Che vuoi ? 2009/3 HS02

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Article de revue

La cinquième colonne

Pages 85 à 92

Notes

  • [*]
    In L’écrit du temps, n° 10, « Documents de la mémoire », Paris, Éd. de Minuit, 1985, p. 57-64.
  • [1]
    Tefilin, improprement appelé phylactères (amulettes), se porte à partir de l’âge de 13 ans au cours des prières du matin. La cérémonie de la « première pose du Tefilin » (appelée bar-mitsva en Europe) signe la majorité religieuse du garçon. Les Tefilins sont des boîtes renfermant deux extraits du Deutéronome VI (4-9) et XI (13-21). Ils se portent enroulés par des lanières de cuir autour du bras et de l’avant-bras gauche et sur le front.
  • [2]
    Les « Capitulations » sont des traités par lesquels la Sublime Porte reconnaît des droits particuliers aux ressortissants (sujets ou protégés) des puissances européennes. Les privilèges issus des Capitulations ont perduré en Égypte jusqu’en 1947.
  • [3]
    Cf. à ce propos le Jewish Chronide des 8-15 et 22 septembre 1978, qui fait un compte-rendu objectif de cette tragique et lamentable provocation.
  • [4]
    Il est à noter que - fait qui peut aujourd’hui nous paraître étrange — des lignées de lettrés et de rabbins égyptiens ont soutenu dès le haut Moyen Âge et jusque dans les années 1940, que l’arabe — langue de la civilité — était à l’instar de l’hébreu, une langue sacrée (contrairement aux « langues romaines », langue des trinitaires honnis).
  • [5]
    Référence à un texte de Chateaubriand cité par Pierre Vidal-Naquet dans la revue L’Invité, Cette interview, intitulée « Le témoignage à histoire », a été réalisée par Élisabeth Demerliac. Le texte de la phrase de Chateaubriand est celui-ci : « Lorsque dans le silence de l’abjection, l’on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du délateur, lorsque tout tremble devant le tyran, et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, alors l’historien paraît chargé de la vengeance des peuples. »
  • [6]
    Freud (S.), « La dénégation », Die Verneinung, G. W. XIV, p. 14.

1Vingt-deux ans, deux mois et quinze jours après un départ qu’un temps il crut définitif, il retournait vers son pays natal. Il y venait prendre acte de ce qu’il savait déjà : constater que cet espace s’était vidé de la communauté dont il faisait partie.

2L’espace de son enfance semblait n’être plus peuplé que de réminiscences, que d’ombres de vieillards épuisés, d’hommes ou de femmes persuadés qu’en s’accrochant à cette terre, tel le lierre à l’arbre, ils remplissaient une mission. Pour certains d’entre eux, le militantisme politique justifiait leur présence dans ce pays, pour d’autres une vision transhistorique du destin de leur groupe rendait impérative leur maintenance dans la Vallée du Nil.

3Dans le grenier de l’un des lieux de culte désertés de sa ville natale, il devait trouver dans un amoncellement de livres, de manuscrits, d’incunables, de contrats de mariage aux enluminures naïves, de phylactères et d’amulettes, glissée entre deux ouvrages de glose, une feuille de papier pliée, jaunie, rongée par endroits, mais intacte.

4Cette feuille était divisée en cinq colonnes. La première portait la mention « patronyme et prénom de l’enfant », la seconde « prénom du père », la troisième « patronyme et prénoms de la mère et du grand-père maternel », la quatrième « date de naissance de l’enfant », selon le calendrier hébraïque et le calendrier grégorien. Ces quatre colonnes étaient dûment remplies d’une fine écriture à la calligraphie précieuse propre à l’hébreu de la communauté égyptienne. La dernière colonne qui devait préciser la date de la « pose du tefilin [1] » était par contre vide de toute mention. Ce vide l’impressionnait. Cette plage blanche l’étonnait comme aurait pu le bouleverser un livre dont les dernières pages auraient été arrachées.

5Maintenons encore pour quelques instants le suspens.

