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Article de revue

Réponse à Jean Cartelier

Pages 179 à 194

Notes

  • [1]
    Université Lyon 2 Lumière, Triangle.
  • [2]
    Leur parenté tient peut-être à un commun déconstructivisme.
  • [3]
    Leviathan, ed. C. B. Macpherson, Pelican Books, 1968, repris en Penguin classics, 1985, p. 150. Ce que Smith retranscrit par "Wealth is power" (Wealth of Nations, Glasgow edition by R H. Campbell et A. S. Skinner, Vol. 1, Oxford : Oxford UP, 1976, p. 48, n. 9.
  • [4]
    De Cive, V, 4, English Works, ed W. Molesworth, t. 2, p. 71.
  • [5]
    Ce basculement est passage d’une convention (au sens de Lewis) où la non-paix est Common Knowledge à une convention où le respect des accords et la paix le sont.
  • [6]
    De même l’entité qu’ils génèrent, ce "corps" animé, ce géant mécanique fait de tous et qui est plus que tous, loin d’être un ensemble holistique, est un "lien", une institution (cf. infra).
  • [7]
    D’où les problèmes de cognition, de myopie, le rôle des passions …
  • [8]
    En échec, mais pas mat. Même s’il y avait contrat de soumission, abandon de son pouvoir entre les mains d’un maître, il n’y aurait pas abandon du droit naturel de défendre sa vie, son corps, sa famille, ses biens, un droit naturel qui définit l’individu : il conserve donc l’essentiel.
  • [9]
    Horst Bredekamp, Stratégies visuelles de Thomas Hobbes : Le Léviathan archétype de l’État moderne, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2003.
  • [10]
    Pas seulement une analogie, je sens que j’aggrave mon cas !
  • [11]
    Jean Hampton, Hobbes and the Social Contracts Tradition, Cambridge, Cambridge U P, 1986.
  • [12]
    On ne trouve pas la thèse rousseauiste selon laquelle ils abandonnent leur pouvoir à l’État qui le leur rend selon une autre clé de répartition, celle de l’utilité publique (telle qu’elle est estimée par le souverain). En revanche, l’État distribue les biens (les terres) en fonction de sa clé (discrétionnaire) de répartition, et il peut la modifier en cours de partie s’il estime que c’est l’intérêt public.
  • [13]
    Après avoir écrit son Tractatus politicus, dans une lettre à Jarig Jelles, Spinoza écrit : "vous me demandez quelle différence il y a entre Hobbes et moi quant à la politique : cette différence consiste en ce que je maintiens toujours le droit naturel et que je n’accorde, dans une cité quelconque, de droit au souverain sur les sujets que dans la mesure où il l’emporte sur eux par le pouvoir (potentia) : c’est la continuation de l’état de nature" (B. Spinoza, ep. 50, 2, La Haye, 2 juin 1674, in : Opera, ed. Gebhardt, Heildelberg : Universitätverlag, volume IV, p. 184). Spinoza ne fait qu’expliciter ce qui se trouve chez Hobbes.
  • [14]
    Cet argument sophistique revient continuellement sous la plume de Hobbes. On le retrouve sous d’autres cieux et dans d’autres lieux : l’Église médiévale se définissait comme l’église des pauvres et elle ne pouvait libérer ses esclaves parce qu’ils étaient le bien des pauvres. Et les ouvriers ne pouvaient légitimement se lever contre le Parti communiste de l’Union soviétique puisqu’il était le pouvoir des ouvriers.
  • [15]
    Pour Hobbes, persona signifie le masque, celui qui le porte et dès lors personnifie.
  • [16]
    Hobbes ne peut anticiper que sa théorie de la représentation débouche sur cet autre monde. Mais il sait quel fossé radical sépare un peuple libre d’un peuple d’esclaves (l’opposition aristotélicienne incontournable, même par Hobbes). S’il revient à Hobbes d’avoir été le premier à penser la liberté des Modernes (au sens de B. Constant, la liberté négative), le concept de "liberté des Anciens" (liberté de désigner le souverain) irrigue son œuvre et il est clair sur cette distinction.
  • [17]
    Ad absurdo, quid si Léviathan n’imposait pas que les contrats soient respectés ? Aucune convention ne se ferait, le contrat social lui-même ne tiendrait pas. Ce n’est pas si absurde que cela puisque Léviathan dit les contrats qui ne doivent pas être respectés, qui seront interdits. Léviathan lui-même, comme le monstre du Livre de Job, ne peut être lié, il ne s’engage pas par contrat, et n’est pas engagé par les lois qu’il fait : "the untyed hands" du souverain, Lev. p. 231.
  • [18]
    "Pas de pouvoir sans droit", ajoute JC, mais seulement à l’état civil. Naturellement un contrat n’est valide, n’engage les parties que s’il est consenti, même à la suite d’une menace : la peur n’est pas un motif moins valable que l’intérêt.
  • [19]
    L’État peut évidemment interdire ce type de contrat (voir la note précédente).
  • [20]
    Souvent, au sein même de la Cité, des "Regular systems" constituent des coalitions autoritaires, des petits Léviathan dans le grand Léviathan ; c’est le danger suprême, celui de l’"imperium in imperia".
  • [21]
    Savoir si les associations ou coalitions, les personnes fictives, existent réellement constitue un débat immense au Moyen âge entre les nominalistes et les "réalistes". Hobbes ne tranche pas, parlant de Feigned or Artificial person (Dockès, Hobbes, p.170).
  • [22]
    Non pas celle que les individus du peuple exprimeraient par leurs votes ! Mais la volonté que l’État exprime est la volonté du peuple, il est le peuple.
  • [23]
    Cf. P. Dockès, Hobbes, p. 176, n. 42.
  • [24]
    Sa préférence pour la monarchie (il reconnaît n’avoir pas démontré pleinement sa supériorité), qu’il "oubliera" d’ailleurs avec la victoire de Cromwell, en serait délégitimée.
  • [25]
    Et si la minorité non seulement refuse de s’incliner, mais forme une Union ? Il y aura deux Commonwealths, et la guerre à ce niveau. S’ils sont seulement ostracisés, isolés, dans "ce monde cruel" leur survie sera brève !
  • [26]
    On peut faire la relation avec Adam Smith qui, dans La Richesse des Nations (op. cit., L. 2, ch. 3), estime que le désir d’améliorer sa condition et l’accumulation des richesses sont "un désir qui est en général, à la vérité, calme et sans passion, mais qui naît avec nous et ne nous quitte qu’au tombeau" (et qu’il oppose à la passion, très difficile souvent à réprimer, mais en général passagère et accidentelle, pour la dépense et les jouissances immédiates) : d’un côté l’accumulation des richesses, de l’autre celle du pouvoir.
  • [27]
    Michel Villey, La formation de la pensée juridique moderne, PUF, p.616 ss.
  • [28]
    Sécurité face aux autres individus, et non face à l’État.
  • [29]
    Je sais que "persevere diabolicum" !
  • [30]
    Dockès, Hobbes, op.cit., chapitre 7, 4.
  • [31]
    L’entreprise est peu présente chez Hobbes (elle est évoquée cependant à propos des compagnies commerciales) et le salariat moins encore (voluntary servants ou domestic servants qui travaillent contre un salaire).
  • [32]
    Et dans les deux cas, puisque le marché est "institué" par l’État, ses règles sont édictées, contrôlées par l’État etc…
  • [33]
    Et aussi un problème politique : pour Hobbes, ils constituent un danger extrême pour l’État.
  • [34]
    Finalement en retrouvant la doctrine des "deux corps du roi" d’E. Kantorowicz.
  • [35]
    Leviathan, Opera latina, ed. W. Molesworth, 1839-1845,t. 3, p. 202 (Hobbes écrivait "authoritas" en latin pour faire le lien avec l’anglais).
  • [36]
    Carl Schmitt, Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes (1938), Paris : Seuil, 2002 (préface de É. Balibar, postface de W. Palaver), p. 115.

