Notes
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[1]
Ce court texte développe, reprend et actualise des développements présentés dans Brown et Sakdina (2012) et Brown (2016).
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[2]
La loi de 1975 sur les relations professionnelles définit les objectifs de ces trois types d’organisations syndicales : un syndicat doit défendre les intérêts des travailleurs en protégeant leurs conditions de travail et en favorisant de meilleures relations avec l’employeur, ainsi qu’entre les travailleurs. Deux syndicats ou plus (représentant des employés travaillant dans un même domaine ou secteur) peuvent demander à former une fédération du travail dont l’objectif est de promouvoir une meilleure collaboration entre syndicats, ainsi que de défendre les intérêts des syndicats et des travailleurs. Un minimum de 15 syndicats ou fédérations peut former une centrale syndicale ayant pour principe de promouvoir l’éducation et d’améliorer l’ensemble des relations professionnelles.
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[3]
Ce contrat social consistait en un accord tacite, qui n’a jamais été officiellement exprimé dans aucune politique publique. Les élites thaïlandaises promettent implicitement des protections aux travailleurs en échange d’une acceptation par ces derniers de leur position de subordination. Ils doivent par ailleurs ne pas organiser de grèves paralysantes ou autres actions collectives et s’en tenir aux bénéfices attendus de la croissance conduite par les entrepreneurs.
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[4]
Un système de sécurité sociale a été formellement établi au début des années 1990. Depuis, il s’est progressivement étendu, et protège les travailleurs contre les aléas du marché, via notamment une assurance chômage. Une loi sur la protection de la main-d’œuvre (Labour Protection Act) est également entrée en vigueur en 1998.
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[5]
Pour une analyse plus détaillée des conséquences des conflits politiques sur les tentatives d’organisation syndicale, voir Brown (2016).
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[6]
À certains égards, le rassemblement, dans le cadre d’un mouvement syndical, de plusieurs acteurs sociaux thaïlandais, au début des années 1990, fait écho à des formes d’organisation syndicale similaires qui ont vu le jour, à la même époque, dans d’autres pays. Dans une certaine mesure (nous y reviendrons), cela montre l’influence d’organisations telles que la Fondation Friedrich Ebert (FES), ou d’autres organisations internationales et non gouvernementales affiliées aux mouvements syndicaux, sur les dynamiques d’organisation des travailleurs thaïlandais. Toutefois, l’adoption de cette stratégie correspond également à une tentative des travailleurs de ressusciter des formes d’organisation syndicale employées pendant les mobilisations de masse des années 1970, lorsque les étudiants s’étaient alliés aux ouvriers et aux agriculteurs pour s’opposer à l’autoritarisme militaire et demander de vraies réformes politiques et sociales.
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[7]
Des organisations d’un nouveau type ont éclos. Plutôt que de se limiter à des enjeux nationaux, certaines ont adopté une perspective plus large, et ont commencé à nouer des liens avec des groupes d’activistes au-delà des frontières thaïlandaises.
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[8]
Pour plus de détails sur le coup d’État et la nature du conflit politique qui s’est fait jour ces dernières années en Thaïlande, voir le numéro spécial du Journal of Contemporary Asia (2016).
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[9]
Voir par exemple Butsayarut Kanchanadit, « Ten Reasons Why the Minimum Wage Should be Adjusted Equally Nationally », Prachatai, November 3, 2016, in Thai, http://prachatai.org/journal/2016/11/68668.
1Au cours des 40 dernières années, la Thaïlande a peu à peu adhéré au néolibéralisme, ce qui a entraîné de nombreuses difficultés pour les travailleurs : faiblesse et stagnation des salaires réels, manque d’emplois décents et stables, normes de sécurité et de santé au travail insuffisantes, montée de la précarité, privatisations d’entreprises, inégalités persistantes, sans compter tous les problèmes auxquels sont confrontés les nombreux travailleurs immigrés [1]. Depuis fort longtemps, les travailleurs sont exclus des institutions politiques ainsi que du système de relations professionnelles à travers lesquels ils sont supposés défendre, formellement tout du moins, leurs intérêts. Cette marginalisation s’est encore accentuée avec le coup d’État de mai 2014. Le gouvernement dominé par les militaires, qui dirige le pays depuis presque trois ans, soutenu par l’ensemble des forces sociales dont il défend les intérêts, a entrepris de remodeler la société et la politique thaïlandaises, en prenant un virage autoritaire qui engendre de nouvelles difficultés pour la population.
2En se concentrant sur les entraves auxquelles se heurtent les organisations syndicales, cet article vise à mettre en évidence certains des principaux problèmes rencontrés par les travailleurs. Il sera tout d’abord question du contexte économique et des relations d’emploi dans le pays et, en particulier, de la marginalisation des organisations syndicales sur le plan politique et professionnel. Il s’agira ensuite de décrire les réactions des travailleurs à cette marginalisation. Enfin, nous nous intéresserons aux conséquences du coup d’État de 2014 sur le mouvement syndical et l’ensemble des travailleurs.
