Notes
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[1]
Tomoko Sato, in « Catalogue de l’Exposition des Œuvres d’Alphonse Mucha », Editions de la RMN, Grand Palais, 254-256 rue de Bercy, Paris.
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[2]
Jean-David Jumeau-Lafond, ibid.
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Antoine Marès, ibid.
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Lenka Bydzovska et Karel Srp (éd.) Alfons Mucha, Slovanska epopej, Prague, Galerie hlavniho mesta, Prahy, 2011
1De l’Art Nouveau à l’Epopée Slave, Alphonse Mucha n’a eu de cesse d’honorer la Beauté, la Force et la Sagesse. « Artiste Penseur », cet éternel Apprenti a souhaité mettre son Art au service de ses idéaux, et de sa patrie. Initié à Paris, devenu Souverain Grand Commandeur en Tchécoslovaquie, il fut arrêté par la Gestapo dès 1939, du fait de sa qualité de franc-maçon.
2Arrêté en mars, âgé de 78 ans, Mucha décède à la suite des interrogatoires, selon les uns, ou de pneumonie, selon d’autres versions, le 14 juillet 1939, au terme d’une vie d’artiste idéaliste et accompli. Né en Moravie en 1860, Alphonse Mucha a d’abord étudié le dessin et la peinture d’Histoire à Munich. Arrivé à Paris à l’âge de 27 ans, il fréquente l’Académie Julian et suit les enseignements de Jean-Jules Lefebvre et Jean-Paul Laurens.
3Les compositions allégoriques et les fresques historiques de Lefebvre semblent tracer les voies picturales qu’Alphonse Mucha poursuivra tout au long de sa carrière. Il fait la connaissance de Paul Gauguin, de Paul Sérusier et rencontre ainsi les futurs Nabis. Mucha adhère à la « Beseda » de Paris, communauté d’immigrés tchèques, et crée le « Lada », un club de jeunes artistes slaves.
Figure de proue de l’Art Nouveau
4Illustrateur, puis affichiste, c’est grâce à Sarah Bernhardt qu’il devient célèbre. En 1895, l’actrice choisit Mucha pour créer les affiches de tous ses spectacles. Mucha devient la figure de proue de l’Art Nouveau, un mouvement qui balaie l’ensemble de l’Europe, en peinture, sculpture, architecture, arts graphiques et décoratifs. Des courbes molles, et élégantes, des femmes alanguies et somptueuses, les cheveux lâchés, couronnés de fleurs, de laurier ou d’olivier… Dès l’affiche pour « Gismonda » au Théâtre de la Renaissance, Mucha imprime une culture byzantine dans sa création : les mosaïques, une croix orthodoxe, le costume brodé de Sarah Bernhardt, la composition de l’œuvre qui représente la comédienne dans une alcôve, comme une sainte. Pour Mucha, la civilisation byzantine est le foyer spirituel de la culture slave. Mucha n’aura de cesse de magnifier ses origines slaves.
5À l’aube du XXe siècle, Mucha connaît une notoriété internationale, et devient l’un des artistes les plus recherchés — et le plus copié —, notamment en décoration et publicité. Il est sollicité par des marques de champagne (Ruinart, Moët & Chandon), de biscuits (LU), ou de bicyclettes (Peugeot). Il crée aussi des devantures et la décoration intérieure de boutiques, des décors de théâtre, des costumes, de la joaillerie. Il conçoit le pavillon de la Bosnie-Herzégovine à l’Exposition Universelle de 1900. Cette commande le met en position inconfortable. Travailler au service de l’Empire austro-hongrois, oppresseur des Slaves, va le faire réagir. Il envisage alors de peindre une « Épopée Slave » de format géant, qui illustrerait les joies et les peines de tous les peuples slaves. Il caresse le projet d’une expression picturale immense des liens fraternels indéfectibles qui unissent les peuples slaves, dans une lutte commune contre l’oppresseur.
6À l’époque, France et Russie tentent de s’entendre pour résister à la puissance allemande. Le contexte européen est propice au talent slave de Mucha, qui va se mettre à la recherche de financements pour son projet d’épopée. Exécutée entre 1911 et 1926, il s’agit d’une série de vingt toiles gigantesques, allant jusqu’à 6 mètres sur 8. Charles Richard Crane, un homme d’affaires de Chicago, finance l’épopée. Les toiles seront offertes en 1928 à la ville de Prague. Dès le début du XXe siècle, Mucha peint la guerre, la souffrance et la mort. Il peint aussi en contrepoids l’espérance, l’harmonie et l’amour.
