Notes
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[1]
LaFédé est le nouveau nom de la Fédération des associations de médiation sociale et culturelle d’Île-de-France, créée en 2011.
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[2]
L’État, des collectivités locales, des réseaux de la médiation sociale, des formateurs de médiateurs sociaux, un centre de ressources pour la politique de la ville, etc.
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[3]
Introduction de la norme médiation sociale, Afnor, 2016.
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[4]
Document de travail d’Afnor normalisation, 24 juin 2015.
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[5]
Idem.
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[6]
CGET : Commissariat général à l’égalité des territoires. SG-CIPD : Secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance.
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[7]
Pour la création d’une Norme Afnor de la médiation sociale. Valorisation des journées régionales d’information et d’échanges, FACE, France Médiation, LaFédé, UNPIMMS, 2016.
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[8]
Idem.
1Depuis la naissance de la médiation sociale à la fin des années quatre-vingt, malgré les nombreux travaux qui ont accompagné son développement (référentiels métiers, principes et charte de déontologie, guide d’évaluation de l’utilité sociale, mesure des coûts évités, etc.), force est de constater que le métier n’est toujours pas reconnu pleinement.
2Certes il existe depuis 2012 deux fiches du code ROME : les fiches K1204 « Médiation sociale et facilitation de la vie en société », et K1205 « Information et médiation sociale ». Cela représente une avancée importante mais qui n’a pas été suffisante pour enclencher un processus de création de postes de médiateurs sociaux, en particulier pour intervenir dans les administrations publiques. Alors que dans les entreprises privées délégataires de service public, nombreux étaient les appels d’offres pour la création de services de médiation sociale pour lesquels les structures employeurs se retrouvaient en concurrence avec des entreprises de sécurité…
3Aussi, pour les protagonistes de la démarche d’élaboration de la norme, en aucun cas il ne s’agissait « de rigidifier des pratiques qui ont fait la preuve de leur pertinence et dont l’intérêt réside le plus souvent dans leur inventivité, leur faculté d’adaptation… [mais] de répondre à une demande largement exprimée d’élaborer une norme volontaire qui offre une série de points de repère aux intervenants pour guider leurs pratiques, à leurs employeurs, ainsi qu’aux pouvoirs publics » [3].
4Les différents partenaires publics et privés qui font appel aux réseaux de la médiation ont suivi la démarche avec attention, en confirmant leur intérêt de voir se professionnaliser des pratiques qu’ils sollicitent depuis longtemps, chacun dans leur domaine d’intervention. En effet, n’est pas médiateur qui veut. Ce métier porte des exigences. Vouloir la reconnaissance de ce métier imposait donc de défendre ces exigences.
Les objectifs de la normalisation
5Les objectifs d’élaboration de cette norme étaient « de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées, portant sur des règles, des caractéristiques, des recommandations ou des exemples de bonnes pratiques, relatives à des produits, à des services, à des méthodes, à des processus ou à des organisations » (Afnor normalisation, décret 2009-697, article 1).
6Quatre enjeux et objectifs ont donc été identifiés :
- faire reconnaître le métier et les actions de la médiation sociale ;
- permettre une reconnaissance du professionnalisme des organismes de médiation ;
- renforcer la légitimité des structures de médiation sociale ;
- favoriser le développement des actions de médiation sociale.
8Il s’agissait tout d’abord de conforter l’action des médiateurs sociaux pour sortir de la précarité actuelle en leur assurant une véritable reconnaissance professionnelle, le cadre de leur intervention et donc de leur gouvernance. D’autant que la médiation sociale constitue un secteur en plein développement, pouvant générer un nombre important d’emplois dans la période à venir.
9Aussi, était-il nécessaire de réaffirmer l’unité de la médiation. En fixant un cadre, la norme expérimentale contribue à une harmonisation des pratiques et à la structuration de l’identité professionnelle tout en accompagnant son développement sur de nouveaux territoires et de nouveaux champs des politiques publiques. Loin de figer les pratiques, elle doit au contraire accompagner leur capacité d’innovation et leur faculté d’adaptation dans le respect des principes professionnels et déontologiques qui régissent le métier.