Une forte dépendance du syndicalisme au contexte politique, économique et social
3Depuis les années 1920, les mécanismes institutionnels de représentation syndicale et politique des travailleurs thaïlandais font l’objet de débats. Il a néanmoins fallu attendre le milieu des années 1970 pour que la Thaïlande entreprenne de formaliser la cadre d’intervention du mouvement syndical. Pour comprendre cette décision, il est nécessaire de la replacer dans un contexte plus large, étroitement lié aux intérêts géo-stratégiques des États-Unis en Asie du Sud-Est dans le cadre de la guerre froide. Le pays a alors connu une période d’expansion économique, sur fond de montée des conflits sociaux, d’affaiblissement du pouvoir militaire et d’émergence de nouvelles forces sociales déterminées à faire advenir un système politique structuré autour d’un Parlement et reposant sur des élections démocratiques (Brown, 2004). De fait, le mouvement syndical qui a commencé à s’affirmer à la fin des années 1960 et jusqu’au milieu des années 1970 reposait sur une classe ouvrière urbaine, elle-même produit d’une politique d’industrialisation par substitution aux importations adoptée par la Thaïlande vers 1960. Cette politique a contribué au développement d’une main-d’œuvre industrielle relativement homogène sur le plan ethnique : une part importante des travailleurs venait des régions rurales du Nord et du Nord-Est et avait trouvé des emplois à plein temps plus ou moins stables dans des entreprises publiques ou privées situées dans les principales banlieues industrielles de Bangkok. De nouvelles institutions destinées à réguler les conditions de travail dans ces entreprises ont été mises en place afin de répondre aux attentes de cette nouvelle catégorie de population.
Un système de relations professionnelles institutionnalisé dans les années 1970, puis affaibli à partir des années 1980
4La loi sur les relations professionnelles (Labour Relations Act, LRA) adoptée en 1975 a accordé la possibilité à tous les employés des entreprises publiques, ainsi qu’aux ouvriers des grandes manufactures privées concentrées à Bangkok et aux alentours, de se regrouper pour organiser la défense de leurs intérêts. Celle-ci, conformément à la loi, doit passer par des syndicats (sahaphapraenggnan), des fédérations du travail (sahaphanraenggnan) et des centrales syndicales (ongkanlucang) dans un système tripartite de relations professionnelles qui est censé placer les travailleurs, les employeurs et les pouvoirs publics sur un pied d’égalité dans la résolution des conflits du travail [2]. Cette structure institutionnelle visait explicitement à promouvoir un syndicalisme d’entreprise (bread-and-butter) se préoccupant essentiellement des questions salariales et de la qualité de vie au travail. Le développement d’un système électoral et politique pluraliste devait en contrepartie permettre de mieux répondre à l’ensemble des revendications politiques et sociales des ouvriers. Cet espace politique officiel dévolu aux organisations syndicales était par ailleurs complété par un contrat social [3] reposant sur trois éléments : un mécanisme de salaire minimum, un dispositif d’indemnisation limité en cas d’arrêt maladie ou d’accident, et la promesse d’une croissance stimulée par la dynamique entrepreneuriale dont bénéficieront, in fine, les travailleurs, grâce à l’effet de « ruissellement » (i.e. redistribution verticale des revenus).
5Depuis la fin des années 1970, ce cadre institutionnel de défense des intérêts des travailleurs et le contrat social qui en découle, ainsi que le système parlementaire, n’ont presque jamais été modifiés, si l’on exclut quelques élargissements et modifications notables [4]. Toutefois, le fait qu’on ait permis aux travailleurs de s’organiser et d’exprimer leurs revendications dans un espace politique formalisé ne s’est pas accompagné d’une plus grande prise en compte de leurs intérêts, que ce soit dans les négociations au niveau des établissements ou dans le système politique et électoral en général. Au contraire, en Thaïlande comme dans une grande partie des pays d’Asie du Sud-Est, on a pu observer, ces 30 dernières années, un affaiblissement et une fragmentation du mouvement syndical.
6Les problèmes auxquels les travailleurs thaïlandais se heurtent pour constituer et maintenir un syndicalisme efficace découlent en partie du contexte politique et de la nature du développement capitaliste. L’espace pour l’action syndicale s’est structuré avant que la Thaïlande, alors en pleine expansion économique, n’adopte un modèle néolibéral, lequel a transformé la structure productive de la société. Si l’agriculture est restée un secteur important, qui continue d’employer la majorité de la population active, l’industrie et les services dominent désormais l’économie du pays depuis le passage, au début des années 1980, d’une politique d’industrialisation par substitution aux importations à une stratégie d’industrialisation orientée vers l’exportation. L’intégration aux structures de la production et du commerce mondial et la nécessité de conserver une main-d’œuvre bon marché pour soutenir l’accumulation de capital n’ont pas été sans conséquences sur l’organisation collective des travailleurs. La relation salariale a acquis une importance considérable pour le maintien des moyens de subsistance dans les zones rurales et urbaines. L’industrialisation rapide a en outre abouti à la création d’une catégorie sociale ayant des aspirations et des expériences communes, qui s’est concentrée dans le bassin industriel de Bangkok et dans cinq des principales régions voisines. Par ailleurs, les difficultés liées aux conditions dans lesquelles le salariat est devenu primordial pour le maintien des moyens de subsistance, le caractère spécifique de l’industrialisation (en particulier la prédominance de l’industrie légère et des petites entreprises de production), et le recours à des politiques d’emploi flexible ont largement entravé l’action syndicale. Féminisation de la main-d’œuvre dans des secteurs clés tels que l’électronique et le textile, dépendance grandissante à l’égard de travailleurs migrants originaires surtout du Myanmar, du Laos et du Cambodge, épisodes de forte restructuration du capital à l’échelle de l’ensemble de l’économie thaïlandaise sous l’effet de la croissance rapide jusqu’au milieu des années 1990, crises d’accumulation survenues en 1997 et en 2008 : tous ces facteurs ont contribué à créer des conditions structurelles extrêmement difficiles pour les organisations syndicales.
