Notes
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Daniel Priolo, Université de Nice-Sophia Antipolis, Laboratoire de Psychologie Cognitive et Sociale, Pôle universitaire Saint Jean d’Angély, 24 avenue des Diables Bleus, 06357 Nice cedex 4, France ou par courriel à <priolo@unice.fr>.
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[**]
Arnaud Liégeois, 95 rue Tribomont, 4860 Wegnez, Belgique ou par courriel à <arnaud.liegeois@gmail.com>. Arnaud Liégeois travaillait en tant que chercheur à l’UCL-PSOR au moment de la soumission de la première version de cet article. Il occupe depuis septembre 2006 la fonction de Chargé de Mission au sein de la Direction Ressources Humaines d’une entreprise du secteur non-marchand en Belgique
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[1]
Beauvois et Joule (1996) conseillent d’utiliser le terme dissonance cognitive uniquement à propos de l’état de malaise afin d’éviter les confusions terminologiques. Par conséquent, nous emploierons le terme état de dissonance cognitive pour parler de l’état de malaise.
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[2]
Dans une précédente expérimentation avortée, les sujets avaient refusé de décliner leur identité. C’est la raison pour laquelle, dans cette expérimentation, nous avons choisi de préciser aux sujets que les témoignages étaient anonymes.
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[3]
La lettre m correspond au nombre de conditions expérimentales de l’étude, Dans le cas présent m = 4.
1La lutte contre le tabagisme constitue un enjeu majeur pour les responsables de la santé publique. Des actions préventives aussi nombreuses que variées ont été développées afin de réduire la consommation de tabac. Par exemple, dans une de ces campagnes de prévention, des étudiants ont été invités à construire eux-mêmes un message de prévention qui pourrait sensibiliser les adolescents aux dangers du tabagisme. Si les auteurs de cette campagne avaient pris connaissance de la littérature sur l’hypocrisie induite, ils auraient pu aller plus loin et développer un cas hypothétique où ces jeunes devenus adultes et fumeurs sont invités à se rappeler le message qu’ils avaient rédigé et à confronter leurs transgressions actuelles à ce message.
2Les travaux réalisés dans le cadre de l’hypocrisie induite (e.g., Aronson, Fried et Stone, 1991 ; Dickerson, Thibodeau, Aronson et Miller, 1992 ; Fointiat, 2004 ; Fried, 1998 ; Fried et Aronson, 1995 ; Stone, Aronson, Crain, Winslow et Fried, 1994 ; Stone, Wiegand, Cooper et Aronson, 1997) révèlent que le rappel de transgressions d’un discours pro-attitudinal, (envers une cause socialement souhaitable) génère un état de dissonance cognitive. Les personnes placées dans cet état réduisent la dissonance en changeant leur attitude et/ou leur comportement, en fonction des opportunités saillantes dans l’environnement (Festinger, 1957). Selon la définition commune de l’hypocrisie (extraite du Petit Robert, 2006 ; p. 1297) ce serait la « tendance à dissimuler sa personnalité ou ses opinions ». Dans le cadre de l’hypocrisie induite, les gens ne sont pas conduits à dissimuler leurs opinions ou leur personnalité. Il leur est au contraire demandé d’exprimer une position conforme à leurs attitudes et ensuite de réaliser qu’ils n’agissent pas en accord avec ce qu’ils prônent.
3Pour expliquer les effets d’hypocrisie induite, Aronson (1999) propose une perspective qui accorde un rôle important au Soi dans la théorie de la consistance du Soi (Aronson, 1968 ; Thibodeau et Aronson, 1992). Selon cette théorie, les personnes en situation d’hypocrisie induite se perçoivent comme des hypocrites alors qu’elles ne veulent pas être hypocrites. La situation met en évidence une inconsistance entre leur comportement négatif et la conception positive, cohérente, morale et compétente qu’ils ont envers leur Soi. De cette inconsistance émergerait un état d’inconfort psychologique (i.e., dissonance cognitive). À notre connaissance, aucune proposition alternative n’a été examinée empiriquement dans la littérature. Les explications normatives des transgressions ont bien été posées comme une variable modératrice des effets de l’hypocrisie (Stone, Wiegand, Cooper et Aronson, 1997) mais pas comme une explication alternative. Dans cet article, nous proposons d’investiguer une autre piste permettant d’expliquer les effets d’hypocrisie. Plus précisément, nous pensons que l’hypocrisie induite est avant tout une situation dans laquelle l’inconsistance entre un comportement et une norme est mise en évidence. Dans cette perspective, le Soi ne jouerait pas un rôle prépondérant dans l’émergence de la dissonance cognitive. C’est l’écart perçu entre le comportement et la norme qui génèrerait un état de dissonance cognitive que chaque personne tend ensuite à réduire en modifiant son comportement ou son attitude. Selon cette explication, il n’est pas nécessaire d’inviter les individus à tenir un discours pro-attitudinal avant de les placer face à leurs transgressions. L’évocation préalable de la norme (envers un objet socialement désirable) devrait suffire à générer de la dissonance cognitive, grâce à la mise en évidence de l’incohérence entre cette norme et leurs comportements transgressifs.
Dissonance cognitive et hypocrisie
4Initialement énoncée par Festinger (1957) la théorie de la dissonance cognitive a été réinterprétée selon plusieurs conceptions. Discuter de la validité de ces différentes perspectives n’est pas le projet de cet article (voir Harmon-Jones et Mills, 1999 ; Girandola, 2001, pour une revue de questions). Nous nous limiterons donc à la formulation originale de la théorie (Festinger, 1957). Selon Festinger, deux cognitions ayant des implications contraires ne peuvent coexister dans l’esprit humain.
5Une personne ayant à l’esprit deux cognitions incohérentes tend à éprouver un état psychologique désagréable [1] appelé dissonance cognitive. La personne qui ressent cet état de tension est motivée à le réduire. La réduction s’opère en modifiant l’élément le plus simple à changer. Par exemple, si une personne n’aimant pas les frites est amenée à en manger sans aucune pression explicite (e.g., une récompense ou une menace), elle va éprouver un état de malaise dit de dissonance cognitive. La réduction de cet état passe par une modification d’une des deux cognitions (i.e., avoir mangé des frites ou l’attitude vis-à-vis des frites). Il est plus facile pour cette personne de modifier son attitude vis-à-vis des frites que de modifier son comportement passé. Il est alors probable que la réduction s’opère par un changement d’attitude. On parle alors de rationalisation (Beauvois, et Joule, 1996) qui est le mode le plus fréquent de réduction de la dissonance cognitive.
