Chimères 2020/2 N° 97

Couverture de CHIME_097

Article de revue

Peut-on confiner le tango ? Le corps résiste…

Pages 86 à 104

Notes

  • [1]
    C. Hess, « Déplacer le geste de la marche à partir du tango argentin  », Chimères, vol. 93, n° 1, 2018, p. 164-177.
  • [2]
    Danseur, Hubert Godard développe une recherche sur les techniques de danse et celles dites somatiques (Rolfing, F. M. Alexander, Pilates etc.), ainsi qu’en réhabilitation fonctionnelle, bio-mécanique et système nerveux de la conduite motrice. Il a dirigé des recherches pour l’Institut national de la recherche sur le cancer à Milan en Italie, dans le domaine de la réhabilitation post-opératoire. Il est intervenu dans de nombreuses structures pédagogiques et compagnies chorégraphiques en France et à l’étranger.
  • [3]
    Claudia Righini est praticienne en rolfing depuis 2004. Elle oriente son travail clinique en se spécialisant sur les troubles de l’image du corps en lien avec l’espace de la pesanteur. Son travail s’appuie en grande partie sur les recherches de Hubert Godard et Jean-David Nasio. Je pratique avec elle le rolfing depuis de nombreuses années. Depuis 2017, nous avons eu envie de témoigner ensemble de l’apport considérable d’Hubert Godard, et plus précisément de son travail clinique. Cf. C. Hess, C. Righini, « Marcher une heure avec Hubert Godard », Chimères, vol. 93, n° 1, 2018, p. 102-111.
  • [4]
    Un petit ouvrage clinique devrait sortir sur ce thème, en début d’année prochaine, aux Éditions Contredanse.
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1Zorka Domić : Charlotte, peux-tu nous parler de ton expérience de travail, celle d’apprendre aux gens à danser le tango ? Depuis combien de temps fais-tu ça ?

2Charlotte Hess : Depuis l’âge de 17 ans, c’est-à‑dire vingt-­­­­

3quatre ans.

4Z. D. : Vingt-quatre ans ! Et tu fais ça en groupe ? De façon individuelle ? Comment ?

5C. H. : Je fais les deux. J’ai monté une association qui s’appelle « Mordida de tango » Le nom est inspiré de la tarentelle : une fois que l’on est mordu par le tango, on est possédé par l’esprit du tango et on ne peut plus décrocher.

6Z. D. : Très bien, en somme, tu es une espèce de sorcière… Et tu as appris le tango en Argentine ?

7C. H. : J’ai eu la chance d’apprendre le tango argentin en France. À l’époque, il y avait des argentins du milieu et de renommée internationale qui vivaient à Paris. J’ai été formée par le fameux Pablo Veron et par Teresa Cunhia, qui a été sa partenaire à l’époque. C’est une danseuse contemporaine qui a notamment travaillé dans la compagnie de Mathilde Monnier.

8Ensuite, je suis rentrée, à l’âge de 17 ans, dans une compagnie argentine avec laquelle j’ai tourné plus de dix ans, surtout en Europe, mais aussi au Japon, en Amérique du Sud, etc. Dans l’association qu’on a créée en 2000, je propose encore aujourd’hui des cours pour amateurs et professionnels. Je m’adresse aux adultes de 17 à 75 ans et plus, tous les âges sont confondus, toutes les catégories sociales aussi, un peu à l’image du bal, c’est-à‑dire que l’on rencontre des personnes que l’on ne rencontrerait jamais dans son contexte social et familier. C’est ça la magie du bal populaire et ce que l’on retrouve à Mordida aussi. Et c’est vraiment ce que j’aime, ce brassage !

9Z. D. : Alors, le sentiment que j’ai, c’est que le corps est inscrit dans une culture, un espace socio-culturel, une époque etc. Pour moi, le tango fait partie de mon enfance, J’ai dansé le tango avec mes oncles, par exemple, tu vois ? J’ai un oncle qui danse très bien la valse, et un autre le tango, il chantait et a enregistré des disques. Se toucher, être dans les bras de l’autre, pour moi, c’est quelque chose de l’expression de l’amour, de la protection, d’être bien ensemble, à travers le corps à corps, et ça, dans une culture latino-américaine, c’est le b.a.-ba de la relation à l’autre. Je ne sais pas si en France tu ressens la même chose. Nous, les latinos américains, on s’embrasse beaucoup, le corps bouge beaucoup plus, on se touche. Le Français est aussi un latin, mais ce n’est pas pareil. Et si tu vas plus loin, les slaves sont fascinés par le tango parce que chez eux, on se touche, mais ce n’est pas pareil. 

