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Article de revue

Les acteurs de la Révolution américaine

Pages 64 à 74

Notes

  • [1]
    Coxe, Daniel (1673-1739), par Susan Mitchell Sommers, dans Charles Porset et Cécile Révauger, Le Monde maçonnique des Lumières, 1, 893-897 ; « Price, Henry (1696 ou 1697- 1780) » par Susan Mitchell Sommers, ibid., III, 2283-2289 ; « Franklin, Benjamin, (1706-1790) », par Christian Lerat, ibid., II, 1209-1215. Sauf indication contraire, toutes les références suivantes renvoient à notre dictionnaire.
  • [2]
    « Hancock, John » (1737-1793), par Jean-Marc Van Hille, II, 1384-1386.
  • [3]
    James Otis, The Rights of the British Colonists Asserted and Proved, 1764, voir mon entrée « Otis, James (1725-1783), III, 2134-2136.
  • [4]
    « Warren, Joseph (1741-1775) », par Cécile Révauger, III, 2752-2753.
  • [5]
    « Lafayette […] Marquis de (1757-1834), par Elisabeth Liris, II, 1658-1675 ; « Washington, George (1732-1799) », par Cécile Révauger, III, 2753-2762.
  • [6]
    Voir Dan Brown, The Lost Symbol, 2009.
  • [7]
    « Livingston, Robert R (1746-1813) », par Cécile Révauger et Catherine Walter, II, 1812-1815.
  • [8]
    « Putnam, Israel (1718-1790) » et « Putnam, Rufus (1738-1824), par Damien Amblard, III, 2299-2306.
  • [9]
    « Morgan, Williams (1774-1826 ?) », par Cécile Révauger, III, 2029-2032.
  • [10]
    « Jackson, Andrew (1767-1845) », par Jeffrey Tyssens, II, 1499-1503. Masonic Extracts from an unpublished Diary of John Rowe, Grand Master from 1768-1787, in Proceedings of Free and Accepted Masonry, 1733-1792, 8 avril 1776, p.431. « Rowe, John (1715-1787) », par Cécile Révauger, III, 2417-2419.
  • [11]
    « Jefferson, Thomas (1743-1826 », par Cécile Révauger, II, 1522-1525 ; « Paine, Thomas (1737-1809) », par Cécile Révauger, III, III, 2149-2154.
  • [12]
    « Brant, Joseph ( 1742-1807) », par Cécile Révauger, I, 540-543.
  • [13]
    « Barruel, Augustin de (1741-1820) », par Charles Porset, I, 256-271 ; « Weisphaut, Adam (1748-1830), par Jean Mondot, III, 2771-2777 ; « Bode, Johann (1730 ou 1731-1793), par Jean Mondot, I, 395-401 ; Knigge, Adolph( 1752-1796) », par Pierre-André Bois, II, 1612-1616.
  • [14]
    « Paine, Robert Treat (1731-1814) », par Cécile Révauger, III, 2148-2149.
  • [15]
    Jean Lessay, L’Américain de la Convention, Thomas Paine, professeur des Révolutions, Paris, Perrin, 1987.
  • [16]
    « Shays, Daniel (1747 ?-1825), par Cécile Révauger, III, 2530-2534.
  • [17]
    « Hall, Prince(1735 ?-1807) », par Cécile Révauger, II, 1377-1380.
  • [18]
    « Bonneville, Nicolas (1760-1828), par Charles Porset, I, 461-472.
  • [19]
    Voir notice Lafayette, référence note 5.
  • [20]
    « Revere, Paul (1734-1818) », par Cécile Révauger, III, 2365-2371.
  • [21]
    Voir notice « Livingston, Robert R », référence note 7.
Illustration Jean-Pie Robillot

1

Les pères fondateurs de la nation américaine furent pour la plupart francs-maçons, une vision parfois contestée, ou du moins passée sous silence, par l’historiographie contemporaine et qui rendait donc néces saire une analyse rigoureuse.

