Couverture de CGES_026

Article de revue

Inflation Internet

Ajustements d'une Gestalt-thérapeute

Pages 121 à 142

Notes

  • [1]
    Edith Blanquet « Subjectivation et théorie du self » in Cahiers de Gestalt-thérapie N° 24, Self en question, p 162
  • [2]
    Michael Vincent Miller « Le mythe du Nous » in La poétique de la Gestalt-thérapie, L’Exprimerie, Bordeaux, 2002.
  • [3]
    Jean-Marie Robine « Le fond du champ » in Cahiers de Gestalt-thérapie N°22, Clefs des champs, L’Exprimerie, Bordeaux p 202 et « Le maintenant at’il un avenir ? » in Le maintenant, Doc IFGT, L’Exprimerie, Bordeaux, 2008, p 56.
  • [4]
    Lors de l’exposé de ce cas clinique aux Collégiales de Bruxelles (janvier 2010), Jacques Blaize fait remarquer la survenue fréquente des allusions à la noyade dans mes tournures langagières. Je mets ces lapsus significatifs en relation avec les circonstances de la mort de la maman de Théo.
English version

1Nous vivons une époque marquée par une prodigieuse évolution technologique qui multiplie et diversifie les moyens de communication. La question de l’impact de cette transformation sur la relation entre l’homme et son environnement se pose nouvellement, et tout particulièrement les déclinaisons du « contacter » dans ce contexte évolutif.

2Après quelques considérations générales sur la révolution informatique et ses conséquences sur nos modes relationnels, nous nous attarderons sur deux vignettes cliniques. Ce n’est pas le comportement « addictif », tel que décrit selon la symptomatologie classique, qui nous intéresse ici, mais plutôt la manière dont nos patients nous amènent à abandonner un certain nombre de préjugés pour les accompagner au plus près, au plus juste de leur rapport au monde.

I – Impact de l’évolution technologique sur les modes de communication

Une révolution

Prodige et vertige

3Nous participons à un développement cybernétique inouï qui bouleverse le fondement de notre présence au monde dans sa dimension spatio-temporelle. La téléphonie et la communication informatique soufflent un aspect magique : « tout semble possible » et un aspect virtuel : « tout serait accessible » à nos échanges. Cela tient du prodige et donne le vertige… Les distances physiques et temporelles sont abolies, nous pouvons nous voir et nous parler présentement d’un bout à l’autre de la planète, ce qui procure une ouverture maximale à la réception et à l’émission des informations cognitives et événementielles. La contemporanéité avec laquelle nous parviennent ces éléments annule l’écart et l’attente. Cette immédiateté des échanges transforme le vécu de l’espace et du temps : annulation de distance car tout est là, à notre portée, et réduction du temps car tout arrive maintenant. Cette condensation de l’ici et maintenant nous propulse dans un mouvement perpétuel, sans maîtrise de ce qui nous arrive…

Abolition des limites

4La communication se répand tous azimuts. Elle ne se restreint plus au duel émetteur/récepteur mais se propage en réseau. Nous sortons d’une conception interpersonnelle de l’échange entre deux individus clairement identifiés pour parvenir à des effets de rayonnement et de résonance. Lorsque j’émets un signal informatique, je ne maîtrise pas sa diffusion. J’envoie un message sans pouvoir contrôler comment il se répercutera ; ce qui réserve quelques surprises car le destinataire dispose à son tour d’une information qu’il diffuse à sa guise. Je perds le contrôle de mon émission qui s’adresse au monde et non plus à un partenaire précis. J’ignore qui sera touché, comment et par qui il le sera…

5À la réciproque je reçois une multitude de signaux. Le monde vient vers moi par une infinité de messages qui m’arrivent sans que je sois demandeur. À moi de faire le tri, de décider ce qui me concerne, de choisir ce qui m’intéresse et de rejeter ce qui ne me convient pas. Et là aussi, nous pouvons être surpris de capter des éléments inattendus qui nous étonnent et nous transforment…

6Cette propagation de l’information ouvre les frontières entre des espaces clos, et favorise des échanges multiculturels. L’appartenance à un peuple, à une caste, à un milieu social est remise en cause par cette circulation. Nous prenons conscience d’appartenir à un tout, à une humanité, à un univers qui nous dépasse. Ces changements technologiques nous amènent à quitter nos schémas dualistes pour intégrer et appliquer cette notion de l’indissociabilité organisme/environnement. Nous ne pouvons nier être influencé autant qu’influencer, être impacté autant que d’impacter.

À propos de la toile

7La métaphore de la toile évoque l’idée de tissage ou de maillage, qui correspond à ces formes innovantes de diffusion. La toile est le terme français qui traduit le net, le filet. La création d’internet vient du contexte militaire. En effet, si la communication de A vers B est coupée, quelle solution trouver pour transmettre une information de A à B? Ce problème a trouvé une résolution en passant par C pour rejoindre B. Et le nombre d’intermédiaires C1, C2, C3 n’est pas limité.

