Notes
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Pour toute correspondance relative à cet article, s’adresser à Christine Bonardi, Laboratoire de Psychologie expérimentale et quantitative, Université de Nice-Sophia Antipolis, Pôle St Jean D’Angély, 24 avenue des diables bleus, 06357 Nice, France ou par courriel à <bonardi@unice.fr>.
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[1]
Le choix de cette littérature est dicté par plusieurs considérations : 1/ notre discipline promeut ses spécificités en premier lieu auprès de ses étudiants et des membres de sa communauté scientifique ; 2/ le nombre de ces écrits semble avoir quelque peu explosé depuis les années 90, ce qui porte à considérer qu’ils répondent à un besoin plutôt qu’aux seules finalités mercantiles et publicitaires ; 3/ les introductions et avant propos des manuels présentent souvent, même succinctement, les objectifs que l’on assigne à la discipline, parfois assortis des préférences ; 4/ quant aux 9 manuels dont il sera ici question (en langues anglaise et française, parus entre 1981 et 2000), leur sélection est arbitraire ; leur choix simplement basé sur l’ouverture vers la psychologie sociale ou vers la cognition sociale.
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[2]
Notons que le problème n’est pas spécifique à la psychologie sociale puisque le nœud actuel du débat épistémologique en anthropologie oppose un culturalisme qui s’essouffle à un cognitivisme dopé aux plus récentes recherches sur le cerveau et l’évolution.
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[3]
Précisons qu’ego est ici représenté par un individu qui met en œuvre un jugement social basé sur ses sentiments envers autrui ; l’objet étant un événement de portée restreinte. Toutefois, le traitement statistique des données ramène très classiquement l’analyse post expérimentale vers des groupes de sujets.
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[4]
Par exemple, si cette situation est affectivement orientée/comprise, le biais d’auto-complaisance a davantage de chances de se manifester que la stratégie d’internalité.
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[5]
Que l’on peut rapprocher de certains principes de gestion mentale énoncés par Boyer (2001, p. 435) : « Ne laissez entrer dans votre esprit que des pensées claires et précises. N’acceptez que les pensées cohérentes. Examinez les données concernant toute affirmation. Ne retenez que des affirmations réfutables ».
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[6]
C’est peut être à cela que l’on doit, par exemple, la faible attractivité de l’étude des phénomènes idéologiques, des croyances ordinaires ou encore des foules.
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[7]
La représentation du groupe d’amis par exemple, semble n’avoir guère évolué depuis les premiers travaux de Flament (1971).
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[8]
C’est ainsi que les médias insèrent un fait nouveau dans le registre de l’intelligibilité commune, par exemple en recherchant les similarités avec des faits antérieurs, d’autres époques ou d’autres lieux.
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[9]
Ces derniers étant pour lui des ensembles d’individus « unis par un lien « social » (…), ayant en commun des modèles culturels ou subculturels », dotés « de finalités récurrentes, d’historicité, de modélisation uniformisante, d’aménagements internes intégrateurs » (p. 41), donc dégagés des caractéristiques restrictives affectées à ces ensembles en dynamique des groupes (unité de temps et de lieu, sort commun, etc.).
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[10]
Mais on peut saluer le contre exemple apporté par le récent ouvrage de Rouquette (2004).
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[11]
Pour exemple : la gêne introduite par la parenté dans l’usage des termes de menace, danger, risque, peur (et leurs équivalents anglo-saxons) qui dilue leurs frontières réciproques.
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[12]
On peut penser, par exemple, au développement récent du courant de l’anthropologie cognitive (qui revisite les fondements de la culture ou les impasses conceptuelles générées dans sa période »classique ») ou à la micro-sociologie.
1En 1984, Moscovici dessine les contours des spécificités analytiques propres à la psychologie sociale qui résident pour lui dans une lecture ternaire des faits, événements et relations : tout sujet (isolé ou membre d’un groupe) interprète, examine, comprend les objets (physiques, sociaux, réels, idéels) de son monde social dans le cours de ses interactions avec un (ou plusieurs) autres sujets. C’est l’étude de cet agencement particulier qui est au cœur même de la discipline : partageant avec les sciences sociales un même objet, elle trouverait sa spécificité, partant sa définition, au niveau de sa façon d’organiser les connaissances et d’explorer le monde social. Elle ne peut en effet répondre à la question centrale : « Pourquoi le conflit de l’individu et de la société ? » (Moscovici, 1984, p. 6) en se focalisant tantôt sur le social tantôt sur l’individuel. C’est au contraire sur la base de l’expérience commune, c’est-à-dire dans l’interpénétration de ces deux dimensions, qu’elle devra fonder son étude des manifestations concrètes, symboliques et imaginaires des rapports individuels et groupaux au sein de situations sociales spécifiques.
2L’apport majeur de ce regard ternaire réside donc dans la possibilité de dépasser la césure individu/société (« société du dehors »/ « société du dedans » (p. 6), « partage entre psychologique et social » (p. 13), dit Moscovici), et les débats quelque peu stériles sur la primauté de l’un ou de l’autre. La psychologie sociale est ainsi définie comme « une science de critique de l’opposition entre l’individuel et la société » (id., p. 14) parce que les phénomènes pris en considération sont simultanément et indissociablement psychologiques et sociaux. L’étude de la « gamme de médiations opérées par la relation fondamentale à autrui » (id., p. 10) permet également de dépasser la partition sujet/objet en restituant à cet objet une certaine forme de dynamique sociale. Sur le plan méthodologique, les adaptations et innovations de ses débuts permettent à la psychologie sociale de disposer d’un éventail conséquent allant de l’observation directe des relations (gestualité, discours, affects et symbolisme) à l’enquête par interview ou questionnaires, et à l’expérimentation, actuellement prédominante. L’époque du manque de reconnaissance et du mépris affiché à l’égard de la discipline (que déplorait Moscovici en 1984) semble appartenir au passé si l’on en croit l’abondance des manuels de psychologie sociale, le développement des revues et articles scientifiques ; bref, la bonne diffusion des connaissances. Mais la psychologie sociale est-elle parvenue à ce résultat en appliquant les recommandations de Moscovici ? L’auteur considérait que de nombreux psychologues sociaux utilisaient déjà des grilles de lecture de la réalité proches de l’analyse ternaire qu’il proposait alors. Cependant, à y regarder de plus près, on éprouve quelques difficultés à faire émerger une définition consensuelle du social (sujet/monde/objet). De Visscher (2001) cherche en vain, dans des manuels appartenant à diverses époques, une unité définitionnelle, des sources d’informations et/ou un contenu communs…. Et finit par poser la question de fond : « …que diable le psychologue entend-il par « social », lui qui est généralement démuni, et parfois de façon caractéristique, au niveau de la formation sociologique ? » (p. 41). Et il est vrai que le maintien d’une dissociation individu/ société ou le flou conceptuel afférent aux sujets et aux objets peuvent constituer de sérieux obstacles au déploiement du regard ternaire préconisé par Moscovici. Nous examinerons ici quelques unes des facettes de ce problème en l’abordant, au moyen d’exemples, sous les auspices des dires (quelques ouvrages de psychologie sociale), des faits (deux recherches relevant du domaine des représentations sociales) et des objets d’étude afin de réfléchir à la lecture des faits sociaux concrètement réalisée dans notre discipline.
