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Article de revue

L'interface “vie privée – vie au travail”. Effets sur l'implication organisationnelle et sur le stress perçu

Pages 49 à 58

Notes

  • [*]
    Pour toute correspondance relative à cet article, s’adresser à Marcel Lourel, Laboratoire “Psychologie des régulations individuelles et sociales : clinique et société” (pris), Université de Rouen, rue Lavoisier, 6821 Mont Saint Aignan, France ou par courriel à <marcel.lourel@univ-rouen.fr>.

1L’harmonisation des temps au travail et hors travail fait l’objet de nombreuses recherches. Il s’avère que la gestion de l’interface vie privée – vie professionnelle est particulièrement délicate. Ce conflit des rôles est parfois à l’origine de difficultés d’ordre psychologique, physique et/ou social. D’une manière générale, les recherches montrent que la perception des effets du conflit entre la vie privée et la vie au travail a des effets sur l’individu tout comme sur l’organisation. Par exemple, dans une méta-analyse conduite par Mesmer-Magnus et Viswesvaran (2005) (n = 9079), on constate que ce conflit est associé avec une perception accrue des stresseurs d’ordre professionnel (ambiguïté des rôles et statuts, tensions entre les collègues, pressions…) mais aussi non professionnel (exigences induites par le rôle de parent, conflits avec les membres de la famille, les amis, implication vis-à-vis de la famille.). Dans ce cas, la perception des conflits entre vie travail – vie privée est associée avec une attitude de retrait vis-à-vis de l’organisation. Cette attitude de retrait se matérialise par une baisse de l’implication du salarié. Dès 1974, Porter, Steers, Mowday et Boulian (1974) ont tenté de conceptualiser la notion d’implication. Pour ces auteurs, elle comportait trois principaux éléments :

  1. l’adhésion du salarié aux valeurs de l’organisation ainsi qu’aux objectifs de cette dernière (c’est-à-dire l’implication affective) ;
  2. l’investissement important du salarié en faveur de l’organisation (c’est-à-dire l’implication calculée) ;
  3. le fait pour le salarié d’être dans l’obligation de rester dans l’organisation (c’est-à-dire l’implication normative).
C’est sur la base des travaux de Porter et collaborateurs que repose l’instrument de mesure Affective, Continuance and Normative Commitment de Allen et Meyer (1990, 1996). Cet outil est censé évaluer chacune des dimensions de l’implication de Porter et al. (1974).

2Comme le soulignent Belghiti-Mahut et Briole (2004), le concept d’implication (commitment) est souvent confondu avec celui de l’engagement (involvement). Pour ces auteurs, le premier désigne « l’identification de l’individu à l’organisation » tandis que le second se réfère à « une relation établie sur un investissement physique est donc associé aux relations touchant au travail » (op. cit., p. 148).

3Il semble que la cohérence et le respect des valeurs qui sont propres à l’organisation mais aussi à l’individu agissent sur l’implication de ce dernier.

4Par exemple, Thompson, Beauvais et Lyness (1999) ont montré que l’implication affective des salariés est particulièrement marquée dans les organisations qui disposent d’une véritable culture en matière de gestion des temps « travail / hors travail ». Cette étude montre également que les salariés ont moins tendance à vouloir quitter l’entreprise en question. Au niveau des conduites individuelles, Murray (1999) rapporte que la gestion efficace par le salarié de l’interface « vie privée – vie professionnelle » est un bon prédicteur des comportements de citoyenneté organisationnelle, de l’implication et de la satisfaction professionnelle.

5Par ailleurs, il semble que les dimensions de l’implication soient fondamentales en particulier, lorsque l’on évoque la question de la perception cognitive du stress (stress perçu).

6Le stress perçu s’inscrit dans la conception transactionnelle de Lazarus et Folkman (1984). Dans cette conception « le stress est une transaction particulière entre la personne et l’environnement, dans laquelle la situation est évaluée par l’individu comme taxant ou excédant ses ressources et pouvant menacer son bien-être » (Lazarus et al., 1984, p.19).

7Selon Bruchon-Schweitzer (2002), le stress perçu correspond à « un ensemble d’évaluations concernant non seulement la situation (aversive, menaçante), mais aussi les ressources disponibles (ressenties comme insuffisantes) ».

8En ce qui concerne l’une de des dimensions de l’implication (à savoir l’implication affective), il semble qu’elle soit associée à un niveau élevé de perception du stress et des conflits entre la vie privée et la vie au travail. C’est le cas dans l’étude de Meyer, Stanley, Herscovitch et Topolnytsky (2002) où la dimension visée est étroitement corrélée avec le stress perçu et les conflits entre la vie privée et la vie professionnelle.

9Pour leur part, Lourel, Gana et Wawrzyniak (2005) rapportent que les effets négatifs de la « vie au travail » sur la « vie privée » et de la « vie privée » sur la « vie au travail » sont corrélés de manière positive avec le niveau de stress perçu, tandis qu’ils sont corrélés de manière négative avec la satisfaction globale de vie professionnelle.