8Une autre astuce a émergé de ce contexte : celle d’inclure l’identité du destinataire dans le contenu du message. Ainsi la formulation contient à la fois une information et une adresse. Cette trouvaille permet de lancer un message, comme une bouteille à la mer, et qui la recueille l’adresse alors au destinataire, ce qui donne un maximum de chances au signal de parvenir à son but.

9De cette historicité de la toile, nous pouvons tirer plusieurs types de conséquences :

  • La communication ne passe pas exclusivement de l’émetteur A au récepteur B et réciproquement mais concerne tous les transmetteurs C1, C2, C3, et par extension tout l’environnement.
  • Pour que le message passe, il s’avère nécessaire d’associer contenu et processus. Le contenu ne suffit pas à sa transmission. Il est vide de sens s’il ne contient pas l’adresse de l’interlocuteur, c’est-à-dire une référence sociale. Les messages ne sont signifiants qu’en fonction du contexte du moment.
Un autre aspect à souligner est la convergence entre les découvertes des neurosciences et celles de l’intelligence artificielle. Nous pouvons en effet rapprocher la toile informatique du réseau de transmission neuronale qui se propage également en trame ou « filet de pêche » grâce à l’action des neurotransmetteurs.

De la toile au champ

10Pour décrire ces phénomènes, le paradigme de champ et sa portée phénoménologique paraissent plus ajustés qu’une perspective individualiste et objectiviste. En effet sujet et objet font partie d’une situation commune où l’un ne va pas sans l’autre…

11La référence au « Champ psychologique » de Kurt Lewin nous a familiarisés avec la notion d’« Espace de vie » qui englobe la personne et son environnement proche. Cet espace vital prend en compte à la fois la réalité objective, physique et culturelle du contexte, et l’activité mentale de l’individu qui crée sa réalité subjective à partir de cet environnement. De fait, la réalité objective de cet espace se transforme avec l’accès au réseau informatique qui place l’individu au cœur de la toile. Dans ce cas, l’espace de vie s’élargit considérablement à une dimension virtuelle. La prépondérance des idées, des images, des représentations, des fantasmes prend le pas sur les réalités concrètes et objectives. Le virtuel englobe le réel.

12La terminologie spatiale du champ psychologique de Lewin risque de nous enfermer dans une vision objectale, alors que l’évolution gestaltiste de la notion de champ inclut davantage les dimensions temporelle et virtuelle. Ce qui fait dire à Edith Blanquet : « Le champ est pour moi un paradigme qui fait écho avec notre époque où le paradigme de la substance est mis à mal, une époque où règne le virtuel » [1]. L’auteur poursuit : « Le statut de l’objet en est modifié et la substance ne s’accorde plus avec la conception de l’objet compris dorénavant comme un stock virtuel. »

Quelques écueils

13La formidable ouverture au monde apportée par ces progrès techniques comporte néanmoins quelques écueils. L’accès à ce potentiel de ressources peut engendrer quelques excès orientés vers le mirage de la toute-puissance. L’efficacité de ces nouveaux moyens de communication (téléphonie et informatique) facilite tellement les échanges et le commerce qu’elle peut laisser imaginer que tout est toujours possible, tout de suite et partout. Cet aspect opérationnel s’accorde avec notre société de consommation qui, générant le manque, alimente la quête insatiable d’un objet enfin satisfaisant, et produit toutes formes d’addictions… Notre incomplétude existentielle se complaît dans une illusion de pouvoir sur l’environnement assortie de différents mythes, tel celui du bien-être, de la performance ou du don d’ubiquité… Cette tendance à la toute-puissance s’accompagne d’un désir de maîtrise sur les événements et sur autrui qui peut prendre différentes formes.

Exigence

14La rapidité des échanges nourrit l’impatience. Toute demande implique une réponse immédiate qui nous met dans un sentiment d’urgence et parfois même de panique si nous n’obtenons pas satisfaction ou si nous sommes dans l’impossibilité de satisfaire la demande. Une nouvelle norme apparaît avec les téléphones portables, les répondeurs, les textos, les courriels. Obtenir une réponse rapide à tout appel devient un dû, ce qui pourrait engendrer un sentiment de dette ou de culpabilité. Nous voici poussés dans une course perpétuelle pour tendre vers une mise à jour impossible… La confusion entre demande et exigence fait loi. Le moindre écart entre la demande et la réponse peut faire naître des angoisses d’abandon ou de rejet qui nous plongent dans les affres du désespoir ou de la colère. Cette hypersensibilité accentuée par les nouveaux modes de communication glisse aisément sur un versant paranoïde.