10C. H. : Je trouve intéressant ce que tu dis, car c’est la genèse du tango. Par exemple, le rythme est d’origine africaine ; le bandonéon, l’instrument emblématique est allemand ; la mélodie, italienne, etc. Il y a eu de multiples migrations, européenne, juive, du Moyen-Orient… Et le tango est le fruit de toutes ces influences et ces rencontres. C’est important de le rappeler aujourd’hui : la richesse que produit la rencontre de cultures entre elles. Nous avons organisé un festival, « Vertige tango », dans ce sens en 2017 sur le thème : « migra tango » pour montrer l’apport des différentes cultures dans l’art du tango.

11Aujourd’hui, on le danse un peu partout, aussi bien en Chine, aux États-Unis, qu’en Europe…

12Z. D. : Et puis, à l’origine c’était une danse entre hommes.

13C. H. : Oui, là, c’était avant tout une question démographique. Il y avait environ cinq hommes pour une femme, et les hommes s’entraînaient entre eux pour être le meilleur danseur qui aurait la chance de danser avec la femme ! Le rapport homme-femme aujourd’hui s’est inversé, il y a plus de femmes que d’hommes. 

14Comme j’ai eu la chance de tourner beaucoup, j’ai pu voir que si l’on danse la même danse, il y a des couleurs, des impressions, des particularités d’une culture à une autre. Sans sombrer dans le culturalisme, il est vrai qu’au Japon, par exemple, pour moi avec mon regard de Française qui a été formée en Argentine, il y a un rapport au sol extraordinaire, et en même temps, la danse est plus carrée, plus militaire, pourrait-on dire… Chacun s’approprie le tango avec ses propres particularités. On pourrait dire aussi que les Italiens font moins de figures, mais que c’est très bal, très serré, très collé, comme le bal populaire… 

15Apprendre le tango, c’est comme apprendre une langue vivante : on n’apprend pas par cœur un répertoire de gestes déjà fixés et standardisés parce que justement, ce qui est magnifique dans le tango, c’est qu’il a su rester vivant. C’est la seule danse de couple qui s’invente encore aujourd’hui. C’est une danse d’improvisation. C’est donc différent de la salsa, du cha cha cha ou du fox trot… où l’on peut combiner à partir d’un répertoire déjà fixé. On peut comparer ça au rapport langue vivante et langue morte : on peut parler couramment le latin, mais pour dire « voiture », bon on pourrait dire « char » c’est vrai, mais il n’y a plus de nouveaux mots… Dans le tango, on altère encore les structures pour inventer toujours de nouvelles combinaisons et de nouveaux possibles.

16Je pense que l’entrée dans la danse ou dans une danse, c’est toujours une entrée très personnelle. On ne sait pas toujours ce qui fait qu’on se met à danser. Et la relation à la danse, ou à son propre corps peut aussi changer, évoluer. J’ai connu parmi mes danseurs – comme le tango véhicule beaucoup de stéréotypes et de fantasmes – une femme par exemple, qui était venue, comme d’autres d’ailleurs, en se demandant : qu’est-ce que c’est qu’être une femme ? Elle m’avait décrit ça, de manière très éloquente, en disant que pour le cours de tango, elle allait mettre des talons, une mini-jupe, se maquiller, alors que dans la vie quotidienne, elle ne s’habille jamais comme ça ! Cette femme est venue au tango pour « jouer » à être une femme, alors qu’ensuite, cette question s’est posée de manière différente pour elle, jusqu’au moment où, dans la pratique de la danse, ce n’était peut-être plus du tout ça qui était en jeu pour elle…

17Z. D. : Et toi, tu ne leur demandes pas de venir habillés d’une certaine façon ?

18C. H. : Pas du tout et d’ailleurs pour moi il n’y a déjà plus d’hommes et de femmes, mais des « guideurs » et des « guidés » ou des followers et des following, si l’on préfère. Des femmes jouent le rôle de « guidés » et inversement. Ce n’est pas genré à ce niveau-là.

19Z. D. : D’accord, mais il y a des lieux où l’on te demande de venir habillé comme ça. Et je connais des gens très proches qui sont allés pour danser le tango et ont rencontré l’amour. C’est un couple. Ils vivent ensemble et elle, d’ailleurs, ne veut plus que son mari aille danser le tango…

20C. H. : C’est une catastrophe ! Je plaisante… Je me souviens très bien, à l’époque où j’ai commencé, qu’il y avait certains lieux où, si l’on n’avait pas une veste avec une cravate, on ne rentrait pas. Encore aujourd’hui d’ailleurs, certains refusent de danser sur des musiques dites « trop modernes », c’est-à‑dire composées après les années cinquante ! Je ne pouvais pas comprendre que des jeunes de vingt ans, vingt-cinq ans s’interdisent de danser des compositions d’Osvaldo Pugliese par exemple, ou même de Piazzolla parce que c’était trop dur, trop moderne. J’ai toujours refusé de faire cette partition, au contraire.

