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Article de revue

Les très riches heures cinématographiques du Golem

Pages 28 à 39

Source d’inspiration du cinéma muet puis parlant, le roman LeGolem est l’œuvre du frère Gustave Meyrink, de son vrai nom Gustav Meyer, né à Vienne en 1868. Une œuvre dont le symbolisme a fortement marqué ses différents avatars au 7e art.

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Illustration Jean-Pie Robillot

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Illustration Jean-Pie Robillot

2En 1915, paraît en Allemagne un roman appelé à une belle postérité. Son titre : Le Golem. L’auteur en est un certain Gustav Meyrink (1868-1932). La période troublée de la Première Guerre mondiale n’est pas favorable aux entreprises éditoriales, cependant le succès est tel que le livre est immédiatement porté à l’écran. Avant 1926, ce sont plus de 220 000 exemplaires de l’ouvragequi auront été vendus.

Gustav Meyrink. 1868-1932

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Gustav Meyrink. 1868-1932

3Le Golem n’est pas seulement un roman, c’est un grimoire de haute magie. Ce breuvage n’est pas de la petite bière à la Paul Coelho, mais un Mercure alchimique qui tue ou bien qui libère, selon les dispositions de l’adepte. Après Le Golem paraîtront quatre autres romans, Le Visage vert, La Nuit de Walpurgis, Le Dominicain blanc, et enfin L’Ange à la fenêtre de l’Ouest. Ce sont « les cinq lumières » de Meyrink.

4Marqué par le sceau du pessimisme d’un Schopenhauer, cet ensemble romanesque constitue, sous sa façade masquée de littérature de mauvais genre, une chrestomathie métaphysique fermée sur elle-même, ce que ses admirateurs considèrent comme Le Pentateuque d’une nouvelle gnose ...

Le Golem est inspiré d’une vieille légende juive qui prend sa source à Prague au XVIe siècle

5Afin de protéger la communauté des persécutions, Rabbi Juda Loew, dit le Maharal de Prague, entreprend de fabriquer un être artificiel. Dépositaire des secrets de la Kabbale, le Maharal met en œuvre les pratiques de magie opérative qui lui permettent de donner vie à cet humanoïde. Façonné d’argile, le Golem est privé de la parole, mais doué d’une puissance infinie. L’ennui, c’est que la créature échappe à son créateur et provoque destructions et catastrophes …

6Dès le XIIe siècle, ce rameau principal de la légende du Golem était très présent dans la communauté talmudiste des Hassidim d’Europe centrale. La première occurrence du mot Golem se trouve dans la Bible, au verset 16 du Psaume 139 : Je n’étais qu’une masse informe (Golim) et tes yeux m’ont vu… D’après Fabre d’Olivet, la racine GL signifie « expansion, croissance, développement organique ». Certaines versions traduisent le mot גלים par « embryon ». Au-delà de la légende, c’est d’abord de la création d’Adam qu’il s’agit, d’après la rédaction du Yahviste, chapitre II, verset 8 : Alors l’Eternel modela l’Homme avec de l’argile

7Contrairement au récit traditionnel du Golem (création, maintien et destruction de l’entité animée), Meyrink fait de l’homoncule l’acteur d’un retour en arrière rémanent de l’Histoire. Selon la version de Meyrink, le Golem revient périodiquement, avec son cortège d’horreurs, de morts et de destructions.

8Sur fond d’intrigue policière, Prague est le théâtre de la monstruosité, de l’anarchie et de la décadence. L’action (si l’on peut dire) tourne autour du personnage d’Athanase Pernath, un tailleur de pierres précieuses qui se voit confier la restauration du livre Ibbour (la fécondation de l’âme). Il s’agit d’un cauchemar éveillé dans lequel tout un monde de criminels, d’escrocs et de prostituées précipite le narrateur vers sa chute. Sur ce tableau de décadence, le Golem revient tous les trente-trois ans pour subvertir les âmes des spectres qui hantent le ghetto de Prague.