Inflation

15La facilité de la connexion ou de la transmission nous pousse à distribuer nos messages beaucoup plus largement que nécessaire. Sous prétexte de communiquer, nous exploitons notre carnet d’adresses sans discernement et sans respect pour autrui. À la réciproque, nous sommes envahis par des lettres de vœux, des cartes d’anniversaire, des circulaires, des pétitions, des injonctions, des pressions commerciales en tous genres, en texte ou en image. Là encore de nouvelles conventions naissent sans prendre garde au risque d’intrusion ou d’abus. Envahi de la sorte, le récepteur sature ! Peut-être n’est-il pas demandeur ? Ou ne dispose-t-il pas du temps nécessaire à traiter cette somme d’informations ? Le comble est que c’est au destinataire de faire l’effort d’imprimer ou de visualiser les documents qui s’imposent. Devant cette inflation, il arrive qu’il coupe le contact et s’isole délibérément. Il peut aussi déprimer devant la tâche impossible dans laquelle il se trouve pris…

16La tendance inflationniste entraîne la généralisation intempestive des envois. Cette dépersonnalisation nivelle les relations : la quantité prime sur la qualité et la spécificité. Le secret et l’intimité ne sont plus protégés. Nous n’avons aucune garantie de confidentialité et sommes parfois choqués d’apprendre la divulgation d’un message personnel. Le groupe prend le pas sur l’individu. Le collectif prime sur le singulier. Une autre conséquence de cette inflation est la compétitivité à laquelle nous sommes assujettis. La concurrence est rude entre les surfers ; c’est la course au plus informé, au plus réactif. Certains sites, tel facebook, comptabilisent le nombre de contacts ainsi devenu le signe indéniable d’une célébrité valorisante.

La communication génératrice d’angoisse ?

17Ces écueils ne sont pas propres à la communication téléphonique ou informatique, car nous reconnaissons ici les deux types d’angoisse fondamentale décrits par Otto Rank et repris par Michaël Vincent Miller. En effet, nous oscillons entre deux pôles : celui de la peur de l’isolement qui génère l’angoisse d’abandon (ou de rejet) et à l’autre pôle, la peur de l’étouffement qui génère l’angoisse d’envahissement. [2] Néanmoins l’accélération et la pression produites par les nouveaux modes de communication intensifient ces effets et accentuent le phénomène de peur si cruellement ressenti à notre époque.

Et le contact ?

Vocabulaire branché

18Aujourd’hui, les termes tels contact, lien, touche, communication, connexion sont galvaudés. Employés à tout propos, et hors de propos, ils perdent leur sens propre. Par exemple contacter et connecter deviennent synonymes dans le langage courant. L’influence de l’électronique fait qu’il est plus à la mode de parler de connexion que de contact. Certaines confusions sémantiques sont générées par ces abus de langage et ces glissements de vocabulaire.

19La communication est dans l’air du temps ; mais de quelle communication parlons-nous ? La démarche de contacter équivaut-elle à celle de se connecter ? Pour moi, le « connecter » est instantané, il suffit d’une pression sur la touche, alors que le « contacter » s’inscrit dans un processus, implique un mouvement, une durée puisqu’on ne peut pas « ne pas » contacter. Les modalités du contact fluctuent ; ce n’est pas du tout ou rien. Pourtant le contact électrique équivaut à l’appui sur l’interrupteur… Quel embrouillamini !

Le contact gestaltiste

20Au sens gestaltiste, la notion de contact recouvre une expérience. Nous préférons parler de « contacter » pour induire le mouvement ou de « contactant » pour signifier la forme progressive, en train de se produire.

21Le contact n’existe pas en tant que tel, il relie organisme et environnement. En choisissant le terme organisme, nous supposons que le contact passe par le corps. Celui-ci est mobilisé dans ce « contacter ». Le contact concerne à la fois notre sensorialité – éveil sensoriel que nous nommons awareness-et notre motricité. « Le contact comporte toujours une composante motrice : ne serait-ce qu’orienter le regard ou tendre l’oreille » remarque Jean-Marie Robine dans plusieurs articles récents. [3] L’expérience de contact est corporelle. Il s’agit d’un processus qui privilégie le comment sur le quoi, les modalités sur le contenu.

Le contact via internet

22Alors que devient ce « contacter » dans les moyens de communication modernes, dans le contact via internet par exemple, où l’implication corporelle est de plus en plus restreinte ? Pour porter un message à sa bien-aimée, point n’est besoin de préparer sa monture et de prévoir des provisions pour le voyage, il suffit de cliquer ! C’est plus facile et peut-être moins engageant…

23Ce qui engage aujourd’hui ce sont les mots, le langage codé, symbolique, parfois allusif ou sibyllin. C’est au récepteur de comprendre ou deviner ce que l’émetteur a voulu signifier et qui n’est pas toujours explicite. Il est nécessaire de savoir lire entre les lignes. Cette lecture sujette à de multiples interprétations est souvent source de quiproquos. Le décalage est parfois grand entre ce que le signataire veut dire et ce qui est reçu car l’impact des mots déclenche des réactions émotionnelles imprévisibles. Les familiers de ces échanges sont amenés à compléter l’écrit par une figure codée qui dévoile leur humeur du moment.

