Notes
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[1]
Je remercie Carlos Heusch, Laurent Callegarin, Pablo Justel et Claire Bouvier pour leurs commentaires avisés et leur relecture méticuleuse. Malgré leur aide amicale et précieuse, les erreurs ou approximations qui subsistent sont de mon fait.
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[2]
Michel Zink, « Un nouvel art d’aimer », in : Michel Cazenave, Daniel Poirion, Armand Strubel, Michel Zink (éd.), L’art d’aimer au Moyen Âge, Paris : Éditions du Félin, Ph. Lebaud, 1997, p. 7-70, voir p. 7.
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[3]
C’est du moins l’information qui apparaît dans la dédicace de l’ouvrage dans les deux témoins conservés : « Ad gloriosissimum… Alfonsi de Madrigal, in artibus magistri » (B, fol. 106ro b). Toutes les citations sont tirées du manuscrit de Burgo de Osma, signalé par l’initiale B.
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[4]
On pense notamment aux écrits de saint Bernard, d’Hugues de Saint-Victor et de saint Bonaventure. Voir, pour chacun de ces auteurs : Laurence Mellerin (éd.), Bernard de Clairvaux : Introduction générale aux œuvres complètes : histoire, mentalités, spiritualité, Paris : Les éditions du Cerf, 2010 ; Dominique Poirel, Hugues de Saint-Victor, Paris : Les éditions du Cerf, 1998 ; Boyd Taylor Coolman, The Theology of Hugh of St. Victor : An Interpretation, Cambridge, New York : Cambridge University Press, 2010 ; Étienne Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, 3e édition, Paris : Vrin, 2006. Pour la péninsule Ibérique, on pense aux philosophes catalans évoqués par Carlos Heusch en ouverture de ce dossier, soit Raymond Lulle et son Llibre d’amic e amat de 1282 ainsi que Raymond Sebond et son Liber creaturarum de 1436.
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[5]
En témoigne, par exemple, un proverbe que l’on adresse toujours aujourd’hui à une personne qui écrit beaucoup : « escribes más que el Tostado » (voir Vicente de La Fuente, Historia Eclesiástica de España. 2e édition corrigée et augmentée, t. 2, Madrid, 1885, p. 448). Nous rappellerons seulement, pour donner un aperçu de l’ampleur de sa production, que l’édition la plus complète de ses Opera Omnia (éditée en 1728 à Venise) compte vingt-sept volumes, sachant que certains de ses écrits, demeurés inédits, ont disparu et figurent seulement dans des catalogues comme ceux présentés par Joaquín Roxas y Contreras, Historia del Colegio Viejo de San Bartolomé, Mayor de la célebre Universidad de Salamanca, 2e édition corrigée et augmentée, Madrid : Andrés Ortega, 1766, p. 121-122 et Nicolás Antonio, Bibliotheca Hispana Vetus sive Hispani scriptores qui ab octaviani augusti aevo ad annum Christi MD. floruerunt, Matriti apud viduam et heredes D. Ioachimi Ibarrae reggi quondam typographi, t. 2, 1787, p. 257-260.
-
[6]
Sur la classification de la production tostadienne, voir Emiliano Fernández Vallina, « Introducción al Tostado. De su vida y de su obra », Cuadernos Salmantinos de Filosofía, 15, 1998, p. 153-177.
-
[7]
Hernando del Pulgar, Claros varones de Castilla, édition de Miguel Ángel Pérez Priego, Madrid : Cátedra, 2007, tít. 24, p. 197 : « Cierto es que ningún ombre, dado que biva largos tienpos, puede saber la perfectión e profundidad de todas las ciencias. E no quiero dezir que este sabio perlado las alcançó todas, pero puédese creer dél que en la ciencia de las artes e theología e filosofía natural e moral, e asimismo, en el arte del estrología e astronomía, no se vido en los reinos de España ni en otros estraños se oyó aver otro en sus tienpos que con él se conparase ».
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[8]
Enrique Esperabé de Arteaga, Historia pragmática e interna de la Universidad de Salamanca, t. 2, Salamanque : Imprenta Fr. Núñez Izquierdo, 1917, p. 267 : « La celebridad de este ilustre Mro. en Teología contrasta con la carencia de noticias que tenemos de él. Sentimos vernos obligados á decir que no hemos encontrado ningún dato más que los publicados en las obras impresas ».
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[9]
Les auteurs la situent traditionnellement entre 1401 (Tomás et Joaquín Carreras y Artau, Historia de la Filosofía Española. Filosofía cristiana de los siglos xiii al xv, t. 2, Madrid : Real Academia de las Ciencias exactas, físicas y naturales, 1943, p. 542) et 1410 (Joaquín Blázquez Hernández, « El Tostado alumno graduado y profesor de la Universidad de Salamanca », XV semana española de Teología (19-24 sept. 1955) : problemas de actualidad en teología sacramentaria, otros estudios, Madrid : CSIC, Instituto « Francisco Suárez », 1, 1956, p. 411-448, p. 435). Francisco Ruiz de Vergara et le marquis de Alventós Roxas y Contreras s’accordent sur l’année 1404 (Francisco Ruiz de Vergara y Álava et J. Roxas y Contreras, Historia del Colegio Viejo…, p. 109). Nous réduisons l’éventail aux deux dernières hypothèses, souscrivant ainsi en partie à la dernière reconstruction biographique, proposée par E. Fernández Vallina, « La importancia de Alfonso Fernández de Madrigal, “el Tostado”, maestrescuela en la universidad de Salamanca », in : Luis E. Rodríguez-San Pedro Bezares et Juan Luis Polo Rodríguez (éd.), Salamanca y su universidad en el primer Renacimiento : siglo xv. Miscelánea Alfonso IX, 2010, Salamanque : Universidad de Salamanca, 2011, p. 162-164. Nous le suivons notamment lorsqu’il réfute la chronologie proposée par Cándido M.ª Ajo, « Estudio biográfico de Alfonso de Madrigal : “El Tostado” », Abula, 2, 2002, p. 5-43. En revanche, les présupposés selon lesquels le Tostado aurait suivi plusieurs cours par an, aurait commencé ses études avant ses dix-huit ans et serait donc devenu maître ès Art à vingt-et-un ans nous paraissent trop peu étayés (E. Fernández Vallina, « La importancia… », p. 163). Dans tous les cas, les dates proposées ici sont des hypothèses qui mériteront d’être complétées par la suite.
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[10]
Selon Gil González Dávila, il se fait remarquer dès l’enfance par les moines franciscains qui passaient par Madrigal de las Altas Torres pour y prêcher et qui furent surpris par sa bonne compréhension de leurs prières et psaumes. Ils décidèrent d’emmener l’enfant jusqu’à leur couvent d’Arévalo, où il put recevoir l’instruction primaire, la grammaire et la langue latine : Gil González Dávila, Teatro eclesiástico de las Iglesias metropolitanas y catedrales de los Reynos de las dos Castillas. Vidas de sus Arzobispos, y Obispos, y cosas memorables de sus sedes, t. 2, Madrid : Pedro de Horna y Villanueva, 1647, p. 262 sqq. Cet épisode de la vie du Tostado est également raconté de manière similaire par J. Roxas y Contreras, Historia del Colegio Viejo…, p. 110.
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[11]
H. del Pulgar, op. cit., p. 196 : « Aprendió en el estudio de Salamanca, donde recibió ábito clerical. Fue observantíssimo en la orden que recibió e, de hedad de veinte e cinco años, ovo el grado de magisterio ».
-
[12]
Jaime Villanueva donne de plus amples renseignements sur le séjour d’Alfonso de Madrigal à la chartreuse Scala Dei, en se fondant sur le livre des admissions et professions. Jaime Villanueva, Viaje literario a las Iglesias de España, t. 20, Madrid : Real Academia de la Historia, 1802-1851, p. 159-160 : « Item feria secunda in die Epiphanie recipimus unum iuuenem Castellanum, admodum insignem, qui uocabatur Ildefonsus de Madrigal, qui erat canonecus Salmantinus. Fuit per conuentum concensum quod reciperetur ad osculum pacis ; nam et incellatus fuit feria quinta in uespere Beati Antonii de mense ianuarii 16, anni Domini 1444 ».
-
[13]
De nombreux auteurs lui ont attribué le poste d’abbé de Valladolid, le confondant ainsi avec Alfonso de Fonseca qui lui succéda à l’évêché d’Avila. C’est cette confusion qui a conduit certains biographes à allonger considérablement la durée d’occupation du poste par le Tostado. Voir Federico Martín de Castro, Introductio generalis in Sacram Scripturam, Valladolid : Cuesta, 1922, p. 461 : « Abbas Ecclesiae Collegialis Vallisoleti anno 1448, creatus finit Episcopus Abulensis anno seguenti ». Voir également G. González Dávila, op. cit., p. 268.
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[14]
La bulle de nomination de Juan Ruiz de Camargo en tant que successeur d’Alfonso de Madrigal à Salamanque nous permet de déterminer avec une relative précision la date de la promotion du Tostado à l’évêché d’Avila, étant donné que le document pontifical est daté du 11 février 1454. Voir Vicente Beltrán de Heredia, Bulario de la Universidad de Salamanca (1219-1549), Salamanque : Universidad de Salamanca, 1966, p. 73-74 : « Se confiere motu propio la escolastría de Salamanca, vacante por promoción de Alfonso de Madrigal a la iglesia de Ávila, a Juan Ruiz de Camargo doctor en leyes. Roma 11 de febrero de 1454 ». Sur l’épiscopat du Tostado, voir : V. Beltrán de Heredia, Cartulario de la Universidad de Salamanca, I, Salamanque : Universidad de Salamanca, 1970, p. 498 et E. Fernández Vallina, « Introducción al Tostado… », p. 158.
-
[15]
Voir Tesoros Bibliográficos de la Catedral de Segovia, 1986, p. 31 : il ne reste que deux lettres datées du 26 juillet 1455 et adressées aux fidèles de la paroisse de San Nicolás, à Madrigal, dans lesquelles il leur ordonne de ne rien changer de ce qui avait été établi jusqu’alors, de continuer à payer la moitié des dépenses des cloches de l’église et à donner dix-sept livres de cire chaque année.
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[16]
Sur l’œuvre exégétique du Tostado, consulter José Manuel Sánchez Caro, Rosa María Herrera García et Inmaculada Delgado Jara, Alfonso de Madrigal, el Tostado. Introducción al evangelio de San Mateo, Avila-Salamanque : Universidad Pontificia de Salamanca-Diputación de Ávila, Institución Gran Duque de Alba, 2008, p. 20-50, et Inmaculada Delgado Jara, « El Tostado y la exégesis bíblica », in : Cirilo Flórez Miguel, Maximiliano Hernández Marcos, Roberto Albares Albares (éd.), La primera Escuela de Salamanca (1406-1516) : actas del Congreso celebrado en la Universidad de Salamanca en setiembre de 2011, Salamanque : Universidad de Salamanca, 2012, p. 55-73.
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[17]
Pour le détail des œuvres, voir E. Fernández Vallina, « La importancia… », p. 167.
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[18]
Voir Frédéric Gabriel, « Canon textuel et autorité magistérielle : une controverse entre Alfonso de Madrigal et Juan de Torquemada (Sienne, 1443) », Revue des sciences religieuses, 86 (2), 2012, p. 127-142.
-
[19]
Pour une étude plus approfondie sur le Tostado théologien, voir J. Blázquez Hernández, art. cité, p. 411-448. Le même auteur propose un bon résumé dans Quintín Aldea Vaquero, Tomás Marín Martínez et José Vives Gatell (dir.), Diccionario de historia eclesiástica de España, vol. 2, Madrid : CSIC, Instituto Enrique Flórez, 1972, p.1390-1391. Voir également Melquíades Andrés (dir.), Historia de la teología española, vol. 1, Madrid : Fundación universitaria española, 1983-1987, p. 520-522.
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[20]
Cette date est établie par rapport à la date qui nous paraît, à l’heure actuelle, la plus fiable, à savoir celle de l’accession au grade de maître ès théologie. Voir note 25 infra.
-
[21]
Voir les statuts du pape Martin V, titre XVI, dans l’édition d’E. Esperabé de Arteaga, Historia pragmática…, t. 1, 1914, p. 57.
-
[22]
J. Blázquez Hernández, art. cité, p. 432.
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[23]
Dans la Praefatio aux Commentaria in Genesim, écrits en 1436, il déclare être le plus jeune docteur à s’être consacré à l’étude des Saintes Écritures : « Haec Sacratissima Scriptura omnium difficilim, certissima et nobilissima, se elucidantibus uitam aeternam promittit, ut patet Eccle. 24 cap. qui me illucidant uitam aeternam possidebunt. Hanc multi doctores florentissimi a principio Ecclesiae primitiuae usque hodie modis uarris elucidauerunt unusquisque sicut ei Spiritus Santus gratuitam mensuram concessit. Ego autem omnium minimus, qui etiam me eorum minimum dici indignum existimo, cum in hoc gradu nihil me habere crediderim, os mutum mouere conabur rauco gutture timens, uoce tremula presonabo maiorum uestigia semper adorans, prout mihi Spiritus Sancti larga benignitas eloqui contulerit » (Praefatio Commentaria in Genesim. Venetiis, 1596, fol. 2ro).
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[24]
J. Roxas y Contreras (Historia del Colegio Viejo…, p. 109) établit cette date de 1433, mais il apparaît dans le Catálogo y sumario breve de las personas que han sido colegiales en el insigne Colegio de S. Bartolomé de Salamanca (Manuscrit 7.122 de la Bibliothèque nationale de Madrid) qu’il fut admis en 1426 et qu’une fois dans le Collège, il en devint le recteur (la date n’apparaît pas) : « fue elegido como colegial en 1426 y estando en el Colegio fue rector ». Nuria Belloso Martín (Política y Humanismo en el siglo xv : el maestro Alfonso de Madrigal, el Tostado, Valladolid : Universidad de Valladolid, 1989, p. 15) penche malgré tout pour l’année 1433 car, selon elle, ce manuscrit manque de rigueur et à cette date, Alfonso de Madrigal était très jeune (elle situe sa naissance en 1410).
-
[25]
On retrouve le nom du Tostado dans deux requêtes qui figurent au sein des documents des Archives du Vatican, réunies par Beltrán de Heredia dans son Bulario de la Universidad de Salamanca. Ces documents, écrits par des candidats à des charges ecclésiastiques vacantes, servaient à détailler leurs propres aptitudes au poste brigué, afin de guider le pontife dans le choix du candidat idéal. Il apparaît pour la première fois dans la requête 373, datée du 27 mai 1441, dans laquelle il se présente comme maître ès arts et bachelier en théologie (V. Beltrán de Heredia, Bulario…, p. 479-480 : « uestri Alfonsi de Matricali, clerici Abulen. dio., magistri in artibus et in theol. baccalarii ».) tandis que dans une autre requête du 15 octobre 1441, il se présente comme maître ès arts et théologie (ibid., p. 487-488 : « Alfonsus Fernandi a Matricali, clericus Abulen. dio. ac in Theologia et artibus magister »).
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[26]
Une requête de Juan de Camargo datée du 24 mars 1446 et sollicitant l’obtention de la charge de prêtre de Santa Bárbara de Salamanca, charge vacante depuis la promotion d’Alfonso de Madrigal, nous l’indique. Ibid., p. 536 : « Se confiere a Juan de Camargo la capellanía de Santa Bárbara de Salamanca que tenía Alfonso Fernández de Madrigal y se esperaba que vacase por su ascenso a la escolastría. Roma 24 de marzo 1446 ».
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[27]
Confesional, manuscrit 4202, Bibliothèque nationale de Madrid, fol. 130ro b : « Esta confesion fizo dar Alfonso de Madrigal, obispo de Avila, bachiller en cánones e maestro en arte e Santa theologia, e fízola siendo maestre escuela de la universidad del estudio de Salamanca e rigiente la cathedra de Vísperas de Santa Theologia e dia de Poetria a la mañana. Deo gracias ».