6La rationalisation peut s’opérer par une modification cognitive (e.g., l’attitude) ou par une modification comportementale. Un changement comportemental est appelé une rationalisation en acte (Joule, 1986). Changer de comportement étant plus coûteux que changer d’attitude, il est plus facile pour une personne de changer d’attitude que de comportement. La rationalisation peut s’appliquer également à une intention comportementale. C’est d’ailleurs ce qu’observe Aronson, Fried et Stone (1991) dans l’expérience princeps du paradigme de l’hypocrisie. Dans cette étude, des étudiants d’une université américaine sont amenés à rappeler des occasions où ils n’ont pas utilisé de préservatifs. Le rappel d’un comportement contraire au discours préventif est appelé « rappel des transgressions ». La seconde moitié des sujets n’effectue aucune tâche de rappel. Ensuite, la première moitié des sujets est invitée à réaliser un film préventif ayant pour but d’inciter les lycéens à utiliser des préservatifs. L’autre moitié ne tient pas ce discours. Aronson et al. (1991) ont observé que les sujets ayant réalisé le film et ayant rappelé leurs transgressions (i.e., situation d’hypocrisie) ont plus souvent exprimé l’intention d’utiliser des préservatifs que les sujets qui ont uniquement rappelé leurs transgressions (i.e., situation de transgression). Le paradigme de l’hypocrisie a été utilisé efficacement à des fins préventives. Les domaines dans lesquels il peut s’appliquer sont nombreux : la lutte contre le sida (Stone, Aronson, Crain, Winslow et Fried, 1994), l’économie d’eau (Dickerson, Thibodeau, Aronson et Miller, 1992), le recyclage (Fried, 1998) ou encore la sécurité routière (Fointiat, 2004).
7Aronson (1999) explique que l’idée du paradigme de l’hypocrisie induite lui est venue en constatant que, même lorsque les gens ont une attitude positive envers certains objets (e.g., utiliser systématiquement un préservatif, économiser l’eau, recycler le papier, etc.), ils ne la respectent pas au niveau comportemental. La situation d’hypocrisie met l’accent sur cette incohérence attitude-comportement pour engendrer un état de dissonance cognitive. Cet état aurait pour conséquences de renforcer l’attitude positive et de susciter davantage les comportements allant dans le sens du discours pro-attitudinal. Nous pensons qu’une autre explication pourrait être plus appropriée que la théorie de la consistance du Soi (Aronson, 1968). En effet, dans la plupart des recherches sur l’hypocrisie, voire dans la totalité, force est de constater que le discours pro-attitudinal est également un discours normatif. La situation met donc en évidence une norme qui prescrit les comportements à adopter envers l’objet attitudinal. Par la suite, le rappel des transgressions met en exergue le non respect de cette norme. L’objectif de cet article est de montrer que les effets d’hypocrisie peuvent résulter de la perception d’un écart entre une norme sociale et un comportement, sans que le Soi ne soit forcément impliqué. Par ailleurs, la perception de l’inconsistance entre la norme et le comportement personnel éveillerait de la dissonance chez les individus qui en font l’expérience.
Dissonance cognitive, hypocrisie et norme sociale
8La dissonance cognitive est définie par Festinger (1957) comme un état de tension psychologique désagréable que la personne est motivée à réduire et qui résulte de la perception d’une inconsistance entre deux cognitions contradictoires. Festinger évoque quatre cas pouvant générer de la dissonance cognitive. Nous souhaitons revenir sur ces cas de dissonance et les illustrer par les exemples proposés par Festinger afin de ne pas dénaturer les propos de l’auteur. Premièrement, la dissonance peut être suscitée par une inconsistance logique entre deux cognitions. Par exemple si une personne pense qu’un jour l’Homme marchera sur Mars mais qu’elle ne croit pas qu’il soit capable de construire une fusée qui puisse aller plus loin que la Lune, elle devrait éprouver de la dissonance cognitive. Celle-ci résulte de l’incompatibilité logique des deux cognitions. Deuxièmement, la dissonance peut émerger en cas d’inconsistance avec les « mœurs culturelles » (ce que nous appelons les normes sociales). Par exemple si je mange une cuisse poulet avec les doigts dans un restaurant chic, je risque d’éprouver de la dissonance cognitive. Celle-ci résulte de l’incompatibilité entre ma connaissance du savoir vivre et de mon comportement. Troisièmement, la dissonance peut émerger de l’inconsistance entre deux opinions. Par exemple, si une personne adhère aux idées du parti démocrate mais préfère le candidat du parti républicain, elle éprouvera probablement l’état de tension propre à la dissonance cognitive. Celle-ci provient de l’incompatibilité de ces deux opinions. Enfin, la dissonance peut faire suite à l’inconsistance entre un événement et l’expérience passée. Si une personne sort sous la pluie sans être mouillée, elle doit éprouver de la dissonance. Celle-ci provient de l’incompatibilité entre le souvenir de toutes les occurrences où « la pluie mouillait » et le fait de ne pas être mouillée cette fois-ci. La théorie de Festinger (1957) a très souvent été mise à l’épreuve grâce à des paradigmes expérimentaux exploitant l’inconsistance logique entre une attitude et un comportement (e.g., Aronson et Carlsmith, 1963 ; Festinger et Carlsmith, 1959 ; Joule, 1991 ; Beauvois, Bungert et Mariette, 1995). Le nombre de recherches portant sur ce cas de dissonance cognitive est tel que l’étude du deuxième cas évoqué par Festinger (1957) a été négligée. En effet, peu de travaux ont explicitement testé les effets de l’inconsistance entre ce que Festinger appelle les mœurs culturelles (e.g., ne pas manger avec les doigts dans un restaurant chic) et un comportement. De notre point de vue, nous considérons ces mœurs culturelles comme des normes sociales. Si je suis conscient qu’un comportement est socialement réprouvé dans un environnement donné alors l’adoption de ce comportement génèrera un état de dissonance cognitive. Celui-ci provient de la divergence entre ma connaissance des mœurs culturelles (i.e., de la norme) et mon comportement effectif.
9Nous aimerions insister sur la notion de mœurs culturelles qui peut être mise en lien avec à la distinction opérée par Cialdini, Reno et Kallgren (1990) concernant les normes sociales. Ces chercheurs ont différencié deux types de normes sociales : les normes descriptives et les normes prescriptives. Les premières décrivent les comportements qui sont les plus prévalents, soit « ce que tout le monde fait ». Les secondes indiquent ce qu’il est prescrit de faire, soit « comment tout le monde doit agir ». Les normes prescriptives renvoient à la notion de mœurs culturelles. Par conséquent, une inconsistance entre une norme prescriptive et un comportement doit générer un état de dissonance cognitive. Plusieurs recherches ont montré que la dissonance cognitive émerge quand une personne s’écarte d’une norme descriptive (Cooper et McKie, 1983 ; Norton, Monin, Cooper et Hogg, 2003 ; Matz et Wood, 2005). En revanche, peu de recherches se sont intéressées à l’inconsistance entre un comportement et ce qu’il est prescrit de faire (i.e., norme prescriptive). En prenant en compte le concept de norme prescriptive (Cialdini, Reno et Kallgren, 1990), nous pouvons porter un nouveau regard sur les recherches conduites dans le cadre du paradigme de l’hypocrisie.