24L’écart entre le senti et le perçu est amplifié du fait de la distance physique. Moins le corps est présent, plus l’interaction entre l’émetteur et le récepteur laisse de la place à l’imaginaire. Les croyances faites de projections et d’interprétations ne sont pas compensées par l’expression corporelle qui s’ajuste progressivement et interactivement lorsque les corps sont en présence. Le senti et le ressenti se déploient virtuellement sans pouvoir s’accrocher à une réalité concrète. Les résonances intrapsychiques prennent le pas sur la sensorialité et sur la motricité réduites dans cette forme de contact.

2 – Accompagnement de deux patients

25Pour illustrer ces propos, nous choisissons d’évoquer deux patients « branchés » pour lesquels la communication par internet prend une place prépondérante. Zoë et Théo pourraient être décrits comme des personnalités « addicts » ou « accros » ou encore dépendantes ; mais ce ne sont pas ces aspects que nous développons ici. Nous mettons plutôt le projecteur sur le comment: comment cet accrochage prend place dans leur vie, mais surtout comment il prend place dans nos séances ? Et ce que le thérapeute en fait : comment je l’accueille ? Comment je le traite ? Comment cela me fait changer ?

Problématique commune

26Ces deux patients manifestent une attitude commune : ils déversent un fleuve de paroles sans apparemment tenir compte de leur interlocuteur. Pourtant leur manière de me prendre à témoin se montre par leur souci d’exhaustivité. L’un comme l’autre tiennent à tout me dire, tout me raconter, le plus chronologiquement possible, sans omettre aucun détail, comme pour s’assurer de donner le maximum d’éléments pour que je puisse les aider. Ce récit obsessionnel, tout à la fois me touche car démontre un zèle coopérant, et m’étouffe car il est malaisé d’interrompre ce monologue. Ces patients laissent si peu de place à l’interaction et au dialogue que j’éprouve une difficulté à exister en face d’eux.

27Un autre point commun dans le rapport qui s’établit entre nous est la différence de génération. Zoé, comme Théo ont une trentaine d’années, ce qui correspond à l’âge des aînés de mes enfants. Ce constat n’est pas anodin. En effet n’appartenant pas à leur génération, je suis décalée, étrangère à leur monde. Ils manient l’ordinateur et les échanges internet beaucoup mieux que moi. Je peux parfois me sentir exclue de leur univers familier et bien souvent incompétente au point que j’hésite à leur demander des éclaircissements, craignant de passer pour une vieille idiote… D’autre part, ce décalage pourrait induire une tendance à endosser une attitude parentale. Je me retrouve dans la peau d’une « bonne mère » parasitée par le souci pédagogique de vouloir éduquer mes jeunes clients !

Dynamique du parcours

28L’aventure engagée avec ces deux patients me soumet à différents tourments. Lorsque se font jour l’appétence et la fascination pour internet, je me garde d’exprimer les préjugés qui m’habitent. Devant l’emprise exercée par les relations créées ou entretenues sur la toile, je suis spontanément encline à déprécier ces modes de communication, à dévaloriser cette forme de contact. J’imagine a posteriori que cet éprouvé suinte et colore nos rencontres par :

  • Un doute suspicieux. Mes propres croyances telles « C’est pas pour de vrai », « C’est fictif ou virtuel », « Ça ne compte pas vraiment », « C’est une fuite, une déflexion », me rendent incrédule et m’empêchent de rejoindre l’expérience d’autrui. Cette incrédulité marque spécialement le suivi de Zoé.
  • Une sorte d’ennui qui me démobilise. Je ne parviens pas à fixer mon attention ni à m’intéresser à l’autre. Je ne me sens pas concernée par cette expérience inconnue. Je n’interviens plus, je disparais… Cette passivité est manifeste dans l’accompagnement de Théo.
Au cours de chacun de ces accompagnements, le repérage de mes présupposés, l’identification et le dévoilement de mon éprouvé a transformé la relation thérapeutique. Je suis devenue vivante et les séances se sont animées. Un effet de bascule se produit lorsque je lâche mes propres résistances pour rejoindre Zoé et Théo dans leur subjectivité. Je parviens à admettre que leur mode de contact avec le monde passe par les ondes ! Alors nous pouvons explorer et expérimenter ensemble ce qui se passe pour eux dans ce mode de contact et ce qui se passe entre nous à cette occasion.