Miroir mon beau miroir… La psychologie sociale dans ses manuels
3Les propos introductifs de quelques manuels [1] constituent notre première entrée dans l’analyse psychosociale des phénomènes. Sous l’intitulé de « Psychologie sociale », on propose au lecteur un parcours à travers les grands thèmes d’étude (Leyens, 1979 ; Pétard, 1999), on le convie à un aperçu diachronique mettant l’accent sur la récente évolution vers des thématiques plus cognitives (Mugny, Oberlé et Beauvois, 1995) ou on lui propose un « état des lieux » sans rupture avec le passé (Hewstone, Stroebe, Codol et Stephenson, 1988). Du côté des manuels de la cognition sociale, les présentations sont largement centrées sur la dite notion, qu’il s’agisse d’en vanter les mérites ou d’en souligner certains problèmes (Augoustinos et Walker, 1995 ; Leyens et Beauvois, 1997 ; Forgas, 1981 ; Fiske et Taylor, 1984). Dans tous les cas, lorsqu’elle est présentée (Hewstone et al., 1988 ; Fiske et Taylor, 1984 ; Leyens et Beauvois, 1997 ; Pétard, 1999), la panoplie des méthodes d’approche ouvre, comme le préconisait Moscovici (1984), sur l’observation des réalités tout autant que sur la vérification de théories. Cependant, on insiste davantage sur l’évolution vers une plus grande rigueur méthodologique (Mugny et al., 1995) – même si l’approche expérimentale est parfois valorisée (Leyens, 1979 ; Eiser, 1986) parfois plus controversée (Augoustinos et Walker, 1995) – tout en préconisant de renouveler l’intérêt pour le contexte quotidien des individus (Eiser, 1986).
4Au-delà de ces particularismes, il est difficile d’isoler, dans les objectifs assignés à la psychologie sociale, ce qui correspondrait à une analyse ternaire dynamique. Deux logiques prévalent cependant, qui consistent soit à socialiser l’un des trois termes (ego, alter ou objet) au détriment – pourrait-il sembler – des deux autres, soit à faire dépendre l’aspect social de l’un des termes de l’aspect cognitif du ou des autres.
Entre psychologique et sociologique : l’oscillation du pendule
5L’oscillation entre psychologique et sociologique n’est pas nouvelle ni propre à la psychologie sociale. L’anthropologie classique notamment, préconise une analyse binaire de la réalité : du savoir social d’un ensemble d’ego (des informateurs ou catégories spécifiques de sujets sélectionnées par le chercheur) et des observations du scientifique lui-même, on déduit l’existence ou non d’un objet ainsi que sa configuration spécifique (par exemple, une structuration sociale de type système de parenté aux propriétés plutôt stables) ; à la condition toutefois que cette structuration sociale soit portée par des règles et un vocabulaire ad hoc. L’ego (catégorie sociale) et l’objet (structuration sociale) ne laissent guère de place à l’altérité (sinon à celle du chercheur lui-même) et à l’individualité, puisque ce sont justement les variations interindividuelles (points de vue et opinions) elles-mêmes qui empêchent de disposer d’une loi de la personne. Ce dernier obstacle est en passe de disparaître : l’introduction récente des travaux de psychologie cognitive oriente l’anthropologie vers une loi ancrée dans la bipartition cerveau/société. En effet, puisque les neurosciences et sciences cognitives attestent de « l’aptitude naturelle de notre cerveau à devenir une représentation du monde » (Candau, 2002, p. 72), et que cette représentation est culturellement focalisée, l’anthropologie peut désormais considérer les sociétés comme « des assemblages causalement distribués de représentations mentales, de leurs expressions publiques (par exemple, les contes oraux, les livres, les dessins, danses, masques, etc.) et des comportements qui en résultent » (Atran, 2003, p. 137). L’ego individuel reste toutefois un objet d’intérêt secondaire, l’attention étant dirigée vers la transmission et la conservation : « les idées et les comportements deviennent « culturels » dans la mesure où ils s’étendent et survivent au sein d’une population donnée » (id.). De fait, comme dans l’approche des représentations collectives que proposait Durkheim, entre les points d’ancrage « objectif » (le cerveau) et « subjectif » (culture et société), les spécificités individuelles, mais également le lien social et groupal ainsi que les particularismes contextuels ou situationnels, paraissent avoir peu de poids.
6La psychologie sociale des années 50 présentait aussi largement ce profil bipolaire. Dès 1954, Nuttin cernait ainsi ses objets d’étude : « d’une part, les déterminations sociales des phénomènes psychiques et, d’autre part, les mécanismes psychiques auxquels se rattachent les faits sociaux » (Nuttin, 1954, p. 141, cité par Delouvée, 2001 p. 13). Ainsi posés, « d’une part » et « d’autre part » ne peuvent faire une unité, une relation ou une interstructuration, mais ils reflètent fidèlement la bipartition psychisme/société rejetée par Moscovici. Dans les manuels consultés, les liens entre ces deux aspects sont-ils plus solides et l’approche de la réalité se fait-elle suivant la dynamique que proposait Moscovici ?
7– Questionner nos objets d’étude (par exemple en mettant en exergue les interactions sociales : Pétard, 1999 ; Leyens, 1979) pour s’interroger in fine sur le quoi et le comment des activités humaines (Pétard, 1999) – c’est-à-dire le praxique plutôt que le discursif –, ou bien encore analyser les influences réciproques à partir des pensées, sentiments et comportements moteurs transitant entre un sujet et un autrui réel, imaginaire ou implicite (Leyens, 1979), cela revient encore à osciller entre l’individuel et le culturel. En effet, on traite d’un objet, plutôt restreint d’ailleurs, qui s’échange (et s’analyse) dans le cadre d’influences interpersonnelles ; ego et alter sont très logiquement des individus et le registre des objets est forcément plus en phase avec des préoccupations interpersonnelles que groupales ou sociétales ; mais la connaissance a une vocation large : comprendre les activités de l’homme.