21Z. D. : Du coup, quel est ton profil ? Comment tu te présentes afin de savoir un peu qui vient dans tes cours ? Comment ça se passe quand on commence ?

22C. H. : Au départ, c’est la question de la danse à deux. Il y a des gens qui n’ont jamais dansé auparavant et leur désir de danse est de découvrir ce que c’est qu’une danse à deux. Et puis il y a ceux qui ont déjà dansé avant et qui sont spécifiquement attirés par la danse à deux. Vivre un moment de proximité et d’intimité avec l’autre à travers la danse et la musique.

23Une chose amusante, c’est qu’au départ, tout le monde pense que le problème c’est l’autre, parce qu’en dansant seul, ça va… Mais en fait, qu’est-ce que ça fait, quand on a l’autre dans ses bras, en termes de coordination, d’écoute ? On s’aperçoit souvent que ce n’est pas l’autre le problème, mais que ça se joue dans le rapport à soi et à sa propre disponibilité. Est-ce qu’on se met vraiment en disposition d’accueil de l’autre ?

24Moi, je dirais qu’au départ, c’est l’aventure d’une marche à deux. On réapprend en somme à marcher. Pour saisir la difficulté, on n’a qu’à penser aux bébés qui tentent de se mettre debout et de marcher… C’est comme si on revivait le moment où on se rend compte que tenir debout, transférer son poids du corps ensemble, ça n’a rien d’évident en soi. Je me souviendrai toujours de Francis Bérezné qui a navigué à Chimères aussi et qui m’avait dit : « Charlotte, tu veux moi que je danse le tango alors que je n’arrive déjà pas à tenir debout. » Ça avait provoqué une sorte de déclic en moi : je me suis dit, c’est ça, le tango ! C’est avant tout une marche à deux. Et je trouve assez jolie cette idée de flânerie à deux, qui modifie aussi sa propre perception de l’environnement, de l’échange, de la circulation. Et puis, c’est bien entendu la question du toucher et du contact qui est en jeu, et cela modifie même la représentation spatiale…

25Z. D. : Mais il y a tout un langage du tango, n’est-ce pas ? Les corps ont un langage commun. Guider l’autre, le mettre en situation de faire des contorsions, ne pas le laisser tomber, etc. Les gens voient le tango comme une danse très érotique, et on peut érotiser la danse, selon la culture, les habitudes qu’on a de ce que représente la danse dans une société. Je ne danse plus, mais avant j’étais connue comme celle qui organisait les fêtes et on dansait chez Zorka, tu vois ? On mettait la musique et on dansait, et en général les Français sont un peu surpris de cette spontanéité du corps.

26C. H. : Je te suis entièrement. Je pense que les fantasmes et les stéréotypes véhiculés dans le tango sont énormes. Cette érotisation à outrance de la danse est davantage investie par le spectateur qui ne danse pas, qui reste à la périphérie du bal, que par les danseurs eux-mêmes. Quand on est à l’intérieur, c’est tout autre chose qui se joue en fait.

27Z. D. : Je me souviens de deux femmes qui dansaient le tango à Paris et je me demandais, mais qu’est-ce qu’elles vont faire ? Et en plus, elles étaient pieds nus. Les autres avaient des talons et tout ça, et elles se sont mises à danser, et c’était d’une beauté incroyable et c’est ce rapport au corps qui change complètement. Et il y a un langage : qu’est-ce que ça raconte, ce tango ?

28C. H. : Je pense que c’est la question de l’improvisation dans la danse de couple. Quand on regarde, on assiste à une tentative d’accordage entre deux personnes. Et ce qui est beau, ce n’est pas tant le pas réalisé, que d’assister à tout ce processus, à tout ce que l’on appelle le pré-mouvement, c’est-à‑dire précisément cet accordage dans le couple dansant : ce jeu d’écoute mutuelle, d’échange et de circulation, pour pouvoir être ensemble. Selon moi, c’est ce qu’il y a de plus important et de plus complexe dans la danse. Faire que l’on arrive à respirer l’un avec l’autre, c’est ça le côté magique et la beauté de cette danse-là.

29Z. D. : Mais comment est-ce possible de se retrouver dans les bras d’un inconnu ? Comment ça se passe ?

30C. H. : C’est ce qui est merveilleux ! Il peut même arriver qu’avec des personnes avec lesquelles tu t’entends très bien dans la vie, tu n’arrives pas bien à danser, et d’autres dont tu ne t’approcherais pas comme ça, et avec lesquelles, pourtant, danser s’avère magnifique… La danse peut donc offrir une sociabilité un peu singulière, tout autre, là où autrement une rencontre ne se ferait pas forcément. Une confiance et une intimité forte, quasi immédiate, avec un parfait inconnu ! C’est aussi dans le rapport au toucher, à l’accordage, au phrasé qu’il peut y avoir de l’échange…

31Z. D. : Il y a des rencontres, alors ?