Statue de Rabi Juda Loew – Prague.

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Statue de Rabi Juda Loew – Prague.

9Si l’on agence, comme les pièces d’un puzzle, les écrits de Meyrink qui font référence à Prague, on a le sentiment que la ville est un centre de projection des influences lucifériennes ; une Tour du diable, aurait dit René Guénon. Dans une nouvelle autobiographique, Das Haus zur letzten Latern (La Maison de la dernière lanterne), Meyrink nous parle de la ville magique : C’est comme si les morts appelaient les vivants pour leur murmurer à l’oreille que ce n’est pas pour rien que le nom de Prague signifie « le seuil » … Le seuil d’un temple audelà duquel toutes les distorsions de l’espace et du temps doivent permettre l’éclosion de la rose du parfait amour ou, au contraire, le retour au chaos, si le rituel n’a pas été intégralement respecté.

Le motif de l’éternel retour, envisagé comme contestation du matérialisme, sous-tend l’œuvre

10Selon l’une des versions de la légende, c’est par les techniques de la Kabbale alephbétique que Meyrink réitère la création puis la destruction de sa créature anthropomorphe. Le roman commence par l’évocation de la lune qui tombe sur le lit du protagoniste, lourde comme une grosse pierre. Il s’agit certainement d’une pierre brute ! Le protagoniste, Athanase Pernath, mettra 33 ans (ou une nuit de pleine lune) à la polir. Le roman s’achève sur l’éveil du héros. Émergeant de son cauchemar, il comprend que, victime d’un rituel de possession, il n’a été qu’un spectre obéissant aux puissances obscures, dans une léthargie médiumnique (thème cher à Meyrink).

11Au-delà de la prophétie réalisée, le motif caché du Golem est celui de l’éternel retour. Il se conjugue avec une métaphore appelée à un certain succès dans la psyché collective du XXe siècle : « la créature qui échappe à son créateur ». Meyrink développe une théorie de l’éveil du moi, certes liée à ses préoccupations occultistes, mais qu’on ne peut dissocier d’une philosophie de l’histoire marquée par l’urgence de la révolution. Ce qui s’exprime en filigrane, c’est la contestation du matérialisme, transcendée par une vision téléologique.

Le Golem – 1920.

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Le Golem – 1920.

Réalisateurs : Paul Wegener et Carl Boese. Avec Paul Wegener (portrait)

12Par extension, on peut hasarder une hypothèse hardie : le Maharal de Prague est-il la réincarnation du Maître Hiram de la légende transcrite par Nerval (pour ne parler que de celle-ci) ? Les deux pêchent par imprudence en laissant la catastrophe se produire. Conséquemment, le Chaos s’installe. De ce magma informe, il conviendra de faire émerger un Ordre régénéré, à l’image de la Lumière qui sort des Ténèbres.

13De même, est-il légitime d’assimiler le message tracé sur le front du Golem à la « parole perdue » ? D’autant que le sens de ce message est Vérité (autre nom du Grand Architecte des Mondes). Sans l’aleph initial, le mot devient Mort, autrement dit le point oméga « où la chair quitte les os ».

14Gustav Meyrink, le Golem et la ville de Prague constituent une entité psychique à forte rémanence, une Trinité, presque une monade au sens de Leibniz. Le Golem, c’est Meyrink et Meyrink c’est Prague. De ce « rebis » subtil émane l’ombre de la nuit, entre les toits du château du Hradschin et les flèches de la cathédrale Saint-Vit. Dans sa phase sombre, le composé méphitique forme un brouillard qui ruisselle de la rue des Alchimistes aux rives boueuses de la Moldau.