8– Examiner, au titre d’objets, diverses catégories d’actes et les assomptions quotidiennes qui leur donnent une signification (Eiser, 1986), cela pourrait permettre à la psychologie sociale : a/ soit d’appliquer les principes de base du jugement et de la cognition à des phénomènes plus sociaux – donc à faire de l’expérience et de la connaissance individuelles des produits du social (nos pensées et nos sentiments sont ce qu’ils sont parce que nous sommes des êtres sociaux). Dans la démarche expérimentale, ego et objet sont en général définis de cette manière, mais l’alter impliqué dans la relation reste flou ; b/ soit au contraire on pourrait soutenir que, comme les sujets (individus ou membres de groupes) constituent des sources d’influence donc participent au contexte social, ce sont la pensée et l’action humaines qui construisent le contexte social (le monde où nous vivons est en partie le produit de notre façon de penser). Psychologues sociaux et chercheurs en sciences humaines, tous préoccupés par les interactions et les groupes verraient ici des opportunités d’échange, à la condition toutefois que cette participation d’ego multiples à la dynamique sociétale puisse être envisagée quasiment de la même manière par tous ; ce qui n’est actuellement pas le cas.
9Cette logique psychosociale hésitant entre l’individuel et le collectif permet certes d’accorder les objets que l’on étudie à un certain quotidien (actes et jugements sociaux), mais les analyses restent figées : tantôt c’est un alter (sociétal) qui agit sur un ego (individu), tantôt c’est ego (individu ou groupe) qui agit sur un alter (la société) ; les modalités de cette « action » étant représentées par diverses théories psychosociales (influence, persuasion, communications…).
Le recyclage des résidus
10La deuxième logique qui se fait jour dans les manuels ne semble pas parvenir à un résultat plus global en matière de regard ternaire. Suivant Moscovici (1984), les disciplines à regard binaire (séparant donc ego et objet) telles que la sociologie et la psychologie assignent à la psychologie sociale la tâche de combler les vides, de faire ce que les autres ne font pas ou d’apporter un plus, mais non de relier psychologique et sociologique. Elle devient en quelque sorte une « science des résidus » (id., p. 13), des « replâtrages » (id., p. 14) ou des marges.
11Plus précisément, la sociologie classique propose un ego objectif et collectif (groupe, classe sociale, État) et un objet de type valeur sociale (intérêt ou institution) ou environnement humain (des alter collectifs) ; les proximités ou différenciations étant quant à elles enracinées le plus souvent dans des critères économiques ou politiques, éthiques ou historiques. Puisqu’elle explore « le côté subjectif de ce qui se passe dans la réalité objective » (Moscovici, 1984, p. 12), la psychologie sociale ajouterait un supplément d’âme aux phénomènes intéressant la sociologie : en remplissant « le sujet social d’un monde intérieur » (id.), elle lui permettrait de comprendre ce que les gens pensent et ressentent. Mais ces alter, ces « gens », doivent-ils demeurer un collectif au sens où l’entend la sociologie, ou bien est-il possible à la psychologie sociale de traiter aussi du lien social – interpersonnel par exemple ?
12Pour la psychologie, un ego (individu ou organisme) réagit à un objet défini indépendamment de lui. La psychologie sociale servirait à repositionner certains phénomènes individuels mis en évidence dans leur contexte social, à « resituer le sujet individuel dans le monde extérieur social » (id., p. 12). Mais alors le statut de l’altérité doit-il être limité à l’alter ego ?
13Les manuels plutôt orientés vers la cognition sociale réactivent ce spectre d’une discipline à recycler les résidus :
- Celui-ci apparaît nettement, selon Augoustinos et Walker (1995), dans les travaux qui s’attachent à repositionner l’origine du contenu cognitif dans la vie sociale. Il s’agit là de mieux connaître la façon dont l’individu (ego) s’oriente dans son monde, le comprend et le construit, ainsi que les conséquences que cela peut avoir sur lui. Au mieux voit-on là un semblant de dialectique individu/société. Si l’on projette de traiter des processus cognitifs courants qui rendent compte de la majeure partie de la façon dont les personnes (ego) se comprennent elles-mêmes et comprennent les autres (Fiske et Taylor, 1984), cela revient semble-t-il au même : dans les deux cas en effet, l’objet, accessoire utile sans plus, est tout de même en phase avec la réalité sociale et probablement avec la banalité quotidienne plutôt qu’avec l’événement exceptionnel. Mais les ego et leurs alter ego se présentent comme des « machines » cognitives décryptant leur « vie mentale » ou celle d’autrui.
- La marge de manœuvre est-elle plus conséquente si l’on préconise, par exemple, de travailler sur les mécanismes de la pensée sociale (théories de sens commun, représentations et raisonnements) en tant que produits des relations entre un ego – qui utilise des stratégies de traitement de l’information (le cognitif) – et des processus socio-culturels (le sociétal) de portée large (Forgas, 1981) ? Cerveau et culture sont bien au rendez-vous mais, faute d’une acception commune, l’interpénétration de ces deux sphères (habituellement situées aux antipodes l’une de l’autre) n’est pas claire. Tout au plus peut-on placer entre elles le registre du jugement social. Forgas (1981) avance cependant que l’essence de la cognition est bien sa nature sociale, dans le sens de culturel semble-t-il. Il s’appuie pour cela sur la mission que Cartwright (1979) assigne à la psychologie sociale : sonder les influences – réciproques – de la société sur la cognition, la motivation, le développement et le comportement des individus qui en sont membres. Dans ce vaste programme, que ne renierait pas l’anthropologie cognitive, l’altérité paraît sans substance. Le social ainsi approché (cf. Augoustinos et Walker, 1995) est sans doute représenté par les seuls objets d’étude (personnalités, groupes influents, événements nationaux ou mondiaux ; le niveau sociétal donc), tout le reste proviendrait des acquis de la psychologie cognitive. À ce compte là, la dimension groupale ou micro-groupale des objets et des sujets paraît secondaire, tout comme le sont l’origine sociale de la connaissance ou les registres du symbolique oeuvrant au niveau des pratiques et des actes.
- Enfin, le passage du « sujet de l’action » (paradigme cognitiviste) au « sujet de la connaissance » (cognition sociale) préoccupé de connaître et maîtriser son monde (Leyens et Beauvois, 1997), devrait au moins générer des points d’ancrage forts pour l’étude de la pensée sociale. Mais comment concevoir et formaliser (sur un mode consensuel, qualitatif et quantitatif) cet apport du cognitif, le niveau de prise en compte du sujet de la connaissance (individu ou groupe) et enfin les dimensions des objets sur lesquels portera cette même connaissance ? Diverses possibilités (déjà mentionnées dans les projets précédents) peuvent être évoquées (perception sociale, conduites et valeurs sociales), mais comment concrétiser une analyse ternaire qui engloberait des sujets et des objets intrinsèquement socialisés, c’est-à-dire qui intégrerait la dimension symbolique des rapports sociaux ?
La psychologie sociale « en actes »
14Il y a sans doute un certain arbitraire à juger une discipline sur la base des déclarations d’intentions esquissées dans les présentations d’ouvrages : ce n’est sans doute que rarement le lieu et le moment d’initier un débat épistémologique interne et cette absence d’unité du regard, surtout relativement à la définition du social, pourrait bien être liée à « l’exercice de style » rédactionnel. Du côté des faits, c’est-à-dire des travaux, peut-on parvenir à un meilleur résultat en matière d’analyse ternaire ? Pour esquisser une réponse à cette question, nous examinerons ici deux recherches dans lesquelles la préoccupation pour le contexte social des interactions est explicitement affichée.