32C. H. : Oui. Ce que je trouve beau à Mordida, c’est qu’il y a des danseurs expérimentés ou même semi-professionnels qui dansent avec des amateurs. Donc il y a une circulation très riche entre les niveaux, avec des expériences de danse très différentes pour les uns et pour les autres. Et ça, c’est chouette et très rare : des débutants vont avoir la chance de danser avec des danseurs expérimentés qui sont contents de pouvoir se tester et qui ont assez d’humilité pour se dire : est-ce que j’ai été assez clair dans mon guidage pour me faire comprendre ? Et quand on a compris ça, je pense qu’on a déjà compris beaucoup de choses de ce que c’est que de danser le tango…

33Z. D. : Et tu penses qu’il faut plutôt être bien dans sa tête pour pouvoir danser le tango ? Est-ce qu’on peut repérer des souffrances ou des inhibitions qui empêchent de se laisser guider ?

34C. H. : On peut être bien, mais on peut se sentir mal aussi. Ça fait du bien et cela n’empêche pas de bien danser. Tu connais l’adage : « le tango, cette pensée triste qui se danse… » Et bien sûr, il y a des résistances multiples, mais c’est intéressant de les mettre au travail. Moi je pense qu’il est très important, en tant qu’enseignante en tout cas, de ne pas mélanger tous les espaces. Quand on danse le tango, on travaille avec le corps, et on traite le corps. Donc on ne fait pas de psychologie. Mais on peut voir que d’une personne à l’autre, la sphère de l’intime change : parfois, un danseur se crispe dès que l’autre s’approche. Pour un autre, on observe un côté qui se ferme à l’espace, quand l’autre reste ouvert : le mouvement va pouvoir ainsi facilement se développer d’un côté, alors que de l’autre, on ne sait pas pourquoi, il y a quelque chose, une menace inconnue, qui ferme et va l’empêcher de se déployer… Et heureusement, le désir lié à la danse et à l’exploration du mouvement me permet souvent de les accompagner afin de les aider à dépasser certaines inhibitions. J’ai travaillé aussi avec des autistes dans le cadre d’un projet artistique autour du tango, ou en psychiatrie adulte et on rencontre les mêmes problèmes à des différences de degré, comme je l’ai déjà raconté à Chimères [1].

35Z. D. : C’est intéressant de voir qu’on va apprendre à danser le tango pour un plaisir du corps. Se faire plaisir à deux. Il y une énorme différence avec un sport, qu’on pratique en groupe, à deux etc.

36C. H. : Il y a des cours où l’on exige de venir en couple, mais à Mordida, on change systématiquement de partenaire pour justement danser avec tout le monde. C’est quelque chose qui me tient à cœur. Quand ça marche avec quelqu’un, on se met ensuite à l’épreuve avec un autre. Un tango dure trois minutes : qu’est-ce que c’est dans une vie ? Oui, on se risque un peu… Est-ce qu’on va pouvoir créer un espace d’intimité et de sécurisation suffisant dans l’éphémère de cette rencontre ? Ces trois minutes peuvent apparaître longues, mais elles peuvent aussi durer toute une vie !

37Z. D. : On peut faire ça entre femmes, homme et femme, tout ça ?

38C. H. : Oui, bien sûr. Chacun choisit son rôle. Apprendre les deux rôles en même temps est un peu compliqué au début. Donc pour des questions pédagogiques, on apprend d’abord un seul rôle. Mais dès les premiers cours, j’apprends néanmoins aux « guideurs », comme aux « guidés » à changer de rôle pour sentir ce que ça fait que d’être de l’autre côté. Car le travail du danseur est avant tout un travail de la sensation. Et là on s’aperçoit que ce n’est pas évident d’être d’un côté ou de l’autre, et on devient peut-être plus tolérant avec son partenaire… Ce n’est pas vrai que c’est plus facile d’être guide ou plus facile d’être guidé. C’est une autre expérience, et c’est avant tout un autre rapport à la temporalité, parce que le guide doit anticiper, il doit penser à son partenaire d’abord, tandis que la personne guidée doit être dans le présent de la rencontre pour être disponible à la proposition, et savoir y répondre. Un troisième temps, c’est celui du spectateur qui voit le mouvement dans l’après-coup de la rencontre, sans forcément saisir la magie de cet accordage préalable entre les deux danseurs.

39Z. D. : Et là te tombe sur la tête une chose épouvantable, c’est que tout ça c’est interdit. Tu as dû arrêter. 

40C. H. : J’ai arrêté deux semaines avant l’annonce officielle de l’interdiction de pratiquer et du premier confinement. J’ai senti qu’il fallait arrêter. Je ne voulais pas porter la responsabilité de contaminations au sein de mes cours. Dans le 18e, les gens ont été particulièrement touchés lors de la première vague, et je connais beaucoup de gens qui ont été atteints. On s’est arrêtés à temps. 