Des obstacles économiques et politiques au mouvement syndical
7Ces changements majeurs n’en ont pas moins posé les fondations sociales et matérielles qui ont fait émerger de nouvelles formes, de nouveaux lieux et de nouvelles phases de mobilisation syndicale. Face à ces transformations structurelles, les travailleurs thaïlandais ont activement contesté leur subordination aux exigences et à l’évolution des relations salariales à l’ère du capitalisme, par le biais de grèves ponctuelles, de manifestations, sur les lieux de travail et sur la voie publique. Dans l’industrie, les employeurs ont réagi de différentes manières aux initiatives syndicales. Par exemple, les grandes entreprises et certains secteurs tels que l’automobile ont autorisé, voire encouragé, un syndicalisme d’entreprise, considéré comme un moyen d’assurer la paix sociale et de stimuler la productivité des salariés. En revanche, dans les usines de production textile à bas coût, les employeurs se sont systématiquement opposés à l’implantation de syndicats. Plus généralement, depuis le début des années 1990, les employeurs ont réagi aux crises périodiques d’accumulation et d’intensification de la concurrence en faisant du coût du travail la variable d’ajustement : réduction des effectifs, des salaires et des avantages sociaux, recours à des formes d’emploi flexibles, à de nouvelles technologies, à des méthodes managériales toujours plus sophistiquées et à des délocalisations, souvent près des zones frontalières ou sur des sites nouveaux où la main-d’œuvre immigrée est moins coûteuse et non organisée. Les travailleurs en lutte pour conserver leurs emplois ou leurs conditions de travail, ou pour obtenir des indemnités et le paiement de leurs salaires et avantages salariaux, se sont opposés à ces processus de restructuration. La majorité de ces conflits se sont néanmoins soldés par des destructions d’emplois, par le versement partiel d’indemnités, ainsi que par la dissolution de syndicats existants ou par la neutralisation préventive de tentatives d’organisation syndicale. Par exemple, les militants et leaders syndicaux ont été visés par des fermetures totales ou partielles d’usines, les employeurs redémarrant ensuite la production en embauchant des travailleurs souvent dans des conditions précaires ou en sous-traitance.
8Les dynamiques à l’œuvre au sein du système politique thaïlandais ont facilité les offensives des employeurs contre la formation de syndicats dans les usines [5]. Pour Michael Connors (2009), les élites et les forces sociales thaïlandaises, malgré des différences entre libéraux, interventionnistes et populistes, ont toutes contribué à défendre leurs intérêts en restreignant l’espace politique du syndicalisme indépendant. En témoigne la manière dont les gouvernements successifs ont refusé de réformer les lois archaïques sur le travail, les tribunaux du travail peu efficaces, ou encore les mécanismes d’arbitrage et de conciliation établis par la loi de 1975 sur les relations professionnelles et désormais obsolètes. Ils ont également refusé de ratifier les conventions n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective de l’Organisation internationale du travail (OIT). Selon les périodes et dans des perspectives différentes, cette absence de réformes institutionnelles d’envergure a permis à un ensemble disparate composé de militaires, de technocrates, de dirigeants d’entreprise et de personnalités corrompues, d’imposer ses intérêts et son emprise sur la structure formelle des relations professionnelles (Brown, 2004:89-112). L’incapacité des syndicats à s’opposer efficacement au pouvoir en recourant aux mécanismes formels prévus par le droit du travail fait écho à l’inertie du système politique. Dans un régime parlementaire soumis au pouvoir du capital et des grandes entreprises et où l’achat de voix est une pratique courante, les travailleurs ont été systématiquement laissés-pour-compte, une situation exacerbée par la Constitution et la loi électorale qui, dans les faits, sont utilisées pour exclure une grande partie des travailleurs (Connor, 2009:361 ; Robertson, 2001).
Un syndicalisme faible
9L’effet démobilisateur des changements structurels dus à une industrialisation capitaliste à marche forcée sur les groupes sociaux concernés et au sein des usines, ainsi que l’opposition persistante aussi bien politique qu’au niveau des entreprises à la formation de syndicats, sont autant d’obstacles considérables au développement d’un syndicalisme indépendant en Thaïlande. Quarante ans après les grandes luttes des années 1970 qui avaient, en partie, abouti à la création d’un espace politique favorable au syndicalisme, le mouvement syndical peine désormais à se maintenir. De fait, le taux de syndicalisation demeure très faible et n’a que peu varié au cours des 30 dernières années. On compte à peine plus de 600 000 membres syndiqués sur près de 48 millions de travailleurs, dont 8 millions d’ouvriers. Les syndicats des entreprises publiques comptent 180 000 membres, soit 29,7 % du nombre total d’adhérents à un syndicat ; ceux des entreprises privées, 427 000, soit 70,3 %. Sur un total de 1 488 syndicats répertoriés, 3,1 % sont implantés dans des entreprises publiques, et 96,8 % dans des établissements du secteur privé, dont 65 % à Bangkok et dans cinq provinces voisines. Nombre de syndicats du secteur privé déclarés n’existent que sur le papier et ne sont que le « produit » d’une concurrence interne afin de siéger dans une instance tripartite. À quelques exceptions près, la grande majorité des syndicats réellement actifs présentent les mêmes caractéristiques : ils sont de petite taille, établis dans une seule entreprise, manquent de financements, luttent pour représenter leurs membres dans des processus de négociation collective, et surtout pour les aider lorsqu’ils recourent aux syndicats et aux tribunaux du travail afin d’obtenir réparation en cas de préjudice. On compte également 21 fédérations syndicales et 15 centrales syndicales, marquées par des divisions internes importantes au plan idéologique et stratégique, et au sein desquelles les décisions sont le plus souvent prises sans consulter la base. Certaines d’entre elles vont même jusqu’à collaborer avec des entreprises, des représentants des pouvoirs publics et d’autres acteurs aux intérêts radicalement opposés à ceux des travailleurs. De fait, aucune fédération ou centrale syndicale ne peut se prévaloir d’un large soutien de la base, ni n’a les moyens de mobiliser un nombre significatif de travailleurs pour exercer des pressions collectives sur les entreprises ou sur le gouvernement. La dernière centrale syndicale qui aurait pu le faire, le Congrès des syndicats thaïlandais (Thai Trade Union Congress), qui dénombrait plus de 100 000 travailleurs affiliés, a été dissoute au milieu des années 1980. Comme nous allons l’aborder, l’affaiblissement et le morcellement du mouvement syndical coïncident, certes, avec une période d’expansion économique, mais aussi avec une profusion de revendications en suspens et de conflits sociaux qui, bien qu’épisodiques, sont à certains moments parvenus à s’inscrire dans la durée et ont été très médiatisés, dans un contexte de disparités économiques et sociales persistantes.