1Jean Cartelier (ci-dessous JC) pose des problèmes difficiles, ce qui n’est pas sans renforcer le plaisir que j’ai eu à le lire et à prolonger le débat, en espérant qu’il s’ouvrira à d’autres. Comme on l’aura compris, s’il s’agit de Hobbes, il ne s’agit pas seulement de Hobbes.

  1. La discussion peut commencer dans la mesure où nous sommes d’accord sur la légitimité de la lecture rétrospective (ce qui n’enlève pas leur légitimité aux autres). J’aime assez la comparaison du théoricien et de l’artiste que JC reprend à Daniel Arasse [2]. Les lectures intéressantes sont énigmatiques, elles cherchent à résoudre des intrigues. Carlo Guinzburg a montré que la recherche historique, les lectures de "textes" au sens large (ou d’un tableau de Piero della Francesca par exemple), et toute herméneutique, s’apparentaient à une enquête policière. Et les intrigues vivantes sont les plus intéressantes. On peut lire Hobbes, non comme une curiosité du passé, non comme un précurseur dont on suivrait la lignée, mais comme un théoricien d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de lecture intemporelle ou "détemporalisée", puisque, au contraire, pour comprendre ce qu’il dit, il faut contextualiser (au sens précis et au sens large), décrypter parfois. Ainsi, en particulier, l’analyse stratégique de Hobbes se déploie dans le cadre du droit de son temps, dans la logique du droit naturel et des lois de nature, il s’y livre en ayant en tête une guerre civile fort présente, etc.
  2. L’énigme que pose Hobbes n’est pas une question mineure puisqu’il s’agit de la genèse logique de la Cité et au-delà d’un ordre institutionnel. En cela Hobbes n’est pas seulement le fondateur d’une philosophie politique et de la science politique, des sciences sociales et de l’économique, mais il est aussi le fondateur d’une économie possible, une économie qui articule le pouvoir et les contrats pour penser l’émergence d’un ordre institutionnel. Une économie qui s’est "fanée" prématurément entre les "wooden hands of the Scottish professor". L’interprétation par Smith du "Riches [...] is Power" hobbésien [3] réduit le pouvoir, pour l’essentiel, à un pouvoir d’achat. Smith retient cependant le pouvoir de marché ou de négociation (sur le marché du travail en particulier), mais il n’a plus de théorie du contrat (des covenants précisément, c’est-à-dire avec un décalage temporel des obligations). Ne retenant que l’échange instantané, le troc, il évacue la question de l’"enforcement des conventions" ou du comment tiennent les promesses. Le paradoxe est que l’économie ait pu se débarrasser de cette question tout en se définissant comme une science de l’échange !
Une économie du pouvoir, de la coercition, de la violence, donc de l’autorité et de la domination, a survécu dans les marges de la théorie économique (chez certains hétérodoxes, chez Marx, des auteurs institutionnalistes, behavioristes, les "radicaux" des années 1970 ou 80, et dans les théories des économistes historiens ou sociologues). Dans quelle mesure l’économie hobbésienne a-t-elle bénéficié d’une seconde naissance de nos jours avec les analyses stratégiques et les théories du contrat ? Dans quelle mesure est-il légitime de lire Hobbes avec cette grille ?

2Les théoriciens des jeux ne retiennent qu’une partie de l’héritage hobbésien et l’analyse du pouvoir est rabattue sur le seul pouvoir de marché (c’est-à-dire ce que Smith retenait lui-même), mais si l’analyse de Hobbes dépasse la théorie des jeux, une fraction de sa démarche est analysable en ces termes.

3Pour JC, Hobbes est non seulement "le véritable fondateur des sciences sociales et de l’économie", mais aussi celui qui "remet en cause les fondements de la théorie économique", sa possibilité même ; il serait le germe et le "venin". Non pas tant parce qu’en édifiant les bases de la discipline, il nous permettrait de nous interroger sur ces fondements, mais fondamentalement parce qu’il échoue dans sa tentative vaine d’une genèse logique de la société. Hobbes, "galiléen" s’il en est, est un tenant du principe de non-contradiction, du tiers exclu, et donc, eût-il réussi à sortir de cette aporie qu’il ne serait plus nécessaire de s’interroger sur ces fondements. Le "venin" serait-il cet échec fondateur ? Est-ce dans la mesure où la tentative de Hobbes de fonder la société sur une base individualiste échouerait, ne pourrait qu’échouer, que Hobbes sape les fondements de notre discipline ?

4Je pense que Hobbes a plutôt réussi l’impossible en articulant dans une instantanéité foudroyante les n(n-1)/2 conventions d’agence et le pouvoir de Léviathan ainsi institué. La démarche de Hobbes est étonnante puisqu’il démontre à la fois l’impossible auto-institution de la société ou l’échec de la coordination décentralisée dans la mesure où "something more is needed" [4] (un pouvoir commun qui tienne les hommes en respect) et la possibilité de produire ce manque de façon décentralisée. Il réussit ainsi le passage d’un jeu non coopératif à un jeu coopératif dans la mesure où les conventions instituent ce qui leur donne force. Un passage bouleversant [5], cependant pas autant qu’on pourrait le croire puisque l’état de nature n’a pas été aboli, qu’il reste présent sous l’état civil, comprimé par le couvercle étatique.

5Les économistes ont tenté de rendre Hobbes "fréquentable". Comment ? À mon sens, essentiellement en revenant à l’auto-institution décentralisée de la société, en "oubliant" le pourquoi de son échec, en faisant comme si ce qui permet à la Cité instituée de fonctionner (les contrats ayant force par l’État) était de même nature que ce qui permet d’instituer cette société. Ils ont voulu "capturer Léviathan" (mieux vaut dire "lier Béhémoth") en expliquant que les promesses prennent force de façon endogène (sans l’intervention d’un tiers en surplomb) du fait des risques de représailles, des effets de réputation, par l’ostracisation, en un mot par l’intervention de la "morale utilitaire". Si cette analyse est explicitement faite par Hobbes (dans sa théorie du Fool), il en récuse non moins explicitement les conclusions en prenant en compte les passions (surtout comparatives).