Zoé

La situation de départ

29Zoé vient me voir un beau printemps avec une demande explicite : faire le deuil de Bruno, ou plutôt de la relation passionnelle qui l’a nourrie pendant deux années. J’accueille, j’écoute.

30Bruno a provoqué la rupture suite à plusieurs scènes de Zoé qui se montre tyrannique. Elle a le sentiment d’avoir tout gâché : « J’ai pété les plombs ». Je souligne sa tendance à se faire des reproches.

31Zoé se sent ridicule dans cette histoire et également devant moi. Mes reformulations déclenchent un sentiment de honte que nous explorons ensemble.

32Ce sentiment de honte l’a empêchée de faire une démarche plus tôt (elle me connaît pour avoir fait du groupe avec moi, il y a une dizaine d’années). Cela fait un an qu’elle tourne tout cela, seule, dans sa tête. Je soutiens et valorise sa démarche.

33Durant les premières séances Zoé se répand. Le récit de son aventure amoureuse prend toute la place. Elle retrace le suivi des événements en précisant tous les détails, elle se reprend pour être sûre que j’ai bien compris et pour replacer les faits dans l’ordre chronologique. Je suis touchée de son application et lui renvoie son désir de coopérer.

34Apparaît rapidement une extrême dépendance à l’égard de son ami. Mais il lui fut insupportable que Bruno fasse remarquer cette dépendance qu’elle niait à l’époque. Au fil des séances, elle prend du recul et peut reconnaître cet état : « Je suis accro » dit-elle. Je dis en écho « Vous êtes en manque ». L’échange qui suit soulève l’incertitude d’être aimée par quelqu’un, insécurité insupportable pour la jeune femme. Je formule l’hypothèse que c’est cette assurance qui lui manque plus encore que la présence de Bruno.

35Dans cette même séance, Zoé exprime son besoin d’aide de ma part, en même temps que sa réticence à demander de l’aide et à s’engager dans la démarche de psychothérapie. Elle a peur d’être dépendante. Je relève que cette question de dépendance se pose également entre nous et survient au moment de l’interruption estivale des séances.

Place d’internet dans sa vie et dans nos séances

36À la rentrée, Zoé se demande avec quelque inquiétude la tournure que vont prendre nos rencontres maintenant qu’elle a « tout dit ». Je me réjouis de cet espace de nouveauté qui s’ouvre.

37Dans le récit de sa relation avec Bruno, la communication par textos, répondeurs téléphoniques, courriels était apparue fondamentale (jeux, plaisanteries, devinettes et manipulations diverses, avancées et reculs) mais parfois source de malentendus. Pendant l’année de sevrage, Zoé se torture avec des questions cruciales : « J’appelle ? », « Je me connecte ? », « Je laisse un message ? »

38Puis, dans ce vide automnal, elle annonce triomphalement : « J’ai rencontré quelqu’un ! » Je me réjouis et me dis dans mon fort intérieur « Chic, il va se passer quelque chose. »

39Mais elle m’apprend que cette rencontre s’est faite par le biais d’un site de musique sur internet. Je me sens toute déçue et assaillie par toutes sortes de préjugés négatifs « C’est une rencontre virtuelle, ça n’est pas la réalité, c’est une fuite, etc. » L’étonnement et le doute sur la véracité des sentiments de Zoé éveillent ma curiosité : « Comment est-ce possible ? » Je la questionne pour tenter de comprendre…

40L’exploration du ressenti de Zoé dans cette rencontre me fait abandonner quelques croyances car oui, elle éprouve des sensations, du désir physique, une excitation certaine sans rencontre réelle. Je reste méfiante. Je pense « c’est du bovarysme… » et je la provoque en lui suggérant de rencontrer de vrais hommes… suggestion qui ne déclenche apparemment aucun écho de sa part…

41Zoé insiste et me raconte dans les détails les aléas de sa nouvelle idylle qui occupe maintenant l’essentiel de nos séances. Elle décrit sa manière de rentrer en contact sur internet, le jeu de séduction, et le suspens maintenu par un langage « taquin-coquin » tel qu’elle le définit. Elle attise le désir de l’autre par un vocabulaire allusif rempli de « poutous », de « câlins », de « zapette » et par des phrases sibyllines qui donnent libre cours à toute une palette de fantasmes… Ces émergences de la fonction ça alimentent ma réticence à l’accompagner.