10Au niveau de la santé perçue, la méta-analyse de Allen, Herst, Bruck et Sutton (2000), indique clairement que les conflits entre la vie privée et la vie au travail affectent sérieusement l’individu (anxiété, dépression, stress perçu, troubles psychosomatiques…). C’est également le cas pour Geurts, Rutte et Peeters (1999), qui rapportent que les effets du conflit entre les sphères privée et professionnelle prédisent des troubles psychosomatiques, des troubles du sommeil ainsi que 2 des 3 dimensions de l’épuisement professionnel au sens entendu par Maslach (2003) (à savoir l’épuisement émotionnel et la dépersonnalisation). Dans cette étude, la perception de l’interface « vie au travail – vie privée » agit comme une variable médiatrice dans la relation entre la charge de travail et la santé perçue.

11Pour leur part, Lallukka, Sarlio-Lahtteenkorva, Roos, Laaksonen, Rahkonen et Lahelma (2004) montrent que la fatigue excessive provoquée par le travail est corrélée avec une consommation élevée d’alcool et la sédentarité (chez les hommes).

12Dans une étude conduite auprès de 1 200 femmes des services hospitaliers au Canada, et 1 200 policières américaines, Day et Chamberlain (2006) mettent clairement en évidence que l’augmentation des conflits entre le rôle au travail et le rôle d’épouse accroît l’implication au niveau parental, mais affecte sérieusement celle liée au couple lui-même et à l’organisation. Autrement dit, il semble que l’implication au niveau du rôle de parent modère la relation entre d’une part, les problèmes liés au travail – d’autre part – ceux liés aux disputes conjugales.

13Sur la base de cette revue récente de la littérature, on constate clairement que les interférences entre la vie au travail et la vie privée s’érigent comme un véritable problème de santé publique. L’articulation pour ne pas dire la conjugaison des différentes strates privée et professionnelle doit rester au cœur des préoccupations actuelles et sociétales. Ceci, à l’heure où les femmes supportent encore une part inéquitable des tâches domestiques (Mikula, 1998 ; Serrurier, 2002). Dans ce sens, le rapport du Haut Conseil de la Population et de la Famille [HCPF] (2003) pointe du doigt les différents facteurs de fragilité sociodémographique. Sans faire de démagogie, on peut encore dire que la question de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est toujours un défi pour la société. Ce défi est de taille dans la mesure où l’on constate que les groupes sociaux sont toujours marqués par les modèles d’organisation traditionnels. Ceux-ci incluent notamment la répartition des rôles sexués que ce soit dans la vie professionnelle ou dans la vie privée. Dans ce domaine, l’insertion récente des femmes dans le champ du travail s’accompagne d’une lourde charge induite par l’activité hors travail. Récemment, Barrère-Maurisson (2004) a montré qu’en plus de leur activité salariale, les femmes effectuaient l’équivalent d’un mi-temps de travail domestique (environ 20 heures par semaine)(entretien du foyer, faire des courses, à manger, nettoyer le domicile, etc.). Aujourd’hui, même si le temps passé au travail chez les femmes est encore inférieur à celui des hommes, il est clair qu’en temps « cumulés » (vie privée + vie professionnelle) leur activité de travail est bien supérieure à celle des hommes (op. cit., 2004).

14Les contraintes liées à l’articulation entre les vies privée et professionnelle ne sont pas sans conséquences sur le niveau de stress perçu, la satisfaction ou encore l’implication vis-à-vis de l’organisation. En ce qui concerne le stress perçu provoqué par les conflits entre « vie privée – vie professionnelle » et « vie professionnelle – vie privée », certains auteurs ont montré que les femmes les ressentent davantage que les hommes (Duxbury et Higgins, 1991 ; Duxbury et Higgins, 1998 ; Duxbury, Higgins et Johnson, 1999). Quick, Nelson et Hurrell (1997) montrent que le conflit « vie privée/vie au travail » augmente le niveau de stress perçu. Ces auteurs rapportent également que le conflit entre la vie privée et la vie professionnelle réduit l’implication ainsi que la satisfaction professionnelle du salarié. Au même titre, Duxbury et al. (1998) montrent que les salariés qui ressentent un conflit travail/privée sont moins enclins à s’impliquer pour la source présumée responsable du conflit, à savoir l’organisation.

15A contrario, Saint-Onge, Renaud, Guerin et Caussignac (2002), rapportent que les effets positifs de la vie au travail sur la vie privée sont un bon prédicteur de la satisfaction professionnelle.

16Ces recherches montrent bien que l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle a des répercussions sur l’individu tout comme sur l’organisation. Maintenant, qu’en est-il de la perception des individus vis-à-vis des types de conflits visés (vie privée – vie professionnelle / vie professionnelle – vie privée) ? Dans une étude publiée en 1997, Saint-Onge et Guérin ont montré que les individus ressentent davantage le conflit « travail – privée » que le conflit « privée – travail ». Ce type de résultat indique que la perméabilité des sphères privée et professionnelle affecte de manière déséquilibrée l’une ou l’autre de ces dernières.

17L’apport des connaissances scientifiques et plus particulièrement celles ayant pour objet la psychologie peut apporter une contribution en ce qui concerne la coexistence de l’individu dans différentes sphères sociales. C’est pourquoi nous avons voulu explorer les liens entre l’interface « vie au travail/vie privée » et l’organisation. Bien évidemment, la complexité de ces liens n’est pas totalement élucidée, mais pour certains d’entre eux on formulera les hypothèses comme suit :

18D’abord, en accord avec Duxbury et al. (1991, 1999), nous nous attendons à ce que les femmes ressentent davantage les effets du conflit « vie privée – vie au travail » et « vie au travail – vie privée » que les hommes.