  1. Ce sont les individus qui construisent Léviathan, qui créent le dieu mortel fait d’eux tous. Dans l’épure, il n’y a au départ que des individus se regardant l’un l’autre, cherchant à passer des pactes et n’y arrivant pas et qui donc restent dans cette défiance généralisée qui est l’état de guerre de chacun contre chacun. Mais l’individualisme méthodologique et philosophique de Hobbes n’est pas un individualisme "pauvre" du type "homo economicus", établissant dans l’isolement sa fonction de préférence. Pour Hobbes, une telle hypothèse serait simplement sans intérêt. Par la capacité des individus à produire un ordre institutionnel qui modifie la logique des rapports de pouvoirs, donne force aux contrats (et les rend possibles), l’individualisme hobbésien peut être défini comme un "individualisme institutionnel" [6].
Quels sont les individus de la multitude ? Sont-ils les mêmes que ceux de la Cité ? Selon Hobbes, oui indubitablement. Il faudrait donc les définir indépendamment des relations sociales différentes dans l’état de nature (ou de multitude) et dans le Commonwealth (ou la Cité). JC me fait le crédit de ne pas tomber dans ce simplisme. La réponse se développe à deux niveaux :
  • D’abord, ce sont les mêmes en ce qu’ils sont toujours des machines désirantes qui recherchent ce qu’elles estiment être un bien (inversement repoussent ce qu’elles estiment être un mal), qui font effort (endeavour, conatus) pour persévérer dans l’être, d’où la peur de la mort qui est peur de la perte de leur potentiel de jouissance. D’où le caractère utilitaire de l’économie politique hobbésienne : ce qui est juste, c’est ce que l’individu estime[7] lui être utile (à l’état de nature bien sûr, puisque, à l’état civil, le juste est ce que l’État définit comme tel). Des machines désirantes qui, en plus des autres animaux, calculent stratégiquement (certains animaux en sont d’ailleurs capables). Mais bien sûr la relation à l’autre intervient, et pas seulement dans l’hostilité, avec en particulier les passions comparatives, comme intervient leur histoire avec les autres, l’expérience mère de la prudence, etc.
Il est donc possible de dire que les individus ne sont pas différents à l’état de nature et à l’état civil dans la mesure où ils sont déjà socialisés à l’état de nature. L’individu dans "l’état de multitude" de Hobbes n’est pas un atome isolé, ce n’est pas le sauvage de Rousseau "se rassasiant sous un chêne, se désaltérant au premier ruisseau, trouvant son lit au pied du même arbre" (celui du pur état de nature originel où "il n’a aucune espèce de commerce", est sans famille, s’accouple et quitte sa femme comme les animaux, n’entretenant donc aucun conflit d’aucune sorte). Non seulement l’autre est toujours là en acte (des trocs, des alliances, des associations certes instables, des "petites" familles, et il y a des états de nature de deuxième degré, entre des Cités), mais aussi en esprit (les passions comparatives, l’envie, la peur, et la peur spéculaire de l’autre), d’où la défiance généralisée. Et leur socialisation s’exprime particulièrement lorsqu’ils s’assemblent pour le contrat social, d’où l’existence présupposée d’une agora. La seule chose qu’ils ne peuvent avoir, ce sont des contrats qui les lient vraiment, comme une chaîne (logiquement, il ne se forme pas de conventions valides, pratiquement, il se forme des accords qui ne tiennent pas, ou guère : dès qu’on a le dos tourné, on risque de prendre un coup de couteau !).
  • En second lieu, et inversement, il est possible de dire (ce que remarque JC) que les individus de l’état de nature sont les individus de l’état civil, mais placés dans une situation dégradée du fait de la crise de l’État, de la guerre civile. En effet, historiquement (la guerre civile anglaise) et logiquement, Hobbes part explicitement de la société constituée (cette mécanique comme l’horloge) et il la décompose en ses éléments (rouages, ressorts, etc., les individus et leurs liens institués). Ce ne sont pas les sauvages de la multitude qui se civilisent, ce sont les civilisés qui s’ensauvagent : les sauvages sont les Anglais de son temps (il n’en faut pas moins régénérer l’État, l’ordre institutionnel).
  • Cependant, les individus ne pourraient être les mêmes à l’état de nature et dans la Cité s’ils avaient transféré leurs pouvoirs au souverain (ne retenant que leur droit naturel de se conserver en vie, plus ou moins extensivement défini). La démonstration visée par JC de l’impossibilité du contrat d’agence, ou de la nécessité du transfert ou de l’abandon de pouvoir (ce qui était la solution du "contrat de soumission" dans les Elements et dans le De Cive) devient importante : elle mettrait en échec Hobbes [8]. Heureusement, grâce à la solution enfin trouvée dans le Léviathan, les individus n’abandonnent pas leurs pouvoirs entre les mains de l’État, mais tous les authors (contrat omni-principaux) désignent un mandant, l’actor.
  • Les individus sont d’autant plus les mêmes en l’état civil qu’en l’état de nature que celui-ci se perpétue sous le couvercle de Léviathan. En effet, Spinoza note que l’état de nature reste présent ou sous-jacent dans la Cité (il pense que c’est son apport, mais c’est très présent chez Hobbes), simplement il s’est constitué un pouvoir sans commune mesure avec ceux des individus, et il est illégitime pour ceux-ci de se dresser contre ce pouvoir de l’État (puisqu’il est eux en acte). Dans les relations entre les sujets et le souverain, il n’y a plus qu’un pouvoir effectif et, dans les relations entre les sujets, le jeu des pouvoirs se continue à petits frais tant que l’État laisse faire. Dans la mesure où l’État ne l’interdit pas ou n’en prend pas directement le contrôle, il y a toujours accumulation de pouvoirs après pouvoirs dans les rapports entre sujets.
  • C’est probablement pour cela que la solution par l’institution de l’État reste instable dans le long terme (une stabilité seulement au voisinage de l’équilibre). Pessimisme de Hobbes : on retomberait finalement sur le seul équilibre stable à long terme, l’état de nature.
  • Dernier point : faut-il nécessairement "définir les individus indépendamment des relations qu’ils ont entre eux" pour "rendre raisonnable l’idée d’une genèse logique de la société se faisant à partir d’éléments constitutifs pensables antérieurement à toute socialisation" ? N’est-ce pas le "diktat" de l’individualisme méthodologique qui dit "entre nous et le holisme" il n’y a rien (comme Malraux jadis : "entre les communistes et nous, il n’y a rien") ?
Le modèle hobbésien n’est pas "pur" : ni purement individualiste méthodologique, ni le développement d’une pure logique formelle. Il suppose même quelques évolutions (à la façon dont Rousseau présentera son état de nature). Il faut bien qu’un certain jour, les individus de la multitude se réunissent en une assemblée, constituent une agora, un espace public au sens d’Habermas, se donnent même des règles. Il a fallu un temps, un temps historique, de "guerre de tous contre tous", des échanges de paroles, pour qu’ils en arrivent là. Cela dit, on sait quels sont les ennemis de Hobbes, la scolastique aristotélicienne, l’"aristotelism" (plus que le texte d’Aristote même, et il continue de raisonner largement avec lui, même contre lui), l’essentialisme, les "Idées", ces "esprits" (il joue sur le sens du mot "spirit"), ces fantômes et ces spectres du royaume des ténèbres, le holisme. Finalement, l’individualisme de Hobbes n’est pas "contractualiste" au sens défini par D. Gauthier ; il s’agirait plutôt d’un "individualisme institutionnel" à la Agassi.

