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Article de revue

Réguler un groupe : un enjeu majeur

Pages 117 à 128

Notes

  • [1]
    Louis Cozolino, La neuroscience de la psychothérapie, Éditions du CIG, Montréal 2012.

1La régulation des groupes est souvent considérée au mieux comme un luxe, au pire comme du temps perdu. Et pourtant elle constitue un ingrédient indispensable de la santé d’un groupe et de ses membres comme de sa capacité à réaliser ses objectifs de façon constructive pour lui-même et pour l’environnement.

2A contrario, chacun d’entre nous a pu observer à quel point un groupe dysrégulé peut adopter des conduites destructrices pour ses propres membres, ses clients/usagers, ses partenaires, et cela, quelles que soient la noblesse, l’utilité, l’importance de ses buts. Les pathologies groupales ont, en effet, les mêmes caractéristiques que l’ensemble des fonctionnements groupaux : elles sont amplifiées dans leurs manifestations et dans leur impact par rapport aux même phénomènes individuels.

3Dans cet article, nous nous attacherons successivement à décrire les facteurs intrinsèques de déstabilisation des groupes, la nécessité d’un espace groupal de sécurité pour pouvoir s’impliquer et construire, la place de la régulation dans la dynamique du groupe et ses modalités de mise en œuvre.

Le groupe : un ensemble socio-affectif instable

4Un groupe humain est un « construit social ». Il est une incarnation de la nature sociale de l’humanité. Quelle que soit sa taille, il n’est pas une entité naturelle. Il résulte toujours de décisions et de constructions. En conséquence, son mode de fonctionnement, les règles et les rituels qui le structurent sont produits par ses membres et peuvent être modifiés. Toutefois, la structure d’un groupe tend à être prégnante et fortement fixée, rendant les évolutions difficiles. Même lorsque ses membres changent, la structuration du groupe, ses modes de relations et de fonctionnement peuvent se perpétuer. C’est surprenant pour le groupe comme pour des observateurs extérieurs qui pourraient croire qu’un changement de membres entraînerait, ipso facto, une modification sensible des agissements groupaux.

5Dès lors qu’il dure, un groupe n’est pas un rassemblement de hasard. C’est un ensemble dynamique qui existe en fonction des buts, explicites ou implicites, qu’il s’est donnés ainsi qu’en fonction d’un cadre qui le structure. Une part, plus ou moins importante, des buts d’un groupe est inconsciente ou non dite, il en va de même du cadre qui peut contenir une part significative de normes informelles définissant ce qui est conforme, acceptable, inadéquat, interdit, etc. Les normes qui s’élaborent ainsi, sans conscience claire, ni recul critique, ne sont pas fondées, la plupart du temps, sur des critères de vérité, de justesse, de pertinence par rapport à un fonctionnement « écologique » du groupe. Elles sont plutôt la résultante d’infiltrations d’introjects à caractère toxique. Lorsque ces normes sont fixées, il est difficile de faire accepter par le groupe des conduites individuelles divergentes. La différence devient alors transgression et entraîne des représailles. Cette part cachée des buts et du cadre exerce une influence souterraine significative sur la dynamique du groupe et ne se laisse pas interroger facilement.

6Le fonctionnement d’un groupe est, par ailleurs, constamment coloré par les expériences premières des groupes familiaux d’origine (ou des institutions : orphelinats, écoles maternelles et primaires notamment). La prégnance des premiers liens, des climats affectifs, des normes, des rôles et des comportements vécus au début de la vie est telle qu’elle se superpose à la réalité des groupes d’aujourd’hui. Beaucoup de réactions dysfonctionnelles dans les groupes sont liées à ces expériences originelles. La personne ne répond pas à la situation telle qu’elle est mais à des stimuli qui la renvoient à des vécus antérieurs. Ces stimuli, même faibles, lorsqu’ils résonnent avec des expériences précoces difficiles vont produire des effets sans rapport avec la situation présente, son degré de danger, de toxicité ou d’insupportabilité. De l’extérieur, on peut croire la personne correctement équipée pour faire face à une situation relativement banale, mais on observe des réponses inadaptées et décalées de cette personne, par ailleurs bien ajustée quand elle n’est pas dans ses zones de vulnérabilité.