42Zoé continue de me raconter scrupuleusement tout ce qui se passe avec Gilles qui n’est pas libre. Elle peut expérimenter les aléas d’une relation et fait de fabuleuses découvertes :

  • Elle se dévoile progressivement, montre ses faiblesses, sa déprime sans se sentir rejetée.
  • Elle apprivoise ses peurs, notamment l’angoisse d’abandon qu’elle peut relier à son histoire.
  • Elle peut choisir plutôt que de rester à la disposition de l’autre. Elle apprend à trouver le ton juste, à mettre la distance qui lui convient.
Au fur et à mesure que je constate les prises de conscience qui émergent chez Zoé grâce à cette relation virtuelle, mes résistances fondent. La jeune femme éprouve des émotions, des sentiments qu’elle me livre sans défense. Je ne doute plus de l’authenticité de ses éprouvés et je peux enfin l’accompagner dans cette exploration sans arrière-pensée.

43Nous rentrons dans une phase amusante où ma cliente attend impatiemment la séance pour raconter la suite du feuilleton. De mon côté, j’attends impatiemment la séance suivante pour connaître la suite du roman…

44Nous traversons des passages intenses :

  • Moments exaltants où Zoé fait l’amour avec Gilles via internet. Elle me raconte en rougissant « C’est chaud ! »
  • Moments angoissants où elle ne dort pas de la nuit car Gilles ne lui a pas dit bonsoir : « bye »
  • Moments de panique où elle découvre que Gilles communique avec une autre et signe avec le totem qui lui était réservé. Elle n’est plus la chouchoute et craint que son intimité soit dévoilée.
    Cette relation prend la place d’une expérimentation que nous exploitons ensemble, dans un plaisir partagé. La virtualité permet d’apprivoiser les angoisses, nous apprenons à ressentir sans danger. Je vois Zoé changer, sortir de la séduction confluente, oser se différencier, respecter l’altérité. Cette métamorphose est spectaculaire.
Zoé émerge progressivement en prenant conscience de son besoin d’être dans sa bulle : « Ma bulle inclut l’ordinateur », qui lui-même inclut tout un potentiel relationnel.

Dénouement

45Nous constatons quelques signes d’évolution :

  • La présence de Bruno s’estompe, tandis que l’image de Gilles passe au premier plan. Comme si cette patiente pouvait guérir d’une relation réelle douloureuse grâce à une relation virtuelle possible. Grâce à Gilles, Zoé découvre ce qui a dysfonctionné avec Bruno. Elle n’est plus obsédée, elle se libère de l’emprise.
  • Zoé saisit une occasion de mettre un terme à la relation avec Bruno. En réponse à un mail collectif, elle décide de répondre nominativement. Elle apporte en séance le brouillon du courriel, et nous pouvons y réfléchir avant l’envoi qui symbolise une fin désormais choisie et non subie.
  • Enfin Zoé se lasse de la fiction trouvant que « c’est trop frustrant ». Elle se confronte avec lucidité à la solitude. Le vide de sa vie fait surgir des questions existentielles. Questions si sensibles qu’elle décide de suspendre pour un temps les séances…
Au cours de cette traversée de dix-huit mois, je me suis cramponnée quelque temps à mes certitudes, et ce n’est que lorsque j’ai pu les lâcher que quelque chose de nouveau est apparu tant chez la patiente que chez moi.

Théo

La situation de départ

46Théo s’adresse à moi sur le conseil d’une amie de sa mère, mère qui s’est suicidée il y a deux ans. Fils unique, le jeune homme se sent responsable de la mort de cette dernière qui s’est noyée pendant qu’il était aux sports d’hiver. [4] Cette situation me touche beaucoup. Théo a exactement l’âge de mon fils aîné, jeune ingénieur comme lui. Les premières séances sont intenses et chargées d’émotion.

47Deux années de séances régulières permettent à Théo de déverser son malheur et de soulager sa peine. Il aborde également ses difficultés relationnelles avec sa nouvelle amie Léa et ses problèmes professionnels. L’espace thérapeutique est assimilé au bureau des lamentations. Je suis submergée par le flot des mots. J’écoute, je soutiens autant que je le peux.

48Cette première phase débouche sur une dégradation générale. Théo plonge dans la dépression, traverse une crise sentimentale, se retrouve en arrêt maladie qui aboutit à la perte de son emploi. Aux dates anniversaires, l’angoisse fait monter les idées suicidaires latentes. Théo semble perpétuellement au bord du gouffre. Je me sens impuissante à l’aider et constate l’échec de l’accompagnement thérapeutique. Avoir joué « la bonne mère » pendant deux ans ne suffit pas à remettre Théo sur pied. Et pour comble, en supervision, Marie Petit, suggère que peut-être Théo me déteste !

49La psychothérapie durera six années. Théo renonce à s’établir en couple et retourne vivre en reclus chez son père.

Place d’internet dans sa vie et dans nos séances

50Théo a toujours été très branché ! Il communique essentiellement par internet. Il a rencontré Léa sur un site de rencontres Travaillant dans une entreprise informatique éclatée, il gère l’essentiel de sa vie professionnelle sur un ordinateur.