6S’il y a une opposition chez Hobbes entre nature et civilisation (elle était plus présente dans ses premiers écrits et surtout dans les représentations du frontispice [9]) et si la nature lui fait horreur, l’hostilité généralisée n’est pas due à la nature de l’homme, mais à une logique de situation qui les piège (l’état de multitude comme équilibre stable, comme le dit JC) parce que manque quelque chose, l’État qui tient les hommes en respect. Cela prouve que le rapport à l’autre reste essentiellement le même, et qu’on ne peut avoir confiance en l’autre, et savoir que les autres vous font confiance, que parce qu’il y a l’État qui garantit les promesses qu’il estime légitimes.

  1. "Pierre Dockès voit dans l’ensemble des contrats bilatéraux établissant le Léviathan une analogie avec le contrat d’agence de la théorie moderne des contrats […]. PD a certainement raison de souligner que le souverain n’est pas partie au contrat mais cela pose la question de la souveraineté : pourquoi les individus doivent-ils obéir au souverain (ce qui est connu comme le Warrender’s problem) ? Quel est le type d’engagement que prend chacun des n individus lorsqu’ils concluent entre eux simultanément les n(n-1)/2 contrats bilatéraux formant le contrat social ?"
Dans le Léviathan, les individus de la multitude s’engagent à faire de l’un d’entre eux (ou d’une assemblée) leur actor (Representer ou agent), ils lui donnent pouvoir de les gouverner, ils l’autorisent (presque) sans limites, lui donnent tous les pouvoirs (sauf en ce qui concerne le droit naturel de préserver leur vie largo sensu) de façon (quasi) irréversible, à condition que les autres en fassent autant. C’est un contrat d’agence [10] qui institue un "Commonwealth by institution" (l’expression est révélatrice), même si c’est un contrat d’agence étrange (encore que moins étrange dans l’esprit du temps).

7D’abord, dans l’esprit de Hobbes et dans la lettre, il s’agit bien d’un contrat d’agence [11]. Hobbes est conscient d’avoir opéré une révolution intellectuelle et il la prépare dès le dernier chapitre (chap. XVI) de la première partie du Léviathan (Of Man) intitulé "Of Persons, Authors, and the things personated". Si la domination donne un droit d’agir du fait de l’appropriation, l’autorité reçue donne à l’actor ("a Representer, an Attorney, a Deputy, a Procurator, and Actor, and the like", p. 218) un droit d’agir au nom de l’author. "So that by Authority, is alwayes understood a Right of doing any act : and done by Authority, done by Commission, or Licence from him whose right it is. From hence it followeth, that when the Actor maketh a Covenant by Authority, he bindeth thereby the Author, no lesse than if he had made it himselfe" (p. 218). Et par ces contrats d’agence donnés par chaque individu de la multitude à un représentant, un contrat omni-principaux, la multitude fusionne en une personne ("A multitude of men, are made One Person, when they are by one man, or one Person, Represented", p. 220), elle se fait le peuple par cette personnification et le souverain est le peuple en corps (rex est populus en ce sens ironique).

8En second lieu, il s’agit d’une profonde modification de la pensée de Hobbes. La solution du transfert effectif des droits était celle des Elements (les individus abandonnent par une convention leur pouvoir entre les mains d’un maître) et du De Cive (ils s’engagent à ne pas résister). Hobbes connaît bien la vieille solution depuis le Moyen âge des deux contrats successifs, le contrat d’association, signé par chacun avec chacun (horizontal), suivi d’un contrat de soumission (de chacun avec Un). Il ne la trouve pas satisfaisante pour plusieurs raisons. Le contrat d’association ne tient pas solidement. Le contrat de soumission fonde un "despotic dominion", il trouve son principe, lui aussi, dans la peur, non des autres mais envers le maître. C’est un contrat de quasi-propriétaire (dominus) qui soumet les vaincus au vainqueur. JC, en faisant des n(n-1)/2 covenants des conventions de soumission, élimine la distinction de fond entre les deux formes de Cité. Enfin, et JC le voit clairement, s’ils se dépouillaient de leur pouvoir entre les mains du souverain, les individus du Commonwealth ne seraient plus du tout ce qu’ils étaient dans la multitude. Ils seraient amputés de l’essentiel de leur être, le pouvoir. Dans le Léviathan, on n’a pas à "renoncer à ce que l’on est en état de multitude [pour] accéder à ce que l’on est en état de Commonwealth" (JC). Les sujets ne renoncent pas à ce qu’ils sont puisqu’ils ne font que "mandater". Ils restent ce qu’ils sont, ils gardent ce qu’ils ont, leur pouvoir [12], même s’ils ont donné pouvoir à l’État de les gouverner, et dès lors l’état de nature se continue sous, ou dans, l’état civil (le débat instauré par Spinoza [13]). Mais 1) les sujets n’ont qu’un pouvoir infime contre l’immense pouvoir du Dieu mortel qu’est Léviathan ; 2) ils ne peuvent actionner leur pouvoir légitimement puisqu’ils ont donné mandat et que l’on ne peut agir contre son mandataire, c’est-à-dire contre soi-même [14]. Le souverain n’est pas propriétaire des pouvoirs des sujets, il est littéralement comme l’acteur qui sous le masque [15] personnifie au théâtre ce qu’a voulu l’auteur. Toute notre tradition politique, via Spinoza, Locke, Rousseau, est née de cette mutation intellectuelle.

9Certes, avec Hobbes, il s’agit d’un contrat d’agence particulier où le mandat est presque général (mais il reste légitime d’utiliser son pouvoir pour sauvegarder sa vie) et presque définitif (mais si le souverain ne protège pas les sujets de la guerre civile et de l’étranger, la convention s’éteint). Tous les individus de la multitude donnent pouvoir au souverain pour les gouverner, au sens où ils le mandatent ; ainsi ils lui confèrent un immense pouvoir, mais ils restent propriétaires de leur pouvoir. Ils instituent ainsi une sorte de tutelle sur eux-mêmes.

10Est-ce si différent de signer un contrat d’autorisation quasi-général et quasi-définitif constituant une tutelle (je donne mandat à x de me gouverner) ou un contrat qui transfère définitivement le pouvoir (comme les esclaves qui se donnent par contrat à un maître) ? Pratiquement non, et Hobbes insiste : le "Commonwealth by institution" n’est pas moins absolu que le Dominion, les sujets n’y ont ni plus ni moins de liberté. Mais sur le plan théorique, on est dans un autre monde [16], même si, comme tous les grands découvreurs de continents, Hobbes a encore un pied dans l’ancien monde. Il veut insister sur l’idée que la personne collective instituée (la personne morale qu’est le Commonwealth) est personnifiée par une personne, homme ou assemblée. Il n’envisage donc pas d’autre transmission du mandat que la reproduction naturelle (hérédité s’il s’agit d’un individu), la vente ou l’effondrement du Pouvoir et l’ascension d’un nouveau "Protecteur" (après l’effondrement des royalistes, le ralliement légitime à Cromwell) et il ne veut pas distinguer entre l’institution de l’État qui est pérenne et la désignation d’un représentant qui peut être renouvelé. Hobbes n’est pas démocrate ! Mais si le souverain n’est pas responsable devant le peuple, il est légitime comme représentant du peuple et non comme dominus ou comme pater familias, encore moins comme de droit divin.

