J’entendrai le mot génération à la manière de Joan Vincent, comme « a group of men and women with shared life experience ». C’est ainsi que Jacques Lombard, né à Paris en 1926, est de la génération des africanistes éduqués par une école publique sélective d’Avant-guerre. Les élèves portent une blouse et l’image de l’Empire français trône Sur les murs de la classe. C’est une génération qui a connu à peine le Front populaire et pour laquelle le jazz, le surréalisme, Proust ou Gide ne représentent plus des événements. La génération de Jacques Lombard a grandi avec les séries des Thibault de Roger Martin du Gard (1940), des Pasquier de Georges Duhamel (1945), des Hommes de bonne volonté de Jules Romains (1946). Malraux, Céline ou Cendras sont installés au Panthéon littéraire tandis que Sartre et Camus n’y figurent pas encore. Le cinéma de cette génération montre des films très français que balaieront d’autres films, très français, avec la Nouvelle vague à partir de 1960.
Sortant en 1945 de l’expérience de l’Occupation, cette génération était juste un peu trop jeune pour avoir partagé les combats de la Seconde Guerre mondiale, mais a chanté « Maréchal nous voilà », dans les collèges, les lycées ou chez les scouts. Elle partage, à postériori, la honte des lois antisémites portant sur le statut des juifs et du renvoi en Allemagne des réfugiés du nazisme. Pourtant, à l’exception de Jean Suret-Canale (1921-2007), les soulèvements de Sétif, d’Indochine et de Madagascar de 1945-1947, semblent peu la concerner…