10Rappelons que dans ce paradigme, les gens sont amenés, sans pression, à tenir un discours préventif et pro-attitudinal (e.g., dire que fumer est dangereux pour la santé) puis à remémorer les fois où ils ont eu des comportements contraires à ce discours (e.g., j’ai fumé trois cigarettes ce matin). Le discours préventif (e.g., déclarer que fumer est dangereux pour la santé) peut être vu comme un moyen d’activation d’une norme prescriptive. Pour nous en persuader, imaginons un père de famille qui dirait à son fils « il faut fumer parce que ça te rendra populaire auprès des filles ». Ce père serait jugé irresponsable car le discours antitabac correspond aujourd’hui à une norme prescriptive (i.e., « fumer, ce n’est pas bien »). Le rappel des transgressions (i.e., les comportements contraires au discours préventif) met en évidence l’inconsistance entre la norme prescriptive et les comportements d’une personne. Par conséquent, les effets observés en utilisant le paradigme de l’hypocrisie pourraient être dus à la divergence entre un comportement et une norme (i.e., Hypothèse de l’écart à la norme) et non pas à l’écart perçu entre le fait de ne pas vouloir passer pour un hypocrite et le fait d’avoir agi comme tel (i.e., Théorie de la consistance du soi ; Aronson, 1968 ; Thibodeau et Aronson, 1992). Nous avons mis en place deux expérimentations afin tester cette hypothèse théorique.
Expérimentation 1
11Nous avons examiné notre hypothèse dans le cadre de la prévention anti-tabac. Le tabagisme étant un comportement entraînant une forte dépendance, nous avons tenté, dans un premier temps, de reproduire les effets classiques de l’hypocrisie sur ce type de comportement. La première étude de notre recherche est donc une réplication conceptuelle de l’expérimentation princeps d’Aronson, Fried et Stone (1991). Plus précisément, nous avons (ou non) invité des étudiants à produire un message de prévention puis nous leur avons demandé (ou non) de rappeler des transgressions. Nous leur avons enfin soumis un questionnaire mesurant plusieurs intentions comportementales et leur sentiment de vulnérabilité vis-à-vis de plusieurs maladies liées au tabac.
Méthode
Sujets et plan expérimental
12Quatre-vingt étudiants de l’université de Nice-Sophia Antipolis ont pris part à cette étude (aucun étudiant en psychologie n’a participé à cette expérience). L’âge moyen des sujets était de 23.4 ans (? = 9.2). Tous les sujets se déclaraient fumeurs et consommaient en moyenne 9.7 cigarettes par jour (? = 6.7). L’échantillon était composé de 60% de femmes et 40 % d’hommes. Les sujets ont été assignés aléatoirement à une des quatre conditions en fonction de la présence/absence de production d’un discours pro-attitudinal et de la présence/absence de l’évocation de comportements transgressifs (cf. le tableau 1 pour les noms attribués aux différentes conditions)
Dénomination des conditions expérimentales
Dénomination des conditions expérimentales
Matériel expérimental
13Dans cette expérimentation, le discours préventif des sujets qui étaient invités à le faire (i.e., conditions Discours préventif) était enregistré par le biais d’un dictaphone. Les sujets étaient ensuite invités à remplir deux questionnaires dont l’ordre de présentation dépendait d la condition à laquelle ils étaient assignés.
14Les instructions du premier questionnaire invitaient les sujets à évoquer leurs transgressions des recommandations des messages anti-tabac. Il était demandé aux sujets d’indiquer à quel degré ils se considéraient comme des fumeurs, s’ils fumaient de manière répétée, s’ils fumaient en public (e.g., dans un bar). Les sujets indiquaient leurs réponses grâce à des échelles de Likert en 7 points où 1 signifiait pas du tout et 7 tout à fait. Afin d’écarter les fumeurs occasionnels de cette étude nous avons retenu uniquement les personnes présentant une moyenne supérieure à 5 à l’ensemble de ces questions. Une dernière question de ce questionnaire évaluait la consommation quotidienne moyenne de chaque sujet.
15Le second questionnaire avait pour but de mesurer la vulnérabilité perçue à propos de trois maladies liées au tabac (i.e., avoir accident cardio-vasculaire, avoir de l’hypertension artérielle et avoir un cancer du poumon) et les intentions d’adopter deux comportements sécuritaires (i.e., arrêter de fumer et diminuer sa consommation de cigarettes). Les sujets indiquaient leurs réponses grâce à des échelles de Likert en 7 points où 1 signifiait pas du tout et 7 tout à fait).
Procédure expérimentale
16Nous avons utilisé une procédure classique d’induction d’hypocrisie (e.g., Aronson, Fried et Stone 1991 ; Fried, 1998). Dans un premier temps, l’expérimentateur se présentait comme faisant partie d’une association qui luttait contre le tabagisme. Il invitait la première moitié des sujets à exposer librement les dangers du tabac face à un dictaphone (i.e., à tenir discours préventif). L’enregistrement était présenté comme du matériel qui serait utilisé dans une prétendue campagne de prévention élaborée par l’association. Les sujets témoignaient de manière anonyme [2]. La seconde moitié des personnes ne réalisait pas cet enregistrement (i.e., pas de discours préventif).
17Dans un second temps, les sujets répondaient aux deux questionnaires. Pour une moitié des sujets, le questionnaire mettant en évidence les transgressions précédait celui mesurant la vulnérabilité et les intentions comportementales (i.e., rappel transgressions). Pour l’autre moitié des personnes, l’ordre des questionnaires était inversé (i.e., sans rappel des transgressions). Plus précisément, ces sujets répondaient d’abord au questionnaire mesurant la vulnérabilité et les intentions comportementales avant de remplir le questionnaire évoquant les transgressions. Les mesures étant présentées avant le rappel des transgressions, cette condition correspondait à une condition où le rappel de transgressions était absent.
18Nous avons mesuré les effets de nos variables indépendantes sur deux variables dépendantes : la vulnérabilité et l’intention de se protéger.
19Nous nous attendions à ce que les sujets en condition « Hypocrisie » (i.e., discours préventif et rappel des transgressions) éprouvent de la dissonance cognitive suite à l’inconsistance perçue entre leur comportement et leur discours. Cet état de tension peut être réduit en adoptant des cognitions consistantes avec la norme prescriptive. La norme étant de ne pas fumer car cela est néfaste pour la santé, une cognition consistante avec cette norme est de penser que les risques liés au tabac sont grands (i.e., exprimer une forte vulnérabilité) et d’exprimer l’intention de se protéger contre ces risques. Par conséquent, les sujets en condition « Hypocrisie » devraient rapporter une perception de vulnérabilité plus forte et une intention de se protéger plus marquée que les sujets des autres conditions.