19Ensuite, en accord avec les auteurs (Quick et al., 1997 ; Duxbury et al., 1998) nous nous attendons à ce que les effets négatifs des interfaces « vie privée – vie professionnelle » et « vie professionnelle – vie privée » prédisent l’implication organisationnelle mais également le stress perçu.

20En accord avec Saint-Onge et al. (1997), nous nous attendons à ce que la perception des effets du conflit « vie au travail – vie privée » soit plus élevée que celle relative au conflit « vie privée – vie au travail ».

21De tels résultats, s’ils se confirment, permettraient de rendre compte de certains effets induits par la difficulté de gérer de front la vie privée et la vie professionnelle. Difficultés dont il faudra impérativement tenir compte dans l’organisation du travail ce afin de promouvoir la santé du salarié. À titre d’exemple, en 1997, l’absentéisme supplémentaire des salariés Canadiens qui ressentaient le conflit entre la vie privée et la vie professionnelle était estimée à environ 19,8 millions de jours ouvrables (Duxbury et al., 1999). Chez ces mêmes salariés, le surcoût en terme de visites médicales se chiffrait à 86,9 millions de dollars (op. cit., 1999).

Méthode

Population et procédure

22L’administration du questionnaire a été réalisée via un accès DSL sécurisé qui garantissait également l’anonymat des répondants (saisie en ligne). Le recueil des données a été effectué avec le concours d’une association à but non lucratif (Loi 1901). Cette structure a trois objectifs : 1) accompagner et informer les personnes en situation de divorce ou de séparation en ce qui concerne leurs droits ; 2) faire reconnaître la vie de célibataire comme un véritable choix assumé ; 3) aider les personnes à sortir de l’isolement et à recréer un maillage social.

23L’adresse internet URL du questionnaire était accessible à l’aide d’un mot de passe (saisie en ligne). Lors d’une étude comparative de collecte des données (par voie postale ou par internet), Cerdin et Perreti (2001) ont montré que la plateforme internet n’altère en rien la nature ou la qualité des scores fournis par les répondants.

24Notre échantillon se compose de 68 participants adultes et tous salariés (48 femmes et 20 hommes). Il s’agit d’une population tout-venant. L’âge moyen des participants est de 43,53 ans (? = 7,12). En moyenne, les femmes ont 44,89 ans (? = 6,46), tandis que les hommes ont 40,27 ans (? = 7,70).

25Au niveau de la situation familiale, 12% sont célibataires, 6% sont marié(e)s, 67% des participant(e)s sont divorcé(e)s, 10,5% sont séparé(e)s, 1,5% vivent en union libre/pacs et 3% sont veuf(ve)s. Le pourcentage élevé de participants divorcés ou séparés correspond au profil dominant des membres de l’association décrite ci-dessus.

26En ce qui concerne les diplômes, ils sont 36% à avoir un bac+5 ou plus, 20% à avoir un bac+2/3, 11% un bac, 1,5% un cep/bepc, 21% à avoir un autre diplôme et 10,5% sans formation.

27Ils sont 8% à exercer dans le secteur du commerce et de la distribution, 6% dans celui des banques et assurances, 40% dans l’administration et l’éducation, 26% dans le social et la santé et 20% dans l’industrie et la production.

2874% des participants sont sous contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein, 7% en CDI à temps partiel, 13% sous contrat à durée déterminée (CDD) à temps plein, 4% sont en CDD à temps partiel et 2% ont des contrats d’intérimaire.

29Au niveau de l’emploi occupé, 26% sont des cadres ou médecins, 9% des enseignants, 21% des techniciens, 41% des employés et 3% sont des ouvriers.

30L’ancienneté moyenne dans l’emploi actuel est de 12,58 ans (? = 10,34).

Instruments de mesure

31Outre les variables factuelles (âge, sexe, situation familiale, niveau d’études, secteur d’activité, type de contrat de travail, type d’emploi occupé et ancienneté dans l’emploi actuel), notre questionnaire comporte les instruments suivants :

32L’échelle de mesure de l’implication organisationnelle (« Affective, Continuance and Normative Commitment ») de Allen et Meyer (1990, 1996) en version française et validée (Belghiti-Mahut et al., 2004). Cet outil se compose de 18 items assortis d’une échelle de réponse en 5 points ((1) « pas du tout d’accord » ; (5) « tout à fait d’accord »). La consistance interne des scores obtenus dans notre étude est très satisfaisante compte tenu de la modestie de l’échantillon (alpha de Cronbach = .79).