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[28]
Voir B, fol. 117vo b : « in libro nostro qui de quinque methaphoricis paradoxis confectus est » et fol. 118ro b : « in libro de quinque methaphoricis paradoxis late diferimus ».
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[29]
Paradoxae quinque, Venetiis : apud Ioannem Baptistam et Ioannem Bernardum Sessam, 1596, chapitre XXIX : « nam cum a tempore nauitatis redemptoris nostri anni mille quadringenti triginta septem discursi sint ». Cette œuvre existe en latin et en espagnol et il apparaît difficile de déterminer quelle est la version originale et quelle est la traduction. Les informations contenues dans les dédicaces nous révèlent que le livre des Paradoxes fut d’abord écrit en langue castillane à la demande de la reine Marie de Castille, à qui l’œuvre est dédiée. Ensuite, le Tostado la traduisit en latin et dédia cette version au roi Jean II, époux de la première. Le texte castillan fut donc écrit entre 1437 et 1444, date de la mort de la reine. La version castillane a été éditée par Carmen Parrilla (édition critique), Alfonso Fernández de Madrigal, el Tostado, Las çinco figuratas paradoxas, Alcalá de Henares-Madrid : Universidad de Alcalá, 1998.
-
[30]
Voir, à ce sujet, Charles Vincent Aubrun, « Un traité de l’amour attribué à Juan de Mena », Bulletin hispanique, 50, 1948, p. 333-344 ; Giovanni Maria Bertini, « Inedito spagnolo del secolo xv », Quaderni Ibero-Americani, 9, 1950, p. 9 ; Alberto del Monte, « La Disertación sobre el Amor attribuitta a Juan de Mena », Civiltà e Poesia Romanze, Bari : Adriatica Editrice, 1958, p. 148-169 ; María Luz Gutiérrez Araus, Tratado de amor atribuido a Juan de Mena, Madrid : Alcalá, 1975 ; Miguel Ángel Pérez Priego (éd.), Juan de Mena. Obras Completas, Barcelone : Planeta, 1989, p. 379-391 ; Ángel Gómez Moreno et Teresa Jiménez Calvente, Juan de Mena. Obra completa, Madrid : Turner, 1994, p. 641-653.
-
[31]
Éd. de Juan Miguel Valero, in : Pedro Cátedra (coord.), Tratados de amor en el entorno de la Celestina (Siglos xv-xvi), Madrid : Sociedad Estatal España Nuevo Milenio, 2001, p. 31-49, voir p. 35.
-
[32]
Arcipreste de Talavera, éd. de Michael Gerli, Madrid : Cátedra, 1981, p. 64.
-
[33]
Pour les statuts de 1411, voir V. Beltrán, Bulario…, I, p. 29. Pour l’étude des différents statuts de l’université de Salamanque, voir Javier Alejo Montes, « Las reformas y los planes de estudio de la Universidad de Salamanca en las Edades Media y Moderna », REDEX. Revista de Educación de Extremadura, 4, 2012, p. 11-26. Sur les raisons du vide institutionnel au sujet de l’éthique avant le xve siècle, voir Carlos Heusch, « Entre didacticismo y heterodoxia. Vicisitudes del estudio de la Ética en la España escolástica », La Corónica 19 (2), 1990-1991, p. 89-99.
-
[34]
En 1215, Robert de Courçon approuve les statuts de l’université de Paris selon lesquels on doit enseigner, dans la faculté des arts, les livres de logique et d’éthique d’Aristote. Voir Jacques Verger, « À propos de la naissance de l’université de Paris : contexte social, enjeu politique, portée intellectuelle », Les universités françaises au Moyen Âge, Leyde-New York-Cologne : Brill, 1995, p. 1-35.
-
[35]
Voir titre XVI dans l’édition citée d’E. Esperabé de Arteaga, p. 57.
-
[36]
Sa descendance universitaire le prouve également, notamment le parodique Tratado de cómo al hombre es necessario amar, une œuvre que Pedro Cátedra situe aux alentours de 1475 et qui a longtemps été attribuée au Tostado. Voir Pedro Cátedra, Amor y pedagogía en la Edad Media : estudios de doctrina amorosa y práctica literaria, Salamanque : Universidad de Salamanca, 1989, p. 113-141.
-
[37]
Sur l’amour de Dieu dans le Breuiloquium du Tostado, voir C. Heusch, La philosophie de l’amour dans l’Espagne du xve siècle, Paris : Université de la Sorbonne nouvelle, 1993 (thèse dactylographiée consultable en ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00734876/), p. 63-70.
-
[38]
Sur la caritas, voir Hélène Pétré, Caritas : Étude sur le vocabulaire latin de la charité chrétienne, Louvain : Peeters, 1948.
-
[39]
B, fol. 108vo b : « caritate, que amor formatus » ; « caritas ordinem semper habet ».
-
[40]
Loc. cit. : « existentibus in peccato mortali, caritas nulla relinquatur, quia omni vitio repugnare constat », « aucune charité ne serait laissée à ceux qui vivent dans le péché mortel, puisqu’elle est absolument incompatible avec tout vice ».
-
[41]
Loc. cit. : « cum hoc solius vere boni munus sit ».
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[42]
Bernard de Clairvaux, Sermons sur le Cantique, LXXXIII, 4 : « cum Deus amat, nil aliud uult quam amari, quoniam non ob aliud amat, nisi ut ametur ».
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[43]
B, fol. 109ro a : « beata ergo illa affectio erit qua vicem reddimus nostro creatori ».
-
[44]
Aristote, Éthique à Nicomaque, VIII ; Sénèque, Lettres à Lucilius, IV, 35, 1.
-
[45]
B, fol. 107vo b : « de amore uniuersaliter loquentibus » ; fol. 108ro b : « Nec enim hic specialiter dixerim ad aliquod amoris speciale genus determinans, sed ipsum passionalem amorem uniuersaliter sumens », « en effet, je ne parlerai pas ici en particulier, en me limitant à une sorte précise d’amour, mais en prenant l’amour lui-même, universellement, en tant que passion ».
-
[46]
Aristote, Éthique à Nicomaque, II, chap. 1 et 4.
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[47]
B, fol. 108ro a : « amorem aut passionem aut passionalem actum dici neccesse est » ; fol. 108ro b : « amorem, uniuersaliter sunptum, passionem fore » ; id. : « cum naturalem passionem amorem esse constet » ; fol. 108vo b et fol. 109vo b : « passionalis amoris ». Pour une réflexion sur les passions au Moyen Âge : Carla Casagrande et Silvana Vecchio, « Les théories des passions dans la culture médiévale », in : Damien Boquet et Piroska Nagy (dir.), Le sujet des émotions au Moyen Âge, Paris : Beauchesne, 2009, p. 107-122 ; id., Sensible Moyen Âge. Une histoire des émotions dans l’Occident médiéval, Paris : Éditions du Seuil, 2015 ; Ruedi Imbach, « Les passions médiévales (perspectives philosophiques) », à paraître.
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[48]
Voir B, fol. 107vo b. Voir, à ce sujet, Étienne Gilson, Le thomisme : Introduction à la philosophie de saint Thomas d’Aquin, 6ème édition revue, Paris : J. Vrin, 1983, p. 335-352. Pour une actualisation de la question et de la bibliographie : Eleonore Stump, Aquinas, Londres : Routledge, 2003.
-
[49]
C. Heusch, La philosophie de l’amour…, p. 500.
-
[50]
Les occurrences sont trop nombreuses pour être recensées mais on observe une répartition symétrique entre les deux verbes.
-
[51]
B, fol. 109vo b : « amor namque de quo agimus, et uulgari nomine amor vocatur, ad delectabilia et non ad utilia est, utilia namque in se ipsis delectacionem nullam, nisi secundum finem ad quem referuntur, habent. Delectabilia autem bona sunt que, secundum se ipsa, ad nullum alium relata finem, delectacionem et fruicionem habent ».
-
[52]
B, fol. 108ro a : « Non igitur consuetudine amor, sed naturaliter inest » (« L’amour ne se trouve donc pas en nous par habitude mais naturellement ») ; fol. 108rob : « cum naturalem passionem amorem esse constet, inter omnis passiones nature nulla delectabilior est atque conuenientior » (« il est établi que l’amour est une passion naturelle, parmi toutes les passions, il n’en est aucune qui ne soit plus charmante ni plus conforme à la nature ») ; fol. 119vo a : « amorem ad libidinem esse aliquid a natura in nobis causatum » (« l’amour qui nous pousse à l’union charnelle est une chose causée en nous par la nature »).
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[53]
B, fol. 108ro a : « Quod euidencius apparet natura non solis ratione degentibus amor inest, sed etiam feras ipsas tenacissima quadam unione consequitur ».
-
[54]
B, fol. 119vob : « sagacissima natura aut, ut planius veriusque dicamus, ipse nature Auctor ».
-
[55]
C. Heusch, « Enjeux socio-culturels des discours amoureux dans l’Espagne du xve siècle », Imprévue, 2, 1996, p. 41-61, voir p. 42.
-
[56]
Marcel Chossat, « L’averroïsme de saint Thomas », Archives de philosophie, 9, 1932, p. 129-177. Voir également Ruedi Imbach, « L’averroïsme latin du xiiie siècle », in : Ruedi Imbach et Alfonso Maierù (éd.), Gli studi di filosofia medievale fra otto e novecento, contributo a un bilanco storiografico. Atti del convegno internazionale, Roma, 1989, Rome : Ed. di Storia e Letteratura, 1991, p. 191-208.
-
[57]
Voir Fernand Van Steenberghen, La philosophie au xiiie siècle, Louvain-Paris : Éditions de l’Institut Supérieur de Philosophie, 1991, ch. viii.
-
[58]
André le Chapelain, De Amore, éd. bilingue d’Inés Creixell Vidal-Quadras, Barcelone : Sirmio, 1990, p. 54.
-
[59]
Sur l’amor hereos, son origine et ses symptômes, voir l’article d’Eukene Lacarra dans ce même dossier.
-
[60]
B, fol. 120ro b : « Percinet autem ad hanc excellens amoris gradus quo aliqui incidunt in eam passionem quam medici “amorem heroes” uocant ». L’expression apparaît également chez le médecin de Montpellier Bernard Gordon, qui, dans son Lilium medicine (1305) décrivait ainsi les symptômes de l’amour « hereos » ou mélancolie d’amour : « [los enamorados] pierden el sueno e el comer e el bever, e se enmagresce todo su cuerpo, salvo los ojos, e tienen pensamientos escondidos e fondos con sospiros llorosos » (nous citons à partir de la traduction espagnole de Séville, 1495, éd. de Brian Dutton et María Nieves Sánchez, 1991, p. 522). Sur la maladie d’amour, voir également Arnaldi de Villanova, De amore heroico, in : Opera medica omnia III, éd. de Michael McVaugh, Barcelone : Publicacions i Edicions de la Universitat de Barcelona, 1985. Sur ce sujet, voir Danielle Jacquart et Claude Thomasset, « L’amour héroïque à travers le traité d’Arnaud de Villeneuve », in : Jean Céard (études réunies par), avec la collaboration de Pierre Naudin et Michel Simonin, La Folie et le Corps, Paris : PENS, 1985, p. 143-158 ; Bénédicte Torres, « Amours et corps en souffrance dans La Galatea de Miguel de Cervantes », in : Pierre Civil (coord.), Écriture, pouvoir et société en Espagne aux xvie et xviie siècles, hommage du CRES à Augustin Redondo, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001, p. 433-446, p. 434.
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[61]
Sur la maladie d’amour au Moyen Âge, voir Danielle Jacquart, « La maladie et le remède d’amour dans quelques écrits médicaux au Moyen Âge », in : Danielle Buschinger et André Crépin (éd.), Amour, mariage et transgression au Moyen Âge, Göppingen : Kümmerle Verlag, 1984, p. 93-101.
-
[62]
Breviloquio, fol. 50ro b du manuscrit de Salamanque. Nous citons exceptionnellement la version traduite en castillan par l’auteur car notre édition de la partie sur l’amitié n’est pas encore achevée. Nous citons l’édition en annexe de la thèse de doctorat de Carlos Heusch, La philosophie de l’amour…, volume 3 : édition du Breviloquio de amor e amiçiçia d’Alfonso de Madrigal, El Tostado, p. 838. Pour la version latine, voir Breuiloquium, B, fol. 152r° a : « quippe amor cecus ignis sub pectore latens […] cui autem hec insunt amoris vulnus alit et ceco crepitur igni ».
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[63]
C. Heusch, La philosophie de l’amour…, p. 504.
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[64]
Rappelons l’interdiction, en 1277, par l’évêque de Paris, Étienne Tempier, de l’enseignement de 219 thèses à la Sorbonne. Le De amore d’André Le Chapelain est à cette occasion la seule source nommément condamnée. Voir Luca Bianchi, Il vescovo e i filosofi. La condanna parigina del 1277 e l’evoluzione dell’aristotelismo scolastico, Bergame : P. Lubrina, 1990. Cette condamnation du De amore visait le public des étudiants parisiens, qui n’avaient pas bonne réputation auprès de leurs contemporains. Sur le profil de l’étudiant parisien et ses mœurs dissolues, voir J. Verger, « Des écoles à l’université : la mutation institutionnelle », in : Robert-Henri Bautier (dir.), La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations, Paris : Édition du CNRS, 1982, p. 824-825. Pour le cas de l’Espagne, voir Gustave Reynier, La Vie universitaire dans l’ancienne Espagne, Paris-Toulouse : A. Picard-E. Privat, 1902 et Richard L. Kagan, Students and society in early modern Spain, Baltimore-Londres : The Johns Hopkins University Press, 1974.
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[65]
Voir les éditions des Belles Lettres : Ovide, Les remèdes à l’amour. Les produits de beauté pour le visage de la femme, texte établi et traduit par Henri Bornecque, Paris : Les Belles Lettres, 1930 ; Les Métamorphoses, Tome II, Livres VI-X, texte établi et traduit par Georges Lafaye, édition revue et corrigée par Henri Le Bonniec, Paris : Les Belles Lettres, 1989 ; Héroïdes, texte établi par Henri Bornecque, traduit par Marcel Prévost, édition revue et augmentée par Danielle Porte, Paris : Les Belles Lettres, 1991.
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[66]
B, fol. 122ro b et 122vo a : « Hunc autem ferocissimum atque furentem amorem si quis eliminare uellit, remedia poterit inquirere que ponit Ovidius in duobus libris quos De amoris remedio fecit, in quibus quamquam multa, que radicem quandam eliminandi amoris habent, ponantur, pleraque tamen scelesta ualde sunt, cum vicium maiori vicio expurgendum admoneatur, ut cum iubet quod si quis uoluerit alicuius cui fortissime cathenatus tenetur amorem excludere, duas aut plures simul amet, ut sic saltem diuissus amor, minor ad quamlibet sit ».
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[67]
B, fol. 122vo a : « libidinem nutriunt, labores autem seuas amoris flamas secludunt ».
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[68]
Voir Los problemas del doctor Villalobos (contenant Problemas, Diálogos, Tratado de las tres grandes et Comedia de Anfitrion), Saragosse : Jorge Coci, 1544. Ces œuvres ont été publiées par Adolfo De Castro (éd.), Curiosidades bibliográficas, colección escogida de obras raras de amenidad y erudición, Madrid : BAE, t. 36, Rivadeneyra, 1855. Le traité sur l’amour se trouve aux pages 487 à 493, comme épilogue à sa traduction de l’Amphitryon de Plaute.
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[69]
B, fol. 122vo a : « Sunt autem plurima huius seui amoris insanientisque remedia, de quibus nunc amplius disgredi non licet ».
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[70]
Voir Jean-Luc Nardone, « Pétrarque contre Amour », Littératures, 50, 2004, p. 119-128.