De la banque à l’occultisme, la vie mouvementée d’ un aventurier de l’initiation

15Meyrink est né à Vienne le 19 janvier 1868. De son vrai nom Gustav Meyer, il est le fils illégitime du ministre d’Etat du Wurtemberg, le baron Karl von Varnbüler, et d’une actrice bavaroise, Marie Adelaïde Meyer. Après des études classiques à Munich, Hambourg et Prague, il fonde dans cette même ville une banque avec le neveu du poète Christian Morgenstern. En dehors de son travail de banquier, il semble n’avoir que trois passions : les femmes, le jeu d’échecs et le canotage. Il n’est âgé que de 23 ans lorsque survient une crise morale. Après un suicide manqué, il s’ouvre à l’occultisme et aux doctrines hermétiques. Ses premiers pas lui prouvent qu’il possède un don de médium.

16En 1892, Gustav Meyer épouse Hedwig Aloysia Certl. Ce mariage sera un échec. À partir de cette date, le néophyte multiplie les recherches dans le domaine des mouvements initiatiques et traditionnels. Croisant les expériences d’état modifié de la conscience, à l’aide de drogues et de diverses ascèses, il s’intéresse aux philosophies et aux religions d’Extrême-Orient, le Tao principalement. Ces expériences, réalisées sous contrôle médical, seront relatées dans un texte de 1923, Haschisch und Hellsehen (Haschich et voyance). Attiré par le paranormal, il gardera cependant toujours une attitude critique vis-à-vis du spiritisme.

17Après avoir étudié les doctrines de la Société Théosophique, Meyrink participe à la fondation de la loge « L’Etoile bleue ». Il y a une certaine ironie à passer de l’Etoile du matin (Morgenstern) à l’Etoile bleue (Blauestern). Comme ses contemporains Georges Gurdjieff et René Guénon, il multiplie les initiations et les affiliations à des sociétés secrètes. D’après sa correspondance avec William Westcott, souvent cryptée, on peut citer : « L’Ordre Martiniste des Elus Cohen » à Paris en 1893 ; « l’Ordre des Illuminés » en 1897, sous le nomen mysticum de Dagobert ; « la Golden Dawn » de Londres ; « la Societas Rosicruciana in Anglia » de Manchester ; « l’Ancienne Eglise gnostique d’Eleusis » en 1923 ; « La Fraternité des Anciens Rites du Sacré Graal du Grand Orient de Patmos » ; « l’Aquarian foundation » en 1926 … Le chemin initiatique de notre Frère Meyrink, Supérieur Inconnu gyrovague, donne le tournis !

18Aux initiations et affiliations à des loges traditionnelles, il faut ajouter l’adhésion à divers groupements bouddhistes ou tantriques. « Rassembler ce qui est épars », d’accord ! Mais cet entrisme forcené n’est pas sans danger, d’autant qu’à côté des obédiences régulières, les activités hautement prohibées du Frère Meyrink ne sont pas loin de la nécromancie, de la magie noire et du satanisme. Par les témoignages de ses familiers, on sait qu’il se livrait à diverses pratiques magiques et qu’il était adepte d’une sorte de tantrisme sexuel.

19Fréquentant assidûment les cafés littéraires, Meyrink fait partie du cercle de Prague, avec Kafka, Rilke et Max Brod. Dans son journal, Kafka n’évoque pas la figure de son concitoyen, mais on sait que, de Meyrink, il appréciait surtout les descriptions des rues inquiétantes de Prague. S’ils n’entretinrent pas de relations de proximité, Meyrink et Kafka étaient tous les deux travaillés par la dimension onirique de leurs personnages.

20Pour la bourgeoisie pragoise, les activités occultes de Gustav Meyer sont plutôt incompatibles avec sa position de banquier d’affaires. D’autres accidents viennent compléter « l’œuvre au noir » : il divorce, se bat en duel, provoque le chef de la police de Prague, puis il est traîné devant les tribunaux. Épuisé, il tombe malade de la tuberculose et doit se faire soigner dans un sanatorium qui ressemble fort à La Montagne magique de Thomas Mann.