2La franc-maçonnerie américaine vit le jour dans les années 1730. Les francs-maçons de Boston et de Philadelphie se disputent la première place, selon qu’ils invoquent Daniel Coxe, le premier Grand Maître Provincial nommé par Londres et chargé dès 1730 d’administrer New York, le New Jersey et la Pennsylvanie, ou bien Henry Price qui reçut le titre de « Grand Maître Provincial de l’Amérique du Nord » et fonda la Provincial Grand Lodge of New England (St John’s Grand Lodge, Boston) en 1733. Le second fut très actif alors que le premier semble s’être contenté des honneurs du titre. On ne saurait évoquer les débuts de la franc-maçonnerie américaine sans citer Benjamin Franklin, sans doute le plus célèbre franc-maçon de Philadelphie, qui dota les colonies de la première édition américaine des Constitutions d’Anderson en 1734, devint Grand Maître de la Grande Loge de Philadelphie par deux fois, en 1734, puis en 1749 et au soir de sa vie présida à l’initiation de Voltaire en tant que vénérable de la Loge des Neuf Soeurs. Tous trois font l’objet de notices détaillées dans notre dictionnaire [1].

Les pères fondateurs

3Les principaux acteurs de l’indépendance américaine furent bien francs-maçons : Paul Revere, John Hancock, Joseph Warren, James Otis, George Washington et bien d’autres, sans compter les très nombreux officiers de la Révolution américaine, qui n’ont pu tous figurer dans ce dictionnaire. Encore fallait-il étudier leur parcours de près afin de déterminer les influences et interférences entre le monde maçonnique et la société de l’époque.

4La Révolution américaine prit son essor dans la Nouvelle Angleterre, dans la région de Boston. John Hancock, élu député du Massachusetts, signataire de la Déclaration d’Indépendance en 1776, avait fait partie du comité qui avait protesté contre le « massacre de Boston », lorsque cinq habitants coupables d’avoir lancé des boules de neige à des soldats britanniques furent abattus de sang froid par ces derniers en plein cœur de Boston en 1770 [2]. James Otis quant à lui, élu dès 1761 à la Chambre des Représentants de Boston, prit fait et cause pour les marchands qui s’insurgeaient contre la saisie de denrées par les officiers de douane britanniques et s’opposa aux mandats de perquisition, selon lui signes d’un pouvoir arbitraire, avant d’écrire deux célèbres pamphlets défendant les droits des colons américains. Il est l’auteur de la célèbre formule « l’imposition sans la représentation est une tyrannieno taxation without representation » [3].

George Washington, peint par Charles Wilson Peale (1776)

George Washington, peint par Charles Wilson Peale (1776)

5Paul Revere et Joseph Warren sont des personnages emblématiques de la Révolution américaine et également du rôle qu’a pu jouer la franc-maçonnerie dans ce contexte. S’ils n’avaient été tous deux francs-maçons, il y aurait eu peu de chances pour qu’un graveur de milieu aussi modeste que Paul Revere se lie d’amitié avec un chirurgien de milieu social beaucoup plus élevé, le brillant général Joseph Warren. Ce dernier fut initié à la loge St Andrews de Boston en 1761, peu après Paul Revere, et devint vénérable de cette loge le 30 novembre 1768. Il fonda la Provincial Grand Lodge of Massachusetts, avec le soutien actif de Paul Revere, à la Green Dragon Tavern, le 27 décembre 1769 ; il en fut le Grand Maître jusqu’à sa mort héroïque, survenue lors de la bataille de Bunker Hill en 1775 [4]. Paul Revere est connu pour la célèbre chevauchée mise en scène par le poète Longfellow, qui lui permit d’obéir à l’ordre de son ami le général Warren et de prévenir les troupes stationnées à Lexington, sous la direction de John Hancock et de Samuel Adams, de l’attaque imminente des troupes britanniques.

Washington et Lafayette, deux amis et acteurs légendaires de la guerre d’indépendance

6Quant à Washington et Lafayette, leur amitié légendaire et leur rôle dans la guerre d’Indépendance ne sont plus à démontrer. Tous deux font l’objet de notices détaillées dans Le Monde Maçonnique des Lumières [5]. Washington fut initié le 4 novembre 1752 dans la loge de Fredericksburg, en Virginie. En 1777, il déclina l’offre qui lui était faite par la Grande Loge de Virginie de devenir son Grand Maître. Lorsqu’il fut élu président, c’est bien sur une Bible maçonnique qu’il prêta serment (Dan Brown a raison sur ce point [6]). Selon Tatsch, on avait oublié de prévoir une Bible, et c’est le général Jacob Morton, alors vénérable de la loge St John n°1, qui mit de façon spontanée la Bible de sa loge à sa disposition (Tatsch, 1931, 48). Robert R Livingston [7], Chancelier de l’État de New York et également Grand Maître, lui fit prêter ce serment.