Ego, alter et objet dans la « bulle » expérimentale
15Les tenants d’une psychologie sociale « de terrain » ont souvent pointé les défaillances de l’approche expérimentale du social dans laquelle objets et sujets peuvent paraître désincarnés, privés d’affects ou de liberté de jugement. Le travail de Moliner (2000) se présente d’emblée comme un moyen de dépasser ce cadre étroit : dans trois expérimentations, il réintroduit un contexte social matérialisé par la description de situations sociales et l’appel à des acteurs sociaux potentiels. Son point de départ, ce sont les apports quelque peu « contradictoires » de deux lignées de recherche : celle relative au biais d’auto-complaisance présent dans les attributions interpersonnelles et intergroupes, suggère que la valeur des explications données par un sujet dépend du niveau de désirabilité de l’événement à expliquer ainsi que de la bienveillance du sujet qui explique envers l’acteur [3]. À l’inverse, les travaux sur la norme sociale d’internalité affectent aux explications internes une valeur intrinsèquement sociale puisqu’elles sont liées aux pratiques acquises d’évaluation et de distribution des renforcements. Mais, comment se fait-il qu’avec des questionnements voisins, les sujets recevant une consigne d’auto-valorisation déploient aussi bien des stratégies d’auto-complaisance, ou de complaisance envers un groupe dominant, que des stratégies d’internalité ? Pourquoi sont-ils capables d’auto-complaisance en situation d’auto-présentation et de préférence pour des cibles aux stratégies internes en situation de jugement ? Moliner propose puis valide une explication qui relativise ces incohérences dans le fonctionnement de l’individu. Pour lui, chaque sujet interprète les situations expérimentales qu’il vit comme des situations sociales complexes (non familières, il est vrai) d’interactions entre deux ou plusieurs protagonistes – présents ou symboliquement évoqués. On sait qu’en consigne d’auto-présentation autrui est un évaluateur potentiel d’ego ; que dans le paradigme des juges ego doit évaluer autrui ou expliquer son comportement ; enfin, que l’interaction expérimentalement créée est de type jugement ou explication de performances ou de conduites. Si les sujets agissent bien au laboratoire comme ils le font dans la vie quotidienne, alors, dans les deux cas, ils décodent les situations sociales complexes en faisant appel à des savoirs préalables – c’est-à-dire pour Moliner à des représentations sociales – qui leur permettent de donner du sens aux situations auxquelles ils sont confrontés. Quant à la médiatisation par alter du regard qu’ego porte sur l’objet – et au lien social ainsi établi – elle passe par la représentation des relations sociales en tant que savoir préalable du sujet expérimental. Dit autrement, le regard d’ego sur alter dans des situations sociales spécifiées (ici juger ou expliquer) est l’expression de sa représentation des relations sociales. Les expériences qu’entreprend Moliner valident bien l’idée que tout repose sur les conditions dans lesquelles l’une ou l’autre évaluation devient pertinente, c’est-à-dire en fin de compte sur la signification que l’individu affecte à la situation dans laquelle il se trouve placé. Plus précisément, en appréciant le poids que le sujet accorde à l’un ou l’autre des principes qui sont supposés organiser la représentation des relations sociales (coopération/compétition, relation égalitaire/inégalitaire, intense/superficielle, affective/utilitaire), le chercheur connaîtra la signification que le sujet donne à la situation expérimentale et pourra prévoir ses diverses stratégies de réponse dans chacun des paradigmes concernés [4]. Dans ce travail, Moliner montre bien que la standardisation expérimentale n’empêche pas l’étude de relations complexes entre un ego/individu porteur de représentations des interactions et un autrui/individu socialement positionné. Les représentations sociales étant par définition partagées, on fait également intervenir dans cette relation les appartenances groupales. Il resterait à parfaire la modélisation de la dynamique relationnelle ego/alter en approfondissant le lien social créé, voire en délimitant des situations plus proches de la réalité quotidienne des sujets. Cependant, il y a forcément un prix à payer. D’abord, si l’on adopte le point de vue de Moliner, bon nombre d’expériences antérieures devront être réinterprétées et cette démarche d’ouverture pourrait s’appliquer à d’autres paradigmes psychosociaux que ceux étudiés par l’auteur. Cela conduira également à sélectionner une gamme d’alter propre à refléter l’ensemble des situations sociales et à mettre en scène le sujet expérimental lui-même (ego) plutôt que des alter plus ou moins distincts.
16Ensuite, vient l’obstacle des spécificités liées aux procédures standardisées : le cadrage strict des formules explicatives (ici internes versus externes) dont disposent les sujets expérimentaux limite leur rapport à l’autre et à l’objet ; le caractère plus ou moins artificiel des consignes (ici « se mettre à la place de », « répondre pour se faire bien vs mal voir ») contextualise assez mal le lien social réel ; des ego matérialisés par la très célèbre population homogène (« les étudiants ») contraignent à négliger les particularités de leurs insertions sociales et les infléchissements perceptifs et explicatifs que celles-ci pourraient produire sur le jugement d’autrui et de la situation ; le rôle de l’expérimentateur –protagoniste surnuméraire ou partenaire de la relation– et l’influence qu’il peut exercer sur les sujets ne sont pas ici (comme d’ailleurs en général) examinés ; enfin, la réintégration des faits et comportements observés dans une conception plus globale qui validerait ou non les préconceptions (hypothèses) ne peut être effective. Mais c’est alors le principe même de la démarche expérimentale [5] qui doit être revisité. On peut en effet considérer que, dans un tel cadre de production des connaissances, les inférences et déductions fonctionnent sur le modèle d’une force centripète qui conduit à produire des constructions globalement similaires, des concepts et paradigmes en quelque sorte calibrés, des cadres uniques d’approche des phénomènes. Certes, cela facilite grandement leur transmission à l’intérieur de la communauté scientifique (ainsi qu’aux nouvelles générations de chercheurs), mais on peut tout aussi bien considérer qu’il s’agit là d’une impasse du sens que l’on peut donner aux situations quotidiennes dans le cadre expérimental. Les études psychosociales se trouvent alors limitées aux « constantes » de la réalité sociale et, par voie de conséquence, les objets étudiés sont également limités. Or, le regard psychosocial ternaire suggère une manière dynamique d’analyser et d’organiser l’information que nous traitons puisqu’il doit permettre au chercheur de découvrir les sens possibles de ce qui est observé.
