“Rhapsodie en bleu” réunit quinze textes, rédigés entre 2008 et 2012, dans lesquels Jean Verdun approfondit les questions qu’il juge majeures pour la Franc-maçonnerie d’aujourd’hui. L’ouvrage se termine par deux contes philosophiques, “Eloge de la bâtardise” en l’honneur du Grand Orient de France, et “Bas-de-Laine et ses amants maçons” en souvenir de la Grande Loge de France.
2Les réactions à ce nouveau livre sont très contrastées. Il enthousiasme les partisans d’une Franc-maçonnerie vivante et, selon sa tradition profonde, en perpétuelle évolution. Il irrite au contraire les tenants d’une Franc-maçonnerie conservatrice, dominée par l’autoritarisme des hauts-grades.
3A quoi sert la franc-maçonnerie ? Cette question n’appelle aucune réponse universelle. Chacun chemine à son pas dans des obédiences et des Loges dont les préoccupations sont diverses. Chacun apporte sa réponse subjective en tentant de donner une cohérence à un parcours dont la logique est intransmissible. Les exemples sont nombreux et il serait facile de nommer tel ou tel, anarchiste éperdu dans la vie profane et détenteur de hauts-grades dont le matérialisme n’est pas la clé d’entrée.
4C’est d’ailleurs sans doute une des forces de la Franc-maçonnerie. Loin d’être une auberge espagnole, puisque que si l’on y entre avec l’idée préconçue du menu que l’on veut déguster, on y découvre, à condition de laisser ses métaux à la porte du temple, souvent une autre façon de les accommoder.
5Jean Verdun, dans la série d’articles, d’interviews et de nouvelles qu’il propose sous forme de « Mélanges » joliment intitulé « Rhapsodie en bleu », nous offre en forme de kaléidoscope, de jeter un regard sur un parcours sinueux mais toujours curieux. Ancien grand maître de la Grande Loge de France, il finit, tel Ulysse après un beau voyage, sa quête maçonnique dans une Loge mixte du Grand Orient de France dont la principale qualité n’est pas la recherche de la spiritualité. Un chemin à rebours de celui, par exemple du pasteur Viaud aujourd’hui aumônier catholique après avoir fréquenté la GLDF puis la GNLF. Mais comme il le dit lui-même « en maçonnerie, le seul défaut devrait être l’étroitesse d’esprit ».
Un homme libre qui se livre sans pudeur
6On retrouve, dans ce recueil qui pourra certes laisser perplexes ou froisser certains, une fraîcheur et un engagement qui forcent l’attention. C’est un homme libre qui livre, sans pudeur de mauvais aloi, la vérité de son parcours, sa foi dans une Maçonnerie fondée sur les loges bleues, d’où le titre. La qualité des articles est certes inégale, les interviews offrent parfois des réponses convenues à des questions convenables, la volonté de manier le paradoxe ou la provocation ne vaut pas toujours réflexion. A vouloir être trop brillant comme par exemple dans la retranscription d’un débat fondé sur la comparaison entre Franc-maçonnerie et surréalisme, on frôle souvent le gouffre qui ne fait pas la différence entre le creux et le profond.
7En revanche, les réflexions sur le symbolisme et sa théâtralité ou sa fonction sociale touchent juste. On lira également avec grand intérêt les réflexions sur le Grand Architecte de l’Univers.
8Ce voyage initiatique autour des Loges bleues est le témoignage d’un esprit ouvert. Jean Verdun, qui n’avait plus publié d’ouvrages maçonniques depuis “Lumière sur la franc-maçonnerie universelle” en 2002, aurait pu intituler ce livre « Chemins qui ne mènent nulle part », comme on l’a fait pour un recueil de textes d’un philosophe allemand au XXe siècle ; non pas pour signifier que ses analyses et ses songes mènent à une impasse mais pour honorer la beauté de la liberté laissé à l’imaginaire et à la songerie.
L’Initiation, gravure anglaise, 1809.
L’Initiation, gravure anglaise, 1809.
9Cette “Rhapsodie en bleu” est à la fois un plaidoyer pour la maçonnerie assise sur ses bases, les loges des trois degrés essentiels (Apprentis, Compagnons et Maîtres) mais aussi un appel à la fois à la raison et au rêve. Toute sa vie, Jean Verdun a tenté, et souvent réussi, à unir dans la même écorce le poète et l’homme d’action. Une synthèse qui devrait être le but du parcours maçonnique.