11La théorie de Hobbes est problématique. Le souverain ne signe rien, pourquoi ? Et dès lors comment se fait-il obéir ? Par quel miracle des covenants passés à l’état de nature prennent-ils force alors que Hobbes a démontré le contraire, l’instabilité ou l’impossibilité de ces conventions, particulièrement des pactes d’association ? Comment parvenir à ce que tous les individus signent ?

12Le souverain ne signe rien. Hobbes veut éviter que sa capacité à remplir ses obligations puisse être discutée devant un tribunal (l’horreur politique pour lui). Mais s’il ne signe pas, il a cependant des obligations puisque, s’il ne protégeait plus, il s’évanouirait. Mais, observe JC, "en ne faisant pas du souverain une partie au contrat, Hobbes se trouverait dans l’incapacité de fonder ses droits sur ses sujets". Dès lors pourquoi "les individus doivent-ils obéir au souverain ?" (le problème de Warrender).

13Sur le terrain du droit, ils doivent l’obéissance parce qu’ils ont signé un contrat. Un contrat unilatéral, et non synallagmatique, mais qui engage aussi bien. Précisément un covenant au sens de Hobbes puisqu’il s’agit d’une obligation à terme, une promesse de faire ou de ne pas faire (de se laisser gouverner, d’obéir). Dans l’état civil, il n’est pas d’autre droit, pas d’autre justice que ce que l’État dit être le droit, la justice. Le sujet ne doit pas respecter ses contrats parce qu’il s’agit d’une loi naturelle (c’est le débat à l’état de nature), mais parce que l’État impose "pacta sunt servenda"[17].

14Non seulement l’État a le droit de se faire obéir parce qu’en désignant le souverain comme agent (actor, Representer, etc) par les covenants d’autorisation, les individus de la multitude (maintenant sujets) lui ont donné pouvoir (un mandat) de se faire obéir, mais fondamentalement il a ce droit parce qu’il en a le pouvoir (la capacité). Pas de droit sans pouvoir [18]. Redisons-le, l’état de nature continue sous la société civile. Une fois institué, l’État est seul à avoir un tel pouvoir, sans commune mesure avec ceux des sujets. Non pas le monopole du pouvoir, ou de l’emploi de la violence, mais une asymétrie immense, et le monopole de la violence légitime (par le mandat reçu).

15D’où vient ce pouvoir inouï ? Comment se fait-il qu’il soit stable ? C’est évidemment la question fondamentale. Léviathan tient dans sa main le pouvoir uni de tous, celui de la "grande coalition" autoritaire née du contrat d’agence et de la soudaine fusion de la multitude en un, un corps, le peuple uni dans la personne du souverain (homme ou assemblée) qui personnifie chacun et tous. Regardons cela de plus près. Les covenants d’autorisation sont valides parce que consentis (même si c’est la peur des autres qui l’arrache, cela n’enlève rien à leur validité [19]), mais encore faut-il qu’ils aient force (sinon, ils seraient "vides") !

16Bien entendu, les covenants ne sont pas "enforced" seulement parce que tout le monde a intérêt à ce que le contrat tienne. On n’est pas en présence d’un self-interested agreement, d’une question de "pure coordination", mais d’une situation où les intérêts de chacun sont divergents et (pour changer un peu la formulation de JC) : chacun s’attend à ce que les autres ne respectent pas le pacte, et donc il ne le respecte pas (essayant de "tirer" le premier ou de "se tirer le premier") et, dans le cas où les autres le respecteraient, il a intérêt à ne pas le respecter. Comme toutes les conventions de paix ou d’association passées à l’état de nature, le social contract de Hobbes repose sur cette logique. La question du free riding ou de l’opportunisme (les diverses formes d’opportunisme) est donc centrale. Et, ce qui fait tout l’intérêt du problème et de la solution, Hobbes n’introduit rien d’extérieur à l’état de nature où la coordination échoue fatalement : l’État ne tombe pas du ciel de l’Histoire. Alors qu’est-ce qui fait que ce social contract va avoir force ?

17C’est qu’il crée le pouvoir qui lui donne force. Le souverain, l’agent de tous les principaux parce que tous lui "donnent pouvoir", va détenir le plus grand des pouvoirs qui soit sur terre par cette formation de la coalition "autoritaire" [20], ce géant artificiel qui est fait de tous les individus agrégés sous le chef du souverain. L’état de multitude est un jeu où la coordination échoue, où les pactes de paix ou d’association s’effondrent dans la rivalité caractéristique de cet équilibre de Nash tragique. Hobbes avait précisément montré que la solution "libérale - libertaire" du partage "du tien et du mien", du recours au seul contrat pour la redistribution des biens, même à partir de la seule clé de répartition efficiente en cet état de nature, l’égalité, échoue fatalement : "something more is needed" ! Par le contrat social, en revanche, il réussit à passer d’un jeu non coopératif à un jeu coopératif où les pactes tiennent, sans rien introduire d’extérieur à l’état de multitude, mais les conventions d’autorisations tiennent de ce qu’elles instituent : c’est la solution par la clé de voûte, par l’instantanéité, le "fiat".

18Si Hobbes réussit ce "saut", peut-être est-ce parce que ce n’est pas un nouveau jeu ? L’état de nature continue dans (ou sous) l’état civil, les règles sont les mêmes (la force fait le droit, à cette différence que Léviathan, parce qu’il est doté d’un pouvoir immense, impose le sien) et les acteurs sont les mêmes. Il n’y a même pas véritablement un acteur nouveau. Cela peut paraître surprenant, mais si on y réfléchit, on observera que le géant artificiel qu’est Léviathan est non seulement fait par les hommes, mais fait de tous les hommes : il n’est rien d’autre qu’un lien, une tête et une organisation. Les conventions qui instituent le Commonwealth n’instituent qu’une coalition autoritaire, ou Union (par opposition aux associations, societas ou Consents). Ce Dieu est un lien (une chaîne, les fers) et ce lien est un "Dieu lieur" (pour reprendre l’expression de Dumézil) en donnant force aux contrats et par la loi. Les hommes créent un lien qui donne sa solidité aux liens, et d’abord à celui qu’ils créent. Si ce n’est pas un "acteur" nouveau, mais une institution [21], il ne peut qu’exprimer la volonté générale [22].

19Tous les individus de la multitude doivent signer. Chacun en effet s’engage à condition que tous les autres s’engagent. C’est une des difficultés de l’argumentation, secondaire pour mon projet explique JC, "mais importante dans une optique critique : on voit mal comment à partir de relations bilatérales une unanimité peut être obtenue". Un premier type de free riding va être, en effet, de laisser les autres s’engager sans s’engager soi-même. Il sera impossible d’obtenir l’unanimité ; ni même aisément une majorité. Si celle-ci n’est pas atteinte, les individus restent à l’état de multitude. Ce n’est pas un problème théorique (mais pratique, d’où la difficulté à parvenir à l’institution du Commonwealth : il faudra une autre tentative). Si la majorité est atteinte, la règle est que la minorité s’incline.

