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Article de revue

La théorie de l’équilibre général

Pages 197 à 205

Notes

  • [1]
    Personnellement, je suis moins optimiste car je pense que, même si ces deux conditions étaient réalisées, cette théorie n’aurait que peu d’utilité descriptive.
  • [2]
    L’erreur remonte à loin, comme le montre la citation suivante de Schumpeter : « A full elaboration of the theory of general equilibrium [by Marshall] could only have duplicated the work of Walras » [(1941) 1952, p. 100].
  • [3]
    Dans mon article « Marshall and Walras: Incompatible Bedfellows? » [De Vroey, 2012, p. 13-14), je montre en détail les implications de l’adoption de la technologie des échanges propres aux approches walrasienne et néo-walrasienne.
  • [4]
    En conséquence, le fait que Walras lui-même n’ait pas évoqué la présence de ce secrétaire ne compte pas. Sans lui, sa théorie souffre d’un vide logique, pour emprunter une expression d’Arrow, reprise par Pignol.
  • [5]
    Cf. De Vroey [2016, p. 131-135].
English version

Claire Pignol [2017], La théorie de l’équilibre général, Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, coll. « Les savoirs mieux », 131 p.

1Le livre de Claire Pignol, La théorie de l’équilibre général, vise à traiter d’un large pan de la théorie économique d’une manière ramassée et pédagogique sans tomber dans l’approximatif, un objectif ambitieux pour un livre de près de 120 pages. Il est heureux que Pignol se soit attelée à l’écrire car le résultat est stimulant et de grande qualité. Le livre comporte cinq chapitres. Les trois premiers sont consacrés à la théorie néo-walrasienne. Les deux derniers poursuivent un objectif plus limité, le quatrième propose une confrontation de diverses conceptions de la concurrence et le cinquième quelques réflexions sur la justice dans l’équilibre général.

2Le chapitre 1 introduit le lecteur aux traits principaux de la théorie néo-walrasienne de l’équilibre général. Pignol y souligne que « les consommateurs sont les seuls agents véritables du modèle » [p. 20] et que « la cohérence des décisions économiques est décidée en dehors de toute volonté individuelle ou collective » [p. 21]. Quant aux firmes, elles doivent être considérées comme ne jouant qu’un rôle de courroie de transmission. Pignol met également en avant le rôle des prix dans une économie décentralisée : ils résument les informations privées tout en ne donnant pas accès à celles-ci. Ce chapitre contient aussi un résumé pédagogique de la démonstration d’existence de l’équilibre général et de ses conditions, la continuité des fonctions de demande nette, l’homogénéité de degré zéro par rapport aux prix et la loi de Walras. Dans la conclusion du chapitre, Pignol affirme que le résultat d’existence est important car il est un préalable à l’utilisation du modèle comme description de l’économie de marché réelle ou comme « prescription d’une économie souhaitable », ce qui suggère que tel est le but que doit poursuivre une théorie de l’équilibre général. En même temps, la démonstration d’existence n’est qu’une condition nécessaire de sa réalisation. Une condition supplémentaire est que la stabilité de l’équilibre soit démontrée [1].

3Le chapitre 2 porte sur le bien-être. Pignol y présente la notion d’optimum de Pareto et les théorèmes de l’économie du bien-être. Le premier énonce les conditions suffisantes pour l’optimalité d’une économie dite décentralisée. Pignol examine aussi les causes de sous-optimalité, les externalités, la présence de biens publics et l’incomplétude des marchés (sans compter d’autres facteurs comme les rendements croissants). Enfin, elle consacre trois pages à une interrogation sur la question de savoir si le premier théorème de bien-être peut servir de fondement au libéralisme économique. Le fait de poser cette question, ici et dans d’autres passages du livre, est certainement un des traits distinctifs et intéressants du livre de Pignol. En ce qui concerne le premier théorème, la réponse, dit-elle, est ambivalente. Il donnerait effectivement un tel fondement si ce n’était que sa robustesse est faible tant ses conditions nécessaires sont dirimantes. Pignol se tourne ensuite vers le second théorème du bien-être, affirmant qu’à certaines conditions le résultat d’optimalité parétienne peut être étendu à un équilibre concurrentiel. En découle une possibilité d’intervention extérieure. Si un optimum donné se révèle être basé sur une configuration des dotations initiales jugée inadéquate, un optimum différent peut être atteint en les modifiant.