7Quelle importance la franc-maçonnerie a t-elle joué dans la vie de George Washington ? La légende veut qu’il ait recruté ses généraux de préférence parmi des « frères ». Si cette hypothèse est difficilement vérifiable, force est de constater qu’un grand nombre des généraux de Washington furent effectivement ses frères. Les généraux Israel et Rufus Putnam côtoient Lafayette dans cette liste de généraux [8]. Même si Lafayette ne fit pas sans doute pas don à Washington de son célèbre tablier maçonnique – la légende était pourtant belle – il est indéniable qu’il eut un lien privilégié avec ce dernier. Il s’embarqua pour l’Amérique fin juin 1776, rencontra Washington le 17 juillet 1778 et fut l’artisan du soutien français à la cause américaine pendant la guerre d’indépendance contre l’Angleterre. Pendant cette guerre la loge militaire la plus célèbre fut l’American Union Lodge qui suivait Washington dans ses déplacements. Plus tard ce dernier présida la Société des Cincinnati, qui regroupait des anciens combattants de la guerre d’indépendance : la plupart des membres étaient francs-maçons.

8Bien que Paul Revere et Joseph Warren, Lafayette et Washington, pour ne citer que quatre noms, aient fait l’objet de nombreuses biographies, leur appartenance maçonnique est rarement mentionnée. Plusieurs raisons à cela. D’une part, les recherches universitaires sur la franc-maçonnerie sont relativement récentes. De nombreux historiens s’en sont pendant longtemps désintéressés, ou n’en ont tout simplement pas perçu l’importance. D’autre part, dans le cas précis de la Révolution américaine, un autre argument, d’ordre idéologique celui-là, peut être avancé : la mémoire collective a parfois mal accepté que la franc-maçonnerie ait pu jouer un rôle quelconque dans la Révolution américaine. Certes, ni les Grandes Loges de l’époque ni même des loges individuelles n’ont ouvertement soutenu la Révolution américaine. Cependant il est certain qu’un grand nombre de ses acteurs, pour ne pas parler de la majorité, ont été francs-maçons et qu’ils se sont impliqués au plus haut niveau, dans l’armée continentale et dans les nouvelles institutions politiques. Ainsi lorsque la Grande Loge de New York organisa une procession puis une somptueuse réception en l’honneur de Lafayette, certains habitants, en particulier les immigrés irlandais, de statut social assez humble, et de religion catholique, en conçurent un certain ressentiment. Il n’est pas indifférent que l’affaire Morgan, qui donna lieu à une campagne anti-maçonnique sans précédent, ait eu lieu deux ans plus tard dans l’État de New York. William Morgan fait aussi l’objet d’une notice biographique [9], justement parce qu’il est important de comprendre les enjeux de cette campagne anti-maçonnique du début du XIXe siècle, qui faillit coûter son poste de président à Andrew Jackson [10], et qui, au fond, se situe dans la continuité de ce qu’en Europe l’on nomma a posteriori les Anti-Lumières.

Quelques divergences entre ces francs maçons acteurs de la Révolution américaine

9Il serait naïf de croire que francs-maçons loyalistes et patriotes se côtoyèrent pendant la Révolution américaine. L’exemple du Massachusetts prouve, s’il en était besoin, qu’une maçonnerie unique sans coloration politique est un mythe : en effet si les deux Grandes Loges comptèrent à la fois des patriotes et des loyalistes, il est probable que le nombre de ces derniers diminua au fur et à mesure des années. Ainsi John Rowe, Grand maître loyaliste de St John’s, dut il quitter la procession funèbre de l’autre Grand Maître, le patriote Joseph Warren, mort au combat en 1775 lors de la célèbre bataille de Bunker Hill, car il était en butte aux invectives de ses « frères » patriotes, comme il le raconte lui-même dans son journal.