Résultats
20Dans le cadre de l’hypocrisie induite, seuls les sujets en situation d’hypocrisie sont censés ressentir de la dissonance cognitive. Cependant, dans les travaux de Dickerson, Thibodeau, Aronson, et Miller (1992), la seule différence significative est observée entre le sujets de la condition contrôle et ceux de la condition hypocrisie. Statistiquement, en testant les conditions deux à deux, il est possible de passer à côté du modèle qui résume le mieux les données. Afin d’éviter ce genre d’inconvénients, nous avons utilisé la méthode des contrastes (Abelson et Prentice, 1997 ; Brauer et McClelland, 2005). Les contrastes ont été réalisés sur la moyenne des items mesurant la vulnérabilité (? = .87) et celle des items mesurant les intentions de se protéger (r = .76).
21Brauer et McClelland (2005) préconisent de comparer un modèle d’intérêt à des modèles alternatifs afin de tester la validité d’une hypothèse. Dans notre cas, nous avons un plan 2x2 et nous faisons l’hypothèse qu’une condition diffère significativement des trois autres notre contraste d’intérêt sera le suivant :
22C1 : Hypocrisie = 3 ; Transgressions = -1 ; Prévention = -1 ; Contrôle = -1.
23Nous le comparerons aux deux contrastes alternatifs suivants :
24C2 : Hypocrisie = 0 ; Transgression= 2 ; Prévention = -1 ; Contrôle = -1
25C3 : Hypocrisie = 0 ; Transgression= 0 ; Prévention = 1 ; Contrôle = -1
Vulnérabilité
26La vulnérabilité correspond à la moyenne de trois items (i.e., la probabilité de contracter un cancer du poumon, la probabilité de souffrir d’hypertension artérielle et la probabilité d’avoir un accident cardio-vasculaire) ayant une cohérence interne classiquement reconnue comme acceptable (? = .87). Nous avons effectué une première analyse de régression multiple où la vulnérabilité a été régressée sur l’ensemble des m-1 [3] contrastes (i.e., trois contrastes : C1, C2 et C3). Les analyses révèlent que le contraste correspondant à notre hypothèse (C1) est significatif, F(1,76) = 9.61, p <.05. En revanche, ni C2 ni C3 ne sont significatifs, F(1 76) = 0.11, p < .74 et F(1,76) = 2.18, p < .15. Ces résultats sont conformes à notre hypothèse. S’ils sont nécessaires au rejet de l’hypothèse nulle ils ne sont pas suffisants. Nous avons examiné l’erreur résiduelle et elle n’est pas significative, F(2,76) = 1.11, p < .33. Notre hypothèse répond donc aux deux conditions de la méthode des contrastes (Abelson et Prentice, 1997 ; Brauer et McClelland, 2005). Nous pouvons affirmer que la condition « Hypocrisie » diffère significativement des trois autres du point de vue de la vulnérabilité. En comparant les moyennes des quatre conditions (cf. tableau 2), il apparaît que les sujets de la condition « Hypocrisie » expriment une plus forte vulnérabilité que celle exprimée par les sujets des autres conditions. Il semble donc que les sujets de cette condition aient éprouvé un état de dissonance cognitive qu’ils ont réduit en exprimant une forte vulnérabilité.
Vulnérabilité moyenne pour chaque condition
Vulnérabilité moyenne pour chaque condition
Intention de se protéger
27L’intention de se protéger correspond à la valeur moyenne des réponses données par les sujets aux deux items mesurant l’intention de se protéger (i.e., intention d’arrêter de fumer et intention de diminuer sa consommation de tabac). Ces deux items entretiennent une relation suffisamment forte pour être traités comme un seul et même score (r = .76). Nous avons régressé la variable dépendante intention de se protéger sur l’ensemble des m-1 contrastes (i.e., trois contrastes : C1, C2 et C3). Les analyses révèlent que le contraste correspondant à notre hypothèse (C1) est significatif, F(1,76) =4.04, p<.05. En revanche, ni C2 ni C3 ne sont significatifs, F(1,76) = 0.53, p > .46 et F(1,76) = 0.29, p > .58. Ces résultats sont conformes à notre hypothèse. Nous avons ensuite examiné l’erreur résiduelle et elle n’est pas significative, F(2,76) = 0.41, p > .69. Notre hypothèse répond donc aux deux conditions de la méthode des contrastes (Abelson et Prentice, 1997 ; Brauer et McClelland, 2005) nous pouvons affirmer que la condition « Hypocrisie » diffère bien des trois autres du point de vue de l’intention de se protéger. En comparant les moyennes des quatre conditions (cf. tableau 3), il apparaît que les sujets de la condition « Hypocrisie » expriment une plus forte intention de se protéger que celle exprimée par les sujets des autres conditions. Il semble donc que les sujets de cette condition ont éprouvé un état de dissonance cognitive qu’ils ont réduit en exprimant une intention de se protéger plus importante que dans les autres conditions.
Intention de se protéger moyenne pour chaque condition
Intention de se protéger moyenne pour chaque condition
Discussion
28L’objectif de cette étude était de répliquer l’expérimentation d’Aronson, Fried et Stone (1991) dans le contexte du tabagisme. Conformément aux résultats de ces auteurs, nous nous attendions à ce que les sujets en situation d’hypocrisie éprouvent un état de dissonance cognitive qu’ils seraient motivés à réduire en exprimant des cognitions consistantes avec le discours préventif. Plus précisément, chez les sujets ayant tenu un discours rappelant les dangers du tabac et ayant évoqué des transgressions personnelles de ce discours, nous nous attendions à ce qu’ils expriment une forte intention de se protéger et une forte vulnérabilité aux maladies liée au tabac. Les résultats obtenus sont conformes à cette hypothèse. S’il était envisageable que les effets de l’hypocrisie puissent être obtenus dans le cadre de la prévention anti-tabac, il était impossible de l’affirmer tant que les résultats paradigmatiques n’avaient pas été reproduits. Par ailleurs, les résultats de cette expérience renforcent les effets observés dans la littérature sur le paradigme de l’hypocrisie.
29La question qui se pose alors est pourquoi les sujets ont-ils exprimé des cognitions consistantes avec ce discours préventif plutôt qu’avec les transgressions. Les travaux de Stone, Wiegand, Cooper et Aronson (1997) donnent des éléments de réponse à cette question. Ces chercheurs ont montré que le discours préventif est pro-attitudinal pour les sujets alors que les transgressions sont contre-attitudinales. Si nous nous référons à la théorie de la dissonance cognitive, les gens modifient l’élément le plus facile à changer et qui est le plus saillant dans le contexte. Pour déterminer cet élément, il nous faut rappeler notre explication des effets du paradigme. En situation d’hypocrisie, la dissonance cognitive serait due à l’inconsistance entre un comportement et la norme prescriptive (i.e., les « mœurs culturelles » selon Festinger, 1957). Dans ce cadre, il est plus facile pour une personne de changer son intention comportementale et sa perception du risque que de changer la norme prescriptive dans la population. Par conséquent, les gens en situation d’hypocrisie réduisent la dissonance cognitive en produisant des cognitions consistantes avec la norme plutôt qu’avec leurs transgressions. Aronson (1999) exprime lui aussi l’idée que les gens réduisent l’importance de leur hypocrisie grâce à l’expression d’intentions comportementales consistantes avec le discours préventif. Pour illustrer de façon simple, une personne se sentirait moins hypocrite en affirmant « je ne fais certes pas ce que je recommande mais je compte le faire » qu’une autre arguant « je ne fais pas ce que je recommande et je ne compte pas changer de comportement ». Pour l’instant, nous ne pouvons pas privilégier notre explication à celle d’Aronson (1999), à moins que nous obtenions les effets de l’hypocrisie sans que les sujets agissent comme des hypocrites. Nous avons donc mis en place une seconde expérimentation afin d’appuyer notre position.