7Autre point, le comportement d’un membre d’un groupe est indissociable de celui des autres membres de ce groupe ; son comportement sera dès lors compréhensible en référence à lui-même mais aussi en référence au groupe. La complexité des interactions dans un groupe ne permettant pas de dire que les mêmes causes auront les mêmes effets, tel comportement induira des réactions différentes selon le moment et selon son auteur. Les réactions d’un groupe ont, en effet, une faible prévisibilité compte tenu de la complexité des échanges (verbaux, non verbaux, émotionnels, énergétiques) entre ses membres.

8Un groupe est donc un ensemble socio-affectif instable. Son instabilité augmente avec sa taille et avec le manque de cadre et de repères. L’instabilité d’un groupe est liée aux phénomènes dits « de groupe », on mentionnera notamment la contamination émotionnelle interpersonnelle, la réactivation d’enjeux intrapsychiques précoces, la projection des modèles relationnels de la petite enfance et, plus globalement, la réactivation, par la multiplicité des interactions, de ce qui est en « fond » pour chacun (histoire personnelle, corporelle, familiale, culturelle). Ces phénomènes sont largement inconscients et souvent clivés, ce qui rend leur prise en compte difficile.

9Un groupe agit, de plus, comme un amplificateur émotionnel pour les émotions positives et pour les émotions négatives, ce qui se vérifie lors d’expériences collectives d’extase et de visions, de paniques, de folie, etc. On peut faire l’hypothèse d’une interconnexion des cerveaux droits qui crée de la confluence émotionnelle mais aussi, peut-être, offre une capacité cérébrale augmentée, propice à des expériences dites « paranormales ». La régulation et la dysrégulation des émotions sont amplifiées dans un groupe. Celui-ci, selon les cas, favorise une régulation interactive des émotions ou, au contraire, une intensification des charges affectives négatives.

10Au final, un groupe constitue une structure à forte potentialité créative ou destructive. Il accroît le potentiel créatif ou destructeur de ses membres : ses capacités vont au-delà de l’addition de celles de ses membres. Le basculement du pôle créatif au pôle destructeur (l’inverse est très rare) peut être extrêmement rapide et ne pas comporter beaucoup de signes avant-coureurs.

La sécurité des personnes et du groupe

11La sécurité des personnes dans un groupe peut notamment être définie comme la garantie de l’intégrité de chacun : protection contre la violence physique et psychique, droit à l’expression et à la différence sans représailles, défense contre le chantage affectif, les manipulations, le mépris, la moquerie, la constitution en bouc émissaire.

12La sécurité du groupe est liée à la qualité de sa structuration qui doit tenir, simultanément, sans privilégier une des polarités, des impératifs contradictoires : cadre défini, respecté, tenu et, en même temps, suffisamment ouvert et évolutif, stabilité et prévisibilité des modes de fonctionnement et, parallèlement, ouverture à des changements concertés et mûris, permanence dans l’appartenance (un noyau stable de membres dans la durée) et, aussi, renouvellement suffisamment continu, espaces de réflexion et d’élaboration et, tout autant, capacité à décider et agir. On pourrait sans doute ajouter des axes polaires supplémentaires à cette liste, mais elle souligne combien l’équilibre et la sécurité du groupe sont liés à des exigences complexes du fait de leur caractère opposé.

13Un groupe insécure tend à recréer pour ses membres des situations traumatiques sources de régression, de stress et de perturbations comportementales. Ce faisant, le groupe se déséquilibrera davantage en se rigidifiant sur des positions plus extrêmes, en cessant de maintenir en tension active et conscientisée les polarités contradictoires qui le conserveraient vivant et sain.

14Contrairement à certaines opinions affichées, un niveau de stress élevé n’accroît pas la performance d’un groupe. La capacité des personnes à contribuer, à s’engager, à se confronter dépend de la perception qu’elles ont de leur sécurité. La sécurité du groupe facilite les apprentissages et l’expression des personnes. Les neurosciences affectives, Louis Cozolino [1] notamment, nous apprennent qu’un niveau de stress léger à modéré favorise les fonctionnements psychoaffectifs et intellectuels. Cela ne veut pas dire, qu’à l’inverse, il faille sombrer dans une confluence complaisante. L’enjeu c’est de réguler les interactions et de favoriser la différenciation, la confrontation et la coopération.