Ego, alter et objet dans les travaux quasi expérimentaux
17L’observation de terrain a pour sa part tendance à disperser davantage le registre des connaissances et permet d’étudier faits ordinaires, nouveautés, connaissances quotidiennes ou fondements archétypaux de la pensée sociale d’une manière moins contraignante qu’avec l’expérimentation. Les analyses que l’on produit, telles une force centrifuge, divergent, se diversifient, se multiplient, et par conséquent rendent le repérage des contours notionnels, des paradigmes et des constructions méthodologiques délicat et plus laborieux [6]. Mais une approche intermédiaire, de type quasi expérimental, constitue-t-elle le meilleur moyen de procurer des connaissances aussi ancrées que faire se peut dans la réalité immédiate et surtout de déployer une analyse ternaire de celle-ci ? Dans un travail de ce type (Bonardi, Larrue et Marchand, 1995), on explorait les dimensions politique, économique et sociale d’un objet en cours de construction (l’Europe), en étudiant l’influence des appartenances idéologiques (européenne et politique) sur les pratiques sociales (de type européen) et sur les représentations développées par des sujets sociaux. Il s’agissait d’opérationnaliser des dynamiques représentationnelles en interrogeant des chefs d’entreprises et cadres commerciaux de divers secteurs économiques sur leurs engagements idéologiques – en politique (Droite/Gauche) et pour l’Europe (partisans, adversaires, sans opinion) –, sur leurs niveaux de pratiques européennes (faible, fort, inexistant) et sur leur représentation de l’Europe. Les liens entre pratiques, représentations et idéologies paraissaient démontrables dans la mesure où, pour chaque objet social, coexistent deux composantes socio-cognitives : une représentationnelle et une idéologique (croyances évaluatives concernant l’objet) ; les deux pouvant évoluer sous l’influence conjuguée des pratiques engageantes et de l’idéologie politique des sujets.
18Les résultats obtenus font ressortir l’importance accordée par les sujets sociaux à l’idéologie, et le faible poids des pratiques. Plus précisément, la représentation de l’objet semble déterminée par l’idéologie européenne, elle-même reliée au positionnement politique des sujets. C’est donc le partage de valeurs avec autrui dans le cadre d’appartenances groupales qui influe sur la représentation sociale de l’Europe. Il apparaît également que l’engagement dans des conduites effectives de coopération européenne génère une idéologie pro européenne qui permet à son tour de les reconnaître comme légitimes. L’analyse obtenue in fine demeure cependant incomplète puisqu’elle ne résout pas totalement la question du positionnement des sujets et ne développe aucune investigation en ce sens. En effet, ego pourrait être représenté par ceux qui partagent la même idéologie que soi et alter par ceux qui ne la partagent pas – et dans ce cas le lien serait inter catégoriel –, ou bien un ego individuel se positionne par rapport à des alter ego (même idéologie) et à des alter (autre idéologie), ce qui engagerait à analyser des niveaux d’appartenance intra et intercatégoriels. De plus, on devrait également pouvoir traiter la manière dont se construisent les idéologies au lieu de se limiter à l’idée qu’un ensemble d’individus accepte une idéologie (par exemple, les thèses de droite sur l’Europe).
19L’analyse psychosociale qui émerge de ces recherches est cependant encourageante dans la mesure où la dynamique des rapports sociaux peut y être prise en considération, plus largement d’ailleurs que le caractère dynamique de l’objet social : dans l’expérimentation présentée, ce sont à la limite les objets sociaux qui sont trop « simples », les alter un peu flous et le symbolisme relationnel peu présent ; dans l’étude quasi expérimentale, ce sont les liens sociaux et les constructions sociales et idéologiques qui restent obscurs, et l’objet Europe, parce qu’il est à l’époque encore en devenir, n’ouvre pas vers une approche symbolique et imaginaire des relations que les sujets entretiennent avec lui. Parvenu à ce point de réflexion, il apparaît que le point le plus mobile et le plus flou du regard analytique ternaire tel que nous l’avons ici envisagé tient aux objets et aux limites que nous leur assignons. Mais, dans quelle mesure une plus large « socialisation » est-elle possible pour une psychologie sociale, expérimentale comme de terrain ?
Comment cerner les objets ?
20Si l’on considère a minima que les objets (physiques, sociaux, imaginaires, réels) existent parce qu’ils sont perçus par les sujets sociaux, le panel des candidats possibles est très vaste. Par exemple, pour Moscovici (1984), les phénomènes à placer sous le regard ternaire sont ceux relatifs à l’idéologie (cognitions et représentations, c’est-à-dire préjugés, croyances et stéréotypes) et à la communication sociale (transmission des informations, phénomènes d’influence et communications de masse). Par exemple encore, dans le cadre expérimental, on utilise aussi bien l’évaluation et le jugement de messages, explications ou comportements, que l’expression – plus ou moins standardisée – des perceptions et représentations de sujets envers des objets. Il est d’ailleurs courant d’initier une étude expérimentale des représentations sociales sur la base d’objets tels que le groupe d’amis, l’entreprise, l’Europe ou encore le sida. On parvient même à distinguer les objets « socialement stables » [7] de ceux qui portent la marque du temps, des événements ou du contexte social (terrorisme, sida, Europe). Mais, peut-on soutenir qu’il y a de bons et de moins bons objets d’étude, des objets à étudier expérimentalement et d’autres réservés à une approche « de terrain » ? Ou bien doit-on se poser la question en des termes qui poussent à privilégier certains objets plutôt que d’autres, parce que, par exemple, ils reflètent mieux le social ? La réponse à de telles questions pourrait conduire à affirmer la prééminence du niveau d’analyse micro-social (la banalité quotidienne, la répétition ordinaire d’actes et de rituels groupaux) versus du macro-social (phénomènes et actes de portée sociétale), mais aussi – ce qui est plus intéressant – à poser le problème du rôle et de l’utilité sociale de l’objet étudié, ou encore de sa dimension temporelle. Les travaux et réflexions sur la mémoire sociale (cf. Laurens et Roussiau, 2002) inciteraient à aller dans ce sens. Mais d’autres pistes restent encore à explorer. C’est pourquoi nous emprunterons à l’anthropologie et à la sociologie deux exemples propres à illustrer la complexité du choix des objets, mais aussi à élargir l’éventail des possibilités en psychologie sociale.
Événements ou faits divers, banalité quotidienne ou problèmes sociaux ?
