1L’heure des premiers bilans d’étape des projets de rénovation urbaine (PRU) est arrivée, plus de sept années après l’engagement des premiers projets conventionnés avec l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Rhône-Alpes concentre 41 quartiers en renouvellement urbain, répartis dans une trentaine de communes (soit la moitié des 80 quartiers potentiellement éligibles à l’ANRU). Troisième région française par le nombre de projets, après l’Île-de-France et le Nord-Pas-de-Calais, la région constitue donc un terrain d’observation privilégié.
2En matière de qualité urbaine, les acquis commencent à être visibles. Ici comme ailleurs, collectivités locales et bailleurs sociaux actent l’énorme effet accélérateur amené par le Programme national de rénovation urbaine, par l’impulsion donnée et le caractère exceptionnel des financements mobilisés.
3Par-delà le volet urbain des projets, la conduite des projets de rénovation urbaine interroge la capacité à faire vivre ensemble, de façon globale et cohérente, un projet social et un projet urbain sur un territoire, lequel projet de développement social préexistait souvent au PRU. Ce nouveau numéro des cahiers du Développement Social Urbain se penche sur cette question. La diversité en Rhône-Alpes invite à la prudence, tant par le profil des territoires concernés, le contenu des projets et leur niveau d’engagement, que par les dynamiques territoriales et les modes opératoires à l’œuvre. Seuls quelques sites sont actuellement en situation de voir le projet urbain s’achever, après plusieurs années d’intervention massive. Dans la grande majorité des cas, le quartier est encore en chantier et le projet en phase intense de mise en œuvre. Cela rend toute généralisation périlleuse.
Faire vivre ensemble le social et l’urbain
4Il nous a toutefois paru intéressant et possible de faire « un arrêt sur image » pour analyser la façon dont les PRU ont pu « faire avec le social » dans les territoires, soit en portant directement des interventions sociales inhérentes à la conduite du projet urbain, et/ou en se combinant à d’autres politiques locales de développement social menées au titre de la politique de la ville ou des politiques de droit commun.
5Nous avons interrogé les acteurs qui témoignent dans ce numéro sur la façon dont le PRU a pu concourir à un projet qui fasse sens, globalement, pour les habitants, et contribue à améliorer leur vie quotidienne. Ce à partir de deux questionnements complémentaires. Le premier porte sur les finalités sociales mêmes des projets de rénovation urbaine. Ce numéro des Cahiers s’est alimenté pour partie des entretiens et visites sur sites, organisés autour des questions suivantes : quel est le projet pour la population ? S’agit-il de l’accompagner dans des trajectoires résidentielles positives ? S’agit-il de lui donner la possibilité de s’inscrire dans une nouvelle dynamique collective ? Le projet social du PRU est-il abordé comme l’ensemble des mesures « sociales » qui soutiennent directement la mise en œuvre du projet urbain ou porte-t-il une ambition plus large ? Comment se jouent les enjeux d’accès à l’éducation, à l’emploi, à la culture dans le PRU ? Et quels sont les premiers effets concrets, après plusieurs années de transformation en profondeur du quartier ?
6Le second questionnement concerne les « modes de faire », la conduite du projet, ou plus concrètement la façon dont l’ensemble des acteurs parties prenantes des projets s’est organisé et mis en mouvement pour travailler au service d’objectifs clairs et partagés. L’une des interrogations majeures a porté sur l’articulation des équipes de rénovation urbaine/politique de la ville, et de leurs actions respectives. Plusieurs exemples soulignent des efforts importants d’intégration des équipes et des actions, permettant de les mettre les unes au service des autres, et recherchant les meilleures complémentarités, ceci au sein des collectivités, comme des organisations de bailleurs. On voit ainsi comment le PRU a pu fournir la matière à une mise en valeur optimale d’actions sociales, collectives ou individuelles. Même si les systèmes de pilotage nationaux, et parfois locaux, n’ont pas toujours facilité les échanges et les coopérations. Même si les différences de métiers et de cultures professionnelles des acteurs du social et de l’urbain restent pour partie à dépasser. Plusieurs exemples montrent combien l’ancrage du projet dans la proximité et dans une relation continue aux habitants est un élément déterminant pour sa bonne conduite.
Des effets leviers de certains dispositifs sociaux…
7Malgré un tropisme initial des PRU vers les actions physiques, l’urbain, l’habitat, qui ont formé des champs d’action dominants, plusieurs dimensions relèvent en propre de l’action sociale et du développement social : le relogement, la GUSP, les clauses d’insertion, les interventions sur les équipements. Dans ces domaines, il est courant de s’interroger d’une part sur la manière plus ou moins stricte, ou « technique », de répondre aux besoins, et de gérer les dispositifs, d’autre part sur les réels « effets leviers » qu’ont pu produire ces dispositifs. Qu’entend-on d’ailleurs par effet levier ?
8C’est tout d’abord une capacité de la dynamique du projet à produire des effets visibles et rapides, parce que massifs et ramassés dans le temps. Ce sont ensuite des effets amplifiés avec une extension géographique possible du champ des actions au-delà des périmètres PRU. La mise à profit de savoir-faire acquis avec les projets de rénovation urbaine, par exemple en matière de relogement, est ici en débat. C’est également une capacité à prolonger les dispositifs au-delà de la durée et des PRU, et à les inscrire durablement dans les organisations institutionnelles. C’est enfin un effet de diffusion dans les politiques locales, au bénéfice de populations en situation de fragilité potentiellement mieux prises en compte : politiques éducatives, politiques de peuplement, d’accès à l’emploi… Ces quatre clés de lecture peuvent commencer à nous guider pour apprécier le parti que l’on peut tirer de la rénovation urbaine en matière de développement social.
… aux finalités des projets de territoire
9Au-delà de dispositifs singuliers, ce numéro des Cahiers interroge les liens entre le projet de rénovation urbaine et les autres politiques locales. Il esquisse les domaines dans lesquels une cohérence « socio-urbaine » peut être lisible, avec des effets potentiels sur les populations, comme dans certains projets d’équipements de quartier, ou en matière d’insertion.
10Et dans d’autres domaines, comme sur la question des équilibres de peuplement et de l’école, la partie ne paraît pas encore gagnée. La mise en forme d’une politique de peuplement globale, au-delà des relogements, est esquissée ici et reste à consolider. La question des échelles territoriales d’intervention se pose alors, le niveau communal étant insuffisant. Quant à l’école, elle apparaît comme le « maillon faible » des PRU, insuffisamment prise en considération dans son rôle de mixité et de mobilité sociale. Enfin, les milieux professionnels de l’action sociale restent encore trop à l’écart des processus de changement.
11D’importants efforts restent à accomplir pour consolider les acquis et donner aux quartiers rénovés une dimension de projet (progrès ?) social, un sens collectif qui soit perceptible par les habitants, au-delà des contours urbanistiques. Cela appelle une manière de penser plus globale, prenant en compte tous les leviers évoqués dans ces pages, et non pas seulement un catalogue d’actions juxtaposées ; une intention politique qui devrait se dégager clairement, comme c’est le cas pour certains sites.
12Souhaitons que ce numéro contribue, à sa mesure, à apporter matière à réflexion pour consolider les dynamiques engagées et pour aborder la gestion des quartiers dits « rénovés ». Car celle-ci va reposer la question, sans doute aucun, des finalités sociales des projets de territoire. Bonne lecture !