41Z. D. : C’est toi qui as décidé ça et tout le monde a été d’accord plus ou moins ? 

42C. H. : Plus ou moins… Il y en a qui voulaient continuer, mais c’était de ma responsabilité. Après le confinement, il a fallu se demander qu’est-ce qu’on allait faire. Reprendre la pratique collective, c’était trop prématuré. Très vite, j’ai eu envie de recevoir chez moi ceux qui avaient envie de reprendre. Cela permettait de ne pas interrompre trop longtemps la pratique. J’ai fait très attention, j’ai mis en place tout un protocole pour pouvoir recevoir. J’ai été surprise, et cela m’a beaucoup touchée de voir les effets de ce confinement dans le rapport au corps de chacun. Et qu’est-ce que ça faisait aussi de se retoucher, et les émotions que cela suscitait pour les uns et pour les autres. Une danseuse était si émue qu’elle s’est interrompue. « Excuse-moi, m’a-t-elle dit, ça fait trois mois que je n’ai pas pris quelqu’un dans les bras… » Cela ne laisse personne indemne. Il y a donc eu des choses très fortes et ça m’a permis de voir comment ces corps avaient subi le confinement et en avaient souffert. Le rapport à l’espace s’est vu aussi modifié… Retrouver une assise au sol, un regard un peu plus périphérique, c’est-à‑dire qui va un peu plus loin… Quelque chose du monde s’était globalement rétréci, et ça m’est apparu de manière flagrante. Et puis une forte insécurité générale, une fragilité toute nouvelle… Le fait d’avoir créé des conditions un peu sécurisantes pour recevoir les gens leur a permis de venir sans culpabilité et de s’autoriser. Plusieurs personnes sortaient de la séance en me disant : « Ça fait du bien de se sentir vivant. »

43Z. D. : « Se sentir vivant », il y a quelque chose qui a été vraiment touché dans le corps, dans la chair, à savoir si on est encore dans le monde, et avec les autres…

44C. H. : Je trouve qu’Achille Mbembe décrit bien la période que nous avons traversée : il y a eu une sorte de dissociation extrême entre une communication qui pouvait être performante avec les nouvelles technologies et la possibilité d’être connecté, le fait de rester en lien avec des personnes à l’autre bout du monde ; et en même temps, le corps était complètement immobilisé, impuissant…

45Z. D. : Ce qui est le plus précieux, pouvoir être en confiance et avec l’autre, disparaît. Tous ces gestes de tous les jours, banals, on ne peut pas les faire, et c’est même le contraire, ça devient dangereux et c’est interdit. Comment les élèves ont-ils exprimé cela ?

46C. H. : D’une personne à l’autre, ça variait complètement. Certains étaient dans le déni de la maladie, d’autres étaient complètement phobiques, et même s’ils avaient très envie de danser, ils étaient terrorisés à l’idée d’être en contact avec les autres. D’où le fait que reprendre une pratique collective avec des gens qui avaient une perception aussi éloignée les uns des autres, j’avoue qu’au début, je me suis dit que ça allait être très difficile. Cette période où j’ai recommencé en reprenant les gens en duo m’a permis de sentir mieux comment chacun s’était approprié l’événement et ce qu’ils en avaient fait, dans leur rapport au corps et dans leur propre corps. Ça permettait de reprendre contact déjà avec soi-même avant de reprendre la pratique collective, ce qui était pas mal : une façon plus douce de procéder. 

47Z. D. : Et toi, d’abord, comment t’es-tu sentie capable de faire ça ?

48C. H. : Lors du premier confinement, la question a tourné beaucoup chez moi autour de la respiration, qui est devenue une question encore plus essentielle. Cette question me tenait déjà à cœur. Je suis en effet asthmatique et grande fumeuse, ce qui ne m’a pourtant pas empêchée d’être danseuse professionnelle. J’ai dû arrêter de fumer et là, toute une réflexion profonde et intime autour de l’acte de respirer a émergé. J’ai beaucoup dialogué, pratiqué et travaillé cette question avec Hubert Godard [2], qui m’a formée à l’analyse du mouvement. J’ai envie d’écrire sur le travail clinique d’Hubert Godard et sur la respiration en particulier. Ce travail réflexif a été mis un peu en suspens. Et puis j’ai contracté moi-même le virus, et la respiration est revenue au centre de mes préoccupations. J’ai eu le sentiment qu’une réflexion d’abord intime rencontrait une question qui devenait sociétale : est-ce que l’on peut encore respirer ? Qu’est-ce qui fait qu’un monde est respirable ? C’est pourquoi je me suis sentie touchée par les analyses d’Achille Mbembe, notamment cette idée d’un droit universel à la respiration. J’ai repris mon dialogue avec Hubert Godard et Claudia Righini [3], rolfeuse professionnelle. Cela a d’ailleurs poussé Hubert Godard à écrire, ce dont je me réjouis, et à expliciter davantage son travail clinique autour de la respiration [4].