51Mais dans cette période de déstabilisation, la place du « net » devient prépondérante. Les repères sociaux s’effondrent, la fonction personnalité est ébranlée. Théo vit la nuit sur son ordinateur. Son sommeil se décale, il passe des nuits blanches. Il use et abuse des messages électroniques. Il écrit des fleuves : de six à treize pages ! Il peut téléphoner pendant quatre heures d’affilée. Il perd la notion du temps. Mon style d’intervention est alors de l’écouter et de maintenir le cadre privilégié de nos rencontres. Nous gardons un rendez-vous hebdomadaire et matinal malgré sa vie fantaisiste. Il m’arrive d’utiliser son mode de communication : envoi d’un texto pour son anniversaire, séance téléphonique pour maintenir le rythme des séances. Ce maintien du cadre génère quelque chose de nouveau et de plus confrontant.

52Grâce à internet, la vie relationnelle de Théo se démultiplie. Il étend son réseau amical. Une multitude de personnages apparaît dans un jeu de chaises musicales. Il connaît la plupart de ses interlocuteurs dispersés sur plusieurs grandes villes. Au milieu de cette gravitation, un ami privilégié, Yann devient son confident. La place de Théo dans ce circuit est vitale, c’est le moyen qu’il a trouvé pour se sentir exister. Ce réseau a plusieurs fonctions : il procure une insertion sociale à Théo et joue un rôle de tiers dans sa relation fusionnelle avec Léa, ce qui lui permet de se décoller. Je reconnais l’importance de ce mode de relation qui maintient Théo hors de l’eau.

53Théo se trouve progressivement pris au piège dans une véritable toile d’araignée. À force de se mêler de tout et de colporter les avis des uns sur les autres y compris les histoires sexuelles, il s’emmêle. Théo s’étonne de recevoir de l’agressivité tant il croit se dévouer dans ce rôle de médiateur. Nous repérons deux polarités :

  • La confluence : Théo se perd dans un dévouement absolu.
  • La solitude insupportable.
    Théo est aux prises avec un dilemme de contact insoluble : il est « accro » à un mode de relation qui devient intolérable.
Je me sens noyée dans cet embrouillamini relationnel, j’ai bien du mal à repérer qui est qui et de qui il me parle. Plus je suis perdue, plus je m’enferme dans le contenu et plus je me préoccupe du contenu, plus je me sens perdue. Néanmoins, nous tentons de construire des hypothèses, et de trouver des explications rationnelles à ce qui se passe.

Impact du phénomène internet

54Ce qui apparaît chez Théo de façon magistrale :

  • Une tendance égotiste qui cherche à tout maîtriser et compense peut-être son impuissance à changer le cours des événements et à empêcher le suicide de sa mère.
  • Le désir d’être partout à la fois : son ordinateur est allumé en continu pour signaler qu’il est toujours joignable.
  • Le besoin de tout contrôler : il se donne un rôle de justicier, de donneur de leçons persuadé d’avoir raison.
  • Une tendance à manipuler les autres à distance comme des marionnettes. Il exerce son pouvoir au risque du harcèlement.
Ces composants contribuent à lui donner la preuve de son existence et de son importance puisqu’il est sollicité en retour et parfois lui-même harcelé.

55Ce qui apparaît chez moi et crée un malaise :

  • La lassitude : je décroche. Je n’arrive pas à le suivre dans cet imbroglio. Cela ne m’intéresse plus jusqu’au jour où je parviens à lui dire mon ennui. Je m’aperçois que je ne l’écoute pas quand il parle à la troisième personne, alors que mon intérêt se réveille quand il parle à la première personne. Théo en tient compte.
  • Le sentiment d’être utilisée comme un dépotoir. Je le confronte fermement lorsqu’il prétend annuler une séance qui tombe le jour de son anniversaire. Cette mise au point le bouscule fortement.
Une bascule se produit alors, je ne suis plus la bonne mère compréhensive. Théo, blessé par mes remarques, se sent trahi et peut enfin sortir sa colère. Ce sentiment de trahison et d’abandon déclenché par mon intervention concerne également son amie Léa avec laquelle il va réussir à rompre, et sa mère dont il est séparé par la mort. Théo s’autorise enfin à éprouver des sentiments agressifs. Nous pouvons travailler ce qui se passe dans la relation thérapeutique. Je ne m’ennuie plus !