6Imaginons quelle pourrait être notre réaction de lecteur inculte et naïf, si plongé dans l’Odyssée notre lecture s’interrompait au moment où Pénélope défait une fois de plus sa tapisserie, où Ulysse quitte Charybde pour on ne sait quelle destination. Nous pourrions poursuivre pour notre propre compte une histoire plausible que légitimerait notre seule subjectivité. Nous pourrions aussi rester frappés de stupidité devant cette interruption et faire de cet affect notre cause, notre raison de vivre. Nous pourrions laisser échapper de nos mains ce livre incomplet et passer à autre chose… ce qui d’ailleurs ne nous empêcherait pas d’évoquer périodiquement cet ouvrage qu’une main négligente ou sacrilège avait ainsi mutilé. Nous pourrions enfin nous demander si une quelconque censure ne serait pas à l’origine de cette interruption et… de broder sur l’acte du censeur plutôt que sur le récit premier. Toutes solutions plausibles qui ne rendraient que plus précieux cet ouvrage hors série, exceptionnel.

7Désormais la mémoire ne retiendra que cette interruption du texte. La mémoire se fondera sur cette fracture. Nous pourrions émettre l’hypothèse que seule celle-ci comptera désormais. Le texte précédent importera peu. Il serait comme un prélude à ce blanc autour duquel s’organise un lacis de capillaires mnésiques constituées de naïvetés, de fausses liaisons et de rapprochements achronologiques.

8Ces condensations métaphoriseront une mythologie où tout ce qui aurait pour signifiant rupture ou exil ne renverrait mélodramatique-ment qu’à lui-même. Sans aucun glissement métonymique possible.

9Que rupture comme terme ne renvoie qu’à lui-même, voilà qui pourrait illustrer un certain mode d’écriture de l’histoire : une écriture de réminiscence où serait privilégié tout événement porteur de cette signification.

10Ainsi Pénélope deviendrait celle qui représenterait toutes les femmes en suspens d’époux, qui ne le retrouveraient jamais et passeraient leur existence à faire et défaire la tapisserie de leur attente et de leurs illusions perdues. Un pas de plus, et toute femme aurait pour qualité de potentiellement occuper cette place. Et de l’incarner. Sous peine de trahir. De se déjuger. Matrice d’un mythe qui ne retiendrait que la (dés)articulation par laquelle se fonderait la mémoire étayée de l’interruption du récit, au point même d’une errance infinie, indéterminée : celle d’Ulysse, de tous les Ulysses présents, passés et à venir.

11L’interruption du texte donnerait ainsi à tout déraciné le patronyme d’Ulysse. D’un Ulysse projeté du récit homérique à la saga mémorielle.

12Cette réminiscence exclurait l’effacement propre au Wunderblock au profit d’un savoir prétendument immédiat situé dans l’ordre du religieux et du savoir consolateur : toute référence pouvant être immédiatement appréhendable dans une suite infinie de récits disloqués.

figure im1

13Nous en trouvons un exemple dans la « Vallée des Larmes » (‘Emeq Habakha) où l’auteur, Joseph Ha-Kohen, trace une généalogie continue partant de ce qui se produisit « après que toute gloire eût quitté Jérusalem » pour aboutir aux hordes cosaques menées par Bogdan Chmielnicki. Dès lors, toute écriture de l’histoire devient un lamento mystique où seule apparaîtra la menace d’extinction, comme sens et vectorisation du destin d’un peuple.

14À cet endroit, il nous semble nécessaire de revenir à notre manuscrit trouvé à Alexandrie. (Mais rien ne nous permet d’affirmer que cette feuille n’ait pas elle-même voyagé. Qu’elle ne fasse pas partie des archives d’une communauté rurale si l’on considère que le plus souvent à Alexandrie, la langue de l’état-civil communautaire était le français ou l’arabe, exceptionnellement l’hébreu, tout au moins écrit dans cette graphie archaïque.)

15On pourrait imaginer que celui qui aurait fait cette trouvaille — à condition qu’il sache la reconnaître et qu’il puisse encore lire son texte — soit tenté de la traiter comme un objet fétiche qui viendrait enrichir sa collection de fragments sauvés du désastre. Il pourrait aussi l’encadrer, la placer telle une icône sur un mur, l’encenser, l’entourer de fleurs, brûler à proximité une veilleuse qui jour et nuit témoignera de sa piété. Il pourrait encore dénier ce que ce document donne à lire, en en distinguant deux termes : la partie écrite et le blanc. Il pourrait ne plus prendre en compte que les noms portés sur ce document et faire de ceux-ci les héros d’une geste dont il s’instituera le fidèle gardien. Il pourrait ne prendre en compte que le blanc, le vide et l’entendre comme une destruction principielle, cause première de son existence et point focal de tout discours… Plus redoutable que n’importe quelle icône, cette suspension d’écrit aurait la vertu d’une surface sur laquelle l’image tenterait vainement de se réfléchir. Espace de tous les impossibles, où à la place de l’image se reflèterait l’absence comme cause ultime d’une mémoire lancinante. Il pourrait ainsi élever ce document au statut de cause de désir et avoir l’illusion de pouvoir ramener à lui tous les lambeaux d’archives pour reconstituer, recomposer l’infini de la perte, l’infini des retrouvailles. Aliéné à cet objet, il en fera sa propriété et s’identifiera à ce qu’il représente.