49Ensuite, quand j’ai vu le plaisir de mes élèves à retrouver la pratique du tango, cela m’a donné envie de reprendre la pratique collective.

50Z. D. : Tu commençais par rencontrer les gens en individuel et en individuel, tu faisais danser comment ? Et les couples, eux, se connaissaient ?

51C. H. : D’abord, je dansais en individuel avec eux ou ils venaient en couple : couple dans la vie ou en tant que couples de danseurs.

52Z. D. : Ils savaient qu’ils n’étaient pas malades, pas contagieux ? Devaient-ils passer d’abord par un test ?

53C. H. : Non je ne demandais pas de tests. Je recevais en priorité les personnes qui venaient du 18e sans prendre le métro, ou alors ils venaient en voiture. Lavage de mains systématique, chaussures de danse… Et puis, on a dansé en masques. Je me lavai les mains à chaque fois que je changeai de partenaire. Avec les fenêtres ouvertes, en aérant souvent, et le nettoyage après chaque séance. Bref, un dispositif assez lourd, mais qui avait l’avantage d’être rassurant, cadrant et qui installait finalement un climat de sérénité pour tout le monde.

54Et quand il a été possible de reprendre la pratique collective, j’ai d’abord ressenti le besoin de parler, de mettre des mots sur ce qui nous était arrivé, ne pas faire comme si rien ne s’était passé. Laisser mes élèves s’exprimer sur la manière dont ils avaient vécu le confinement, parler de leur rapport au corps et de la manière dont ils concevaient la pratique dorénavant. Avant de reprendre en septembre, nous avons organisé notre assemblée générale. D’habitude, rares sont les adhérents qui viennent à l’ag annuelle, et là nous nous sommes retrouvés très nombreux. Cela a été très instructif et surtout très touchant que chacun puisse avoir un temps de parole et fasse part de ce que le confinement avait modifié de sa perception et de son expérience sensorielle de soi, de l’autre, et le type de pratique qu’il souhaitait dans ce contexte. Et on était finalement tous témoins du fait qu’il y avait autant d’expériences que de personnes. Mais du coup, ça exigeait aussi une pensée complexe prenant en compte de multiples facteurs. Et c’était intéressant, car c’était précisément le moment où les médias essayaient de cliver la société entre les gentils, souvent vieux, qui mettaient le masque, et les méchants, souvent jeunes, qui s’en foutaient, pour essayer encore une fois de faire oublier leur incurie et leur amateurisme dans la gestion de la pandémie.

55Il y a donc eu des moments forts. Je repense à l’expérience de deux amies. Dans l’association, tout le monde sait qu’elles sont très proches et elles avaient pourtant des visions diamétralement opposées. La première avait très peur, malgré une forte envie de danser. Elle était même terrorisée et demandait à ce que les danseurs de Mordida n’aillent pas danser ailleurs, prennent des précautions et ne changent pas de partenaire. Dans sa vie personnelle, son conjoint qui est asthmatique n’a plus qu’un poumon et elle est très soucieuse pour lui. Son amie lui répondait qu’elle ne voulait pas s’engager et qu’elle avait envie de continuer à danser en dehors de Mordida dans différents bals ou pratiques : « tout ce que je peux te garantir, disait-elle, c’est d’être très précautionneuse. Et si on fait attention les uns, les autres, on pourra danser ensemble ». C’était touchant et fort car il y avait une qualité d’écoute, et malgré les clivages que l’on tentait de construire médiatiquement, on assistait au contraire entre nous à un petit échantillon de la société avec des points de vue très différents, et en même temps à une grande tolérance des sensibilités des uns et des autres du fait d’histoires à chaque fois singulières.

56Après, il y avait ceux qui ne se voyaient pas danser avec un masque, c’était au-delà de leur force. Une de nos danseuses venait pourtant d’avoir une opération à cœur ouvert. Elle était encore très fragile. Elle a pris la parole en expliquant : « Écoutez-moi, si vous ne mettez pas le masque, je ne pourrai plus venir. C’est trop dangereux pour moi. Mais comment vous expliquer ? Ça m’a tellement manqué, le tango… Le fait de se rencontrer, de pratiquer ensemble, de se toucher, ça fait tellement partie de ma vie… » Ce témoignage en a bouleversé plus d’un, notamment parmi les adeptes d’une pratique sans masque. Tout le monde s’est donc rendu à l’évidence : si l’on ne voulait exclure personne, il allait falloir prendre certaines précautions, dont le port du masque. Mais surtout, nous allions inventer toutes les conditions pour maintenir la pratique et garantir l’hospitalité et l’accueil que l’on doit à chacun d’entre nous…

57Z. D. : Et on a tous envie d’être vivants. Est-ce qu’il y a des personnes qui ont été contaminées ? 

