variable de la relation mère-enfant est encore négligée dans l’élaboration de programmes d’intervention visant à réduire les conséquences de la violence conjugale sur l’enfant. En effet, les cibles des programmes existants ne la concernent que très rarement. Multi-cibles, ces programmes s’attaquent plutôt aux difficultés spécifiques de l’enfant (Miller-Perrin et Perrin, 2007; Rabenstein et Lehmann, 2000). Lorsque la participation de la mère est sollicitée, elle a généralement trait à certaines activités et/ou à un groupe de soutien qui assure le suivi du processus des enfants dans de tels programmes (Bennett, Shiner, et Ryan, 2006; Sullivan, Egan, et Gooch, 2004). Or, dans ces cas, la relation mère-enfant ne fait pas pour autant l’objet d’un travail thérapeutique. Outre cela, aucune évaluation des effets d’un programme ciblant des composantes de la relation mère-enfant en maison d’hébergement n’est actuellement disponible. Ces faits illustrent le fossé qui subsiste entre les pratiques actuelles et les données probantes portant sur le rôle déterminant de la relation mère-enfant pour l’enfant exposé à la violence conjugale.

22Quelques programmes dont le processus d’implantation est documenté dans la littérature feraient cependant exception. À ce titre, le programme d’intervention Talking to my Mum (voir Humphreys et al., 2006) vise à briser le silence entre la mère et son enfant pour rétablir une communication soutenante. De même, le Family Connections Program (voir Bennett et al., 2006) a pour but de soutenir l’attachement en favorisant des interactions mère-enfant positives dans le jeu. L’un et l’autre de ces programmes est composé d’activités thématiques structurées pour faciliter les échanges mère-enfant et l’abord de sujets liés au vécu de violence ou aux ruptures d’avec le milieu de vie. En 2007, au Québec, un guide de pratiques à l’intention des intervenantes des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale a également été publié : le guide Soutenir les mères pour prévenir les effets néfastes de la violence conjugale chez les enfants (Fortin et al., 2007). Ce guide se veut une première initiative québécoise encourageant le soutien à la relation mère-enfant pour venir en aide aux enfants exposés à la violence conjugale. Il offre un cadre conceptuel et d’intervention ciblé sur cette relation qui met en évidence l’importance du soutien à la mère au plan personnel pour lui permettre une reprise graduelle du contrôle sur sa vie et dans son rôle parental. S’appuyant sur une approche d’intervention féministe, il présente les différentes étapes d’intervention pour amener la mère à réinvestir sa relation avec son enfant afin d’en maintenir ou en améliorer la qualité.

23La tendance à l’isolement des familles où la violence conjugale survient réduit l’accessibilité aux dyades mère-enfant et constitue une limite importante aux interventions sur la relation mère-enfant. Cependant, les femmes qui font un passage en maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale sont majoritairement accompagnées de leurs enfants (Jaffe et al., 1990), si bien que ces derniers représentaient 41% des 106 000 admissions au Canada, en 2005-2006 (Statistique Canada, 2007b). Ainsi, parce que les dyades y sont présentes en grand nombre, la maison d’hébergement facilite l’accès aux populations concernées de mères et d’enfants et représente un lieu indiqué pour mettre en œuvre un pro gramme d’intervention sur la relation mère-enfant. De plus, au Québec, la maison d’hébergement bénéficie d’une expertise clinique développée au fil de son histoire et est aujourd’hui reconnue par les autorités gouvernementales. Elles lui confèrent le titre de lieu spécialisé d’intervention pour enfants exposés à la violence conjugale. Il convient donc d’utiliser le savoir déjà en place pour implanter de tels programmes.

24Le fait de cibler la relation mère-enfant en maison d’hébergement offre, pour les intervenantes, l’avantage de multiplier les opportunités d’observation des dyades mère-enfant. Les intervenantes y ont la possibilité d’évaluer les interactions mère-enfant dans diverses situations de la vie quotidienne et d’en décrire les forces et faiblesses. Les objectifs des plans d’intervention seraient ainsi étayés sur un contenu clinique riche et varié. De surcroît, le travail sur la relation mère-enfant s’effectue dans un contexte dépourvu du facteur de risque de la violence conjugale. Le séjour en maison d’hébergement protège la femme de tout contact avec le conjoint abusif, à moins bien sûr qu’elle ne l’initie. Si ce séjour se prolonge, les tensions vécues au quotidien peuvent s’estomper, comme la réaction de vigilance. La femme sera mieux disposée à amorcer une réflexion sur la violence dans sa vie et celle de son enfant. En ce sens, l’éloignement physique de la dynamique conjugale abusive pourrait être bénéfique à l’amélioration ou au maintien de la qualité de la relation mère-enfant des mères violentées.

25Enfin, des données probantes montrent que la qualité de la relation mère-enfant représente une variable déterminante pour l’adaptation de l’enfant exposé à la violence conjugale. Pour cette raison, des initiatives d’intervention visant à maintenir ou à améliorer la qualité de la relation mère-enfant doivent être développées pour soutenir le développement de l’enfant exposé. En respect du rythme de la femme et en maintenant un regard positif sur celle-ci, elles peuvent s’inscrire dans la démarche globale de reprise de contrôle sur sa vie. Ces initiatives devront néanmoins faire l’objet d’une étude évaluative rigoureuse pour s’assurer que les moyens utilisés permettent de produire les bénéfices cliniques souhaités. Ces bénéfices sont, à maintenant, principalement estimés sur des bases empiriques et idéologiques. Les connaissances produites sur les effets de telles initiatives rendront compte de la pertinence clinique des moyens utilisés et, le cas échéant, des modifications à apporter. Les résultats permettront également d’en apprendre davantage sur les conditions favorables de mise en œuvre des diverses cibles d’intervention incluses aux différents programmes, telles que celles qui ont été préalablement présentées.

6 – Conclusion

26Considérant l’ampleur des difficultés de l’enfant exposé à la violence conjugale, des interventions doivent être mises en œuvre pour lui venir en aide. En regard des connaissances actuelles, la relation mère-enfant s’illustre comme une variable déterminante de son adaptation. La qualité de la relation père-enfant est sans doute aussi de grande importance (Lapierre, 2008b) mais, à ce jour, peu d’études ont porté sur les pères violents (voir Holden et Barker, 2004; Perel et Peled, 2008; Fortin, Cyr, Lachance, 2000). Miser sur le soutien à la relation mère-enfant représente une avenue prometteuse d’intervention pour assurer un développement plus sain à l’enfant, en dépit de la violence présente dans sa vie. La mère de l’enfant exposé subit cependant les effets directs de la violence conjugale sur sa santé physique et psychologique. De fait, ses ressources sont en partie utilisées pour composer avec les effets de sa propre victimisation. Dans certaines situations, un soutien à la mère sur le plan personnel apparaît donc essentiel pour l’aider à incarner la figure parentale soutenante et protectrice que requiert son enfant. Un tel soutien est tout aussi nécessaire pour favoriser l’investissement d’activités d’intervention qui seraient mises en place. Or, les données probantes sur l’importance du soutien à la qualité de la relation mère-enfant en contexte de violence conjugale sont encore peu traduites en cibles d’intervention. Les initiatives qui verront le jour devront faire l’objet d’un processus d’évaluation rigoureux qui permettra de jauger la pertinence clinique des moyens utilisés pour améliorer ou maintenir la qualité de la relation mère-enfant.

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Mots-clés éditeurs : violence conjugale, intervention, difficultés d'adaptation de l'enfant, qualité de la relation mère-enfant

Mise en ligne 29/02/2012

https://doi.org/10.3917/cips.086.0321

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