10Si beaucoup de francs-maçons soutinrent avec enthousiasme la Révolution américaine, ils ne partagèrent pas les mêmes idées en matière d’esclavage et n’eurent pas la même conception de la toute nouvelle République. Peu d’entre eux se préoccupèrent de la question de l’esclavage, en dehors de Thomas Jefferson et de Thomas Paine, qui figurent dans ce dictionnaire car ils côtoyèrent de nombreux francs-maçons, sans que leur propre appartenance à une loge ait pu être établie [11]. Washington lui-même était propriétaire d’un grand nombre d’esclaves dans ses plantations. Dans son testament il ordonna cependant que les 124 esclaves qui lui appartenaient soient tous émancipés à la mort de son épouse et qu’en attendant des dispositions soient prises pour secourir les plus âgés et les infirmes…Les Indiens furent courtisés à la fois par les Britanniques et par les patriotes américains. Joseph Brant [12], certainement le premier indien franc-maçon, fut un fidèle allié des Britanniques.

Portrait de Paul Revere, huile sur toile, par John Singleton Copley, 1768, Musée des Beaux Arts, Boston.

Portrait de Paul Revere, huile sur toile, par John Singleton Copley, 1768, Musée des Beaux Arts, Boston.

11On sait que George Washington condamna la Révolution française et reçut à contre cœur le cadeau de Lafayette, la clef de la Bastille. Tout comme les Grandes Loges britanniques de l’époque il marqua sa totale réprobation à l’égard des loges des Illuminati. Il ne considérait pas Adam Weishaupt, Bode ou le baron de Knigge comme ses frères et s’il n’allait pas aussi loin que le jésuite Barruel [13] qui les accusait d’avoir fomenté un complot dans les « loges et arrières-loges », il récusait totalement leurs vues révolutionnaires et leur cosmopolitisme.

12Les patriotes francs-maçons ne partageaient pas les mêmes conceptions de la République. Ainsi Robert Treat Paine [14] et Thomas Paine n’eurent en commun que leur nom de famille, le premier s’illustrant par son conservatisme alors que le second fut surnommé par Jean Lessay « le professeur des révolutions » [15] Signataire de la Déclaration d’Indépendance, patriote de la première heure, en tant que ministre de la justice du Massachusetts, Robert Treat Paine fut chargé de réviser les lois de l’État pour les rendre conformes à la nouvelle constitution de 1780. Il s’illustra alors par son conservatisme, en refusant de s’éloigner du modèle colonial et plus tard en tant que procureur général lors des procès contre les partisans de Daniel Shays (un autre franc-maçon) [16] qui avaient organisé des émeutes pour s’opposer à la confiscation des biens immobiliers des petits paysans endettés. Les patriotes d’hier étaient devenus des notables faisant passer les considérations d’ordre commercial avant les principes démocratiques et n’hésitant pas à réprimer les révoltes paysannes. Notons que Prince Hall, l’esclave affranchi qui créa la première loge noire américaine, l’African Lodge n° 459, proposa ses services aux autorités du Massachusetts pour les aider dans cette répression… [17]

13Thomas Paine, en revanche, après avoir participé au premier gouvernement de Washington, qu’il avait soutenu tout au long de la révolution en écrivant le célèbre pamphlet Common Sense (1776) puis en rédigeant un journal – The Crisis– destiné à remonter le moral des troupes de l’armée continentale, partit soutenir la Révolution française et plaider pour une réforme sociale en profondeur dans son pays d’origine, l’Angleterre. Auteur des Rights of Man (1792), plaidant pour une redistribution des biens en faveur des pauvres, il fut condamné par les autorités britanniques. Washington ne consentit à l’arracher aux geôles françaises et à la guillotine qu’en dernière extrémité et lui réserva un accueil très froid à son retour sur le sol américain. On ne sait si Paine fut jamais initié, aucune preuve n’a pu être fournie à ce jour. Il fut pourtant l’ami de Nicolas de Bonneville [18], auteur des [Les] Jésuites chassés de la maçonnerie et leur poignard brisé par les maçons (1788). On attribue à Paine un essai célèbre, De L’Origine de la Franc-maçonnerie (ouvrage posthume, 1812) dans lequel il recommandait aux francs-maçons d’oublier toutes leurs références bibliques, leur allégeance aux religions révélées qui avaient tant nui aux hommes, pour se tourner vers les druides et leurs innocents rites solaires…