Des syndicats dépassés par des mouvements de contestation sociale
10Du fait des contraintes qui ont pesé sur le syndicalisme d’entreprise et de la marginalisation de la classe ouvrière au sein des partis et du système politique (Brown, 2007:820), la défense des droits des travailleurs s’est souvent exprimée, au cours des 20 dernières années, dans le cadre d’un mouvement de contestation sociale plus large, notamment le mouvement féministe. La critique féministe de la nature verticale, bureaucratique et patriarcale du syndicalisme contrôlé par l’État a incité le mouvement syndical à changer de stratégie au début des années 1990 [6]. Par leur mobilisation dans certaines entreprises et certains secteurs, les ouvrières ont joué un rôle essentiel dans le maintien d’un syndicalisme indépendant, à un moment où le syndicalisme officiel et son espace politique faisaient l’objet d’un contrôle par les forces du capital et de l’État. En s’appuyant sur l’idéologie et les ressources de groupes internationaux de solidarité entre travailleurs et en se structurant autour de revendications telles que les droits des travailleurs, la justice sociale et l’égalité des sexes, ces ouvrières ont fini par occuper une place centrale au sein d’un réseau complexe et dense d’acteurs alternatifs, tels que des organisations non gouvernementales (ONG) liées aux mouvements syndicaux, des groupes informels et de réseaux d’alliances axés sur l’aide à l’enfance, la santé ou la sécurité. Les femmes ont également occupé des postes de direction au sein du comité de solidarité des travailleurs thaïlandais, le Thai Labour Solidarity Committee (TLSC, khana kamakan samanchan raengngan thai), une organisation fondée en 2001 et qui cherche à regrouper divers réseaux, syndicaux ou non, dans le but de constituer un centre national qui pourrait faire le lien entre les différents intérêts de la classe ouvrière et la représenter dans les négociations avec un employeur spécifique, des fédérations d’employeurs, ou les pouvoirs publics.
Une stratégie porteuse de quelques améliorations, pas de changements majeurs
11Cette stratégie de réorganisation au sein des espaces politiques dévolus à la société civile a en partie résolu certains des problèmes soulevés par la marginalisation des syndicats. Elle s’est appuyée sur une nouvelle génération de militants qui ont contribué à renouveler la réflexion syndicale, et qui ont acquis des compétences en expérimentant des méthodes, stratégies et tactiques d’organizing inédites [7]. Il est significatif que certains de ces nouveaux modes d’organisation aient fonctionné à un niveau infranational, national et international, et qu’ils aient servi de points de ralliement autour desquels ont pu s’unifier des tentatives d’organisation et de mobilisation diverses. Cet élan a permis de faire converger différents épisodes d’activisme syndical pour constituer des groupes de solidarité entre travailleurs, des structures, ainsi que des réseaux d’action à l’échelle régionale et internationale.
12Ces modes d’action et ces réseaux qui sortaient des cadres traditionnels du syndicalisme ont permis de faire pression sur les entreprises et les pouvoirs publics thaïlandais, qui ne pouvaient plus ignorer les problèmes des travailleurs. Ils ont permis d’obtenir des améliorations dans plusieurs domaines : santé et sécurité au travail, réforme de la législation du travail et du système tripartite de relations professionnelles, mise en place et extension du régime de sécurité sociale, lois sur les travailleurs migrants et sur les contrats de sous-traitance, etc. C’est, plus largement, au moyen d’une combinaison de divers modes d’action adossés à des soutiens internationaux qu’il a été possible de faire entendre la voix et de défendre les intérêts des travailleurs pendant les conflits et les luttes qui ont émaillé les temps forts de l’histoire politique thaïlandaise ces 15 dernières années. Pour autant, ce mouvement social de grande ampleur n’a pas réussi à produire les changements majeurs qui auraient permis aux ouvriers de renégocier leurs conditions de travail ou de participer davantage aux choix politiques et aux processus décisionnels. En effet, du point de vue des travailleurs, les réponses apportées par l’État ont été trop lentes, au coup par coup, et parfois inadéquates.