15Créer des conditions de sécurité optimales dans un groupe requiert, notamment, toute une série de dispositions : élaborer des règles (en nombre limité) avec le groupe et les appliquer, faire de l’explicite et clarifier les implicites, favoriser l’assertivité (s’affirmer sans rapport de force, ni chantage ni manipulation), travailler sur la juxtaposition des points de vue et la reformulation (par opposition à vouloir convaincre ou avoir raison), prendre en compte l’environnement socio-institutionnel, notamment s’il est porteur d’insécurité potentielle pour les participants au groupe, arrêter immédiatement toute expression de violence et, enfin, réguler les interactions et traiter les « irritants » (toute source, petite ou grande, d’agacement, de tension, de déception, d’incompréhension, de méfiance, etc.).

16Une animation assurée par un ou des animateurs ayant des compétences spécifiques constitue, en outre, un élément central de la sécurité du groupe. Cette affirmation ne préjuge pas du degré d’autonomie des membres d’un groupe. L’animation peut être partagée, répartie, tournante, mais elle doit exister. Diverses expériences en psychologie sociale montrent que seuls des groupes de petite taille, à forte compétence et maturité, liés par des intérêts communs puissants peuvent s’autogérer et s’autoréguler de façon souple, sans désigner d’animateur explicite. Dans la plupart des situations, le refus de remettre une responsabilité définie et contractuelle d’animation à un des participants, compétent pour l’assurer, procède d’une vision peu réaliste des capacités du groupe et entraîne des dysfonctionnements préjudiciables.

17Quelles sont les compétences requises d’un animateur capable de construire un groupe sécure ? Listons-en quelques caractéristiques significatives.

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  • L’animateur est tranquille, fiable, prévisible, solide, vraiment présent, affectivement stable. Pour favoriser un lien sécurisé, il se montre accessible, disponible, sensible aux signaux des participants et fournit des réponses adaptées ; de plus il est attentif, capable de partager des affects et de respecter les rythmes des personnes. Il sait tenir solidement mais aussi aménager le cadre pour tenir compte des situations concrètes.
  • L’animateur est capable de nommer ses limites, d’en tenir compte et de reconnaître ses erreurs tout en conservant une estime correcte de lui-même et sans renoncer à exercer ses prérogatives. Le groupe perçoit facilement le décalage entre le discours de l’animateur et la réalité de son comportement. Si l’animateur manque de congruence, cela crée de la déception, de la méfiance et de l’agressivité.
  • L’animateur fait avec le groupe de l’explicite, c’est-à-dire fait nommer ou nomme ce qui se passe, ce qui s’agit, ce qui s’exprime de façon indirecte, ce qui produit de la tension, etc. L’implicite, le non-dit, le flou font le lit des reproductions et des conduites névrotiques. L’implicite est souvent à la base des fonctionnements familiaux puis socioprofessionnels ou socio-institutionnels problématiques. Il est alimenté par la peur d’être désavoué dans ses perceptions et ses ressentis, la peur des représailles, la peur de voir retourné contre soi ce que l’on a dit. La capacité de l’animateur à expliciter ou faire expliciter les comportements, les attitudes, le non-verbal, les choix et les décisions de fait, etc. est essentielle pour déjouer les jeux pervers et manipulatoires, créer de la confiance et de la sécurité.
  • L’animateur ne laisse pas s’agir la violence, la nomme, la stoppe. La violence, verbale ou physique, doit être arrêtée sans délai. L’animateur s’interpose, verbalement ou physiquement. Il peut se placer, dans l’espace, entre agresseur et agressé, interrompant l’échange violent. Pour autant, il ne censure pas l’agressivité, la confrontation mais il leur donne un espace d’expression « civilisé ».
  • L’animateur prend en compte les risques liés au contexte institutionnel. Les institutions peuvent être maltraitantes, menaçantes, dangereuses pour leurs membres. L’animateur doit en tenir compte et réfléchir avec le groupe à la protection de ses membres (prévenir les intrusions, la censure, les représailles liées à la mise en œuvre de choses apprises dans le groupe, etc.).
  • L’animateur prend soin de sa propre intégrité et ne se laisse pas maltraiter, exploiter, attaquer. S’il apparaît incapable de se protéger lui-même, les participants ne peuvent pas se sentir en sécurité. Il ne faut pas accepter d’être malmené par quelqu’un, interrompre tout processus de violence immédiatement, refuser de continuer une conversation s’il n’y a pas respect de l’interlocuteur, savoir se retirer d’une animation devenue impossible. L’animateur peut avoir peur dans une situation de violence, il est utile, alors, qu’il nomme sa peur. Cette peur est probablement ressentie dans le groupe et la nommer permet de la faire diminuer et de la réguler. Il est contre culturel de nommer la peur, mais le faire redonne de l’énergie et de l’espace psychique.