33Cet instrument permet d’isoler trois composantes :

  1. l’implication affective. Exemple : « Je serai très heureux de finir ma carrière dans cette entreprise », « Je ressens les problèmes de cette entreprise comme les miens ») (m = 23.48, ? = 7.20) (? : .84). Cette dimension évalue l’attachement affectif du salarié vis-à-vis de l’organisation ainsi que son identification à celle-ci.
  2. l’implication calculée. Exemples : « Rester dans cette entreprise est autant affaire de nécessité que de désir », « Ce serait très difficile pour moi de quitter l’entreprise, même si je le voulais » (m = 20.51, ? = 5.09) (? : .74). Cette dimension évalue l’implication sous l’angle du coût pour le salarié si il venait à quitter l’organisation.
  3. l’implication normative. Exemples : « Je ne ressens pas une obligation de rester chez mon employeur actuel », « Je ne ressens pas le droit de quitter cette entreprise actuellement, même si cela était à mon avantage » (m = 8.83, ? = 3.29) (? : .64). La consistance interne des scores obtenus est assez faible. Belghiti-Mahut et al. (2004) obtiennent le même type de résultat sur cette sous-échelle (.64). Cette dimension évalue le sentiment d’obligation pour le salarié de rester dans l’organisation.
L’échelle de stress perçu (« Perceived Stress Scale » [PSS-14]) de Cohen et Williamson (1988), Cohen et Kamarck, Mermelstein (1983). Elle s’inscrit dans l’approche transactionnelle du stress de Lazarus et al. (1984). Cet outil dont les priorités psychométriques sont très satisfaisantes, permet de mesurer le degré de stress ressenti par l’individu vis-à-vis d’une situation durant le mois qui vient de s’écouler. Autrement dit, il s’agit ici d’une transaction qui s’exerce entre la situation perçue comme aversive ou menaçante et les ressources du sujet. La version utilisée comporte 14 items assortis d’une échelle de réponse en 5 points (allant de (0) « jamais » à (4) « souvent ») (m = 25.69, ? = 7.39). À titre d’exemple : « avez-vous été dérangé(e) par un événement inattendu ? », « Vous êtes-vous senti(e) nerveux (nerveuse) et stressé(e) ? ». La cohérence interne des scores obtenus auprès de notre population s’est révélée satisfaisante (alpha de Cronbach = .78).

34L’échelle de mesure des interférences entre la vie privée et la vie travail (« Survey Work-home Interaction-Nijmeden » (SWING) de Geurts (2000), Wagena et Geurts (2000) en version française et validée par Lourel et al. (2005). Cet outil se compose de 22 items qui ont été sélectionnés et adaptés à partir des items de 17 échelles régulièrement utilisées pour évaluer les interférences entre la vie privée et la vie au travail. Cette instrument est assorti d’une échelle de réponse en 4 points ((0) « jamais » à (3) « toujours »). La consistance interne des scores obtenus dans notre échantillon est très satisfaisante (alpha de Cronbach = .80). Elle avoisine même le résultat obtenu par Lourel et al. (2005) (.82).

35La SWING permet d’isoler les 4 dimensions suivantes :

  1. Les effets négatifs de la vie au travail sur la vie privée (negative WHI [Work-Home Interaction]), mesurés à l’aide de 8 items (par exemple « Vous trouvez difficile de remplir vos obligations familiales parce que vous êtes toujours en train de penser à votre travail ») (m = 9.24, ? = 5.99, ? : .91).
  2. Les effets négatifs de la vie privée sur la vie au travail (negative HWI [Home-Work Interaction]) mesurés à l’aide de 4 items (par exemple : « Vous avez du mal à vous concentrer sur votre travail parce que des problèmes familiaux vous préoccupent ») (m = 2.65, ? = 2.30, ? : .82).
  3. Les effets positifs de la vie au travail sur la vie privée (positive WHI [Work-Home Interaction]), mesurés à l’aide de 5 items (par exemple : « Vous arrivez mieux à tenir vos engagements à la maison parce que votre travail vous le demande aussi »). (m = 4.65, ? = 3.23, ? : .83).
  4. Les effets positifs de la vie privée sur la vie au travail (positive HWI [Home-Work Interaction]) mesurés à l’aide de 5 items (exemple : « Vous gérez plus efficacement votre temps au travail parce que vous devez aussi le faire à la maison ») (m = 4.91, ? = 2.99, ? : .72).

Analyses statistiques

36Nous avons procédé à des corrélations linaires entre toutes les variables indépendantes et dépendantes. Ensuite, nous avons utilisé le test T pour des échantillons indépendants dans le but d’éprouver notre première hypothèse. Plusieurs analyses de régression multiple ont été pratiquées afin de vérifier si certaines variables indépendantes pouvaient prédire les variables dépendantes (deuxième et troisième hypothèses). Pour finir, nous avons utilisé le test T pour des échantillons appariés afin d’éprouver la quatrième et dernière hypothèse. Nos analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel Statistica (StatSoft, 1998).

Résultats

Analyse descriptive

37Cette première analyse porte sur l’étude des corrélations entre les dimensions de l’interface « vie privée – au travail », le stress perçu et l’implication. La tableau 1 synthétise l’ensemble de ces corrélations.

38Il semble que l’implication affective est corrélée positivement avec l’implication normative (r = .38, p<.05), les effets positifs du travail sur la vie privée (r = .29, p<.05), les effets positifs de la vie privée sur le travail (r = .33, p<.05), tandis qu’elle est corrélée négativement avec le stress perçu (r = -.27, p<.05).

39L’implication calculée est corrélée négativement avec les effets positifs de la vie au travail sur la vie privée (r = -.29, p<.05), tandis qu’elle est corrélée positivement avec le stress perçu (r = .26, p<.05).