Un brouillage des frontières entre syndicats et ONG générateur de tensions
13L’échec des organisations syndicales à empêcher leur marginalisation politique en utilisant un mouvement social plus large peut être analysé à différents niveaux. L’apport de fonds étrangers, par exemple, a produit des effets ambivalents : si le recours à une aide matérielle et à des réseaux régionaux et internationaux a permis certaines victoires en matière de santé et sécurité au travail, et ont permis de mettre en évidence certains problèmes spécifiques rencontrés par les femmes au travail, la solidarité internationale a également engendré des tensions et des conflits nouveaux au sein du mouvement syndical thaïlandais. Des campagnes orchestrées par des ONG locales se sont, par exemple, concentrées davantage sur les préoccupations des donateurs internationaux, comme l’introduction de clauses sociales ou l’adoption de codes de conduite, que sur des priorités nationales. Parfois, aussi, les ONG liées au mouvement syndical ont fait passer leurs besoins de financement étranger avant les efforts destinés à trouver des solutions rapides et efficaces à des conflits du travail ou à d’autres problèmes concrets. Dans le même temps, en raison de la bureaucratisation des processus, les fonds obtenus auraient souvent été alloués à la mise en œuvre des mêmes programmes de formation peu efficaces pour renforcer réellement les capacités des organisations locales. Il y aurait également eu des cas notables de corruption et d’utilisation frauduleuse de ces fonds étrangers, en particulier par des responsables des principales centrales syndicales.
14Plus généralement, l’importance croissante des ONG et d’autres modes d’action indépendants a entraîné des tensions et des débats sur la répartition des rôles et des responsabilités, en particulier entre les syndicats et les ONG. Ces controverses ont également porté sur les avantages et les limites d’une action collective commune ayant pour but d’intensifier la lutte sur le plan syndical et politique. En effet, le fait que des ONG aient participé à des mobilisations syndicales d’envergure et aient assumé un rôle traditionnellement dévolu aux organisations syndicales s’est parfois révélé néfaste pour les travailleurs engagés dans des conflits sociaux : en effet, poussés par les ONG à adopter certaines stratégies dans un contexte de conflit bien spécifique, certains travailleurs ont perdu leur emploi. Plusieurs militants ont fait valoir que les responsabilités respectives des ONG et des syndicats devaient être mieux définies, rappelant que la fonction de ces derniers est d’intervenir dans ces conflits afin de négocier et d’obtenir une issue favorable pour les travailleurs. Quant aux ONG, elles devraient, grâce à leurs relations internationales et à leurs capacités de recherche, principalement soutenir l’élaboration de stratégies de mobilisation et de négociation, ainsi que réaliser des études sur lesquelles pourront s’appuyer les syndicats lors des négociations collectives avec des entreprises.
Une stratégie ambiguë, qui entérine la faiblesse des syndicats
15À un autre niveau, il convient de mentionner les limites inhérentes à la stratégie qui consiste à mener les luttes syndicales via la société civile. Cette stratégie s’est en effet transformée en une tentative visant à obtenir des contreparties en matière de droit du travail, de lutte contre la précarisation du travail, de sécurité et santé au travail, d’accès à la sécurité sociale, etc. En œuvrant en dehors des dispositifs institutionnels, les organisations syndicales sont apparues aux yeux de certains comme un lobby qui organise des mouvements sociaux publics pour faire pression sur les dirigeants thaïlandais, qui multiplie les pétitions et les appels au patronat ou au gouvernement. Pour les travailleurs, ce recentrage sur une stratégie de mobilisation ponctuelle a pris le pas sur la prise de conscience que les problèmes syndicaux sont le produit de facteurs structurels sous-jacents, propres à un système politique et économique résultant du rapport de classes. Cette lutte syndicale menée via la société civile s’est très largement concentrée sur les modalités de partage de la valeur ajoutée, sous la forme de salaires plus élevés, d’une amélioration des conditions de santé et de sécurité au travail, du niveau des prestations sociales, etc. Or, beaucoup moins d’attention a été portée sur les conditions réelles de production de la valeur ajoutée, qui dépendent du rapport de classes dans l’entreprise même, et au rôle crucial joué par l’État pour définir et préserver ces conditions.
16Par ailleurs, comme l’ont montré Kengkij et Hewison (2009:454) concernant les mouvements sociaux thaïlandais en général, la présence de chefs de file parfois issus de la classe moyenne, la nécessité de nouer des alliances, la dépendance envers des réseaux peu structurés, ainsi que la tendance à se concentrer sur des questions ponctuelles ont conduit à « adopter des stratégies politiques et à entrer dans des coalitions pour l’essentiel antidémocratiques ». Par exemple, ces dix dernières années, des syndicats d’entreprises publiques et leurs organisations de tutelle, le State Enterprise Relations Group (SERG) ainsi que le TLSC, se sont illustrés par des attitudes ambivalentes vis-à-vis de l’ancien Premier ministre et magnat du secteur des communications Thaksin Shinawatra, et son parti, le Thai Rak Thai (Thai Love Thai). Le SERG et certains membres du TLSC, qui avaient dans un premier temps apporté leur soutien au gouvernement de Thaksin avant de le désavouer, ont été à l’origine de nouvelles tensions et de scissions au sein du mouvement syndical lorsque eux et d’autres organisations ont décidé de s’allier avec certains hommes politiques conservateurs qui s’opposaient à Thaksin.