21L’anthropologie étudie depuis peu les sociétés occidentales à travers l’actualité sociale et les médias. Le mode d’approche est assez largement celui de l’ethnographie : on cerne les contours des événements, on en retrace la chronologie, on relie entre eux des faits de même nature, etc. ; ceci pour mettre en évidence le sens collectif que la société affecte à l’actualité. Mais c’est la définition de ces événements (plus que les modalités de leur étude) qui les rend intéressants pour la psychologie sociale. Fassin (2002) décrit et définit un événement social sous les auspices du temps d’Aiôn (cf. Deleuze, 1969) : le présent (actualité immédiate) trace une ligne de partage entre deux mondes inintelligibles l’un à l’autre ; celui du passé (le déjà advenu) et celui du futur possible. Chaque événement social d’importance s’insère dans cette temporalité et se présente alors comme une série chronologique : au tout début, un fait nouveau encore vide de sens impose que l’on en crée un afin que s’instaure une intelligibilité partagée qui rende ce fait « pensable ». Puis, par circulation sociale des informations, un système de représentations se met en place, une sensibilité et des connaissances nouvelles se développent et se diffusent, un langage commun émerge. Ayant trouvé sa formulation – politique, médiatique et quotidienne –, le fait inaugural va servir de modèle, de référence paradigmatique : il procure au corps social une nouvelle grille de lecture, un registre interprétatif qui vient alors s’insérer dans une logique et des représentations familières, de sorte qu’une simple expression suffira désormais pour le qualifier, c’est-à-dire pour faire surgir l’intelligibilité partagée [8]. À partir de ce moment là, chacun peut affecter ce même sens à tout fait social nouveau qui relèverait pour lui du même registre. La série événementielle s’achèvera d’elle-même lorsque la grille de lecture créée ne permettra plus une interprétation satisfaisante de nouveaux faits ; le modèle explicatif n’est alors plus opérant. Ainsi conçu, un événement se distingue d’un « fait divers » puisqu’il ne peut se résumer à sa manifestation immédiate ; « il prend sens dans une histoire qui seule peut le révéler comme tel » (Fassin, 2002, p. 40). L’analyse des événements ou objets sociaux impose d’en retracer le parcours dans le temps, d’isoler l’intelligibilité et le langage communs ; bref, d’en référer à l’histoire collective et d’apprécier sa résonance sur les représentations des individus et des groupes. Micro et macro-social seraient ainsi pris dans la même analyse, et l’on voit bien que se limiter au présent, à l’existant ici et maintenant, à l’immédiateté priverait l’approche de l’objet de ce quota de sens, d’une logique et de conditions sociales d’intelligibilité plus larges, voire d’une mutation dans la logique du sens qu’un fait nouveau peut déclencher au niveau du tissu social. En résumé, cette anthropologie des événements, ethnographique et descriptive, propose bien un schéma d’analyse ternaire qui comporte un ego (le public), un alter (médias, spécialistes, responsables…) et un objet social. Toutefois, c’est le lien objet/alter qui crée l’intelligibilité, ensuite véhiculée vers un ego qui reçoit passivement d’autrui ce sens. En effet, c’est la manière dont ego reçoit et interprète le discours sur l’objet qui fait défaut dans ce cadre analytique. Reconstruire sur cette base un schéma psychosocial ternaire peut alors simplement consister à réintroduire un lien ego/alter. Cela semble possible dans les travaux récents en psychologie du langage, notamment à partir de l’analyse des communications en tant que contrats qui exigent réciprocité et activité de chacun. Ego est ici un individu ou un groupe qui reconstruit et restructure l’information sociale pour son propre usage quotidien et à destination des alter qui composent son environnement social. Quant à l’objet « événement » il est collectif parce qu’il s’agit de « faits d’actualité » à résonance sociale (voir notamment les problèmes liés à la santé, à l’alimentation ou à la religion). Le domaine des représentations sociales normatives incite au même type d’approche des événements. Par exemple, Doise (2001) étudie les droits de l’homme en tant que structures normatives qui s’insèrent dans des contextes sociaux, sont portées par des groupes – eux-mêmes inscrits dans les structures sociales – et font l’objet de conflits d’idées ou de valeurs. L’idée générale de droits propres à tous les êtres humains (institutionnalisée par une déclaration universelle) est une donnée collectivement (comme individuellement d’ailleurs) admise et reconnue, ce qui n’implique pas l’adhésion inconditionnelle à l’ensemble de ces principes, ni leur strict respect au niveau des nations d’abord, des groupes ensuite. De telles représentations entrent en effet dans la composition du jugement moral, d’une morale que l’on peut apprécier en fonction de critères personnels ou groupaux, et appliquer plus ou moins à la lettre. Les recherches menées par Doise et son équipe ont l’intérêt de se baser en grande partie sur l’évocation d’objets en rapport avec des pratiques sociales effectives (par exemple, diverses violations des droits de l’homme), tout en disposant d’une résonance dans le passé et d’un sens collectivement partagé. Pour en rester à des objets proches des séries événementielles, on pourrait également penser à étudier de cette façon des objets sociaux tels que le terrorisme et la laïcité, ou encore de grandes valeurs comme l’altruisme, la liberté et la démocratie. À partir de ces réalités sociales événementielles, on est bien en position de varier la focale des niveaux d’analyse – de l’individuel à l’idéologique (Doise, 1982) ; de l’historique au fait quotidien – ou encore la taille de l’objet. Le risque principal tient à l’impossibilité de dégager totalement l’analyse scientifique des contingences émotionnelles et symboliques provenant de la résonance que l’événement a sur le chercheur. Le problème doit également être débattu en des termes méthodologiques intra et interdisciplinaires, puisque ce type de recherches nécessite d’ouvrir la démarche à des méthodes d’enquête peu développées en psychologie sociale.
Personnes, groupes et sociétés : objets sociaux durs ou mous ?
22De Visscher (2001) propose de définir le social de manière à conserver la partition entre le niveau des sociétés et celui des groupes [9]. En y adjoignant – à l’image de Doise (1982) – les positions sociales, systèmes de croyances, valeurs et idéologies, il en vient à distinguer huit champs d’étude qui partent de la base individuelle pour remonter jusqu’à la société en passant par la dualité, la micro-groupalité, la groupalité, les catégories agrégatives, les masses et les formations sociales. Mais, faut-il ici comprendre qu’intervenir au niveau de l’individualité ou de la dualité permet déjà de s’immerger dans une logique propre à déployer un regard analytique ternaire – ce dont la littérature expérimentale porte encore à douter – ou bien que le format d’analyse ternaire doit englober la totalité de ces niveaux du social – et dans ce cas la tâche est conséquente et propre à rebuter le psychologue social contemporain à qui le temps est chichement mesuré ? Au-delà de ces alternatives, le problème d’un découpage basé sur diverses structures sociales se pose aussi dans les termes d’une mutation des sociétés vers de nouvelles formes de sociabilité. En dehors du projet, sociologique, d’étudier les représentations collectives, le travail de Maffesoli (1988) nous intéresse ici pour l’objet qu’il retient à cette fin. Dans son approche du processus en acte au moyen du quotidien et du banal, il évoque une fragmentation interne des sociétés occidentales : les individus paraissent y délaisser les appartenances à des groupes monolithiques et socialement bien identifiés au profit de regroupements basés sur une communauté émotionnelle (« ceux qui pensent et sentent comme nous ») et disposant de territoires, de pratiques et de rituels communs. Ce sont les « tribus modernes », de petites unités qui vivent dans un présent fortement investi, qui transcendent le cadre sociétal (c’est par exemple le cas des internautes), se défont et se recomposent sans considération des clivages sociaux traditionnels. Bien sûr, chaque individu conserve ses fonctions sociales traditionnelles (appartenance politique ou associative, structure de travail) qui l’obligent à se plier aux impératifs de tels groupes. Mais, en dehors de cela, la socialité qui se déploie dans les tribus permet à chacun de jouer une multiplicité de rôles, de revêtir diverses apparences (être client attitré d’un commerce, amateur de foot…), de devenir un « homme pluriel » (Lahire, 1998). Selon Maffesoli, c’est cette mobilité qui est cause d’une substitution de plus en plus nette de ces tribus au pouvoir des grandes structures économiques, politiques, idéologiques – génératrices, pour Durkheim, des représentations collectives. En effet, les tribus assument désormais les étapes capitales de la socialisation des individus parce que, comme les grandes institutions auxquelles elles se substituent, elles disposent d’une forme d’organisation qui répond bien à une logique sociale et exerce certaines contraintes. L’instabilité de ces formes d’agrégations sociales aux contours indéfinis (groupes d’affinités, rassemblements sportifs, villages urbains, lieux publics et leurs habitués, tribus techno, espèces communes telles que le client de supermarché) n’est donc qu’apparente puisque toutes se définissent par la notion de communauté émotionnelle et fonctionnent sur du relationnel symbolique.