40L’implication normative est corrélée uniquement et positivement avec les effets négatifs du travail sur la vie privée (r = .26, p<.05). Les effets négatifs du travail sur la vie privée sont corrélés positivement avec le stress perçu (r = .35, p<.05). On observe la même tendance en ce qui concerne le lien entre les effets négatifs de la vie privée sur la vie au travail et le stress perçu (r = .39, p<.05).

41La dimension relative aux effets positifs du travail sur la vie privée est corrélée positivement avec celle qui évalue les effets de la vie privée sur la vie au travail (r = .52, p<.05). Enfin, il semble que les effets de la vie privée sur la vie au travail soient corrélés négativement avec le stress perçu (r = -.26, p<.05).

Tableau 1

Présentation des corrélations entre les variables de l’interface « vie privée / vie au travail », du stress perçu et de l’implication organisationnelle

Tableau 1
1 2 3 4 5 6 7 8 1- Implication affective 1,00 2- Implication calculée 0,06 1,00 3- Implication normative *0,38 0,12 1,00 4- Effets négatifs travail-privée – 0,12 0,23 **0,26 1,00 5- Effets négatifs privée-travail – 0,21 0,09 0,01 0,18 1,00 6- Effets positifs travail-privée *0,29 *– 0,29 0,14 – 0,08 0,22 1,00 7- Effets positifs privée-travail *0,33 – 0,22 0,19 – 0,18 0,02 *0,52 1,00 8- Stress perçu **– 0,27 **0,26 0,05 *0,35 *0,39 – 0,05 **– 0,26 1,00 * p<.00 ** p<.03

Présentation des corrélations entre les variables de l’interface « vie privée / vie au travail », du stress perçu et de l’implication organisationnelle

42Ces premiers résultats mettent en lumière un nombre limité de liaisons entre les variables. De plus, celles-ci restent relativement modestes dans la mesure où elles oscillent entre -.27 et + .52. En l’état, on restera donc prudent en ce qui concerne la nature de ces résultats.

Résultats 1

43Pour mettre à l’épreuve des faits notre hypothèse selon laquelle, rappelons-le, les femmes ressentent davantage les effets du conflit « vie privée – vie au travail » et « vie au travail – vie privée » que les hommes, nous avons utilisé le test T pour les échantillons indépendants.

44Pour cela, nous avons centré nos investigations sur l’analyse des scores moyens des répondants (femmes vs hommes) sur une échelle de mesure des effets de la « vie privée – vie professionnelle » et de la « vie professionnelle – vie privée » (instrument SWING).

45Il apparaît que les femmes (m = 5,47 ; ? = 2,95) perçoivent davantage les effets positifs de la « vie privée – vie professionnelle » que les hommes (m = 3,81 ; ? = 2,77) (t(64) = 2,06 ; p<.04) ce à l’exclusion de tout autres résultats significatifs.

46En l’état, il semble que notre première hypothèse soit partiellement validée.

Résultats 2

47Les résultats que nous allons présenter maintenant ont pour objectif d’éprouver notre seconde hypothèse selon laquelle, les effets négatifs de l’interface « vie privée – vie professionnelle » et « vie professionnelle – vie privée » prédisent l’implication organisationnelle (H2a) mais également le stress perçu (H2b).

48À cet effet, nous avons procédé à une analyse de régression multiple sur la base des réponses des participants aux échelles de mesure de l’interface « vie au travail – vie privée » / « vie privée – vie au travail » [SWING] (Lourel et al., 2005), de l’implication organisationnelle (instrument de Allen et al., 1990, 1996) et du stress perçu [PSS-14] (Cohen et al., 1983, 1988).

Résultats’ 2.1 : L’interface « vie privée/vie au travail » et l’implication affective

49On peut y lire que l’ensemble des variables (effets positifs et négatifs de l’interface « vie privée – vie professionnelle » et « vie professionnelle – vie privée ») expliquent 19% de la variance (R2 = .19) relative à l’implication affective. Le R multiple est égal à .43. Il est significatif, F(4,63) = 3,73,p < .00. Il semble que la variable « effets négatifs de la vie privée – vie au travail » exerce un poids explicatif sur l’implication affective (? = –.26 ; p < .03). En d’autres termes, les effets négatifs de la vie privée sur la vie professionnelle exercent une influence directe sur l’implication affective, indépendamment des autres variables incluses dans le modèle de régression. Il semble que la variable « effets négatifs de la vie privée – vie au travail » entraîne un affaiblissement de l’implication affective chez les participants.

Résultats 2.2 : L’interface « vie privée/vie au travail » et l’implication calculée

50On constate que le R multiple (.37) est significatif, F(4,63) = 2,54, p < .04. Sa valeur est égale à .37. L’ensemble des variables incluses dans le modèle (effets positifs et négatifs de l’interface « vie privée – vie professionnelle » et « vie professionnelle – vie privée ») expliquent 13% de la variance (R2 = .13) en ce qui concerne l’implication calculée. Ce résultat est relativement décevant. Toutefois, on peut lire dans le tableau 2 que la variable « effets positifs de la vie au travail sur la vie privée » (? = –.27 ; p < .05) exerce à elle seule un poids explicatif de l’implication calculée indépendamment des autres variables présentes dans le modèle de régression. Autrement dit, la variable « effets positifs de la vie au travail sur la vie privée » semble prédire une moindre implication calculée chez les participants.