16Il pourrait enfin tenter de comprendre ce que cette colonne muette — la cinquième — signifie. Pour cela, il lui suffirait de se reporter à la date de naissance de ces enfants. Ils sont tous nés entre le 24 décembre 1943 et le 28 janvier 1944. Ils auraient dû « porter » pour la première fois le « Tefilin » entre les mois de décembre 1956 et de janvier 1957. Or, en octobre 1956, l’agression tripartite franco-anglo-israélienne lancée contre l’Égypte avait déclenché une vague d’arrestations et d’expulsions parmi les Français et les Anglais de ce pays dont 8 000 Juifs sujets français ou britanniques de par la grâce des « Capitulations [2] » accompagnés de leurs « compatriotes » de « confession chrétienne ». Cette expulsion de près de 10 % de la communauté juive égyptienne devait provoquer dans les mois qui suivirent ladite campagne de Suez, le départ spontané de près de 50 % des effectifs de cette communauté inquiète par l’évolution de la situation économique et politique du pays. D’autant que deux ans auparavant, Israël avait recruté parmi la jeunesse juive du Caire et d’Alexandrie une dizaine de saboteurs (opération connue sous le nom de « Susannah » [3]). Depuis, dans les allées du pouvoir nassérien, beaucoup considéraient les Juifs comme une Cinquième Colonne potentielle. D’où la méfiance mutuelle. D’où la suspicion. D’où le départ encouragé sinon suscité par de multiples vexations infimes mais quotidiennes. D’où la lente hémorragie jusqu’à sa totale extinction, de cette nation enracinée depuis l’époque préhellénique dans la Vallée du Nil.

17Mais nous nous devons de noter aussi que dans la décennie qui suivit, l’Égypte, pays peuplé de sédentaires, connut pour la première fois de son histoire un mouvement migratoire d’une ampleur inégalée : intellectuels se rendant en Occident ou dans les États du Golfe, paysans allant en Iraq relayer une population enrôlée dans la guerre contre l’Iran… Cette émigration, le plus souvent économique mais parfois politique, n’a fait que suivre de quelques années celle qu’avaient inaugurée les minoritaires.

18Que peut dès lors nous apprendre cet extrait d’archive ? D’abord que dans l’atmosphère de guerre que vivait l’Égypte, peu de Juifs, en tout cas ceux qui faisaient partie de cette congrégation, avaient le loisir de célébrer une quelconque festivité. Que vraisemblablement ils ont pris le parti de quitter ce pays. Que ces enfants nés en 1943 et en 1944 vivent désormais en Europe, aux Amériques, en Afrique australe, en Australie ou en Extrême-Orient sinon en Israël.

19Ce départ, fruit amer d’un tragique malentendu, ne peut pourtant être compris que replacé dans l’histoire mondiale.

20Pourtant…

21Pourtant ce document n’est pas sans déclencher des affects contradictoires. Mais d’abord de la tendresse suscitée par des noms et des prénoms familiers à l’oreille de celui qui en fit la trouvaille. Ensuite la confirmation que ce départ eut bien lieu. Dans la précipitation. Peutt-être dans l’angoisse. Dans tous les cas dans l’impossibilité tout au moins subjective de se soumettre à une quelconque cérémonie joyeuse, fût-elle rituelle.

22Il y eut un écrit. Il y eut des lettres tracées annonciatrices d’un événement. Puis il y eut une suspension de cet événement sous la pression d’un conflit dans lequel l’ensemble des habitants de ce pays et des membres de cette communauté furent entraînés.

23Dès lors, à quel moment commence le travail d’un historien ?

24À quelle nécessité répondrait un travail qui tendrait à écrire cette absence ?