4Le chapitre 3 est un chapitre central du livre. Pignol y examine les difficultés de la théorie de l’équilibre général. Elle y traite des conditions de la stabilité et aborde les travaux de Sonnenschein, Mantel et Debreu. Oui, conclut-elle, « les hpothèses sur les fonctions de demande nettes agrégées nécessaires à la stabilité ne sont pas fondées microéconomiquement » [p. 68]. Ensuite, elle évoque d’autres difficultés parmi lesquelles le fait qu’in fine la théorie de l’équilibre général a pour objet une économie centralisée alors que son objet supposé est une économie décentralisée et qu’elle rencontre une grande difficulté à intégrer la monnaie. Dans la conclusion du chapitre, elle écrit : « Les résultats négatifs exposés dans ce chapitre sont dévastateurs non seulement au regard de la volonté de fonder le libéralisme économique mais surtout au regard de la volonté de construire la théorie économique » [p. 77].

5Le chapitre 4 est intitulé « Conceptions de la concurrence ». Elle commence par une confrontation entre la « concurrence pure et parfaite » que l’on trouve dans les manuels et la « concurrence parfaite » de la théorie de l’équilibre général. Ensuite, elle passe à une critique en règle de l’hypothèse d’agents preneurs de prix, affirmant notamment qu’elle entre en contradiction avec la rationalité supposée des agents. Le chapitre continue avec une présentation du raisonnement d’équilibre général d’Edgeworth. Il se termine par un examen des conceptions de la concurrence développées par Cournot et Bertrand.

6Le chapitre 5 traite de la justice dans la théorie de l’équilibre général. Le théorème d’impossibilité d’Arrow y joue un rôle de pivot. En effet, le chapitre est divisé en deux parties, l’une traitant de la justice dans cette théorie avant Arrow et l’autre de ce qui s’est passé après Arrow.

7Mon sentiment général à la lecture du livre de Claire Pignol est de sympathie et d’admiration. Elle y manifeste une haute maîtrise de son sujet, malgré son caractère difficile, et fait la preuve d’une excellente capacité de recul. Son écriture est concise et incisive. Le livre est équilibré, Pignol procédant à charge et à décharge. Si, in fine, elle est très critique, on sent aussi poindre chez elle une affinité intellectuelle envers la démarche de haute théorie sous-jacente à la théorie de l’équilibre général. En résumé, Claire Pignol a écrit un superbe ouvrage et, étant un de ses anciens professeurs, je suis heureux d’avoir pu observer l’épanouissement d’un talent connu en germes. Mais un auteur de recension se doit de jouer aussi le rôle de procureur. Aussi vais-je dans ce qui suit mettre en avant quelques regrets, désaccords et interrogations éprouvés à la lecture du livre de Claire.

Regrets

8J’ai deux regrets, portant tous deux sur le périmètre que Pignol a assigné à sa recherche. D’abord, son champ d’analyse porte principalement sur la théorie néo-walrasienne. Je trouve qu’elle aurait dû parler plus et mieux de Walras. Ensuite, elle n’éclaircit pas le rapport entre l’approche néoclassique et la théorie walrasienne, prenant le point de vue, communément accepté mais erroné à mes yeux, selon lequel la théorie walrasienne est le socle de l’approche néoclassique considérée comme unifiée. Pour ma part, je ne partage pas ce point de vue. Il est significatif aussi qu’elle n’ajoute jamais de qualificatif à l’expression « équilibre général », comme s’il n’en existait qu’une seule modalité. Dans les paragraphes qui suivent, je développe ces deux remarques d’une manière plus détaillée.