Résultats 2.3 : L’interface « vie privée/vie au travail » et l’implication normative

51On observe que le R multiple (.36) est significatif, F(4,63) = 2,34,p < .06. L’ensemble des variables incluses dans le modèle expliquent 12% de la variance totale (R2 = .12) relative à l’implication normative. Ce résultat est décevant au regard de la modeste part explicative produite par les variables incluses. À ce niveau, seule la variable « effets négatifs de la vie au travail sur la vie privée » (? = .31 ; p < .01) semble prédire l’implication normative indépendamment des autres variables incluses dans le modèle. Dans le cas présent, l’implication normative dépend directement de la variable « effets négatifs de la vie au travail sur la vie privée ». La faible part explicative du modèle (12% de la variance totale) ainsi que le seuil de significativité du F (p < .06) nous invite à une certaine prudence en ce qui concerne la portée de ces résultats.

Tableau 2

Résultats d’une analyse de régression multiple avec l’implication organisationnelle et le stress perçu comme variables dépendantes

Tableau 2
Étapes Implication affective Implication calculée Implication normative Stress perçu Prédicteurs ? R² R²aj. 0,19 0,14 ? R² R²aj. 0,13 0,08 ? R² R²aj. 0,12 0,07 ? R² R²aj. 0,28 0,23 1. Effets négatifs de la vie au travail sur la vie privée -0,01 0,18 0,31** 0,25** 2. Effets négatifs de la vie privée sur la vie au travail - ,26** 0,12 -0,07 0,35*** 3. Effets positifs de la vie au travail sur la vie privée 0,23 -0,27* 0,07 0,01 4. Effets positifs de la vie privée sur la vie au travail 0,21 -0,05 0,21 -0,22 *p<.05 ; **p<.02 ; ***p<.00

Résultats d’une analyse de régression multiple avec l’implication organisationnelle et le stress perçu comme variables dépendantes

ß correspond au coefficient de régression standardisé de la variable indépendante (effet « net ») en dehors des effets qui résultent des autres variables indépendantes. Le R2 exprime la variabilité (variance totale de la variable dépendante) qui est expliquée à partir la variabilité de l’ensemble des variables indépendantes (prédicteurs). La valeur Raj.2 exprime le coefficient R2 ajusté. Le R multiple : .43 (pour l’implication affective) ; .37 (pour l’implication calculée) ; .36 (pour l’implication normative) ; .53 (pour le stress perçu)

Résultats 2.4 : L’interface « vie privée/vie au travail » et le stress perçu

52On notera que le R multiple (.53) est significatif, F(4,63) = 6,20, p < .00. Il apparaît que les variables incluses dans le modèle de régression expliquent 28% de la variance totale (R2 = .28) relative au stress perçu. À ce stade, on peut observer que deux variables se distinguent tout particulièrement. Il s’agit des variables « effets négatifs de la vie au travail sur la vie privée » (? = .24 ; p < .02) et « effets négatifs de la vie privée sur la vie au travail » (? = .34 ; p < .00).

53Il est intéressant de constater que ces variables exercent une influence directe sur le stress perçu. Autrement dit, la perception des effets négatifs de la sphère privée sur le travail et de la sphère professionnelle sur la vie privée, entraîne une variation positive du stress perçu lorsque les autres variables demeurent fixes. Il semble qu’un quart de la variance totale du stress perçu soit dépendante des effets négatifs précités.

Résultats 3

54À présent, il s’agit d’éprouver notre dernière hypothèse qui rappelons-le, repose sur l’idée que la perception des effets du conflit « vie au travail – vie privée » devrait être plus élevée que celle relative au conflit « vie privée – vie au travail ». À cet effet, nous avons centré nos analyses sur l’étude des scores moyens obtenus par l’ensemble des participants sur chacune des sous-échelles de mesure des effets négatifs du conflit entre la « vie privée/vie professionnelle » et la « vie professionnelle/vie privée ». Nos investigations s’appuient sur deux des quatre sous-échelles de l’instrument SWING (Lourel et al., 2005).

55Il apparaît que les participants (hommes et femmes) perçoivent davantage les effets du conflit de la « vie au travail sur la vie privée » (m = 9,24 ; a = 5,99) que ceux relatifs aux effets de la « vie privée sur la vie au travail » (m = 2,65 ; ? = 2,30)(t(68) = 9,03 ; p<.00).

56Ces résultats confirment notre hypothèse.

Discussion

57Il importe tout d’abord d’admettre que les résultats de cette étude souffrent des limites dues aussi bien à la modestie de l’échantillon qu’à la simplicité du modèle éprouvé. Elle avait pour objectifs, rappelons-le, d’éprouver les liens entre l’interface « vie privée/vie au travail », l’implication organisationnelle et le stress perçu. Tout d’abord, en ce qui concerne les corrélations, il semble que l’implication organisationnelle est liée à la perception des effets positifs et négatifs de la « vie au travail sur la vie privée » et de la « vie privée sur la vie au travail ». Cependant, ces premiers résultats n’illustrent qu’un nombre limité de liaisons entre les variables. Ces résultats sont décevants. Au demeurant, ces liaisons sont relativement modestes puisqu’elles oscillent entre -.27 et + .52. En l’état, on restera donc prudent en ce qui concerne la portée heuristique de ces données. On indiquera que notre étude ne permet pas d’évaluer si le fait d’être ou non parent agit sur la perception des conflits travail/privée, l’implication ou le stress perçu. Cet élément est l’une des limites de notre recherche. Dans le même sens, le mode de recrutement des participants laisse supposer que notre échantillon se compose d’une part importante de femmes en situation monoparentale. Ces biais liés à l’échantillonnage ont probablement influencé les résultats obtenus dans notre étude.