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[71]
Voir, à ce sujet, C. Heusch, « Proto-humanisme et élites lettrées dans la Castille du xve siècle », in : Patrick Gilli (dir.), Les élites lettrées au Moyen Âge. Modèles et circulation des savoirs en Méditerranée occidentale (xiie-xve s.), Montpellier : Presses Universitaires de la Méditerranée, 2008, p. 303-331.
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[72]
Le débat historiographique sur l’existence ou non d’un humanisme castillan au xve siècle ne nous paraît plus pertinent, comme en témoigne la riche bibliographie sur la question. Sur l’origine du débat : Ottavio Di Camillo, El Humanismo Castellano del Siglo xv, Valence : F. Torres, 1976 ; Francisco Rico, Nebrija frente a los bárbaros, Salamanque : Universidad de Salamanca, 1978 et id., El Sueño del humanismo, de Petrarca a Erasmo, Madrid : Alianza, 1993. Pour des synthèses et les derniers travaux en date, voir Joseph Pérez, De l’humanisme aux lumières : études sur l’Espagne et l’Amérique, Madrid : Casa de Velázquez, 2000, p. 161-187 ; Fernando Gómez Redondo, Historia de la prosa medieval castellana III : el marco cultural de Enrique III y Juan II. Los orígenes del humanismo, Madrid : Cátedra, 2002, p. 2472-2473 ; José M.ª Monsalvo Antón, « Poder y cultura en la Castilla de Juan II : ambientes cortesanos, humanismo autóctono y discursos políticos », in : Luis E. Rodríguez-San Pedro Bezares et Juan Luis Polo Rodríguez (éd.), Salamanca y su universidad en el primer Renacimiento : siglo xv. Miscelánea Alfonso IX, 2010, Salamanque : Universidad de Salamanca, 2011, p. 15-92 ; Jeremy Lawrance, « Humanism and the court in fifteenth-century Castile », in : David Rundle (éd.), Humanism in fifteenth-century Europe, Oxford : Society for the Study of medieval Languages and Literature, 2012, p. 175-201.
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[73]
Sur ce sujet, voir J. Pérez, La légende noire de l’Espagne, Paris : Fayard, 2009.
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[74]
Voir les attaques de Pétrarque contre les logiciens anglais et contre les hauts dignitaires ecclésiastiques de Gaule formés à la Sorbonne (Seniles, V, 2 ; Triondo della Fama, III, 62-64). On retrouve ces attaques contre les scolastiques dans son De sui ipsius et multorum ignorantia. Il en va de même avec Leonardo Bruni (prologue à l’Éthique à Nicomaque, Vita di Dante, De studiis et litteris) et Lorenzo Valla (Dialecticae disputationes contra Aristotelicos). Pour une synthèse sur la question, voir J. Pérez, « Humanisme et scolastique », Cahiers d’Études Romanes, 12, 1987, p.40-71 et Domingo Ynduráin, « Humanismos y barbaries », Humanismo y Renacimiento en España, Madrid : Cátedra, 1994, p. 129-198. Dernièrement, sur l’humanisme italien en général, voir Corrado Bologna et Paola Rocchi, Umanesimo, Rinascimento e Manierismo, Turin : Loescher, 2010 ; Guido Cappelli, L’umanesimo italiano da Petrarca a Valla, Rome : Carocci, 2010 ; Clémence Revest, « La naissance de l’humanisme comme mouvement au tournant du xve siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 68 (3), juillet-septembre 2013, p. 665-696 ; Brian Jeffrey Maxson, The humanist world of Renaissance Florence, Cambridge-New York : Cambridge University Press, 2014.
-
[75]
Javier García Gibert, La humanitas hispana : sobre el humanismo literario en los Siglos de Oro, Salamanque : Ediciones Universidad de Salamanca, 2010, p. 58.
-
[76]
F. Rico, « Laudes litterarum. Humanisme et dignité de l’homme dans l’Espagne de la Renaissance », in : Augustin Redondo (éd.), L’humanisme dans les lettres espagnoles, Paris : Librairie philosophique J. Vrin, 1979, p. 31-45, p. 33.
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[77]
Pour un résumé commode des doctrines du De anima, voir Christopher Shields (trad., intr. et commentaire), De Anima, Oxford : Oxford University Press, 2015. Sur l’Éthique à Nicomaque, voir Michael Pakaluk, Aristotle’s Nicomachean Ethics : An Introduction, Cambridge : Cambridge University Press, 2005.
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[78]
Voir Karl Alfred Blüher, Séneca en España, Investigaciones sobre la recepción de Séneca en España desde el siglo xiii hasta el siglo xvii, Madrid : Gredos, 1983, p. 113-126.
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[79]
Ibid., p. 223.
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[80]
En Italie, les tragédies de Sénèque n’ont été réellement découvertes, en tant que genre à part, qu’au xiiie siècle (voir à ce sujet Manlio Pastore-Stocchi, « Un chapitre d’histoire littéraire aux xive et xve siècles, “Seneca Poeta tragicus” », in : Jean Jacquot [éd.], Les tragédies de Sénèque et le théâtre de la Renaissance, Paris : Éditions du CNRS, 1964, p. 11-36) et il n’existe vraisemblablement pas de traduction castillane au xve siècle. Pour cette raison, nous ne souscrivons pas à l’affirmation de Karl Alfred Blüher selon laquelle le Tostado n’utilisait, comme beaucoup de ses contemporains, que des sources de seconde main (op. cit., p. 159). Il manifeste au contraire une grande connaissance des tragédies : la fidélité de la restitution des citations dans leur langue d’origine ne laisse aucun doute là-dessus.
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[81]
B, fol. 109ro a.
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[82]
Surtout dans la deuxième partie de sa vie. Voir F. Rico, « Petrarca y las letras cristianas », Silva : Estudios de humanismo y tradición clásica, 1, 2002, p. 157-182 et Lorenzo Martínez Ángel, « La primera carta de Petrarca a Cicerón (Verona, 16 de junio de 1345) : Protohumanismo y cristianismo », Studium legionense, 53, 2012, p. 239-252.
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[83]
Carlos Heusch utilise l’expression « patchwork de cours » : C. Heusch, « Alfonso de Madrigal, dit “El Tostado” et la diffusion du savoir des Artiens de Salamanque (première moitié du xve siècle) », in : P. Gilli (dir.), Les élites lettrées…, p. 281-302, voir p. 291. Voir également P. Cátedra, Amor y pedagogía…, p. 33-39.
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[84]
Voir le commentaire au 2e Livre des Rois, ch. XIII, qu. xix, Opera, VII, Venise, 1527-1528, fol. 63ro-64vo.
-
[85]
Opera praeclarissima beati Alphonsi Thostati, episcopi Abulensis,… multis retro annis… expectata ac jam demum cura et emendatione… apostillis… annotata… in lucem edita…, Venise, 1507-1531, VII, fol. 63ro-64vo. L’édition consultée est celle conservée à la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris.
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[86]
Cette pratique, à première vue surprenante, sera réemployée dans le cadre d’une autre œuvre exégétique : le commentaire du passage du Livre des Juges où il est dit que Samson préférait les femmes philistines aux israélites se transforme rapidement en une quaestio autour de l’amour hereos. Voir Opera, X, qu. vii. Le texte a été édité par P. Cátedra, Amor y pedagogía…, p. 189-190.
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[87]
Voir J. Carreras Artau, « Las “repeticiones” salmantinas de Alfonso de Madrigal », Revista de Filosofía, 5, 1943, p. 211-236, voir p. 214.
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[88]
Les statuts de 1411 et ceux de 1422 établissent le caractère obligatoire de la repetitio annuelle : « Item statuimus et ordinamus quod quilibet doctorum et magistrorum salariatorum legentium ordinarie et licenciatorum cathedras primae regentium juris canonici vel civilis, unam repetitionem quolibet anno facere teneatur circa materiam quam lecturus sit vel legerit illo anno. Quod si non fecerit, de salario eidem assignato et debito decem francos ipso facto amittat applicandos uniuersitatis arcae, nulla remissione eidem alliquatenus profutura. Et terminus infra quem hujusmodi repetitiones fiant sit ante festum sancti Joannis Baptistae, diebus per rectorem, secundum prioritatem et posterioritatem graduum ipsorum repetentium… », V. Beltrán, Bulario…, p. 186-187. Voir également Urbano González de la Calle et Amalio Huarte Echenique (éd.), Constituciones de la Universidad de Salamanca, Madrid : Tipografía de Archivos, 1927, p. 58-59.
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[89]
B, fol. 107ro a : « De hiis, Aristoteles, Ethicarum octauo libro, sic inquit » ; « Seneca […] Epistularum suarum, 4o capitulo, epistula tricessima quinta » ; fol. 107ro b : « Aristotelem, 8oEthicarum » ; fol. 107vo a : « Idem refert Solinus, in Polistor, capitulo de Iudea » ; fol. 120ro a : « De hiis Virgilius, Georgicorum libro 3o » ; fol. 120vo a : « De hoc ait Seneca libro 3oDe Ira » ; « Ideo Ouidius, libro primo De Remedio amoris » ; fol. 120vo b : « De hiis Ouidius Methamorphoseos libro decimo », etc. Le relevé est loin d’être exhaustif, les exemples étant très nombreux.
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[90]
P. Cátedra, Amor y pedagogía…, p. 18.
-
[91]
Breuiloquio, fol. 2vo b, éd. cit. de C. Heusch, p. 743 : « Del magniffico rrey en mandamiento resçebi sobre vn dicho de Platon en stilo proçeder, el titulo del qual era este ¶ “Quando touieres amigo cumple que seas amigo del amigo del mismo, mas que esto non cumple que seas enemigo de su enemigo” ». Pour l’analyse de la genèse du Breuiloquium, voir C. Heusch, « Alfonso de Madrigal, dit “El Tostado” et la diffusion… », p. 281-302.
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[92]
Voir Breuiloquio, fol. 2ro a : « …porque si en la dicha obra algund fructo ouiesse a todos fuesse maniffestado ».
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[93]
P. Cátedra, Amor y pedagogía…, p. 19.
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[94]
B, fol. 108vo a : « In amore autem, seclusis ceteris nullam esse molestiam liquet ».
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[95]
Souligné par l’auteur. C. Heusch, « Enjeux socio-culturels… », p. 58.
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[96]
P. Cátedra (coord.), Tratados de amor en el entorno de la Celestina (Siglos xv-xvi), Madrid : Sociedad Estatal España Nuevo Milenio, 2001.
1Michel Zink, dans l’introduction à l’ouvrage L’art d’aimer au Moyen Âge, écrivait, à propos du Moyen Âge occidental, qu’il « nous a laissé de très nombreux arts d’aimer. Sa littérature tout entière est un grand art d’aimer. Un art d’aimer, c’est-à-dire un savoir et une pratique de l’amour, un enseignement de l’amour, car tel est bien pour lui le sens du mot art » [2]. Les trois idées qui composent cette définition de l’art d’aimer, c’est-à-dire l’idée d’un savoir théorique, d’une pratique et la nécessité de transmettre un tel savoir, fournissent trois clés d’analyse du Breuiloquium de amore et amicitia d’Alfonso de Madrigal, dit « El Tostado ». En effet, on trouve dans ce texte du deuxième quart du xve siècle un véritable traité où l’amour est pensé dans sa dimension théorique et pratique. Quant à la nécessité d’enseigner ce qu’est l’amour, elle semble également chère au Tostado puisque c’est en sa qualité de maître ès arts qu’il écrit et dédicace son Breuiloquium [3].
2Ainsi, à côté de la figure du teólogo, que l’on retient traditionnellement à propos du Tostado, ce qui nous intéresse ici, c’est celle d’un jeune maître ès arts qui propose une théorie de l’amour qui pourrait, sur bien des points, paraître surprenante. Le lecteur du Breuiloquium, qu’il soit médiéval ou contemporain, s’attend en effet à trouver un exposé sur l’amour divin, comme il est d’usage dans de nombreux ouvrages doctrinaux produits en Occident à partir du xiie siècle [4]. Ce même lecteur ne peut alors que s’étonner de trouver, sous la plume d’un ecclésiastique, une véritable apologie de l’amour charnel. Pour autant, le Tostado ne fait pas l’impasse sur les conséquences dévastatrices qu’un tel amour peut entraîner lorsqu’il est excessif. Il nous offre ainsi une théorie de l’amour contrastée, dans laquelle on distingue ce qui caractérise et fait la singularité de l’humanisme castillan de la première moitié du xve siècle. C’est peut-être cette singularité qui permet alors de résoudre le paradoxe apparent entre le contenu du traité et le milieu dont est issu son auteur.
Le Tostado et l’amour : des choix surprenants
Alfonso de Madrigal, maître ès arts ou théologien ?
3L’étude de la complexité, tant générique que thématique, du Breuiloquium de amore et amicitia ne saurait être dissociée de celle de l’identité de son auteur. Alfonso de Madrigal est notamment connu pour l’importance quantitative de ses écrits [5] mais également pour leur caractère hétéroclite [6]. Ces derniers témoignent en effet d’une conception du savoir chère aux humanistes, dont l’objectif est de parvenir à un savoir « universel » se rapportant à tout ce qui peut être utile à l’homme [7]. De ce fait, tous ses ouvrages ne peuvent être abordés selon les mêmes méthodes, selon les mêmes présupposés épistémologiques puisqu’ils concernent des disciplines aussi variées que la théologie, la philosophie naturelle et morale, les sciences politiques, ou encore l’astrologie et l’astronomie. Ainsi, pour comprendre la spécificité du Breuiloquium, il est indispensable de situer précisément cet ouvrage dans la trajectoire professionnelle de son auteur, tout en admettant que l’état lacunaire de la documentation rend problématique la reconstitution détaillée de sa biographie [8] – ce qui n’est par ailleurs pas l’objet de cet article. La plupart des maigres éléments biographiques que l’on possède ont été obtenus en recoupant les mentions trouvées dans ses ouvrages, imprimés et manuscrits, et les connaissances relatives au cursus universitaire de l’époque.
4Des rares informations obtenues au sujet de ses œuvres ou de sa carrière, on retient principalement la vocation religieuse du Tostado. Ainsi, même si l’on ne connaît pas avec exactitude sa date de naissance (située vraisemblablement entre 1404 et 1410) [9], le lien avec le monde ecclésiastique apparaît dès son enfance, dans un couvent de Franciscains à Arévalo [10]. Par la suite, Hernando del Pulgar rapporte qu’il étudia à Salamanque où il fut ordonné prêtre et se fit remarquer par l’exemplarité de sa vie ecclésiastique, sans préciser la moindre date [11]. Il fit un court séjour, à son retour d’Italie en 1444, dans la chartreuse Scala Dei, à Tarragone, avant d’être rappelé par Jean II (1405-1454) à la cour de Castille [12]. Il fut finalement évêque d’Ávila [13] pendant un peu moins de deux ans, de février 1454 à sa mort en septembre 1455 [14], courte période pendant laquelle ses activités au sein du diocèse sont peu connues [15].
5L’importance de sa carrière ecclésiastique se reflète clairement dans une très grande partie de sa production dans la mesure où la plus grande partie de son œuvre concerne l’exégèse biblique [16]. Son projet était en effet de commenter tous les livres de la Bible, en suivant l’ordre de la Vulgate, mais il ne put le mener à terme et s’arrêta aux Chroniques, pour l’Ancien Testament, et à l’Évangile de Matthieu, pour le Nouveau [17]. Le deuxième grand volet de sa production est toujours en lien avec sa formation ecclésiastique, puisqu’il s’agit d’œuvres théologiques. On citera parmi ces dernières les deux repetitionesDe sanctissima Trinitate et De statu animarum post hanc vitam, le traité Contra clericos concubinarios et le Defensorium trium conclusionum, écrit en 1443 pour se défendre contre les accusations de Juan de Torquemada [18]. Ce rapide survol explique pourquoi, dans le cas du Tostado, cette étiquette de teólogo est restée si prégnante [19]. Pour autant, lorsqu’il écrit son Breuiloquium, le Tostado n’est pas encore un théologien mais un jeune universitaire qui vient de terminer son cursus à la faculté des arts. Il importe donc de revenir sur les éléments de datation dont nous disposons pour ce traité afin de mieux comprendre son insertion dans la carrière universitaire du Tostado.