17En dépit des efforts destinés à remédier, par le biais d’un mouvement social né au sein de la société civile, aux obstacles dus à la marginalisation des syndicats d’entreprise et à la domination du système politique par les élites, il n’y a eu aucun changement majeur sur les capacités des organisations syndicales à renégocier leurs conditions d’accès à l’exercice du pouvoir au travers de l’appareil d’État. Au contraire, ce changement de paradigme a entraîné un grand nombre de contradictions et de difficultés nouvelles. Ces tensions ont été amplifiées par les conflits politiques des dix dernières années, qui ont vu des conservateurs issus de l’armée, de la monarchie, du grand capital et des classes moyennes urbaines s’unir contre Thaksin Shinawatra, dont la tentative populiste de réformer la société et l’État thaïlandais a été largement soutenue par la population rurale et les travailleurs urbains, ainsi que par d’autres catégories situées au bas de l’échelle sociale (voir infra). Comme indiqué brièvement ci-dessus, les principaux syndicats des entreprises publiques, et d’autres organisations syndicales telles que le TLSC, ont activement pris parti contre Thaksin. Ces organisations se sont ainsi placées dans une position paradoxale en s’alliant avec des forces sociales qui se sont toujours montrées très hostiles aux objectifs politiques et sociaux des syndicats et à leurs actions au sein des entreprises. Elles se sont ainsi retrouvées en porte-à-faux avec une grande partie de la classe ouvrière thaïlandaise, qui a affiché son adhésion au populisme de Thaksin Shinawatra aussi bien dans les urnes qu’en s’engageant dans le mouvement extra-parlementaire des Chemises rouges (Hewison, 2010). Ces événements ont produit de nouvelles lignes de fracture internes au sein d’un mouvement syndical déjà affaibli, divisé et morcelé.
Les organisations syndicales après le coup d’État de mai 2014
18Le conflit politique s’est manifesté sous différentes formes et a comporté plusieurs phases [8]. Il a pris un tournant décisif le 22 mai 2014, avec le coup d’État contre le gouvernement élu et dirigé par Yingluck Shinawatra, la sœur de Thaksin. Prétendant vouloir mettre fin aux affrontements politiques qui ont secoué le pays pendant toute une décennie ainsi qu’à la corruption et à la « dictature parlementaire », le Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre (NCPO) a promis des réformes politiques, économiques et sociales pour « restaurer le bonheur du peuple thaïlandais ». Sur le plan politique, ce processus de « réforme », mené par un régime toujours plus autoritaire, a au contraire comprimé les garde-fous qui garantissaient les droits démocratiques. Le NCPO, dirigé par Prayuth Chan-o-Cha, ancien commandant en chef de l’armée royale thaïlandaise puis Premier ministre, s’est doté d’un nouvel arsenal législatif complétant des dispositions juridiques antérieures – en particulier la loi de lèse-majesté – pour étouffer toute opposition réelle ou supposée. Les médias ont été muselés et des centaines de personnalités politiques, d’opposants au coup d’État, d’universitaires ou autres ont été arrêtés, intimidés, emprisonnés sur décision d’une cour martiale, ou se sont vus convoqués pour un « réajustement d’attitude ». Cette répression s’est encore intensifiée à l’approche du référendum d’août 2016, sur un projet de révision de la Constitution. Privés d’un débat public et démocratique, les Thaïlandais ont approuvé sans grande surprise la nouvelle Constitution. Ce cadre législatif permet de fait au pouvoir militaire de disposer de tous les moyens pour modeler à sa guise le système politique national dans les années à venir : les sénateurs et le Premier ministre seront désignés, et non plus élus, tandis que d’autres dispositions prévoient que tout gouvernement élu sera contrôlé par un pouvoir judiciaire politisé, ainsi que par des organes dominés soit par des militaires, soit par des conservateurs désignés à ces postes.
19Dans un contexte où le gouvernement s’emploie à installer un régime politique de répression et de centralisation des pouvoirs, la seule mesure adoptée qui touche de près ou de loin aux problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs thaïlandais depuis de longues années concerne les 3 millions de travailleurs immigrés, pour lesquels s’appliquent désormais de nouvelles procédures d’enregistrement. Le 1er mai 2016, les organisations syndicales ont présenté au gouvernement plusieurs revendications, dont la ratification des conventions n° 87 et n° 98 de l’OIT (une demande récurrente depuis 30 ans, voir supra), le relèvement du salaire minimum journalier de 300 à 360 bahts (soit environ de 8,40 à 10 dollars), l’amélioration de la sécurité sociale par la création de nouvelles institutions qui soient indépendantes des pouvoirs publics, plus transparentes et tenues de justifier leurs décisions, une réforme des lois sur la protection du travail, l’arrêt des privatisations, ou encore la lutte contre les infractions flagrantes au droit du travail (en particulier le harcèlement et les licenciements de délégués syndicaux). La seule réponse adressée par le Premier ministre est qu’il suffit de travailler plus durant les cinq prochaines années pour obtenir une augmentation de salaire.