10La coopération des différents réseaux dans l’élaboration de cette norme était de ce fait particulièrement pertinente et répondait au besoin de clarification sur la définition du statut, du métier, des conditions d’exercice du médiateur social et de son articulation avec les autres intervenants sociaux et éducatifs.
Un processus d’élaboration complexe
11Si les objectifs d’élaboration de la norme semblaient partagés, l’élaboration elle-même s’est avérée plus complexe, faite d’avancées et de reculs, tant les cultures professionnelles – sous-tendues par un vocabulaire toujours spécialisé – peuvent faire obstacle à la compréhension réciproque. Sans parler des intérêts contradictoires entre tous les participants qui peuvent se retrouver en concurrence d’intervention sur un même territoire.
12Mais, accepter de s’engager dans ce processus d’élaboration de la norme, c’était accepter un principe « d’accord général caractérisé par l’absence d’opposition ferme » [4]. Cela signifiait que tous les points de vue étaient recevables, devaient être analysés, argumentés en vue d’un rapprochement des positions divergentes. Bien évidemment, cette recherche du consensus n’impliquait pas nécessairement l’unanimité mais devait lever les « oppositions fermes » [5]. La présidence de la commission de normalisation par le CGET et le SG-CIPD [6] et son animation par l’Afnor ont été, de ce point de vue, particulièrement aidantes. Si les représentants de l’État témoignaient d’une certaine impartialité bienveillante, l’Afnor apportait ses compétences en matière de normalisation et permettait d’avancer sans rupture vers des accords négociés.
Les avancées de la norme
13La norme a été officialisée le 13 décembre 2016. Qu’apporte-t-elle de nouveau aux opérateurs de la médiation sociale ? D’une certaine manière, elle n’apporte rien qui n’était pas déjà connu des uns ou des autres. Sa nouveauté réside essentiellement dans l’accord de tous les acteurs de la médiation sociale autour de quelques éléments clés constitutifs d’un métier : sa définition, son cadre déontologique, ses référentiels d’activité, les formations nécessaires et son référentiel d’évaluation.
14C’est tout d’abord une définition commune réaffirmée. La médiation sociale est « un processus de création et de réparation du lien social et de règlement des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente, à travers l’organisation d’échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose ». Cette définition, issue du séminaire européen organisé par la Délégation interministérielle à la ville en 2000 à Créteil, a bien sûr fait l’objet de débat. La médiation n’intervient-elle que dans les situations de conflit ? Oui, si l’on s’accorde sur le fait que le non-accès aux droits est potentiellement source de conflits. Aussi, tous les participants à l’élaboration de la norme ont décidé de garder cette définition en l’état.
15Au-delà de celle-ci, la norme a retenu les deux principes fondateurs de la médiation sociale :
- « Aller vers » l’usager, l’habitant qui n’arrive plus à faire les démarches nécessaires, même pour faire valoir un droit légitime, ou encore qui abandonne quand la gestion d’un conflit nécessite d’affronter la réalité. L’aller vers ne signifie pas seulement une démarche physique, mais bien plus une démarche d’accueil de la personne dans sa singularité.
- « Faire avec » les personnes et non à leur place car seules leur autonomie et leur responsabilisation trouvent les solutions durables aux problèmes.
Des principes déontologiques affirmés
17La norme a ensuite précisé les principes déontologiques de la médiation sociale. Rappelons que la déontologie rassemble les règles de conduite d’une profession. Les principes déontologiques ont donc pour objet de préciser le cadre et les limites de l’intervention des médiateurs sociaux.
18Ils évitent ainsi des prises de positions personnelles, une exigence particulièrement importante dans ces métiers de la proximité où, parfois, la juste distance avec la personne accueillie n’est pas facile à tenir. Comment réagir face à une mère isolée et son bébé sans hébergement ? Comment nouer des contacts avec les jeunes, et notamment ceux qui sont en forte rupture avec les institutions… sans être vus comme « complices » des jeunes dans le quartier ? Rappelons-nous les emplois-jeunes positionnés sur des postes de médiateurs dans l’espace public et qui, par manque de formation et parfois d’encadrement, se sont retrouvés en situation d’échec tout en jetant les premières bases de ce métier en devenir.