6On peut supposer qu’Alfonso de Madrigal commença sa carrière universitaire à Salamanque vers 1426 par des études en arts [20]. Au terme des six années fixées par les statuts de 1422 [21] et après avoir obtenu les grades de bachelier et licencié, le Tostado devint maître ès arts vers 1432 [22]. Il commença alors ses études en théologie et fut chargé de la chaire de philosophie morale [23]. Ces études duraient neuf ans et nécessitaient l’obtention préalable du grade de bachelier en arts. Il fut ensuite admis au Collège de San Bartolomé à Salamanque en 1433, avant d’en être élu recteur en 1437 [24]. À l’issue de ses études de théologie, il obtint le grade de maître ès théologie entre les mois de mai et d’octobre 1441 [25]. Il étudia par la suite les lois jusqu’au grade de bachelier, mais se vit obligé d’interrompre ses études après avoir été nommé maestrescuela de l’université de Salamanque en 1446 [26]. Entre 1446 et 1454, il occupa à la fois les charges de maestrescuela et de dirigeant de la chaire de théologie et de Vêpres, tout en continuant à dispenser des cours de poésie le matin. Enfin, sa confession révèle qu’à la même époque, il était également bachelier en droit canon [27].
7Dans le Breuiloquium, la dédicace mentionne le titre de maître ès arts, tandis que celui de maître ès théologie n’est pas évoqué, ce qui laisse penser qu’il ne l’avait pas encore obtenu et, fort des éléments ici évoqués, situerait alors l’ouvrage entre 1432 et 1441. La datation peut encore être affinée grâce à plusieurs références explicites à l’une de ses œuvres, les Paradoxae quinque [28]. Or cette œuvre a été écrite en 1437 [29], ce qui permet de supposer que le Breuiloquium a dû être écrit entre 1437 et 1441, date à laquelle il obtint le grade de maître ès théologie. Retenons donc qu’au moment de la rédaction du Breuiloquium de amore et amicitia, le Tostado n’est pas encore le théologien célébré par ses biographes ultérieurs. Pour autant, en tant qu’universitaire, il est l’héritier d’une tradition et de méthodes scolastiques qui placent au premier plan l’amour de Dieu.
La tradition universitaire : l’amour de Dieu
8Dans l’Espagne du xve siècle, l’amour n’est envisagé, en tant qu’objet d’étude, que dans sa dimension spirituelle de dilection, c’est-à-dire d’amour sacré, du moins si l’on en croit notamment l’auteur du Tratado de amor attribué à Juan de Mena (1411-1456) [30] : « Hablar de amor, más es lasçiva cosa que moral por la mayor parte, aunque la amistad e dilectión, que es amorío, miembros lo fazen de la moral dotrina. Todas las otras passiones libidinosas e venéreas llama el vulgo amor » [31]. Il y aurait donc un amour digne d’être étudié parce que moral, celui de la dilection ou de l’amitié, qu’il faudrait distinguer de l’usage ordinaire du mot amour, réservé, lui, aux passions libidineuses et vénériennes, c’est-à-dire à l’amour charnel. Ce même refus de tout autre amour que celui de Dieu est également présent chez Alfonso Martínez de Toledo (1398-1468) : « amar sólo Dios es amor verdadero, e lo ál amar todo es burla e viento e escarnio » [32]. Pour lui, l’amour charnel n’est pas seulement immoral, mais s’apparente bien au « néant ». Cette absence de considération pour l’amour non spirituel est d’ailleurs bien visible dans l’organisation même de l’enseignement scolastique à l’Université. En 1411, Pedro de Luna, le pape Benoît XIII, institue quatre chaires de théologie à l’université de Salamanque, une chaire de thomisme au Collège de San Esteban et une autre de scotisme pour celui de San Francisco, ne laissant aucune place à une chaire de philosophie morale [33]. La situation est tout autre dans le reste de l’Occident, notamment à l’université de Paris, où apparaissent dès le xiiie siècle des documents concernant cet enseignement [34]. C’est seulement avec les statuts de 1422 que le titre de licencié en arts est décerné à l’étudiant qui aura fait une année de logique, une autre de philosophie et une dernière de Morale [35]. Le Tostado est donc un des premiers à bénéficier de cette réforme, ce qui le conduit notamment à reformuler le fondement conceptuel de l’amour comme objet d’étude.
9Dans son Breuiloquium, Alfonso de Madrigal montre que l’amour libidineux peut être étudié à l’Université [36]. Quant à l’amour de Dieu, il ne lui consacre que deux chapitres dans l’ensemble de son traité [37]. Dans ces chapitres, le terme employé pour évoquer l’amour pour Dieu est alors, de façon tout à fait attendue, celui de caritas [38] et il se voit souvent associé à un verbe exprimant lui-même l’amour afin de préciser la forme d’amour envisagée. C’est ainsi que l’on trouve des expressions comme « ex caritate amant » (B, fol. 108vo b) pour évoquer l’amour des hommes envers leur créateur. Cette charité est alors définie par le Tostado comme une forme d’amour réglé [39], réservée à quelques rares élus, qui ne connaissent pas le vice [40], « puisque ce don n’appartient qu’au réel homme de bien » [41].
10Mais à cette caritas réglée peut s’ajouter voire s’opposer un véritable amor. Ainsi, pour qualifier l’amour du commun des mortels pour le Créateur, on trouve des termes qui seront également utilisés pour évoquer l’amour charnel, avec des expressions comme « et alii atque plurimi affectione quadam aut passionali amore diligunt », « passionali quodam et innata affectione diligere », « ex amore ergo passionali, et non ex caritate, diligunt », « ex affectivo passionalique amore, et non ex caritate, diligere » (B, fol. 108vob). Il s’agirait alors d’un amour passionnel voire passionné, puisqu’il peut générer douleur et jalousie (« aut dolent aut zelant » B, fol. 108vo b). Cet amour est, en réalité, la seule réponse possible de la créature face à l’immensité de l’amour divin : « si tamen nos Deus dilexerit, ei in amore respondebimus, illum pro amore redamantes » (B, fol. 109ro a). Le Tostado de conclure ainsi, dans la lignée de Bernard de Clairvaux [42] : « bienheureuse soit donc l’affection avec laquelle nous payons en retour notre créateur » [43]. Ainsi, l’amour de Dieu n’est pas le grand absent du Breuiloquium mais Alfonso de Madrigal ne s’arrête guère sur cette catégorie et lui préfère de loin une forme d’amour plus passionnelle.
L’objet du traité : de l’amour passion à l’amour charnel
11Après avoir, dans les premiers chapitres, repris et précisé les différentes acceptions des mots « amour » et « amitié » utilisées par Aristote et Sénèque [44], Alfonso de Madrigal s’emploie à préciser quelle forme d’amour l’intéresse ici. Il s’agit alors de montrer que c’est la forme la plus universelle et englobante d’amour qu’il envisage de traiter et non une forme restreinte [45]. De ce fait, il place donc l’amour parmi les passions, ce qui lui permet de le distinguer de l’acte ou de la disposition, tels qu’ils sont établis par Aristote dans le deuxième livre de l’Éthique [46]. Le terme de « passio » est répété à de nombreuses reprises dans les chapitres 4 et 5 du traité et se voit décliné sous la forme d’un substantif ou d’un adjectif [47]. Cette utilisation du vocable « passio » inscrit immédiatement la démarche du Tostado dans la lignée de saint Thomas puisqu’il place l’amour au rang de force concupiscible qui se distingue de l’irascible [48]. Toutefois, comme le souligne Carlos Heusch, il réadapte à son tour les contenus discursifs, puisqu’il « brouille la relation conceptuelle entre le concupiscible et l’irascible, en évacuant du concupiscible tout ce qui concerne le “mal” (y compris la tristesse, c’est-à-dire la douleur) qu’il met du côté de l’irascible. Le concupiscible ne connaît plus ni la haine, ni l’aversion ni la douleur ; il est un pur amour qui, dans sa forme pure, est absolue délectation » [49].
12Pourtant, cet amour passionnel et présenté comme universel se révèle être un amour principalement charnel. En effet, les exemples cités – Sémiramis et Ninyas, Médée et Jason, Phèdre et Hippolyte, Dalila et Samson, Amnon et Tamar – ainsi que le lexique employé laissent entendre très rapidement qu’est avant tout concerné l’amour entre un homme et une femme. Ce lexique se fait alors plus varié que pour l’amour envers Dieu : si le mot amor est le plus fréquemment employé, on trouve également souvent les termes amatio (B, fol. 106vo b et fol. 107ro a), pietas (B, fol. 106vo b), affectio (B, fol. 107vo b ; fol. 108vo b ; fol. 109ro a ; fol. 109ro b), ainsi que les verbes amare et diligere [50]. Cette acception sexuée de l’amour devient encore plus explicite dans les chapitres directement consacrés à l’amour charnel, l’expression la plus récurrente étant alors amor ad libidinem (B, fol. 120roa et fol. 121ro b) ou amor libidinis (B, fol. 120vo b). La locution peut alors avoir, en fonction du contexte, un sens plutôt figuré (l’amour en vue du désir, de la volupté) ou bien un sens très concret (l’amour en vue de l’acte charnel).
13L’amour, dans ces chapitres, s’identifie uniquement aux désirs charnels, alors que dans les premiers chapitres, où il est décrit de façon abstraite et universelle, il est plutôt une voie vers la joie. En effet, le Tostado s’explique :
Car l’amour dont nous parlons, celui que l’on appelle communément amour, se porte sur les choses plaisantes, et non sur les choses utiles, car les choses utiles n’offrent en soi aucun plaisir si ce n’est la fin heureuse à laquelle elles se rapportent. Les biens plaisants sont tels que d’eux-mêmes, sans se rapporter à aucune autre fin, ils offrent plaisir et jouissance [51].
15On peut donc observer une évolution de la pensée du Tostado dans ces deux manifestations de sa doctrine amoureuse : les chapitres 33 à 40 identifient l’amour au désir, alors que les conclusiones des chapitres 1 à 9 – dont le contenu semble beaucoup plus proche de ses activités professorales dans la faculté des arts, laissant supposer qu’elles ont été rédigées après les premiers – l’associent surtout au plaisir, puisque le but naturel de l’amour se situe dans la délectation et dans la joie.
16Cette conception hédoniste de l’amour, telle que nous l’avons rapidement exposée, pourrait alors sembler problématique sous la plume d’un ecclésiastique. Cependant, Alfonso de Madrigal combine plusieurs stratégies, philosophiques comme discursives, afin de résoudre une contradiction qui n’est qu’apparente.
Résoudre le paradoxe du « feu dans les entrailles » : quelques remarques à propos de l’argumentaire tostadien
Le naturalisme amoureux du Tostado : un amour légitimé par l’argument naturel
17Tout d’abord, le Tostado replace la présence et la force de l’amour dans l’ordo naturalis. En effet, ce qui fait de l’amour un affect connoté positivement, c’est qu’il a été créé, placé dans l’homme volontairement par la nature. Les allusions nombreuses et variées montrent ainsi à quel point l’idée est prisée par le Tostado [52]. Sur ce point, l’homme ne diffère pas de l’animal puisque « par nature l’amour ne se trouve pas seulement chez les espèces douées de raison, mais il touche également les bêtes sauvages elles-mêmes dans une union très tenace » [53]. Toutefois, cet amour diffère entre les deux espèces puisque l’homme a le privilège d’apprécier le Beau, comme le rappelle fort à propos Carlos Heusch dans la présentation de ce dossier.
18Par ailleurs, ce n’est qu’au moment d’aborder les chapitres sur l’amour charnel – à la fin, donc, de la partie sur l’amour et bien après l’émergence de l’argumentaire naturaliste – que le Tostado fait apparaître, derrière cette nature, la figure du Créateur : « la nature très avisée, ou pour parler plus clairement et plus fidèlement, le Créateur de la nature lui-même » [54]. C’est pourquoi l’expression de « naturalisme amoureux » utilisée par Carlos Heusch semble éclairante, dans la mesure où Alfonso de Madrigal présente une théorie « fondée sur la dimension fondamentalement naturelle de l’amour » [55]. Cette doctrine est apparue au xiiie siècle à Paris, dans le cadre de l’« aristotélisme hétérodoxe », également appelé « averroïsme parisien » [56], selon lequel des universitaires comme Siger de Brabant (v. 1240-1284) affirment que l’intellect ne relève pas de la nature de l’âme humaine [57]. Le Tostado développe les principales thèses de ce « naturalisme amoureux » dans les chapitres 33 à 40 qui traitent de l’amour charnel. Ce dernier est alors mis sur le même plan que l’alimentation : tout comme la nature a placé en l’homme le désir de s’alimenter pour assurer sa conservation en tant qu’individu, elle a également placé en lui le désir charnel pour assurer sa reproduction et, par là, la conservation de l’espèce. Par conséquent, de même qu’il ne convient pas de lutter contre l’appétit naturel, il ne convient pas non plus de lutter contre le pouvoir inclinant de l’amour, qui agit comme un stimulant (« incentiuum […] hic autem est amor » ; « delectationis irritamentum » B, fol. 119vo b et fol. 120ro a). C’est ce stimulant qui donne toute sa force à l’amour et sa seule existence prouve, pour le Tostado, à quel point il est nécessaire que le besoin de conservation soit comblé.
19C’est ainsi que les hommes, à la différence des animaux, sont poussés à s’aimer non pas uniquement par le désir de la copulation, mais par la simple vue et l’imagination, premier gradus amoris. Alfonso de Madrigal se réapproprie ici tous les grands principes tirés du De Anima d’Aristote et véhiculés par la tradition scolastique et offre à son lecteur une vision de l’amour qui correspond parfaitement à la définition qu’en donne André le Chapelain dans son De amore : « amor est passio quaedam innata procedens ex uisione et immoderata cogitatione formae alterius sexus » [58]. L’obsession dont parle André le Chapelain est telle qu’elle affecte la volonté de l’être qui n’est plus capable de décision. Nous retrouvons cette obsession dans le Breuiloquium puisque lorsque l’amour s’exprime dans toute sa puissance, il devient, véritablement, un « feu caché au fond des entrailles ».
L’amor hereos ou la maladie d’amour
20C’est de l’obsession décrite par le Chapelain que procèdent les considérations morales et médicales selon lesquelles l’homme est atteint par une maladie d’amour, parfois qualifiée d’amor hereos [59]. L’expression est d’ailleurs utilisée par le Tostado pour définir le plus haut degré d’amour : « Le degré supérieur de l’amour appartient à cette passion, dans laquelle certains tombent et que les médecins appellent “amour hereos” » [60]. Il utilise également à de nombreuses reprises la métaphore médicale pour parler de l’amour [61], qui est assimilé à une blessure (« desesperata plaga » B, fol. 107vo a), à la folie (« insania » B, fol. 107vo a ; fol. 120vo b ; fol. 121ro a) ou bien à un feu (« amor incanduerit » B, fol. 109ro b). C’est pourtant au cœur de la partie sur l’amitié que se glisse la digression à propos du « feu dans les entrailles » :
Muchos piensan que aman, enpero non son amadores. Et, por el contrario, otros non saben si aman & son ardientes amadores, ca verdaderamente el amor es fuego sin luz escondido en las entrañas. Et para que cognosca alguno si es amador, doss cosas ha en si de fallar. La primera es que en presençia de la forma conçebida resçebir delectaçion non pequeña, lo qual faga a el vn gozo exçessiuo el qual por si mismo es amado. Lo segundo es que non puede sin grande trabajo sofrir la absençia de la cosa amada et que dessee muchas vezes delante sus ojos presente seer. El que estas cosas tiene, cria llaga de amor & arde con fuego sin luz [62].