9Si Walras doit être étudié dans un livre sur l’équilibre général c’est à cause de la continuité qu’il établit avec le projet général poursuivi par Adam Smith. Celui-ci visait à démontrer que les forces de marché, c’est-à-dire la concurrence, est le mécanisme rendant les économies décentralisées plus efficientes que les économies régulées par l’État – thèse que Smith a épinglée en inventant la métaphore de la main invisible. Le projet de Walras, qui l’a poussé à écrire les Éléments d’économie pure, était de reformuler la thèse de Smith d’une manière plus rigoureuse. Il s’agissait de théoriser la concurrence comme le phénomène par lequel des prix de déséquilibre – des « prix faux » pour reprendre l’expression de Hicks – en arrivent à graviter vers les prix d’équilibre, garants d’efficience. Le terme de tâtonnement choisi par Walras exprime parfaitement cette intention. Dans la première édition des Éléments, les échanges hors de l’équilibre occupent une place centrale dans l’argumentation. Mais l’analyse de Walras rencontra une objection de poids, avancée à la fois par Edgeworth et par Bertrand. Ceux-ci ont mis en avant que les échanges hors de l’équilibre génèrent un effet-revenu. La conséquence en est que, si convergence il y a, elle n’aboutira pas à l’allocation qui aurait prévalu si de tels échanges n’avaient pas existé. Comme Jaffé (1983) et Donzelli (2007) l’ont bien montré, Walras lutta pendant des décennies pour circonvenir l’objection et finalement se résigner dans la quatrième édition des Éléments à totalement éliminer la possibilité d’échanges à prix faux. En conséquence, ce qui était censé être une économie sous l’emprise de la concurrence a été transformé en un système économique hybride combinant propriété privée et planification. Le terme de tâtonnement a certes été maintenu mais son sens a été radicalement modifié puisque maintenant l’équilibre est atteint sans tâtonnement aucun. Dès cette quatrième édition des Éléments, le sort fut scellé en faveur d’une théorie de l’équilibre général centrée exclusivement sur la résolution du problème de l’existence de l’équilibre. La conclusion que Pignol tire à propos de la théorie néo-walrasienne vaut déjà pour la théorie de Walras : « La théorie de l’équilibre général ne fournit aucun résultat appuyant l’idée selon laquelle un système de libre concurrence, dans lequel les prix sont flexibles et varient selon la loi de l’offre et de la demande, converge vers l’équilibre » [p. 68].

10Le fait que Pignol ne se réfère pas à cet « avant » – ainsi qu’au rôle joué par Hicks dans Valeur et capital comme maillon intermédiaire entre la théorie walrasienne et la théorie néo-walrasienne – donne au lecteur l’impression que cette dernière théorie tombe du ciel. Bref, il y avait ici une occasion de faire de l’histoire des théories économiques qui a été manquée.

11Certes, Claire Pignol évoque Walras dans son livre, mais dans une perspective différente et, à mon sens, inadéquate. Pour présenter le contenu des Éléments, elle se réfère à la description du fonctionnement des marchés faite par Walras dans les premiers chapitres des Éléments, plus précisément dans les sections 41 et 42. Ces passages, qui n’ont pas changé au cours des différentes éditions du livre, offrent une narration quant au fonctionnement d’un marché particulier. Le modèle sous-jacent à cette narration est un modèle d’équilibre partiel. Il n’a rien à voir avec les modèles successifs qui font la substance du livre. On peut interpréter ce passage comme un appât offert au lecteur pour lui faire croire que la théorie qui sera exposée dans la suite du livre a un caractère réaliste. Cherchant à rationaliser l’exemple de Walras, Pignol en arrive à écrire que « pour Walras, les agents sont price-takers au sens où ils ont des conjectures concurrentielles, mais qu’ils sont price-makers au sens où ce sont eux qui modifient les prix lorsque ceux-ci n’égalisent pas les offres et demandes » [p. 86]. Cette remarque ne s’applique certainement pas à la théorie de Walras exposée dans le corps des Éléments.

12Mon second regret porte sur le fait que Pignol laisse de côté le caractère pluriel de l’approche néoclassique. Celle-ci est certes constituée d’un socle commun, la théorie subjective de la valeur, elle-même sous-tendue par l’idée de l’homo œoconomicus, et le principe de substitution. Mais au-delà de ce socle, trois voies de développement différentes y coexistent, les approches marshallienne, walrasienne et autrichienne. Comme Pensieroso et moi-même l’avons montré [De Vroey et Pensieroso, 2018], ces trois programmes de recherche doivent être considérés comme des lignes de recherche alternatives plutôt que complémentaires. Dans la mesure où l’approche autrichienne s’est moins développée que les autres, l’attention doit principalement être portée sur le contraste Marshall-Walras. Pignol ne le prend pas en considération alors qu’il serait utile à son analyse. Il oblige notamment à cesser de penser que l’approche walrasienne (incluant les développements néo-walrasiens) a un monopole naturel sur la théorie de l’équilibre général. Ce n’est pas vrai ; on peut aussi concevoir des modèles d’équilibre général marshalliens [2]. Ce que Pignol décrit sous l’étiquette sibylline de « concurrence pure et parfaite des manuels » n’est rien d’autre que la théorie marshallienne de la formation des prix au cours d’une période de marché donnée. Son analyse de Cournot et Bertrand gagnerait à être positionnée comme portant sur des extensions se produisant à l’intérieur de l’approche marshallienne au lieu d’être amalgamée à la théorie walrasienne.

