Notes
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Étude sur la prise en compte des établissements scolaires dans les opérations de rénovation urbaine, rapport pour la DIV, décembre 2006, et La place de l’école dans le cadre des projets de rénovation, rapport pour le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, octobre 2009.
1Rénover les murs ne fait pas tout. Certes, mais la requalification des équipements publics, notamment les établissements scolaires, s’inscrit dans une démarche d’ensemble de requalification urbaine et sociale et de renforcement de l’attractivité des territoires de la politique de la ville. Il est surprenant que le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) n’ait pas saisi l’occasion de généraliser cette idée.
2Il faut sans doute imputer cet évitement de la question scolaire à l’ombre portée du « discours » sur la rénovation urbaine, ressenti initialement comme principalement soucieux d’enjeux d’habitat et d’aménagement, entendus au sens étroit, où la problématique des équipements publics n’avait pas sa place, et à la prégnance d’une culture de l’aménagement et de l’urbanisme qui joue en défaveur d’une approche réellement globale et intégrée.
L’école, une question peu abordée mais à forts enjeux
3Si l’on fait un bilan sommaire des projets ayant fait l’objet d’un conventionnement avec l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) dans les trois ou quatre premières années de mise en œuvre du PNRU, pratiquement un projet sur deux était silencieux sur la question scolaire ou du moins ne l’abordait pas comme une composante du projet global, ce qui ne voulait pas nécessairement dire que cette question ne faisait pas l’objet d’un traitement hors du cadre du PNRU.
4Les enjeux autour de la question scolaire sont réels et les pistes explorées par les collectivités qui s’en sont saisies pour penser l’école autrement et articuler politiques de rénovation et politiques éducatives sont des sources d’inspiration fructueuses.
5Même s’il s’agit d’un truisme, il convient de rappeler que les équipements scolaires des quartiers de la rénovation urbaine sont de façon générale de la même génération que le cadre bâti. Mais, indépendamment de la vétusté, dont le constat est visible, beaucoup d’équipements scolaires souffrent d’une conception un peu dépassée n’intégrant parfois pas les services adaptés à la restauration scolaire ou à la fonction de centre de loisirs. En outre, de nombreux établissements se révèlent sur-dimensionnés au regard d’une baisse importante des effectifs. Celle-ci est d’ailleurs bien plus imputable à des effets structurels démographiques de vieillissement des quartiers d’habitat social qu’à des fluctuations d’effectifs résultant du jeu des démolitions/reconstructions ou au phénomène d’évitement scolaire.
6Il faut d’ailleurs avoir à l’esprit que l’évitement scolaire, qu’il procède du jeu des dérogations pour une inscription dans une autre école publique mieux réputée ou de la fuite vers le privé, est un phénomène dont on mesure nettement plus l’impact au niveau du secondaire qu’au niveau du primaire.
7Le découpage actuel des secteurs scolaires ne permet guère la mixité, dans la mesure où ils ont généralement été conçus afin de garantir la proximité de l’école aux habitations des quartiers dont le peuplement ne témoigne pas d’une diversité susceptible de favoriser la mixité sociale.
Penser l’école autrement
8Les interventions sur les équipements scolaires mises en œuvre à l’occasion des projets de rénovation urbaine, au-delà de la nécessité de remédier à un état de vétusté du parc et de répondre aux besoins de gestion des flux engendrés par les démolitions/reconstructions, procèdent de quatre intentions principales conduites séparément ou solidairement.
9La première est le souci de rationalisation de l’offre scolaire. L’intervention sur les équipements scolaires, souvent à l’occasion d’opérations de démolition/reconstruction mais aussi parfois dans le cadre d’opérations de restructuration, est l’occasion de repenser l’organisation de l’offre en privilégiant deux volontés. D’une part, il s’agit de conférer aux établissements une taille à dimension humaine avec des groupes d’environ une quinzaine de classes. Cela marque souvent une rupture avec l’existence des vastes cités scolaires constituant des îlots gigantesques que les flux piétonniers ne pouvaient traverser. D’autre part, de façon générale, est privilégié le rassemblement sur un même site des écoles maternelle et élémentaire, ce qui a des avantages pratiques en ne dispersant pas des fratries entre plusieurs établissements mais ce qui a aussi des vertus pédagogiques en facilitant les passerelles entre maternelle et élémentaire.