20D’où vient cette règle de la majorité ? Elle a dû être votée et nécessairement à l’unanimité. Il s’agit là d’une objection forte formulée par Jean-Jacques Rousseau (Hobbes retombe sur le double contrat : a) la convention de majorité qui doit être établie à l’unanimité et b) les conventions d’autorisation où la majorité suffit). La question est donc difficile.

21D’abord comment, en l’absence d’une possibilité d’obtenir un vote à l’unanimité, sauver le processus ? Hobbes a vu le problème.Il n’est pas parfaitement convaincant, et d’autant plus qu’il crypte volontairement son argument. Dans les Elements, il avait fourni une solution : la majorité n’est pas une règle votée par les individus assemblés ; c’est une règle qui précède cette réunion, une règle primordiale, une convention (au sens de Lewis) qui est toujours déjà là (à la manière de "premier arrivé, premier servi") et c’est la convention de … la démocratie "where the votes of the major part involve the votes of the rest, there is actually a democracy"[23]. Mais alors la démocratie est préalable, primordiale, et Hobbes préfère jeter un voile pudique sur cet aspect dans le Léviathan[24].

22En second lieu, que se passe-t-il si, malgré la convention de majorité, certains individus ne signent pas ? L’État n’en aura pas moins été institué (à l’instant où la majorité a signé et où l’unanimité est censée avoir été atteinte) et si certains claquent la porte, ils seront aisément éliminés par l’Union car isolés [25]. Terreur ! Le free riding, naturellement, se développe aussi dans le Commonwealth. Certains vont vouloir profiter de la protection sans assumer les coûts (payer les impôts, aller à la guerre). Même dans les guerres étrangères, où tout le monde a intérêt à la victoire, cela ne signifie pas que chacun soit prêt à sacrifier sa vie. Ils vont donc "tirer au flan". Certains collaboreront-ils activement (maximisant leurs efforts au service de la République, dans la guerre se battant courageusement …) ? Seulement s’ils y trouvent leur intérêt apparent. Au-delà des bénéfices attendus, de la peur d’être repérés et punis, au-delà de la terreur qu’inspire Léviathan, ont-ils le sentiment d’appartenir à un ensemble, développent-ils un patriotisme de corps ? Faut-il faire le lien avec la révérence due à l’État comme à un dieu mortel, d’où procéderait une volonté positive de l’assister en acceptant les coûts, sans toujours penser aux risques d’être châtié ? Non, il n’y a aucune place pour un patriotisme de corps.

23Il n’y a donc que deux réponses :

  1. la terreur face à Léviathan ou la peur des sanctions ;
  2. l’intérêt estimé et "a general inclination of all mankind, a perpetuall and restlesse desire of Power after power, that ceaseth onely in Death" (Lev., p. 161), une accumulation de pouvoirs [26] qui se poursuit dans la Cité où il y a lutte pour les charges, les richesses, les honneurs, la gloire, compétition pour obtenir des supérieurs, et d’abord du souverain lui-même, protection et subsides (en leur offrant pour cela son or et son épée), une "guerre" mitigée par la commune soumission aux lois et au pouvoir discrétionnaire de l’État.

5 – Le "venin" de Hobbes

24Michel Villey est un critique sévère du nominalisme de Hobbes. Celui-ci est devenu, écrit-il [27], la charpente de la pensée juridique moderne, et nous pourrions transposer en disant qu’il l’est également, et pour les mêmes raisons, de la pensée économique moderne : "Rien de plus propre que l’ingénieuse machine imaginée par lui pour servir les buts que l’élite bourgeoise libérale moderne assignait au droit [transposons : à l’économie] : utilité, sécurité des possessions individuelles […]. L’utilité individuelle est au mieux servie, à supposer que l’homme gagne vraiment à se penser et se cultiver seul, abstraction faite de son prochain et de la justice sociale, que notre véritable intérêt soit, comme le suppose le système de Hobbes, de tout réduire à notre intérêt". Et plus loin "Hobbes savait bien qu’il brisait avec Aristote, et à l’entrée de sa doctrine, avant même de s’attaquer à la question de la politique, il avait choisi en faveur d’une science arbitrairement mutilée, qui renonce à voir dans le monde l’ordre des ensembles et postule que l’individu seul existe […]. Suite fatale du nominalisme : de même que partant de l’individu, on ne peut aboutir au droit comme juste partage et proportion, mais seulement au "droit subjectif" solitaire de chaque individu, de même une loi qui est l’expression d’une volonté individuelle est impuissante à ordonner des relations justes […] Quiconque construit sur ces principes est voué à l’échec". L’échec de Hobbes serait-il l’échec des "droits subjectifs" et de sa sœur, l’économie subjective ou libérale, ou l’économie tout court ?

25Ce n’est pas la critique de JC à Hobbes, puisqu’il explique au contraire que les fondements de Hobbes ne sont pas ceux de l’économie, que les économistes opèrent une réduction pour éviter l’aspect le plus fondamental, l’aspect constitutionnel. Mais c’est la critique de la conception que les économistes ont de Hobbes. Je n’y serais pas - selon JC - tombé (ma conception de l’individu socialisé me sauverait), mais un peu tout de même puisque je discute Hobbes dans le cadre de la théorie des jeux, de la théorie des contrats, de l’économie. Pour résumer ce que j’ai voulu dire, Hobbes est un élément essentiel de la charpente de l’économie politique (liberté, égalité, utilité, force des contrats et sécurité de la propriété [28] par l’État), son œuvre a une impressionnante parenté avec l’analyse stratégique et la théorie des contrats, mais il va plus loin, et ailleurs, en pensant l’ordre contractuel (au sein duquel la théorie économique a sa place) et par une théorie de la genèse logique de cet ordre institutionnel (comme Marx par une théorie de la genèse historique d’un mode de production, cette forme d’ordre institutionnel). En cela, en cela seulement, il est un critique de l’économie politique sans cesser d’être un économiste stratégique.

26Je le disais au début, l’analyse du pouvoir par les économistes, pour l’essentiel, se résume au seul pouvoir de marché et la théorie des jeux ne retient qu’une partie de l’héritage hobbésien. Si Hobbes ne se résume pas à cela, son analyse est stratégique et la guerre de tous contre tous est un équilibre de Nash dans un jeu unique du dilemme du prisonnier, comme l’analyse du Fool est l’émergence d’une solution coopérative (ou de la morale utilitaire) dans ce jeu joué un nombre de fois indéfini (et par les voies retenues aujourd’hui : représailles, réputation, ostracisation) [29]. Étant bien entendu que les passions, surtout comparatives, troublent le jeu, mettent en péril la solution.

27Ceci dit, le problème de Hobbes, celui de la genèse logique de la Cité, ou plus généralement d’un ordre institutionnel stable, n’est pas un problème que l’économie standard puisse traiter sans faire intervenir, au-delà de l’économie des contrats, le pouvoir et l’autorité, et ce que j’appellerai un "pouvoir instituant". En d’autres termes, il est problématique d’appliquer l’analyse de la logique de fonctionnement dans un cadre institué à l’analyse de la genèse des institutions. La théorie des contrats ne peut y arriver à cause de l’aporie hobbésienne : les contrats n’ont pas de force sans l’État et des conventions ne peuvent l’instituer sans cette articulation en clé de voûte entre les n(n-1)/2 covenants et l’émergence d’un pouvoir suprême qui leur donne force.