21En 1902, victime d’une campagne de délation, Meyer fait deux mois et demi de prison ; faillite de la banque, échec social et effondrement moral. L’expérience de l’incarcération est durement ressentie par notre futur auteur. Mais ce passage par le « cabinet de réflexion » sera bénéfique ; il signe l’entrée en littérature de l’ex-banquier.

22Cependant, le scandale social oblige Meyrink à quitter Prague. Une longue errance commence : Vienne, Munich, Dresde, Montreux, Londres, Paris, etc. Désormais, sous son nom de plume de Gustav Meyrink, l’auteur se consacre entièrement à la littérature et à ses recherches dans le domaine de l’ésotérisme. Les nouvelles s’enchaînent, parallèlement à ses travaux de traduction (Charles Dickens et Camille Flammarion, entre autres).

23Désormais homme de lettres et romancier reconnu, Meyrink se fixe au sud de Munich, sur les rives du lac de Starnberg, non loin de l’endroit où s’était noyé Louis II de Bavière, le roi esthète et fou dont l’actrice fétiche fut une certaine Marie Meyer, la mère de Meyrink. C’est à Starnberg que Meyrink écrira ses cinq romans et des centaines d’articles et de nouvelles. Devenu bouddhiste au cours des années vingt, il meurt en 1932, à l’âge de soixantequatre ans.

De la voie du cinabre au gélatino-bromure, la transmutation s’est effectuée dans des directions très diverses

24Durant l’année 1915, qui voit la publication du Golem, nous sommes déjà dans l’Âge d’or du cinéma. Les noms de Griffith, Chaplin, Ford, Cecil B. de Mille, Douglas Fairbanks, Murnau, Fritz Lang, Abel Gance, brillent au firmament du Septième Art.

25C’est à Paul Wegener que revint l’honneur d’avoir opéré la transposition du roman en film, et cela dès l’année 1915. Plus que d’une adaptation, il s’agit d’une « transmutation », au sens alchimique du terme. Paul Wegener est un acteur, scénariste et réalisateur, né en 1874. Formé au théâtre dans la troupe de Max Reinhardt, il apparaît pour la première fois à l’écran en 1913 comme acteur dans un film de Henrik Galeen : L’Etudiant de Prague ! Décidément, Prague est bien l’athanor, le chaudron magique des phantasmes du début du XXe siècle.

26Pour certains exégètes, Meyrink et Wegener appartiennent au mouvement expressionniste allemand. Comme le fait remarquer Jean-Louis Coy, il faut nuancer ce jugement et Wegener, d’ailleurs, a toujours récusé cette étiquette. Il ne faut pas non plus mésestimer la dimension fantastique de la plupart des films muets de cette époque. Tels sont Nosferatu le vampire de Murnau, Le Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene ou Dr Mabuse de Fritz Lang.

27La version de 1915 de Paul Wegener est coréalisée avec Henrik Galeen. Acteur, réalisateur, scénariste, Henrik Galeen a également participé au Nosferatu de Murnau et au Cabinet des figures de cires de Paul Leni. Notons que, des figures de cire à la figure d’argile qui nous occupe, il n’y a qu’un pas. En 1917, Wegener nous donne Der Golem und die Tanzerin (Le Golem et la danseuse). Coréalisée avec Rochus Gliese, cette deuxième version semble privée de sa dimension hermétique. D’après les comptesrendus d’époque, ce ne serait qu’une comédie sans conséquence qui se rapprocherait plus de l’argument d’un ballet à l’eau de rose que d’un film fantastique.

28Sauf erreur, ces deux premières versions semblent perdues. La troisième version date de 1920. Le titre complet est Der Golem, wie in die Welt kam (Le Golem, comment il vint au monde). C’est cette dernière version, produite par UFA Union, qui est généralement projetée dans les cinémathèques.