10La seconde ambition est l’attractivité au bénéfice de la mixité. La rénovation des équipements scolaires n’est pas une fin en soi mais une étape d’un processus de reconquête de l’attractivité, un temps fort dans la recherche d’une revalorisation qui doit nécessairement s’accompagner de dispositions relatives au projet éducatif global et pas seulement à la qualité nouvelle des locaux.
11On aurait toutefois tort de sous-estimer l’impact de la rénovation des murs. Nous avons ainsi pu faire le constat de « regain des inscriptions scolaires » à l’occasion de la remise en état des équipements.
12Cependant, la rénovation ne suffit pas à elle seule à permettre l’affirmation d’une plus forte mixité sociale. C’est pourquoi plusieurs collectivités ont mis en chantier une redéfinition des périmètres scolaires et repensé la localisation des établissements en cherchant à capter des effectifs extérieurs aux quartiers. À cet égard, il faut noter que les volontés politiques se sont parfois heurtées aux rigidités des périmètres d’éligibilité à la rénovation urbaine. Ainsi, l’idée de « sortir » les écoles du quartier pour favoriser un brassage social avec le quartier voisin où l’école aurait été relocalisée a la plupart du temps été écartée.
13La troisième ambition repose sur la promotion des pôles éducatifs. L’idée qui prévaut autour de la notion de pôle éducatif est celle d’ouvrir l’école sur son environnement et de ne plus en faire un lieu replié sur lui-même. Dans cette optique, ont ainsi vu le jour des pôles où se trouvent rassemblés des équipements scolaires et des équipements s’adressant à des publics autres que les publics scolaires : équipements culturels, sportifs, associatifs, de petite enfance… Outre le brassage géné-rationnel engendré par la conception des pôles éducatifs, la logique de mutualisation a une dimension économique qu’il convient de ne pas négliger. Elle impose toutefois une évolution des pratiques des différents utilisateurs pour accepter des règles de partage.
14La quatrième ambition est sous-tendue par une conception nouvelle de l’école. La rénovation des équipements scolaires a parfois été l’occasion de favoriser une conception plus « actuelle » de l’école. Bien sûr, les écoles rénovées bénéficient d’équipements informatiques ou sportifs adaptés à une pédagogie renouvelée. Mais il faut aussi noter un souci de faire vivre l’école dans une relation nouvelle avec la ville. Ainsi, peut-on relever l’existence dans des écoles rénovées de lieux dédiés à la rencontre entre l’école et les parents ou encore des conceptions originales d’espaces récréatifs avec, par exemple, la présence de « jardins pédagogiques » intégrés à l’école mais bien perceptibles dans le paysage de l’espace public.
15Qu’il s’agisse de cette conception nouvelle des écoles ou de la notion de pôles éducatifs, on devine qu’au-delà des dimensions physiques des projets, ce sont des espaces nouveaux de partenariats qui s’ouvrent entre l’école et la ville.
Articuler politiques de rénovation et politiques éducatives
16Alors que la politique de la ville a favorisé l’émergence de différents dispositifs à visée éducative dédiés aux territoires en difficulté, il serait souhaitable que, dans le cas où la rénovation urbaine concerne des établissements scolaires, une synergie plus forte soit trouvée entre politique de rénovation urbaine et politiques éducatives.
17Cette perspective impose en premier lieu une logique de dépassement des cultures professionnelles, qui reste une quête permanente de la politique de la ville, pour que les acteurs du social et de l’urbain trouvent des espaces de coopération. De ce point de vue, si parfois une certaine qualité a présidé à la concertation entre les acteurs dans la redéfinition des équipements scolaires, il reste des marges de progrès pour que la rénovation des équipements scolaires soit aussi l’occasion de refonder un véritable projet d’école, partagé par une communauté éducative entendue au sens large.