22Carlos Heusch montre que c’est au cœur de cette digression que se situe la définition de l’amour véritable selon le Tostado :
Le Tostado fait état de deux types d’amoureux qui correspondent, en fait, à deux formes d’amour. Il y a ceux qui croient aimer et ne sont pas de vrais amoureux ; il y a aussi ceux qui aiment vraiment, “ardemment”, et ne se savent pas amoureux. Cela signifie que certains amoureux sont dans l’erreur. D’aucuns pratiquent une forme d’amour qui n’est pas la vraie. Or ce sont justement ceux qui se considèrent amoureux. Comment s’y retrouver ? Il faut aller chercher l’amour dans les entrailles, au plus profond de l’être et non pas dans les manifestations extérieures. L’amour est certes impétueux, fougueux, ardent comme le feu, mais il s’agit d’un feu qui ne brille pas, qui reste secret, « sin luz », au plus profond de l’intériorité humaine, « escondido en las entrañas ». L’opposition se fait donc entre un amour manifeste, connu, conscient, voire volontaire, qui est celui de ceux qui “aiment sans être des amoureux” et, par ailleurs, un amour secret, intérieur, silencieux, inconscient, qui est celui de ceux qui sans le savoir aiment ardemment. Mais, pour le Tostado, l’amour véritable est sans nul doute le deuxième [63].
24L’utilisation de la métaphore médicale permet ainsi au Tostado non seulement d’évoquer les débordements dus à l’amour mais également de confirmer la place de ce dernier dans l’ordre naturel. Le thème de la maladie d’amour ne contredit donc pas la conception naturaliste du Tostado mais vient au contraire la renforcer et lui permet de traiter de l’amour charnel dans un cadre correspondant à la position qui est la sienne. Une certaine prudence semble se faire jour et se voit de surcroît renforcée par d’habiles choix discursifs.
Une « prudente audace » : les stratégies discursives du Tostado
25Tout véritable et naturel qu’il soit, cet amour est toutefois souvent associé par le Tostado à des adjectifs qui semblent servir de caution religieuse, morale et même sociale. Ainsi les chapitres précédemment évoqués regorgent-ils d’expressions comme « inprudenti amore, ac verius insania » (B, fol. 107rob), « insanus ille amor » (loc. cit.), « fedus ille atque infandus amor » (loc. cit.), « effrenis amor » (B, fol. 107vo a), « indignus amor » (B, fol. 107vo a et fol. 107vo b), « incesto amore » (B, fol. 107vo b), ou encore « illicitus amor » (loc. cit.). Ces adjectifs semblent témoigner d’une certaine prudence, comme si le Tostado souhaitait protéger sa fama des éventuelles critiques de certains de ses confrères, voire se prémunir contre des mesures de l’administration [64].
26Cependant, associé à l’audace de l’apologie de l’amour charnel déjà évoquée, ce vocabulaire prudent semble servir de bouclier plutôt que de réelle condamnation. À défaut d’un anathème, on s’attend, dans un tel traité, à trouver pour le moins un exposé des moyens de réfréner, de modérer les ardeurs de l’amour.
27Dès lors, il n’est pas surprenant de voir que l’œuvre d’Ovide la plus abondamment citée est les Remèdes à l’amour, plus encore que les Métamorphoses ou les Héroïdes, qui fournissent pourtant de nombreux exemples de débordements amoureux [65]. Le Tostado suit donc le modèle ovidien et consacre son dernier chapitre sur l’amour à ces différents remèdes. Cependant, il ne reprend pas à son compte la totalité des remedia de l’auteur antique, mais choisit d’écarter ceux qui pourraient conduire au péché. C’est le cas du conseil – que les médecins médiévaux reprennent souvent pour soigner l’amor hereos et la mélancolie – d’une « dilution » du sentiment amoureux dans la pluralité des objets, ou, en d’autres termes, la multiplication du nombre de maîtresses. Ce conseil lui semble en effet « criminel » [66], pourtant ce n’est sans doute pas la pluralité de femmes aimées qui gêne le Tostado mais plutôt le caractère illégitime de ces multiples relations dans une société chrétienne organisée autour du sacrement du mariage.
28Parmi les remedia qui retiennent l’attention du Tostado – c’est-à-dire les plus compatibles avec une morale qui apparaît tardivement dans l’ouvrage –, il faut remarquer celui qui concerne l’absence d’oisiveté. En effet, l’oisiveté, selon le Tostado, « nourrit le désir, alors que les travaux pénibles bannissent les flammes cruelles de l’amour » [67]. L’oisiveté ne serait donc pas la cause de l’amour, mais ce qui lui permet de « grandir », de devenir plus fort. Auquel cas, pour fuir les excès de l’amour, il faut fuir l’oisiveté. Derrière cette thérapie se profile une certaine idée sociale de l’amour relativement proche de celle de Francisco López de Villalobos (1474-1549), selon laquelle l’amour est le passe-temps des grands seigneurs, des amoureux fingidos [68]. Le deuxième remède ovidien retenu par Alfonso de Madrigal concerne l’une des facultés de l’âme les plus impliquées dans le processus de l’amour : la mémoire. Il s’agit en effet de fuir ce qui peut raviver (recrudescere B, fol. 122vo a) la mémoire, comme certains lieux, certaines situations et le malade doit éviter de voir ou d’écouter la personne aimée. La notion même de remède à l’amour est-elle alors incompatible avec cette omniprésence et cette omnipotence de l’amour charnel dont il a été question ? Sans doute pas. S’il examine de près ces remèdes, le lecteur se rend compte qu’ils ne remettent aucunement en cause le fait d’amour. Ils ne concernent qu’un amour déjà réalisé, déjà engendré et c’est pour cette raison qu’ils prennent, a posteriori, appui sur la mémoire. La nécessité du désir amoureux reste, elle, irréductible. Or c’est essentiellement le « désir » que l’idée tostadienne de l’amour exprime, le mouvement de l’âme vers un objet. Et, contre un tel mouvement, aucun remède n’est vraiment efficace.
29Enfin, le Tostado clôt le chapitre consacré aux remèdes de façon assez abrupte, en alléguant de façon topique qu’il ne lui est pas permis de s’étendre davantage : « Il y a encore de nombreux remèdes contre cet amour violent et insensé, sur lesquels il n’est pas permis de s’étendre plus longtemps maintenant » [69]. On ne peut donc que s’étonner du faible intérêt accordé au sujet, dans un chapitre unique et, de plus, relativement court. Par ailleurs, le motif de l’amor dei – déjà peu présent dans le reste du traité – est une fois de plus le grand absent de ce chapitre, alors qu’il s’agit d’un thème récurrent parmi les remèdes à l’amour, notamment chez Pétrarque [70].
30Le Tostado traite de l’amour charnel avec une prudente audace et continue d’alimenter le paradoxe identifié dans la première partie de ce travail. Toutes les caractéristiques mises en évidence pour faire émerger la théorie tostadienne de l’amour nous semblent alors éclairer le contexte de production du Breuiloquium, dans la mesure où elles configurent les spécificités de l’humanisme castillan de la première moitié du xve siècle.
31Un traité universitaire caractéristique de l’humanisme castillan de la première moitié du xve siècle
Un humanisme qui naît à l’université
32Parler d’humanisme en Castille dans la première moitié du xve siècle implique nécessairement de se défaire du prisme italien [71]. En effet, si l’historiographie – notamment allemande – a pendant longtemps nié l’existence d’un tel phénomène dans la péninsule Ibérique, c’est parce qu’elle a occulté les spécificités castillanes pour ne retenir que les caractéristiques italiennes, voire françaises, de ce mouvement culturel [72]. C’est également de là qu’est née une bonne partie de la leyenda negra dont a souffert l’Espagne [73]. L’une de ces spécificités de l’humanisme castillan permet précisément de résoudre la contradiction apparente entre la théorie de l’amour charnel contenue dans le Breuiloquium et le milieu dont est issu son auteur. En effet, si l’humanisme italien se constitue en opposition au monopole de la connaissance détenu par les professionnels de la culture [74], c’est-à-dire les universitaires, l’humanisme castillan en revanche naît précisément à l’université. C’est dans les murs même de l’Université que des letrados comme Pablo de Santa María, Alfonso de Cartagena, Lope de Barrientos, Martín de Córdoba ou encore Alfonso Martínez de Toledo sont formés et redécouvrent les auteurs de l’Antiquité classique. Pour autant, leur statut même d’universitaires les convainc de l’importance d’éduquer non seulement les étudiants des facultés mais également, nous le verrons un peu plus loin, la noblesse. Cette nécessité de diffuser le savoir auprès d’un public de néophytes constitue précisément l’une des spécificités de l’humanisme castillan, que Javier García Gibert distingue du modèle italien par ces mots :
En effet, les humanistes castillans considèrent que la connaissance des auteurs classiques est indispensable à la formation de leurs contemporains en tant qu’hommes de la société civile. L’objectif est de parvenir à une culture comprise dans le sens le plus large possible, qui n’exclue aucun type de savoir et surtout qui ne soit pas réservée à un groupe restreint de professionnels. Ainsi, la démarche d’Alfonso de Madrigal, en tant que produit de l’université salmantine, illustre parfaitement le rôle de ces letrados dans l’émergence de l’humanisme en Castille, un humanisme envisagé, selon la définition proposée par Francisco Rico, comme un idéal « qui propose comme fondement de toute éducation l’expression correcte et la totale compréhension des classiques […], l’idéal d’une formation littéraire qui ne se ferme aucun horizon pratique ou théorique » [76].Frente al humanismo filológico y erudito de estirpe italiana, el humanismo español se fue decantando en lo que pueden considerarse sus principales señas de identidad : su carácter pedagógico y emocional, su capacidad sincrética y pragmática, su vocación divulgativa en lengua vernácula y su canalización por la vía de la literatura [75].
Les auteurs païens à l’honneur
33Cette réconciliation entre humanisme et scolastique est perceptible dans l’ouvrage du Tostado. Ce dernier, grâce à l’enseignement reçu au sein de la faculté des arts, possède une excellente connaissance des auteurs classiques, qui constituent d’ailleurs sa source principale pour les parties « littéraires » de son œuvre. Il cite ainsi abondamment les auteurs antiques canoniques, principalement Ovide et Virgile, ce qui ne doit guère nous étonner dans la mesure où la lyrique amoureuse classique y puise également ses références. À ces sources classiques « littéraires » s’ajoute l’incontestable caution scientifique du De Anima et de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote [77]. Le De Anima est en effet utilisé pour apporter des arguments naturalistes aux exempla mythologiques tirés d’Ovide et de Sénèque, tandis que l’Éthique à Nicomaque permet tout d’abord de distinguer quelle acception du mot « amour » intéresse ici l’auteur, puis de définir l’amour passionnel par opposition aux autres passions. Pour autant, Sénèque est de loin l’auteur le plus abondamment cité (plus de vingt fois dans la partie sur l’amour). Cette présence abondante de l’auteur cordouan dans l’ouvrage s’explique par des circonstances particulièrement favorables à sa réception dans la Castille du xve siècle. En effet, alors que jusqu’à présent la connaissance et l’usage direct des œuvres de Sénèque étaient très limités, la constitution, au sein de la cour de Jean II, de cercles de lettrés fascinés par l’humanisme italien favorise l’activité littéraire et notamment la promotion des œuvres de Sénèque, en latin comme en langue vulgaire, par l’intermédiaire des nombreuses traductions qui voient alors le jour [78]. Sénèque bénéficie largement de ce processus de revitalisation car le retour aux auteurs classiques passe en partie par une appropriation de l’héritage considéré comme « espagnol ». C’est ainsi que Sénèque le Cordouan entre en scène comme un « Espagnol » classique dont il faut absolument redécouvrir les œuvres et connaît une popularité inédite en Espagne [79]. De Sénèque, le Tostado cite plutôt les tragédies dans les chapitres sur l’amour charnel, alors que les premiers chapitres sont surtout enrichis de citations du philosophe, qu’il tire des épîtres ou du traité De la colère [80].
34Ce sont donc les auteurs classiques qui sont le plus largement représentés dans les citations du Tostado, même s’il convoque également les Pères de l’Église, comme Ambroise de Milan et Bernard de Clairvaux, et fait référence, dans son discours, à l’Ancien Testament. Nous avons souligné qu’il reprenait également les principes de saint Thomas d’Aquin, même s’il ne le nomme qu’une fois [81]. Le choix des sources est donc révélateur de la double culture de l’universitaire mais nous retiendrons tout de même que le Tostado choisit de proposer une doctrine de l’amour nourrie d’exemples avant tout païens. C’est sans doute de ses lectures et de ce goût pour les auteurs antiques que naît sa conception charnelle plutôt que divine de l’amour. On observe, là encore, une réelle différence par rapport à Pétrarque qui procède à une lecture largement chrétienne des auteurs de l’Antiquité [82].
Un double destinataire se dessine à travers les marques du discours didactique
35Nous avons évoqué, en introduction, l’importance de la transmission de l’art d’aimer. Il faut, à présent, rapprocher cet aspect du caractère pédagogique de l’humanisme castillan. En ce sens, le Breuiloquium constitue un véritable témoignage sur le contenu des enseignements universitaires à la fin du Moyen Âge et sur les stratégies de diffusion dans les milieux courtisans de tels savoirs.
36Pedro Cátedra et Carlos Heusch ont supposé que le Breuiloquium était en réalité le fruit de la réunion de cours épars qui avaient eu une existence propre et autonome avant d’être assemblés pour former le traité dont il est question [83]. En effet, cette doctrine amoureuse, plus précisément les chapitres sur l’amour charnel, se retrouve intégrée dans plusieurs œuvres, aux genres différents : elle est présente dans le Breuiloquium, mais également dans une œuvre postérieure, l’exégèse de l’évêque d’Avila au Livre des Rois, où il explique les amours d’Amnon pour sa sœur Tamar en incorporant un petit traité de amore [84]. Il est évident que les publics visés par les deux œuvres sont différents, tout comme devraient l’être leurs caractéristiques génériques et stylistiques. Pourtant, il s’agit bien du même texte – quoique remanié –, comme le montrent les similitudes structurelles mises en évidence dans ce tableau, qui reprend les titres de chapitres de la version latine du Breuiloquium telles qu’elles figurent dans le manuscrit de Burgo de Osma et ceux de la version latine du Super Secundum Librum Regum telles qu’elles sont présentées dans l’édition princeps de Venise datée de 1527-1528 [85] :
37Il apparaît ainsi que les différentes propriétés de l’amour que le Tostado distingue dans l’exégèse du Livre des Rois correspondent exactement aux rubriques du Breuiloquium [86].
38Outre ces similitudes structurelles entre les différentes versions de l’exposé théorique, ces mêmes chapitres sur l’amour charnel présentent des caractéristiques formelles qui rappellent le genre de la repetitio, laquelle constitue un genre nouveau institutionnalisé par les Statuts de Martin V en 1422 [87]. Selon l’article XIII, la répétition magistrale (à ne pas confondre avec le discours inaugural) consistait en une leçon prononcée en présence de toutes les Facultés, durant laquelle chaque maître expliquait les thèmes qu’il allait aborder durant l’année à venir. Tous les professeurs responsables d’une chaire étaient tenus de prononcer chaque année une repetitio, ce qui permet de dire que le Tostado s’est exercé à plusieurs reprises dans ce genre particulier [88]. D’un point de vue stylistique, la repetitio se distingue du cours par son caractère oratoire : le discours se caractérise par son élégance et son érudition et il s’agit de mobiliser toutes les ressources de l’éloquence pour défendre sa thèse de manière brillante et combattre les éventuels argumentaires qui s’y opposent. Le genre de la repetitio marque une transition entre la disputatio médiévale et l’oratio de la Renaissance : il conserve en règle générale la structure scolastique traditionnelle dans laquelle s’insèrent cependant des éléments caractéristiques d’un humanisme primitif comme les citations d’auteurs de l’Antiquité grecque et latine, l’introduction de la mythologie et la préoccupation pour l’élégance du style. Ainsi, alors que certains de ses contemporains gomment tous les éléments rappelant l’enseignement universitaire, comme les marques de l’exégèse ou bien les citations, afin de laisser la place à une prose fluide, le Tostado reproduit au contraire le modèle universitaire puisque la plupart des citations sont littérales et annoncées comme telles [89]. La présence de ces caractéristiques formelles vient donc étayer l’hypothèse de l’existence d’un texte indépendant écrit en latin selon les règles de la repetitio que le Tostado aurait adapté, en fonction de contraintes formelles et structurelles à chaque fois différentes, à plusieurs œuvres dans lesquelles il expose sa doctrine amoureuse.