20Le manque de volonté affiché par le gouvernement face aux revendications syndicales, et a fortiori le refus d’élaborer des politiques appropriées pour y répondre, a été interprété par les employeurs comme un blanc-seing pour lancer une nouvelle offensive contre les syndicats et pour durcir les conditions de travail. Confrontées à une conjoncture mondiale morose depuis la crise financière de 2008, ainsi qu’à l’intensification de la concurrence par des pays à bas salaires tels que la Chine, le Vietnam et l’Indonésie sur plusieurs grands marchés d’exportation, les entreprises thaïlandaises, dans de nombreux secteurs (automobile, textile, électronique, joaillerie, conserves alimentaires), cherchent à restructurer leurs activités et à réduire le coût du travail via des licenciements, des modifications des conditions d’emploi (réduction des primes et restrictions sur les heures supplémentaires, notamment), le recours à l’emploi flexible (contrats à court terme, sous-traitance, etc.), qui s’accompagne d’une dégradation des conditions salariales et d’emploi des travailleurs. De nombreuses études montrent en effet que l’évolution du salaire minimum, adoptée en 2012, ne suit plus celle du coût de la vie, ce qui oblige beaucoup de travailleurs, pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille, à souscrire des emprunts auprès de prêteurs non officiels, lesquels appliquent des taux d’intérêt exorbitants [9].
21Dans ce contexte, les travailleurs thaïlandais ont cherché à faire valoir leurs droits. Même si les statistiques officielles et les médias n’en font pas mention, les luttes syndicales n’ont pas cessé (voir par exemple Voice of Labour, 2017). Dans la majorité des cas, elles sont de nature défensive, les ouvriers tentant de préserver les acquis face aux pratiques des employeurs et, tout particulièrement lors de licenciements, d’obliger les entreprises à verser les rémunérations et les indemnités restant dues. Dans la mesure où les syndicats d’entreprise ne disposent pas d’une capacité de mobilisation collective qui leur permettrait de défendre les intérêts des ouvriers en faisant pression sur le patronat, les travailleurs sont contraints de recourir aux mécanismes formels de résolution des conflits. D’autant que l’organisation d’un rassemblement, d’une occupation d’un site ou d’une grève pourrait tomber sous le coup d’une mesure prise par le pouvoir en place et qui interdit les réunions de plus de cinq personnes. Toutefois, il est devenu de plus en plus difficile, ces dernières années, de passer par les procédures formelles de résolution des conflits. En effet, l’armée et la police tendent à participer aux séances officielles de médiation entre employeurs et travailleurs. À l’évidence, leur présence a pour but d’intimider les ouvriers et de les pousser à accepter un règlement rapide, quoique souvent injuste et imparfait, d’un différend professionnel.
Conclusion
22En Thaïlande, les structures sociales propres à la nature du capitalisme, le rapport de classes qui en découle et les relations de pouvoir héritées du passé créent un terrain particulièrement hostile aux tentatives de construction et de maintien d’un syndicalisme d’entreprise indépendant et efficace. L’engagement syndical a donc dû revêtir d’autres formes que celles qu’il prend habituellement, et s’est exprimé au sein d’un mouvement social plus vaste. Mais ce mouvement n’est pas parvenu à transformer les systèmes formels de participation et de représentation, qui restent dominés par des élites, pour en faciliter l’accès aux travailleurs. Au contraire, les cinq dernières années ont vu les principaux dirigeants syndicaux faire alliance avec certaines élites conservatrices dans le but de défendre l’État contre la menace incarnée par Thaksin Shinawatra et ses soutiens, ce qui a entraîné de nouvelles tensions et dissensions, à l’heure actuelle encore très vivaces, au sein du mouvement syndical. Néanmoins, ces conflits ne doivent pas masquer l’effort dont font preuve les travailleurs et les militants qui continuent de lutter contre les injustices sociales et politiques, aussi bien dans les entreprises qu’à l’échelle de la société dans son ensemble.
23Le mouvement syndical, parvenu à un tournant important, va devoir élaborer de nouvelles stratégies et de nouvelles tactiques afin de s’affirmer et de représenter les intérêts de travailleurs qui subissent actuellement les effets de cette recomposition des structures sociales. Ceux qui sont employés dans le vaste secteur informel du pays, qui ne bénéficient le plus souvent d’aucune protection sociale, ainsi que les millions de travailleurs étrangers affectés aux tâches les plus pénibles et les plus dangereuses, représentent à l’évidence des catégories de la classe ouvrière pour lesquelles les syndicats doivent agir de toute urgence. En élaborant de nouvelles stratégies pour répondre à ces besoins, les syndicats et, plus largement, le réseau d’ONG de défense des travailleurs et autres syndicats alternatifs pourraient bien se rapprocher et ouvrir le débat sur l’organizing syndical, tel qu’on le pratique actuellement en Europe et en Amérique du Nord et du Sud (voir par exemple Serdar, 2005 ; Upchurch, Mathers, 2011).
24En Thaïlande, les syndicats devraient également s’intéresser à l’évolution du mouvement des Chemises rouges, et même solliciter leur aide. En dépit de ses contradictions et des divergences considérables entre ses partisans et ses dirigeants, qui reproduit la structure sociale thaïlandaise, ce mouvement porte des revendications populaires de justice et de dignité. Il réclame davantage de participation dans les décisions politiques et une répartition plus équitable des fruits du capitalisme… autant d’objectifs qui ont longtemps été ceux d’un mouvement syndical aujourd’hui contrôlé par l’État (Hewison, 2010 ; Ferrara, 2015:246-259).
Sources :
- Brown A. (2004), Labour, Politics and the State in Industrializing Thailand, London, Routledge.
- Brown A. (2007), « Labour and Modes of Participation », Democratization, vol. 14, n° 5, p. 816-833.