Réguler un groupe : intérêt et méthode

19Pourquoi réguler ? Comme nous l’avons dit plus haut, un groupe est un organisme instable qui accumule des expériences parasites (mille et une petites gestalts inachevées qui restent en suspens et immobilisent une part significative de l’énergie et de la disponibilité du groupe). Les effets de ces interactions désaccordées vont se traduire sous différentes formes : évitements, conflits, climat tendu, manipulations et, surtout, beaucoup de rétroflexion, déflexion et projection. Les terrains minés se multipliant, chacun se protège en réduisant son implication, en esquivant la confrontation, en projetant ses peurs et ses frustrations dans le groupe.

20C’est pourquoi un groupe a besoin de temps structurés de régulation, gérés par un animateur compétent (voir plus haut), où sont interrogés les non-dits, les insatisfactions, les « irritants », même apparemment mineurs. Ces irritants, (dérangements, désagréments, agacements, froissements de susceptibilité, dysfonctionnements) ne sont jamais anodins. Leur minimisation, leur invalidation, au nom du « ce n’est pas important, je ne vais pas embêter le groupe avec ça » prive le groupe d’informations précieuses sur ses dysfonctionnements et ses déséquilibres. Les irritants sont des indicateurs précieux pour la gestion de la dynamique et des interactions groupales.

21L’absence de régulation produisant un niveau élevé d’implicite, les fantasmes, les résonances internes prennent le dessus sur la réalité du moment. Les problématiques des uns entrent en interférence avec celles des autres, il y a amplification des déséquilibres individuels et accélération des processus pathologiques individuels et collectifs. L’implicite fournit un excellent terreau pour des reproductions toxiques et des dysfonctionnements importants.

22Aussi anodins soient-ils en apparence, les irritants évoqués en régulation sont susceptibles d’activer de la violence. Les enjeux de surface sont mineurs mais les enjeux de fond peuvent être intenses. L’accumulation silencieuse de tensions crée un fond potentiellement explosif et, quand on y touche, ça peut sauter. La frustration, la peur et la souffrance, auront tendance à susciter des réactions violentes, injustifiées du point de vue du réel d’aujourd’hui mais compréhensibles en référence à l’histoire des personnes. Le caractère souvent inattendu et disproportionné de ces explosions peut avoir un effet sidérant pour le groupe et pour l’animateur (surtout quand ce dernier est pris à parti). Une des façons de mieux contenir ces épisodes est d’expliquer au groupe, à l’avance, le phénomène, de telle sorte que, lorsqu’il surviendra, on saura mieux de quoi il retourne et comment agir.

23En effet, quand la violence surgit, l’animateur et ceux des membres capables de le faire calmement doivent s’interposer, y compris physiquement, pour la contenir et l’interrompre. C’est la condition de la sécurité du groupe. Les personnes agressées ont besoin d’être explicitement protégées pour qu’elles, et le reste du groupe, puissent avoir confiance. Ce possible surgissement de la violence et le caractère toujours stressant des temps de régulation explique, sans doute, pourquoi la régulation est si peu mise en œuvre.

24A propos de quoi est il opportun de réguler ? On s’intéressera à tous les sujets suscitant du dérangement ou de l’irritation, quelle qu’en soit la thématique. On sera particulièrement attentif à ce qui concerne les interactions entre participants, les interactions participants/animateur, le cadre et les règles, et l’intendance, source inépuisable d’irritants (la durée des pauses, les horaires, la disposition des sièges, l’argent, etc.).

25La mise à plat d’une situation à réguler, notamment lorsqu’elle suscite des réactions intenses, repose sur un protocole précis.

