Couché sur son lit, le petit Sergei observe avec stupeur la fenêtre de sa chambre s’ouvrir lentement. Poussé par la curiosité il put faire face à sa frayeur initiale et, armé de courage, il s’approcha peu à peu de son rebord. La vision qui l’attendait là fut si terrifiante qu’elle allait le poursuivre jusqu’à un âge avancé d’adulte : juchés sur un arbre six ou sept loups, impassibles, le regardaient fixement d’une façon menaçante. C’est dans ce rêve d’enfant apparemment simple, que trouve son origine un des cas les plus connus de la psychanalyse. En outre, on doit à Deleuze et Guattari une des réinterprétations les plus révolutionnaires du fameux « Homme aux loups ».Un an après avoir écrit sur ce cas dans « Histoire d’une névrose infantile », Freud publiait « L’inconscient » (1915), dont la thèse fondamentale a pour axe la découverte de la répression comme matrice de ce que l’appareil psychique empêche d’accéder à la conscience. À peine a-t-il découvert un rhizome, nous disent Deleuze et Guattari, que Freud ne cesse de revenir au schéma des racines, aux généalogies familières arborescentes et hiérarchisées. Tout l’art des multiplicités moléculaires que nous trouvons dans l’inconscient est enfermé et confiné dans des unités molaires, dans des thèmes familiers, dans les sales secrets d’alcôve de papa et de maman. Et la horde de loups qui, telle un corps sans organes, traversé par des déserts informes, des lignes de fuite créatrices, peuplé de devenirs fous et d’intensités insoupçonnées, qui harcelaient les nuits de Sergei, finit par se réduire au théâtre antique du triangle œdipien…
Cet article est en accès conditionnel
Acheter cet article
4,00 €
Acheter ce numéro
16,00 €
S'abonner à cette revue
À partir de 55,00 €
Accès immédiat à la version électronique pendant un an
2 numéros papier envoyés par la poste