18Ensuite, il est important de prendre en considération le projet éducatif dans sa globalité et de l’inscrire dans la durée. En effet, là où un projet éducatif local a été préalablement pensé, la réflexion sur la conception de la réorganisation de l’offre scolaire s’est trouvée facilitée et celle autour de l’adaptation de la carte scolaire a pu être menée. La logique d’intervention sur les établissements impose une vision territoriale plus large des mécanismes en jeu. La rénovation d’équipements scolaires peut avoir pour effet pervers en en requalifiant certains d’en disqualifier d’autres. Il convient donc que la réflexion intègre une dynamique dépassant le cadre de vision des seuls périmètres opérationnels et permette une prise en considération de logiques de projet dans une temporalité plus longue que celle de la rénovation urbaine stricto sensu. Là est bien l’enjeu d’une véritable recomposition de la carte scolaire, soucieuse d’anticiper un processus de mutation plus large et plus complexe que ce qui est circonscrit aux périmètres limités de rénovation.
19Il convient également de conjuguer rénovation des murs et mobilisation de dispositifs d’excellence. La recherche d’une nouvelle attractivité des écoles par des opérations de rénovation ne peut être attendue de la seule intervention physique, quand bien même l’impact de la rénovation des murs crée un « choc positif ». Mais, alors que la politique de rénovation urbaine est sous-tendue par l’ambition de diversification du peuplement, comment faire que les choix scolaires des nouveaux habitants permettent que la mixité et le brassage social se retrouvent au sein de l’école ? La qualité des locaux, qui est évidemment ce que l’on ressent lors d’un premier contact, joue à l’évidence un rôle mais non exclusif. De ce point de vue, la mobilisation de dispositifs d’excellence permet de donner à l’école une attractivité qui n’est pas lisible dans la qualité de ses murs. Ainsi, le développement des pratiques culturelles ou sportives, en partenariat avec des acteurs gages d’une certaine ambition, ou la mise en place de filières favorisant des apprentissages de langue permettrait un meilleur positionnement des établissements et ferait connaître ces écoles pour la spécificité de leurs avantages, corrigeant parfois l’inconvénient d’une localisation.
Prendre en considération l’ensemble de la chaîne éducative
20Les établissements scolaires objets d’une politique inscrite dans le processus de rénovation urbaine ne sont, à de rares exceptions près, que des équipements de proximité, à savoir des écoles maternelles et élémentaires. Les collèges ont exceptionnellement fait l’objet d’interventions, avec parfois des intentions de conjuguer une politique de rénovation de ces établissements, portée par les départements, avec une politique de rénovation urbaine. Mais, au-delà de la question de la cohérence des calendriers opérationnels, se pose bien évidemment la question de la qualité du projet global.
21Le besoin d’un mouvement d’ensemble, impliquant à la fois les établissements du primaire et ceux du secondaire, est d’autant plus nécessaire que l’on reconnaît que le « maillon faible » au regard de la mixité sociale est surtout le collège. En outre, la qualité des passerelles jetées entre établissements primaires et secondaires est un élément sensible de la réussite des parcours scolaires. De plus, la mobilisation des dispositifs d’excellence produit plus fortement ses effets sur les établissements du secondaire que sur ceux du primaire.
22De nombreuses et bonnes raisons existent pour ne pas considérer la question scolaire sous le seul prisme des établissements du primaire et dans la seule acception physique des interventions. Dans l’hypothèse d’un PNRU2, il serait dommage que l’ambition de transformation ne soit pas plus attentive à la qualité des équipements. Ne pourrait-on pas exiger une « charte » relative à ces équipements comme on a su demander des conventions de gestion urbaine de proximité ou des engagements sur l’insertion ?
Notes
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[1]
Étude sur la prise en compte des établissements scolaires dans les opérations de rénovation urbaine, rapport pour la DIV, décembre 2006, et La place de l’école dans le cadre des projets de rénovation, rapport pour le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, octobre 2009.