28En ce qui concerne l’émergence d’institutions ou d’organisations autoritaires de rang plus modeste, dès lors évidemment que l’on quitte la coordination pure (la formation des conventions au sens de Lewis), elles ne peuvent émerger des choix des individus, des covenants, de la coordination décentralisée que si elles créent un "État", c’est-à-dire un pouvoir de sanctionner qui donne force au lien créé. D’où l’importance du chapitre XXII du Léviathan sur les "Systems" [30]. En ce qui concerne ce qu’il nomme les systèmes réglés (ou coalitions autoritaires) subordonnés à l’État, le "fiat" de l’État règle (pour l’essentiel) la genèse. La plupart des systems réglés privés nécessitent l’État (pratiquement et logiquement) : si nous transposons [31] à notre époque, l’organisation de type hiérarchique (entreprise) ne peut naître logiquement d’une équipe à la Alchian-Demsetz que : a) si l’État délègue son pouvoir de subordination ; b) ou s’il s’agit d’un "dominion despotical" lié à la propriété privée, donc encore à l’État qui la fait respecter. Le choix williamsonien markethierarchy n’est choix que sous la houlette de l’État [32]. D’une certaine façon, mêmes privés, ces termes sont "subordonnés".

29Mais la genèse de systems réglés pleinement privés, donc d’une autorité, d’une "souveraineté" privée, pose le problème logique de Hobbes [33]. La mafia (les bandes organisées de voleurs, de mendiants et de bohémiens de Hobbes) y arrive en mettant en œuvre un pouvoir de coercition de type étatique. Mais sinon ? Comment peuvent-ils devenir de véritables Unions par des covenants qui ne peuvent être "enforced" que par les seules armes du pouvoir de marché et de l’ostracisation, qui sont les moyens d’agrégation des simples associations (systèmes non réglés, Consents, ligues, alliances) ? Pour qu’il y ait stabilité de l’ordre institutionnel "something more is needed", un pouvoir qui tient les individus en respect, un pouvoir de coercition, un substitut (éventuellement "en moins tragique") à la terreur envers Léviathan ?

30La leçon de Hobbes est active dans la mesure où il a réussi la genèse logique d’un ordre institutionnel (même si son coup de génie a quelques aspects d’un coup de force, même si ce "dieu mortel" peut sembler un Deus ex machina !). La genèse logique de la Cité suppose que le contrat de représentation puisse générer l’État qui lui donne force, que les individus ne soient pas mutilés de leur pouvoir tout en instituant le Pouvoir. Sur le terrain politique, grâce aux "hobbésiens – anti-Hobbes" (Spinoza, Rousseau, Locke), la démocratie a satisfait au cahier des charges en distinguant l’institution de l’État et la responsabilité du souverain, homme ou assemblée [34] (Hobbes a donné naissance à "son contraire" parce qu’il y était en germe). Sur le terrain de notre discipline, Hobbes rend possible sa fondation, il est à la fois le théoricien d’une autre économie et un critique de l’économie politique.

31Je voudrais terminer sur un aspect essentiel : le statut de la vérité, donc de la science. JC écrit : "Les économistes ont une bonne raison de vouloir domestiquer le Léviathan. Cette raison n’est pas seulement idéologique (le doux commerce) mais aussi rationnelle. Le Léviathan ruine potentiellement le projet d’une science sociale tout en le fondant. Le caractère absolu que la souveraineté a chez Hobbes s’oppose à l’idée que la société obéit à des lois objectives : c’est le souverain qui édicte les lois, c’est lui qui institue le marché. Il n’y a pas de norme au-dessus de la loi positive qui la justifierait. […] Comment pourrait-il y avoir une science en présence d’une telle indétermination ? […] Les économistes ne peuvent souscrire totalement à la pensée de Hobbes car, ce faisant, ils s’interdiraient de rechercher les lois objectives auxquelles est soumise la société."

32On en arriverait au venin le plus concentré, celui qui fragilise le statut de la vérité. Pour Hobbes, il n’y a pas d’autre Droit à l’état de nature que la force et la ruse, pas d’autre Juste à l’état civil que celui que dit l’État (encore et toujours la force). Ce qu’il dit du juste l’est-il du vrai ? "Authoritas, non veritas facit legem"[35]. Carl Schmitt reprend souvent la formule de Hobbes. Ainsi par exemple : "Mais, là aussi, Hobbes, le grand décisionniste, accomplit un tournant typiquement décisionniste : “auctoritas, non veritas”. Rien ici n’est vrai, tout ici est commandement" [36].

33Pour Hobbes, cependant, il ne s’agit là que de la vérité publique. Si l’État veut que ses sujets croient aux miracles, agissent comme s’ils y croyaient, les miracles deviennent le "vrai public". En son for intérieur, cependant, l’individu n’est pas obligé d’y croire, il peut cultiver le vrai. Et Hobbes s’amuse et nous amuse, dangereusement d’ailleurs pour sa sécurité, insistant sur le fait que les prétendus miracles sont toujours du type "l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme …". Chacun doit pourtant affirmer le "vrai public", celui de la Cité.

34La sentence de condamnation de Galilée a été signée par les cardinaux inquisiteurs le 22 juin 1633, et la phrase célèbre "Eppur si muove !" immédiatement répétée sous le manteau. Trois ans plus tard Hobbes rencontre Galilée. "Elle tourne", mais si l’État veut que l’on dise qu’elle ne tourne pas, Hobbes estime que chacun doit s’y conformer, non seulement par prudence du côté de l’individu (la position de Galilée), mais parce que le pouvoir des Inquisiteurs d’Église et d’État d’imposer le Vrai public est légitime (tant qu’il ne régit pas le for intérieur). Une position indéfendable (il légitime les Inquisiteurs), sans doute, et qui n’est pas favorable au développement de la recherche, très probablement, mais le vrai est vrai malgré tout !

35On peut ajouter que Hobbes qui s’avouait lâche a écrit le Léviathan qu’il estimait être l’alpha et l’oméga de la science politique en prenant de grands risques ; il contredisait le "vrai" politico-théologique de l’époque en affirmant publiquement ce qu’il estimait avoir démontré être le vrai. Heureusement, il avait la protection des Cavendish, puis probablement une certaine bienveillance éclairée de Cromwell, enfin l’amitié de son ancien élève, le roi Charles II. Son pouvoir de dire publiquement le "vrai" s’abritait sous leur pouvoir.

