Les douze grades philosophiques du R. E. A. A, qui conduisent du Grand Pontife au Chevalier Kadosch, constituent un ensemble complexe. Dans son dernier opus, Irène Mainguy s’attache à détricoter cette complexité pour en offrir une lecture simplifiée, organisée et compréhensible.
1Irène Mainguy conduit, depuis déjà un certain nombre d’années, une entreprise difficile et amitieuse : écrire — ou réécrire — des « manuels de symbolisme » qui soient utiles et pertinents et ne mettent pas seulement à la disposition de leurs lecteurs les conceptions personnelles d’un auteur, mais leur fournissent les sources et les références les plus sûres et les mieux vérifiées. Il faut reconnaître qu’avec ce nouvel ouvrage elle place comme un point d’orgue sur une partition déjà longue.
2D’autant plus que le sujet abordé n’est pas de la plus grande simplicité : les « grades philosophiques »» ou comme on dit parfois « les grades sommitaux »» du R. E. A. A souffrent d’une relative incohérence - c’est une collection de grades bien plus que le développement d’un prétendu programme - et des multiples réécritures, pas toujours inspirées, qui en ont parfois gravement altérée ou, en tout cas, modifié le texte original et gauchi le sens premier.
Un troublant kaléidoscope maçonnique
3Irène Mainguy ne cherche pas à trancher entre ces multiples versions qui, d’un Suprême Conseil à l’autre, peuvent produire l’étrange impression d’un troublant kaléidoscope maçonnique, où des grades qui portent bien le même nom — ou en tout cas, le même numéro ! — semblent presque appartenir à des mondes différents ! C’est du reste parfois le cas. On l’avait déjà vu, dans un ouvrage précédent, avec le Rose-Croix, qualifié par les uns de « chrétien »» — ce qui semble assez naturel —, par d’autres de « christique »» — ce qui ne veut pas dire grand-chose, mais en dit beaucoup sur les arrière-pensées d’un tel vocable euphémique — et par d’autres enfin « d’alchimique »» — ce qui, après tout, n’engage à rien. Mais avec le Kadosh, par exemple, on passera de la grande tradition chevaleresque, maçonnico-templière et chrétienne de certaines versions anciennes, à la promotion inattendue d’une « laïcité de combat »» avec certaines autres, plus récentes. Allez vous y reconnaître…
4Le travail d’Irène Mainguy possède ici une vertu apaisante en rapportant les textes à leurs origines premières, aux thèmes symboliques essentiels qui les sous-tendent, aux valeurs morales ou spirituelles qui y sont encryptées ou qu’on y a introduites dans la suite du temps. Elle ne juge pas, n’enferme pas, mais laisse ouvert le compas toujours extensible du champ des possibles.
5Le discours relatif au symbolisme maçonnique a trop souvent été insignifiant ou presque délirant — selon les époques, les lieux et les auteurs. Irène Mainguy le ramène à la raison, si l’on peut ainsi parler, en désignant ses fondements, sur lesquels chacun est librement invité à se pencher. C’est la seule approche qui vaille, la seule méthode qui puisse faire avancer.
6Sur ce chemin, Irène Mainguy a atteint le sommet des échelles maçonniques. On en en viendrait presque à souhaiter qu’on invente encore de nouveaux grades, pour qu’elle puisse continuer son ascension… et nous avec elle !