Fritz Lang, d’abord pressenti comme réalisateur, fut conseiller de l’œuvre, et peut-être sa future épouse y joua-t-elle un rôle

29Coréalisé par Paul Wegener et Carl Boese, le scénario du film replace l’action à l’époque de l’empereur Rodolphe II. Comme dans les deux précédentes versions, Paul Wegener y interprète le rôle de la créature d’argile. Fritz Lang, d’abord pressenti comme réalisateur, intervient en tant que conseiller et il n’est pas impossible que Thea von Arbou, sa future épouse, ait collaboré au scénario. Elle n’est toutefois pas créditée au générique.

30Les décors aux lignes baroques de Hans Poelzig et les lumières de Karl Freund ne sont pas pour rien dans le climat d’inquiétante étrangeté qui plane sur le film. Les maisons torturées aux toits exagérément pointus prennent l’aspect de flammes, comme si toute la ville de Prague était la proie d’un incendie (Incedium amoris).

31Au-delà de son aspect fantastique, le troisième Golem de Wegener est particulièrement émouvant, notamment en raison du caractère humain, trop humain du monstre d’argile. On ne peut qu’être touché par la scène de la fête des fleurs dans laquelle le Golem s’attendrit devant une petite fille (image qui sera reprise en 1931 dans le Frankenstein de J. Whale). La copie la mieux conservée, et non colorisée, serait celle du Museum of Modern Art de New York.

32Après les adaptations cinématographiques de Wegener, d’autres suivront. Le cadre limité de notre étude ne permet que de les citer :

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  • Dès 1916, le réalisateur danois Urban Gad aurait mis la main à un Golem, mais l’existence de ce film reste problématique. En 1921, deux films autrichiens de Gyula Szöreghy reprennent le thème : Dorfsgolem (Le Golem du village) et Des Golems letzte Abenteur (La Dernière aventure du Golem). Ces deux films ne sont que de pâles copies du coup de génie réalisé par Wegener et Boese.
  • C’est Julien Duvivier qui donne la première version parlante. Son Golem date de 1935 ; il est interprété par Harry Baur, Germaine Aussey, Jany Holt et Marcel Dalio (entre autres) ... Il s’agit d’une coproduction franco-tchécoslovaque (sortie des studios Barrandov de Prague).
  • Une nouvelle version du Golem sera réalisée en 1950 par Martin Fric. Ce cinéaste nous propose un diptyque de plus de trois heures, Le Boulanger de l’empereur. Une version condensée sera commercialisée ultérieurement sous le titre The Emperor and the Golem.
  • Signalons une rareté qui date de 1966 : It ! Aka Curse of The Golem de Herbert J. Leder. Ce film qui dégage une ambiance de film d’horreur à la Hammer n’est pas sans évoquer la manière d’Hitchcock. La scène du spectre de la mère du héros dans un rocking-chair semble directement inspirée de Psycho.
  • Plus intéressante apparaît la version produite par l’ORTF en 1967. Elle est due au réalisateur Jean Kerchbron ; le scénario est de Louis Pauwels. Bon connaisseur de l’œuvre de Meyrink, dans Le Matin de magiciens Pauwels nous livre quelques attendus élogieux sur l’auteur pragois. La photographie de cette dramatique est de l’excellent Albert Schimel. Par la restitution du climat onirique propre à l’expressionnisme fantastique des années vingt, elle sert particulièrement bien le propos. La distribution comprend André Reybatz, Magali Noël, Marika Green, Michel Etchevery …

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  • Pour mémoire, citons quelques épigones de ces Golems fondateurs :
    • Golem du Polonais Piotr Szulkin, en 1979 ;
    • La trilogie consacrée au Golem par le cinéaste israélien Amos Gitaï, à partir de 1979 ;
    • The Golem de l’Américain Ace Cruz, en 2006 ;
    • Il y aurait également une discrète allusion au Golem dans Inglourious Basterds de Quentin Tarentino, sorti en 2009.