Notes

  • [1]
    Université Lyon 2 Lumière, Triangle.
  • [2]
    Leur parenté tient peut-être à un commun déconstructivisme.
  • [3]
    Leviathan, ed. C. B. Macpherson, Pelican Books, 1968, repris en Penguin classics, 1985, p. 150. Ce que Smith retranscrit par "Wealth is power" (Wealth of Nations, Glasgow edition by R H. Campbell et A. S. Skinner, Vol. 1, Oxford : Oxford UP, 1976, p. 48, n. 9.
  • [4]
    De Cive, V, 4, English Works, ed W. Molesworth, t. 2, p. 71.
  • [5]
    Ce basculement est passage d’une convention (au sens de Lewis) où la non-paix est Common Knowledge à une convention où le respect des accords et la paix le sont.
  • [6]
    De même l’entité qu’ils génèrent, ce "corps" animé, ce géant mécanique fait de tous et qui est plus que tous, loin d’être un ensemble holistique, est un "lien", une institution (cf. infra).
  • [7]
    D’où les problèmes de cognition, de myopie, le rôle des passions …
  • [8]
    En échec, mais pas mat. Même s’il y avait contrat de soumission, abandon de son pouvoir entre les mains d’un maître, il n’y aurait pas abandon du droit naturel de défendre sa vie, son corps, sa famille, ses biens, un droit naturel qui définit l’individu : il conserve donc l’essentiel.
  • [9]
    Horst Bredekamp, Stratégies visuelles de Thomas Hobbes : Le Léviathan archétype de l’État moderne, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2003.
  • [10]
    Pas seulement une analogie, je sens que j’aggrave mon cas !
  • [11]
    Jean Hampton, Hobbes and the Social Contracts Tradition, Cambridge, Cambridge U P, 1986.
  • [12]
    On ne trouve pas la thèse rousseauiste selon laquelle ils abandonnent leur pouvoir à l’État qui le leur rend selon une autre clé de répartition, celle de l’utilité publique (telle qu’elle est estimée par le souverain). En revanche, l’État distribue les biens (les terres) en fonction de sa clé (discrétionnaire) de répartition, et il peut la modifier en cours de partie s’il estime que c’est l’intérêt public.
  • [13]
    Après avoir écrit son Tractatus politicus, dans une lettre à Jarig Jelles, Spinoza écrit : "vous me demandez quelle différence il y a entre Hobbes et moi quant à la politique : cette différence consiste en ce que je maintiens toujours le droit naturel et que je n’accorde, dans une cité quelconque, de droit au souverain sur les sujets que dans la mesure où il l’emporte sur eux par le pouvoir (potentia) : c’est la continuation de l’état de nature" (B. Spinoza, ep. 50, 2, La Haye, 2 juin 1674, in : Opera, ed. Gebhardt, Heildelberg : Universitätverlag, volume IV, p. 184). Spinoza ne fait qu’expliciter ce qui se trouve chez Hobbes.
  • [14]
    Cet argument sophistique revient continuellement sous la plume de Hobbes. On le retrouve sous d’autres cieux et dans d’autres lieux : l’Église médiévale se définissait comme l’église des pauvres et elle ne pouvait libérer ses esclaves parce qu’ils étaient le bien des pauvres. Et les ouvriers ne pouvaient légitimement se lever contre le Parti communiste de l’Union soviétique puisqu’il était le pouvoir des ouvriers.
  • [15]
    Pour Hobbes, persona signifie le masque, celui qui le porte et dès lors personnifie.
  • [16]
    Hobbes ne peut anticiper que sa théorie de la représentation débouche sur cet autre monde. Mais il sait quel fossé radical sépare un peuple libre d’un peuple d’esclaves (l’opposition aristotélicienne incontournable, même par Hobbes). S’il revient à Hobbes d’avoir été le premier à penser la liberté des Modernes (au sens de B. Constant, la liberté négative), le concept de "liberté des Anciens" (liberté de désigner le souverain) irrigue son œuvre et il est clair sur cette distinction.
  • [17]
    Ad absurdo, quid si Léviathan n’imposait pas que les contrats soient respectés ? Aucune convention ne se ferait, le contrat social lui-même ne tiendrait pas. Ce n’est pas si absurde que cela puisque Léviathan dit les contrats qui ne doivent pas être respectés, qui seront interdits. Léviathan lui-même, comme le monstre du Livre de Job, ne peut être lié, il ne s’engage pas par contrat, et n’est pas engagé par les lois qu’il fait : "the untyed hands" du souverain, Lev. p. 231.
  • [18]
    "Pas de pouvoir sans droit", ajoute JC, mais seulement à l’état civil. Naturellement un contrat n’est valide, n’engage les parties que s’il est consenti, même à la suite d’une menace : la peur n’est pas un motif moins valable que l’intérêt.
  • [19]
    L’État peut évidemment interdire ce type de contrat (voir la note précédente).
  • [20]
    Souvent, au sein même de la Cité, des "Regular systems" constituent des coalitions autoritaires, des petits Léviathan dans le grand Léviathan ; c’est le danger suprême, celui de l’"imperium in imperia".
  • [21]
    Savoir si les associations ou coalitions, les personnes fictives, existent réellement constitue un débat immense au Moyen âge entre les nominalistes et les "réalistes". Hobbes ne tranche pas, parlant de Feigned or Artificial person (Dockès, Hobbes, p.170).
  • [22]
    Non pas celle que les individus du peuple exprimeraient par leurs votes ! Mais la volonté que l’État exprime est la volonté du peuple, il est le peuple.
  • [23]
    Cf. P. Dockès, Hobbes, p. 176, n. 42.
  • [24]
    Sa préférence pour la monarchie (il reconnaît n’avoir pas démontré pleinement sa supériorité), qu’il "oubliera" d’ailleurs avec la victoire de Cromwell, en serait délégitimée.
  • [25]
    Et si la minorité non seulement refuse de s’incliner, mais forme une Union ? Il y aura deux Commonwealths, et la guerre à ce niveau. S’ils sont seulement ostracisés, isolés, dans "ce monde cruel" leur survie sera brève !
  • [26]
    On peut faire la relation avec Adam Smith qui, dans La Richesse des Nations (op. cit., L. 2, ch. 3), estime que le désir d’améliorer sa condition et l’accumulation des richesses sont "un désir qui est en général, à la vérité, calme et sans passion, mais qui naît avec nous et ne nous quitte qu’au tombeau" (et qu’il oppose à la passion, très difficile souvent à réprimer, mais en général passagère et accidentelle, pour la dépense et les jouissances immédiates) : d’un côté l’accumulation des richesses, de l’autre celle du pouvoir.
  • [27]
    Michel Villey, La formation de la pensée juridique moderne, PUF, p.616 ss.
  • [28]
    Sécurité face aux autres individus, et non face à l’État.
  • [29]
    Je sais que "persevere diabolicum" !
  • [30]
    Dockès, Hobbes, op.cit., chapitre 7, 4.
  • [31]
    L’entreprise est peu présente chez Hobbes (elle est évoquée cependant à propos des compagnies commerciales) et le salariat moins encore (voluntary servants ou domestic servants qui travaillent contre un salaire).
  • [32]
    Et dans les deux cas, puisque le marché est "institué" par l’État, ses règles sont édictées, contrôlées par l’État etc…
  • [33]
    Et aussi un problème politique : pour Hobbes, ils constituent un danger extrême pour l’État.
  • [34]
    Finalement en retrouvant la doctrine des "deux corps du roi" d’E. Kantorowicz.
  • [35]
    Leviathan, Opera latina, ed. W. Molesworth, 1839-1845,t. 3, p. 202 (Hobbes écrivait "authoritas" en latin pour faire le lien avec l’anglais).
  • [36]
    Carl Schmitt, Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes (1938), Paris : Seuil, 2002 (préface de É. Balibar, postface de W. Palaver), p. 115.
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