25Nous pouvons émettre l’hypothèse que l’écriture de cette histoire tendrait à symboliser l’interruption du texte et à prendre en compte les irréversibles temporels qui constituent l’histoire.

26Travailler sur les deux parties de ce texte qui nous importe parce qu’il témoigne d’une fracture, revient à travailler sur celle-ci. Plus que les sermons, plus que l’élégie, cette liste de noms, la toponymie qu’elle révèle, la calligraphie usitée enfin, valent plus que toute autre vérification. Le « pourquoi ? » est un temps second qui ouvre grandes les hypothèses plus ou moins idéologiques qui rendraient compte de cette cassure.

27Si par ailleurs de tous les documents dont je dispose je choisis de considérer celui-ci comme exemplaire, c’est bien parce que dans un premier temps il m’a fait signe et qu’à ce titre je souhaite lui faire signifier l’implantation de cette communauté, sa résistance aux influences extérieures, son ébranlement et son extinction.

28Son implantation : à l’instar des Musulmans et des Coptes, le nom d’une femme, d’un homme est composé ici du prénom de l’intéressé (e), du prénom de son père et de son patronyme. Cette pratique tombée en désuétude par les milieux en voie d’européanisation (ou de lévantinisation) persistait chez les Juifs de condition modeste ou chez eux qui s’identifiaient par choix à leur environnement sociopolitique.

29La résistance aux influences extérieures : l’usage d’une écriture tombée en désuétude qui fut souvent remplacée dès la fin des années 1930 dans les métropoles de ce pays par la calligraphie hébraïque moderne. Mais encore, alors que partout ailleurs l’identité se décline ainsi : « un(e) tel(le) fils (fille) d’un tel », en Égypte elle s’énonce « un(e) tel(le) fils (fille) d’un tel et d’une telle ».

30Cette petite congrégation devait donc appartenir à un milieu tout à la fois arabe et traditionaliste.

31Par contre l’usage de la datation dite franque témoigne d’un glissement, d’un compromis assez habituel à l’Égypte où il n’était pas rare de voir des Juifs des quartiers populaires vêtus de la galabeya, la longue robe de coton en été, ou de laine en hiver, sur laquelle l’intéressé portait un veston mi-long, cependant que le turban blanc était remplacé par le couvre-chef ottoman, le tarbouch. Longtemps après que celui-ci fut déconseillé sinon interdit (à l’époque nassérienne) il n’était pas rare pourtant de rencontrer quelques minoritaires portant encore ce couvre-chef.

32Aussi, cette petite différence qu’implique le mode de datation signe que cette congrégation n’était pas sans s’identifier aux secousses qui agitaient la totalité de la nation.

33Nous pourrions faire la même réflexion concernant les prénoms portés sur cette liste où cohabitent des consonances hébraïques, arabes et européennes : on reconnaît un minoritaire au choix de son prénom, plus qu’à son patronyme généralement indigène ou allogène. On reconnaît l’ébranlement d’une minorité au parti pris de prénommer les enfants de telle manière qu’ils soient distingués de leur entourage. De même qu’un Copte se distingue par une croix ou une colombe tatouée en bleu sur sa tempe ou sur son poignet, on distingue un Juif par son nom, ou si celui-ci est commun aux trois confessions, par son prénom (hébraïque ou européen). Cela fut d’ailleurs tellement manifeste qu’au début du XXe siècle, le rabbin Haï Mass’oud Ben Chim’on, publia un ouvrage qui recensait les prénoms en usage chez les Juifs égyptiens et qu’il classait en hébraïques, arabes et… barbares (entendez européens) [4],

34Mais si dans ces lignes j’insiste sur cette implantation, c’est bien qu’il s’agit pour moi de me défendre. De protester de cette implantation aujourd’hui méconnue en toute bonne foi (et/ou déniée) par mes anciens compatriotes qui, quand ils la découvrent, semblent frappés d’étonnement.

35Il s’agit aussi de se défendre d’une quelconque accusation de trahison ou de désertion. L’historien peut paraître alors « chargé de la vengeance des peuples » [5]. Il est surtout chargé de dialectiser l’oubli et la mémoire afin d’extraire celle-ci d’un cramponnement mortifère.