13La prise en compte du contraste Marshall-Walras permet, enfin, de relativiser certaines affirmations faites par Pignol. Ainsi, elle commence son livre en écrivant, p. 9, que « la théorie de l’équilibre général a joué un rôle majeur dans la structuration de la pensée économique contemporaine ». Ceci est un propos à l’emporte-pièce. De son vivant, les idées de Walras ont eu peu d’impact. La théorie marshallienne était largement dominante et sans doute l’est-elle restée jusqu’à nos jours. Seuls Cassel et Wicksell ont porté le flambeau des idées walrasiennes, et encore d’une manière relativement tronquée, jusqu’à la moitié du XXe siècle. Le regain de la théorie walrasienne date de l’après Deuxième Guerre mondiale avec la traduction des Éléments par Jaffé en 1954, les travaux d’Arrow, Debreu et McKenzie et l’essor de la Cowles Foundation. S’en sont suivi deux ou trois décennies durant lesquelles la théorie de l’équilibre général a joui d’un grand prestige, mais ceci n’est pas synonyme d’impact étendu sur l’ensemble de la profession. L’affirmation faite par Pignol à la page 10, selon laquelle « la très grande majorité des analyses et des débats actuels en théorie économique a pour référence, implicite ou explicite, la théorie de l’équilibre général » est un propos que l’on voudrait voir étayer. À mon avis, l’analyse marshallienne d’équilibre partiel a continué à dominer la profession, même durant la période de gloire de la théorie néo-walrasienne.

Désaccord

14J’en viens maintenant à un point de désaccord entre Claire Pignol et moi-même. Elle est très critique à l’égard de l’hypothèse selon laquelle les agents sont des « preneurs de prix » (price-takers). Pour elle, cette hypothèse n’est pas déduite de la rationalité. Un examen de cette thèse nécessite qu’on introduise la notion de « technologie des échanges », un terme repris à Clower et désignant l’ensemble des hypothèses posées par l’économiste pour décrire le fonctionnement des échanges et l’histoire racontée à propos de celui-ci qui en découle [3]. Un élément de cet ensemble est ce que Pignol appelle les « conjectures concurrentielles », c’est-à-dire ce que pensent les agents quand ils prennent des décisions. Les théories walrasienne et néo-walrasienne partagent la même technologie des échanges et celle-ci se résume en la présence du secrétaire de marché. Que les agents soient preneurs de prix et qu’il existe un secrétaire de marché sont les deux faces d’une même conceptualisation [4]. La prise en compte de cette dimension de technologie des échanges amène à réfuter le jugement émis par Pignol. Ainsi, elle écrit, p. 54, que l’intérêt rationnel des agents est de chercher à se dégager du price-taking. Selon moi, cette assertion ne tient pas la route. L’agent économique est une créature de l’économiste ; il ne peut pas choisir la technologie des échanges dans laquelle l’économiste l’installe. Une seconde critique porte sur la remarque faite par Pignol aux pages 83 et 84. Selon elle, les agents sont naïfs (et donc non rationnels) de réagir aux prix annoncés par le secrétaire de marché en supposant qu’ils sont des prix d’équilibre alors qu’ils constatent qu’ils changent d’une annonce à la suivante. D’où sa remarque : « Pour qui veut déduire le comportement individuel de la rationalité calculatrice, le price-taking est une hypothèse comportementale peu satisfaisante » [p. 84]. Une compréhension plus fine de la technologie des échanges à l’œuvre amène à une autre interprétation. Selon celle-ci, l’agent preneur de prix doit faire la conjecture que le prix annoncé est d’équilibre car chaque annonce pourrait être la dernière. En d’autres termes, un comportement stratégique, consistant à annoncer une quantité qui n’est pas celle qu’on souhaite consommer au prix donné, n’est pas rationnel car si l’annonce en cause était la dernière, l’agent se trouverait avoir à consommer une quantité non optimale. Enfin, il est inhérent à la technologie des échanges walrasienne que les agents n’ont pas d’information sur l’état des demandes excédentaires. Ceci n’a pas d’impact sur la formation de l’équilibre dans la mesure où ils savent que les échanges ne commenceront qu’après que l’équilibre ait été atteint. Pignol se réfère à plusieurs reprises aux travaux de Benassy dans lesquels, du fait de la fixité des prix et de l’absence de secrétaire de marché, les agents doivent faire des conjectures sur les rapports offre et demande. Ce qu’elle ne réalise pas est qu’une telle caractérisation ne peut s’inscrire dans la technologie des échanges walrasienne et donc ne devrait pas entrer dans la critique de celle-ci [5].