Expérimentation 2
30Dans le paradigme de l’hypocrisie, nous pensons que le discours préventif (e.g., fumer est dangereux pour la santé) active directement la norme prescriptive dans l’esprit des sujets. Le rappel ultérieur de leurs transgressions met en exergue l’inconsistance entre la norme et leurs comportements. Afin de montrer que le paradigme de l’hypocrisie correspond à la mise en évidence d’une inconsistance entre une norme prescriptive et un comportement, nous avons élaboré une procédure expérimentale dans laquelle le paradigme original a été légèrement modifié. Dans cette procédure modifiée, le rappel des transgressions précédait le discours préventif (i.e., norme prescriptive). Cette modification était nécessaire à la mise à l’épreuve de nos hypothèses. En effet, si la dissonance cognitive est due à l’inconsistance entre une norme prescriptive et un comportement alors l’ordre d’activation des cognitions importe peu. De plus, Dickerson, Thibodeau, Aronson et Miller (1992) ont obtenu des effets similaires à ceux de l’hypocrisie en rappelant les transgressions avant le discours préventif. L’ordre des phases de l’hypocrisie (i.e., énoncé du discours préventif puis rappel des transgressions) n’est pas la seule modification que nous avons effectuée. Dans notre protocole expérimental, les sujets ne tiennent plus le discours normatif. La position normative leur est simplement évoquée (i.e., activation de la norme) par un message de prévention (cf. annexe), tout comme leurs transgressions. Les sujets ne formulant pas le discours préventif, ils ne font donc aucune recommandation sur ce qu’il est prescrit de faire. Par conséquent, les transgressions ne correspondent plus à des comportements contraires à des recommandations mais bien à des comportements contredisant une norme activée dans leur esprit. Les sujets ne peuvent donc plus se voir comme des hypocrites. En revanche, ils peuvent voir qu’ils transgressent une norme prescriptive.
31Nous faisons l’hypothèse que le rappel d’un comportement (i.e., fumer) inconsistant avec le rappel d’une norme prescriptive (i.e., fumer c’est dangereux pour la santé) va engendrer un état de dissonance cognitive. Celui-ci peut être réduit en exprimant une forte vulnérabilité et une forte intention de se protéger.
Pré-test
32Afin de nous assurer que notre procédure d’hypocrisie induisait bien un état d’inconfort nous avons sollicité 40 étudiants de psychologie pour qu’ils participent à une étude sur la prévention antitabac. Tous les sujets étaient fumeurs et consommaient en moyenne 11,1 cigarettes par jour (? = 4.5). Les personnes sollicitées étaient en moyenne âgées de 21,7 ans (? = 3.2.) et étaient en majorité des femmes (80% de femmes). Pour effectuer ce pré-test, nous avons utilisé deux questionnaires et un message de prévention. Le premier questionnaire était biaisé et servait à rappeler les transgressions des sujets. Nous n’avons conservé que les sujets qui avaient une moyenne supérieure à 5 à l’ensemble des questions car cela signifiait qu’ils avaient effectivement transgressé la norme. Puis, nous leur avons rappelé la norme injonctive antitabac à l’aide d’un message préventif. Par la suite, nous avons utilisé un second questionnaire reprenant les items d’inconfort psychologique de l’échelle d’Elliott et Devine (1994). Ce second questionnaire était utilisé afin de mesurer l’état de malaise que les sujets sont censés éprouver dans cette condition. Nous avons donc demandé aux sujets à quel point ils se sentaient « anxieux », « tendus », « mal à l’aise », « gênés » et « embarrassés ». Nous avons utilisé le même questionnaire auprès de sujets n’ayant été exposés ni au rappel des transgressions ni au rappel de la norme. Ces personnes constituaient notre groupe contrôle. Les items de notre questionnaire mesurant le malaise ont une cohérence interne forte (? = .96). Pour chaque sujet, nous avons calculé le score moyen aux cinq items. Ensuite, nous avons comparé les moyennes des deux groupes de sujets. Les résultats indiquent que les sujets chez qui nous avons évoqué les transgressions et activé la norme (i.e., les sujets en situation d’hypocrisie) ont rapporté un état de malaise plus important (M =3.1 ; ? =1.4) que ceux du groupe contrôle (M =1.3 ; ? = 0.7). Suite à une analyse de variance nous observons que cet effet est significatif (F(1,38) = 26.41, p < .05). Il semble donc que le rappel des transgressions suivi du rappel d’une norme injonctive induise un état d’inconfort psychologique.
Méthode
Sujets et plan expérimental
33Quatre-vingt personnes assurées de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Nice ont participé à cette étude. L’âge moyen des sujets était de 33,2 ans (? = 11.0) et leur consommation quotidienne de cigarettes était en moyenne de 16,2 cigarettes (? = 10.1). Parmi ces personnes, 52% des étaient des hommes et 48% des femmes. Les sujets étaient assignés aléatoirement à l’une de quatre conditions du plan expérimental suivant : 2, Prévention (rappel prévention vs sans rappel prévention) x 2, Transgressions (rappel transgressions vs sans rappel transgressions).
Matériel expérimental
34Un message (cf. annexe) présentait les dangers liés à la consommation de tabac. Il permettait de rappeler la norme injonctive aux sujets (i.e., il ne faut pas fumer). Nous présentions également deux questionnaires aux personnes. Le premier permettait de rappeler les transgressions des fumeurs (cf. Expérimentation 1). Le second questionnaire permettait de mesurer l’intention de se protéger sur base de deux items. qui était la moyenne de deux intentions (i.e., « arrêter de fumer » et « diminuer sa consommation de tabac ») fortement corrélées (r = .84). Les sujets exprimaient leur avis sur des échelles de Likert en sept points où 1 équivalait à « pas du tout » et 7 à « tout à fait ». Le questionnaire permettait également de mesurer la vulnérabilité. Les sujets devaient estimer leur probabilité de contracter certaines maladies liées au tabagisme. Ils devaient pour cela se positionner sur des échelles en sept points où 1 signifie « pas du tout probable » et 7 « tout à fait probable ». L’ordre de présentation des items était contrebalancé.