Le genre et le niveau de perception de l’interface vie privée/vie professionnelle

58L’objectif de la première hypothèse reposait sur le fait que les femmes étaient susceptibles de ressentir davantage les effets du conflit « vie privée – vie au travail » et « vie au travail – vie privée » que les hommes (résultats 1). Or, nos résultats montrent que cela est le cas mais uniquement au niveau des effets positifs de la vie privée sur la vie professionnelle. Ce résultat décevant peut trouver une explication au regard de la modestie de l’échantillon (48 femmes et 20 hommes). Il parait prudent de réfuter notre hypothèse de travail.

L’interface vie privée/vie professionnelle, le niveau d’implication et le stress perçu

59L’objectif de la seconde hypothèse reposait sur l’idée que les effets de l’interface « vie privée – vie professionnelle » et « vie professionnelle – vie privée » étaient susceptibles de prédire l’implication organisationnelle (H2a) mais également le stress perçu (H2b) (résultats 2).

60En ce qui concerne la première partie de notre hypothèse (H2a), il semble que chacune des dimensions qui mesure l’interface « vie au travail – vie privée » explique une part bien précise de l’implication organisationnelle. Ces premiers résultats plaident en faveur de notre seconde hypothèse. Cependant, on émettra quelques remarques tels que :

  1. Nos résultats montrent que la perception des effets négatifs de la vie privée sur la vie au travail prédit directement l’implication affective. Ce résultat est conforme aux données d’autres études qui montrent que les salariés qui perçoivent l’organisation comme la principale source de conflit dans la sphère privée, ont moins tendance à s’impliquer affectivement pour elle (Allen, 2001 ; Duxbury et al., 1999).
  2. Il semble que la perception des effets positifs de la vie au travail sur la vie privée prédit l’implication calculée. Ce résultat va dans le sens de Allen (2001) qui rapporte que les effets bénéfiques du travail sur la sphère privée profitent également à l’organisation. Il semble que ces bénéfices « poussent » l’individu à s’impliquer dans l’organisation en raison des éléments qui seraient perdus s’il venait à abandonner celle-ci (congés, salaire, statut hiérarchique, avantages professionnels, etc.).
  3. Il apparaît que les effets négatifs de la vie au travail sur la vie privée prédisent l’implication normative. Ce type d’implication correspond à « une expérience sous contrainte » pour le salarié (voir Belghiti-Mahut et al., 2004). En l’état, il semble que la perception pour le salarié de devoir exercer son activité par obligation ait un effet direct sur le renforcement de l’implication normative. Toutefois, on restera prudent en matière d’interprétation de ces résultats tant la dimension en question demeure au cœur de nombreuses controverses. Initialement, selon Allen et Meyer (1984), l’implication organisationnelle ne couvrait que 2 dimensions (affective et calculée). Cela va dans le sens de Morrow (1993) pour qui l’implication organisationnelle ne couvre que 2 dimensions (affective et calculée). En ce qui concerne la dimension de l’implication normative, elle ne fut introduite par Allen et al. qu’à partir de 1990. En effet, d’un point de vue sociologique, la nature « aliénante » de cette dimension à savoir l’intériorisation des normes qui obligent le salarié à œuvrer en faveur de l’organisation, font de l’implication normative un instrument de contrôle de l’organisation sur le salarié. D’un point de vue psychométrique, la cohérence interne de l’outil censé mesurer cette dimension demeure relativement faible. C’est le cas dans l’étude de Belghiti-Mahut et al. (2004) (? = .64) comme dans la nôtre (? = .64). La faible part explicative du modèle de régression (12%) ainsi que le seuil de significativité de celui-ci (p < .06) renforcent l’idée selon laquelle la variable dépendante (implicative normative) est relativement instable.
Maintenant, intéressons-nous aux résultats obtenus au niveau de l’interface « vie au travail / vie privée » en lien avec le stress perçu (hypothèse H2b). À ce stade, rappelons-le, il s’agissait de tester l’hypothèse selon laquelle les effets négatifs de l’interface « vie privée – vie professionnelle » et « vie professionnelle – vie privée » étaient susceptibles de prédire le stress perçu. Les résultats de notre étude plaident en faveur de notre hypothèse. Ces données concordent avec celles recueillies par Quick et al. (1997). Nos données montrent que la perception cognitive du stress dépend directement des effets négatifs de l’interface « vie privée/vie professionnelle ». Ce résultat est intéressant dans la mesure où il indique que près d’un quart de la variance expliquée au niveau du stress perçu est imputable à l’interface « vie privée/vie professionnelle ». Autrement dit, il semble que dans notre étude l’interface en question soit un bon prédicteur du stress perçu.