Interrogation

15Le climax du livre se trouve dans la conclusion du chapitre 3 dans laquelle Pignol déclare que les critiques que l’on peut adresser à la théorie de l’équilibre général néo-walrasienne sont dévastatrices. Cette conclusion suscite une série de questions. Que faut-il faire d’une théorie rencontrant des critiques aussi dévastatrices ? La mettre au rencart, comme on le ferait, par exemple de la théorie srafféenne ? Mais Pignol ne s’engage pas. Elle critique la théorie de l’équilibre général mais sans la condamner. À peine a-t-elle fait son constat de dévastation qu’elle salue la « capacité de la théorie néoclassique à produire sa propre critique » [p. 78]. À partir de quand les défauts deviennent-ils rédhibitoires ? Le lecteur aimerait connaître son opinion sur ces questions.

16En même temps, pourrait-on dire, les dés ont déjà été jetés. La profession a voté avec ses pieds. D’éminents économistes néo-walrasiens ont délaissé l’approche dans laquelle ils avaient excellé. Quant au reste de la profession, il a depuis longtemps manifesté son désintérêt pour la théorie de l’équilibre général. Celle-ci n’est pratiquement plus enseignée et n’attire plus les doctorants. Ce n’est pas tellement le problème de la stabilité qui est la cause de son déclin mais le doute qui s’est installé quant au type de haute théorie dont l’approche néo-walrasienne est le représentant emblématique. Elle ne séduit plus, elle ne répond pas à ce que la société attend des économistes. Le pragmatisme et l’expérimentation sont, au contraire, à l’ordre du jour. La conséquence paradoxale de cet état des choses est qu’il est bien possible que les théoriciens néo-walrasiens et ses contempteurs apparents, comme Claire Pignol, se retrouvent unis dans un regret similaire quant à la direction prise par la discipline économique dans ces dernières décennies.

Bibliographie

Références

  • De Vroey, M. [2012], « Marshall and Walras: Incompatible Bedfellows”? The European Journal of the History of Economic Thought, vol. 19, p. 765-784.
  • De Vroey, M. [2016], A History of Macroeoconomics from Keynes to Lucas and Beyond, New York, NY: Cambridge University Press.
  • De Vroey, M., Pensieroso, L. [2018], « Mainstream Economics. Its Rise and Transformation », miméo.
  • Donzelli, F. [2007], « Equilibrium and tâtonnement in Walras’s Elements », History of Economic Ideas, vol. 14, p. 83-138.
  • Jaffé, W. [1983], William Jaffé’s Essays on Walras, D. Walker (ed.). Cambridge: Cambridge University Press.
  • Schumpeter, J. A. [(1941) 1952], « Alfred Marshall, 1842-1924. Alfred Marshall’s Principles: a semi-centennial appraisal », in J. A. Schumpeter, Ten Great Economists: From Marx to Keynes, London: Allen and Unwin, p. 91-109.

Notes

  • [1]
    Personnellement, je suis moins optimiste car je pense que, même si ces deux conditions étaient réalisées, cette théorie n’aurait que peu d’utilité descriptive.
  • [2]
    L’erreur remonte à loin, comme le montre la citation suivante de Schumpeter : « A full elaboration of the theory of general equilibrium [by Marshall] could only have duplicated the work of Walras » [(1941) 1952, p. 100].
  • [3]
    Dans mon article « Marshall and Walras: Incompatible Bedfellows? » [De Vroey, 2012, p. 13-14), je montre en détail les implications de l’adoption de la technologie des échanges propres aux approches walrasienne et néo-walrasienne.
  • [4]
    En conséquence, le fait que Walras lui-même n’ait pas évoqué la présence de ce secrétaire ne compte pas. Sans lui, sa théorie souffre d’un vide logique, pour emprunter une expression d’Arrow, reprise par Pignol.
  • [5]
    Cf. De Vroey [2016, p. 131-135].
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