Des convergences aussi. L’esprit des Lumières

14Nous ne pouvons qu’être frappés par le très jeune âge auquel sont initiés plusieurs acteurs de la Révolution américaine. Lorsque George Washington est reçu dans la loge de Fredericksburgh de Virginie, il a un peu moins de vingt ans. Ce fut possible car cette loge était affiliée à la Grande Loge d’Écosse qui autorisait les initiations dès l’âge de dix huit ans, contrairement aux Grandes Loges anglaises. Lafayette quant à lui était déjà maçon en 1775, bien qu’il n’eût à cette date que dix-huit ans. Le doute plane encore sur le lieu et la date exacte de son initiation [19]. Benjamin Franklin fut admis à l’âge de 25 ans dans la St John’s Lodge de Philadelphie, le 1er février 1731. Joseph Warren n’avait pas plus de vingt ans lorsqu’il fut initié, en 1761, à la loge St Andrews de Boston peu après son ami Paul Revere, membre de cette même loge où il avait été reçu maçon le 4 septembre 1760, à l’âge de vingt-six ans. On peut en conclure que la franc-maçonnerie joua un rôle dans la formation politique de ces hommes, non pas d’un point de vue idéologique, mais en leur permettant de s’exprimer dans l’enceinte privilégiée et protégée des regards extérieurs que représentait la loge ainsi que de nouer des relations de confiance durables. La franc-maçonnerie fut un tremplin pour tous ces hommes au début de leur carrière politique.

The Bloody Massacre, 5 mars 1770, Boston par Paul Revere, graveur

The Bloody Massacre, 5 mars 1770, Boston par Paul Revere, graveur

15Il est certain que les loges maçonniques favorisaient la création de réseaux informels de sociabilité et de commerce. À une époque où aucune garantie financière n’existait véritablement, les relations personnelles entre individus étaient particulièrement précieuses.

16On sait que le Boston Tea Party fut un élément déclencheur dans la Révolution américaine, au moins d’un point de vue symbolique. Certes on ne saurait l’assimiler à un acte maçonnique, cependant plusieurs francs-maçons se déguisèrent en Mohawks ce soir là pour jeter les caisses de thé à la mer et protester ainsi contre les taxes imposées par les Britanniques aux colons de Boston. Une chanson populaire met en scène à la fois Paul Revere et Joseph Warren lors de cet épisode :

17

« Rassemblez vous Mohawks! Sortez vos hâches, Et dites au roi Georges que vous ne paierez pas ses taxes Sur un thé étranger…
Alors rassemblez-vous les gars, et hâtez vous De retrouver nos chefs à la taverne du Dragon Vert, Notre Warren s’y trouve ainsi que notre vaillant Revere, Que nos mains agissent et que nos paroles Réclament la liberté et des lois. » [20]

Portrait de Gilbert Motier, marquis de La Fayette, en uniforme de lieutenant général de 1791, peint par Joseph Désiré Court en 1834.

Portrait de Gilbert Motier, marquis de La Fayette, en uniforme de lieutenant général de 1791, peint par Joseph Désiré Court en 1834.

18La loge St Andrews, à laquelle appartenaient les deux hommes, annula ses travaux ce soir là. Certes, cela ne signifie pas que tous ses membres se rendirent dans le port de Boston, mais un certain nombre tout de même.

19Contrairement à ce qui se passa pendant la Révolution française, le nombre des loges doubla pendant la révolution d’Amérique. Il ne s’agissait pas d’une révolution sociale, où les hommes du Tiers État pouvaient difficilement côtoyer ceux de la noblesse, mais d’une guerre d’indépendance économique et politique. La loge en offrant une tribune à ses membres, non pas pendant ses travaux, mais avant et après, dans les tavernes que fréquentaient d’autres clubs patriotes, était à l’intersection entre tous ces mouvements en faveur de l’indépendance. Ainsi, à Boston, la loge St Andrews, mais également le North End Caucus et les Sons of Liberty se réunissaient dans la même taverne, la Green Dragon Tavern, comme le rappelle la chanson ci-dessus.

20Les Grandes Loges furent les premières institutions américaines à s’émanciper, juste après la célèbre Déclaration de 1776. En effet, en 1777, la Massachusetts Provincial Grand Lodge se proclama Massachussetts Grand Lodge of Ancient Masons, prenant ainsi sa totale indépendance vis-à-vis de la Grande Loge d’Ecosse. En 1778, deux Grandes Loges provinciales, celle de Pennsylvanie et celle de Virginie (cette dernière créée à cette date seulement), lui emboîtèrent le pas.