19C’est toute l’importance des principes déontologiques qui se structurent autour de deux axes :
- d’une part, les principes qui garantissent le processus de médiation sociale : le libre consentement et la participation des parties prenantes, l’indépendance du médiateur par rapport aux protagonistes et l’absence de pouvoir institutionnel, la discrétion et la confidentialité ;
- d’autre part, les principes qui garantissent la posture de médiateur social : la position de tiers, l’impartialité et la bonne proximité, la responsabilisation et l’autonomie des personnes en médiation sociale.
Les modalités d’intervention
21L’élément nouveau de cette norme réside sans doute dans la définition des modalités d’intervention des médiateurs sociaux et des différentes phases de mise en œuvre d’une médiation. Jusqu’alors, il était plus fait référence aux activités du médiateur social, liées à son secteur d’intervention (les transports, l’espace public, l’intermédiation culturelle), ce qui pouvait interroger l’unité de la médiation sociale.
22Parler des modalités d’intervention, définir les différentes phases d’une médiation, c’est affirmer que la médiatrice sociale et culturelle met en œuvre les mêmes gestes professionnels que le médiateur dans l’espace public ou dans les transports : organiser les échanges entre les personnes elles-mêmes (individu ou groupe) ou entre les personnes et les institutions ; travailler sur les points de tension ou d’incompréhension qui pourraient évoluer vers des situations conflictuelles ; établir les passerelles nécessaires pour aider, individuellement ou collectivement, les personnes à mieux comprendre et s’approprier leur environnement ; créer les conditions du dialogue entre les habitants et les institutions…
23Toute cette partie de la norme de la médiation sociale fait écho aux propos des participants aux journées régionales organisées par les quatre réseaux afin que leurs adhérents puissent exprimer leurs remarques au fur et à mesure de son élaboration. Ils rappelaient notamment que « le médiateur n’attend pas forcément d’être sollicité pour mener à bien ses missions. Il peut faire la démarche d’aller lui-même en avant des sollicitations tout en veillant au consentement des personnes à entrer dans le processus de médiation » [7]. L’invitation à la médiation est la première phase du processus, étape de mise en confiance des parties prenantes, étape essentielle pour créer les conditions nécessaires à la recherche de solutions acceptables par chacune. Le médiateur « cherche à rétablir une communication entre les différentes parties concernées dans l’optique de faire émerger une solution qui convienne à l’ensemble des personnes » [8].
Après la norme, le choix de la certification
24Une norme n’a d’existence opérationnelle que par les organismes qui la mettent en œuvre parce qu’ils ont demandé à être certifiés. Cette certification, confiée à l’Afnor, atteste que les structures ont des pratiques conformes aux exigences de la norme.
25À cette fin, le référentiel de certification, élaboré par l’ensemble des acteurs de la médiation sociale, reprend toutes les composantes de la norme, les décline en obligations, et liste les éléments de preuve (statuts, contrats de travail, plannings, organigrammes, outils de suivi, etc.) à partir desquels l’auditeur fera son évaluation. L’objectif de la certification n’est pas le « zéro défaut », mais bien de s’assurer de la capacité de la structure à s’améliorer. Elle est ainsi une garantie de qualité pour les partenaires et les commanditaires de la médiation sociale.
26La norme, dernière étape de la reconnaissance du métier de médiateur social ? En tous les cas, une avancée qui atteste de la professionnalisation de la médiation sociale.
Notes
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[1]
LaFédé est le nouveau nom de la Fédération des associations de médiation sociale et culturelle d’Île-de-France, créée en 2011.
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[2]
L’État, des collectivités locales, des réseaux de la médiation sociale, des formateurs de médiateurs sociaux, un centre de ressources pour la politique de la ville, etc.
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[3]
Introduction de la norme médiation sociale, Afnor, 2016.
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[4]
Document de travail d’Afnor normalisation, 24 juin 2015.
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[5]
Idem.
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[6]
CGET : Commissariat général à l’égalité des territoires. SG-CIPD : Secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance.
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[7]
Pour la création d’une Norme Afnor de la médiation sociale. Valorisation des journées régionales d’information et d’échanges, FACE, France Médiation, LaFédé, UNPIMMS, 2016.
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[8]
Idem.