Procédure expérimentale
35Les sujets étaient abordés alors qu’ils patientaient pour rencontrer un conseiller de la CPAM. Il leur était demandé de participer à une étude sur la prévention menée dans le cadre d’un doctorat à l’Université de Nice Sophia-Antipolis. Pour la moitié des sujets, les transgressions étaient évoquées dans un premier temps (i.e., Rappel de transgressions), alors que rien n’était rappelé à l’autre moitié (i.e., sans rappel de transgressions). Ensuite, une moitié des sujets lisait un message de prévention antitabac (i.e., Rappel prévention) tandis que l’autre moitié ne lisait rien (i.e., condition sans rappel prévention). En procédant ainsi, nous avons activé ou non la norme prescriptive (i.e., il ne faut pas fumer car c’est dangereux) chez les sujets. Pour terminer, tous les sujets remplissaient le questionnaire mesurant l’intention de se protéger et la vulnérabilité perçue. En résumé, nous disposions de quatre groupes de sujets équivalents à l’expérimentation précédente. Afin de faciliter la lisibilité de cette nouvelle étude, nous avons donné les mêmes noms aux conditions expérimentales (cf. tableau 4). Nous sommes toutefois conscients qu’il ne s’agit pas strictement des mêmes conditions. Notamment la condition « Hypocrisie » qui correspond à la situation dans laquelle les transgressions et la norme prescriptive ont été rappelées aux sujets. Pour sa part, la condition « Transgressions » correspond à la situation dans laquelle seules les transgressions ont été rappelées aux sujets. La condition « Prévention » correspond à la situation dans laquelle seule la norme prescriptive (i.e., il ne faut pas fumer) a été rappelée. La condition « Contrôle » correspond à la situation dans laquelle aucun rappel n’a été effectué auprès des sujets.
Dénomination des conditions expérimentales
Dénomination des conditions expérimentales
36Nous avons mesuré les effets de nos variables indépendantes sur deux variables dépendantes : la vulnérabilité perçue et l’intention de se protéger.
37Nous nous attendions à ce que les sujets en condition « Hypocrisie » (i.e., rappel des transgressions et rappel prévention) rapportent davantage de vulnérabilité et d’intentions de se protéger. Plus précisément, un état de dissonance cognitive émergerait de l’inconsistance entre leur comportement et la norme prescriptive présentée par le message (i.e., il ne faut pas fumer). Cet état de tension motivationnelle (i.e., de dissonance cognitive) peut être réduit en adoptant des cognitions consistantes avec la norme. La norme étant de ne pas fumer car c’est dangereux ; il est consistant avec cette norme de penser que les risques liés au tabac sont grands (i.e., forte vulnérabilité) et d’avoir l’intention de se protéger. Par conséquent, nous faisons l’hypothèse que les sujets en condition « Hypocrisie » rapporteront la vulnérabilité la plus forte et l’intention de se protéger la plus forte. Autrement dit, cette condition diffèrera des autres conditions.
Résultats
38Nos données ont été analysées grâce à la méthode des contrastes (Abelson et Prentice 1997 ; Brauer et McClelland, 2005).
39Notre hypothèse étant similaire à celle de l’expérimentation précédente, nous avons examiné les mêmes contrastes :
40C1 : Hypocrisie = 3 ; Transgressions = -1 ; Prévention = -1 ; Contrôle = -1.
41Ce pattern attendu a été comparé aux deux contrastes alternatifs suivants :
42C2 : Hypocrisie = 0 ; Transgression= 2 ; Prévention = -1 ; Contrôle = -1
43C3 : Hypocrisie = 0 ; Transgression= 0 ; Prévention = 1 ; Contrôle = -1
Vulnérabilité
44La vulnérabilité correspond à la moyenne des réponses données aux trois items mesurant la vulnérabilité perçue (i.e., la probabilité de contracter un cancer du poumon, la probabilité de souffrir d’hypertension artérielle et la probabilité d’avoir un accident cardio-vasculaire). La cohérence interne entre ces items était suffisamment forte (? = .84) pour que nous puissions travailler avec un score global de vulnérabilité. Nous avons effectué une première analyse de régression multiple où la vulnérabilité a été régressée sur l’ensemble des m-1 contrastes (i.e., trois contrastes, C1, C2 et C3). Les analyses révèlent que le contraste correspondant à notre hypothèse (C1) est significatif, F(1,76) = 5.21, p <.05. En revanche, ni C2 (F(1,76) = 2.91, p > .10) ni C3 ne sont significatifs (F(1,76) = 0.05, p > .82). Ces résultats renforcent néanmoins notre hypothèse. Nous avons examiné l’erreur résiduelle et elle n’est pas significative, F(2,76) = 1.19, p > .35. Notre analyse répond aux deux conditions de la méthode des contrastes (Abelson et Prentice, 1997 ; Brauer et McClelland, 2005). Nous pouvons affirmer que la condition « Hypocrisie » diffère bien des trois autres du point de vue de la vulnérabilité. En comparant les moyennes des quatre conditions (cf. tableau 5), il apparaît que les sujets de la condition « Hypocrisie » expriment une plus forte vulnérabilité que celle exprimée par les sujets des autres conditions. Il semble donc que les sujets de cette condition ont éprouvé un état de dissonance cognitive. Ils ont réduit cet état en exprimant une forte vulnérabilité. Notons que les valeurs sont relativement élevées pour les sujets de la condition « Transgression » (cf. tableau 5). Nous aborderons ce point en discussion.
Vulnérabilité moyenne pour chaque condition
Vulnérabilité moyenne pour chaque condition
Intention de se protéger
45L’intention de se protéger correspond à la valeur moyenne des réponses données par les sujets aux deux items mesurant l’intention de se protéger (i.e., intention d’arrêter de fumer et intention de diminuer sa consommation de tabac). Nous avons régressé la variable dépendante intention de se protéger sur l’ensemble des m-1 contrastes (i.e., 3 contrastes, C1, C2 et C3). Les analyses révèlent que le contraste correspondant à notre hypothèse (C1) est significatif, F(1,76) = 10.06, p<.05. En revanche, ni C2 (F(1,76) = 3.05, p<.09) ni C3 ne sont significatifs (F(1,76) = 0.23, p > .62).
46Nous avons testé l’erreur résiduelle et elle n’est pas significative, F(2,76) = 1.64, p < .20. Notre hypothèse répond donc aux deux conditions de la méthode des contrastes (Abelson et Prentice, 1997 ; Brauer et McClelland, 2005) nous pouvons affirmer que la condition « Hypocrisie » diffère bien des trois autres du point de vue de l’intention de se protéger. En comparant les moyennes des quatre conditions (cf. tableau 6), il apparaît que les sujets de la condition « Hypocrisie » expriment une plus forte intention de se protéger que celle exprimée par les sujets des autres conditions. Il semble donc que les sujets de cette condition ont éprouvé un état de dissonance cognitive qu’ils ont réduit en exprimant une forte intention de se protéger. Notons que les valeurs sont relativement élevées pour les sujets de la condition « Transgression » (cf. tableau 6). Nous aborderons ce point en discussion.
Intention de se protéger moyenne pour chaque condition
Intention de se protéger moyenne pour chaque condition
Discussion
47L’objectif de cette expérimentation était de montrer qu’il est possible d’obtenir des effets similaires à ceux de l’hypocrisie en mettant en évidence l’inconsistance entre une norme prescriptive (i.e., il ne faut pas fumer) et un comportement. Nos résultats renforcent cette hypothèse.
