Notes
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[1]
Selon l’Organisation mondiale pour la santé : « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence. »
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[2]
Le Planning familial est présent dans une quinzaine d’intercommunalités en politique de la ville, à travers neuf départements de la région.
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Enquête de Santé publique France, l’agence nationale de santé publique.
1Le Planning familial Auvergne-Rhône-Alpes est une fédération d’associations intervenant dans le champ de la santé sexuelle. En Auvergne-Rhône-Alpes, le Planning familial gère une quinzaine de centres de planification ainsi que des établissements d’information, y compris dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville [2]. Chaque année, les différentes associations sont en contact avec plus de 150 000 personnes.
Santé sexuelle et représentations genrées intimement liées
2Loin de se limiter à une approche médicale et en termes de risques, le Planning familial aborde l’estime de soi, le respect, le consentement, les discriminations, les questions d’égalité entre les hommes et les femmes, les stéréotypes, les violences… Les actions mises en œuvre localement visent à favoriser l’accès aux droits à la contraception, à développer les capacités des personnes à faire leurs choix de manière éclairée et à gérer leurs risques.
3À la charnière du social, de l’éducatif et du sanitaire, les centres de planification gérés par le Planning familial reçoivent des usager.ère.s en demande d’entretien (individuel ou de couple), de consultations médicales ou à l’occasion de groupes de paroles. Des interventions sont également réalisées à la demande de structures partenaires, par exemple en milieu scolaire, en milieu carcéral, dans les missions locales, les maisons familiales rurales ou encore dans les établissements et services d’aide par le travail… L’objectif de ces actions collectives, suivant une démarche d’éducation populaire et participative, propose d’identifier les obstacles spécifiques aux groupes rencontrés mais aussi les leviers, de réfléchir aux rapports de domination femmes-hommes, de repérer et de débattre de leurs conséquences et de leurs effets sur les comportements en matière de sexualité.
4Enfin, une offre de formation est mise à disposition des professionnel.le.s du monde associatif, éducatif et médico-social afin de les soutenir dans l’accompagnement de leurs publics pour penser collectivement leur approche des sexualités, leurs représentations et leur positionnement.
Des interventions en réponse aux problématiques vécues sur les territoires
5Les divers rapports nationaux, dont le Baromètre santé 2017 [3], font état d’un recul de 10% dans la prise de pilule chez les jeunes ainsi que d’une augmentation du nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG). De même, dans la région, malgré une large diffusion des méthodes contraceptives depuis quarante ans, le nombre d’IVG ne diminue pas. Sur le terrain, nous, les équipes du Planning familial, constatons en outre des difficultés d’accès à une méthode de contraception adaptée à chaque femme (72% des IVG sont réalisées chez des femmes qui étaient sous contraception). En effet, les femmes sont moins confrontées à un problème d’accès à la contraception qu’à une inadéquation entre les méthodes contraceptives qui leur sont prescrites et leurs conditions de vie au quotidien, ainsi qu’à une insuffisance d’explications sur les modalités d’utilisation de celles-ci. Par ailleurs, nos partenaires sollicitent notre accompagnement sur la base des constats faits en interne, parmi lesquels :
- prises de risques en lien avec une méconnaissance (infections sexuellement transmissibles, grossesses, addictions…),
- méconnaissance des dispositions légales en matière de santé sexuelle,
- déficit du sentiment d’altérité (manque de respect de soi et de l’autre),
- manque d’autonomie (difficulté à prendre en charge sa santé sexuelle),
- perte de repères (privé/public, intime/société),
- différences culturelles pour aborder les questions intimes.
7Tous les publics sont concernés par les problématiques citées. Cependant, nous constatons que l’accès à l’éducation sexualisée et à la santé sexuelle, de manière générale, est plus difficile dans les quartiers défavorisés que dans d’autres territoires.
Dans les quartiers, un accès plus difficile à la santé sexuelle
8L’accumulation des difficultés sociales et économiques, l’échec scolaire, la socialisation genrée traditionnelle et l’isolement pèsent en effet fortement sur la sexualité des femmes, notamment des plus jeunes, vivant dans les quartiers populaires. La déscolarisation précoce, les stéréotypes de genre impliquant une définition des rôles des femmes et des hommes, l’éducation parentale, certaines croyances, la méconnaissance du corps et la question de la réputation des filles sont autant de facteurs qui accentuent la difficulté d’accès à une sexualité libre et choisie. Nous sommes ainsi amenées à rencontrer, par exemple, des jeunes femmes qui n’ont comme expérience de pratique sexuelle que la pénétration anale, souhaitant ainsi conserver leur virginité. D’autres encore qui, découvrant une grossesse, ne parviennent pas à penser le choix d’une interruption, puisque leur famille, leur entourage, leurs croyances et leur culture ne le leur permettent pas. Les enjeux liés à la sexualité prémaritale, à la préservation de la virginité et au contrôle du corps des filles demeurent très forts dans les quartiers populaires. Nous constatons aussi qu’il est souvent très difficile, voire impossible, d’aborder la question de l’orientation sexuelle, l’homosexualité étant perçue comme une déviance.
9Par ailleurs, dans les groupes de paroles organisés par les centres de planification implantés dans les quartiers ou à proximité, il n’est pas rare d’entendre deux types de discours. Certaines personnes revendiquent que les femmes ne soient plus cantonnées à des rôles domestiques et soient plus libres dans leur choix de vie. Alors que d’autres soutiennent qu’un homme ne doit pas montrer sa sensibilité et qu’une femme doit se soumettre à des injonctions.
10Toutefois, si notre pratique de terrain nous permet d’observer des tendances, gardons-nous de trop vite généraliser au risque d’oublier que chaque parcours est singulier. Il en est ainsi des grossesses adolescentes. Sur ce sujet, précisons qu’aucune étude n’a montré que le phénomène touchait davantage les jeunes filles vivant dans les quartiers. Ce qui est certain c’est la diversité des facteurs entrant en ligne de compte : situation matérielle, financière, affective, normes familiales, parcours d’études… Nous entendons aussi des jeunes filles qui expriment un réel désir de grossesse et de maternité. Pourquoi ? Avoir un enfant peut être valorisant, leur donner un statut social, un projet, avec l’idée pour certaines de venir réparer un vécu carentiel et/ou de vérifier leur fécondité.
11L’éducation à la vie affective et sexuelle est plus que nécessaire pour rendre chacun.e acteur.rice et responsable de ses choix. C’est pour cela que nous militons pour le maintien des actions au plus près des populations.
Notes
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[1]
Selon l’Organisation mondiale pour la santé : « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence. »
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[2]
Le Planning familial est présent dans une quinzaine d’intercommunalités en politique de la ville, à travers neuf départements de la région.
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Enquête de Santé publique France, l’agence nationale de santé publique.