23En digne sociologue, Maffesoli ne s’intéresse pas aux individus non plus qu’à ce qui se joue entre eux au sein des tribus : son analyse repose sur des ego et des alter groupaux (ou plutôt tribaux) et c’est par le moyen des relations entre tribus que l’on remonte de proche en proche aux objets (pour lui des structures sociales matérialisées par des représentations collectives). Il est théoriquement aisé de penser qu’une approche psychosociale ternaire de tels groupes doit les différencier des ensembles utilisés en dynamique de groupe puisque des références comme le sort commun ou l’unité de temps ne sont plus opérantes. Il est également pensable d’adjoindre à l’analyse de Maffesoli le niveau intragroupal (lien entre individus au sein d’une tribu), de manière à étudier la façon dont l’individu se vit dans le lien social immédiat de sa groupalité tribale. Plus encore, la problématique du symbolisme relationnel, des affects, de l’imaginaire collectif y trouverait toute sa place. Des objets tels que les regroupements de populations jeunes, les rassemblements dans les quartiers difficiles ou encore certains phénomènes de délinquance pourraient de cette manière être approchés en tant que phénomènes collectifs. Reste que l’objet tribu est un objet du quotidien, de l’immédiateté du vécu. En tant que regroupement spontané, son fonctionnement, sa structuration et la forme des liens sociaux qui s’y instaurent sont sans doute méthodologiquement délicats à explorer et à analyser ; et ce d’autant plus que les appartenances tribales multiples d’un même individu viennent s’entrecroiser et/ou recouper partiellement celles d’autres individus. Si un tel problème se posait sans doute déjà pour l’étude des masses et des foules telles qu’approchées par Le Bon (1895) ou Tarde (1901), il semble que les nouvelles formes de sociabilité qui se déploient pourraient relancer l’intérêt des psychologues sociaux pour les objets collectifs.
24Cependant, l’approche de Maffesoli conduit à écarter l’idée que les objets sociaux sont pensables sur le mode d’un continuum borné d’un côté par le micro social et de l’autre par le macro social. Mais, en même temps, on rebondit sur la complexité des ego et alter étudiés. Si l’on prend pour critère d’homogénéité ceux qui président à bon nombre d’expérimentations, les étudiants débutants (dignes substituts des populations militaires des chercheurs américains) présenteraient un palmarès quantitativement élogieux. Mais forment-ils un groupe si homogène que cela ? Sort commun (celui d’étudiant ou de sujet expérimental), critères d’âge ou intérêt probablement partagé pour les études ou la discipline choisie, n’empêchent pas que ces étudiants investissent tous les registres de la taxinomie proposée par De Visscher (2001), appartiennent à des tribus ou soient façonnés par une culture, etc. ; engagements qu’ils apportent avec eux au laboratoire. Et d’un autre côté, l’hétérogénéité groupale que nous connaissons le mieux sur le terrain c’est la population « tout venant » (sélectionnée aléatoirement ou au moyen de critères d’échantillonnage rigoureux). Le choix massif de ces types de populations témoigne d’une perte d’intérêt pour les dimensions affective et symbolique, pourtant fortement caractéristiques des regroupements spontanés de type tribus et bien intégrées dans les études anciennes sur les masses et les foules, les processus historiques ou culturels. Ce désintérêt se comprend à partir d’un constat somme toute banal : d’une part, on induit assez largement l’idée (par exemple dans les enseignements de la discipline) que l’étude des masses et des foules fait globalement partie du passé [10] de la psychologie sociale et que l’interculturel peut être désormais rendu dans le cadre expérimental ; d’autre part, les formes de recompositions sociales actuelles, basées sur le partage émotionnel, ne font pas véritablement partie des objets de la psychologie sociale. Si l’on envisage, à l’image du sociologue, de les considérer comme « les groupes de demain » parce que leur efficacité sociale même nous interdit de les négliger plus longtemps, se pose alors le problème d’une méthodologie d’approche qui soit adaptée et suffisamment souple pour que l’on puisse saisir les relations et les enjeux indissociablement psychologiques et sociaux qui paraissent caractériser de tels groupes. Et c’est sans doute sur ce plan là que la psychologie sociale actuelle se trouve assez démunie.
Conclusion
25Les questions ici soulevées ne peuvent appeler de réponse immédiate puisqu’il s’agit simplement d’ouvrir vers une logique analytique qui maintienne, au sein de notre discipline, un particularisme basé sur l’intégration aussi large que possible des dimensions du social. Une réflexion épistémologique sur les objets sociaux semble cependant s’esquisser, qui prend appui à la fois sur les acquis antérieurs d’une époque plus orientée vers l’interdisciplinarité –par exemple dans le registre des travaux sur la mémoire sociale ou sur le jugement moral – et sur les tendances – il est vrai encore timides – d’une psychologie sociale expérimentale à redéfinir et préciser ses notions et concepts [11] et/ou à recontextualiser les connaissances antérieurement acquises. Enfin, les orientations récentes des disciplines parentes [12] devraient également permettre d’approfondir la réflexion. Prenant appui sur les huit niveaux de sa taxinomie, De Visscher (2001) fait, à propos de la psychologie sociale, le constat suivant : « Il semble bien que la discipline soit plus prolifique en travaux pour ce qui concerne le registre allant de “l’individualité” à la “groupalité” » (pp. 42-43) telle que conçue en dynamique des groupes. Et en effet, pour satisfaire au critère d’homogénéité des connaissances scientifiques, la démarche expérimentale s’appuie sur un panel uniforme d’ego et d’alter ne dépassant guère le stade du groupe restreint, et l’enquête « de terrain » cible aussi précisément que possible ces ego et alter (chômeurs, cuisiniers, lycéens, cadres…). Le partage, la relation elle-même reposent alors sur des objets restreints, épurés voire recomposés.