48En effet, les sujets de la condition « Hypocrisie » rapportent une intention de se protéger et une vulnérabilité supérieures à celles exprimées par les sujets des trois autres conditions expérimentales. Tout se passe comme si ces sujets, placés devant l’inconsistance entre une norme prescriptive et un comportement, ressentaient de la dissonance cognitive. Nos données suggèrent que l’expression de cognitions consistantes avec la norme (reflétées par l’expression d’une intention et d’une vulnérabilité plus importantes) permet aux personnes de réduire cet état désagréable. Il est important de noter que, même si les sujets de la condition « Hypocrisie » ont manifesté une forte vulnérabilité et une forte intention de se protéger, ces indices étaient relativement élevés pour les sujets de la condition « Transgression ». En guise de piste explicative, nous pensons que le discours antitabac est aujourd’hui complètement intégré par les fumeurs. Cette intégration pourrait être telle que le simple rappel des transgressions suffit à évoquer spontanément l’inconsistance entre le comportement de consommation de tabac et la norme rejetant le tabagisme. Il est très probable qu’un autre thème (e.g., la prévention des accidents domestiques) aurait pu aboutir à des valeurs moins importantes de l’intention et de la vulnérabilité dans la condition « Transgression ». Les effets observés dans cette condition sont donc à interpréter avec prudence. Par ailleurs, les effets d’hypocrisie observés ont des implications tant théoriques que pratiques.
Discussion générale
49Cet article avait pour objectif d’investiguer une explication alternative aux effets classiquement observés dans la littérature sur le paradigme de l’hypocrisie induite. Aronson (1999) a mis en évidence qu’une personne qui perçoit un désaccord entre ce qu’elle fait et ce qu’elle recommande pour autrui (e.g., il ne faut pas fumer) se sent hypocrite et qu’elle tente de réduire cette perception négative de Soi, de façon à « redorer son blason ». D’après cet auteur, la situation d’hypocrisie met en évidence une inconsistance entre la conception du Soi renvoyée par le comportement et la conception positive que cette personne a naturellement envers elle-même. Cette perception d’incohérence engendre un état de dissonance cognitive (Fried et Aronson, 1995) qui peut être réduit en exprimant des cognitions consistantes avec les recommandations (i.e., il ne faut pas fumer).
50Toutefois, nous pensons que cette explication ne tient pas compte de certaines particularités du paradigme expérimental. Dans ce dernier, les sujets soutiennent généralement des normes de conduite prescriptives (e.g., ne pas fumer, mettre systématiquement un préservatif, économiser l’eau, etc.). Autrement dit, il est demandé au sujet d’exprimer ce qu’il est « bien » de faire ou de ne pas faire dans le cadre d’un thème donné. Selon nous, cette situation active directement une norme prescriptive dans l’esprit des sujets. L’évocation ultérieure des transgressions de cette norme met en évidence une inconsistance entre deux cognitions à propos du même objet. Selon nous, cette inconsistance perçue génère de la dissonance cognitive. Nous avons mis en place deux expérimentations afin de mettre cette hypothèse à l’épreuve.
51Dans la première étude, nous avons montré qu’il est possible de reproduire les effets paradigmatiques de l’hypocrisie avec un comportement entraînant une addiction (i.e., le tabagisme). Concrètement, chez les fumeurs, tenir un discours antitabac puis se rappeler des occasions où ils ont fumé génère de la dissonance cognitive. La réduction de celle-ci s’opère en rapportant une forte vulnérabilité aux maladies liées au tabac et une forte intention de se protéger (i.e., moyenne de deux intentions « arrêter de fumer » et « diminuer sa consommation de cigarette »).
52Nous avons complété les résultats de cette première étude par ceux d’une seconde expérimentation dans laquelle nous avons modifié le paradigme expérimental classique de l’hypocrisie. Le but de cette modification était d’examiner le rôle de la norme dans l’émergence d’hypocrisie. L’ajustement consistait à évoquer les transgressions des sujets avant le discours préventif. En procédant de cette manière, nous avons obtenu des résultats similaires à ceux de la situation d’hypocrisie classique (i.e., discours préventif puis évocation des transgressions). Nous pouvons d’ores et déjà conclure que l’inconsistance entre une norme injonctive et un comportement aboutit à des changements cognitifs (i.e., vulnérabilité et intentions comportementales). L’explication de ces changements d’intention et de vulnérabilité demande à être discutée.
53Nous pensons que ces changements sont dus à un état de dissonance cognitive qui résulterait de l’inconsistance entre une norme prescriptive et un comportement. Tout se passe comme si les sujets éprouvaient un état de tension motivationnelle. En effet, nous observons, dans notre pré-test, une différence sur des items mesurant l’inconfort psychologique et, dans nos expérimentations, nous constatons des changements d’intention et de vulnérabilité. Ces résultats pourraient a priori trouver une explication dans le cadre de la théorie du conflit socio-normatif (Sanchez-Mazas, Mugny et Jovanovic, 1996). Selon cette théorie, le conflit entre une norme collective et une norme individuelle suffit à produire des changements cognitifs (e.g., changement d’attitude). Cependant les résultats de Sanchez-Mazas et al. (1996) ont été observés le cadre de la divergence d’avis d’une personne face à une majorité. Cette situation (s’écarter de la norme collective) correspond à la divergence entre une norme dite descriptive (Cialdini, Reno et Kallgren, 1990) et une attitude ou une opinion. Dans notre étude, nous ne traitons pas avec des normes descriptives mais avec des normes prescriptives. Ceci nous amène à penser que le conflit socio-normatif aborde une question différente de celle qui est évoquée dans cet article. De plus, nos résultats sont équivalents à ceux obtenus dans le cadre du paradigme de l’hypocrisie. Fried et Aronson (1995) ont établi que ce paradigme induit un état de dissonance cognitive. Il est donc très probable que notre manipulation ait engendré un état similaire.
54Selon notre proposition d’explication, le Soi n’est pas nécessairement impliqué dans les effets d’hypocrisie. Une personne, ne faisant pas ce qu’elle recommande, ressentirait un état de malaise non pas parce qu’elle ne veut pas passer pour une hypocrite mais parce qu’elle adopte un comportement contraire à une norme prescriptive. Pour appuyer l’hypothèse d’Aronson (1999) il faudrait que des données soient obtenues avec un thème qui ne renvoie pas à la notion de norme prescriptive. Nous pensons que les effets du paradigme de l’hypocrisie ont été mis en évidence dans de nombreuses situations dans lesquelles il est possible d’évoquer une inconsistance entre un comportement et une norme prescriptive. Nous comptons reproduire nos effets avec des comportements qui n’ont aucun lien avec la prévention (e.g., demander à des enfants de dire qu’il ne faut pas mettre les doigts dans son nez). Ces faits s’opposeraient avec la révision de la théorie de la dissonance cognitive opérée par Aronson (1968, 1992) mais ils s’accorderaient avec la formulation originelle de la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957). Nous avons mis en évidence les effets de l’inconsistance entre un comportement et des normes sociales. La formulation de la théorie de la dissonance cognitive la plus adaptée à nos résultats et plus généralement à des contextes valides écologiquement reste encore à déterminer. Nous pouvons néanmoins dégager des implications pratiques des effets de ce paradigme quelque en soit l’explication.
