La Franc-maçonnerie républicaine jusqu’au bout
1Paul Gourdot, passé Grand Maître du G∴O∴D∴F∴, a rejoint l’Orient éternel le 24 juin 2009. Le 18 juin dernier, une plaque était apposée au columbarium du Père-Lachaise en présence de ses amis sur la niche où reposent ses cendres.
2Paul Gourdot est né en 1930, à Paris, dans une famille ouvrière. Pendant la guerre, il fréquente l’école publique puis le Lycée Arago. Dès sa majorité, à 21 ans, il se marie; le jeune couple, désargenté, vit chez ses parents; sa femme, Odette entreprend des études d’infirmière; c’est alors que l’on diagnostique chez Paul une tuberculose qui nécessite de longues hospitalisations. Dans le cadre des aménagements prévus pour les malades retenus dans les centres de postcure, il peut poursuivre des études à la faculté de Droit de Paris.
3Lors de sa guérison, à 24 ans, il était titulaire de sa licence de Droit et diplômé de l’Institut de criminologie de l’Université de Paris.
4Il s’était démontré à lui-même qu’en se battant, tout devenait possible. Sa vie durant il ne cessera plus d’étudier et collectionnera les plus hauts diplômes universitaires, dont trois Doctorats d’Etat: un en Sciences Humaines, un en Histoire et un en Droit. Cette dernière thèse, soutenue à 74 ans, avec les félicitations du jury, est la première thèse universitaire ayant pour sujet le droit maçonnique. Grâce à Paul Gourdot, l’Université ouvre ainsi la voie aux recherches sur le droit maçonnique au même titre que sur le droit canon.
5Dès le début, sa vie professionnelle prend en compte son combat pour le progrès social; il s’engage dans le Mouvement Coopératif puis dans le syndicalisme. Il sera, pendant douze ans, Directeur de la Confédération des Travailleurs Intellectuels de France tout en assumant, en 1976, le Secrétariat Général du Syndicat des Classes Moyennes. Il fût, en 1972, fondateur du Fond d’Assurance Formation des Travailleurs Intellectuels pour les Salariés (FAFTIS) qu’il dirigera jusqu’à sa retraite.
6C’est à trente ans, en octobre 1960 que Paul Gourdot devient Apprenti Maçon dans la Loge “Union & Audace” du Grand Orient de France. Comme dans tous ses engagements, Paul s’implique totalement afin de faire prévaloir ses convictions; il accède aux différentes instances, jusqu’au Conseil de l’Ordre en 1977 qui le désigne comme Grand Maître Adjoint en 1978. Réélu en 1981, il devient alors Grand Maître de l’Obédience en septembre 1981.
7François Mitterand est président de la République depuis Mai 1981 et les idées progressistes qui accompagnent cette alternance politique apparaissent en concordance avec celles du Grand Orient de France. Certains Frères sont tout disposés à mettre l’Obédience au service du nouveau pouvoir. Mais Paul Gourdot refuse de laisser glisser le G∴O∴ D∴F∴ vers un engagement politique qui violerait ce qui constitue à ses yeux l’essence même de la Maçonnerie, à savoir, un lieu de débat et un lieu d’indépendance où convergent des Maçons libres dans des Loges libres qui se retrouvent sous les seuls Principes de la Liberté, de l’Egalité, de la Fraternité et de la Laïcité.
8Jusqu’à sa descente de charge, en septembre 1984, il fera respecter cette indépendance. Ensuite, il continuera à faire connaître, parfois sans ménagement, mais toujours avec son autorité naturelle, ce qu’il considère comme l’ultime mission de la franc-maçonnerie libérale: perfectionner l’homme dans le seul et unique objectif de s’investir dans l’amélioration d’une société qui ne peut être que progressiste, démocratique, républicaine, sociale et foncièrement laïque.
9En s’appuyant sur les travaux de ses thèses, Paul Gourdot a publié deux ouvrages majeurs aux Editions du Rocher: le premier est intitulé Les sources maçonniques du socialisme français où il démontre que la culture comme la pratique maçonnique sont de nature à imprégner profondément la pensée et les actes des adeptes des Loges et par conséquent à inspirer leur engagement politique. Dans le second : Le combat social des franc-maçons, il explique que pendant plus d’un siècle, le Grand Orient de France a été l’un des principaux moteurs du progrès social. Il a créé en 1974 l’Institut de recherches et d’études maçonniques (IDERM).
10La vie, l’œuvre et le perpétuel combat de Paul Gourdot, qui a rejoint l’Orient éternel le 24 juin 2009, laisse une image forte. Il incarnait une franc-maçonnerie progressiste profondément enracinée dans l’histoire, car il aimait à rappeler que les bâtisseurs de cathédrale, ces maçons opératifs dont il se réclamait, se battaient déjà pour l’obtention de leurs franchises !