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  1. L’animateur fait décrire à celui qui l’apporte, de façon détaillée, la situation irritante replacée dans son contexte, en insistant sur les faits, les éléments objectifs. Il arrête toutes les interprétations. Contextualiser la situation et exclure provisoirement les interprétations est essentiel. Il accueille aussi les ressentis de la personne (colère, peur, honte, chagrin, etc.).
  2. Il fait compléter les faits par les autres, un par un, en interdisant toute discussion et en excluant les interprétations. Cette étape permet d’enrichir la base de faits relatifs à la situation et au contexte et donc de consolider une représentation partagée de la situation. Il entend également les ressentis en prenant soin qu’ils ne soient pas confondus avec des interprétations.
  3. Il invite celui qui a évoqué cette situation à faire des liens avec d’autres situations irritantes du même genre et, le cas échéant, avec des situations d’enfance.
  4. Il demande à chaque participant, à tour de rôle, d’exprimer son point de vue, ses interprétations, sans discussion avec les autres. C’est la juxtaposition des interprétations qui ouvre des possibles et non la discussion en force pour imposer une interprétation. A ce stade, les membres du groupe peuvent interpeller celui qui donne son interprétation pour mieux en comprendre la vérité expérientielle : « Sur quoi fondes-tu ce point de vue, je ne comprends pas comment tu arrives à cette conclusion, etc. ». L’animateur doit veiller très attentivement à ce que de telles interventions ne soient pas des façons déguisées de défendre ou de promouvoir des interprétations alternatives.
  5. L’animateur donne son propre point de vue sur la situation en faisant attention de ne pas le présenter comme la version dominante.
  6. Il demande à celui qui a évoqué la situation où il en est, lui fait reformuler ce qu’il a entendu des faits et des principales interprétations, lui demande ses ressentis puis s’il a des propositions à faire pour ajuster la situation.
  7. Il complète la recherche d’ajustements en discussion avec le groupe, en évitant, une fois encore, de glisser dans des querelles d’interprétations, arbitre éventuellement les désaccords, suscite la formulation d’une règle, d’une solution, etc.
  8. Si un équilibre ne peut pas être trouvé, il met le problème en délibéré.
  9. Il arrête toute agression ou violence éventuelle.

27Il faut éviter de terminer un groupe sur une régulation éventuellement difficile qui ne pourra pas s’élaborer. C’est pourquoi on placera les temps de régulation en début ou en milieu de journée ou de séminaire. Selon la nature de la dynamique et des activités du groupe, on peut donner plus ou moins de place à la régulation mais, dans tous les cas, elle fait partie intégrante de l’écologie du groupe. Il n’existe aucun bon motif pour ne pas la mettre en œuvre et surtout pas le fait « qu’on ne serait pas là pour ça ». La régulation ne peut pas être mise en place en situation de crise. Il faudra d’abord traiter la crise, le conflit, avec des outils spécifiques puis, ensuite, instaurer un dispositif continu et structuré de régulation.

Pour conclure provisoirement

28Une longue expérience de régulation de groupes, thérapie, formation, associations, entreprises, m’amène à dire qu’à ne pas réguler on se met et on met le groupe en danger. Augmentation des conflits, perte de confiance, retrait d’investissement et d’implication, ajustements conservateurs, stérilisation des initiatives et de la créativité en sont les symptômes les plus fréquents.

29Ne nous y trompons pas, la régulation est exigeante pour les participants et pour l’animateur. Elle dévoile les jeux, enjeux, vulnérabilités des uns et des autres, amène à nommer ce qui se passe à bas bruit, oblige à prendre en compte les subjectivités et les sujets qui les expriment, elle met à jour des implicites et des non-pensés dérangeants. C’est pourquoi on peut observer des complicités tacites entre membres d’un groupe et animateur pour ne pas ouvrir cet espace.

30Quand on s’y risque et qu’on la construit comme un dispositif rigoureux, la régulation produit des effets de libération d’énergie, de créativité et d’initiative, de la fluidité relationnelle, de la différenciation saine, une reconnaissance empathique des singularités. Elle favorise l’approfondissement des liens et la solidarité. Elle augmente la maturité des personnes et du groupe.

tableau im1

Date de mise en ligne : 07/01/2014

https://doi.org/10.3917/cges.ns01.0117

Notes

  • [1]
    Louis Cozolino, La neuroscience de la psychothérapie, Éditions du CIG, Montréal 2012.

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