26Toujours selon De Visscher, les quatre niveaux supérieurs d’agrégation que sont la « catégorialité » (y inclus les publics), la « massalité » (« manifestations et foules »), la « socialité » (formations sociales classiques telles que les associations, organisations, collectivités) et la « sociétalité » (p. 43) font l’objet d’un net désinvestissement. Il est vrai que l’on croise ici les chemins de l’histoire, de la linguistique, de la sociologie, de la psychologie des peuples, de la psychologie culturelle, etc. ; et ce seul fait peut déjà expliquer le fort désintérêt pour les objets collectifs. En somme, il y a peu d’écrits sur les rumeurs, quasiment aucune assise pour travailler sur les mouvements de panique et leurs déclencheurs (lors même que certaines pandémies, épizooties ou maladies contagieuses ont actuellement une résonance mondiale), peu de développements sur les images et les signes, un démarrage plutôt timide pour les croyances et leurs objets… ; tous phénomènes qui sont à la fois psychologiques et sociaux et peuvent s’étudier notamment sous l’angle des communications de masse, du langage ou des représentations. « Mobiliser une masse d’hommes, lutter contre les préjugés, combattre la misère psychologique due au chômage ou à la discrimination » (id., p. 13), étaient également au « programme » des études susceptibles de permettre à la psychologie sociale d’asseoir sa spécificité sur ses analyses. Mais cela imposerait de réfléchir autrement sur les modalités de construction des connaissances psychosociales (par exemple, en redoublant les approches expérimentales d’une analyse du contexte et d’une réflexion plus large, voire d’une opérationnalisation in situ) ; bref, une certaine souplesse analytique reposant sur la variation des focales. En effet, l’activité comme les modalités d’appréhension des objets par différents ego et alter peuvent changer d’orientation d’un individu à un autre, d’un groupe à un autre. Des systèmes de référence distincts imposent alors de voir l’objet sous la forme d’un système organisé de « mondes » entrecroisés et/ou interdépendants, construits dans l’interaction : des points de vue multiples en quelque sorte. Ces entrées multiples en lieu et place d’une vision homogène du même objet pourraient nous ramener vers de vieilles problématiques : historicité ou temps de l’objet ; interconnaissance et réciprocité entre disciplines des sciences humaines ; rapports du chercheur à ses objets et à ses sujets ; question récurrente concernant la façon d’aborder et d’étudier le social. Pourtant, « L’inachèvement des sciences de l’homme est moins préoccupante que leur rigidité » (Moscovici, 1988, p. 10). Et c’est bien, ainsi que l’on peut concevoir l’apport d’une approche ternaire rompant avec la partition individu/société pour se tourner vers leur interstructuration, renouvelant l’intérêt pour les objets sociaux et étendant le panel de ses méthodologies d’approche de la réalité sociale.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : Groupes, Événements, Ego/alter/objet, Sociétés
Mise en ligne 29/02/2012
https://doi.org/10.3917/cips.071.0029Notes
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[*]
Pour toute correspondance relative à cet article, s’adresser à Christine Bonardi, Laboratoire de Psychologie expérimentale et quantitative, Université de Nice-Sophia Antipolis, Pôle St Jean D’Angély, 24 avenue des diables bleus, 06357 Nice, France ou par courriel à <bonardi@unice.fr>.
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[1]
Le choix de cette littérature est dicté par plusieurs considérations : 1/ notre discipline promeut ses spécificités en premier lieu auprès de ses étudiants et des membres de sa communauté scientifique ; 2/ le nombre de ces écrits semble avoir quelque peu explosé depuis les années 90, ce qui porte à considérer qu’ils répondent à un besoin plutôt qu’aux seules finalités mercantiles et publicitaires ; 3/ les introductions et avant propos des manuels présentent souvent, même succinctement, les objectifs que l’on assigne à la discipline, parfois assortis des préférences ; 4/ quant aux 9 manuels dont il sera ici question (en langues anglaise et française, parus entre 1981 et 2000), leur sélection est arbitraire ; leur choix simplement basé sur l’ouverture vers la psychologie sociale ou vers la cognition sociale.
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[2]
Notons que le problème n’est pas spécifique à la psychologie sociale puisque le nœud actuel du débat épistémologique en anthropologie oppose un culturalisme qui s’essouffle à un cognitivisme dopé aux plus récentes recherches sur le cerveau et l’évolution.
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[3]
Précisons qu’ego est ici représenté par un individu qui met en œuvre un jugement social basé sur ses sentiments envers autrui ; l’objet étant un événement de portée restreinte. Toutefois, le traitement statistique des données ramène très classiquement l’analyse post expérimentale vers des groupes de sujets.
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[4]
Par exemple, si cette situation est affectivement orientée/comprise, le biais d’auto-complaisance a davantage de chances de se manifester que la stratégie d’internalité.
-
[5]
Que l’on peut rapprocher de certains principes de gestion mentale énoncés par Boyer (2001, p. 435) : « Ne laissez entrer dans votre esprit que des pensées claires et précises. N’acceptez que les pensées cohérentes. Examinez les données concernant toute affirmation. Ne retenez que des affirmations réfutables ».
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[6]
C’est peut être à cela que l’on doit, par exemple, la faible attractivité de l’étude des phénomènes idéologiques, des croyances ordinaires ou encore des foules.
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[7]
La représentation du groupe d’amis par exemple, semble n’avoir guère évolué depuis les premiers travaux de Flament (1971).
-
[8]
C’est ainsi que les médias insèrent un fait nouveau dans le registre de l’intelligibilité commune, par exemple en recherchant les similarités avec des faits antérieurs, d’autres époques ou d’autres lieux.
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[9]
Ces derniers étant pour lui des ensembles d’individus « unis par un lien « social » (…), ayant en commun des modèles culturels ou subculturels », dotés « de finalités récurrentes, d’historicité, de modélisation uniformisante, d’aménagements internes intégrateurs » (p. 41), donc dégagés des caractéristiques restrictives affectées à ces ensembles en dynamique des groupes (unité de temps et de lieu, sort commun, etc.).
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[10]
Mais on peut saluer le contre exemple apporté par le récent ouvrage de Rouquette (2004).
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[11]
Pour exemple : la gêne introduite par la parenté dans l’usage des termes de menace, danger, risque, peur (et leurs équivalents anglo-saxons) qui dilue leurs frontières réciproques.
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[12]
On peut penser, par exemple, au développement récent du courant de l’anthropologie cognitive (qui revisite les fondements de la culture ou les impasses conceptuelles générées dans sa période »classique ») ou à la micro-sociologie.