35Nous oublierons les adaptations communes, bien éloignées de l’esprit de Meyrink, par exemple certains épisodes de la série X-files (saison IV, pour les amateurs) ; de même, passons sur les jeux vidéos qui, de Meyrink, ne retiennent que l’aspect gore … Tout cela nous place à des années-lumière de l’esprit de l’authentique initié que fut notre Frère Gustav Meyrink.

Projections, essaimages, hybridations; la psychanalyse pourrait donner les clefs

36Vincere aut mori (Vaincre ou mourir). Comme la musique de Wagner, la littérature de Meyrink est un poison de l’âme qui risque de perdre le néophyte. Pour surmonter la déroute morale et ne pas perdre la raison, il faut, comme dirait Julius Evola, « chevaucher le tigre », et surtout vaincre la bête immonde, tel Siegfried terrassant le dragon ! Si Meyrink fait appel à des traditions largement exogènes, la recomposition romanesque qu’il élabore nous apparaît comme une herméneutique de teinture très « Mitteleuropa ».

37D’une certaine manière, la psychanalyse pourrait bien être l’arche invisible qui relie les deux colonnes que sont l’hermétisme et les sciences cognitives. Contemporains, Meyrink et Freud sont tous les deux des Autrichiens de Bohème-Moravie. Ils puisent aux mêmes sources. Ces deux personnalités ont un autre point commun : on remarquera que si Meyrink a navigué sur la mer périlleuse des sociétés secrètes, Freud, quant à lui, était membre du B’naï B’rith, une organisation maçonnique de tendance sioniste. Par ses visées sociales et politiques, celle-ci est plus orientée vers le domaine opératif que vers le spéculatif.

38L’homme Meyrink ne cesse de poser des questions. Fut-il, comme le pensent ses admirateurs inconditionnels, un authentique initié, attaché au progrès de l’humanité, ou bien un esprit diabolique au service de la contreinitiation, ainsi que le prétendait René Guénon ? On pense en frémissant au personnage inquiétant d’Aleister Crowley, que Meyrink n’a pas pu ne pas rencontrer à Londres lorsqu’ils étaient tous les deux membres de la Loge « Isis-Urania de l’Aube dorée », « The Hermetic Order of the Golden Dawn in the Outer ».

Le Golem – 1920. (Golem et l’enfant)

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Le Golem – 1920. (Golem et l’enfant)

39Les critiques placent souvent l’œuvre de Meyrink au second rayon de la littérature. On note que des écrivains comme Hermann Hesse ou Jorge Luis Borges le tenaient en très haute estime. Lire Meyrink, c’est passer de l’autre côté du miroir, comme l’acteur Zrcadlo de La Nuit de Walpurgis ; c’est mettre en action un rituel d’ouverture qui donne accès à un autre monde. C’est ce qu’ont bien compris les lecteurs de Meyrink qui forment un égrégore, mieux, une Chaîne d’union dont les anneaux de pur métal restent irrémédiablement soudés, au-delà du mur de l’espace et du temps.

40Lui qui avait si souvent chanté Séléné, l’astre mort, c’est face au soleil levant qu’il reçoit l’initiation suprême en toute lucidité, torse nu dans la position du yoghi, le 4 décembre 1932.

In cauda venenum …

41Le cimetière du ghetto juif de Prague est bien la centrale d’énergie d’une métahistoire dont notre Frère Meyrink demeure le prophète. Pour s’en convaincre, il suffit de méditer sur la tombe de Rabbi Juda Loew, passé à l’Orient éternel en l’an de grâce 1609 de la vraie lumière pragoise.

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  • Vivre, c’est me pencher sur une tombe et tenter d’y déchiffrer un nom : le mien !

43Pour les Pragois, le mythe du Golem n’est pas mort ; il survit dans la statue monumentale de Rabbi Loew, devant la façade de l’Hôtel de ville.

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