58C. H. : On a repris la pratique en septembre jusqu’au nouveau confinement et il n’y a eu pas de nouveaux cas de contamination à ce que je sache.

59Z. D. : Et toi tu l’as eu ?

60C. H. : Oui. Ma fille aussi. Beaucoup de personnes de mon entourage… Et les personnes qui l’ont eu aussi, dans l’association, habitent le quartier du 18e, où beaucoup ont été atteints lors de la première vague. 

61Z. D. : Pourquoi la Goutte d’Or a-t-elle été atteinte à ce point ? C’est un quartier défavorisé très mélangé, c’est un quartier pauvre, mais ça dépend, et il y a aussi beaucoup de consommation de drogue. Et des migrants qui débarquent…

62C. H. : Oui le premier confinement s’est imposé de manière très violente. Il y a eu la bataille entre les dealers et la police, parce que les dealers voulaient continuer à travailler, donc ça a été très dur pour suspendre ou modifier le trafic. Mais il y avait aussi tous les migrants qui n’avaient aucun endroit où aller et qui étaient systématiquement tabassés. Ma fille de neuf ans, comme nous tous, y avons assisté et elle me disait : « Mais maman, ils se font taper dessus, mais où veux-tu qu’ils aillent puisqu’ils n’ont pas de maison ! ? »

63Z. D. : Oui parce qu’on les chassait et on ne leur proposait pas d’aller quelque part. C’est terrible d’assumer cette position tellement cruelle, inhumaine.

64C. H. : La police était devenue très nerveuse. On a eu peur la première semaine. On sortait peu : je n’avais pas envie que ma fille voie des gens se faire maltraiter. Durant le confinement, on vivait aussi des réalités très différentes d’un bout à l’autre du 18e. Dans notre quartier de la Goutte d’Or, personne ne sortait, les gens étaient très scrupuleux, guidés peut-être par la peur, mais peut-être aussi par l’expérience de pandémies. Tout le monde portait le masque. De l’autre côté, en haut de la Butte Montmartre, les gens continuaient tranquillement leur jogging, toujours sans masque, se frottant les uns aux autres comme si le virus ne les atteignait pas. Ils n’étaient pas concernés. C’était poignant.

65Z. D. : Ça a été pris d’un côté très décontracté, joyeux en voyant les aspects positifs : on entend chanter les oiseaux, et puis on est tranquilles, il y a eu ça aussi. Ce côté-là était très présent : je suis à la campagne, je suis tranquille…

66C. H. : Les inégalités sociales sont apparues de manière encore plus violente. À l’école Pajol, de ma fille, la maîtresse a demandé aux enfants de la classe de prendre une photo de ce qu’ils voyaient de leur fenêtre du lieu de confinement et de l’accompagner d’un petit texte. Avec l’école à la maison et le distanciel, on a donc pu voir les réalisations de chacun. Les différences de conditions étaient gigantesques. Certains enfants admiraient, par exemple une chaîne de montagne pendant que d’autres voyaient un grillage de leur fenêtre. Ces inégalités existaient bien sûr avant le confinement, mais dans ce contexte, c’était encore plus insupportable. Disons qu’il y a eu confinement et confinement.

67Mais pour revenir à la pratique du tango, nous n’avions jamais fait vraiment d’assemblée générale et là, on a ressenti le besoin de penser ensemble ce qui nous arrivait et de créer les conditions pour que ce soit possible de se rencontrer. L’ag a permis de partager à la fois des enjeux intimes et collectifs, en résistant aux injonctions et aux évidences véhiculées par les médias. Cela nous a permis de recadrer et redéfinir la pratique du tango à l’intérieur d’un processus collectif, d’émancipation et d’augmentation de puissance collective par rapport à la situation. L’enjeu, c’était de savoir comment encore créer des espaces collectifs de rencontre, sans passer par internet.

68Z. D. : Parce que certains ont aussi proposé ça, non ?

69C. H. : Oui en Argentine, plein d’enseignants ont proposé des cours en distanciel et je n’ai rien à redire. Je comprends le désarroi des Argentins qui n’ont aucune aide, mais moi c’est la limite que je me suis fixée. Je veux bien danser avec des masques, un scaphandre, etc. Mais s’il n’y a plus de contact, je préfère changer de métier. En Argentine, ils n’ont pas encore déconfiné. Là-bas devait se tenir le Mondial de tango, et ils ont décidé de le faire en distanciel. Certains danseurs argentins se sont plaints que dans certains pays, les participants n’étaient plus confinés et pouvaient s’entraîner, quand eux ne pouvaient pas. Et être jugé sur des vidéos, ça paraît un peu curieux… Disons que la pandémie renvoyait là encore à des inégalités au niveau mondial.