Dénouement

56Le processus thérapeutique amène des prises de conscience chez Théo :

  • Il repère que son attachement excessif à Léa et à Yann compense la perte de sa mère. Il réalise que le « Tu me manques » adressé par e-mail à Yann révèle un manque irrémédiable.
  • Il assouplit certaines formes rigides de pensée qui le rendaient invariablement victime et l’entraînaient dans des procès de mauvaise intention.
  • Il sort de l’enfermement égotiste et peut admettre différentes façons de penser. Il se sent moins responsable de tout, peut admettre que certains éléments lui échappent. Notamment il renonce à comprendre ou à savoir ce qui s’est passé dans la tête de sa mère.
Des changements concrets apparaissent dans la vie de Théo :
  • Il bouge et se déplace pour voir ses amis au lieu de seulement les contacter par internet.
  • Il retrouve une passion enfantine pour le LEGO. Il utilise désormais la communication internet pour se mettre dans un circuit d’achat et de vente. Il transforme sa chambre en chantier de construction. Il s’inscrit ainsi dans un commerce réel avec l’environnement.
  • Internet est utilisé pour renouer avec son histoire en fouillant sa généalogie et en recherchant « les copains d’avant ».
Je valorise ces transformations et le nouvel usage qu’il fait d’internet.

57Nous nous acheminons doucement vers la fin de la thérapie. Un rendez-vous pour faire le point six mois après nos dernières séances confirme une évolution positive car Théo entame une nouvelle relation sentimentale et s’achète une maison (pas en LEGO cette fois).

58Cette longue histoire tissée avec Théo m’oblige à considérer le profit de l’utilisation du réseau internet pour une coconstruction progressive avec l’environnement.

Gratitude

59Je remercie Zoé et Théo dont les aventures viennent nourrir notre réflexion de Gestalt-thérapeutes. Pour m’initier à leur monde, il m’a fallu sortir d’un carcan bien pensant et sécurisant campé sur quelques certitudes obsolètes. Je suis toujours étonnée du chemin que nous font parcourir nos patients. Nous leur devons autant qu’ils nous doivent. Ils ne sont pas les seuls bénéficiaires de cette co-construction qui permet une transformation réciproque. Je suis de plus en plus convaincue que nos patients ne peuvent changer que si nous changeons également. Cet acte de foi s’accorde bien avec l’humilité d’une posture phénoménologique qui nous invite à lâcher notre prétendu savoir pour que la nouveauté puisse apparaître ; en l’occurrence abandonner mon jugement péjoratif sur l’addiction à internet et mon éventuel projet de débarrasser le patient de cette addiction…

60La nouveauté peut faire peur. Les stupéfiantes avancées technologiques de notre contexte contemporain bousculent nos repères en matière d’identité, de place dans le monde et de relation avec autrui. La peur nous fait recourir à un monde ordonné où le blanc et le noir sont bien séparés, comme le vrai et le faux ou le réel et le virtuel. Les parcours de Zoé et Théo nous amènent à sentir, penser autrement et nous invitent à quitter ce dualisme profondément ancré dans notre culture occidentale pour considérer qu’il est vain de séparer arbitrairement le virtuel du réel. Dans cette optique, le virtuel fait partie du réel, autant que le réel fait partie du virtuel…

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Bibliographie

Bibliographie

  • BLAIZE Jacques, Ne plus savoir, L’exprimerie, Bordeaux, 2001.
  • BLANQUET Edith, « Subjectivation et théorie du self » in Cahiers de Gestalt-thérapie N° 24, « self » en question, L’exprimerie, Bordeaux, 2009.
  • MILLER Michael Vincent, La poétique de la Gestalt-thérapie, L’exprimerie, Bordeaux, 2002.
    L’amour terroriste, Robert Laffont, Paris, 1996.
  • ROBINE Jean-Marie, S’apparaître à l’occasion d’un autre, L’exprimerie, Bordeaux, 2004.
  • « Le fond du champ » in Cahiers de Gestalt-thérapie N° 22, Clefs des champs, L’exprimerie, Bordeaux, 2008.
  • « Le maintenant a-t’il un avenir ? » in Le maintenant, Doc IFGT, L’exprimerie, Bordeaux, 2008.

Notes

  • [1]
    Edith Blanquet « Subjectivation et théorie du self » in Cahiers de Gestalt-thérapie N° 24, Self en question, p 162
  • [2]
    Michael Vincent Miller « Le mythe du Nous » in La poétique de la Gestalt-thérapie, L’Exprimerie, Bordeaux, 2002.
  • [3]
    Jean-Marie Robine « Le fond du champ » in Cahiers de Gestalt-thérapie N°22, Clefs des champs, L’Exprimerie, Bordeaux p 202 et « Le maintenant at’il un avenir ? » in Le maintenant, Doc IFGT, L’Exprimerie, Bordeaux, 2008, p 56.
  • [4]
    Lors de l’exposé de ce cas clinique aux Collégiales de Bruxelles (janvier 2010), Jacques Blaize fait remarquer la survenue fréquente des allusions à la noyade dans mes tournures langagières. Je mets ces lapsus significatifs en relation avec les circonstances de la mort de la maman de Théo.
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