39C’est cette volonté, de la part du professeur, de ne pas gommer les marques didactiques qui conduit Pedro Cátedra à affirmer que « la virtud más de alabar del Tostado como intelectual es la de haber sabido divulgar sin descender de su cátedra salmantina » [90]. Il s’agit en effet véritablement d’une entreprise de divulgation dans la mesure où au destinataire direct du traité – le public étudiant –, s’ajoute un destinataire indirect, celui des courtisans de la cour de Jean II. De la genèse complexe du Breuiloquium, retenons seulement que ce traité est censé répondre à la demande faite par Jean II de commenter un aphorisme sur la transitivité de l’amitié politique [91]. Or ladite analyse n’arrive qu’à la fin de l’œuvre et Alfonso de Madrigal ne lui consacre que six folios tandis que les soixante-cinq précédents concernent l’amour et l’amitié. Le Tostado utilise donc cette demande comme prétexte pour introduire, dans une œuvre dont il souhaite qu’elle ait la plus grande diffusion, tous les enseignements universitaires au sujet de l’amour qu’il a pu recueillir pendant ses activités professorales au sein de la faculté des arts [92]. Cette démarche conduit Pedro Cátedra à la qualifier de « único caso en Castilla de pura expansión directa extra-universitaria de las actividades propias de la facultad de Artes » [93].
40Ainsi, la présentation de ce discours à Jean II et à sa cour semble audacieuse au moins pour deux raisons. Tout d’abord – nous l’avons souligné – le traité ne répond pas vraiment à la demande royale, mais surtout, ce discours va à l’encontre des codes littéraires en vigueur à la cour. En effet, le système thomiste des passions permet au Tostado de défendre une conception hédoniste de l’amour qui écarte précisément toutes les passions négatives rattachées à l’amour par la tradition littéraire : « en amour, une fois exclues toutes les autres passions, il est clair qu’il n’y a aucune peine » [94]. Il semble donc que le Tostado ait voulu façonner une conception théorique de l’amour qui s’opposait à celle cultivée par les poètes de la cour de Jean II et évoquée par Carlos Heusch en introduction de ce dossier. Il paraît en effet probable qu’Alfonso de Madrigal connaissait parfaitement les conceptions « courtoises » de l’amour et que c’est de façon volontaire qu’il propose une vision fondamentalement positive de ce dernier. Il faut ainsi souligner l’audace de ce jeune professeur qui a offert à la cour une conception de l’amour qui était, idéologiquement, à l’opposé de la sienne et de toutes ses conventions littéraires. Même si l’on ne peut savoir à quel point l’œuvre a circulé, étant donné que peu de copies ont été retrouvées, nous souscrivons à l’affirmation de Carlos Heusch, selon laquelle « la position érotique et une certaine tendance réaliste sur l’amour feront leur chemin au sein de la Cour […], au point de donner à l’expression espagnole de l’amour ce qui serait peut-être sa caractéristique propre » [95].
Conclusion
41Finalement, le Tostado présente une théorie contrastée et audacieuse dans laquelle l’amour est pris dans son acception la plus réaliste (par opposition aux théories idéalistes qui composent la première partie de ce dossier). L’auteur attache un intérêt particulier à la dimension charnelle de l’amour, alors que sa dimension spirituelle, pourtant souvent au centre des écrits doctrinaux de la période antérieure, semble en comparaison peu retenir son attention. Il s’attarde alors sur les manifestations de l’amour charnel pour montrer que ce dernier s’insère dans l’ordo naturalis. C’est cet argumentaire naturaliste qui lui permet d’ailleurs de faire de l’amour un affect fondamentalement positif. Toutefois, cette apologie quelque peu osée de l’amour charnel et de sa toute-puissance se double, sous la plume du jeune artien, d’une certaine prudence.
42Celle-ci le conduit à s’arrêter sur les dérèglements que l’amour peut causer lorsqu’il est excessif et prend la forme d’une maladie de l’âme. Elle l’incite également à adopter un vocabulaire moralisateur qui semble jouer le rôle de bouclier mais qui ne parvient pas à occulter l’audace du propos. À travers ces différentes stratégies discursives apparaît alors la figure du professeur qui élabore, pour ce discours inaugural qu’est la repetitio, une véritable doctrine amoureuse. C’est d’ailleurs à travers sa structure même et les différentes marques didactiques qu’apparaît le double public auquel est tour à tour destinée cette doctrine : celui des étudiants mais également celui des nobles qui composent la cour de Jean II de Castille.
43Même si la réception de sa théorie de l’amour charnel et du naturalisme amoureux s’avère délicate dans un milieu où dominent encore des codes qui lui sont littéralement opposés, le Tostado inaugure avec ce texte un courant nouveau dans la Castille du xve siècle qui culmine une cinquantaine d’années plus tard avec La Celestina [96].
Mots-clés éditeurs : humanisme, faculté des arts, El Tostado, Alfonso de Madrigal, théorie amoureuse, université de Salamanque, naturalisme
Mise en ligne 25/02/2016
https://doi.org/10.3917/cehm.038.0091Notes
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[1]
Je remercie Carlos Heusch, Laurent Callegarin, Pablo Justel et Claire Bouvier pour leurs commentaires avisés et leur relecture méticuleuse. Malgré leur aide amicale et précieuse, les erreurs ou approximations qui subsistent sont de mon fait.
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[2]
Michel Zink, « Un nouvel art d’aimer », in : Michel Cazenave, Daniel Poirion, Armand Strubel, Michel Zink (éd.), L’art d’aimer au Moyen Âge, Paris : Éditions du Félin, Ph. Lebaud, 1997, p. 7-70, voir p. 7.
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[3]
C’est du moins l’information qui apparaît dans la dédicace de l’ouvrage dans les deux témoins conservés : « Ad gloriosissimum… Alfonsi de Madrigal, in artibus magistri » (B, fol. 106ro b). Toutes les citations sont tirées du manuscrit de Burgo de Osma, signalé par l’initiale B.
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[4]
On pense notamment aux écrits de saint Bernard, d’Hugues de Saint-Victor et de saint Bonaventure. Voir, pour chacun de ces auteurs : Laurence Mellerin (éd.), Bernard de Clairvaux : Introduction générale aux œuvres complètes : histoire, mentalités, spiritualité, Paris : Les éditions du Cerf, 2010 ; Dominique Poirel, Hugues de Saint-Victor, Paris : Les éditions du Cerf, 1998 ; Boyd Taylor Coolman, The Theology of Hugh of St. Victor : An Interpretation, Cambridge, New York : Cambridge University Press, 2010 ; Étienne Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, 3e édition, Paris : Vrin, 2006. Pour la péninsule Ibérique, on pense aux philosophes catalans évoqués par Carlos Heusch en ouverture de ce dossier, soit Raymond Lulle et son Llibre d’amic e amat de 1282 ainsi que Raymond Sebond et son Liber creaturarum de 1436.
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[5]
En témoigne, par exemple, un proverbe que l’on adresse toujours aujourd’hui à une personne qui écrit beaucoup : « escribes más que el Tostado » (voir Vicente de La Fuente, Historia Eclesiástica de España. 2e édition corrigée et augmentée, t. 2, Madrid, 1885, p. 448). Nous rappellerons seulement, pour donner un aperçu de l’ampleur de sa production, que l’édition la plus complète de ses Opera Omnia (éditée en 1728 à Venise) compte vingt-sept volumes, sachant que certains de ses écrits, demeurés inédits, ont disparu et figurent seulement dans des catalogues comme ceux présentés par Joaquín Roxas y Contreras, Historia del Colegio Viejo de San Bartolomé, Mayor de la célebre Universidad de Salamanca, 2e édition corrigée et augmentée, Madrid : Andrés Ortega, 1766, p. 121-122 et Nicolás Antonio, Bibliotheca Hispana Vetus sive Hispani scriptores qui ab octaviani augusti aevo ad annum Christi MD. floruerunt, Matriti apud viduam et heredes D. Ioachimi Ibarrae reggi quondam typographi, t. 2, 1787, p. 257-260.
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[6]
Sur la classification de la production tostadienne, voir Emiliano Fernández Vallina, « Introducción al Tostado. De su vida y de su obra », Cuadernos Salmantinos de Filosofía, 15, 1998, p. 153-177.
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[7]
Hernando del Pulgar, Claros varones de Castilla, édition de Miguel Ángel Pérez Priego, Madrid : Cátedra, 2007, tít. 24, p. 197 : « Cierto es que ningún ombre, dado que biva largos tienpos, puede saber la perfectión e profundidad de todas las ciencias. E no quiero dezir que este sabio perlado las alcançó todas, pero puédese creer dél que en la ciencia de las artes e theología e filosofía natural e moral, e asimismo, en el arte del estrología e astronomía, no se vido en los reinos de España ni en otros estraños se oyó aver otro en sus tienpos que con él se conparase ».
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[8]
Enrique Esperabé de Arteaga, Historia pragmática e interna de la Universidad de Salamanca, t. 2, Salamanque : Imprenta Fr. Núñez Izquierdo, 1917, p. 267 : « La celebridad de este ilustre Mro. en Teología contrasta con la carencia de noticias que tenemos de él. Sentimos vernos obligados á decir que no hemos encontrado ningún dato más que los publicados en las obras impresas ».
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[9]
Les auteurs la situent traditionnellement entre 1401 (Tomás et Joaquín Carreras y Artau, Historia de la Filosofía Española. Filosofía cristiana de los siglos xiii al xv, t. 2, Madrid : Real Academia de las Ciencias exactas, físicas y naturales, 1943, p. 542) et 1410 (Joaquín Blázquez Hernández, « El Tostado alumno graduado y profesor de la Universidad de Salamanca », XV semana española de Teología (19-24 sept. 1955) : problemas de actualidad en teología sacramentaria, otros estudios, Madrid : CSIC, Instituto « Francisco Suárez », 1, 1956, p. 411-448, p. 435). Francisco Ruiz de Vergara et le marquis de Alventós Roxas y Contreras s’accordent sur l’année 1404 (Francisco Ruiz de Vergara y Álava et J. Roxas y Contreras, Historia del Colegio Viejo…, p. 109). Nous réduisons l’éventail aux deux dernières hypothèses, souscrivant ainsi en partie à la dernière reconstruction biographique, proposée par E. Fernández Vallina, « La importancia de Alfonso Fernández de Madrigal, “el Tostado”, maestrescuela en la universidad de Salamanca », in : Luis E. Rodríguez-San Pedro Bezares et Juan Luis Polo Rodríguez (éd.), Salamanca y su universidad en el primer Renacimiento : siglo xv. Miscelánea Alfonso IX, 2010, Salamanque : Universidad de Salamanca, 2011, p. 162-164. Nous le suivons notamment lorsqu’il réfute la chronologie proposée par Cándido M.ª Ajo, « Estudio biográfico de Alfonso de Madrigal : “El Tostado” », Abula, 2, 2002, p. 5-43. En revanche, les présupposés selon lesquels le Tostado aurait suivi plusieurs cours par an, aurait commencé ses études avant ses dix-huit ans et serait donc devenu maître ès Art à vingt-et-un ans nous paraissent trop peu étayés (E. Fernández Vallina, « La importancia… », p. 163). Dans tous les cas, les dates proposées ici sont des hypothèses qui mériteront d’être complétées par la suite.
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[10]
Selon Gil González Dávila, il se fait remarquer dès l’enfance par les moines franciscains qui passaient par Madrigal de las Altas Torres pour y prêcher et qui furent surpris par sa bonne compréhension de leurs prières et psaumes. Ils décidèrent d’emmener l’enfant jusqu’à leur couvent d’Arévalo, où il put recevoir l’instruction primaire, la grammaire et la langue latine : Gil González Dávila, Teatro eclesiástico de las Iglesias metropolitanas y catedrales de los Reynos de las dos Castillas. Vidas de sus Arzobispos, y Obispos, y cosas memorables de sus sedes, t. 2, Madrid : Pedro de Horna y Villanueva, 1647, p. 262 sqq. Cet épisode de la vie du Tostado est également raconté de manière similaire par J. Roxas y Contreras, Historia del Colegio Viejo…, p. 110.
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[11]
H. del Pulgar, op. cit., p. 196 : « Aprendió en el estudio de Salamanca, donde recibió ábito clerical. Fue observantíssimo en la orden que recibió e, de hedad de veinte e cinco años, ovo el grado de magisterio ».
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[12]
Jaime Villanueva donne de plus amples renseignements sur le séjour d’Alfonso de Madrigal à la chartreuse Scala Dei, en se fondant sur le livre des admissions et professions. Jaime Villanueva, Viaje literario a las Iglesias de España, t. 20, Madrid : Real Academia de la Historia, 1802-1851, p. 159-160 : « Item feria secunda in die Epiphanie recipimus unum iuuenem Castellanum, admodum insignem, qui uocabatur Ildefonsus de Madrigal, qui erat canonecus Salmantinus. Fuit per conuentum concensum quod reciperetur ad osculum pacis ; nam et incellatus fuit feria quinta in uespere Beati Antonii de mense ianuarii 16, anni Domini 1444 ».
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[13]
De nombreux auteurs lui ont attribué le poste d’abbé de Valladolid, le confondant ainsi avec Alfonso de Fonseca qui lui succéda à l’évêché d’Avila. C’est cette confusion qui a conduit certains biographes à allonger considérablement la durée d’occupation du poste par le Tostado. Voir Federico Martín de Castro, Introductio generalis in Sacram Scripturam, Valladolid : Cuesta, 1922, p. 461 : « Abbas Ecclesiae Collegialis Vallisoleti anno 1448, creatus finit Episcopus Abulensis anno seguenti ». Voir également G. González Dávila, op. cit., p. 268.
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[14]
La bulle de nomination de Juan Ruiz de Camargo en tant que successeur d’Alfonso de Madrigal à Salamanque nous permet de déterminer avec une relative précision la date de la promotion du Tostado à l’évêché d’Avila, étant donné que le document pontifical est daté du 11 février 1454. Voir Vicente Beltrán de Heredia, Bulario de la Universidad de Salamanca (1219-1549), Salamanque : Universidad de Salamanca, 1966, p. 73-74 : « Se confiere motu propio la escolastría de Salamanca, vacante por promoción de Alfonso de Madrigal a la iglesia de Ávila, a Juan Ruiz de Camargo doctor en leyes. Roma 11 de febrero de 1454 ». Sur l’épiscopat du Tostado, voir : V. Beltrán de Heredia, Cartulario de la Universidad de Salamanca, I, Salamanque : Universidad de Salamanca, 1970, p. 498 et E. Fernández Vallina, « Introducción al Tostado… », p. 158.
-
[15]
Voir Tesoros Bibliográficos de la Catedral de Segovia, 1986, p. 31 : il ne reste que deux lettres datées du 26 juillet 1455 et adressées aux fidèles de la paroisse de San Nicolás, à Madrigal, dans lesquelles il leur ordonne de ne rien changer de ce qui avait été établi jusqu’alors, de continuer à payer la moitié des dépenses des cloches de l’église et à donner dix-sept livres de cire chaque année.