70Z. D. : Mais les gens, comment ont-ils réagi aux consignes contradictoires venant de la radio et prises par les gouvernements, les scientifiques qui disaient une chose un jour et une autre le lendemain ?

71C. H. : Je pense que ça a renforcé le clivage. Ceux qui avaient peur sont devenus complètement phobiques et ceux qui étaient scandalisés de l’infantilisation du gouvernement se sont radicalisés.

72Z. D. : Ça renforçait la peur et le rejet de l’autre, la stigmatisation. Qu’as-tu encore envie de dire ?

73C. H. : Après mon exploration autour de la respiration, et pour penser maintenant ce qui nous arrive d’un point de vue somato-politique, je pense me tourner du côté des féministes. Avec l’expérience mondiale du covid, cette réflexion est d’autant plus cruciale. Les féministes actuelles vont loin pour penser la question de corps dissidents, face notamment au patriarcat colonial, et nous permettre de rester pleinement vivants. Je pense à Mujeres Creando, à Paul B. Preciado, ou à Maria Galindo que tu connais bien.

74S’il y a de la lutte, de la résistance, c’est que l’on ne veut pas renoncer aux pratiques, au lien social et à la solidarité. Même si ça demande plus d’efforts, ça vaut le coup de ne pas perdre le contact des uns avec les autres. À la Goutte d’Or, par exemple, j’ai assisté à un fort mouvement de solidarité : l’organisation de certaines associations du quartier pour livrer des repas à des gens démunis, le fait de se sentir soutenues quand nous étions malades : les gens du quartier étaient là, les parents d’élèves, les enfants… Une solidarité comme ça, je ne m’y attendais pas. Je pense que c’est peut-être propre aussi à ceux qui habitent ce quartier, ils ont déjà l’expérience de pratiques de solidarité. Ils ont compris que l’État providence a mis progressivement les voiles. Surtout que certains n’ont jamais eu la chance d’en voir un bout… Du coup, on sait que l’on doit compter sur nous-même et ça favorise l’auto-organisation. C’est une sorte de laboratoire du commun, comme à Mordida. Et cela libère en quelque sorte une capacité d’initiative, d’inventivité.

75Z. D. : Ce que tu me dis me fait penser aux pays où on n’attend rien de l’État. En Bolivie, face à l’accumulation des cadavres, les gens se sont même mis à créer des cercueils en carton pour pouvoir pleurer les morts (expérience de Mujeres Creando). C’est un moment où il faudrait se dire qu’on n’a pas besoin d’État. C’est un peu anarchiste ce que je dis, mais c’est quand même cette nécessité de subversion à laquelle il faudrait arriver maintenant, et de voir que c’est possible sans eux. On se réorganise chacun avec les autres, c’est le contraire d’être isolé et séparé. S’arrêter de parler et s’insérer un peu dans des choses concrètes. C’est pour ça que m’a intéressée cette histoire de tango que toi tu travailles corps-à-corps, et il y a des tas de métiers qui travaillent aussi comme ça.

76Et comme écrit Deleuze : la sensation est dans le corps, fut-ce le corps d’une pomme.


Date de mise en ligne : 08/03/2021

https://doi.org/10.3917/chime.097.0086

Notes

  • [1]
    C. Hess, « Déplacer le geste de la marche à partir du tango argentin  », Chimères, vol. 93, n° 1, 2018, p. 164-177.
  • [2]
    Danseur, Hubert Godard développe une recherche sur les techniques de danse et celles dites somatiques (Rolfing, F. M. Alexander, Pilates etc.), ainsi qu’en réhabilitation fonctionnelle, bio-mécanique et système nerveux de la conduite motrice. Il a dirigé des recherches pour l’Institut national de la recherche sur le cancer à Milan en Italie, dans le domaine de la réhabilitation post-opératoire. Il est intervenu dans de nombreuses structures pédagogiques et compagnies chorégraphiques en France et à l’étranger.
  • [3]
    Claudia Righini est praticienne en rolfing depuis 2004. Elle oriente son travail clinique en se spécialisant sur les troubles de l’image du corps en lien avec l’espace de la pesanteur. Son travail s’appuie en grande partie sur les recherches de Hubert Godard et Jean-David Nasio. Je pratique avec elle le rolfing depuis de nombreuses années. Depuis 2017, nous avons eu envie de témoigner ensemble de l’apport considérable d’Hubert Godard, et plus précisément de son travail clinique. Cf. C. Hess, C. Righini, « Marcher une heure avec Hubert Godard », Chimères, vol. 93, n° 1, 2018, p. 102-111.
  • [4]
    Un petit ouvrage clinique devrait sortir sur ce thème, en début d’année prochaine, aux Éditions Contredanse.

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