21Les acteurs de la Révolution américaine ont une place de choix dans le Monde Maçonnique des Lumières. Souvent initiés très tôt, ils gardèrent longtemps les liens tissés en loge. Ils participèrent à la Révolution américaine, ils contribuèrent aussi à doter la société de leur époque de lieux d’échanges et d’éducation. On songe à Franklin à l’origine de la première société savante d’Amérique du Nord, l’American Philosophical Society, (1743), puis, en 1749, de l’Academy of Philadelphia. On songe à Robert R Livingston [21], le onzième Grand Maître de l’État de New York, qui en 1793 fonda la New York Society for the Promotion of Agriculture, Manufactures and the Useful Arts puis en 1801-1802 l’American Academy of Fine Arts, toujours à New York. Tous ces francs-maçons sont emblématiques du monde des Lumières, qui aspirait aux savoirs, croyait en la perfectibilité de l’homme et condamnait le despotisme, même si la démocratie était encore un lointain idéal.

Notes

  • [1]
    Coxe, Daniel (1673-1739), par Susan Mitchell Sommers, dans Charles Porset et Cécile Révauger, Le Monde maçonnique des Lumières, 1, 893-897 ; « Price, Henry (1696 ou 1697- 1780) » par Susan Mitchell Sommers, ibid., III, 2283-2289 ; « Franklin, Benjamin, (1706-1790) », par Christian Lerat, ibid., II, 1209-1215. Sauf indication contraire, toutes les références suivantes renvoient à notre dictionnaire.
  • [2]
    « Hancock, John » (1737-1793), par Jean-Marc Van Hille, II, 1384-1386.
  • [3]
    James Otis, The Rights of the British Colonists Asserted and Proved, 1764, voir mon entrée « Otis, James (1725-1783), III, 2134-2136.
  • [4]
    « Warren, Joseph (1741-1775) », par Cécile Révauger, III, 2752-2753.
  • [5]
    « Lafayette […] Marquis de (1757-1834), par Elisabeth Liris, II, 1658-1675 ; « Washington, George (1732-1799) », par Cécile Révauger, III, 2753-2762.
  • [6]
    Voir Dan Brown, The Lost Symbol, 2009.
  • [7]
    « Livingston, Robert R (1746-1813) », par Cécile Révauger et Catherine Walter, II, 1812-1815.
  • [8]
    « Putnam, Israel (1718-1790) » et « Putnam, Rufus (1738-1824), par Damien Amblard, III, 2299-2306.
  • [9]
    « Morgan, Williams (1774-1826 ?) », par Cécile Révauger, III, 2029-2032.
  • [10]
    « Jackson, Andrew (1767-1845) », par Jeffrey Tyssens, II, 1499-1503. Masonic Extracts from an unpublished Diary of John Rowe, Grand Master from 1768-1787, in Proceedings of Free and Accepted Masonry, 1733-1792, 8 avril 1776, p.431. « Rowe, John (1715-1787) », par Cécile Révauger, III, 2417-2419.
  • [11]
    « Jefferson, Thomas (1743-1826 », par Cécile Révauger, II, 1522-1525 ; « Paine, Thomas (1737-1809) », par Cécile Révauger, III, III, 2149-2154.
  • [12]
    « Brant, Joseph ( 1742-1807) », par Cécile Révauger, I, 540-543.
  • [13]
    « Barruel, Augustin de (1741-1820) », par Charles Porset, I, 256-271 ; « Weisphaut, Adam (1748-1830), par Jean Mondot, III, 2771-2777 ; « Bode, Johann (1730 ou 1731-1793), par Jean Mondot, I, 395-401 ; Knigge, Adolph( 1752-1796) », par Pierre-André Bois, II, 1612-1616.
  • [14]
    « Paine, Robert Treat (1731-1814) », par Cécile Révauger, III, 2148-2149.
  • [15]
    Jean Lessay, L’Américain de la Convention, Thomas Paine, professeur des Révolutions, Paris, Perrin, 1987.
  • [16]
    « Shays, Daniel (1747 ?-1825), par Cécile Révauger, III, 2530-2534.
  • [17]
    « Hall, Prince(1735 ?-1807) », par Cécile Révauger, II, 1377-1380.
  • [18]
    « Bonneville, Nicolas (1760-1828), par Charles Porset, I, 461-472.
  • [19]
    Voir notice Lafayette, référence note 5.
  • [20]
    « Revere, Paul (1734-1818) », par Cécile Révauger, III, 2365-2371.
  • [21]
    Voir notice « Livingston, Robert R », référence note 7.
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