36En d’autres termes, il s’agira de rendre vivable l’événement et d’extraire ce qui en furent les acteurs de la survivance et de la suspension de la pensée. Pour entendre cette suspension, rappelons ce que Sigmund Freud dit à ce propos : « Penser possède la capacité de rendre de nouveau présent, par reproduction dans la représentation, ce qui fut une fois perçu, tandis que l’objet n’a plus besoin d’exister au-dehors. » [6]

37La non-pensée se soutiendrait dans ces conditions de la nécessité de la présence d’un objet ou de la prétention à soutenir l’illusion de l’existence d’un temps où il y eut un objet non perdu, qui se traduirait par ce double prédicat : « il aurait pu y avoir de la non-séparation/ cette séparation est l’œuvre d’une élection et d’une injustice », sc nourrissant l’un et l’autre dans une circularité dérisoire. La non-pensée campe sur une ligne virtuelle où séparation/non-séparation ne cessent de se jouer comme un temps où ce qui généralement relève du fantasme, trouve argument dans la réalité de telle sorte que le réel comme impossible y fait irruption.

38Dans le cas qui nous concerne, « la vengeance des peuples » implique — et c’est l’hypothèse que je soutiendrais ici pour conclure — que ceux-ci puissent se remettre à penser. Qu’ils puissent cesser de chercher à donner un sens (eschatologique ou d’élection d’un peuple) à l’Histoire, pour s’attacher à un travail qui pourrait les extraire de la répétition et les autoriser à la transmission. Ce travail sur les récits, les archives, la mémoire orale, les élégies mêmes, en convoquant la vérité, procéderait d’un acte qui aurait pour fonction de symboliser ce qui de la persécution se révèle comme déchirure, comme interruption textuelle ou chronologique. Y compris, dans certains cas, en la replaçant dans le contexte géopolitique où cette persécution eut lieu. Non pour la minimiser mais pour la dialectiser.

39Sortir du face-à-face où les termes « Cinquième Colonne » sont répétitivement échangés dans une économie dérisoire, travailler sur l’ensemble d’une histoire, extraire celle-ci de la moiteur du familialisme, la rendre étrangère à ceux qui jusqu’ici la supportaient dans sa familiarité, l’inscrire dans l’universel, n’est-ce pas aussi l’enjeu de l’historien pour qui « la vengeance des peuples » ne s’articule pas forcément comme rétorsion passionnément et séculairement haineuse ?


Date de mise en ligne : 30/01/2013

https://doi.org/10.3917/chev.hs02.0085

Notes

  • [*]
    In L’écrit du temps, n° 10, « Documents de la mémoire », Paris, Éd. de Minuit, 1985, p. 57-64.
  • [1]
    Tefilin, improprement appelé phylactères (amulettes), se porte à partir de l’âge de 13 ans au cours des prières du matin. La cérémonie de la « première pose du Tefilin » (appelée bar-mitsva en Europe) signe la majorité religieuse du garçon. Les Tefilins sont des boîtes renfermant deux extraits du Deutéronome VI (4-9) et XI (13-21). Ils se portent enroulés par des lanières de cuir autour du bras et de l’avant-bras gauche et sur le front.
  • [2]
    Les « Capitulations » sont des traités par lesquels la Sublime Porte reconnaît des droits particuliers aux ressortissants (sujets ou protégés) des puissances européennes. Les privilèges issus des Capitulations ont perduré en Égypte jusqu’en 1947.
  • [3]
    Cf. à ce propos le Jewish Chronide des 8-15 et 22 septembre 1978, qui fait un compte-rendu objectif de cette tragique et lamentable provocation.
  • [4]
    Il est à noter que - fait qui peut aujourd’hui nous paraître étrange — des lignées de lettrés et de rabbins égyptiens ont soutenu dès le haut Moyen Âge et jusque dans les années 1940, que l’arabe — langue de la civilité — était à l’instar de l’hébreu, une langue sacrée (contrairement aux « langues romaines », langue des trinitaires honnis).
  • [5]
    Référence à un texte de Chateaubriand cité par Pierre Vidal-Naquet dans la revue L’Invité, Cette interview, intitulée « Le témoignage à histoire », a été réalisée par Élisabeth Demerliac. Le texte de la phrase de Chateaubriand est celui-ci : « Lorsque dans le silence de l’abjection, l’on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du délateur, lorsque tout tremble devant le tyran, et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, alors l’historien paraît chargé de la vengeance des peuples. »
  • [6]
    Freud (S.), « La dénégation », Die Verneinung, G. W. XIV, p. 14.

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