La perception du conflit vie privée/vie professionnelle et vie professionnelle/vie privée

61L’objectif de notre dernière hypothèse reposait sur l’idée que la perception des effets du conflit « vie au travail – vie privée » était plus élevée que celle relative au conflit « vie privée – vie au travail ». Les résultats obtenus confirment notre hypothèse. Ces données vont dans le même sens que celles recueillies par Saint-Onge et al. (1997, 2002). Pour ces auteurs, cela s’explique par le fait « qu’en situation de conflit, les employés auraient plus tendance à sabrer dans leurs responsabilités familiales parce qu’elles ne font pas l’objet d’une évaluation et d’une rémunération formelle comme c’est le cas pour les responsabilités professionnelles » (Saint-Onge et al., 2002, p. 503).

62Au-delà, notre recherche soulève de nombreuses questions qui tournent autour de la conjugaison des vies professionnelle et privée. Parmi celles-ci, la question de la gestion des rôles sociaux sur le conflit entre la vie professionnelle et la vie privée/familiale. La question évoquée en introduction et qui concerne l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est un enjeu de société. Dans le but d’analyser l’évolution des collectifs de travail, il est nécessaire de considérer la place que l’individu accorde à ses diverses activités, tâches ou responsabilités d’ordre professionnel et extraprofessionnel. En ce qui concerne ces dernières (activités extraprofessionnelles), il convient de mettre en lumière la répartition des tâches domestiques et parentales. Les premières correspondent à l’ensemble tâches nécessaires à l’entretien du foyer (préparer les repas, faire les courses ou la lessive, ranger la maison…), tandis que les secondes renvoient aux soins réels ou symboliques des parents vis-à-vis des enfants (Barrère-Maurisson, 2004).

63Barrère-Maurisson, Marchand et Rivier (2000) rapportent que les pères s’impliquent davantage au niveau de la socialisation de l’enfant qu’au niveau des tâches parentales. En revanche, les femmes s’attèlent davantage aux charges domestiques tout en assurant leurs activités parentales. Ainsi, pour les femmes salariées ayant la charge d’enfants, la somme des temps professionnel et parental hebdomadaire équivaut à 62h contre 54h 30 pour les pères de famille salariés. Autrement dit, le conflit entre la vie privée/familiale et la vie professionnelle est d’autant plus lourd chez femmes que chez les hommes. Il en va de même dans les couples qui ne disposent que d’une seule source de revenu (celle du partenaire masculin). Dans ce cas, les recherches montrent que la femme réalise, en définitive, l’équivalant d’un travail à temps complet (Barrère-Maurisson et al., 2000 ; Barrère-Maurisson, 2004).

64Maintenant, qu’en est-il des répercussions de l’articulation entre la vie au travail et la vie privée sur la santé perçue et sur le bien-être subjectif ? Par exemple, Geurts et al. (1999) rapportent que les interférences produites par le travail sur la vie privée prédisent tour à tour l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation, les plaintes somatiques et les troubles du sommeil.

65Chez Robin, Laubarie, Roussel et Wallaert (2001) ce sont les problèmes associés à la garde des enfants et à leur santé, le manque de temps, le mode de vie moderne et l’emploi du temps qui agissent comme autant de stresseurs liés à l’articulation travail-famille. Malheureusement, notre recueil d’informations démographiques ne nous permet pas de savoir si les répondants avaient un ou plusieurs enfant(s). Ce point crucial reste en suspend dans notre étude.

66Les problèmes identifiés dans l’étude de Robin ont des conséquences spécifiques selon le sexe des individus. Duxbury et Higgins (2005) montrent que la surcharge des rôles est amplifiée chez les femmes lorsque celles-ci font face à des déplacements importants pour se rendre sur leur lieu de travail. En d’autres termes, le temps consacré au trajet domicile-travail, les absences en fin de journée ou le soir pour des causes professionnelles, accentuent la perception liée à la surcharge des rôles chez les femmes. Pour les auteurs, cet état de fait est davantage marqué chez les femmes que chez les hommes. Malgré tout, il semble que dans les organisations qui développent des politiques en faveur de la conciliation « vie au travail – vie privée/familiale », le phénomène de surcharge des rôles est atténué chez les femmes mais pas chez les hommes. Duxbury et al. (2005) rapportent que dans les familles où seule la femme travaille, le phénomène de surcharge des rôles est moins présent. Plus précisément, les auteurs montrent que dans ces foyers, l’interférence du travail sur la vie familiale est plus marquée que celle de la vie familiale sur la vie au travail. Autrement dit, les effets du conflit « travail sur famille » sont plus véhéments que ceux associés à la « famille sur le travail ».

67En tout état de cause, il reste beaucoup à faire pour élucider la question de la gestion des temps au travail et hors travail.

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Mots-clés éditeurs : Implication organisationnelle, Conflits travail famille, Stress perçu

Mise en ligne 29/02/2012

https://doi.org/10.3917/cips.074.0049

Notes

  • [*]
    Pour toute correspondance relative à cet article, s’adresser à Marcel Lourel, Laboratoire “Psychologie des régulations individuelles et sociales : clinique et société” (pris), Université de Rouen, rue Lavoisier, 6821 Mont Saint Aignan, France ou par courriel à <marcel.lourel@univ-rouen.fr>.
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