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[16]
Sur l’œuvre exégétique du Tostado, consulter José Manuel Sánchez Caro, Rosa María Herrera García et Inmaculada Delgado Jara, Alfonso de Madrigal, el Tostado. Introducción al evangelio de San Mateo, Avila-Salamanque : Universidad Pontificia de Salamanca-Diputación de Ávila, Institución Gran Duque de Alba, 2008, p. 20-50, et Inmaculada Delgado Jara, « El Tostado y la exégesis bíblica », in : Cirilo Flórez Miguel, Maximiliano Hernández Marcos, Roberto Albares Albares (éd.), La primera Escuela de Salamanca (1406-1516) : actas del Congreso celebrado en la Universidad de Salamanca en setiembre de 2011, Salamanque : Universidad de Salamanca, 2012, p. 55-73.
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[17]
Pour le détail des œuvres, voir E. Fernández Vallina, « La importancia… », p. 167.
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[18]
Voir Frédéric Gabriel, « Canon textuel et autorité magistérielle : une controverse entre Alfonso de Madrigal et Juan de Torquemada (Sienne, 1443) », Revue des sciences religieuses, 86 (2), 2012, p. 127-142.
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[19]
Pour une étude plus approfondie sur le Tostado théologien, voir J. Blázquez Hernández, art. cité, p. 411-448. Le même auteur propose un bon résumé dans Quintín Aldea Vaquero, Tomás Marín Martínez et José Vives Gatell (dir.), Diccionario de historia eclesiástica de España, vol. 2, Madrid : CSIC, Instituto Enrique Flórez, 1972, p.1390-1391. Voir également Melquíades Andrés (dir.), Historia de la teología española, vol. 1, Madrid : Fundación universitaria española, 1983-1987, p. 520-522.
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[20]
Cette date est établie par rapport à la date qui nous paraît, à l’heure actuelle, la plus fiable, à savoir celle de l’accession au grade de maître ès théologie. Voir note 25 infra.
-
[21]
Voir les statuts du pape Martin V, titre XVI, dans l’édition d’E. Esperabé de Arteaga, Historia pragmática…, t. 1, 1914, p. 57.
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[22]
J. Blázquez Hernández, art. cité, p. 432.
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[23]
Dans la Praefatio aux Commentaria in Genesim, écrits en 1436, il déclare être le plus jeune docteur à s’être consacré à l’étude des Saintes Écritures : « Haec Sacratissima Scriptura omnium difficilim, certissima et nobilissima, se elucidantibus uitam aeternam promittit, ut patet Eccle. 24 cap. qui me illucidant uitam aeternam possidebunt. Hanc multi doctores florentissimi a principio Ecclesiae primitiuae usque hodie modis uarris elucidauerunt unusquisque sicut ei Spiritus Santus gratuitam mensuram concessit. Ego autem omnium minimus, qui etiam me eorum minimum dici indignum existimo, cum in hoc gradu nihil me habere crediderim, os mutum mouere conabur rauco gutture timens, uoce tremula presonabo maiorum uestigia semper adorans, prout mihi Spiritus Sancti larga benignitas eloqui contulerit » (Praefatio Commentaria in Genesim. Venetiis, 1596, fol. 2ro).
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[24]
J. Roxas y Contreras (Historia del Colegio Viejo…, p. 109) établit cette date de 1433, mais il apparaît dans le Catálogo y sumario breve de las personas que han sido colegiales en el insigne Colegio de S. Bartolomé de Salamanca (Manuscrit 7.122 de la Bibliothèque nationale de Madrid) qu’il fut admis en 1426 et qu’une fois dans le Collège, il en devint le recteur (la date n’apparaît pas) : « fue elegido como colegial en 1426 y estando en el Colegio fue rector ». Nuria Belloso Martín (Política y Humanismo en el siglo xv : el maestro Alfonso de Madrigal, el Tostado, Valladolid : Universidad de Valladolid, 1989, p. 15) penche malgré tout pour l’année 1433 car, selon elle, ce manuscrit manque de rigueur et à cette date, Alfonso de Madrigal était très jeune (elle situe sa naissance en 1410).
-
[25]
On retrouve le nom du Tostado dans deux requêtes qui figurent au sein des documents des Archives du Vatican, réunies par Beltrán de Heredia dans son Bulario de la Universidad de Salamanca. Ces documents, écrits par des candidats à des charges ecclésiastiques vacantes, servaient à détailler leurs propres aptitudes au poste brigué, afin de guider le pontife dans le choix du candidat idéal. Il apparaît pour la première fois dans la requête 373, datée du 27 mai 1441, dans laquelle il se présente comme maître ès arts et bachelier en théologie (V. Beltrán de Heredia, Bulario…, p. 479-480 : « uestri Alfonsi de Matricali, clerici Abulen. dio., magistri in artibus et in theol. baccalarii ».) tandis que dans une autre requête du 15 octobre 1441, il se présente comme maître ès arts et théologie (ibid., p. 487-488 : « Alfonsus Fernandi a Matricali, clericus Abulen. dio. ac in Theologia et artibus magister »).
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[26]
Une requête de Juan de Camargo datée du 24 mars 1446 et sollicitant l’obtention de la charge de prêtre de Santa Bárbara de Salamanca, charge vacante depuis la promotion d’Alfonso de Madrigal, nous l’indique. Ibid., p. 536 : « Se confiere a Juan de Camargo la capellanía de Santa Bárbara de Salamanca que tenía Alfonso Fernández de Madrigal y se esperaba que vacase por su ascenso a la escolastría. Roma 24 de marzo 1446 ».
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[27]
Confesional, manuscrit 4202, Bibliothèque nationale de Madrid, fol. 130ro b : « Esta confesion fizo dar Alfonso de Madrigal, obispo de Avila, bachiller en cánones e maestro en arte e Santa theologia, e fízola siendo maestre escuela de la universidad del estudio de Salamanca e rigiente la cathedra de Vísperas de Santa Theologia e dia de Poetria a la mañana. Deo gracias ».
-
[28]
Voir B, fol. 117vo b : « in libro nostro qui de quinque methaphoricis paradoxis confectus est » et fol. 118ro b : « in libro de quinque methaphoricis paradoxis late diferimus ».
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[29]
Paradoxae quinque, Venetiis : apud Ioannem Baptistam et Ioannem Bernardum Sessam, 1596, chapitre XXIX : « nam cum a tempore nauitatis redemptoris nostri anni mille quadringenti triginta septem discursi sint ». Cette œuvre existe en latin et en espagnol et il apparaît difficile de déterminer quelle est la version originale et quelle est la traduction. Les informations contenues dans les dédicaces nous révèlent que le livre des Paradoxes fut d’abord écrit en langue castillane à la demande de la reine Marie de Castille, à qui l’œuvre est dédiée. Ensuite, le Tostado la traduisit en latin et dédia cette version au roi Jean II, époux de la première. Le texte castillan fut donc écrit entre 1437 et 1444, date de la mort de la reine. La version castillane a été éditée par Carmen Parrilla (édition critique), Alfonso Fernández de Madrigal, el Tostado, Las çinco figuratas paradoxas, Alcalá de Henares-Madrid : Universidad de Alcalá, 1998.
-
[30]
Voir, à ce sujet, Charles Vincent Aubrun, « Un traité de l’amour attribué à Juan de Mena », Bulletin hispanique, 50, 1948, p. 333-344 ; Giovanni Maria Bertini, « Inedito spagnolo del secolo xv », Quaderni Ibero-Americani, 9, 1950, p. 9 ; Alberto del Monte, « La Disertación sobre el Amor attribuitta a Juan de Mena », Civiltà e Poesia Romanze, Bari : Adriatica Editrice, 1958, p. 148-169 ; María Luz Gutiérrez Araus, Tratado de amor atribuido a Juan de Mena, Madrid : Alcalá, 1975 ; Miguel Ángel Pérez Priego (éd.), Juan de Mena. Obras Completas, Barcelone : Planeta, 1989, p. 379-391 ; Ángel Gómez Moreno et Teresa Jiménez Calvente, Juan de Mena. Obra completa, Madrid : Turner, 1994, p. 641-653.
-
[31]
Éd. de Juan Miguel Valero, in : Pedro Cátedra (coord.), Tratados de amor en el entorno de la Celestina (Siglos xv-xvi), Madrid : Sociedad Estatal España Nuevo Milenio, 2001, p. 31-49, voir p. 35.
-
[32]
Arcipreste de Talavera, éd. de Michael Gerli, Madrid : Cátedra, 1981, p. 64.
-
[33]
Pour les statuts de 1411, voir V. Beltrán, Bulario…, I, p. 29. Pour l’étude des différents statuts de l’université de Salamanque, voir Javier Alejo Montes, « Las reformas y los planes de estudio de la Universidad de Salamanca en las Edades Media y Moderna », REDEX. Revista de Educación de Extremadura, 4, 2012, p. 11-26. Sur les raisons du vide institutionnel au sujet de l’éthique avant le xve siècle, voir Carlos Heusch, « Entre didacticismo y heterodoxia. Vicisitudes del estudio de la Ética en la España escolástica », La Corónica 19 (2), 1990-1991, p. 89-99.
-
[34]
En 1215, Robert de Courçon approuve les statuts de l’université de Paris selon lesquels on doit enseigner, dans la faculté des arts, les livres de logique et d’éthique d’Aristote. Voir Jacques Verger, « À propos de la naissance de l’université de Paris : contexte social, enjeu politique, portée intellectuelle », Les universités françaises au Moyen Âge, Leyde-New York-Cologne : Brill, 1995, p. 1-35.
-
[35]
Voir titre XVI dans l’édition citée d’E. Esperabé de Arteaga, p. 57.
-
[36]
Sa descendance universitaire le prouve également, notamment le parodique Tratado de cómo al hombre es necessario amar, une œuvre que Pedro Cátedra situe aux alentours de 1475 et qui a longtemps été attribuée au Tostado. Voir Pedro Cátedra, Amor y pedagogía en la Edad Media : estudios de doctrina amorosa y práctica literaria, Salamanque : Universidad de Salamanca, 1989, p. 113-141.
-
[37]
Sur l’amour de Dieu dans le Breuiloquium du Tostado, voir C. Heusch, La philosophie de l’amour dans l’Espagne du xve siècle, Paris : Université de la Sorbonne nouvelle, 1993 (thèse dactylographiée consultable en ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00734876/), p. 63-70.
-
[38]
Sur la caritas, voir Hélène Pétré, Caritas : Étude sur le vocabulaire latin de la charité chrétienne, Louvain : Peeters, 1948.
-
[39]
B, fol. 108vo b : « caritate, que amor formatus » ; « caritas ordinem semper habet ».
-
[40]
Loc. cit. : « existentibus in peccato mortali, caritas nulla relinquatur, quia omni vitio repugnare constat », « aucune charité ne serait laissée à ceux qui vivent dans le péché mortel, puisqu’elle est absolument incompatible avec tout vice ».
-
[41]
Loc. cit. : « cum hoc solius vere boni munus sit ».
-
[42]
Bernard de Clairvaux, Sermons sur le Cantique, LXXXIII, 4 : « cum Deus amat, nil aliud uult quam amari, quoniam non ob aliud amat, nisi ut ametur ».
-
[43]
B, fol. 109ro a : « beata ergo illa affectio erit qua vicem reddimus nostro creatori ».
-
[44]
Aristote, Éthique à Nicomaque, VIII ; Sénèque, Lettres à Lucilius, IV, 35, 1.
-
[45]
B, fol. 107vo b : « de amore uniuersaliter loquentibus » ; fol. 108ro b : « Nec enim hic specialiter dixerim ad aliquod amoris speciale genus determinans, sed ipsum passionalem amorem uniuersaliter sumens », « en effet, je ne parlerai pas ici en particulier, en me limitant à une sorte précise d’amour, mais en prenant l’amour lui-même, universellement, en tant que passion ».
-
[46]
Aristote, Éthique à Nicomaque, II, chap. 1 et 4.
-
[47]
B, fol. 108ro a : « amorem aut passionem aut passionalem actum dici neccesse est » ; fol. 108ro b : « amorem, uniuersaliter sunptum, passionem fore » ; id. : « cum naturalem passionem amorem esse constet » ; fol. 108vo b et fol. 109vo b : « passionalis amoris ». Pour une réflexion sur les passions au Moyen Âge : Carla Casagrande et Silvana Vecchio, « Les théories des passions dans la culture médiévale », in : Damien Boquet et Piroska Nagy (dir.), Le sujet des émotions au Moyen Âge, Paris : Beauchesne, 2009, p. 107-122 ; id., Sensible Moyen Âge. Une histoire des émotions dans l’Occident médiéval, Paris : Éditions du Seuil, 2015 ; Ruedi Imbach, « Les passions médiévales (perspectives philosophiques) », à paraître.
-
[48]
Voir B, fol. 107vo b. Voir, à ce sujet, Étienne Gilson, Le thomisme : Introduction à la philosophie de saint Thomas d’Aquin, 6ème édition revue, Paris : J. Vrin, 1983, p. 335-352. Pour une actualisation de la question et de la bibliographie : Eleonore Stump, Aquinas, Londres : Routledge, 2003.
-
[49]
C. Heusch, La philosophie de l’amour…, p. 500.
-
[50]
Les occurrences sont trop nombreuses pour être recensées mais on observe une répartition symétrique entre les deux verbes.
-
[51]
B, fol. 109vo b : « amor namque de quo agimus, et uulgari nomine amor vocatur, ad delectabilia et non ad utilia est, utilia namque in se ipsis delectacionem nullam, nisi secundum finem ad quem referuntur, habent. Delectabilia autem bona sunt que, secundum se ipsa, ad nullum alium relata finem, delectacionem et fruicionem habent ».
-
[52]
B, fol. 108ro a : « Non igitur consuetudine amor, sed naturaliter inest » (« L’amour ne se trouve donc pas en nous par habitude mais naturellement ») ; fol. 108rob : « cum naturalem passionem amorem esse constet, inter omnis passiones nature nulla delectabilior est atque conuenientior » (« il est établi que l’amour est une passion naturelle, parmi toutes les passions, il n’en est aucune qui ne soit plus charmante ni plus conforme à la nature ») ; fol. 119vo a : « amorem ad libidinem esse aliquid a natura in nobis causatum » (« l’amour qui nous pousse à l’union charnelle est une chose causée en nous par la nature »).
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[53]
B, fol. 108ro a : « Quod euidencius apparet natura non solis ratione degentibus amor inest, sed etiam feras ipsas tenacissima quadam unione consequitur ».
-
[54]
B, fol. 119vob : « sagacissima natura aut, ut planius veriusque dicamus, ipse nature Auctor ».
-
[55]
C. Heusch, « Enjeux socio-culturels des discours amoureux dans l’Espagne du xve siècle », Imprévue, 2, 1996, p. 41-61, voir p. 42.
-
[56]
Marcel Chossat, « L’averroïsme de saint Thomas », Archives de philosophie, 9, 1932, p. 129-177. Voir également Ruedi Imbach, « L’averroïsme latin du xiiie siècle », in : Ruedi Imbach et Alfonso Maierù (éd.), Gli studi di filosofia medievale fra otto e novecento, contributo a un bilanco storiografico. Atti del convegno internazionale, Roma, 1989, Rome : Ed. di Storia e Letteratura, 1991, p. 191-208.
-
[57]
Voir Fernand Van Steenberghen, La philosophie au xiiie siècle, Louvain-Paris : Éditions de l’Institut Supérieur de Philosophie, 1991, ch. viii.
-
[58]
André le Chapelain, De Amore, éd. bilingue d’Inés Creixell Vidal-Quadras, Barcelone : Sirmio, 1990, p. 54.
-
[59]
Sur l’amor hereos, son origine et ses symptômes, voir l’article d’Eukene Lacarra dans ce même dossier.