Initié au Grand Orient de France le 25 janvier 1898
7Mucha a toujours cherché à « répandre la lumière jusque dans les coins les plus reculés », selon ses mots. Il estime ne pas trouver de satisfaction véritable dans le travail décoratif. Il a le sentiment que sa voie est ailleurs, dans « quelque chose de plus élevé ». D’éducation catholique, Mucha a découvert les valeurs maçonniques grâce au Comte Khuen-Bélasi, son mécène. À Paris, Mucha a exploré plusieurs courants spiritualistes. Il est ami avec l’écrivain suédois Strindberg, mystique et occultiste. Il fréquente des théosophes comme le colonel Albert de Rochas. Des séances de spiritisme, et d’hypnose, ont même lieu dans son atelier, rue du Val-de-Grâce. Paris vibre alors entre la frénésie moderniste de Gustave Eiffel et le symbolisme mystérieux d’Odilon Redon, écartelée entre Raison et Intuition.
8Mucha est initié au Grand Orient de France, le 25 janvier 1898. En décembre 1899 est publié « Le Pater », première réalisation de Mucha philosophe et mystique. Ce livre illustré, magnifique, est conçu comme un message aux générations futures [1]. Mucha a voulu utiliser le fameux « Notre Père » comme vecteur d’une pensée humaniste, qui délaisse « l’obscurité de l’ignorance pour progresser vers les états supérieurs de la spiritualité et de la vérité ». Mucha y synthétise dans ses représentations des repères iconographiques issus de cultures et religions variées : symboles égyptiens, hébreux, chrétiens, ou musulmans confondus. Sa conception du « Père » est celle d’une « force spirituelle universelle ». L’élan idéaliste propre à cette époque, explique Jean-David Jumeau-Lafond [2], apparaît dans l’expression artistique du moment, sans que Mucha en ait le monopole. Ce mouvement idéaliste donne la priorité à l’idée, que la forme plastique doit servir, au moyen de symboles. L’enjeu est de rendre l’invisible visible, de représenter l’Esprit, de donner un corps à l’Âme.
La Danse (1898), Alphonse Mucha
La Danse (1898), Alphonse Mucha
Souverain Grand Commandeur des francs-maçons tchèques
9En juin 1917, la position du Grand Orient de France est un appel à la libération ou l’unification de toutes les nationalités opprimées par l’Empire des Habsbourg [3]. Le Grand Orient joue alors un rôle conséquent dans la relance de la Franc-Maçonnerie tchécoslovaque, interdite depuis 1794. La Loge Jan Amlos Komensky est ouverte à l’automne 1918. Alphonse Mucha devient en 1923 le deuxième Souverain Grand Commandeur des maçons tchèques.
10Au sujet de son Epopée Slave, Alphonse Mucha écrit « Le but de mon œuvre n’est pas de détruire, mais toujours de construire, d’établir des ponts, car nous devons tous vivre dans l’espoir que l’humanité se rapproche, et cela d’autant plus facilement que les peuples se connaîtront bien [4] ». Alphonse Mucha fournit durant ces années un travail colossal au service de son chef d’œuvre. Dix toiles sont consacrées à l’Histoire tchèque et dix autres à l’Histoire Slave dans son ensemble. La Paix, la Patrie et la Démocratie sont les valeurs qui habitent chacune des œuvres et l’ensemble de l’Épopée. La Beauté, la Vérité et l’Amour sont définis par Mucha comme les pierres angulaires de la condition humaine. Il a consacré son énergie à diffuser le message humaniste par son Art, espérant contribuer ainsi au progrès de l’Humanité. En 1933, Mucha peint une huile sur toile de 96,2 cm sur 90,7 : « La Lumière de l’Espérance ». Son projet est d’en réaliser une immense, qui puisse porter l’Espérance au cœur des Hommes, afin de traverser les épreuves que l’Allemagne et l’Europe s’apprêtent à subir. Le projet de grand format n’a pas vu le jour. Mais la toile de format plus modeste, ainsi qu’une étude au crayon et à l’aquarelle, nous sont parvenues. Ils sont accrochés au Musée du Luxembourg en ce moment, viatiques laissés par Mucha à tous ses Frères et ses Sœurs en Humanité.
Notes
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[1]
Tomoko Sato, in « Catalogue de l’Exposition des Œuvres d’Alphonse Mucha », Editions de la RMN, Grand Palais, 254-256 rue de Bercy, Paris.
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[2]
Jean-David Jumeau-Lafond, ibid.
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[3]
Antoine Marès, ibid.
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[4]
Lenka Bydzovska et Karel Srp (éd.) Alfons Mucha, Slovanska epopej, Prague, Galerie hlavniho mesta, Prahy, 2011