55Au vu de l’ensemble de recherches portant sur l’hypocrisie, il serait tentant de penser que l’on détient un outil de prévention révolutionnaire. En effet, il suffirait de faire construire un message de prévention à une personne non observante pour voir s’opérer des changements cognitifs et comportementaux allant dans le sens de la dynamique préventive. Nous pourrions même imaginer une campagne nationale incitant les lycéens de toute la France à élaborer des messages antitabac pour les dissuader de fumer. Pourtant rien ne dit que cette action serait efficace. Pourquoi un tel scepticisme concernant l’application du paradigme de l’hypocrisie ? Tout simplement, parce que si aujourd’hui l’hypocrisie semble avoir des effets bénéfiques pour la prévention c’est avant tout parce que les chercheurs ont mis en place des protocoles expérimentaux qui favorisent ces effets. Cependant dans le paradigme de l’hypocrisie, rien n’indique que la rationalisation soit le mode de réduction de la dissonance qui s’opère naturellement. Stone et Cooper (2001, 2003) montrent comment des éléments contextuels peuvent nous amener vers un type de réduction plutôt qu’un autre. Par conséquent dans certains contextes, il est probable qu’un fumeur amené à dire qu’il ne faut pas fumer puisse trivialiser (i.e., dévaloriser le comportement produit, Simon, Greenberg et Brehm, 1995). Autrement dit, le fumeur dévaloriserait l’acte qu’il vient d’accomplir afin de réduire l’état de malaise qu’il éprouverait. Il pourrait dire par exemple, « oui j’ai dit qu’il ne fallait pas fumer mais j’ai dit ça pour faire plaisir à ce monsieur, je ne le pense pas vraiment ». Pour éviter que ce mode de réduction se mette en place, une précaution suffit : toujours offrir la possibilité de rationaliser ou de rationaliser en acte aux personnes soumises à ce paradigme. En procédant ainsi, les effets du paradigme iront dans le sens de la dynamique préventive. Il est alors possible de concevoir des actions préventives appliquant efficacement le paradigme de l’hypocrisie.
Annexe
56Aujourd’hui tout le monde croit connaître les dangers liés à la consommation de tabac. Il est communément admis que fumer nuit gravement à la santé. Il a été prouvé scientifiquement, et ce, à maintes reprises, que fumer peut entraîner des troubles du système respiratoire mais aussi d’autres nuisances moins connues. Voici une liste incomplète des conséquences de la consommation de tabac. Fumer provoque : le cancer de la langue, de la bouche, de l’œsophage, du larynx, du poumon et de la vessie mais peut aussi entraîner des problèmes cardio-vasculaires, de l’hypertension artérielle et des malformations du fœtus.
57Savoir quelles sont les maladies causées par le tabagisme est une chose mais vivre avec en est une autre. On ne s’imagine pas les horribles souffrances que peut endurer un malade atteint d’un cancer. La douleur ne disparaît ni au moment où il détourne les yeux ni quand il essaie de penser à autre chose. Elle est là tous les jours, du début de la journée jusqu’à la fin et sera là le lendemain encore plus forte que la veille. L’intensité est telle qu’elle pousse certaines personnes au suicide. Mais le cancer n’est pas la seule maladie mortelle liée au tabac. Si par chance, un fumeur évite un cancer, il est fort probable qu’il vienne accroître le nombre de personnes ayant succombé à un accident cardio-vasculaire.
5890 % des personnes ayant une de ces maladies fument ou ont fumé. Pour celles qui ont commencé avant vingt-cinq ans les risques sont multipliés par quatre. En générale, les problèmes de santé graves et irréversibles (artères bouchées) surviennent cinq ou dix ans après avoir commencé à fumer. Pour une personne atteinte d’un cancer, la mort survient au bout d’un an ou deux. Ces informations ne devraient pas être prises à la légère car elles concernent tout le monde.
59Il y a trois mois à peine, Patrick faisait la fête avec ses amis et maintenant :
60Arrêter de fumer ou réduire sa consommation de tabac sont des moyens efficaces pour éviter de telles conséquences. On observe des effets positifs, aussi bien à court terme qu’à long terme. Quinze jours après l’arrêt complet, la gêne lors des efforts physiques légers disparaît ; six mois après on récupère une capacité respiratoire proche de celle d’un non-fumeur. L’activité physique (par exemple aller à la piscine une fois par semaine) permet d’éviter une prise de poids indésirable, tout en gardant un bon appétit. L’utilisation de patchs procure, graduellement, au corps la nicotine dont il a besoin. Ceci empêche l’apparition de l’irritabilité et de l’humeur dépressive associées au sevrage. Il est conseillé aussi, durant le premier mois d’arrêt, d’écourter les soirées « enfumées » et d’éviter la consommation de produits associés à la cigarette (comme le café et l’alcool). Il ne s’agit pas de se priver de tous les plaisirs mais d’adopter quelques comportements nécessaires au bien être.
Bibliographie
Références
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Mots-clés éditeurs : Dissonance cognitive, Prévention, Normes, Hypocrisie
Mise en ligne 28/02/2012
https://doi.org/10.3917/cips.079.0019Notes
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[*]
Daniel Priolo, Université de Nice-Sophia Antipolis, Laboratoire de Psychologie Cognitive et Sociale, Pôle universitaire Saint Jean d’Angély, 24 avenue des Diables Bleus, 06357 Nice cedex 4, France ou par courriel à <priolo@unice.fr>.
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[**]
Arnaud Liégeois, 95 rue Tribomont, 4860 Wegnez, Belgique ou par courriel à <arnaud.liegeois@gmail.com>. Arnaud Liégeois travaillait en tant que chercheur à l’UCL-PSOR au moment de la soumission de la première version de cet article. Il occupe depuis septembre 2006 la fonction de Chargé de Mission au sein de la Direction Ressources Humaines d’une entreprise du secteur non-marchand en Belgique
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[1]
Beauvois et Joule (1996) conseillent d’utiliser le terme dissonance cognitive uniquement à propos de l’état de malaise afin d’éviter les confusions terminologiques. Par conséquent, nous emploierons le terme état de dissonance cognitive pour parler de l’état de malaise.
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[2]
Dans une précédente expérimentation avortée, les sujets avaient refusé de décliner leur identité. C’est la raison pour laquelle, dans cette expérimentation, nous avons choisi de préciser aux sujets que les témoignages étaient anonymes.
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[3]
La lettre m correspond au nombre de conditions expérimentales de l’étude, Dans le cas présent m = 4.