-
[60]
B, fol. 120ro b : « Percinet autem ad hanc excellens amoris gradus quo aliqui incidunt in eam passionem quam medici “amorem heroes” uocant ». L’expression apparaît également chez le médecin de Montpellier Bernard Gordon, qui, dans son Lilium medicine (1305) décrivait ainsi les symptômes de l’amour « hereos » ou mélancolie d’amour : « [los enamorados] pierden el sueno e el comer e el bever, e se enmagresce todo su cuerpo, salvo los ojos, e tienen pensamientos escondidos e fondos con sospiros llorosos » (nous citons à partir de la traduction espagnole de Séville, 1495, éd. de Brian Dutton et María Nieves Sánchez, 1991, p. 522). Sur la maladie d’amour, voir également Arnaldi de Villanova, De amore heroico, in : Opera medica omnia III, éd. de Michael McVaugh, Barcelone : Publicacions i Edicions de la Universitat de Barcelona, 1985. Sur ce sujet, voir Danielle Jacquart et Claude Thomasset, « L’amour héroïque à travers le traité d’Arnaud de Villeneuve », in : Jean Céard (études réunies par), avec la collaboration de Pierre Naudin et Michel Simonin, La Folie et le Corps, Paris : PENS, 1985, p. 143-158 ; Bénédicte Torres, « Amours et corps en souffrance dans La Galatea de Miguel de Cervantes », in : Pierre Civil (coord.), Écriture, pouvoir et société en Espagne aux xvie et xviie siècles, hommage du CRES à Augustin Redondo, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001, p. 433-446, p. 434.
-
[61]
Sur la maladie d’amour au Moyen Âge, voir Danielle Jacquart, « La maladie et le remède d’amour dans quelques écrits médicaux au Moyen Âge », in : Danielle Buschinger et André Crépin (éd.), Amour, mariage et transgression au Moyen Âge, Göppingen : Kümmerle Verlag, 1984, p. 93-101.
-
[62]
Breviloquio, fol. 50ro b du manuscrit de Salamanque. Nous citons exceptionnellement la version traduite en castillan par l’auteur car notre édition de la partie sur l’amitié n’est pas encore achevée. Nous citons l’édition en annexe de la thèse de doctorat de Carlos Heusch, La philosophie de l’amour…, volume 3 : édition du Breviloquio de amor e amiçiçia d’Alfonso de Madrigal, El Tostado, p. 838. Pour la version latine, voir Breuiloquium, B, fol. 152r° a : « quippe amor cecus ignis sub pectore latens […] cui autem hec insunt amoris vulnus alit et ceco crepitur igni ».
-
[63]
C. Heusch, La philosophie de l’amour…, p. 504.
-
[64]
Rappelons l’interdiction, en 1277, par l’évêque de Paris, Étienne Tempier, de l’enseignement de 219 thèses à la Sorbonne. Le De amore d’André Le Chapelain est à cette occasion la seule source nommément condamnée. Voir Luca Bianchi, Il vescovo e i filosofi. La condanna parigina del 1277 e l’evoluzione dell’aristotelismo scolastico, Bergame : P. Lubrina, 1990. Cette condamnation du De amore visait le public des étudiants parisiens, qui n’avaient pas bonne réputation auprès de leurs contemporains. Sur le profil de l’étudiant parisien et ses mœurs dissolues, voir J. Verger, « Des écoles à l’université : la mutation institutionnelle », in : Robert-Henri Bautier (dir.), La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations, Paris : Édition du CNRS, 1982, p. 824-825. Pour le cas de l’Espagne, voir Gustave Reynier, La Vie universitaire dans l’ancienne Espagne, Paris-Toulouse : A. Picard-E. Privat, 1902 et Richard L. Kagan, Students and society in early modern Spain, Baltimore-Londres : The Johns Hopkins University Press, 1974.
-
[65]
Voir les éditions des Belles Lettres : Ovide, Les remèdes à l’amour. Les produits de beauté pour le visage de la femme, texte établi et traduit par Henri Bornecque, Paris : Les Belles Lettres, 1930 ; Les Métamorphoses, Tome II, Livres VI-X, texte établi et traduit par Georges Lafaye, édition revue et corrigée par Henri Le Bonniec, Paris : Les Belles Lettres, 1989 ; Héroïdes, texte établi par Henri Bornecque, traduit par Marcel Prévost, édition revue et augmentée par Danielle Porte, Paris : Les Belles Lettres, 1991.
-
[66]
B, fol. 122ro b et 122vo a : « Hunc autem ferocissimum atque furentem amorem si quis eliminare uellit, remedia poterit inquirere que ponit Ovidius in duobus libris quos De amoris remedio fecit, in quibus quamquam multa, que radicem quandam eliminandi amoris habent, ponantur, pleraque tamen scelesta ualde sunt, cum vicium maiori vicio expurgendum admoneatur, ut cum iubet quod si quis uoluerit alicuius cui fortissime cathenatus tenetur amorem excludere, duas aut plures simul amet, ut sic saltem diuissus amor, minor ad quamlibet sit ».
-
[67]
B, fol. 122vo a : « libidinem nutriunt, labores autem seuas amoris flamas secludunt ».
-
[68]
Voir Los problemas del doctor Villalobos (contenant Problemas, Diálogos, Tratado de las tres grandes et Comedia de Anfitrion), Saragosse : Jorge Coci, 1544. Ces œuvres ont été publiées par Adolfo De Castro (éd.), Curiosidades bibliográficas, colección escogida de obras raras de amenidad y erudición, Madrid : BAE, t. 36, Rivadeneyra, 1855. Le traité sur l’amour se trouve aux pages 487 à 493, comme épilogue à sa traduction de l’Amphitryon de Plaute.
-
[69]
B, fol. 122vo a : « Sunt autem plurima huius seui amoris insanientisque remedia, de quibus nunc amplius disgredi non licet ».
-
[70]
Voir Jean-Luc Nardone, « Pétrarque contre Amour », Littératures, 50, 2004, p. 119-128.
-
[71]
Voir, à ce sujet, C. Heusch, « Proto-humanisme et élites lettrées dans la Castille du xve siècle », in : Patrick Gilli (dir.), Les élites lettrées au Moyen Âge. Modèles et circulation des savoirs en Méditerranée occidentale (xiie-xve s.), Montpellier : Presses Universitaires de la Méditerranée, 2008, p. 303-331.
-
[72]
Le débat historiographique sur l’existence ou non d’un humanisme castillan au xve siècle ne nous paraît plus pertinent, comme en témoigne la riche bibliographie sur la question. Sur l’origine du débat : Ottavio Di Camillo, El Humanismo Castellano del Siglo xv, Valence : F. Torres, 1976 ; Francisco Rico, Nebrija frente a los bárbaros, Salamanque : Universidad de Salamanca, 1978 et id., El Sueño del humanismo, de Petrarca a Erasmo, Madrid : Alianza, 1993. Pour des synthèses et les derniers travaux en date, voir Joseph Pérez, De l’humanisme aux lumières : études sur l’Espagne et l’Amérique, Madrid : Casa de Velázquez, 2000, p. 161-187 ; Fernando Gómez Redondo, Historia de la prosa medieval castellana III : el marco cultural de Enrique III y Juan II. Los orígenes del humanismo, Madrid : Cátedra, 2002, p. 2472-2473 ; José M.ª Monsalvo Antón, « Poder y cultura en la Castilla de Juan II : ambientes cortesanos, humanismo autóctono y discursos políticos », in : Luis E. Rodríguez-San Pedro Bezares et Juan Luis Polo Rodríguez (éd.), Salamanca y su universidad en el primer Renacimiento : siglo xv. Miscelánea Alfonso IX, 2010, Salamanque : Universidad de Salamanca, 2011, p. 15-92 ; Jeremy Lawrance, « Humanism and the court in fifteenth-century Castile », in : David Rundle (éd.), Humanism in fifteenth-century Europe, Oxford : Society for the Study of medieval Languages and Literature, 2012, p. 175-201.
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[73]
Sur ce sujet, voir J. Pérez, La légende noire de l’Espagne, Paris : Fayard, 2009.
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[74]
Voir les attaques de Pétrarque contre les logiciens anglais et contre les hauts dignitaires ecclésiastiques de Gaule formés à la Sorbonne (Seniles, V, 2 ; Triondo della Fama, III, 62-64). On retrouve ces attaques contre les scolastiques dans son De sui ipsius et multorum ignorantia. Il en va de même avec Leonardo Bruni (prologue à l’Éthique à Nicomaque, Vita di Dante, De studiis et litteris) et Lorenzo Valla (Dialecticae disputationes contra Aristotelicos). Pour une synthèse sur la question, voir J. Pérez, « Humanisme et scolastique », Cahiers d’Études Romanes, 12, 1987, p.40-71 et Domingo Ynduráin, « Humanismos y barbaries », Humanismo y Renacimiento en España, Madrid : Cátedra, 1994, p. 129-198. Dernièrement, sur l’humanisme italien en général, voir Corrado Bologna et Paola Rocchi, Umanesimo, Rinascimento e Manierismo, Turin : Loescher, 2010 ; Guido Cappelli, L’umanesimo italiano da Petrarca a Valla, Rome : Carocci, 2010 ; Clémence Revest, « La naissance de l’humanisme comme mouvement au tournant du xve siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 68 (3), juillet-septembre 2013, p. 665-696 ; Brian Jeffrey Maxson, The humanist world of Renaissance Florence, Cambridge-New York : Cambridge University Press, 2014.
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[75]
Javier García Gibert, La humanitas hispana : sobre el humanismo literario en los Siglos de Oro, Salamanque : Ediciones Universidad de Salamanca, 2010, p. 58.
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[76]
F. Rico, « Laudes litterarum. Humanisme et dignité de l’homme dans l’Espagne de la Renaissance », in : Augustin Redondo (éd.), L’humanisme dans les lettres espagnoles, Paris : Librairie philosophique J. Vrin, 1979, p. 31-45, p. 33.
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[77]
Pour un résumé commode des doctrines du De anima, voir Christopher Shields (trad., intr. et commentaire), De Anima, Oxford : Oxford University Press, 2015. Sur l’Éthique à Nicomaque, voir Michael Pakaluk, Aristotle’s Nicomachean Ethics : An Introduction, Cambridge : Cambridge University Press, 2005.
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[78]
Voir Karl Alfred Blüher, Séneca en España, Investigaciones sobre la recepción de Séneca en España desde el siglo xiii hasta el siglo xvii, Madrid : Gredos, 1983, p. 113-126.
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[79]
Ibid., p. 223.
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[80]
En Italie, les tragédies de Sénèque n’ont été réellement découvertes, en tant que genre à part, qu’au xiiie siècle (voir à ce sujet Manlio Pastore-Stocchi, « Un chapitre d’histoire littéraire aux xive et xve siècles, “Seneca Poeta tragicus” », in : Jean Jacquot [éd.], Les tragédies de Sénèque et le théâtre de la Renaissance, Paris : Éditions du CNRS, 1964, p. 11-36) et il n’existe vraisemblablement pas de traduction castillane au xve siècle. Pour cette raison, nous ne souscrivons pas à l’affirmation de Karl Alfred Blüher selon laquelle le Tostado n’utilisait, comme beaucoup de ses contemporains, que des sources de seconde main (op. cit., p. 159). Il manifeste au contraire une grande connaissance des tragédies : la fidélité de la restitution des citations dans leur langue d’origine ne laisse aucun doute là-dessus.
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[81]
B, fol. 109ro a.
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[82]
Surtout dans la deuxième partie de sa vie. Voir F. Rico, « Petrarca y las letras cristianas », Silva : Estudios de humanismo y tradición clásica, 1, 2002, p. 157-182 et Lorenzo Martínez Ángel, « La primera carta de Petrarca a Cicerón (Verona, 16 de junio de 1345) : Protohumanismo y cristianismo », Studium legionense, 53, 2012, p. 239-252.
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[83]
Carlos Heusch utilise l’expression « patchwork de cours » : C. Heusch, « Alfonso de Madrigal, dit “El Tostado” et la diffusion du savoir des Artiens de Salamanque (première moitié du xve siècle) », in : P. Gilli (dir.), Les élites lettrées…, p. 281-302, voir p. 291. Voir également P. Cátedra, Amor y pedagogía…, p. 33-39.
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[84]
Voir le commentaire au 2e Livre des Rois, ch. XIII, qu. xix, Opera, VII, Venise, 1527-1528, fol. 63ro-64vo.
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[85]
Opera praeclarissima beati Alphonsi Thostati, episcopi Abulensis,… multis retro annis… expectata ac jam demum cura et emendatione… apostillis… annotata… in lucem edita…, Venise, 1507-1531, VII, fol. 63ro-64vo. L’édition consultée est celle conservée à la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris.
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[86]
Cette pratique, à première vue surprenante, sera réemployée dans le cadre d’une autre œuvre exégétique : le commentaire du passage du Livre des Juges où il est dit que Samson préférait les femmes philistines aux israélites se transforme rapidement en une quaestio autour de l’amour hereos. Voir Opera, X, qu. vii. Le texte a été édité par P. Cátedra, Amor y pedagogía…, p. 189-190.
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[87]
Voir J. Carreras Artau, « Las “repeticiones” salmantinas de Alfonso de Madrigal », Revista de Filosofía, 5, 1943, p. 211-236, voir p. 214.
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[88]
Les statuts de 1411 et ceux de 1422 établissent le caractère obligatoire de la repetitio annuelle : « Item statuimus et ordinamus quod quilibet doctorum et magistrorum salariatorum legentium ordinarie et licenciatorum cathedras primae regentium juris canonici vel civilis, unam repetitionem quolibet anno facere teneatur circa materiam quam lecturus sit vel legerit illo anno. Quod si non fecerit, de salario eidem assignato et debito decem francos ipso facto amittat applicandos uniuersitatis arcae, nulla remissione eidem alliquatenus profutura. Et terminus infra quem hujusmodi repetitiones fiant sit ante festum sancti Joannis Baptistae, diebus per rectorem, secundum prioritatem et posterioritatem graduum ipsorum repetentium… », V. Beltrán, Bulario…, p. 186-187. Voir également Urbano González de la Calle et Amalio Huarte Echenique (éd.), Constituciones de la Universidad de Salamanca, Madrid : Tipografía de Archivos, 1927, p. 58-59.
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[89]
B, fol. 107ro a : « De hiis, Aristoteles, Ethicarum octauo libro, sic inquit » ; « Seneca […] Epistularum suarum, 4o capitulo, epistula tricessima quinta » ; fol. 107ro b : « Aristotelem, 8oEthicarum » ; fol. 107vo a : « Idem refert Solinus, in Polistor, capitulo de Iudea » ; fol. 120ro a : « De hiis Virgilius, Georgicorum libro 3o » ; fol. 120vo a : « De hoc ait Seneca libro 3oDe Ira » ; « Ideo Ouidius, libro primo De Remedio amoris » ; fol. 120vo b : « De hiis Ouidius Methamorphoseos libro decimo », etc. Le relevé est loin d’être exhaustif, les exemples étant très nombreux.
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[90]
P. Cátedra, Amor y pedagogía…, p. 18.
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[91]
Breuiloquio, fol. 2vo b, éd. cit. de C. Heusch, p. 743 : « Del magniffico rrey en mandamiento resçebi sobre vn dicho de Platon en stilo proçeder, el titulo del qual era este ¶ “Quando touieres amigo cumple que seas amigo del amigo del mismo, mas que esto non cumple que seas enemigo de su enemigo” ». Pour l’analyse de la genèse du Breuiloquium, voir C. Heusch, « Alfonso de Madrigal, dit “El Tostado” et la diffusion… », p. 281-302.
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[92]
Voir Breuiloquio, fol. 2ro a : « …porque si en la dicha obra algund fructo ouiesse a todos fuesse maniffestado ».
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[93]
P. Cátedra, Amor y pedagogía…, p. 19.
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[94]
B, fol. 108vo a : « In amore autem, seclusis ceteris nullam esse molestiam liquet ».
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[95]
Souligné par l’auteur. C. Heusch, « Enjeux socio-culturels… », p. 58.
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[96]
P. Cátedra (coord.), Tratados de amor en el entorno de la Celestina (Siglos xv-xvi), Madrid : Sociedad Estatal España Nuevo Milenio, 2001.