- Brown A., Sakdina Chatrakul Na Ayudhya (2012), « Labour Activism in Thailand », in Ford M. (ed.), Social Activism in Southeast Asia, London, Routledge, p. 104-118.
- Brown A. (2016), « Political Regimes and Employment Relations in Thailand », Journal of Industrial Relations, vol. 58, n° 2, p. 199-214.
- Connors M. (2009), « Liberalism, Authoritarianism and the Politics of Decisionism in Thailand », The Pacific Review, vol. 22, n° 3, p. 355-373.
- Ferrara F. (2015), The Political Development of Modern Thailand, Cambridge, Cambridge University Press.
- Hewison K. (2010), « Rebellion, Repression and the Red Shirts », East Asia Forum Quarterly, vol. 2, n° 2, p. 14-17.
- Kengkij Kitirianglarp, Hewison, K. (2009), « Social Movements and Political Opposition in Contemporary Thailand », The Pacific Review, vol. 22, n° 4, p. 451-477.
- Journal of Contemporary Asia (2016), Special Issue, « Military, Monarchy and Repression: Assessing Thailand’s Authoritarian Turn », vol. 46, n° 3.
- Robertson P. (2001), « Driving Forward with Determination: Thai Labour and the Constitution of 1997 », in Nelson M. (ed.), Thailand’s New Politics: KPI Yearbook 2001, Bangkok, King Prajadhipok Institute/White Lotus, p. 95-144.
- Serdar A. (2015), « Reconsidering Social Movement Unionism in Post-Crisis Argentina », Latin American Perspectives, vol. 42, n° 2, p. 74-89.
- Solidarity Center (2007) Justice for All: The Struggle for Worker Rights in Thailand, American Center for International Labor Solidarity (AFL-CIO), Washington.
- Upchurch M., Mathers A. (2011), « Neoliberal Globalization and Trade Unionism: Toward Radical Political Unionism? », Critical Sociology, vol. 38, n° 2, p. 265-280.
- Voice of Labour (2017), http://voicelabour.org/%E2%80%8Bย้อนรอยปี-2559-กับ-10-แพ็กเกจก/.
Notes
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[1]
Ce court texte développe, reprend et actualise des développements présentés dans Brown et Sakdina (2012) et Brown (2016).
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[2]
La loi de 1975 sur les relations professionnelles définit les objectifs de ces trois types d’organisations syndicales : un syndicat doit défendre les intérêts des travailleurs en protégeant leurs conditions de travail et en favorisant de meilleures relations avec l’employeur, ainsi qu’entre les travailleurs. Deux syndicats ou plus (représentant des employés travaillant dans un même domaine ou secteur) peuvent demander à former une fédération du travail dont l’objectif est de promouvoir une meilleure collaboration entre syndicats, ainsi que de défendre les intérêts des syndicats et des travailleurs. Un minimum de 15 syndicats ou fédérations peut former une centrale syndicale ayant pour principe de promouvoir l’éducation et d’améliorer l’ensemble des relations professionnelles.
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[3]
Ce contrat social consistait en un accord tacite, qui n’a jamais été officiellement exprimé dans aucune politique publique. Les élites thaïlandaises promettent implicitement des protections aux travailleurs en échange d’une acceptation par ces derniers de leur position de subordination. Ils doivent par ailleurs ne pas organiser de grèves paralysantes ou autres actions collectives et s’en tenir aux bénéfices attendus de la croissance conduite par les entrepreneurs.
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[4]
Un système de sécurité sociale a été formellement établi au début des années 1990. Depuis, il s’est progressivement étendu, et protège les travailleurs contre les aléas du marché, via notamment une assurance chômage. Une loi sur la protection de la main-d’œuvre (Labour Protection Act) est également entrée en vigueur en 1998.
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[5]
Pour une analyse plus détaillée des conséquences des conflits politiques sur les tentatives d’organisation syndicale, voir Brown (2016).
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[6]
À certains égards, le rassemblement, dans le cadre d’un mouvement syndical, de plusieurs acteurs sociaux thaïlandais, au début des années 1990, fait écho à des formes d’organisation syndicale similaires qui ont vu le jour, à la même époque, dans d’autres pays. Dans une certaine mesure (nous y reviendrons), cela montre l’influence d’organisations telles que la Fondation Friedrich Ebert (FES), ou d’autres organisations internationales et non gouvernementales affiliées aux mouvements syndicaux, sur les dynamiques d’organisation des travailleurs thaïlandais. Toutefois, l’adoption de cette stratégie correspond également à une tentative des travailleurs de ressusciter des formes d’organisation syndicale employées pendant les mobilisations de masse des années 1970, lorsque les étudiants s’étaient alliés aux ouvriers et aux agriculteurs pour s’opposer à l’autoritarisme militaire et demander de vraies réformes politiques et sociales.
-
[7]
Des organisations d’un nouveau type ont éclos. Plutôt que de se limiter à des enjeux nationaux, certaines ont adopté une perspective plus large, et ont commencé à nouer des liens avec des groupes d’activistes au-delà des frontières thaïlandaises.
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[8]
Pour plus de détails sur le coup d’État et la nature du conflit politique qui s’est fait jour ces dernières années en Thaïlande, voir le numéro spécial du Journal of Contemporary Asia (2016).
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[9]
Voir par exemple Butsayarut Kanchanadit, « Ten Reasons Why the Minimum Wage Should be Adjusted Equally Nationally », Prachatai, November 3, 2016, in Thai, http://prachatai.org/journal/2016/11/68668.